INTRODUCTION
« Plus les risques sont faibles, meilleure est
l'entreprise » Sophocle
Après plusieurs décennies de
développement euphorique, on avait oublié les manifestations
éventuelles d?un risque industriel, ce qui s?expliquait par la confiance
générale accordée aux ressources de la science et de la
technologie. Le développement industriel a eu comme conséquence
l?accroissement de production et de stockage des produits souvent dangereux
dans l?enceinte des usines. Ce développement est à l?origine
d?une urbanisation croissante des zones où sont installées ces
usines. Il a également engendré une multitude d?accidents au
point qu?on parle désormais de risque industriel. Le risque est le
« produit » d?un aléa1 avec un enjeu, à
savoir la gravité des conséquences sur les éléments
vulnérables. L?augmentation du niveau de risque peut donc être
liée soit à l?aggravation de l?aléa, soit à celle
des enjeux. Ainsi, le risque est d?autant plus élevé que la
densité de population et les potentiels économiques
exposés augmentent, ceci combiné à la probabilité
de survenance de l?accident.
Les accidents d?origine industrielle se produisent
particulièrement dans des zones stratégiques où on note en
général de forte concentration humaine et d?intenses
activités économiques. C?est la raison pour laquelle ces
accidents industriels favorisent souvent des transformations
considérables bouleversant le milieu humain, le tissu économique,
la structure urbaine et l?environnement, entre autres.
Ainsi, depuis la fin des années 60, le nombre
d?accidents industriels majeurs n?a cessé de prendre de l?envergure. Ces
accidents2 se sont produits aussi bien dans les
pays développés et dans ceux en voie de développement. On
peut ainsi citer parmi ces accidents l?explosion d?un réacteur chimique
en juillet 1976 à SEVESO en Italie, la fuite de 40
tonnes de gaz toxique de l?usine de pesticides d?union Carbide en
décembre 1984 à Bhopal en Inde, l?explosion du
réacteur de type RBMK n°2 de la centrale
1 L'aléa correspond à la probabilité de
manifestation d'un phénomène accidentel se produisant sur un site
industriel
2
http://www.aria.developpement-durable.gouv.fr/
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
nucléaire de Tchernobyl le 26 avril 1986
en URSS ou encore l?explosion d?une citerne d?ammoniaque de la SONACOS
le 25 mars 1992 au Sénégal.
Tous ces accidents ont mis à nu des dysfonctionnements
sécuritaires au niveau des zones industrielles. En conséquence,
ils ont rendu les pouvoirs publics conscients des impacts négatifs de
ces accidents et du danger que comporte le système technologique actuel.
En dépit de toutes les politiques relatives à la planification
urbaine et à la sensibilisation des populations sur les accidents
industriels, l?évolution progressive de l?urbanisation autour des
installations classées à haut risque devient un
phénomène incontrôlable. D?ailleurs, cette évolution
a comme corollaire le non respect des périmètres de
sécurité. Les employés préfèrent souvent
habiter à proximité de l?usine en vue de réduire les
coûts de transport. Le Sénégal n?a pas
échappé à ce fléau et a connu des catastrophes
entrainant des pertes humaines et matérielles inestimables. Ces
catastrophes se sont produites sur plusieurs endroits du territoire
sénégalais en général et, en particulier dans la
zone franche qui concentre le plus grand nombre d?entreprises. En effet, nous
nous rappelons toujours les accidents constituant des exemples
révélateurs et illustratifs. Ils se sont distingués dans
le transport aérien, ferroviaire, routier, maritime. L?accident le plus
meurtrier s?est produit en 2001 avec le naufrage du bateau le Joola3
qui a causé deux mille (2000) morts. La Direction de la protection
civile a répertorié 387 industries en 2003 à Dakar (Gueye,
2003). La centrale électrique de Kounoune, d?une puissance de sortie de
67,5Mw, fait partie des 70 industries de première classe de
l?agglomération urbaine de Dakar. Cette centrale est à haut
risque car susceptible de causer des dangers pouvant porter atteinte aux
personnes, aux biens et à l?environnement. Elle se situe dans la
communauté rurale de Sangalkam et précisément dans le
village de Kounoune. Il faut noter que ce village est entrain de connaitre une
urbanisation croissante où les habitations se rapprochent de plus en
plus de la centrale électrique. Une survenance éventuelle d?un
accident dans les périmètres de la centrale peut être
préjudiciable aux personnes et aux biens bouleversant ainsi le tissu
économique, social, environnemental et politique.
