La politique étrangère des Etats Unis d'Amérique vis-à -vis de la République Démocratique du Congo: de 1990 à 2006( Télécharger le fichier original )par Mahatma Julien Tazi K. Tien-a-be Université de Kinshasa - Diplome d'Etudes Supérieures en Relations Internationales 2009 |
§4. La théorie du chaos constructeurLa politique étrangère américaine est grandement fonction, pour sa formulation, des idées forces et doctrines philosophiques. C'est que les USA n'interviennent pas au monde pour rien. Toutes leurs interventions sont grandement mûries scientifiquement et l'application de ces doctrines et pensées constitue la base séculière de la politique étrangère. Parmi ces doctrines et théories, il y a bien la théorie du chaos constructeur. En effet, cette théorie est l'adaptation de la pensée du philosophe Leo Strauss qui développe l'idée selon laquelle le peuple est divisé en « nombreux communs » (« vulgar-many ») et « peu de sages » (« wise-few »). Les sages ont pour tâche de maintenir l'ordre et, pour atteindre leur but, peuvent user de « nobles mensonges » (« noble lies »). Si les « nombreux communs » sont laissés à l'individualisme, au libéralisme et au relativisme, il ne peut en résulter que le chaos. Un mythe inventé par les dirigeants servira à contrôler le peuple. En inventant ou en entretenant une « guerre perpétuelle », le peuple pourra être mené pour son propre bien (179(*)). Cette théorie a été reprise par les néo conservateurs américains, Selon qui le vrai pouvoir ne s'exerce pas dans l'immobilisme, mais au contraire par la destruction de toute forme de résistance. C'est en plongeant les masses dans le chaos que les élites peuvent aspirer à la stabilité de leur position. (180(*)). Les théoriciens du chaos constructeur pensent qu'il est nécessaire de créer l'instabilité, le chaos sur le cendre duquel naîtra l'ordre, la stabilité et les structures étatiques viables afin d'exploiter les richesses naturelles de leur sous sol. En claire, l'objectif du chaos est d'imposer un nouvel ordre dans une région riche et instable. L'une des applications de cette théorie a été faite lors de l'offensive Israélienne contre le Liban. En effet, Vu de Washington, ce qui s'est passé au Liban n'a aucun rapport avec la récupération de soldats capturés par le Hezbollah. Ce dont il s'agit, c'est de la mise en pratique de la théorie longuement mûrie du « chaos constructeur ». (181(*)). Pour les théoriciens du chaos constructeur, c'est après la violence et le chaos que les américains peuvent créer des États à souveraineté négative afin d'exploiter leur sol et sous sol sans grande résistance. Il est important de savoir que pour apporter le chaos, les américains passent toujours par un bras séculier dans la Sous Région, un type d'État pivot. Dans le cas du Liban, c'est bien l'État d'Israël qui a joué ce rôle. Ainsi, la volonté israélienne de démanteler le Liban, d'y créer un mini État chrétien et d'annexer une partie de son territoire n'est pas nouvelle. Elle fut énoncée, en 1957, par David Ben Gourion, dans une célèbre lettre publiée en annexe de ses mémoires posthumes. Surtout, elle fut insérée dans un vaste projet de colonisation du Proche-Orient qui fut rédigé en 1996 sous le titre : Une rupture propre : une nouvelle stratégie pour sécuriser le royaume d'Israël] (182(*)). L'objectif américain dans le moyen orient était donc simple : Le contrôle des zones appelées « l'arc de crise ». Cette Région est riche en hydrocarbure. Elle porte sur l'arc rejoignant le Golfe de Guinée à la mer Caspienne, en passant par le Golfe persique. Pour y arriver, l'impératif américain est d'imposer une redéfinition des frontières, des États et des régimes politiques. il s'agit bien d' un remodelage du Grand Moyen-Orient. «L'idée est simple : substituer aux États hérités de l'effondrement de l'Empire ottoman des entités plus petites à caractère mono ethniques, et neutraliser ces mini États en les dressant en permanence les uns contre les autres. En d'autres termes, il s'agit de revenir sur les Accords conclus secrètement, en 1916, par les empires français et britanniques, dit Accords Sykes-Picot et de consacrer la domination désormais totale des Anglo-Saxons sur la région. » (183(*)) Mais pour définir de nouveaux États, encore faut-il détruire ceux qui existent. Une si belle question peut à ce stade nous être posée. En quoi cette théorie menacerait-elle la RDC. La vision néo conservatrice ne s'est pas limitée à la seule Sous Région du moyen orient. Elle s'est étendue à d'autres, notamment à l'Afrique. Pour la même pratique, les USA ont longtemps fait passer le discours selon lequel la RDC est un pays qui faillit. Ce pays riche en matière première de base ne peut pas être laissé pour compte. Comme le Soudan, les USA ont instrumentalisé le Rwanda et l'Ouganda afin de créer le chaos sur lequel serait basée la balkanisation de la RDC. C'est de cette manière là que cette théorie menace la RDC. Sans changement de vision de politique étrangère, la RDC n'est qu'un puzzle dans le maillon qui doit être rattaché. * 179COREY, R., La peur, histoire d'une idée politique, Armand Colin, 2006, p. 127 * 180 LÉGARÉ -TREMBLAY, J.-F., L'Idéologie néo-conservatrice et la politique étrangère sous George W. Bush, éd. Études stratégiques et diplomatiques, Montréal, 2005, p154 * 181Special Briefing on Travel to the Middle East and Europe, Département d'État, 21 juillet 2006. * 182 BREAK ,C., : A New Strategy for Securing the Realm, IASPS, 8 juillet 1996, p.42 * 183Ce traité secret fut signé le 16 mai 1916 par Sir Mark Sykes et François Georges-Picot, pour le Royaume-Uni et la France, puis approuvés par l'Italie et la Russie. |
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