UNIVERSITÉ DE YAOUNDÉ I THE
UNIVERSITY OF YAOUNDE I
FACULTÉ DES ARTS, LETTRES ET SCIENCES
HUMAINES
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FACULTY OF ARTS, LETTERS AND SOCIAL
SCIENCES
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DÉPARTEMENT DES ARTS ET
ARCHÉOLOGIE
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DEPARTMENT OF ARTS AND
ARCHEOLOGY
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SECTION ARTS PLASTIQUES ET HISTOIRE DE
L'ART FINE ARTS AND HISTORY OF ART SECTION
DU COSTUME DE LA CONFRERIE KUiN6AN6
DE BANSOA A LA CREATION PICTURALE :
PROPOSITION DiCEUVRES PLASTIQUES
Mémoire présenté et soutenu en vue de
l'obtention du diplôme de Maitrise en Arts Plastiques
Par : Willy Valdes KEINGINE
Licencié en Arts Plastiques et Histoire de
l'Art Sous La Direction du :
Ur. Joseph-Marie ESSOMIA Historien,
Archéologue
Assisté du :
Dr. pascal KEINFACK Enseignant en Arts
Plastiques
Année 2 007
I
DEDICACE
A mes parents Etienne Takam et Victorine Ngandjou,
Pour qui mon avenir est une preoccupation majeure.
II
SOMMAIRE
DEDICACE .I
LISTE DES ABREVIATIONS .III
LISTE DES CARTES ET DESSINS IV
LISTE DES PLANCHES ET PHOTOS .VI
LEXIQUE VII
RESUME IX
ABSTRACT .X
AVANT-PROPOS ET REMERCIEMENTS ....XI
Introduction ..1
Chapitre I : Présentation du cadre d'étude
10
Section 1 : Contexte historique d'étude de la
société Bamiléké 10
Section 2 : Présentation de Bansoa .13
Section 3 : Organisation socio-politique de Bansoa 16
Chapitre II : Costume et confrérie secrète
du ku'ngang .25
Section 1 : Les origines du Ku'ngang à Bansoa
..25
Section 2: Le rôle du costume lors de l'initiation et du
rituel Ku'ngang 29
Section 3 : Le costume et la structure associative du
Ku'ngang 33
Section 4 : Le costume et quelques accessoires du Ku'ngang
36
Chapitre III : Conception graphique et création
picturale 46
Section1 : Le ku'ngang en cinq idées ..46
Section 2 : Les méthodes de création 48
Section 3 : La conception des oeuvres 57
Chapitre IV : Réalisation et présentation
des oeuvres 76
Section 1 : Réalisation des oeuvres 76
Section 2 : Présentation des oeuvres 82
Section 3 : Quelques oeuvres conçues mais non
réalisées 102
Conclusion 106
III
LISTE DES ABREVIATIONS
APHA : Arts plastiques et Histoire de l'Art
CCF : Centre Culturel Français
MCA : Méthode de Création
Artistique
OLMC : Objet, Ligne essentiel, Motif et
Composition (méthode de création artistique de
MVENG E.)
UNESCO: United Nations for Education Science and
Culture Organization UY 1 : Université de
Yaoundé 1
LISTE DES CARTES ET DESSINS
1. Liste des cartes
Carte 1 : La province de l'ouest dans le
Cameroun et en Afrique 12
Carte 2 : Les chefferies Bamiléké
de l'Ouest-Cameroun ...15
Carte 3 : Village Bansoa 16
2. Liste des dessins
Des. 01 : Croquis conçu pour l'oeuvre
guérison .49
Des. 02 : Etapes de création d'un signe
graphique suivant l'OLMC 51
Des. 03 : Recherche des signes pour le tableau
Ku'ngang 53
Des.04 : Fiche d'étude pour la conception
du tableau ku'ngang 54
Des. 05 : Croquis conçu pour le tableau
ku'ngang d'après la MCA de Pascal Kenfack 55
Des. 06 : Approche conceptuelle de l'oeuvre
rituel 56
Des. 07 : Recherche pour l'initiation 59
Des. 08 : Composition pour l'initiation 60
Des. 09 : Evolution du signe de la feuille 61
Des. 10 : Evolution du signe du cauris 61
Des. 11 : Evolution du signe de
l'araignée 61
Des. 12 : Composition pour le tableau initiation
61
Des. 13 : La lune 63
Des. 14 : Le pot rituel 63
Des. 15 : La feuille de Kwenkeng
(«arbre de paix»).. ..63
Des. 16 : La calebasse rituelle 63
Des. 17 : Compositions pour rituel
63
Des. 18 : Création d'un signe graphique
64
Des. 19 : La cloche à double gong .65
Des. 20 : Le "grelot" 65
Des. 21 : Le Kwenkeng («arbre de
paix») 65
Des.22: Le masque .65
Des. 23: Le pied 65
Des. 24 : Compositions pour la danse 66
Des. 25: Composition pour la
hiérarchisation 67
Des. 26: Recherche des signes pour le tableau
guérison 68
Des. 27: Signes pour la guérison 69
Des. 28 : Compositions pour la guérison
69
Des. 29 : La couleur rouge 71
Des. 30 : La couleur noire 71
Des. 31: La couleur blanche 72
Des. 32 : Etude pour Initiation ..73
Des. 33 : Etude pour Rituel 73
Des. 34 : Etude pour Danse 73
Des. 35 : Etude pour Guérison
73
Des. 36 : Etude pour Hiérarchisation
73
Des. 37 : Etude 2 pour Rituel 73
Des. 38 : Croquis non réalisés
104
Des. 39 : Maquettes non réalisées
105
VI
LISTE DES PLANCHES ET PHOTOS
1. Liste des planches
Pl. 01 : Etapes de réalisation de
l'oeuvre Initiation 86
Pl. 02 : Etapes de réalisation de
l'oeuvre Rituel 89
Pl.03 : Etapes de réalisation de
l'oeuvre Guérison 94
2. Liste des photos NB. Toutes les photos
étant de nous, nous avons opté de ne pas mentionner en
dessous
le crédit photographique
Ph. 01 : Entrée principale de la
chefferie Bansoa 17
Ph. 02 : Entretien avec M. Ngumtsa jean Galbert
(tradi-praticien et chef de clan
Ku'ngang) en compagnie de sa mère 27
Ph. 03 : Entretien avec M. Soh Matthieu
(tradi-praticien et Chef de clan) 27
Ph. 04 : les costumes du Tèt
ndè 34
Ph. 05 : coiffure bicorne du Tatchouop
34
Ph. 06 : Les costumes des membres du sept
..35
Ph. 07 : Les costumes des membres du neuf .35
Ph. 08 : Masques cagoules Ku'ngang
38
Ph. 09 : Le chef de clan tressant des cheveux
pour confectionner les masques 38
Ph. 10 : La statue de fétichisme
Ku'ngang ...39
Ph. 11 : Statue nommée Christophe Dassi
42
Ph. 12 : Statue nommée Barrabas Kemgang
42
Ph. 13 : Statue réceptacle chez Ndi Mbe
Takougoum 42
Ph. 14 : Fabrication des châssis .80
Ph. 15 : Marouflage d'une toile .80
Ph. 16 : Reproduction des croquis 80
Ph. 17 : peinture d'un des tableaux 80
Ph. 18 : La couture des cauris sur la toile
80
Ph. 19 : Tableau Univers du Ku'ngang :
Initiation 1 84
Ph. 20 : Tableau Univers du Ku'ngang :
Initiation 2 87
Ph. 21 : Tableau Univers du
Ku'ngang :Rituel 1 .90
Ph. 22 : Tableau Univers du
Ku'ngang : Rituel 2 .92
Ph. 23 : Tableau Univers du Ku'ngang :
Guérison ..95
Ph. 24 : Tableau Univers du Ku'ngang : Danse
..97
Ph. 25 : Tableau Univers du Ku'ngang :
Hiérarchisation 99
Ph. 24 : Tableau Univers du
Ku'ngang.................. 101
LEXIQUE
Feuh Le Chef
Gwong Le monde. Il désigne le
territoire qui forme le village
Ku'ngang Société
sécrète constituée de magiciens et sorciers
réputés du village
dont la fonction est la protection de la population
Kwenkeng Plante communément
appelée arbre de paix
La'afiè Le nouveau village ou la
terre neuve
La'akam Le lieu d'initiation du nouveau
chef en vue de sa préparation à
l'exercice de son pouvoir
Maffeuh Nom donné à la
reine
Mandjong Une association
guerrière
Mbà Mbeng Celui qui retient la
pluie
Mekam nefveu Le Conseil des neuf
notables
Metcheuh'Feuh Les serviteurs du chef
Ndi Préfixe utilisé pour
des honneurs à un notable ou une personne influente
du village
Ndop Nom donné au tissu batik
décoré de motifs symboliques utilisé lors de
certaines danses traditionnelles
Ndu Ssa Le
tambour de Bansoa ou écho de Bansoa
Nekang La magie
Ngang La personne
Ngang Nehang La personne qui
détient le ciel (qui maîtrise le phénomène de la
foudre)
Ngang Nekang La personne qui
détient la magie
Ngho Lah «Le départ du
village» indique le lieu où un sous-chef a
mystérieusement ouvert le sol pour s'y engouffrer avec
toute sa population
Nguegang La force positive
détenue par certains initiés
Ng?mbà C'est une langue Bantoue
parlée dans la province de l'ouest-Cameroun
(pays Bamiléké)
Nkeu-Nta'a-Tet Lieu sacré
où se trouve un cours d'eau mytique à trois branches
Nwoulah Le Ministre ou agent
d'exécution le pus gradé de la chefferie
Pe ton'lop «Ceux qui sonnent la
trompette» Ce sont les hérauts chargés de publier
les annonces du chef
P'poh La poudre d'acajou très
prisée pour sa coloration rouge
Ssi-la'a «Le dieu du
village», nom donné au chef du village
Ta'atoh Ntu'u L'homme au casque
d'acier. Surnom donné au 13è Chef de la dynastie
Bansoa
Tatchouop Le maître initiateur
Tèt Ndeh Le père
fondateur
RESUME
La création artistique est un acte intellectuel et
méthodique. Celle à laquelle nous nous sommes livré dans
ce travail est inspirée du costume de la confrérie
Ku'ngang à Bansoa. Nous nous sommes appesanti sur ce costume afin
d'en extraire des signes graphiques qui ont permis de réaliser des
oeuvres peintes. Cette recherche s'est reposée sur une démarche
logique. Il a s'agit dans un premier temps de présenter l'environnement
d'étude Choisi. Il était question de donner un aperçu de
notre site d'étude. Nous avons par la suite décrit le
ku'ngang dans ses aspects physiques et sensible. Après avoir
présenté la confrérie, il a été question de
démontrer le mécanisme par lequel l'on passe des simples
idées reçues aux signes et ensuite aux oeuvres. Le dernier aspect
de cette recherche a porté sur la réalisation et la
présentation des oeuvres proprement dites. Celles-ci contribuerons
à souhait à une nouvelle perception du Ku'ngang qui
participe des valeurs culturelles que ce travail ambitionne de
réhabiliter et de sauvegarder.
ABSTRACT
Artistic creation is an intellectual and methodic act. The one
in which we allow ourself is inspired from the ku'ngang brotherhood
attire in Bansoa. We intend to expand and elaborate on the attire in order to
extract graphical signs which will permit us to realise painting crafts. This
will imply in a first place, the presentation of the study environment. We
shall then try to describe the ku'ngang in its physical and sensible
aspect. Once we have presented the brotherhood, we shall pass from simple
received ideas to signs and finally to crafts. The last aspect of our research
will be on the realisation and presentation of the artistic crafts in its real
sense. The later will contribute as we wish, to a new perception of the
ku'ngang which makes up the cultural values that we wish to
rehabilitate and safe keep.
XI
AVANT-PROPOS ET REMERCIEMENTS
Avant-propos
Délimitation du sujet
Le domaine de la création artistique est très
complexe. L'étude à laquelle nous nous livrons se limite au
costume du ku'ngang actuellement disponible chez des membres influents
de cette confrérie qui en sont les concepteurs et les utilisateurs
exclusifs. Elle porte sur la conception et la réalisation des peintures
puisant leur inspiration dans le costume de la confrérie
Ku'ngang à Bansoa ainsi que son environnement socio-culturel.
Il s'agit de peindre des toiles sur chevalet dont le sujet sera une
synthèse de signes illustrant des séquences de vie de cette
société sécrète.
Notre travail s'appesantira sur le costume du
ku'ngang et certains de ses accessoires dont une observation
poussée a permis de détecter des signes graphiques. Ces signes
ont été érigés en symbole pour une création
picturale.
Le travail qui est présenté ici est un travail
pionnier dans le domaine, visant la revalorisation de la création
artistique à Bansoa.
Cette étude, à dessein, se limitera à
quelques éléments physiques sélectionnés dans la
pléiade des objets et symboles rituels en cours dans la confrérie
et s'en servira comme prétexte à notre production.
Raisons du choix du sujet
Le costume en général représente
premièrement un important aspect des meilleures productions artistiques
de la confrérie du Ku'ngang. Le choix de ce thème est
dû d'une part au fait qu'un aspect mystérieux entoure la
confrérie et nous voulons le transposer sur des toiles, d'autre part
parce que l'essentiel des oeuvres d'art disponibles dans le village est
sculptural.
Deuxièmement, la rareté des travaux de recherche
en Arts Plastiques en général et en peinture en particulier dans
notre institution n'est plus à démontrer. Nos
prédécesseurs ayant travaillé sur la sculpture, le design,
les Nouvelles technologies de l'information et de la
télécommunication, les installations vidéos et plus, nous
avons considéré comme un défi personnel de nous lancer
dans la création picturale afin de mettre à profit les
connaissances acquises pour contribuer à enrichir la section de travaux
supplémentaires pour ce qui est de la peinture.
Le milieu de la création artistique connaît un
foisonnement de forme et de style et l'une des raisons du choix de ce
thème est de proposer des oeuvres singulières qui s'inspire d'une
société sécrète et qui se distingue de celles des
autres artistes de par la démarche de création.
Le constat selon lequel la plupart des artistes peintres se
déploient dans un art dit contemporain n'est plus à
démontrer. Cette forme d'art repose sur les pérégrinations
intellectuelles, émotionnelles et parfois fantaisistes de l'artiste.
Cela nous a poussé à envisager la création d'oeuvres dans
lesquelles la liberté créatrice alterne avec le devoir de
mémoire et de sauvegarde où l'attrayant rejoint le didactique.
Les déplacements des Bansoa au fil des années
antérieures explique quelque peu la rareté des oeuvres d'art et
la disparition du métier d'artisan dans le village et constitue l'une
des raisons du choix de ce site.
Enfin, l'occasion s'est présentée à nous
pour stimuler un questionnement sur la négligence de la pratique
artistique par les Bansoa au profit des activités plus lucratives comme
le commerce, les petits métiers..., afin de développer un
discours vrai sur la sauvegarde des acquis ancestraux devant une
société mutante.