Voilà donc les principaux arguments qui nous ont
stimulés, par le biais de cette présente étude à
nous intéresser à l?urbanisation non maitrisée face au
risque industriel. Etant un domaine où le degré de la
réticence des acteurs mis en jeu est très significatif, nous
3 Nom de la principale ethnie de la Casamance
(Sénégal)
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
essayerons d?apprécier les moyens de protection,
d?évaluer le niveau d?exposition des personnes et de calculer les
distances d?effets en vue d?estimer l?ampleur des conséquences sur
l?étendue du territoire considéré comme
vulnérable.
Ainsi, ce présent document traitera trois grandes
parties : Le cadre de référence, la méthodologie et le
cadre de l?étude, l?analyse et interprétation des
résultats. Nous finirons par la formulation de recommandations et la
conclusion.
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
PREMIERE PARTIE
CADRE DE REFERENCE
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
PREMIERE PARTIE : CADRE DE
REFERENCE
CHAPITRE I : REVUE CRITIQUE DE LITTERATURE
Dans l?une de ses oeuvres ?vie de relation au
Sénégal : la circulation des biens (Dubresson, 1979)
traite essentiellement de l?historique de l?implantation industrielle.
La première impulsion de l?industrie a eu lieu au cours de la
période coloniale où Dakar servait de base à toute
l?Afrique Occidentale Française. Cette situation se justifie par la
particularité de la région tant sur le plan géographique
que celui climatologique. Get aspect trouve son importance dans
l?approvisionnement en matières premières
réceptionnées à partir du port, transformées dans
la zone industrielle et réembarquées à partir de ce
même port en destination des pays occidentaux. Après les
indépendances ce processus s?est renforcé avec une extension de
la zone industrielle vers la zone franche industrielle qui s?étend
jusqu?à Bargny. Désormais, l?essentiel des unités
industrielles de Dakar se trouve concentrées sur la zone allant du port
de Dakar à Bargny. Il faut souligner que l?industrie
sénégalaise a connu quatre étapes dans le
développement de son infrastructure (Bonnardel,
1978)4 :
- Avant la Seconde Guerre Mondiale, Dakar a
été pratiquement la seule ville d?Afrique à
bénéficier de l?implantation d?unités industrielles,
notamment des huileries, brasseries, biscuiteries, fabriques d?air liquide.
..Ces implantations ont été facilitées par la
présence du port et le rôle phare que jouait le
Sénégal dans les colonies françaises,
- Pendant la seconde guerre mondiale, les
difficultés d?approvisionnement en matières premières ont
impulsé le développement d?industries tournées vers
l?intérieur et qui transforment les matières premières
locales. C?est la naissance des cimenteries, poissonneries, fabriques de
chaussures etc.,
- Après la seconde guerre mondiale,
jusque dans les années 1950, prend naissance une diversification de
l?industrie sénégalaise du fait de la libéralisation
' Vie de relation au Sénégal:la circulation des
hiens. Dakar.
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
du secteur par la politique métropolitaine. On assiste
ainsi à la modernisation et à l?extension des unités
déjà existantes mais également à la naissance des
premières unités industrielles dans les secteurs tels que la
chimie, les emballages etc.,
- De 1960 à 1980, le déclin des
confédérations africaines (AOF et AEF) qui représentaient
un marché de plus 100 millions de consommateurs a occasionné une
chute de la production de l?industrie, avec la fermeture de nombreuses
unités ;
L?analyse de l?évolution de l?industrie montre donc un
essor sous l?impulsion de la puissance coloniale. Dans le souci de rattraper le
retard économique, les pays africains ont développés des
stratégies incitatives pour attirer les investisseurs et relancer
l?activité économique à travers le développement de
nouvelles industries. Cependant, au-delà de l?essor économique,
les populations des pays du Nord sont conscientes contrairement à celles
du Sud des inconvénients que ce secteur peut entrainer. Les substances
nuisibles souvent utilisées par l?industrie comme matière,
peuvent être tout aussi dangereuses que les divers rejets dans le milieu
avec des conséquences négatives aussi bien pour l?environnement
que pour les populations.
Le développement industriel ne va sans créer des
catastrophes et risques sur l?environnement, les biens et les personnes. En
effet, selon l?Agence Européenne de l?Environnement et de l?OCDE, le
risque industriel est une source de sinistres à grande échelle
caractérisée dorénavant par une hyper corrélation
des risques. Les dommages causés par un accident ne se limitent pas
à des dégâts matériels car une catastrophe
industrielle peut avoir d?une part des impacts financiers et sociaux importants
et d?autre part, des conséquences graves sur la santé humaine et
sur l?environnement. Mais le rapport sur les risques émergents au
21éme siècle révèle que méme si
l?accumulation d?événements catastrophiques durant les
dernières années a permis d?envoyer un tel signal d?alerte aux
gouvernements, force est de constater que les mesures prises pour obtenir une
réduction de l?ampleur des sinistres quelle que soit leur origine
avaient été jusqu?à présent peu efficaces.
