Chapitre II-
L'analyse de la coopération Rillieux-la-Pape-Natitingou
Ce chapitre dresse une analyse du partenariat entre les deux
communes (Section 1), tout en essayant de faire des propositions, suggestions
et recommandations aux différents acteurs impliqués dans ce
partenariat pour le rendre durable, efficace et profitables aux deux
collectivités (Section2).
Section 1- La
coopération entre Rillieux-la-Pape-Natitingou en question
Cette section passe au peigne fin le partenariat entre les
deux collectivités et se veut avant tout une analyse des enjeux et des
stratégies des acteurs individuels et institutionnels dans le projet de
solidarité internationale. Elle essaie d'amorcer une conception d'une
bonne coopération décentralisée.
Paragraphe 1-
Une analyse critique et objective du partenariat Rillieux-Natitingou
Il s'agit de mettre en évidence dans ce paragraphe, les
bonnes actions et les paradoxes de la relation qui lie les deux
collectivités partenaires à la lumière de l'analyse des
actions déployées sur le terrain et la méthode
adoptée pour la réalisation de ces actions.
Mais avant toute analyse, il importe de rappeler que la
coopération entre Rillieux et Natitingou a été
initié en 1995 et a démarré officiellement en 1998 avec la
signature d'un premier accord de partenariat. C'est une coopération
déjà ancienne que les deux territoires ont bien voulu inscrire
dans leurs différents programmes. Au départ, les relations entre
les deux communes s'inscrivaient dans un cadre de solidarité
internationale avec une inégalité de statut car l'une
était une collectivité gérée par des élus
tandis que l'autre est sous administration d'un pouvoir central. Après
les premières élections municipales de 2002 au Bénin, les
relations entre les deux communes vont connaître une évolution et
vont s'inscrire dans un contexte exclusivement de décentralisation
fondée sur les rapports de territoire à territoire. C'est alors
que naît l'idée d'une coopération
décentralisée entre les deux collectivités. Aujourd'hui,
cette exclusivité se trouve renforcée et les deux
collectivités sont très fortement mues et engagées en
faveur de l'idée d'une coopération plus juste et
équilibrée. Cette approche d'une logique de relations entre
partenaires du même niveau, ayant le même statut juridique,
s'articule autour de trois principes fondamentaux que sont
l'égalité, la réciprocité et la connaissance
mutuelle. C'est sur la base de ces trois principes que les deux partenaires ont
conçu et structuré leurs relations. Les deux collectivités
ont ainsi donc su tisser sur la base de d'égalité, de
réciprocité et de connaissance mutuelle une coopération
exemplaire, qui répond aux enjeux de développement au Sud et de
solidarité au Nord. La coopération entre les deux
collectivités s'est développée selon trois axes en
reprenant ainsi les principes du développement durable visant à
agir en même temps sur les aspects environnemental, humain et
économique.
Au plan humain, nous constatons que, la coopération
accompagne le processus de décentralisation en assurant la formation et
la qualification du personnel de la mairie de Natitingou. Elle a initié
un projet de formation des cadres de la mairie et des artisans notamment des
tisserands de la commune.
Au plan économique, le projet de construction du centre
de tissage vise le développement économique de la commune par une
plus value apportée aux techniques de fabrique des tissus
traditionnels.
Le volet environnemental verra se développer
l'important projet « Natitingou-Ville Propre », qui est un
projet de gestion et de traitement des ordures ménagères et des
déchets solides de la commune de Natitingou. L'objectif de ce projet est
d'être une innovation, en ce sens qu'il promeut non seulement une
pratique alternative peu coûteuse de gestion des ordures grâce
à l'évacuation de ces ordures par charrettes et à traction
asine, mais aussi une opération pilote de gestion des ordures
adaptée à cette région du nord Bénin. Afin de
renforcer la dimension culturelle des relations entre les deux
collectivités, la coopération s'appuie sur un jumelage entre les
deux villes, jumelage caractérisé par des actions
d'échanges culturels, sportifs et de connaissance mutuelle entre les
deux cultures.
La coopération entre les deux communes a permis la
réalisation d'importantes actions de développement. Ce qui nous
laisse dire que la relation entre les deux collectivités, est une
coopération au service des échanges nord-sud, de l'aide au
développement et surtout de l'éducation au développement.
De la solidarité, cette coopération aboutira à une
véritable relation de développement local à
Natitingou.
Cependant, l'étude de cette coopération
révèle des insuffisances graves qui ne sont pas de nature
à considérer les deux partenaires comme égaux. En effet,
la coopération se base sur des projets et un fonctionnement flous. En
matière de fonctionnement par exemple, il est à
déploré l'absence de dispositifs et de règles de mise en
oeuvre des actions retenues avec des objectifs clairement identifiés.
