DISCUSSION
Notre travail est une étude prospective, descriptive et
analytique, qui a porté sur 200 patients atteints par le VIH/SIDA. Les
patients ont été colligés conformément aux
critères d'inclusion, de Janvier 2004 à Août 2005, dans le
service des Maladies Infectieuses de l'Hôpital du Point
« G » (HPG). Notre but était de décrire les
anomalies de l'hémogramme chez les patients hospitalisés
infectés par le VIH
1. LIMITES ET DIFFICULTES
Elles ont été essentiellement :
§ La limitation du plateau technique
§ La non réalisation d'un hémogramme
complet chez certains de nos patients
§ Le non dosage du taux de CD4 chez certains de nos
patients.
§ Les patients hospitalisés étaient tous au
stade SIDA déclaré.
§ Le lieu d'étude, excluant les patients atteints
de VIH/SIDA hospitalisés dans les autres services
2. DONNEES SOCIO - DEMOGRAPHIQUES
2.1 Sexe
55 % des patients de notre effectif étaient des hommes.
Par contre selon l'EDSM-III,2001 ; on note une prédominance
féminine ; soit 66 %. Selon ONUSIDA 2004 [4], les femmes
représentent 50 % de toutes les personnes vivant avec le VIH dans le
monde et 57 % en Afrique Subsaharienne.
2.2 Age
L'âge moyen de patients était de 37,65 #177; 8,91
ans. Les extrêmes étaient 16 et 57 ans.
Deux tranches d'âge étaient presque
également représentées :
- La tranche 36 - 45 ans, avec 39 % des cas (n=78)
- La tranche 26 - 35 ans, avec 36,5 % des cas (n=73)
75,5 % de nos patients avaient donc entre 26 et 45 ans. C'est
la tranche d'âge la plus active au Mali. Ceci nous permet de noter que le
VIH/SIDA est avant tout un problème des jeunes et des jeunes
adultes ; donc sexuellement actifs.
Notre âge moyen est presque égal à celui
de DIALLO et al. au Mali [77] qui trouve 36,08 #177; 8,80 ans.
2.3 Ethnie
Les Bambaras représentaient 66 % (n=132) de notre
échantillon, suivis par les Peuls (11,5 %) et les Malinkés (5
%).
Ceci s'explique aisément par le fait que les Bambaras
sont l'ethnie majoritaire à Bamako et dans la population
générale.
2.4 Statut matrimonial
66 % de nos patients étaient mariés. Ceci se
comprendrait par l'âge moyen de nos patients. 15 étaient
célibataires ,7 étaient divorcés et 12 étaient
veufs.
Ce fort taux de personnes mariées, implique un risque
évident de contamination du conjoint.
2.5 Lieu de résidence
Seuls 5,5 % des patients hospitalisés vivaient en
dehors de Bamako ; la grande majorité (92,5 %) résidant sur
place. Les patients n'ont en général pas assez de moyens
financiers pour quitter la périphérie de Bamako et venir
consulter ; il est alors plus facile pour un habitant de Bamako, et plus
difficile pour celui qui réside hors de Bamako, de consulter au SMIT
2.6 Profession
69 femmes de notre échantillon étaient
ménagères soit 34,5 % de tous les patients. Les femmes
étaient à 76,66 % des ménagères. Ceci explique leur
situation financière si fragile.
Les hommes étaient le plus souvent Commerçants
(29 % des hommes) ou fonctionnaires (21,8 % des hommes) La profession
exercée, augure bien de la différence financière entre
hommes et femmes ; car être femme au foyer est bien moins rentable
qu'être commerçante.
3. CLINIQUE
Signes fonctionnels
L'altération de l'état général
(asthénie, anorexie, amaigrissement), la toux et la fièvre ont
été les trois principaux motifs de consultation de nos
patients ; avec respectivement 42,5 % (n=85) ; 41,5 % (n=83) et 31,5
% (n=63).
33,5% de nos patients ont consulté au moins pour un
symptôme entrant dans le cadre d'un syndrome anémique.