Ainsi, le Document de Stratégie de Réduction de
la Pauvreté (DSRP) indique que la protection sociale et la gestion des
risques constituent les instruments privilégiés pour une
croissance accélérée et une réduction durable de la
pauvreté.
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
Les risques et catastrophes auxquels les populations sont
exposées maintiennent les groupes les plus vulnérables dans la
précarité et font basculer d?autres dans la pauvreté. Du
fait de leurs conséquences sur les personnes, les biens et
l?environnement, ils font perdre à l?économie nationale des gains
de croissance importants.
A cet égard, le gouvernement a pris des mesures
incitatives importantes marquées par l?adoption d?un arsenal juridique
et la mise en place de la commission supérieure de la protection civile,
des organes de gestion et de prévention des catastrophes dont le plus
connu est le plan ORSEC5. Mais, il convient de souligner que les
modalités d?application des textes et règlements posent
problèmes.
Les exemples récents d?accidents qui se sont produits
dans le monde montrent la vulnérabilité des
sociétés développées. LAGADEC (1981)
effectue le rapprochement avec des crises historiques et
préconise la mise en place de dispositifs permettant de rassembler des
moyens suffisants, de mesurer l?importance du risque et d?en combattre les
effets de façon appropriée. Il prétend que la
difficulté résulte tout de même à développer
à la fois des capacités techniques, organisationnelles et
sociopolitiques qui sont trois composantes fondamentales de toute action
cohérente en situation de crise. (LAGADEC, 1981) a
inventé le terme « risque technologique majeur » pour
qualifier ces risques dont les conséquences sont potentiellement
très importantes mais dont la probabilité de se produire est
faible. Ainsi, ces nouveaux risques sont rares mais susceptibles de se produire
à n?importe quel moment et provoquer de gros dégâts. Il
s?agit de risques « proliférant » qui, s?ils se
réalisent, agissent en multiplicateur, et leurs conséquences
peuvent dépasser la capacité financière des assurances
à indemniser les dommages. « L?effet domino » est
particulièrement redouté.
Pour mieux illustrer le danger généré par
une installation classée face aux enjeux du milieu qui l?entoure
Amel et Ali (2005) proposent de montrer des scénarios
de risque selon une approche déterministe. Cette dernière est
faite à partir d?un scénario maximum lié au stockage
atmosphérique c'est-à-dire un accident majeur susceptible de se
produire physiquement dans une installation quelle que soit la cause, sans
qu?aucun système de prévention, de protection ou d?intervention
ne puisse en limiter les effets.
Or, le stockage atmosphérique inclus toujours l?ensemble
des capacités contenant des substances à une pression
sensiblement égale à la pression atmosphérique. Ainsi,
pour
5 Organisation de secours
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
ce type d?équipement, Amel et Ali (2005)
prétendent que l?événement central le plus redouté
est la perte de confinement de la substance dangereuse.
Et à partir de cette idéologie, il est alors
possible d?imaginer la survenance de certains phénomènes tels que
le Boil over, par exemple.
Pour DUPLESSIS (2006) dans son ouvrage
intitulé « risque industriel et structure urbaine, » certains
accidents qui se sont déjà produits tels que l?explosion de
l?usine AZF ont induit une prise de conscience des risques encourus par les
ménages résidant à proximité des industries
à risque (DUPLESSIS, 2006). Selon DUPLESSIS (2006), la meilleure
façon de combattre les risques industriels serait d?instaurer une
implication accrue des riverains dans les décisions ou les débats
publics concernant les établissements à risque. Il a
montré les enjeux d?une politique publique de maitrise de l?urbanisation
et prétend que la réglementation de l?urbanisation autour des
sites à risque est le levier privilégié de l?action
publique et ceci ne pourrait se faire que par l?implication des acteurs.
Cependant, il est possible de parvenir à un certain degré de
réduction du risque sans pour autant espérer atteindre le risque
zéro qui demeure inaccessible. Il souligne que le nombre d?accidents
industriels majeurs n?a cessé d?augmenter et la taille des
problèmes a changé d?échelle depuis la fin des
années 60. Et face à ces problèmes qui ont entrainé
des conséquences humaines, économiques et environnementales,
l?opinion est cependant alertée sur la dangerosité des
systèmes industriels.