Remerciements
Nombreuses sont les personnes sans lesquelles ce travail ne
serait jamais arrivé à son terme. Nous tenons à remercier
:
- Le Professeur Joseph-Marie ESSOMBA, Historien et
Archéologue qui n'a pas hésité à nous diriger sur
les difficiles sentiers de la recherche ;
- Le Professeur Jean-Paul NOTUE, Historien de l'Art et
Anthropologue, Chef de la section Arts Plastiques et Histoire de l'Art (APHA)
de la FALSH (UY1) pour sa compréhension ;
- Le Docteur Pascal KENFACK, Artiste Plasticien et Historien
de l'Art, Enseignant à la section APHA avec qui nous avons appris la
rigueur et la méthode dans la création artistique ;
- Le Docteur Aboubakar NJIASSE NJOYA, Enseignant à la
section APHA pour ses conseils et ses encouragements ;
- Mes parents et proches, Mme Habiba DJOUKO, M. et Mme YOUMBI,
M. Marcel TENE, Dr Bernard KENGNE (Médecin) et Madame, Mlle Stève
Ulrish METCHOKOA NENKAM;
- Tous nos informateurs et membres de l'élite
traditionnelle Bansoa, entre autres, Sa Majesté Jean de Dieu TCHINDA II
DJONTU, M. Matthieu SOH, M. Jean Galbert NGUMTSA, M. NDEFFEU NKWISHOUO, et M.
Josué KOLLAH;
- Nos proches amis Edgar Fortuné BEGONO et Lazare
ONABEL EDJECKA pour leur avis et leurs critiques très constructives ;
- Ce serait une ingratitude de notre part de ne pas remercier
les aînés et amis Ruth AFANE BELINGA, Achille KONGUEM, Idrissou
NJOYA, Nadège NOUMSSI, Roland NDEMBA, Arnaud Jolivo BOUL, Rodrigue FOTSO
TOCHE, Eloge TIEMENI, dont les conseils et les entretiens ont contribué
à étayer et orienter nos réflexions en leur donnant un
contour précis. Enfin, Nelson SONELA, Doctorant en Biochimie à
l'Université de Yaoundé I pour la traduction du
résumé
Puissent tous nos informateurs, parents et amis et toute personne
ayant contribué de près ou de loin à l'élaboration
de ce travail, trouver ici l'expression de notre reconnaissance.
1
Introduction
Objet d'étude
L'identité culturelle d'un peuple est meublée
d'indicateurs dont les plus en vue sont les oeuvres d'art. Au Cameroun comme
partout en Afrique, l'art constitue un précieux témoin qui
apporte une contribution irremplaçable pour expliquer des faits
historiques, culturels, sociaux et religieux.1 L'un des défis
à relever dans un univers hanté par le concept de globalisation
est de demeurer créatif et inventif. Cette étude a
été centrée sur la création d'oeuvres picturales
inspirées de l'univers culturel de la confrérie
sécrète Ku'ngang, confrérie qui
s'extériorise par ses manifestations et surtout les attributs qu'elle
arbore. Ces attributs sont des objets d'art, portant des signes
extérieurs d'une cosmogonie précise. Cette étude s'est
appesantie sur les notions de création d'oeuvres d'art afin de les
situer dans le contexte social actuel de prolifération des styles et des
approches de création artistique. Notre séjour en tant
qu'enquêteur à Bansoa nous a permis de noter que la peinture
été pratiquée des supports tels les murs, les
grottes2, les étoffes3 et les masques. Il est
question de revaloriser cette peinture en la transposant sur un autre support,
plus pratique et plus expressif, répondant au contexte artistique
actuel. Ainsi, cette étude repose sur la confrérie
Ku'ngang à travers ses éléments de parure parmi
lesquels, le costume et quelques objets dits sacrés. Le costume
particulièrement constitué d'un masque facial, des cornes qui le
surplombent et des cheveux tressés, renferme une symbolique qui met
à nu la structure interne de la société
sécrète dans un ensemble bien organisé et
hiérarchisé. Fort de l'influence de cette société
sécrète, des oeuvres sont proposées. Elles sont peintes
suivant une démarche logique et cohérente à souhait.
Problématique et hypothèses
Problématique
L'analyse du costume de la confrérie du
Ku'ngang peut se révéler très stimulante pour la
création picturale. Bien qu'appartenant à la catégorie de
masque, il a fortement inspiré la création des oeuvres peintes
proposées dans ce travail. Il est confectionné dans le cadre
restreint d'une confrérie qui se veut bien structurée comme le
sont les villages Bamiléké en général. Ce costume
dévoile certes un savoir-faire et une dextérité mais
demeure a priori très monotone et uniforme quant à sa forme
physique; notre travail s'intitule donc
2 «Du costume de la confrérie ku'ngang
à Bansoa à la création picturale : Proposition d'oeuvres
plastiques.» Pour s'inspirer, notre travail s'est appesanti
sur cette confrérie qui comme la plupart,
Ne dissimule pas leur existence, leur histoire, leur
règle, leurs lieux de réunion, leurs emblèmes, leurs
coutumes, leurs masques mêmes, les noms de leurs adhérents, mais
ce qui s'y passe réellement, les pratiques, la signification profonde
des symboles, l'essentiel en un mot reste interdit au profane. (PERROIS ET
NOTUE, 1997, 02)
En effet, au delà de l'aspect folklorique il y a un
mystère qui entoure cette confrérie. La question centrale est
celle de savoir comment partir des formes sculpturales visibles et des
données abstraites pour créer des oeuvres picturales? Autrement
dit, comment pouvons-nous en tant qu'artiste nous inspirer de ce costume, des
formes géométriques et des signes qu'il nous offre pour
créer des oeuvres peintes sans altérer leurs significations
profondes ?
Cette question principale suscite d'autres, non moins
importantes à savoir, dans quel environnement le costume du
ku'ngang est confectionné et se développe ? Qu'est-ce
que le ku'ngang et quels en sont les manifestations, quel
mécanisme avons-nous mis en place pour concevoir les oeuvres ? Comment
les avons-nous réalisées et présentées ?
Hypothèses
Après ce questionnement, les hypothèses suivantes
ont été émises :
1. L'organisation socio-politique des Bamiléké
en général et des Bansoa en particulier a favorisé la
pérennisation des confréries sécrètes parmi
lesquelles le Ku'ngang. Le costume de cette dernière offre des
signes et des symboles qui sont des sources intarissables d'inspiration pour la
création et leur agencement peut déboucher sur des
créations plastiques intéressantes.
2. L'on a à faire à une confrérie qui
protège ses secrèts contre les aventuriers et profanes. Dans un
premier temps, les enquêtes, lectures et observations ont permis de
présenter le Ku'ngang sous un support pictural.
3. N'appartenant pas à cette confrérie, nous
nous sommes limités à l'exploration des formes identifiées
et à quelques symboles, à travers une démarche innovante
et expressive. Cette société sécrète étant
un maillon essentiel de régulation sociale, son étude est donc
une sorte de muse pour la création artistique à laquelle nous
nous sommes livrés.
4. Cette confrérie connaît une gamme de symbole
graphiques et chromatique, de rites lors desquels est utilisés le
costume qui nous a intéressé et motivé notre
création.
Intérêt du sujet.
L'histoire de l'humanité en général et de
l'Afrique en particulier a été écrite aussi sur des
oeuvres d'art. Les objets lithiques (sculptés) et ceux peints ou
gravés sur des parois
3 rocheuses et grottes en constituent quelques témoins
privilégiés. A ce propos, ESSOMBA (1986, 42) affirme :
Le Cameroun est l'un des plus anciens foyers de l'art
africain. L'artiste a toujours utilisé avec le sens poussé de la
schématisation, le métal ou le bois, le raphia ou le rotin, sable
ou terre de diverses manières, suivant la diversité des peuples,
leurs cosmogonies et leur philosophie humaniste.
Or devant la rareté des sources écrites sur
Bansoa, il est important d'étudier la société
sécrète Ku'ngang à travers son costume. Nous
avons été amenés à réaliser des oeuvres
fortes, sensibles et parfois subjectives. Ceci participera, à coup
sûr, à la revalorisation de l'art et de la culture Bansoa dans la
mesure où l'activité artistique y est totalement
délaissée.
- Ce travail a l'avantage de scruter avec minutie le
"paraître" du Ku'ngang et d'ouvrir une brèche
sur son "être". Ainsi, notre démarche repose sur les
aptitudes d'artiste plasticien acquises entre autres à
l'Université de Yaoundé 14.
- Cette recherche incitera, nous le souhaitons, d'autres
créateurs à mener des recherches dans la création
picturale très peu représentative dans notre section.
- Elle pourra aussi réactiver le génie
créateur des Bansoa afin de valoriser l'art en général et
l'art pictural en particulier ainsi que la notion de conservation des oeuvres
réalisées. Ceci constituerait une base de référence
pour des recherches ultérieures.
Quelques notions
Il nous semble important de clarifier certaines notions
définissant des concepts qui ont très souvent été
occidentalisés et sont étrangers aux réalités
africaines. Nous voulons définir ces notions dans une vision qui traduit
nos réalités culturelles.
La notion d'"arts plastiques"
«Arts Plastiques» est une association des termes
Arts et plastiques. Il est très audacieux de prétendre à
une définition standard du premier terme car il est à la fois
synchronique et diachronique et dépend des auteurs. «Arts»
vient du Latin [ars] et du Grecque [artis] qui signifie
la manière, la technique, de faire quelque chose en suivant des
règles biens précises. L'Art est l'ensemble des
disciplines consacrées à la création d'oeuvres et qui
manifestent une union étroite de la valeur esthétique et de la
valeur d'usage.5
4 virtuosités humaines se concrétisant par le
faire et le savoir qui ont caractérisé les étapes de la
vie humaine."
L'art est ainsi un ensemble de procédés que
l'homme utilise pour exprimer sa conception de la vie, du monde et de la nature
de manière à susciter des sensations esthétiques. Une fois
de plus, c'est une expression parmi tant d'autres d'une société
dans un contexte donné dans l'espace et le temps. Il cherche à
représenter ce que les gens savent, voient, pensent, imaginent et
croient.
L'art est donc, pour un individu et pour la société
dont il est issu, l'ensemble des choses dites ou faites qui ont ce pouvoir de
susciter en tout être humain un sentiment quelconque.
Le terme "Plastiques" quant à lui vient du
Grec [Plasticos] et renvoie à la dextérité,
l'habileté à modeler, à créer des formes et
à occuper l'espace. Le plastique d'une oeuvre d'art est en bref sa
perception et son organisation visuelle. Cette notion s'applique entre autres
à la sculpture, à la peinture, au graphisme, à la
chirurgie plastique et aux installations.
Les Arts Plastiques sont donc le volet de l'art dont la
mission première est de produire ou de reproduire des formes et des
volumes. La notion est assez empreinte d'ambiguïté et ne fait pas
toujours l'unanimité des auteurs. Les appréhensions varient selon
les personnes et leur milieu, et selon le temps. C'est sans doute ce qui
crée tant de dynamisme dans le concept.
La notion de peinture
«Peindre» signifie revêtir d'une couche de
couleur, représenter par des lignes et des couleurs, représenter
à l'esprit, ou encore décrire d'une façon vive et
imagée en recherchant une certaine esthétique. L'homme pratique
la peinture depuis la période préhistorique, la preuve c'est la
peinture murale de la grotte d'Altamira et de Lasco. Cette
pratique a toujours permis à l'homme de vaincre ses angoisses, surmonter
ses peurs, combattre ses ennemis ou encore d'exprimer et d'extérioriser
ses pensées même les plus folles. On constate clairement que :
Les hommes ont commencé à manifester un
goût pour la beauté : les outils quotidiens ont été
mieux taillés, puis décorés et gravés...
Dans les grottes, les parois ont été
peintes, représentant divers animaux. Pour peindre, les hommes
dressaient des échafaudages en bois. Les couleurs étaient
obtenues en mélangeant la terre, des colorants naturels comme l'oxyde de
fer (rouge) et de la graisse. Le dessin se faisait à l'aide de pinceaux
de poils, de morceaux de mousse ou d'herbe, en soufflant dans les roseaux creux
ou simplement avec les doigts.7
les différentes techniques utilisées. De nos
jours, on parle davantage d'art contemporain où le concept prime sur sa
matérialisation. Les frontières entre la peinture et les autres
disciplines telles la sculpture, le dessin, la sérigraphie tend à
disparaître. De ce fait il s'avère difficile de donner une
définition standard de la peinture car ses manifestations sont aussi
variées que les supports8 sur lesquels elle s'utilise. Pour
P. GAUDIBERT, (1991, 21) «la tradition picturale disposait d'autres
supports : pour la peinture, la terre cuite, le pisé, les
étoffes, la pierre et le corps humain, pour la gravure, les calebasses
et même les oeufs d'autruche.» La peinture est d'abord « une
matière colorante liquide propre à recouvrir une surface,
constituée de pigments de couleur dispersés dans un liant fluide
ou pâteux destiné à sécher.»9 C'est
ensuite `` l'action de recouvrir une surface, un support avec cette
matière.''10 C'est enfin « un ouvrage de
représentation ou d'invention (tableau, fresque etc) fait de couleurs
délayées que l'on étale, généralement au
pinceau, sur une surface préparée à cet
effet.»11 En bref, la peinture, notion ambivalente
désignant à la fois une oeuvre peinte et la technique de
réalisation, se présente donc comme une recherche idéelle
et conceptuelle, une voie d'expression parfois individualisante, un plaidoyer
ou une quête du mieux vivre, un état d'esprit. Concluons avec
Bernard Rancillac (1991, 14) pour qui la peinture est un système de
signes particuliers qu'il faut apprendre à déchiffrer.
Méthodologie
Pour mieux aborder notre sujet, nous avons trouvé
judicieux de procéder par une méthode interdisciplinaire de
récolte et de traitement d'informations.
Les sources écrites
Des recherches documentaires ont été
menées à Yaoundé notamment au Centre Culturel
Français, au Centre de Lecture Publique de Messa, aux Archives
Nationales du Cameroun et à la Bibliothèque Centrale de
l'Université de Yaoundé I. Avec leur aimable permission, nous
avons aussi pu consulter des ouvrages dans les Bibliothèques
privées de certains de nos Enseignants.
Il a été primordial d'identifier et rassembler
tous les ouvrages qui, de près ou de loin, pouvaient étayer le
sujet. Les sources écrites étaient particulièrement
constituées de livres d'art et d'ouvrages généraux, des
articles scientifiques, thèses et Mémoires de diverses
disciplines parfois en rapport direct avec le thème.
Néanmoins, de Paul GAUDIBERT (1991) présente
quelques artistes peintres et sculpteurs africain en s'appesantissant sur
l'environnement dans lequel il crée leurs oeuvres et Nicolas BISSECK
(1995) quant à lui montre un échantillonnage d'oeuvres d'artistes
de l'estuaire parmi lesquels des camerounais. Cet ouvrage renseigne sur la vie
de ceux-ci et leurs techniques de travail. Dans un autre aspect, les auteurs
Louis PERROIS, Jean Paul NOTUE et Jacques NEGHA s'appesantissent sur la
connaissance de la confrérie ku'ngang, dont le costume est
l'objet de cette étude.