TCHEUFFA [104] retrouve les mêmes
signes.
profil physique
§ Poids, taille
Le poids moyen de nos patients était de 44,48 kg, pour
une taille moyenne de 170 cm. Ce qui donne un IMC (Indice de Masse Corporelle)=
15,39 (pour une normale comprise entre 18,5 et 24,9 kg/m2.
Les sujets étaient donc très maigres dans
l'ensemble, il n'est donc pas étonnant que l'asthénie soit l'un
des motifs de consultation le plus fréquent.
Température
61,5% de nos patients étaient fébriles, seuls
38,5% étaient apyrétiques. L'immunodépression diminuant le
statut immunitaire des patients, ces derniers sont sujets à faire des
infections bactériennes, qui en partie pourraient expliquer la
fièvre.
L'indice de Karnofski
Cet indice nous a permis d'évaluer l'état
général de nos patients. Cet indice a été
évalué chez 153 de nos patients, parmi lesquels 67,97% avaient un
indice inférieur ou égal à 60%.
Seuls 3 patients avaient un indice de Karnofski
supérieur ou égal à 90%.
Nos patients avaient ainsi un état
général altéré et n'étaient pas en mesure,
pour 104 d'entre eux, d'assurer les gestes quotidiens
élémentaires tels que se doucher, boire ou manger tout seul, se
vêtir, etc.....
3.5 Classification CDC ( Control Disease
Center) 1993
100 % de nos patients étaient au stade C.
Le taux de CD4 n'ayant été fait que chez 94 de
nos patients, on a donc pu les classer en stade C1, ou C3. Ainsi, aucun sujet
n'était classé au stade C1 ; par ailleurs 5,31% (n=5)
étaient au stade ; 94,68% (n= 89) étaient classés
C3.
On note ainsi que tous les patients hospitalisés
étaient au stade SIDA, avec un taux de CD4 < 350 /mm3.
DIALLO et al. [77], qui retrouve dans sa
série : 1,5% des sujets au stade A ; 36,8% au stade B et 61,65
% au stade C
3.6 Classification OMS
· Stade II
Deux patients, soit 1,0% ont été classés
au stade II. La pathologie permettant de classer ces patients était la
Tuberculose pulmonaire.
· Stade III
30% (n=60) de nos patients étaient classé
à ce stade. Les éléments ayant permis de les classer
sont :
-Perte de poids supérieure à 10% : 5
patients
- Diarrhée chronique : 5 patients
-Fièvre prolongée : 1 patients
- Candidose buccale : 3 patients
-Tuberculose pulmonaire : 12 patients
- Pneumopathies : 4
· Stade IV
69% (n=138) de nos patients étaient classé
à ce stade. Les éléments ayant permis de les classer ont
été :
- Syndrome cachectisant du VIH : 42 patients
- Pneumocystose : 3 patients
- Toxoplasmose cérébrale : 18 patients
-Coccidioses digestives Chroniques : 11 patients
- Candidose oesophagienne : 3 patients
- Tuberculose extrapulmonaire : 44 patients
-Maladie de Kaposi : 7 patients
La tuberculose extrapulmonaire et le syndrome cachectisant du
VIH sont les deux principaux éléments qui ont permis de classer
43 % de nos patients au Stade IV de l'OMS.
4. TAUX DE LYMPHOCYTES CD4 et TYPE DE
VIH
4.1 Le taux de CD4.
Le dosage des lymphocytes T CD4+ a été
effectué chez 94 patients, 106 n'ayant pas été
effectué soit parce que en un moment donné de l'année, le
cytomètre de flux Facs count était hors d'usage, soit parce que
les patients décédaient dans un délai très bref, ne
permettant pas d'effectuer le dosage.
Ainsi, chez les patients ayant un taux de CD4, on a obtenu les
résultats suivants :
- 94,68 % d'entre eux avaient un taux de CD4 <
200/mm3
- Seulement 5,32 % avaient un taux de CD4 compris entre 200 -
350 /mm3
- Par contre, aucun de nos patients n'avaient un taux de CD4
> 350 /mm3.
La moyenne du taux de CD4 était de 53,07 #177; 63,18
/mm3 ; avec un minimum de 1,00/ mm3 et un taux
maximum à 294/ mm3.