Malgré la mise en place d?une politique de
prévention des risques majeurs, il n?a pas été selon lui
possible de contrecarrer l?évolution inévitable de l?urbanisation
vers les installations industrielles génératrices de risques
majeurs. Cela dénonce le décalage entre le développement
industriel et la planification urbaine et propose une réflexion sur les
modalités de cohabitation à moindre danger entre les industries
dangereuses et la vie urbaine
C?est Ulrich BECK (2001) qui a sans doute le
plus fermement souligné la nécessaire recomposition des points de
vue résultant de cette importance de la notion du risque (BECK,
2001).
Dans son célèbre ouvrage de 1986, il souligne
que « la société industrielle, en s?affirmant
c'est-à-dire dans le cadre discret de la normalité, quitte la
scène de l?histoire mondiale par la petite porte des effets qu?elle
induit (...) (p-13).
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
Les risques sont avant tout des risques invisibles ou peu
visibles, autant nichés dans les formules des scientifiques que dans les
demandes productivistes des agriculteurs ou celles consommatoires des classes
moyennes. Il va évoquer les multiples facettes du risque.
Ils sont démocratiques c'est-à-dire il affecte
le riche comme le pauvre et modifie les systèmes économiques,
juridiques et politiques.
Ils sont également mondialisés car aucun pays ne
peut espérer s?en sortir tout seul (idée d?une politique
intérieure mondiale).
Toujours selon BECK (2001), les
progrès des sciences ne diminuent pas le risque, mais autorise tout
à la fois l?augmentation de la conscience du risque et la critique du
savoir scientifique lui-même. Ainsi, la peur tend à dominer notre
vie et la sécurité traitée comme un bien public mesurable
économiquement, s?impose aux citoyens autant qu?elle répond
à leur peur. Cependant, il est revenu également sur le «
risque terroriste » pour le distinguer du risque écologique et
celui économique.
(BECK, 2001), montre que notre
société évolue vers une société du «
risque incompressible » dans laquelle ce mode de protection s?amoindrit
paradoxalement à mesure que croît l?ampleur du danger. Face
à ce type de risque, la collectivité pourrait devenir une «
société sans assurances ».
Les dégâts éventuels en jeu sont «
illimités, globaux et souvent irréparables, ce qui enlève
toute signification à l?idée de compensation monétaire
» (p.45). De plus, ce méme auteur relève que l?accident n?a
plus de limites (spatiales et temporelles) et change de ce fait de
signification : il devient un incident dont on voit le début mais non la
fin « une débauche de destruction rampante, galopante et se
superposant les unes aux autres ». Or, cela signifie qu?il n?y a plus de
critères de normalités ni de méthodes de mesures et donc
de base pour évaluer les dangers. On compare ce qui n?est pas
comparable, l?évaluation devient dissimulation.
Il va jusqu?à méme dire qu?il y aurait confusion de
deux siècles :
+ Les dangers auxquels nous sommes exposés sont de ce
siècle ;
+ Les moyens grâce auxquels on promet de les maitriser
pour assurer notre sécurité appartiennent à un autre
siècle (héritage de la société industrielle du
XIXème et du XXème siècle).
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
Giddens et Beck (1986) nous ont
expliqué que notre société n?est pas proportionnellement
plus dangereuse que celle d?autre-fois mais qu?elle doit repenser son attitude
face aux aléas en terme de risque puisque la science ne peut plus
prétendre contrôler les risques et que les technologies
anti-risques accroissent les risques.
Selon Knight (1986) « les risques
à l?âge de la globalisation ne sont donc pas des interruptions
isolées du service normale mais font partie de l?activité
habituelles ". Et pour faire face à ces risques qualifiés de
« technologiques "par opposition aux risques naturels, S. Charbonneau,
dans « L?acceptabilité du risque d?accident majeur », affirme
que l?homme peut emprunter deux voies d?actions opposées. D?abord, il
peut choisir de neutraliser définitivement le risque en annihilant la
source de celui-ci. Envisagée de manière globale, et certes peu
réaliste, par certains mouvements écologistes des années
60, à travers la théorie de la « croissance zéro
», cette méthode consiste à cesser l?activité
dangereuse pour l?homme et l?environnement. Il s?agit de «l?option
zéro pour motif de sécurité en matière de projets
industriels«
Ensuite, la société doit-elle supporter ces
risques, ce qui ne l?oblige en rien à se confiner dans l?action. Certes,
la reconnaissance du droit de réparation des dommages subis par les
tiers du fait d?une activité dangereuse est reconnue depuis
longtemps.
Mais cette solution, indispensable lorsque l?accident a eu
lieu, ne doit pas faire oublier que le meilleur moyen contre le risque
technologique est de prévenir l?éventualité de sa
survenance.