Ces sources ont été d'un apport non
négligeable pour l'assimilation du thème. Elles ont
renseigné sur la structure des sociétés
Bamiléké ainsi que ses maillons et ses composantes, la cosmogonie
dans laquelle elles baignent et où foisonnent des sociétés
secrètes. Certes, aucune étude préalable n'a
été menée à Bansoa sur les sociétés
sécrètes, exception faite de celle du sociologue NEGHA J. (1976).
De même, rares sont les chercheurs s'étant véritablement
appesantis sur le Ku'ngang Mis à part PERROIS et. NOTUE (1993
et 1997). Cependant, une idée a pu être faire et
éprouvée par les sources orales.
Ces ouvrages participent de ceux qui ont remarquablement
influencé notre travail.
Les sources orales
Des informations ont été glanées
auprès des parents, aînés, patriarches, notables et
quelques personnes susceptibles de fournir le moindre renseignement pouvant
aider à la réalisation de cette recherche. Nous avons pris la
peine d'en interroger plusieurs, afin d'avoir des informations fiables sur
certaines notions qui entourent la création artistique et la vie des
membres de la confrérie étudiée. Ces personnes ont
été contactées dans les villes de Yaoundé,
Bafoussam et Penka-Michel et lors de des multiples voyages sur le site
d'étude. Nous nous sommes renseignés non seulement des
réalités de la confrérie étudiée, mais aussi
des croyances magico-religieuses qui entourent les sociétés
coutumières de Bansoa. Une idée précise a pu être
construite sur certains mythes et les significations de certains symboles
propres à la société grâce aux informateurs. Ces
entretiens nous ont ainsi aidé à comprendre la fonction et la
signification du costume du ku'ngang.
L'enquête sur le terrain
La maîtrise de la langue ?g?mbà
est la raison particulière qui nous a amené à
privilégier Bansoa comme aire de recherche. Nous nous y sommes rendu
à plusieurs reprises pour des besoins d'enquête. Cette
enquête dans une approche interdisciplinaire s'est avérée
indispensable dans la mesure où aucun ouvrage consulté ne
traitait du Ku'ngang à Bansoa spécifiquement. La
descente sur le terrain a permis de collecter les informations
nécessaires
pour confirmer ou infirmer les données recueillies dans
les ouvrages consultés. Plusieurs informateurs ont été
approchés tant à Bansoa qu'à Yaoundé et Bafoussam.
Nous avons eu la permission de prendre des notes, de faire des photographies,
des dessins et des enregistrements sonores dont le décryptage avec
l'aide des explications d'un patriarche nous a aidé à les
confronter et les éprouver avec les lectures préalablement
faites.
Quelques disciplines nous ont été
nécessaires pour cette tâche à l'instar de l'Histoire qui
nous a permis de connaître l'évolution dans le temps de la
confrérie que nous étudions. De même, tandis que la
Géographie a facilité la situation dans l'espace de notre zone de
recherche, l'Anthropologie quant à elle a été d'un apport
considérable dans l'analyse de la vision du monde qu'ont les membres de
la confrérie. L'assimilation de cette approche a permis
d'élaborer aisément la phase théorique du travail afin de
mieux aborder la réalisation des oeuvres car comme dit Brigitte BORJA DE
MOZOTA (1990, 33) «Une création ne peut se juger que par rapport
à la société qui l'a engendrée.»
Les sources matérielles
Elles sont essentiellement constituées des
photographies obtenues avec l'aimable contribution des chefs de clan
Ku'ngang. Il nous a été interdit de photographier
certains objets et parfois même de les regarder. Nous avons toutefois pu
observer longuement la confection des costumes
Analyse morpho- technique et
esthétique
Dans ce volet du travail, nous nous sommes attardés sur
la forme et la composition du costume Ku'ngang, les différents
éléments qui entrent dans sa confection. Aussi, avons nous fait
allusion non seulement à l'usage de ce costume mais aussi des objets qui
l'accompagnent, puisque dans ce contexte, un objet renferme des qualités
esthétiques parce qu'on s'en sert dans un culte, un rite ou un acte
quotidien.
Création picturale
Toutes les informations recueillies sur le terrain et
analysées ont été traduites en signes graphiques en
atelier et transposées sur des toiles. La démarche artistique de
création s'est inspirée de quelques unes connues12
mais reposait sur une synthèse de celle de Jean KOUAM TAWADJE et le
Qualias13 de Pascal KENFACK. Elle a permis de proposer des
oeuvres dans lesquelles la matière et la couleur sont utilisées
à profusion, des oeuvres expressives qui sont le résultat de
l'observation des objets appartenant au ku'ngang et qui
présentent notre propre vision de la confrérie traduite en oeuvre
picturale.
Les difficultés rencontrées
Notre aventure sur un terrain aussi ésotérique
n'a pas été aisée. D'une part, nous avons fait face
à une véritable barrière de silence de la part de
certaines personnes interrogées. Parce que la confrérie
étudiée regroupe des personnes dotées de pouvoirs
particuliers, et que nous n'appartenons pas à cette caste, nous avons
souvent été brutalement repoussés. Certains suspicieux ont
même vu en nous un stratège trop curieux visant à livrer
les secrets aux «Blancs».
D'autre part, parcourir à pied plusieurs
kilomètres pour rencontrer des informateurs et parfois en vain fut
très éprouvant. Nous avons essuyés plusieurs faux
rendez-vous. Ils se justifiaient par le fait qu'ayant pris contact avec nous,
certains informateurs se rétractaient car découragés par
leurs confrères. Notre appartenance à cette communauté a
été un atout mais notre non appartenance à la
confrérie un véritable obstacle pour l'accès à
certaines informations.
Enfin, les perpétuelles difficultés
pécuniaires alternaient avec celles logistiques et techniques. Il a
fallu un temps considérable pour réunir de pour les
déplacements, la procuration du matériel d'enquête,
l'``achat» des informations et enfin la réalisation des oeuvres et
l'élaboration du document final.
Présentation du plan de travail
Ce travail est divisé en quatre chapitres. Le premier
chapitre traite du Ku'ngang dans son milieu, dans un contexte de
foisonnement de sociétés secrètes où il joue le
rôle de maintien de l'équilibre social. Le deuxième
chapitre donne l'occasion de rentrer dans la confrérie et de
présenter son rituel ainsi que son costume et les objets qui
l'accompagnent. Le troisième chapitre, quant à lui aborde la
conception des oeuvres basées sur une démarche personnelle assez
rigoureuse. Le dernier chapitre enfin présente les étapes de
réalisation des oeuvres que nous soumettons à
l'appréciation du public. Ces oeuvres témoignent de la
volonté du créateur que nous sommes, et puisent dans les formes
existantes des éléments graphiques et symboliques qu'elles
exploitent à leur compte. La combinaison de tous les matériaux et
des techniques utilisés conduit à la création et à
la présentation d'environ huit oeuvres réalisées et de
quelques prototypes qui, faute de moyens, n'ont pas pu l'être.
NOTES
1 J.P. NOTUE, communication sur les Arts
Plastiques, Université de Yaoundé1, cours magistral,
1999.
2 Cf. infra, Chapitre 1, section 2 :
Présentation physique de Bansoa.
3 Exemple du tissu Ndop, utilisé
dans certaines sociétés sécrètes, riche en
symbole.
4 L'organisation de cette
Université suite au décret n° 93036 du 29/01/93 portant sur
la reforme universitaire a vu la création de nouvelles facultés
dont celle des Arts, Lettres et Sciences Humaines et par là, la section
Arts Plastiques et Histoire de l'Art au sein du département Arts et
Archéologie. Cette section propose une formation professionnalisante
offrant d'énormes possibilités d'auto emploi autant dans le
secteur informel (atelier, Formateur...) que dans celui formel (Enseignant
d'Universités, Expert...) et celui de la recherche.
5 Collection Microsoft®
Encarta® 2005. (c) 1993-2004 Microsoft Corporation.
6 C. BELA, 1998, 17
7 Col. L'Afrique et le monde, histoire
6e, Paris, Hatier, Janvier 1992
8 Le premier support de peinture fut
les parois des grottes d'Altamira, puis les murs des citées et temples
ou résidences et pour plus de mobilité, les toiles. Les
recherches d'innovation ont amené à peindre sur les sculptures,
le verre, le vêtement et même le corps (body art)
9 Le petit Larousse 2003
encyclopédie (sous la direction de), Ed. Larousse, Paris, 2002, p.
760.
10 Le petit Larousse, Ibid.
11 Le petit Larousse, Ibid.
12 Voir Chapitre 3 portant sur la conception graphique
et la création picturale ;
13 Voir Chapitre III, Section deux (D)
où la Méthodologie de la Création artistique de Pascal
Kenfack a été présentée.
CHAPITRE I : PRESENTATION DU CADRE
D'ETUDE
Il est question dans ce chapitre de préciser le cadre
général dans lequel cette recherche a été
menée. Les travaux ont montré que l'installation du groupe
socioculturel Bamiléké dans le site qu'il occupe actuellement
s'est fait simultanément avec l'édification d'un système
politique composé de plusieurs structures et institutions
détenant des pouvoirs précis. Bansoa est un exemple assez
illustratif de village Bamiléké à la tête duquel on
trouve un chef qui est un véritable pôle de convergence. Pour
mieux comprendre la confrérie en étude, nous avons trouvé
important de la présenter dans son cadre historique et socio-politique.
Historique parce qu'il était utile de rappeler comment ces
sociétés ont vécu dans le passé malgré
toutes les mutations que l'on observe aujourd'hui avec le brassage culturel.
Socio-Politique si tant est que la colonisation n'a pas altéré
l'existence des survivances assez claires qui retracent la
hiérarchisation et la structuration de cette société. Dans
un souci de clarté, ceci amène à analyser exclusivement
leurs attributions politiques et les autres tâches qui leur incombent
seront analysées dans les rubriques spécialisées.
Section I. Le contexte historique d'étude de la
société Bamiléké
Ce chapitre s'appesantit sur l'origine du mot
Bamiléké. Pour PERROIS et NOTUE (1997, 21), Le terme
Bamiléké est inconnu au XIXe siècle. Ces
derniers notent que selon la tradition orale, l'un des explorateurs allemands,
émerveillé par le beau paysage du mont Bamboutos qu'il apercevait
devant lui, demanda au guide-interprète comment s'appelaient les
habitants de cette région. Il lui répondit
"Mbalékéo". En citant Jean Louis DONGMO, ils affirment
:
Il s'agit en fait d'un vocable administratif, un
néologisme, apparu et très vite largement utilisé à
l'époque coloniale, issu de la déformation de l'expression locale
Mbalekeo, à la fois mal entendue et mal prononcée, qui signifie
en langue Bali "les gens d'en bas.
Il est à constater que ce terme est d'autant
étranger aux autochtones qu'aux allogènes. Pour GHOMSI (1972,
10), «le mot est d'origine et d'usage très récent
».
mot est un monstre de corruption contenant autant de fautes
que de syllabes. Quant à Lucien GRAY, administrateur à Dschang
à la période Française, Mbuleke indique la
position géographique du pays compris entre les monts Bamboutos au nord,
Fodonera à l'ouest, Fontsa-Fomepea au sud et Bafoussam à l'est.
Il décortique l'appellation du guide interprète comme suit :
BA = Les gens de ; LEKEO =
trou, ravin, bord de la falaise, en bas... Cette hypothèse est
très proche de celle du Père STOLL et confirmée par les
documents allemands. En effet, le lieutenant Allemand RAUCH décrivant la
population qu'il rencontre au cours d'une expédition en 1910 dans la
région comprise entre le Noun et le Nkam, note : «La région
est peuplée d'une race bien bâtie, grande et étroitement
apparentée aux populations installées autour de Dschang et qui
portent le nom de Bamiléké.» (PERROIS et NOTUE, 1997)
Nous pouvons affirmer que malgré elles, les populations
vivant dans cette partie occidentale du territoire ont accepté et
adopté l'appellation Bamiléké (une erreur de l'histoire)
qui leur a été imposée comme une erreur de traduction.
Carte 1 : La province de l'Ouest dans le
Cameroun et en Afrique, reproduite à partir de celle de Negha, J, 1976,
L'ascension dans la société traditionnelle : étude de
la chefferie Bansoa en pays Bamiléké (Ouest
Cameroun)
Section II : Présentation de Bansoa
1- Situation administrative
Partie intégrante des pays Bamiléké,
l'Arrondissement de Penka-Michel dans le Département de la Menoua,
Province de l'Ouest, est constitué de quatre villages à savoir
Balessing, Baloum, Bamendou et Bansoa. Ce dernier est le plus vaste en
superficie et reçoit tous les services administratifs de
l'Arrondissement.
2- Situation géographique
Il est compris entre le 5°22 et le 5°33 de latitude
Nord et entre le 10°13 et le 10°21 de longitude Est et couvre une
superficie de 113 Km2 pour environ 77 000 âmes1.
Bansoa partage ses frontières avec neuf villages : Bafounda et Bamendjo
au Nord, Baloum et Bamendjou au Sud, Bamendou et Balessing à l'ouest,
Batcham au Nord-ouest, Bameka à l'Ouest et Bamoungoum au Nord-est.
Situé à environ 10 Km de Bafoussam (Chef lieu de la province) et
28km de Dschang (Chef lieu du Département), Bansoa est à la
croisée de chemin entre la province de l'ouest et du Nord-Ouest. Ce
phénomène a fait de Bansoa dans le passé, un carrefour et
a enrichi les formes artistiques que l'on a observées à une
certaine époque. Par propagation, de nouvelles formes ont
été intégrées comme le costume du ku'ngang
qui est étudié et qui est passé par certains villages
limitrophes pour arriver à Bansoa.
3- Situation linguistique
Bien que situé dans le Département de la Menoua,
il appartient au groupe linguistique ?g?mbà
2 qui englobe les villages Bafounda dans le Département du
Bamboutos, Bameka et Bamendjou dans les Haut-plateaux et Bamoungoum dans la
Mifi. Ces cinq villages ont eu le même ancêtre et au fil de
l'histoire, la crise de succession3 et plus tard le découpage
administratif a amené chacun sur le site qu'il occupe actuellement.
Néanmoins, ils ont gardé la langue malgré quelques
accents. Des études ont été menées sur cette langue
et à propos, Pierre Achille FOSSI (2005, 14) démontre que :
Le ?g?mbà signifie en structure
profonde «m? ghà ?g?mbà» qui
veut dire « je dis que hein ? ». Cette structure a subit des
modifications pour des raisons de simplification pour ne se limiter qu'à
«?g?mbà» c'est-à-dire « que hein
? » Cette formule est pratiquement un code de reconnaissance entre les
locuteurs. On l'utilise également lorsqu'on désire obtenir un
renseignement. Le ?g?mbà est une langue Bantoue
parlée dans la province de l'ouestCameroun (le pays
Bamiléké). Sur les sept départements que compte la
province de l'ouest, le ?g?mbà est parlé dans
quatre.
quelque peu influencéé par celle des villages
limitrophes et où on peut rencontrer au moins un clan
ku'ngang.
