Paragraphe 2-
La reconnaissance juridique et l'institutionnalisation de la coopération
décentralisée.
Il est ici question d'aborder la question de la reconnaissance
juridique et l'organisation institutionnelle de la coopération
décentralisée dans l'environnement français et
béninois.
En France, le travail conceptuel et la consécration
politique de la coopération décentralisée sera cadre
juridique performant. La doctrine française en matière de
coopération décentralisée s'est appuyée sur un
cadre constitutionnel et légal. En effet, c'est l'article 72 de la
Constitution Française, qui autorise la capacité juridique des
collectivités territoriales avec leurs homologues
étrangères. Cet article de la Constitution dispose
que : « Les collectivités territoriales
de la République (...), s'administrent librement par des conseils
élus et dans les conditions prévues par la
loi(...)».
Au plan légal et réglementaire, il faut signaler
que la consécration juridique de la coopération
décentralisée découle de l'adoption de la loi du 6
Février 1992 relative à l'administration territoriale. Cette
consécration législative tardive vient combler le flou et les
lacunes du droit positif français d'une époque. La
coopération décentralisée pendant une décennie
évolué dans un contexte d'incertitude et ce sera la loi Jean-
Louis Autin du 6 Février 1992, qui mettra fin à ce qui est
qualifié en terme de coopération décentralisée de
vide juridique. Cette loi met un terme définitif à cette
période d'incertitude et ce vide juridique en levant toute
ambiguïté en reconnaissant clairement la légalité du
phénomène de la coopération décentralisée
et affirmant l'autonomie des collectivités locales.
C'est le titre IV de cette loi qui est consacré
à la coopération décentralisée. Les articles 131
à 155 de ce titre IV, reconnaissent la légalité de la
coopération décentralisée et encouragent la promotion de
cette pratique. Le premier effet de cette loi du 6 Février 1992, a
été la consécration officielle sur le plan politique et
juridique du phénomène de la coopération
décentralisée. Désormais, le droit des
collectivités françaises de contracter à l'étranger
est explicitement reconnu par l'article 131-1 alinéa 1 de cette loi qui
dispose : « Les collectivités et leurs
groupements peuvent conclure des conventions avec des collectivités
territoriales étrangères et leurs groupements dans les limites de
leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de
la France ». Cet article 131-1 alinéa 1
recommande aux collectivités le recours aux conventions dans le cadre
d'une relation de coopération décentralisée. Cette
convention selon la loi doit être autorisée par
délibération de l'organe délibérant et signé
par l'organe exécutif. Elle devient exécutoire après avoir
fait l'objet des procédures de publicité et de transmission au
représentant de l'État, dans le cadre du contrôle de
légalité de droit commun.
La loi du 6 Février 1992 autorisant les
collectivités territoriales et leurs groupements à conclure des
conventions de coopération décentralisée, désigne
comme seules autorités compétentes les communes, les
départements, les régions, les collectivités territoriales
des départements d'outre-mer et les établissements publics de
coopération intercommunale, tels les communautés urbaines, les
districts, les syndicats de communes, communautés de communes,
communautés d'agglomération ainsi que les ententes
départementales ou régionales dotées de la
personnalité morale et les syndicats mixtes. Les articles 132 et 133
autorisent respectivement et sous certaines conditions le recours aux
sociétés d'économie mixte (SEM) locales et à des
groupements d'intérêt public (GIP) dans le cadre d'action de
coopération décentralisée. Les collectivités
peuvent dans le cas de cette convention de coopération agir en tant
qu'opérateurs ou maîtres d'oeuvre et s'associer avec d'autres
organisations notamment communautaire ou mondiale pour exécuter et
conduire des projets précis de coopération ainsi que les
opérations de jumelage. La loi prévoit qu'en cas de
délégation, la collectivité ou le groupement demeure le
seul responsable de l'exécution de la convention de la
coopération décentralisée.
En ce qui concerne les partenaires, la loi n'autorise les que
les relations de coopération avec les collectivités
étrangères, autorités ou organismes exerçant des
compétences sur un territoire infra-étatique. C'est cette
disposition de la loi qui a sans doute permis à la commune de Rillieux
la Pape à s'engager en partenariat avec Natitingou qui à
l'époque avec un statut de territoire administré par un
représentant de l'État et non collectivité locale
décentralisée. Une petite nuance mérite d'être
soulignée dans l'encadrement juridique de la coopération
décentralisée en France. La loi n'exclut pas l'existence de
relations de partenariat ou de coopération décentralisée
sans une convention légale. Ainsi des collectivités peuvent se
mettre en relations sans signature d'une convention ou protocole d'accord de
partenariat. Mais l'idéal pour ces collectivités, est de se
conformer aux exigences juridiques pour bénéficier du soutien
financier et diplomatique de l'État. Deux nouvelles lois vont
compléter le cadre juridique de la coopération en France. Il
s'agit de la loi Oudin du 10 Février 2005 permettant aux
collectivités, aux syndicats mixtes chargés de services publics
d'eau potable et d'assainissement ainsi qu'aux agences de l'eau d'affecter
jusqu'à 1% de leur budget à des actions de solidarité
internationale- de coopération décentralisée- dans le
domaine de l'eau et d'assainissement. La loi Thiollière adoptée
le 27 Janvier 2007, quant à elle habilite notamment les
collectivités territoriales à intervenir en dehors des limites de
leurs compétences traditionnelles. Cette loi leur permet
désormais si l'urgence se justifie, de mettre en oeuvre ou financer des
actions à caractère humanitaire. Voilà qui élargit
le champ de la coopération décentralisée qui comprend non
seulement les actions traditionnelles d'aide au développement dans les
pays pauvres, les actions internationales de solidarité mais aussi les
actions humanitaires en cas de catastrophes naturelles.