Cependant, cet objectif de prévention devra être
appliqué de façon modulée, différenciée,
selon l?activité source de risques.
Il est important de rappeler que les notions de risque
technologique ou d?accidents majeurs n?existaient pas explicitement. Ces
anciens textes visaient essentiellement à prévenir les troubles
de voisinages et les risques pour la salubrité publique que faisaient
peser les activités qu?ils encadraient sur les propriétaires
riverains.
Il s?agissait par exemple d?éloigner les abattoirs des
zones urbanisées mais encore de réglementer les
dépôts de bois ou de chiffons afin que leur localisation ne
facilite pas la propagation des incendies à des zones
habitées.
Ewald (2001) a quand à lui essayé
de faire des différents facteurs qui sont susceptibles de transformer le
risque notamment les évolutions démographiques, les
progrès de la
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
connaissance, les progrès scientifiques et
technologiques, la mondialisation et la mutation du système
productif.
Son analyse montre comment ces facteurs impactent sur les
risques mais aussi sur le système de protection ; par exemple, les
progrès de la connaissance ont permis d?améliorer potentiellement
le niveau d?information sur les risques en sachant leur origine. Egalement, la
consistance de leur travail ne va pas sans prétendre que le risque doit
être perçu comme endogène.
Le cahier des préludes est consacré à la
prévention et à la gestion des risques urbains et rassemble les
contributions des différents acteurs qui ont analysé les
modalités de réduction des risques ou la façon de limiter
les conséquences en cas de catastrophes.
Et de ces auteurs, il ya Jean BROT et Jacques POIROT en 2005
dans (« Risques urbains : de la prévention à la gestion
») avancent des stratégies visant à prévenir et
à gérer les risques urbains.
Ces stratégies sont devenues progressivement une
préoccupation majeure des citadins et des responsables des
différents acteurs (industriels, Etat, ONG, etc.).
Pour eux, il ne suffit pas simplement de mener une politique
de prévention mais aussi d?appliquer le principe de précaution
étant entendus que l?article 5 de la charte de l?environnement stipule
en effet que « lorsque la réalisation d?un dommage, bien
qu?incertaine en l?état des connaissances scientifiques, pourrait
affecter de manière grave et réversible l?environnement, les
autorités publiques veillent, par application du principe de
précaution à l?adoption des mesures provisoires et
proportionnées afin d?éviter la réalisation du dommage
ainsi qu?à la mise en oeuvre des procédures d?évaluation
des risques encourus ».
La recherche de solutions aux problèmes technologiques
est complexe puisque entre en jeu une diversité de valeurs et de
positions qui s?imbriquent dans des questions institutionnelles, en consensus
pour sauvegarder un système sociopolitique, ou dans les menaces et les
dangers qui affectent un espace (Estacion, 2004).
Il a montré la meilleure façon de comprendre la
dynamique et la complexité des risques actuels.
Selon lui, il est important que la définition de
départ du risque inclue les relations entre les aspects « purement
» techniques et les aspects sociopolitiques. Pour que les aspects
sociopolitiques soient techniquement adaptés et satisfaisants (aspects
importants pour la
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
stabilité des décisions) ils doivent être
traités à l?intérieur de la conception des solutions et
non comme externalités, sinon sera créée une
tergiversation dans les décisions.
Le principe de précaution, par rapport
à la responsabilité du comportement éthique de l?homme et
le respect à la vie se présente comme un des ponts possibles
entre la gouvernabilité et le risque De Marchi y Funtowicz
(2002). Cela est dû au fait que dans ses propositions, il est
capable d?articuler des objectifs scientifiques et éthico-politiques
afin de guider l?élaboration de politiques publiques en relation aux
risques, soutenues par des consensus plus amples et plus stables.
Un des postulats sur le principe de précaution est
décrit par (Lowell, 2001)qui mentionne les
éléments nécessaires pour le mettre en pratique:
« la défense du droit de base de chaque individu et des futures
générations pour un environnement sain et promoteur de vie ;
l'action préventive quand il existe une évidence crédible
qu'un dégât se produit ou peut se produire, même quand la
nature exacte et la magnitude du dégât ne sont pas totalement
connues ; l'identification, l'évaluation et la mise en pratique des
chemins les plus sûrs pour satisfaire d'une manière viable les
nécessités sociales ;
assigner aux promoteurs des activités
potentiellement dangereuses la responsabilité d'étudier à
fond les risques pour pouvoir les réduire, ainsi qu'évaluer et
choisir les alternatives les plus fiables pour satisfaire une
nécessité particulière, dans une révision
indépendante du processus ; et appliquer des processus de prise de
décisions transparents et complets pour augmenter la participation de
tous les acteurs impliqués et des communautés
(particulièrement ceux qui seraient potentiellement affectés par
une décision au niveau des politiques). ».