4- Le climat et la
végétation
Le climat est de type camerounien d'altitude avec un
régime de pluies équatoriales à l'allure tropicale.
Généralement, les saisons sèches vont de Novembre à
Mars et les saisons pluvieuses d'Avril à Octobre. Ces deux saisons sont
entrecoupées chacune d'une brève saison contraire. La
végétation est faite de savane arborée et arbustive. Les
sols sont sableux, volcaniques et assez propices à l'agriculture. Un
cours d'eau principal (Membi) traverse le village du nord au sud. On y
retrouve les petites chutes de Nehok et surtout le mythique Nkeu
Nta'a Tet4.
5- L'activité rurale
L'essentiel de l'activité paysanne repose sur
l'agriculture et le petit élevage. Les principales cultures sont le
café Arabica, le maïs, l'arachide, le bananier et le plantain, le
manioc, le macabo, les pommes de terre, le haricot et les fruits divers que
l'on retrouve parfois sur la même portion de terre. La population
continue à croire que le ku'ngang avec sa danse
ésotérique a une influence remarquable sur l'abondance des
produits agraires. Le café est resté assez longtemps une culture
privilégiée pour l'exportation et les autres, bien que de plus en
plus commercialisées, sont destinées à la consommation
locale. Avec la difficile conjoncture économie, beaucoup de Bansoa se
sont lancés dans des activités libérales comme le petit
commerce et les affaires.
La plupart des sites touristiques comme le
Nkeu-Nta'a-Tet cité plus haut sont généralement
des lieux Sacrés. Nous avons parmi eux, le Gwo-gwong, lieu
où se trouve une grosse pierre du même nom sur laquelle les
princes frères Bansoa, Bamendjou et Bameka se sont séparés
en allant chacun s'installer de son côté. C'est sur cette
pierre5 qu'ils ont juré d'aller fonder
séparément leurs chefferies et d'y vivre en paix sans se nuire
les uns les autres. On a aussi le Ngho Lah6, ce lieu
où le Chef du sous-quartier Banock est «parti» en
amenant sa population et où aucune herbe ne pousse. Le
Keue-me-Mbeuh7 est une plaine très verdoyante et
luxuriante où se trouve un amoncellement de pierres superposées
de manière extraordinaire sous lesquelles se trouve une grotte. Les
chutes de Metché représentent l'un des sites
touristiques mais succitent beaucoup de crainte de la part des villageois.
Situées entre Bansoa et Bafounda, les populations s'y rende pour des
sacrifices et d'autres rituels conduit par le ku'ngang. Il se pourrait
que lors des guerres d'indépendance, les résistant aient
été
exécutés et jetés dans ces chutes,
d'où l'idée selon laquelle cet endroit est hanté et seuls
les sorciers et autres hommes puissants peuvent s'y rendre.
Ce sont là les principaux sites touristiques de Bansoa.
Chacun est un lieu sacré plein d'histoires. Les photographies sont
interdites sur certains de ces sites.
6- L'activité artistique
L'activité artistique a malheureusement disparue du
village, les villageois ayant jugé qu'elle ne nourrissait plus son
homme. Il n'existe pratiquement plus d'artistes sur les 113km2 que
compte le territoire si ce ne sont quelques fabricants isolés de
mortiers ou d'autres ustensiles de cuisine. Les sculptures récentes sont
faites par des parents qui ont changé de métier mais on
gardé le réflexe, ou par des utilisateurs eux-mêmes,
à l'exemple des membres du ku'ngang qui en fabriquent pour
leurs rituels.
Si le groupement Bansoa est entouré d'autant d'endroits
mystérieux, nous jugeons utile de jeter un coup d'oeil sur sa structure
interne et de parler de son organisation socio-politique.
Carte 2 : Les chefferies Bamiléké
de L'Ouest-Cameroun (Source : G 7, Hengue P O. et al.1998 :11)
Section III : Organisation socio-politique de Bansoa
La hiérarchisation des sociétés
Bamiléké n'est pas stéréotypée comme on peut
le penser. Chaque village a ses particularités et ses
appréhensions. Cependant plusieurs traits généraux peuvent
être retenus, traits communs aux chefferies. Il est possible comme
l'affirme FONGANG (1993-1994, 80), de dégager trois types de macro
structures intervenant dans la gestion politique de toute chefferie
Bamiléké à savoir le pouvoir exécutif, l'organe de
délibération et la population.
Sur le plan religieux, les Bansoa croient en l'existence d'un
Dieu Suprême qu'ils nomment «Ssi». Cependant, il
existe aussi la croyance en des dieux locaux ou familiaux
représentés par des lieux sacrés divers allant des arbres
aux tentes érigées à cet effet en passant par des chutes
d'eau. Ces divinités personnifiées selon le quartier ou la
famille où l'on se trouve sont secondées par les ancêtres
que les Bansoa vénèrent à travers le culte des
crânes car, ici le mort ne s'en va pas mais reste et peut agir en bien ou
en mal sur le vivant. Après vient le chef et sa suite.
Le Feuh (chef) et ses agents d'exécution
constituent l'organe exécutif. Les deux autres catégories
d'institution qu'on peut désigner selon leurs fonctions sont les organes
de délibération et les organes déconcentrés.
Notre préoccupation majeure est de présenter
l'organisation politique telle qu'elle était structurée, ou du
moins les survivances que l'on observe aujourd'hui de part et d'autre. Cette
tentative de reconstitution nécessite une analyse minutieuse des organes
du pouvoir. Ceci nous conduit à analyser leurs attributions sur le plan
politique.
Carte 3 : Village Bansoa Source :
archives chefferie supérieure Bansoa adaptées
Photo1. Entrée principale de la chefferie
Bansoa Notons les masques ku'ngang peints de part et d'autres
Auteur : W. V. Kengne, Septembre
2006
A- L'organe exécutif.
1. Le pouvoir du chef
L'organe exécutif se présente comme le niveau
supérieur de la stratification d'une chefferie8 puisque c'est
à sa tête que trône le
Feuh9 ; celui-ci est le personnage central
de la chefferie. Il est responsable de la politique intérieure et
extérieure de la communauté. La légitimité de son
pouvoir repose sur sa désignation par son père avant sa mort, son
arrestation et son initiation au La'akam.10 Une fois sorti
de là, il devient aux yeux de la population le Ssila'a (dieu du
village), porte-parole des ancêtres fondateurs de la chefferie.
Ceux-ci lui confèreraient l'intelligence et le pouvoir
pour gouverner. Il est en quelque sorte le maître du
gwong11. Le chef a la responsabilité de
négocier et de conclure les accords et les alliances au nom du peuple
avec les chefferies voisines. Il exerce aussi son autorité par le biais
des Nwoullah, des Mekam nefveu, des sociétés
coutumières et des sous-chefs.
Malgré l'étendue des pouvoirs dont dispose le
chef, celui-ci est loin d'être un potentat car son autorité est
contrôlée et limitée par des institutions
spécialisées aux pouvoirs bien connus, à l'instar du
Ku'ngang12.
a. Les conseilers spéciaux du chef
Dans l'exercice de son pouvoir, le Feuh a besoin et s'appuie sur
les institutions comme sus évoqué mais aussi sur les conseillers
spéciaux.
i. Le Kuetché Feuh.
Le terme Kuetché Feuh se traduit
littéralement par adjoint ou assistant du chef ou encore celui qui tient
la main du chef. Il est le plus proche du chef, mieux son premier conseiller.
C'est un prince frère consanguin du chef désigné dont les
parcours initiatiques sont identiques. Si le chef disparaît brutalement
sans laisser de progéniture, le Kuetché Feuh prend les
rênes du pouvoir. Il est après le Chef, le seul prince à
avoir accès à toutes les confréries coutumières de
la chefferie.
Il n'a aucune prérogative politique et apparaît
comme un médiateur au cas où surviendraient des différends
dans la famille royale. On le voit davantage s'activer dans les
médiations pendant l'absence du chef.
ii. La Maffeuh
Quand le chef accède au trône, sa mère
accède automatiquement à la dignité de Maffeuh.
Ce terme se traduit littéralement par reine-mère. Cela lui
confère une situation matérielle décente et elle tient de
toute la communauté un grand respect et une haute
considération.
Une fois qu'une femme est reine-mère, elle est
contrainte de se conformer à certaines règles, notamment son
départ de la concession royale. Elle quitte la concession, car ne
pouvant faire des enfants avec son propre fils ; celui-ci consomme ses unions
avec les veuves de son père qui peuvent encore procréer. Quand
elle vient à décéder, une de ses filles est
désignée héritière. Si celle-ci est
déjà mariée, elle doit quitter son foyer conjugal pour
s'établir dans sa nouvelle propriété où elle
reçoit discrètement son époux pour des besoins de
procréation. Elle peut même «épouser» d'autres
femmes pour son mari.
Comme le Kuetché Feuh, elle a le droit de
participer à certaines confréries secrètes
réservées uniquement aux hommes et peut apparaître aussi en
public pendant les exécutions rituelles et rythmiques. La
reine-mère a le droit d'être reçue publiquement par le
chef, même pendant le «ndú shù».13.
b. Les agents d'exécution du Chef
L'isolement du Feuh est pallié très
vite par la présence autour de lui de nombreux collaborateurs
(Nwoulah) et serviteurs (Metcheuh'Feuh) et des hérauts
(Pe ton'lop). Ils constituent la garde personnelle du Feuh en
même temps que ses messagers.
i. Les Metcheuh'Feuh (serviteurs)
Ce sont des agents inférieurs et soumis aux
Nwoulah. Aux côtés du chef, ils s'apparentent à la
garde personnelle et aux messagers. Ils accompagnent le chef dans ses sorties
à l'intérieur ou à l'extérieur de la chefferie car
ils sont chargés de porter les attributs du chef constitués de la
pipe, de la chaise, de la calebasse de vin de raphia, etc. Si le chef
décède subitement sans avoir désigné son
successeur, les Metcheuh'Feuh contribuent au choix du successeur selon
la confiance que le défunt avait placée en eux. Le travail des
Metcheuh-feuh est complété par celui d'un autre corps,
les Pe nton lop.
ii. Les pe nton lop ou Kui'fheu
(hérauts)
Ce mot se traduit difficilement en français. Si nous
essayons, on aura PE qui signifie les gens, NTON = crier,
siffler et LOP = sirène. C'est une sorte de héraut des
temps modernes. Ce sont des informateurs dont la mission première est de
transmettre au peuple les messages du chef. Ils effectuent leur mission
nuitamment et dans l'anonymat absolu et au cours de ces missions, ils crient
les mots d'ordre du chef en soufflant dans un instrument. Il peut arriver
qu'ils «exécutent la sentence prononcée par ce dernier
(en cas de mauvaise volonté de la part du condamné). »
(FOGUI, 1990, 136) Il est interdit de les croiser; si vous les entendez
arriver, vous devez vous éclipser.
iii. Les Nwoulah
Ce sont les agents d'exécution les plus gradés
et investis selon leur loyauté et leur moralité exemplaires. Ils
s'apparentent aux ministres de l'administration actuelle et
bénéficient des privilèges divers. Leur fonction à
la chefferie dure neuf ans. Ils ont la charge des divers aspects des structures
sociales tels que le protocole, la sécurité, le culte et bien
d'autres.
Le nombre de Nwoulah varie d'une chefferie à
l'autre selon les besoins de celle-ci. Pour certains auteurs, il existe trois
ou quatre catégories. Cependant, le groupement Bansoa en a
compté huit à travers le temps et les règnes. Nous avons
retenu les principaux qui sont encore présents aujourd'hui14.
- Le Nwoulah Tchobum ou Nwoulah
Nka'a
Son appellation provient des cauris qui ornent son chapeau ;
(Tcho = tête et Mbum = cauris). Ses fonctions sont
assez étendues ; Il est assimilé au premier ministre et
règle la plupart des litiges portés devant le chef, puisque
celui-ci ne s'occupe que des cas très graves. Il est aussi le grand
prêtre du culte des ancêtres. Il garde la partie supérieure
de la chefferie, sorte de caveau où seraient gardés les
crânes des chefs décédés. Vu le contact qu'il
entretien entre le monde des vivants et celui des morts, il a la charge
d'arrêter le nouveau chef pour son intronisation. Il est assisté
d'un adjoint nommé Nkué Nwoulah Tchobum.
- Le Nwoulah Noh
Le mot Noh signifie chefferie. Ce Nwoulah
est en quelque sorte le ministre de l'intérieur et le gardien des
trésors de la chefferie. Il est assimilé au ministre de la
défense dans la mesure où il coordonne aussi les activités
du Mandjong15. De nos jours, il gère les affaires
internes à la chefferie. Il est assisté d'un Ndeffeu Nwoulah
Noh qui s'occupe spécifiquement du protocole.
- Le Nwoulah Kah
Le mot Kah peut se traduire par association ou
regroupement. Le Nwoulah Kah est chargé de gérer les
associations traditionnelles. Il organise, contrôle et supervise les
activités de ces associations et doit dresser un compte rendu
fidèle au chef du village autant pour celles qui siègent le jour
que pour celles qui siègent la nuit. Il y en a plusieurs qui
siègent selon les jours de la semaine et nous pouvons citer : le Kah
Memetè, le Kah Ndùshù, Le Kah
Nshendà...
- Le Nwoulah
Ntée-nchiéNtée-nchié
signifie littéralement «le père de l'interdit». Ce
Nwoulah est le
coordonnateur du rite de purification du village. Ce rite
(Tchoua-tcha'a) qui dure trois jours permet aux Ppeu-nchiée
ou «gens de l'interdit» (qui sont en fait les membres du
Ku'ngang) de se mettre en condition pour exécuter la danse
rituelle avant laquelle ils parcourent tout le village des grands carrefours
aux limites pour l'exorciser, le purifier et le
protéger16.
Il est important de signaler que ces Nwoulah
après leur service auprès du chef, jouissent à leur sortie
de certains privilèges et anoblissements.
22 reçoivent trois petites filles ainsi que des lopins
de terre. Le Nwoulah Kah recevait deux petites filles ainsi qu'une
portion de terre.
Nous avons arbitrairement choisi de ne pas être
exhaustif dans cette section. Certes les fonctions des uns peuvent être
confondues à celles des autres, mais tous oeuvrent pour le bien de la
chefferie, tout comme ceux qui appartiennent aux organes de
délibération.
B. Les organes de délibération
Il s'agit principalement du Mekam Nevfeu, du Mekam
Sampa et de certaines confréries.
1. Les Mekam Nevfeu ou le conseil des
neuf
C'est le conseil des neuf notables. Cet organe politique qui,
comme nous l'avons déjà signalé comptait initialement neuf
membres17, est l'organe suprême. Il a des pouvoirs très
étendus qui équilibrent ceux du roi. Dans la chefferie Bansoa
comme ailleurs, il a un rôle consultatif car aucune décision
importante ne doit être prise sans leur avis. Le chiffre neuf est
caractéristique de la puissance, du pouvoir surnaturel, de clairvoyance
avec lequel le dieu protecteur du village illumine le conseil. Il a pour
rôle d'établir les lois et interdits auxquels chaque villageois se
soumet.