PATWARDHAN [80] en Inde rapporte que 50 % de
ces patients ont un taux de CD4 < 200 /mm3, et note une moyenne
de 92 /mm3.
4.2 Le type de VIH
94% (n=188) patients étaient du type I, 1 % du type II
et 5 % du type I et II.
DIALLO et al. [77] dans leur série
trouvent une grande prévalence du type 1 de l'ordre de 90,97 %, suivi du
type 2 : 5,3% et enfin le type 1 et 2 représentait : 3,7%
Le VIH 1 est le type le plus répandu dans le
monde ; c'est également le type le plus fréquemment
rencontré au Mali.
5. HEMOGRAMME
5.1 L'anémie
5.1.1 Fréquence.
Au cours de notre étude, l'anémie a
été retrouvée chez 191, soit 95,5% des cas de notre
échantillon Cette fréquence élevée est
rapportée à degré variable par différents
auteurs.
MALYANGU et al. [10] au Zimbabwe obtiennent
un résultat superposable au notre ; soit 95,2 %.
DIALLO et al. [77] retrouvent une
prévalence de 78,9 %.
COSBY et al. [9] aux USA retrouvent une
prévalence de 85 % ; PATTON [90] quant à
lui retrouve une prévalence de 51%.
Enfin DURAND [81] en France semble concilier
tous ces écarts en notant que la prévalence de l'anémie
varie entre 75 à 95 % chez les patients au stade SIDA
déclaré.
Tous ces auteurs s'accordent à dire que l'anémie
est l'anomalie la plus fréquemment rencontrée. Cette
prévalence élevée, peut être due au fait que les
causes de l'anémie sont nombreuses et multifactorielles ; partant
des thérapies anémiantes aux pathologies associées
couramment rencontrées chez les immunodéprimés.
5.1.2 Taux moyen en hémoglobine
Au cours de notre étude, le taux moyen de
l'hémoglobine était de 7,20 #177; 2,34g/dl ; avec un minimum
de 2,20 g/dl et un maximum de 14,30 g/dl.
PATWARDHAN [80], trouve une moyenne de 8,1
g/dl.
SULLIVAN [79] aux USA retrouve un taux moyen
de 12,4 g/dl chez l'homme et 11,6 g/dl chez la femme.
5.1.3 Facteurs associés
- Les pathologies associées étaient : Le
paludisme (36,5%) ; la Tuberculose (28%) ; les pneumopathies
bactériennes (12%) ; les coccidioses digestives (10,5%)
- Les thérapies anémiantes utilisées
étaient : Sulfaméthoxazole-Triméthoprime :
administré chez 89 patients soit 44,5%. L'amphotéricine B :
administré chez 56 patients soit 26%. Ganciclovir :
administrée chez 10 patients, soit 5%
KELTY [78] au USA ; DIALLO
[77] et NOUMSSI [6] au Mali rapportent les
mêmes facteurs de risques médicamenteux.
· Chez 4,5 % des patients n'ayant pas
d'anémie, les caractéristiques étaient les
suivantes : - Taux moyen d'hémoglobine : 13#177; 1,1 g/dl
- Anomalies :
Monocytopénie (22,22 %), lymphopénie (11,11 %),
hyperéosinophilie (11,11 %).
- Evolution :
Décès (44%), Aggravation (33,33%), Stationnaire (22,22%).
On constate que les patients non anémiés,
n'ont pas plus de chance de survie que les sujets anémiés. Par
contre en l'absence d'anémie, il n'existe presque pas de perturbations
de l'hémogramme : la thrombopénie et la neutropénie
sont totalement absentes.
5.1.4 Type de l'anémie
Le type le plus fréquent était l'anémie
microcytaire hypochrome (36 %). Ensuite suivaient : l'anémie
normocytaire normochrome (31 %) ; l'anémie microcytaire normochrome
(19 %) ; l'anémie macrocytaire normochrome (2%) ;
l'anémie macrocytaire hypochrome (1%) et l'anémie normocytaire
hypochrome (11%).
Nous trouvons donc une anémie microcytaire dans 55 %
des cas, normocytaire dans 42 % et macrocytaire dans 3 % des cas.