TOUTAIN, E6 (2007) a essayé
de faire le rapport entre installations classées et droit de
l?urbanisme. Ce dernier constitue, selon lui l?outil fondamentale permettant de
réglementer et si nécessaire d?interdire l?implantation de
nouvelles activités ou populations, à proximité d?une
installation dangereuse préexistante. Les législations
régissant les installations et l?urbanisme sont différents
d?où le principe d?indépendance. En effet, l?autorisation
accordée au titre de la législation des installations
classées n?est aucunement liée à la délivrance du
permis de construire de cette installation. Même si l?exploitant voit son
projet autorisé par le préfet, le permis de construire
pourrait
6 Eric TOUTAIN, Mémoire de DEA : Installations
Classées et Prévention des risques technologiques majeurs
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
néanmoins lui etre refusé en raison du risque
technologique que génère l?installation en cause. Et
PRIEUR (2005) de faire la distinction entre «
constructions d?habitations à proximité d?installations
classées » et des « constructions d?installations
classées à proximité d?habitations existantes«.
La difficulté à appliquer le règlement
repose sur les conflits d?intérêt entre l?Etat et la
collectivité devant recevoir l?installation. Le premier cherche à
créer le plein emploi et renforcer la collecte des taxes et impôts
en encourageant les investisseurs à s?implanter. La collectivité
locale, quant à elle compte sur le prix du mètre carré du
sol étant donné que ce dernier augmente en fonction du
rapprochement de l?installation ceci dans les communautés
européennes.
Enfin, NOVEMBER (2000) dans sa thèse
sur le territoire du risque va plus loin en affirmant que le risque est un
facteur d?accélération des dynamiques urbaines en ce sens qu?il
entraine des processus et de renouvellement.
Le territoire et le risque entretiennent des relations
étroites. L?ouvrage indique les grandes traditions de prise en compte
des risques en géographie. Certains praticiens du risque distinguent le
risque spéculatif, qui apporte la possibilité de gain ou de
perte, du risque pur, qui ne donne que des possibilités de perte.
Les études en matière de risque ont une approche
trop souvent fragmentée. Ce manque d?ambition ne semble pas sans
remède. Par exemple en gestion des risques des collectivités
territoriales, certaines études ont déjà porté sur
l?ensemble des traductions de connaissance du risque au sein de chaque
entité d?administration.
Le programme méthodologique de November
(2000) insiste beaucoup sur la dimension imaginaire du territoire.
Pour lui, le territoire n?est qu?une connaissance du risque. Ce programme
méthodologique peut être résumé à travers
trois termes : dynamique, réseaux, pouvoir-capacité.
En ce qui concerne la dynamique, NOVEMBER
(2000) défend que la cartographie des risques soit trop
prenante. Cette cartographie "point-ligne-surface" n?est pas stable selon
l?échelle de la carte. L?opposition entre des risques avec un "bassin
naturel" et des risques diffus s?atténue lorsqu?il est pris en compte
les "lignes", c?est-à-dire les réseaux. Par exemple, pour le
risque incendie, qui est considéré comme un "point",
c?est-à-dire
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
un risque diffus, son traitement repose sur des réseaux
d?alerte et de bouches à incendie, c?est-à-dire des "lignes". Une
stratégie de spécialisation des espaces est
génératrice de dynamique d?accumulation de risques en longue
période.
Pour en revenir sur le Sénégal, le rapport du
PNUD-UNCHS7-BANQUE MONDIALE montre que la majeure
partie des unités industrielles est localisée dans la zone de
Dakar qui est un site privilégié à cause des
infrastructures comme le port, les institutions administratives, le
marché, etc.
En effet, Dakar abrite 80% des industries par rapport au reste
du pays. L?importance de l?industrialisation de Dakar, démontre tout le
poids économique de la région pour le Sénégal. Ce
qui d?ailleurs doit justifier amplement les investissements dans la
prévention des risques. Selon toujours le rapport, la gestion des
risques industriels est perçue comme une affaire relevant de la seule
compétence de l?Etat au niveau central. Elle est de plus en plus prise
en charge par les autorités et les entreprises privées.
Cependant, elle implique plusieurs acteurs dont les activités ou la
position sont directement ou indirectement liées aux risques et à
leurs conséquences. Et des ces acteurs, nous retenons ceux
institutionnels par exemple le gouvernement central et ses ministères,
les démembrements de l?Etat, les collectivités locales
composées par des communes et des communautés rurales.