C'est le Mekam Nevfeu qui a la lourde
responsabilité, aidé du Nwoulah Tchobum, d'attraper le
nouveau chef et de conduire son intronisation en garantissant la
légitimité de son pouvoir. Il est le confident du chef et
reçoit de lui l'identité de son héritier potentiel qu'il
doit garder secrète jusqu'à la mort du chef et ne
révéler qu'au Nwoulah de droit. Leur rôle est
d'autant plus important que
Seuls les neuf ont le pouvoir délibératif
et peuvent être appelés, en cas de contestation, à
témoigner ainsi que le ou les parrains du jeune héritier. Cette
éventualité de contestation n'existait que par principe, dans
l'ancienne coutume. Car l'accord des neuf seul suffisait. Cet accord
généralement, ne souffrait pas d'intrique... (KANGA, 1959,
66)
L'opposition du Mekam Nevfeu à une
décision du chef fait véritable qualité de veto car les
membres sont mieux que quiconque aptes à interpréter la
coutume.
A coté de ce conseil suprême et sur la même
longueur d'onde, il existe le conseil des sept ou le Mekam Sampa.
2. Le Mekam Sampa ou le conseil des
sept
Il est facile pour un observateur non averti de confondre le
conseil des sept à celui des neuf. La particularité de ce conseil
repose sur son pouvoir mystique en ce sens qu'il est en contact permanent avec
les forces de la nature et le monde invisible. Si les neuf sont
23 comparables au parlement des temps actuels, les sept sont
assimilables à la plus haute juridiction du village. Pour PERROIS (1993,
60),
Quant au conseil des sept notables, le Mekam Sambueh,
c'est une sorte de "Cour suprême" de sages, dont le but est de veiller au
respect des institutions et des coutumes. Les sept membres du conseil sont
chargés notamment de l'intronisation du nouveau fo18 ; En
contact avec le monde invisible, ils doivent protéger les
chefferies.
Il veille à la protection des us et coutumes du village en
s'appuyant sur les esprits des ancêtres et des divinités.
Ce serait un tort pour nous de parler de ces conseils sans
nous attarder sur les sociétés secrètes qui sont de
véritables réceptacles de la puissance surnaturelle et des forces
spirituelles mises à contribution pour le maintien de la cohésion
sociale.
3. Les Mekoum Nshiè
(sociétés secrètes)
Encore appelées confréries
sécrètes ou associations coutumières, elles constituent
les leviers religieux, politiques, économiques et culturels sur lesquels
s'appuie le Chef dans l'administration de son peuple. Le mot confrérie
se définit comme "une association de personnes exerçant la
même profession libérale et appartenant à un même
corps"19. Autrement dit, une association religieuse ou
charitable.
Les confréries sécrètes à Bansoa
sont régies par des règles rigoureuses et des exigences
auxquelles doivent se plier tous les membres pour assurer leur survie. Ces
contraintes sont relatives aux différents pactes et alliances que les
membres contractent dès leur entrée dans la confrérie.
Ceux-ci sont tenus par le secret absolu et, à leur sujet,
On manque d'informations précises [...] car leurs
membres sont, dit-on tenus par de rigoureuses obligations de réserve et
ce à travers un serment que l'on qualifie de "magique". Toute
indiscrétion est censée être sévèrement punie
et de façon mystérieuse. (CHENDJOU KOUATCHO NGANSO, 1986,
100-1)
Ils ont le droit d'accéder à des choses
très sécrètes de la chefferie comme aller dans le caveau
royal par exemple. Ils sont craints même par les hauts notables qu'ils
ont le pouvoir de sanctionner en cas de violation de l'ordre coutumier.
A coté de celles-ci, il existe des organes
décentralisés comme des sous-chefferies qui sont de
véritables chefferies à l'état réduit qui
administrent à la basse échelle les populations
constituées de serviteurs, paysans et autres personnes de profession
libérale.
Ces sociétés secrètes ont un rôle
très important dans la chefferie du fait que leurs décisions
s'appliquent et s'imposent à tous. C'est la raison pour laquelle leur
prestige est resté immuable à travers le temps. Pour illustrer
ces sociétés, nous avons délibérément
jeté notre
dévolu sur l'une d'elles afin de pouvoir mieux comprendre
le fonctionnement et assimiler de facto les autres. Il s'agit de la
confrérie du Ku'ngang.
Il était question dans ce chapitre de présenter
notre contexte d'étude. Nous avons jugé important
d'éplucher le concept du mot Bamiléké pour nous
arrêter sur le cas Bansoa retenu comme notre site d'étude, cas que
nous avons présenté sur les plans historique,
géographique, et socio-politique. Ce dernier aspect nous a permis de
comprendre le mécanisme de la hiérarchisation de cette
société et d'en présenter les différentes
composantes. Cette dissection conduit une fois de plus à mettre à
jour le rôle fondamental que chaque maillon joue dans le maintien de
l'ordre social. Pour être plus explicite sur ce rôle, nous avons
jugé opportun de prendre appui sur la confrérie
sécrète Ku'ngang dont l'existence participe des
éléments fondamentaux de la sauvegarde des traditions
anciennes.
NOTES
1 Données recueillies dans le
Magazine socio-culturel Gwo-Gwong Sa'a 2003 édité à
l'occasion d'un Festival Biennal du même nom.
2 Lire «Nguemba». C'est une
façon dans la région d'apostropher quelqu'un dans le sens
"Dites-moi" ou "Je dis hein ?". Comme le démontre Fossi, P. A.,
Minimalisme et computations syntaxiques en ?g?mbà,
Thèse de 3e cycle Linguistique, UYI, 2005.
3 Information fournie par Sa
majesté TCHINDA II DJONTU Jean de Dieu, roi des Bansoa lors d'une
interview réalisée en 2006.
4 Nkeu Nta'a Tet en Nguemba signifie
ravin à trois branches. C'est un endroit du Membi d'apparence
très calme qui se divise sur une pente douce en trois branches dont
chacune représenterait un des chef Bameka, Bamendjou et Bansoa. Selon la
tradition orale, si vous jurez faussement en levant trois doigts (Majeur,
Annulaire et auriculaire), Le jour où vous traverserez le cours d'eau
à cet endroit, le débit s'augmentera miraculeusement, vous
engloutira et redeviendra normal
5 Depuis 2001 les fils et filles du
village et de la diaspora Bansoa se sont réunis pour créer un
festival portant le nom de la pierre (Gwo-gwong) qui a pour but non plus de les
séparer mais de les réunir pour se ressourcer dans les valeurs
culturelles qui tendent à disparaître.
6 Ngho lah Peut se traduire
littéralement par départ du village des gens ou de la population.
Selon la légende, c'est le lieu sacré où le Chef Banock,
dégoûté de la vie terrestre a ouvert dans le sol un
boulevard à l'aide de sa canne. Il y a amené tout son peuple
avant de le refermer après lui. De nos jours, on peut y entendre les
voix à certaines heures de la journée. Avant de s'y rendre il
faut avoir la bénédiction des Notables, gardiens des lieux.
Témoignage d'Emmanuel (46 ans), prince Banock.
7 Keue-me-Mbeuh signifie : "Prends de
gros morceaux" ou la vallée du calcaire". En temps de Maquis, les
populations s'y réfugièrent et firent courir la rumeur que la
grotte était habitée par des mauvais esprits dans le but de
dissuader les assaillants. Il se pourrait même que cette grotte renferme
des peintures rupestres que nous souhaiterons découvrir.
8 Dans son Mémoire, L'ascension
dans la société traditionnelle. Etude de la chefferie Bansoa en
pays Bamiléké, Jacques Negha essaye de lever la nuance entre la
chefferie et le village.
9 FO, FON, FEUH, cette appellation du
chef varie selon le dialecte ou le village où l'on se trouve.
10 Lieu d'initiation du futur Feuh
à ses prochaines fonctions.
11 Le Gwong est « une sorte
"d'Etat-nation" ou territoire, à la population et aux coutumes bien
définies.
12 Nous reviendrons sur le rôle et
la fonction du ku'ngang pls loin. Voir p. 25.
13 La semaine en pays
Bamiléké compte huit jours et le "ndú shù"est
considéré comme jour sacré, jour de repos où on ne
doit pratiquer aucune activité de travail de la terre sous peine de
malédiction ou même de mort.
14 Entretien avec M. Kolla Josué,
Adjudant retraité, notable Bansoa, Yaoundé, 08 Février
2005
15 Le Mandjong c'est l'association ou la
caste guerrière du village. Voir Fongang, J.P., Evolution des
pouvoirs..., 1993-1994. p. 97.
16 L'information sur ce rite sera
complétée au chapitre suivant à la section II portant sur
l'initiation et le rituel du Ku'ngang.
17 Notre informateur Ndi Mbé
Ndeffeu Nkuishouo nous a révélé que le conseil comptait
neuf membres dont le chef et huit descendants du chef fondateur.
18 Fo (Feuh en
?g?mbà) c'est l'appellation du chef en langue Ghomalah
parlée dans le Koung khi
19 Définition tirée du
Larousse trois volumes en couleur, librairie Larousse, Paris, 1970.
CHAPITRE II : COSTUME ET CONFRERIE SECRETE DU
KU'NGANG
La société traditionnelle Bansoa connaît
un foisonnement d'associations vaniteuses, religieuses ou secrètes. Ces
sociétés sont absolument indispensables pour la défense
des intérêts des membres, le soutien des actions collectives, la
régulation du pouvoir du chef et le maintien de l'équilibre
social. Le Ku'ngang est l'une des rares confréries à
Bansoa ne siégeant pas à la chefferie mais ayant une telle
puissance qu'elle est crainte, même par le chef du village. Dans la
langue jgambà, un adage dit : "Feuh luù
ndók nóh pak lók
çdum kuoñ"1 Ce qui signifie de
manière transcrite "Le chef a gagné la chefferie et nous
l'amont". Cela est d'autant plus impressionnant que pour KWAYEB, (CHENDJOU
KOUATCHO NGANSO, 1986, 119) «le Ku'ngang se garde bien de montrer
au chef tous les différents aspects de leurs secrets car celui-ci une
fois initié pourrait bien se passer d'eux.»
Pour sa meilleure compréhension, nous regarderons tour
à tour ses origines dans Bansoa, son initiation et ses rituels, sa
structuration et son rôle. Cette présentation intrinsèque
débouchera sur la présentation des objets qui l'accompagnent et
dont les membres sont en possession pendant leurs apparitions publiques.
Section I : Les origines du Ku'ngang à Bansoa
Avant de parler de ces origines, attardons-nous sur le mot
lui-même.
A- La doctrine fondamentale du Ku'ngang
Quelle que soit la variation de la façon
d'écrire ou de prononcer le mot, Ku'ngang traduit une seule et
même réalité pour toutes les communautés
Bamiléké qui le connaissent. Selon nos informateurs2,
Ku'ngang serait dérivé de la langue Fotouni dans le
département des Haut-plateaux de l'Ouest. Kou'
ou ku' pourrait se traduire par respect, amour,
confiance; Ngang quant à lui signifierait la
personne, quelqu'un ou l'indiqué. Le Ku'ngang est donc l'amour
ou le respect pour une personne. Il se décrit comme un rassemblement ou
une assemblée de personnes détentrices d'un pouvoir surnaturel et
dont le but est entre autres, de protéger le village contre les
épidémies, les mauvais esprits, les mauvais sorts et veiller
à sa prospérité autant agraire qu'humaine. PERROIS (1993,
88) à cet effet mentionne que :
Le ku'ngang constitue la société
secrète la plus active dans les chefferies car elle joue de nombreux
rôles, notamment en matière d'agriculture, de magie au
bénéfice du groupe, des rapports avec les défunts et
parfois-même militaire en complément du Manjong.
Le Ku'ngang est l'assemblée des sorciers et
des marabouts les plus puissants et les plus réputés du village
dont les origines remontent très loin dans le temps. Dans certains cas,
le Ku'ngang joue le rôle d'organe répressif et parfois
même de Justicier3.
On peut avoir une idée de sa région de
départ, des endroits de la province où on a ses premières
manifestations. Pour PERROIS et NOTUE, (1997, 74) «C'est à partir
d'un quartier de Banka que le Ku'ngang se serait répandu dans
une bonne partie des chefferies de la région».
Malgré ses origines assez mitigées, le
Ku'ngang s'est propagé dans plusieurs chefferies
Bamiléké, ainsi Bansoa n'a pas été
épargné.
B- L'arrivée du Ku'ngang à Bansoa.
Les enquêtes ont permis de découvrir que le
Ku'ngang s'est implanté à Bansoa en plusieurs
étapes, provenant des endroits différents. Certains informateurs
(anonymes) situent son arrivée à environ deux siècles et
pour d'autres, cette arrivée est plus récente, environ un
siècle et demi.
Selon un informateur4, le Ku'ngang dont il
est héritier et chef de clan est venu de Fotouni il y a quelques
siècles. Nous avons répertorié sept clans siégeant
encore à Bansoa. Cet informateur, âgé de 56 ans environ est
le 5e descendant d'une génération de Ku'ngang.
Sa maman encore vivante est âgée de 76 ans. Il affirme que,
son grand-père était le premier maître Ku'ngang
à arriver à Bansoa. Si l'on considère que les trois hommes
qui l'ont précédés ont vécu chacun au moins 50 ans,
cela nous situe approximativement à 206 ans avec l'âge de
l'informateur compris. Les témoignages convergent pour dire que ce clan
est le plus puissant et le plus ancien du groupement Bansoa car c'est lui qui
détiendrait la pierre du Ku'ngang5.
En effet, un prince Fotouni du nom de MBAH Sengang n'ayant pas
hérité du trône s'enfuit du village et se retrouva à
Bansoa. Il était doté d'un pouvoir surnaturel et impressionna par
le fait même le XIIIe chef de la dynastie Bansoa du nom de
FOMENE dit Ta'atoh Ntu'u».6 Celui-ci
sollicita les services de MBAH Sengang pour conquérir les territoires,
et surtout parce qu'il n'arrivait pas à faire un héritier
mâle. Un traitement spécial lui fut administré par le
guérisseur et le chef put enfin faire un garçon, Tchinde I,
père de
Djontu Maurice à son tour père de Sa majesté
TCHINDE II DJONTU Jean de Dieu, roi des Bansoa.
Comme sa renommée ne cessait de croître, cela
suscita quelques jalousies dans la cour, même et c'est pour éviter
des soulèvements que le chef permit à MBAH Sengang de s'installer
dans la partie sud-ouest du village et d'y créer sa chefferie car il
avait beaucoup de femmes et d'enfants. Une fois installé, il entreprit
immédiatement d'agrandir son territoire en repoussant les Baloum qu'il
effrayait par des voies mystiques. Il fonda ainsi la Chefferie
"La'afiè" qui signifie nouveau village ou terres
neuves.
D'un autre côté, le clan Ndze Tsinkem7
est venu de Bangam avec un nommé Ndzetchap et est aujourd'hui à
sa troisième génération. Vu les 57 ans d'âge de
l'actuel successeur et considérant que ses prédécesseurs
ont vécu chacun au moins 50 ans, on situe à environ 150 ans
l'implantation de ce clan depuis l'émigration de Bangam.