La consécration juridique de la coopération
décentralisée qui est avant tout une modalité d'exercice
des compétences des collectivités locales, s'accompagne de son
encadrement institutionnel. À cet effet, l'État reste le garant
de légalité des actions menées par les
collectivités territoriales. C'est lui qui veille au respect des
collectivités des engagements de l'État. Cette
légalité est assurée en France par les préfets et
sous-préfets en vue de sauvegarder la cohérence juridique du
dispositif national. La Direction Générale des
Collectivités Locales (DGCL) au Ministère de l'Intérieur,
le Secrétariat d'État à l'Outre-mer, et la Direction des
Affaires Juridiques du Ministère des Affaires Étrangères
sont fortement impliqués dans l'institutionnalisation de la
coopération décentralisée notamment la gestion du cadre
juridique, de son interprétation et son évolution. L'autre
grande innovation française en matière d'organisation
institutionnel est la création d'une Commission Nationale de la
Coopération Décentralisée (CNCD). Créée par
les articles 132 et 133 de la loi du 6 Février 1992, cette commission a
pour mission d'établir et de tenir à jour, un état de la
coopération décentralisée menée par les
collectivités territoriales et est habilitée à formuler
des propositions ou recommandations visant à la renforcer. Placée
sous tutelle du Premier Ministre qui en assure la présidence ou en son
absence par un ministre que ce dernier a désigné pour le
remplacer, la Commission Nationale de la Coopération
Décentralisée, est composée de 64 membres répartis
par moitié entre représentants de l'État et des
élus territoriaux. Espace idéal d'échange et de dialogue
entre ces deux acteurs évoqués plus haut, les travaux de la
commission portent en grande majorité sur l'amélioration de la
connaissance statistique et financière mais aussi de l'état des
lieux des relations des collectivités territoriales à
l'étranger. Elle informe, évalue et renforce la
sécurité juridique.
La consécration juridique et l'encadrement
institutionnel de la coopération décentralisée au
Bénin, ont été conduits suivant les mêmes
procédés à la différence que le travail lié
à la conceptualisation n'a pas été abordé par le
Bénin. Le pays a incorporé ce terme dans son droit et son
vocabulaire.
Tout comme la France, la Constitution béninoise du 11
Décembre 1990 ayant mis en exergue le retour à la
démocratie, a consacré son titre X aux collectivités
territoriales. L'article 151 de cette constitution dispose comme la France
que : « Les collectivités territoriales
s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions
prévues par la loi ». L'article 153 de la constitution dispose
que « L'État veille au développement harmonieux de
toutes les collectivités territoriales sur la base de la
solidarité nationale, des potentialités régionales et de
l'équilibre inter-régional ».
Mais ce sont les cinq lois de la décentralisation qui
constitueront le support juridique de la coopération
décentralisée au Bénin. Deux de ces cinq lois concernent
essentiellement la coopération décentralisée. Il s'agit
des lois N° 97-029 et N° 98-007 du 15 Janvier 1999, portant
respectivement organisation des communes en République du Bénin
et régime financier des Communes en Républiques du
Bénin ; qui traduisent les principes fondamentaux de la
décentralisation et par ricochet de la coopération
décentralisée. L'un de ces principes affirme que la
coopération décentralisée doit s'organiser dans le strict
respect de la souveraineté de l'État. L'État soutient la
coopération décentralisée mais veut en assurer le
contrôle juridique par la simple information au ministère de
tutelle. Juridiquement, au Bénin la coopération
décentralisée doit se conformer au principe du respect des
engagements de l'État, de la nécessité de son
intérêt pour le développement de la collectivité
concernée et pour la population et enfin d'un intérêt
commun pour les partenaires.
Sur le plan institutionnel, il a été crée
un Ministère de la Décentralisée et des
collectivités locales et une Commission Nationale de la
Coopération Décentralisée qui doit jouer les mêmes
rôles que la commission Française. À l'instar de la
France, la République du Bénin consacre politiquement et
juridiquement la coopération décentralisée dans son droit
et l'institutionnalise avec la création de structures au service de son
développement. Ces structures sont entre autres le Ministère des
Affaires Étrangères, de l'Intégration Africaine, de la
Francophonie et des Béninois de l'Extérieur, du Ministère
de la décentralisation, des collectivités locales et de
l'aménagement du territoire, la Commission Nationale de la
Coopération Décentralisée et de la Mission des
collectivités locales. Toutes ces structures ont en charge les questions
de coopération décentralisée. La coopération
décentralisée au-delà de sa consécration juridique
et de son institutionnalisation dans les environnements politiques
français et béninois revêt un important enjeu pour les
collectivités engagées dans un partenariat. C'est ce que nous
tenterons d'analyser dans la deuxième section de ce chapitre.
|