TCHEUFFA [104] qui étudiait la
toxicité hématologique des ARV retrouve : une anémie
normochrome normocytaire dans 53,8% ; une anémie microcytaire
normochrome dans 17,7% ; une anémie microcytaire hypochrome dans
13,7%
PATWARDHAN [80] retrouve une anémie
normochrome normocytaire (61%) ; microcytaire (33%) et macrocytaire
(6%).
DIALLO [77] et DURAND [81]
rapportent également que le type le plus fréquent est
l'anémie normochrome normocytaire. Ils ajoutent que l'anémie
macrocytaire est rare.
On remarque une similitude entre les différents types,
selon que le patient soit sous ARV ou pas.
5.1.5 Mécanisme de l'anémie
L'anémie était
arégénérative chez 92 % des patients et
régénérative chez 8 % d'entre eux.
Nous rejoignons les résultats de DIALLO et al.
[77], DURAND [81], KELTY
[78], SULLIVAN [79] qui trouvent tous une
prédominance de l'anémie
arégénérative ; et corroborent ceux de TCHEUFFA
[104] qui retrouve une anémie
arégénérative dans 97,5% des cas.
5.1.6 Relation entre l'anémie et le
degré d'immunodépression
Nous avons observé que 65,9% des anémies
survenaient à un stade d'immunodépression profonde (CD4<
50/mm3) .
Cette observation est rapportée également par
différents auteurs [77, 78, 79, 80,81]
Prise en charge de l'anémie
§ Transfusion sanguine
Les différents signes du syndrome anémique
rencontrés étaient :
- L'asthénie : observée chez 46,07% des
patients anémiques
- La pâleur cutanéo-muqueuse : 44,50% des
patients anémiques
- La tachycardie : 35,07% des patients
anémiques
- La dyspnée : 18,84% des patients
anémiques
- Les vertiges : 8,9% des patients anémiques
- Les céphalées : 5,23% des patients
anémiques
Les autres signes tels : soif, diminution de la libido,
modification du sommeil ont été observés chez 3,66%
des patients anémiques.
Au cours de notre recrutement, ont été
transfusés :
- les sujets ayant un taux d'hémoglobine < 6g/ dl,
avec ou sans signes d'intolérance de l'anémie.
- Les sujets ayant un taux d'hémoglobine = 6 g/dl avec
des signes d'intolérance à l'anémie tels : sueurs,
soif, extrémités froides, tachycardie, détresse
respiratoire, état de choc
Ainsi 54, 97% (n=105) des patients anémiques ont
été transfusés. Par ailleurs les 86 autres
anémiques n'ont pas été transfusés ; soit du
fait de leur décès précoce, soit du fait de la bonne
tolérance à l'anémie.
§ Evolution.
o Après transfusion sanguine
Chez les 105 patients transfusés, l'anémie
évoluait selon cinq modes :
- Résolution : 14,28 % (n=15)
- Amélioration : 32, 38 % (n=34)
- Stationnaire : 4,76 % (n=5)
- Aggravation :2,8 % (n=3)
- Décès : 45,71 % (n=48)
Le pronostic était donc favorable (résolutive,
amélioration) dans, 46,56 % des cas, Réservé
(Stationnaire) dans 4,76 % et défavorable (aggravation,
décès) dans 48,51 % des cas.
Par ailleurs, le pronostic de l'anémie après
transfusion était intimement lié au stade de
l'immunodépression et au degré de l'anémie. C'est ainsi
que le pronostic était d'autant plus sombre, que l'anémie
était plus sévère et le l'immunodépression plus
profonde.
Cette relation est établie par DIALLO et al.
[77] au Mali et KELTY [78] et SULLIVAN
[79] aux USA.
o Sans transfusion sanguine
En l'absence de toute transfusion sanguine, l'anémie
évoluait selon trois modes :
- Stationnaire : 8,1% (n=7)
- Aggravation : 15,11% (n=13)
- Décès : 76,74 % (n=66)
En l'absence de toute transfusion, le pronostic était
nettement défavorable, concernant 91,84 % des sujets non
transfusés.
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