Et selon le classement par rapport aux communes les plus
impliquées, la municipalité de Rufisque avec la centrale du Cap
des Biches et la SOCOCIM, vient en troisième dans la concentration
d?industries à risque. Ce qui la classe au sein des communes à
problèmes. Mais l?action de ces secteurs institutionnels ne saurait
être efficace sans le concours de ceux du secteur
socio-économique. Les industries constituent la source des risques du
fait de la qualité de leurs technologies ou de la nature de leurs
activités. Depuis environ 3ans, la situation a changé à la
SOCOCIM où l?Etat a passé avec la société un
protocole de gestion des problèmes de pollution.
Le rapport du PNUD-UNCHS-BANQUE MONDIALE révèle que
la plupart des installations technologiques de ces industries sont
obsolètes et posent donc des
7 United Nations Centre For Human Settlements
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
problèmes de maintenance et de surveillance permanente.
Il montre également l?importance de la prise en compte de la dimension
environnementale en l?illustrant par l?exemple de la SOCOCIM où avec une
non pose de filtres ou leur fonctionnement défectueux au niveau des
cheminées de l?usine fait perdre des milliers de tonnes de ciment car
l?évaluation en terme de valeur financière de ces pertes aurait
permis d?acheter des filtres, de minimiser les nuisances et pollutions et
d?accroitre le production de l?entreprise.
Et le rapport avance une conclusion selon laquelle il n?y a
pas une intégration des chapitres de gestion sécuritaires et
prévention des risques dans la budgétisation des entreprises. Ce
sont 5 à 10% des entreprises qui opèrent des contrôles de
maintenances systématiques. Et certaines d?entre elles le font souvent
sous contrainte.
CHAPITRE II : CADRE CONCEPTUEL
Vulnérabilité
Au sens commun et étymologique la «
vulnérabilité » est issu du bas latin vulnerabilis,
lui-même tiré de vulnerare, qui signifie blesser, et de
vulnus, qui veut dire blessure. La vulnérabilité est le
caractère de ce qui est vulnérable, c'est-à-dire de ce qui
est sensible, fragile, faible, défectueux, à la merci de la
moindre atteinte, blessure, attaque REVET (2008)
Dans le langage courant, la vulnérabilité est
donc utilisée pour désigner un état de fragilité,
une propension à subir des dommages. La vulnérabilité
possède aujourd?hui un champ sémantique extrêmement large
résultant de la diversité des disciplines et des courants de
pensées qui se sont à chaque fois emparés de cette notion
et l?ont définie en l?adaptant à leurs exigences propres. Les
domaines de recherches dans lesquels la notion a été
conceptualisée sont très nombreux.
En sociologie par exemple, la vulnérabilité
permet de qualifier un état des sociétés face aux risques
majeurs et à des changements socio-économiques qui
s?accélèrent DOBRE (2003)
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
La vulnérabilité peut alors être
définie comme « l?état qui se caractérise par
l?absence d?alternative, tant matérielles que symboliques ou
culturelles, à une situation personnelle ou collective de grande
fragilité ou de menace.
Ceci dessine les contours d?un monde « sans-abri »
où la question des ressources civiles et politiques pour rendre possible
la poursuite de la vie sociale se pose avec la plus grande acuité »
DOBRE, M (2003)8.
Dans le domaine de la psychologie et de la psychanalyse, la
vulnérabilité se définit comme un état de moindre
résistance des sujets aux nuisances et aux agressions
extérieures. Elle évoque les sensibilités et les
faiblesses patentes ou latentes immédiates ou différées et
peut être comprise d?une capacité (ou d?une incapacité) de
résistance aux contraintes de l?environnement ANAUT,
(2005)9.
Dans un tout autre domaine, la notion de
vulnérabilité a également été
utilisée dans la recherche en informatique, en matière de
climatologie : la vulnérabilité comme le degré par lequel
un système risque de subir ou d?être affecté
négativement par les effets néfastes des changements climatiques
(Estacion, 2004)en matière d?archéologie : la
vulnérabilité exprime le niveau de détérioration ou
de perte d?un objet archéologique soumis à un
phénomène donné [PISA10, 2002]. Dans le cadre
des recherches portant sur les risques, elle représente la propension
d?un territoire donné à subir des dommages et des
dérèglements en cas de manifestation d?un phénomène
dangereux (R.D'ERCOLE, 1994)
Dans le seul domaine de la recherche sur le risque majeur, de
multiples études ont été développées sur la
vulnérabilité, tant du point de vue théorique que
méthodologique. Dans ce même ordre d?idées, la
vulnérabilité a pu aussi être envisagée comme la
propension d?un territoire et de ses enjeux à subir ou à
résister aux aléas. Elle dépend alors de facteurs tels que
la présence de population, la qualité du bâti ou des
caractéristiques techniques du territoire
IFEN11, (2006). C?est une de ces
visions simplifiées de la vulnérabilité qu?a adopté
le ministère français de l?Ecologie, de l?Énergie, du
Développement Durable et de l?Aménagement du territoire en,
pour qui la vulnérabilité est la propension qu?ont
8 Michelle DOBRE, l?écologie au quotidien :
Elément pour une théorie sociologique de la résistance
ordinaire, Harmattan, 352 pages, 2003.