Photo2 :
Entretien avec, M. Ngumtsa jean Galbert (tradi-praticien chef
de clan Ku'ngang) en compagnie de sa mère.
Photo3 : Entretien avec M. Matthieu
Soh, (tradi-praticien et Chef de clan Ku'ngang)
Un autre clan venu de Bangam et qui n'a pas encore de descendance
à Bansoa est celui de Ndi Mbè Tamenouo. Cet autre chef de clan et
tradi-praticien est âgé de 62 ans.
S'il est vérifié avec NOTUE que le
Ku'ngang est né à Banka, l'hypothèse de sa
progression dans le temps et dans l'espace, suivant le parcours Banka, Bandja,
Batié, Bangam, Bamendjou et Bansoa peut être émise (voir
carte 3). La surprise est que ce Ku'ngang ait trouvé une autre
forme pré-existante, plus simple, plus sobre et plus ancienne.
C- Les formes de Ku'ngang à Bansoa
Le Ku'ngang existe aujourd'hui à Bansoa sous
deux formes uniquement, l'une étant immigrée et l'autre
autochtone. La première différence se situe au niveau des
costumes respectifs.
1. Le Ku'ngang immigré ou «Ku'ngang aux
cheveux»
Cette forme est la plus connue, la plus répandue et la
plus puissante. Nous l'avons appelée Ku'ngang aux cheveux
à cause des cheveux naturels à partir desquels les costumes
portés par les membres sont confectionnée. Elle est très
crainte et organisée en clans lignagers et il en existe huit à
Bansoa :
- Le clan Ndi8 Mbah Sengang - Le clan Ndi Ndze
Tsinkem - Le clan Ndi Mbè Muntang - Le clan Ndi Tendzodon
- Le clan Ndi Mbè Ndeffeu Téne - Le clan Ndi
Mbè Tamenouo
- Le clan de To'otcha'a*9 - Le clan de Djulah*
Chacun de ces clans siège de manière autonome
mais il n'y a pas de barrière pour le membre de siéger dans un
clan qui n'est pas le sien. A coté de cette forme de Ku'ngang,
il existe une autre plus antérieure.
2. Le Ngoup Nekou'
Cette forme est liée à la création du
village Bansoa. Aujourd'hui très peu connue et pratiquée, elle
est en train de tomber en désuétude. Le Nekou' ne
détient pas autant de pouvoirs que l'autre confrérie aux cheveux.
Il est constitué de quelques herboristes traitants. Ils se
réunissent une fois par semaine pour partager leurs expériences
autour d'une calebasse de vin de raphia et quelques noix de kola. Sa raison
d'être est aussi la solidarité car on voit cette confrérie
se déployer lors des funérailles d'un membre ou d'un proche.
Sa tenue, il y a longtemps, était faite de feuilles
sèches de bananier, maintenues par des cordes tressées provenant
de l'écorce de la même plante. Au contact de la colonisation, le
Nekou' a adopté un haillon taillé dans une pièce
d'étoffe noire ou dans un sac de jute. Le fond
est rehaussé par quelques cauris et coquilles. Lors des
enquêtes, deux clans ont été identifiés, qui selon
toute vraisemblance, seraient les seules survivances dans le village.
- Le clan de Jean-Marie10
- Le clan de Ndi Mbah Taku'u
Cette autre forme de Ku'ngang pourra faire l'objet d'une
étude ultérieure.
Après avoir traité des origines du
Ku'ngang à Bansoa, il est à présent question
d'aborder l'aspect initiatique et les manifestations de cette
société secrète.
Section II : Le rôle du costume lors de
l'initiation et du rituel Ku'ngang
A-L'initiation au Ku'ngang
Nous voulons signaler que le costume qui a retenu notre
attention est un élément fondamental de cette confrérie.
Il intervient dans tous les actes que posent les membres et avant de le
revêtir, chaque membre passe absolument par une intromission
particulière.
Cette confrérie est lignagère, l'entrée
un droit de sang et l'initiation non obligatoire. Quand un fils de Ku'ngang
manifeste la volonté d'intégrer le groupe, son père
le présente aux confrères et il obtient son droit
d'entrée. Tous les fils de Ku'ngang peuvent volontairement
intégrer la confrérie mais il faut au préalable que
celui-ci soit «préparé». Cette pré-initiation
consiste à faire boire aux enfants à bas âge des
décoctions et à lécher des poudres d'os d'animaux
broyés et beaucoup de décoctés similaires. Ceci
s'accompagne de paroles incantatoires et protectrices. Il doit aussi prendre
connaissance avec le costume, ce nouvel objet fait de particules humaines,
animales et végétales qui devront lui servir de bouclier contre
les attaques mystiques.
Aussi, la fille aînée Tèt Ndeh
Ku'ngang obtient d'office son droit d'entrer dans la
société, de siéger et de prendre part à toutes ses
manifestations publiques. Elle prend de ce fait le nom de Maffeuh
Ku'ngang.
Pour nuancer les propos de PERROIS et NOTUE (1997, 74-76), le
Ku'ngang à Bansoa ne siège pas du tout à la
chefferie et le chef est d'office exclu d'en être membre dans la mesure
où il n'est pas de la lignée. Bien plus, les postulants ne
contractent pas impérativement d'alliance totémique avec des
animaux féroces lors de leur initiation.
Bien qu'issu de la lignée, le nouveau membre doit subir
l'épreuve du jet de cauris. Tous les fils Ku'ngang ont la
possibilité d'en devenir membres mais pas la même
prédisposition à supporter les rigueurs de la formation. Ainsi,
la confrérie réunit tout son comité et le devin
prend quatre cauris sur lesquels il demande au postulant de
cracher. Ceci fait, ils sont jetés au sol et le devin interprète
leur position. Si les cauris répondent par l'affirmative, le candidat
est alors autorisé à commencer son initiation. Au cas contraire,
l'expérience est répétée deux à trois fois.
Si cela persiste, il y a un huis clos entre les membres pour détecter le
blocage. Au sortir de là, l'on refait le jet et s'il y a toujours refus,
le candidat se voit refusé l'accès à l'initiation. Il faut
noter que le candidat choisi par les esprits n'a pas besoin de subir deux jets
car le premier est très souvent confirmé.
Il est vrai que le Ku'ngang est
caractérisé par les pouvoirs magico-religieux des membres. C'est
ce qu'ils appellent entre eux le Nguegang, forme camouflée de
Nekang qui signifie la magie. Cette puissance s'acquiert à la
naissance et est cultivée au fil des apprentissages divers sous le
regard perspicace du Tatchouop (maître initiateur).
Lors de la première initiation marquant son accession
à la confrérie, le jeune postulant a le crâne rasé
et le corps embaumé de P'poh (poudre rouge de bois d'acajou)
mélangée à de l'huile de palme, preuve qu'il décide
de se sacrifier pour la cause du ku'ngang. Il est gardé chez le
Tèt Ndeh pendant la durée de son initiation et ne doit
retourner chez ses parents qu'une fois la première phase
terminée. Il ingurgite au quotidien des décoctions dont seul
l'initiateur connaît la composition. Il est mis sous un régime
alimentaire ascétique pendant les trois à six semaines que peut
durer son intromission. Pendant cette phase de privations, l'impétrant
passe de son onction en rouge vers une onction jaune faite de terre ocre
broyée et mélangé à l'huile. Au menu, il ne
consomme que des insectes, des grenouilles et bien d'autres.
La rigueur de son initiation tient aussi du caractère
puissant de cette confrérie car le jeune aspirant doit être bien
préparé à affronter les esprits maléfiques lors des
étapes qui joncheront son parcours.
Cette phase s'achève par une manifestation solennelle.
Une fête sur la place publique marque d'office la sortie des nouvelles
recrues. Ils ont le torse nu et portent tous des jupes en tissu en batik
«ndop». C'est à cette occasion qu'ils commencent
à exercer leur jeune talent surnaturel en mangeant du taro cru ou en
mâchant des objets tranchants tels des lames de rasoir ou des tessons de
bouteilles. Il arrive parfois que la rudesse de la formation ait raison de
certains prétendants. A la sortie, si un parent au lieu de voir son fils
trouve plutôt brandi un haillon de son vêtement recouvert de
cendre, il comprendra que celui-ci a succombé pendant son
apprentissage.
La deuxième phase est la plus longue et la plus
spirituelle. Parvenus à l'âge adulte et mariés pour la
plupart, les candidats doivent apprendre à maîtriser leur force
intérieure, leur énergie et les forces qui les entourent à
travers une méditation. Ils apprennent à connaître la danse
Ku' (lire Kou') ainsi que tous les accessoires qui y sont
associés. Ils s'exercent sous le regard du Tèt Nekang
(père de la magie) à opérer des prodiges tel que commander
ou maîtriser les forces de la nature (vents, orages, pluies, foudre,
essaim d'abeilles...) Ils apprennent aussi à déposer le
fétiche en cas de vol et comment l'amener à agir sur le coupable
en cas de non restitution (voir photo 9). C'est également à ce
stade qu'ils apprennent à charger une statue et d'en faire un
réceptacle du Nguegang (voir photo 10, 11 et 12), capable de
motricité, de parole et d'action sur l'homme. Une fois que la formation
complète est achevée, l'aspirant est à même de
savoir quel prodige peut être fait en public ou pas. Les autres pratiques
et démonstrations restent ésotériques.
A cause du pacte de discrétion qui lie tous les membres
de cette société, nous n'avons pas pu accéder à
plus d'informations relatives à certains autres rites qui se passent
lors de ces initiations. Nous voulons tout de même aborder le rituel.
B- Le rituel Ku'ngang
Le rituel Ku'ngang est lié à son
initiation. Cependant, certains rites sont pratiqués en public à
titre démonstratif ou folklorique tandis que l'essentiel se fait
très secrètement. Parmi les rituels du Ku'ngang
pratiqué en public, l'on peut citer la fécondité, la
défense et la protection contre les esprits maléfiques et celui
de la répulsion des épidémies qui ne se pratique jamais
à visage découvert. Le costume se présente comme un
élément indispensable de la concentration des forces dont ont
besoin les officiants et les participants.
La pratique intrinsèque du rituel Ku'ngang
reste inaccessible au non initié. Cependant, il nous a été
révélé qu'en cas d'épidémie dans le village,
tous les clans se réunissent à un endroit retiré au coeur
de la forêt pour un conseil de crise. La dizaine de jours qu'ils y
passent est faite de privations, de méditation, de concertation et de
quête. Ils sont à la quête des plantes rares dont la mixture
associée à d'autres poudres magiques repoussera
l'épidémie ou la force y relative. Une fois la potion
apprêtée, les membres sortent de la forêt à la file
indienne et vont nuitamment aux limites et aux grands carrefours du village
pour asperger le produit en proférant des incantations et d'autres
paroles magiques. C'est le rite Tchoua-tcha'a à l'issu duquel
ils pratiquent la danse rituelle.
Le plus grand rite du Ku'ngang est une biennale qui
débouche sur la célébration du Ngou'
Nekang11, cérémonie pendant laquelle les
différents clans bénissent le village et le protègent des
mauvais sorts. Préalablement, chaque patriarche convoque toute sa
descendance âgée de moins de cinq ans pour les préparer. Il
s'agit de les faire asseoir tous à la manière du
Lotus12 avec les doigts croisés à la hauteur de la
poitrine. Le patriarche applique sur chaque ongle une mixture faite de plantes
séchées et d'une poudre d'écorce broyée, le tout
mélangé à de l'huile de palme. Chaque enfant doit ainsi
lécher ses ongles à tour de rôle sans décroiser les
doigts. Tous les fils du village doivent subir ce rite de
protection13 de peur d'être attaqué par les mauvais
esprits qui seront chassés pendant le rite du Nekang.
Ce rite en lui-même se prépare toujours en
forêt et chaque membre du Ku'ngang reçoit sa part de
potion magique dans un petit sac fait en fibre de raphia dont l'ouverture est
condamnée. Chacun fait serment de ne rien y ajouter, encore moins d'en
retrancher et de ne l'utiliser que pour du bien. Ce sont ces petits sacs qui,
en plus des masques cagoules revêtus, lors des sorties sur la place
publique, seront tapés sur la tête des spectateurs dans le but de
chasser les mauvais esprits et de guérir les maladies de toutes sortes.
En bref, chacun reçoit proportionnellement selon son problème et
le voeu émis. Toutefois, les spectateurs doivent absolument
éviter de rentrer en contact direct avec le costume in situ car il
regorge des forces sensibles.
Il existe pendant cette séance de guérison
publique, une autre activité menée par une classe
supérieure des membres, la classe des superviseurs
généraux. Ceux-ci, très puissants, font une percée
en forêt pour repérer les lianes magiques qu'ils enroulent autour
des reins. Il faut être doté de leur pouvoir et surtout
d'intentions positives pour les retrouver sinon, on passerait devant elles
à longueur de journée sans les apercevoir. Ces lianes leur
donnent le pouvoir, pendant la danse, de détecter les membres qui
auraient troqué leur sac à un autre ou qui y aurait ajouté
une substance maléfique. Quand un coupable est identifié, il est
immédiatement désavoué et banni du clan et de la
société secrète. Le rituel du Ku'ngang se
poursuit de manière restreinte chez chaque membre qui exerce selon son
rang et le pouvoir qu'il détient.
Il est à noter en somme qu'au sein de cette
confrérie, tout le monde n'a pas la même force ou la même
puissance, ni le même rang. Ceci nous amène à aborder
l'organisation interne de la confrérie Ku'ngang.
Section III : Le costume et la structure associative du
Ku'ngang
L'organisation interne du Ku'ngang est assez
difficile et complexe. Ce sont les membres qui connaissent entre eux la place
que chacun occupe. Cette complexité vient de ce qu'il regroupe les
membres du Mekam Sampa et du Mekam Nevfeu ainsi que d'autres
personnes dotées de pouvoirs variés et divers. Il existe tout de
même des indications liées au costume, qui permettent au profane
de savoir approximativement le rang occupé par chacun.
A-Le Takou' (le père de la magie)
C'est le maître suprême du Ku'ngang,
encore appelé père de la magie. Le village n'en compte qu'un qui
est le chef de tous les clans. Sa souveraineté est reconnue et tous les
membres de tous les clans lui doivent respect et soumission. C'est lui qui
détient la pierre sacrée dont nous avons parlé plus haut.
Il est rarement présent dans les manifestations publiques du
Ku'ngang et quand c'est le cas, il ne porte pas comme les autres le
masque cagoule. A lui seul, il est capable de dissoudre un clan si celui-ci se
détourne des préceptes fondamentaux de la confrérie. C'est
lui qui convoque chaque fois les réunions de crise et qui rassemble les
autres clans pour le Ngou' Nekang.
B-Le Tèt ndè Ku'ngang (le capitaine ou chef
de clan)
C'est le fondateur et grand prêtre d'un clan ou son
successeur. C'est chez lui que se passe le culte car c'est lui qui
détient la statue fétiche, réceptacle du pouvoir clanique.