Nous constatons l'absence d'une méthode d'action permettant de
construire et de mettre en oeuvre les projets de la coopération. On note
également un dysfonctionnement entre les diverses structures de mise en
oeuvre. Par exemple, on remarque dans le cadre de l'exécution des
projets, que certaines personnes déléguées
préfèrent assurer le contrôle des projets et se donnent la
liberté de choisir des acteurs sans concertation aucune avec la mairie
de Natitingou. Ce phénomène a été amplifié
pendant la période de crise au sein du conseil communal de Natitingou,
marquée par des destitutions ou menaces de destitution du Maire de la
commune. Pendant cette période et bien avant, on remarquait que la
mairie restait cantonnée dans une fonction minimale, à savoir
celle d'un territoire réceptacle sur lequel se développent ou
s'expérimentent des actions de coopération. De plus, les
relations entre la mairie et le comité de jumelage de Rillieux-la-Pape,
chargé de la mise en oeuvre de la coopération manquait de
clarté et de respect mutuel. Les populations de Natitingou sont mises
en retrait. Le comité de jumelage est devenu une vraie chasse
gardée de certains membres qui ont la main sur les projets, les choix
des acteurs à les mettre en oeuvre. On est simplement dans une situation
d'activisme plein certes de bonne volonté, mais très brouillon,
qui entache la coopération entre les deux communes. Les actions sont
largement préconçues de manière impressionnante et
exécutées dans un esprit de domination et d'imposition. La
coopération entre dans une phase de dérive et fondée sur
une structuration hiérarchique de haut vers le bas sans aucune
complémentarité.
Concernant les projets proprement dits, il importe de signaler
qu'ils privilégient des approches différentes. Par exemple, le
projet de gestion et de traitement des déchets n'est pas traité
de façon inclusive dans un projet d'assainissement. Le lancement de ce
projet n'est pas accompagné d'un plan d'assainissement de la commune et
pour nous s'inscrit juste donc dans une logique d'action temporelle,
éphémère, non durable dans le temps et sans grands enjeux
de développement. Le projet a manqué également de faire
appel au tissu associatif local et à l'implication des populations
bénéficiaires dans cette formidable démarche pourtant
axée sur une solution alternative à moindre coût, pouvant
garantissant un cadre de vie et de santé dignes et vivables.
L'implication des populations ou de la société civile pourrait
être une garantie de la gestion des équipements, du système
de collecte et de traitement des déchets. Elle pourrait aussi susciter
la participation financière des habitants, leur apport en
matériel ou en main d'oeuvre locale.
Par ailleurs, le projet a développé une approche
comme nous l'avions précisé plus haut, tout à fait
particulière, centrée sur le contrôle des actions par une
seule personne du comité de jumelage de Rillieux-la-Pape, parfois non
mandatée aux dépens d'une étroite collaboration ou
relation entre la commune, ses habitants et les partenaires du nord. Une telle
manière de faire freine le développement des actions de la
coopération et ne traduit pas les objectifs de la coopération,
qui sont d'éduquer au développement et d'améliorer le
cadre de vie et les conditions de vie des populations de Natitingou. L'enjeu de
responsabilisation des acteurs locaux notamment des élus qui devrait
permettre à terme, de garantir une certaine autonomie communautaire est
loin d'être un but poursuivi par la coopération. La
coopération pour finir manque d'une bonne coordination entre projets et
les acteurs sensés contribuer à son développement et
à sa pérennisation. Cette situation a provoqué, nourri et
entretenu des tensions entre les personnes ou les différents acteurs aux
intérêts et stratégies divergents. La coopération
entre les deux collectivités, ne répond pas en gros au sens du
partenariat respect mutuel, d'égalité des parties, de
réciprocité, de co-construction, de participation et de
co-décision. Il n'y a pas une démarche claire connue et
acceptée par les deux parties dans la construction des projets encore
moins dans leur mise en oeuvre.
Dans ces conditions, la coopération ne peut-être
guère efficace. Et c'est justement ce que nous enseignent les dix ans de
partenariat entre Rillieux et Natitingou. C'est à une coopération
détournée à des fins personnelles aux
intérêts égoïstes, que nous remarquons dans notre
analyse. C'est une coopération qui a manqué de développer
une stratégie de dynamique de développement de la commune. Elle
brille également par l'absence de mécanismes de participation
communautaire, d'une crédibilité de la commune aux yeux des
natayais. Ce qui ouvre la voie à toutes les dérives notamment les
détournements de fonds et l'espérance de pouvoir s'enrichir sur
le dos des populations par certains habitants de la commune. Cette situation
n'est pas du tout confortable et jette le discrédit sur l'engagement de
Rillieux en ce sens que les populations sont dans une position
d'assistées perpétuelles au lieu de prendre en main le
développement de leur territoire. La responsabilité d'une telle
situation se trouve donc partagée par les uns et les autres
c'est-à-dire par les deux partenaires qui sont coupables de la mauvaise
marche de cette coopération.
Après cette analyse montrant les problèmes
d'appropriation des relations entre les deux collectivités, nous
tenterons une petite théorie d'une bonne coopération
décentralisée, durable, pérenne, dynamique, efficace et
efficiente.
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