Il se distingue facilement des autres lors des sorties officielles par son
costume. Celui-ci est fait dans un sac de jute sur lequel sont accrochés
tout un tas de choses (voir photo 4a). On peut y voir des coquilles d'escargot,
des cauris, des morceaux de peau d'animaux féroces, des reptiles, des
grelots, des sacs fétiches, des cheveux tressés et bien plus.
Selon les circonstances, il sort avec son masque cagoule unicorne fait de
cheveux tressés.
C- Le Tatchouop ou l'initiateur
Comme l'indique son nom, il est l'initiateur du clan. C'est
lui qui a la charge de recevoir et initier les nouveaux membres qui arrivent
dans le clan et de conduire leurs pas sur le difficile et dangereux sentier de
l'apprentissage de la magie. Ceci se passe sous le regard averti du
Tèt ndè. Il se distingue en public des autres membres
par son masque à deux cornes (Photo 5).
Photo4 : les costumes du Tèt
ndè Photo5 : coiffure bicorne
a) Le capitaine tenant son costume
b) costume unicorne du Tatchouop
B-La Maffeuh Ku'ngang ou la reine du Ku'ngang
C'est la fille aînée du chef de clan, le
Tèt ndè. C'est la seule personne de sexe féminin
habiletée à siéger au sein du groupe, ce qui est un grand
privilège pour elle et l'objet de beaucoup d'admiration pour ses
consoeurs. En cas d'absence du chef de clan, elle peut diriger les troupes.
Elle sort en public avec le groupe sans porter de costume, ni de masque et ne
tient à la main qu'une branche de Kwenkeng14
D-Le comitéLe comité est
formé des membres appartenant aux conseils des neuf, et des sept, ainsi
que des spécialistes dotés de pouvoirs particuliers :
1. Les membres du conseil des Sept
Ce sont des hommes très puissants et influents dans
tout le village. Si l'un d'eux appartient à la confrérie, sa
tenue d'apparat comme toutes les autres sera faite de cheveux tressés
mais avec la particularité d'être surmontée de 5, 7. 8 ou
10 cornes (voir photo 6).
2. Les membres du conseil des neuf
Décrit plus haut comme l'organe consultatif du village,
il a des membres qui siégent au sein du Ku'ngang. Lors de leur
apparition en public dans ce cadre précis, leur cagoule est
surmontée de 2, 3 ou 9 cornes (voir Photo 7). Etant des
légiférants du village, c'est la raison
pour laquelle celui qui est chargé d'enseigner aux
nouveaux membres les préceptes de l'organisation (Tatchouop) a
été choisi parmi eux.
a) masque à 5 cornes b) masques à 7 cornes c) 8
cornes d) 10 cornes
Photo 6 : les costumes des membres du
sept
a) masque à 3 cornes
b) masque à 9 cornes
Photo 7: les costumes des membres du
neuf
3. Les autres membres du comité
- Le Tchouo'ngah (devin)
- Le Ngang Nehang (l'homme du ciel)15
- Le Mbà Mbeng (celui qui retient la
pluie)16
- Le Nthrom (Vampire)
- Le Nhù Nghù (Détecteur). Il a
le don de détecter et de retrouver les choses cachées ou
égarées. On fait appel à lui pour creuser le
Ntcheup17 ou pour déterrer un crâne que l'on
veut amener à un abri sollicité par le mort lui-même.
Bref, chaque membre de cette assemblée est doté
d'un pouvoir mis au service de la confrérie pour le bien être de
la communauté.
Section IV : Le costume et quelques accessoires du
Ku'ngang
Il a été question ici de présenter
morphologiquement et symboliquement ces accessoires en prenant en compte, dans
la mesure des possibilités, de la cosmogonie de cette
société secrète.
A- Le costume
L'élément caractéristique du masque
Ku'ngang ce sont les cheveux qui le constituent. Il est conçu
avec une loge, sorte de cagoule prévue pour recevoir la tête du
porteur. Tout autour de la loge, des tresses faites de vrais cheveux humains
pendent au moins jusqu'aux genoux du porteur. La forme de la partie faciale du
masque varie selon le costume et le réalisateur. Elle est tantôt
ovoïdale (Photo 8a) ou polygonale (Photo 8b). Ce qu'ils ont en commun ce
sont les trous aménagés au niveau de la bouche et des yeux pour
respirer et voir. N'ayant jamais porté ce masque, nous ne pouvons
certifier le confort du porteur. En effet, si on considère que la
plupart du temps, les porteurs tiennent d'une main le masque par le menton pour
le décoller du visage, on peut déduire qu'il n'est pas
évident de s'y sentir à l'aise. On peut lire sur la face de
certains masques, des expressions particulières de peur, de joie, de
détresse ou de fureur. La face est généralement
perlée (Photo 7b) ou cousue de cauris (Photo 6a, b et d) sur un morceau
d'étoffe rouge. Une couronne de cheveux plus ou moins accentuée,
faisant corps avec le masque, est à la base des cornes qui le
surmontent. Ces cornes dont le nombre varie d'un costume à un autre sont
recouvertes en partie de cauris cousus sur un morceau d'étoffe rouge.
Les cheveux qui pendent sont des longues tresses
minutieusement confectionnées. Chaque tresse est ceinturée
à intervalle irrégulier par des bouts d'étoffes parfois
scintillantes. Celles-ci assurent davantage la fermeté et
l'étanchéité de tresses. Ce costume parait aussi simple
que sa confection et le matériel utilisé.
B-La confection du costume
L'on a besoin de peu de chose pour réaliser ce costume.
Parmi les objets utilisés, on peut citer des cheveux, de la ficelle, des
cauris, des cornes d'antilope, de gazelle et ou de boeuf, l'aiguille, de la
paille pour tresser le masque facial, des pièces d'étoffe et un
pot de colle.
Le masque que l'on tresse dans la paille doit pouvoir
être facilement enfilé sur la tête. Il est ensuite recouvert
d'un tissu sur lequel les éléments seront cousus. Une fois ce
masque achevé, vient l'étape d'ajustement des cornes. Un tissu
est solidement cousu sur la base des cornes. Il permettra de coudre les cornes
sur le masque. Les tresses quant à elles sont faites
séparément. On prend trois ficelles de même longueur dont
on fait des mêlées. A Chaque mêlée, on insère
une touffe de cheveux de manière à obtenir une longue
continuité (voir photo9). Pour plus d'adhésion, les fils sont
encollés au fur et à mesure que l'on met des cheveux. Quand les
tresses sont achevées, on les tond tout le long pour les rendre plus
régulières. Enfin, on y coud par endroit des morceaux
d'étoffes rouges et blanches pour non seulement mieux retenir les
tresses, mais aussi pour décorer. Quand il y a suffisamment de tresses,
on serre les bouts de ficelle débordants pour les fixer sur la couronne
située sur la partie supérieure du masque. En ce qui concerne les
finitions, les cauris ou les perles sont cousus sur le tissu qui recouvre la
face et la base des cornes et le tour est joué.
A ce stade, notre masque reste un objet d'art inoffensif et
incapable d'une action quelconque. C'est après le rituel de sa
consécration qu'il ne sera plus permis aux non initiés de s'y
approcher. Il aura alors acquis le pouvoir qui fait de lui comme la plupart des
objets d'art bamiléké, un objet craint (PERROIS et NOTUE, 1997,
101)18.
En plus de ce costume, il existe d'autres objets qui
participent de l'univers du Ku'ngang, notamment des masques de bois et
des statues et dont l'observation nous a permis d'en tirer des signes
graphiques que nous avons utilisés pour la création picturale.
39
a) forme ovoïdale à cauris
b) Formes rectangulaires à cauris et perlées
Photo 8 : masques cagoules
Ku'ngang
Photo 9 : Le chef de clan tressant des cheveux
pour confectionner les masques
La statue en elle-même est très réaliste
et représente une femme ; bien que le visage soit masculin.
Proportionnellement, la tête représente le tiers de la hauteur
totale qui est sensiblement égale à 30cm. Le tronc est moyen et
les jambes frêles. Le bras gauche est plié et la main
portée vers la hauteur de l'épaule. Dans celle-ci un trou est
aménagé et les doigts suggérés. Ce trou
reçoit selon les circonstances, une branche d'arbre de paix, une
flèche ou un couteau.
C- Les statues Ku'ngang
Les statues liées au Ku'ngang sont aussi
variées. Nous convenons avec PERROIS et NOTUE (1997, 131) que
malgré le réalisme très poussé, une tendance
à épurer ou au contraire à simplifier certaines formes
apparaît dans plusieurs oeuvres. Ces statues utilisées dans les
confréries sont multifonctionnelles.19
1. La statue de fétichisme
Au sein de la confrérie, il existe des poseurs de
fétiche à qui on peut faire appel lorsqu'un cas de vol est
signalé. Quand il est contacté, sur place, il demande à
tous de véhiculer la nouvelle selon laquelle le voleur doit restituer
l'objet volé dans les plus brefs délais. Une fois cet ultimatum
lancé, il implante un décor où la statue joue un
rôle central. Un cercle est tracé sur le sol, avec du sel ; dix
cierges rouges et blancs sont ensuite allumés, deux tiges de roseau sont
croisées devant la statue à côté d'un vase en terre
cuite. Un feu de bambou est aussi allumé dans le cercle et évolue
au rythme de la fonte des cierges.
Un trou est aménagé sur l'abdomen donnant sur
une cavité où l'on loge les produits magiques qui agissent sur le
coupable. Une tresse de cheveux est enroulée sur le cou et les bras de
la statue, de même qu'un morceau d'étoffe rouge autour du rein
(voir photo 10b). Ces deux éléments sont assez
représentatifs de l'univers matériel et chromatique du
Ku'ngang.20
2. Les statues réceptacles du
pouvoir.
Chaque fondateur ou chef de clan de la confrérie
possède chez lui, parmi les statues, au moins une dont les pouvoirs sont
grands et le rôle assez spécifique. Chez chacun des deux chefs de
clan que nous avons sélectionnés, nous avons trouvé des
statues particulières.
- Chez M. Matthieu SOH dit Ndi Ndze Tsinkem, l'on a
découvert deux statues auxquelles le chef de clan a attribué des
noms. L'une se nomme Christophe Dassi (Photo 11) et l'autre Barrabas Kemgang
(Photo 12).
Christophe Dassi est incontournable car on se
réfère à elle chaque fois que le clan doit se manifester.
C'est sur elle que l'on fait couler l'huile rouge, le sang de bêtes et
autres produits de sacrifice. Elle mesure environ 40cm de haut avec 20cm de
diamètre. Elle est réalisée dans un style proche de celui
de la statuette fétiche décrite plus haut. Nous pensons
même que toutes seraient les oeuvres d'un même artiste. La seule
différence qui existe entre les deux est que celle-ci représente
un homme. On peut remarquer accrochés à cette statue des plumes,
des épines de porc-épic21, une tresse et surtout un
chapelet chrétien. Cette statue est douée, entre autres, du
pouvoir de motricité et d'expression orale et elle doit toujours rester
à l'abri des regards indiscrets. Après plusieurs demandes
infructueuses, nous avons exceptionnellement obtenu le droit de la
photographier.
L'autre statue, Barrabas Kemgang, est pour sa part dans la
même posture que les autres, mais d'une facture plus raffinée.
Elle est plus haute (environ 90cm) et repose sur un socle. En plus, elle porte
des éléments ajoutés comme une couronne de lianes
magiques, une chaîne au cou, un bracelet de cuivre dans la main, une
calebasse perlée accrochée au cou, des plumes et autres objets
indescriptibles. La fonction de cette statue selon nos informateurs est
très spécifique. En cas de décès ou des
funérailles d'un membre de la confrérie, Barrabas est sortie et
exposée au centre ou à l'entrée de la cour où
l'événement aura lieu. Ceux qui en savent un peu identifient la
statue aisément. Elle se lamente et quand on lui demande pourquoi,
éplorée, elle donne les raisons de sa tristesse.22
Cette statue, difficile à décrire à cause
du décor et de tous les éléments d'ajout ne pouvait
être déplacée de l'endroit où elle était
posée (voir photo 13). Elle est accompagnée de sacs
fétiches, de poignard, de jujubes23, de cheveux, de peaux
d'animaux et surtout d'une corne (porte d'entrée des esprits) tenue dans
la main droite et levée vers le haut au dessus de laquelle est
posée la boule qui détient toute la puissance de la statuette. Le
visage de la sculpture (seule partie du corps assez distincte) a
été fait dans un style très réaliste. Les contours
des yeux sont peints en blanc.
Cette statuette est sollicitée pour les traitements de
dernier recours et pour les pratiques de divination. Son dispositif
présente tout autour d'elle des récipients contenant des
remèdes sous forme de décoctions et décoctés. S'il
arrive qu'un traitement soit destiné à quelqu'un
éloigné, on l'applique sur un pigeon blanc qu'on pose sur l'objet
de puissance tenu par la statue et on le laisse s'envoler. Quelques temps
après, le malade recouvre la santé où qu'il se trouve.
Toutes les statues qui viennent d'être
présentées ont en commun les pouvoirs surnaturels dont elles sont
dotées. Ce sont des objets d'art d'un autre genre et nous convenons une
fois de plus avec PERROIS et NOTUE (1997, 102) pour qui, «des
légendes entourent certains d'entre eux. Ils ont parfois un nom propre ;
On en considère quelques uns comme des êtres humains et d'autres
comme des divinités qui sont adorées.»
Admettons avec PERROIS (1993, 85) que «La création
artistique, très liée au contexte socio-culturel dans lequel elle
s'est développée tient aussi aux ressources du milieu quant aux
matériaux traités.»
Ph. 11 : Statue nommée Christophe
Dassi Ph. 12 : Statue nommée Barrabas Kemgang
Ph. 13 (a et b) : Statue réceptacle
chez Ndi Mbe Takougoum
Les investigations dans ce chapitre avaient pour but d'entrer
en profondeur dans la confrérie et d'en ressortir les origines, le
rituel et surtout le rôle qu'elle joue dans la communauté. Cela a
permis d'évoquer le problème de l'homme qui doit toujours
combattre les forces du mal et les forces invisibles qui lui sont hostiles et
qui partagent son existence au quotidien. Nous avons en effet à faire
à une création artistique dont la finalité est de
protéger l'utilisateur. Heureusement que le Ku'ngang est
là comme auxiliaire de cette protection. Il a été aussi
question de structure sociale du Ku'ngang et nous avons essayé
malgré des informations lacunaires de situer chaque catégorie de
membre avec ce qui le caractérise. Nous avons constaté que le
rang de chacun est mis en exergue par le costume qu'il porte pendant
les rares sorties ainsi que les autres objets qui l'accompagnent.
Cela nous amène à présent à nous appesantir sur la
transposition de ces données dans nos créations.
Il apparaît clairement que les costumes et statuettes
ainsi que les autres objets rituels du Ku'ngang appartiennent à
un univers où il est difficile de séparer l'objet d'art de sa
fonction religieuse. Tous les actes de la confrérie où intervient
un de ces éléments sont en quelque sorte des processions relevant
du domaine du sensible, dans la mesure où, tous les rituels sont une
quête du bien-être de l'homme, constamment menacé par des
forces invisibles. Le Ku'ngang a réussi à s'accaparer
ces forces et à les positiver pour les mettre au service de l'homme.
Il était aussi question de présenter le
Ku'ngang dans son univers ainsi que tous les éléments
qui y participent. Nous avons démontré que cette confrérie
repose sur des rites, des non-dits ou des indicibles qui font son
originalité, son autonomie et sa survie. Nous avons essayé de
prouver que cette confrérie est suffisamment hiérarchisée
et qu'en son sein chacun détient un pouvoir spécifique. Cette
organisation interne est davantage renforcée par le rôle
même de cette confrérie dans la chefferie toute entière. A
propos, PERROIS et NOTUE (1997, 59) déclarent : «Les
sociétés secrètes constituent donc des
éléments clefs de l'architecture de l'édifice social
Bamiléké et restent un des aspects fondamentaux de la culture de
cette région du Cameroun.» A leur suite, CHENDJOU (1986, 78) ajoute
que les membres du Ku'ngang sont : «des gens qui sans être
des fils ou descendants de chefs disposent de part leur fonction sociale, d'un
certain prestige dans le village. Ce sont des devins et
thérapeutes.»
Après avoir ainsi donné le rôle de cette
société ainsi que quelques uns des éléments
physiques et métaphysiques qu'elle utilise, (éléments
artistiques), il est question à présent de nous en servir
plastiquement. Autrement dit, comment partir des formes visibles et sensibles
puisées dans l'univers du Ku'ngang pour créer des
oeuvres d'art ? Comment au delà de leur objectivité ces oeuvres
garderont-elles l'empreinte de la démarche créatrice du
plasticien?
NOTES
1 Ce dicton propre aux membres du Ku'ngang signifie que le
chef règne dans sa chefferie et le Ku'ngang en dehors de celle-ci. Il
témoigne aussi de leur puissance. Il a été recueilli
auprès de Feuneck Etienne, 69 ans, Bansoa chefferie, 17 Août
2006
2 -M. NGUMTSA Jean Galbert, dit
Mbé Takoungoum, 56 ans, Tradi-praticien, Chef de clan Ku'ngang,
frontière Bansoa-Baloum, 26 Août 2006.
-Plusieurs informateurs anonymes
3 M. Jean FOGUE, Bafoussam, 30 Septembre
2006.
4 M. NGUMTSA Jean Galbert, Bansoa, 26
Août 2006.
5 Dans toutes les régions qui
connaissent le Ku'ngang, il y a toujours un clan plus puissant. C'est lui qui
détient la pierre fétiche, socle de la puissance du Ku'ngang. Si
elle s'égare, le clan est anéanti. Elle est placée
à un endroit discret de la concession où personne ne penserait
aller la chercher. Parfois même, pour mieux la dissimuler, on l'expose et
cela n'éveille aucun soupçon pour les personnes qui la foulent
sans le savoir.
6 Josué. KOLLA dit Sufoe Tum et
J. C. Tiné, «Fonkou Meneh dit Ta'atoh Ntu'u'', Ndú`
Ssá, Les grands hommes Bansoa, n° 04 de janvier 2001, pp. 10-13.
Ces notables et parenst Bansoa y présentent Ta'atoh Ntu'u né
autour des années 1800 comme l'homme portant le casque de fer, le grand
conquérant. Ce fut l'un des rares chefs Bansoa à avoir par ruse
conquis certaines terres des villages voisins pour étendre son
territoire.
7 M. SOH Matthieu dit Ndi Ndze Tsinkem,
42 ans Tèt ndèh Kou'ngang Bafoussam, 10 Août 2006.
8 Ndi est une formule de respect, de
dévouement et de politesse envers les notables à Bansoa.
9 Le signe * que nous utilisons ici
désigne les clans dont nous n'avons pas pu avoir le nom du chef, mais du
quartier où ils siègent dans le village.
10 L'informateur a refusé de nous
donner son véritable nom ainsi que celui qu'il a acquis au sein de la
confrérie.
11 Le Ngou' Nekang est l'année de
la magie se tenant tous les deux ans alternant le Ngou' Nshiè
(année de l'interdit) où une manifestation ne doit se tenir dans
le village avant que le rite ne soit effectif.
12 Le lotus est une attitude
méditative assise que l'on reconnaît aux statues du
Bouddha.
13 Nous nous souvenons avoir fait l'objet
de ce «passage obligé'' alors que nous avions cinq ans et que nous
vivions dans la concession de notre arrière grand père
14 Kwenkeng c'est l'appellation en langue
Nguemba de la plante dite "arbre de paix"
15 Pour envoyer la foudre, le Ngang
Nehang a besoin entre autres d'un chiot noir avec deux taches blanches au
dessus des yeux, d'un sac et d'une machette ou tout autre objet
métallique coupant. Le chiot est enfermé dans un sac en raphia et
le tout aspergé de certains produits magiques. Par un temps de pluie, le
sac est déposé dehors et la machette plantée à
l'endroit où les gouttes d'eau tombent du toit. Des paroles
incantatoires sont proférées dans le genre : « Va chez un
tel, venge-moi, calcine-le... » A ce moment, le sac s'envole et quand il
reviendra vide, ce sera la preuve que l'acte est accompli avec
succès.
16 Littéralement, c'est celui
qui retient la pluie. Pour le faire, le Mbà Mbeng sort sur la place de
la cérémonie avec sa pipe. Il tire de grandes bouffées
qu'il rejette vers le ciel à plusieurs reprises (on dit qu'il
brûle la pluie). Parfois quand c'est difficile, il entre en transe. Une
fois que ce rituel est effectué, il retourne s'enfermer chez lui
où il se privera de tout aliment contenant de l'eau, jusqu'à la
fin de la cérémonie. Cette épreuve a parfois
été fatale pour certains. C'est la raison pour laquelle suivant
l'ampleur de la cérémonie qui doit avoir lieu, le Mbà
Mbeng peut exiger entre 50 et 150 000f CFA.
Nous avons eu l'opportunité de rencontrer un
Mbà Mbeng octogénaire qui se déplaçait dans la
pluie et curieusement, celle-ci faisait un cercle autour de lui au fur et
à mesure qu'il avançait, sans toutes fois le toucher. Ceci s'est
prolongé jusqu'à ce qu'il trouve un abri.
17 Le Ntcheup c'est un rituel qui
consiste à faire une fosse à l'intention d'une personne afin de
la débloquer et éloigner d'elle la malchance et le mauvais sort.
Si en creusant on y découvre le terrier d'une mygale, c'est un signe
positif.
18 Selon eux, «L'atmosphère
magico-religieuse dans laquelle baignent les objets d'art est à la fois
une principale condition de leur création et une explication de leur
fin.»
19 Pour Perrois et Notué,
«La diffusion ou l'existence des formes (...) et de certains types
d'objets d'art est étroitement liée à des institutions
(...), des danses (...), des sociétés sécrètes
(...), des cultes, des rituels, etc dont ils sont les
expressions.»
20 Voir le chapitre III portant sur la
Conception des oeuvres.
21 Selon Ndi Mbè Tamenouo, Bansoa,
Septembre 2007, les épines de porc-épic servent de contact entre
les esprits et la statue et par ricochet les hommes.
22 Nous faisons entièrement foi
aux propos de notre informateur, papa Matthieu Soh, recueillis à
Bafoussam, 10 Septembre 2006.
23 Le Jujube est un fruit aux graines
très sucrées qui aurait les vertus de repousser les mauvais
esprits ou de les apaiser.
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Ziff, P., 1953, La tache de définir
une oeuvre d'art,
2. THESES ET MEMOIRES
THESES
CHENDJOU KOUATCHO NGANSO, J. J., 986, Les
Bamiléké de l'ouest Cameroun ; pouvoir, économie et
société, 1850-1916, Thèse de 3e cycle en
sociologie, Panthéon-Sorbonne, 1 ;
KENFACK, P., 1985, Expérience
plastique inspirée du culte des ancêtres chez les
sédentaires en pays Bamiléké (étude de cas de
Dschang) Cameroun, Thèse de Doctorat de 3e cycle en Arts
Plastiques, tome I et II ;
NOTUE, J. P., 1988, La symbolique des Arts
Bamilékés (Ouest Cameroun) : Approche historique et
anthropologique, Thèse de Doctorat (Nouveau régime) en
Histoire, Université de Paris I, 4 vol.
MEMOIRES
AFANE BELINGA, R. C., 2003-2004, L'image
de la femme dans la peinture à Yaoundé des années 60
à nos jours, Mémoire de Maîtrise en Histoire de l'Art,
Université de Yaoundé I, Yaoundé;
BELA, C., 1998, L'expression sculpturale
chez les Béti du Sud Cameroun, projet de thèse de doctorat
Ph. D, UY1;
BENGONO, E. F., 2005-2006, Les tabourets
sculptés : de la conception à la réalisation,
Mémoire de Maîtrise en Arts Plastiques, Université de
Yaoundé I;
BOKALLY, M., 2001-2002, Contibution
à l'étude des arts du corps chez les Fang du Sud du Cameroun, du
19e siècle à nos jours, Mémoire de
Maîtrise en Histoire de l'Art, Université de Yaoundé I;
DEKONSO ABOUNA, V., 2005,
Contribution à l'étude de l'iconologie religieuse dans l'art
camerounais de 1935 à 2004 : le cas du christianisme catholique dans la
peinture à Yaoundé, Mémoire de Maîtrise en
Histoire de l'art, UYI,
FONGANG, J. P., 1993-1994, Evolution des
pouvoirs en pays Bamiléké (Cameroun) de
1922 à 1992, Mémoire de DEA en Histoire,
Université de Paris 7. Denis Diderot;
GUIMZANG, J.A., 1978,
Foréké-Dschang (impact des interventions Allemandes et
Britanniques sur les institutions traditionnelles) 1900-1920,
Mémoire de DES Histoire, UYI ;
KONGUEM KAMSU, A., 2003-2004, La
création sculpturale inspirée des trônes Bandjoun
(Cameroun), Mémoire de Maîtrise en Arts Plastique,
Université de Yaoundé I;
NJOYA, I., 1999-2000, Art Bamun et
expression des Formes visuelles, Mémoire de Maîtrise en
Histoire de l'Art, Université de Yaoundé I ;
TATUEBU, D. Z., 2001-2002, Contribution
à l'étude de la sculpture Mundani du Cameroun occidental (XIXe
-XXe siècle) approche historique et anthropologique,
Mémoire de Maîtrise en Histoire de l'Art, Université de
Yaoundé I;
3. REVUES
Article 7. «Le patrimoine culturel, aux
sources de la créativité», in Déclaration
universelle de l'UNESCO sur la diversité
culturelle, adoptée à l'unanimité par la
31e session de la Conférence générale de
l'UNESCO, Paris, 2 Novembre 2001, Série Diversité culturelle,
n° 1, UNESCO, Paris, 2003 ;
DERIBERE, M., 1980, La couleur, Paris,
P.U.F., Collection « que sais-je », n° 226;
FABIOT, J. F., Octobre 1967, Critique, N°
245;
GOLDHAMMER, K., 1981, «Farbe,
liturgisch», in: Reallexikon zur Deutschen Kunstgeschichte,
herausgegeben vom Zentralinstitut für Kunstgeschichte München, Band
VII, München;
JONQUET, F., du 09 au 15 Mars 2005, «Warhol
ultime», ARTS, Point de vue n°
2955;
KOLLA, J., Janvier 2000, «Organisation
socio-traditionnelle intérieure de Bansoa»,
Ndú` Ssá`, Culture et
société, numéro spécial;
KOLLA, J. et TINE, J. C., Janvier 2001,
«Fonkou Meneh dit Ta'atoh Ntu'u», Ndú` Ssá,
Les grands hommes Bansoa, n° 04 ;
MATSUURA, K, 2002, «Common
Heritage, plural identity, Cultural diversituy» in UNESCO,
UNESCO, Paris;
TANKAM, P., 2003, «Enjeu d'une semaine
culturelle», Magazine souvenir GWO GWONG SA'A 2003, Semaine
culturelle Bansoa du 12 au 19 Avril 2003 ;
4. DICTIONNAIRES
- Larousse Dictionnaire de Français, Larousse, Paris, 1997
;
- Larousse trois volumes en couleur, Librairie Larousse, Paris,
1970 ;
- Larousse trois volumes en couleur, tome III, Librairie
Larousse, Paris, 1966 ;
- Le petit Larousse 2003 encyclopédie (sous la direction
de), Ed. Larousse, Paris, 2002 ;
B. Sources électroniques
-
www.philosophieetspritualite.com;
-
www.wikipediaencyclopedilibre.org;
- Yvo Jacquier,
www.jacquier.org/peinture.html;
-
www.dynalum.com/dico/definition-couleur.htm.
C. Sources orales
|
Noms et prénoms
|
Age
|
Profession
|
Lieu et période d'entretien
|
1
|
Alphonse TAKAM
|
60 ans
|
Enseignant retraité
|
Yaoundé 2004
|
2
|
Emmanuel
|
46 ans
|
Menuisier
|
Bafoussam 2006
|
3
|
Etienne FEUNECK
|
69 ans
|
Notable
|
Bansoa 2006
|
4
|
Etienne Soh MUMBE
|
58 ans
|
Homme d'affaire
|
Douala 2005
|
5
|
Etienne TAKAM
|
58 ans
|
Artiste/peintre
|
Bafoussam 2004-2005-2006
|
6
|
Goddy LEYE
|
39 ans
|
Artiste
|
Douala Février 2006
|
7
|
Jean FOGUE
|
59 ans
|
Homme politique
|
Bafoussam 2006
|
8
|
Jean Galbert NGUMTSA
|
56 ans
|
Tradi-praticien
|
Bansoa 2006 / 2007
|
9
|
Jean-Marie AHANDA
|
59 ans
|
Artiste/peintre
|
Yaoundé 2006
|
10
|
Jean TAKAM
|
64 ans
|
Paysan
|
Bansoa 2006
|
11
|
Josué KOLLA
|
62 ans
|
Notable
|
Yaoundé 2005
|
12
|
Joseph Francis SUMEGNE
|
63 ans
|
Artiste/Sculpteur
|
Yaoundé 2005
|
13
|
Ndi Mbé Ndeffeu NKUISHOUO
|
71 ans
|
Notable
|
Bansoa 2005
|
14
|
Ndi MBÈ TAMENOUO
|
62 ans
|
Tradi-praticien
|
Bansoa 2006
|
16
|
Matthieu SOH
|
42 ans
|
Tradi-praticien
|
Bafoussam 2006
|
17
|
Pascal KENFACK
|
|
Peintre/Sculpteur
|
Yaoundé 2004-2005
|
18
|
S. M. Jean Rameau SOKOUDJOU
|
74 ans
|
Chef supérieur
|
Bamendjou 2003 / 2004
|
19
|
S. M. TCHINDA II Jean de Dieu
|
38 ans
|
Chef Supérieur
|
Bansoa 2006
|
20
|
Victorine NGADJOU
|
51 ans
|
Paysanne
|
Bansoa 2005 / 2006 / 2007
|
|