9 Marie ANAUT, soigner la famille, collection
sociétale, Paris, Armand colin, 2005
10 Programme Internationale pour le Suivi des
Acquis
11 Institut Français de l?environnement
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
certains éléments vulnérables (ou
enjeux), tels que les personnes, les biens ou les différentes
composantes de l?environnement susceptibles de subir des dommages, du fait de
l?exposition au danger.
De la même façon, la notion de
vulnérabilité a également pu être
décomposée en vulnérabilité géographique
(qui dépend des caractéristiques physiques du territoire et de
l?aléa), structurelle (relatives aux caractéristiques
architecturales et techniques des matériaux et constructions),
organisationnelle (qui dépend de la capacité à
gérer la crise et à revenir à la normale), individuelle
(qui correspond à la fragilité intrinsèque et au
degré d?exposition des personnes) DIA, (2008).
Cette définition combinée avec celle
évoquée par REGHEZZA dans son excellent travail
de thèse où il considère la vulnérabilité
comme un mot à la mode et que sa promotion est liée à un
contexte, à une conjonction d?événements catastrophiques
survenus ces dernières années est la plus appropriée
à notre travail de recherche. En effet, dans les
périmètres de la centrale les populations les plus
vulnérables sont ceux dont leurs ménages jouxtent la centrale
mais également les personnes utilisant les voies de circulation et pour
les biens ce sont principalement les équipements tels que les
établissements éducatifs, électriques et sanitaires.
Le risque
Le risque comme étant la prise en compte d?une
exposition en danger, un préjudice ou événement
dommageable, inhérent à une situation ou une
activité.
Le risque est défini par la probabilité de
survenue de cet événement et par l'ampleur de ses
conséquences (aléa et enjeu). Il peut être appliqué
à une personne, une population, des biens, l'environnement ou le milieu
naturel. Frank Knight12 (1921) a proposé une
distinction qui fait référence entre le risque et l?incertitude :
à un risque peuvent être assignées des probabilités
mathématiques mais pas à une incertitude. Ce concept
présente une ambiguïté étant donnés qu?il est
différemment utilisé par des auteurs et suivant des domaines
précis.
Bernoulli, D (1978)13, apporte la
première définition scientifique : « le risque est
l'espérance mathématique d'une fonction de probabilité
d'événements ». En termes plus simples, il s'agit de la
valeur moyenne des conséquences d'événements
affectés de leur
12 Economiste (1885-1972) connu pour sa distinction
entre risque et incertitude proposée en 1921
13 Dans Spécimen théorie novae de
mensura
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
probabilité. Ainsi, un événement
e1 a une probabilité d'occurrence p1 avec une
conséquence probable C1 ; de même un
événement en aura une probabilité pn et
une conséquence Cn, alors le risque r
vaudra p1.C1 + p2. + ... + pn.Cn. Le produit
pi. Ci est appelé valeur de l'aléa
i.
La directive SEVESO2 a quand à elle défini en
1996 le risque comme étant la probabilité qu?un effet
spécifique se produise dans une période donnée ou dans les
circonstances déterminées. En conséquence, un risque se
caractérise par deux composantes : la probabilité d?occurrence
d?un événement donné, la gravité des effets ou des
conséquences de l?événement supposé pouvoir se
produire.
Cependant, en matière de risques une des
difficultés majeures est liée à leur
imprévisibilité du fait de l?émergence de nouveaux
périls. Il existe tout de méme des risques technologiques qui
sont d?ores et déjà prévisibles alors les moyens pour les
prendre en compte et de limiter sont disponibles. Ainsi, lors du sommet
de la terre de Stockholm (1972), le phénomène de
changement climatique, apparu depuis une trentaine d'années, et
identifié, a montré qu'il existe un risque d'origine anthropique
sur l'environnement, qui peut avoir des impacts sur la
société.
GRANVORKA, G a affirmé depuis Rio
(1992) que les sociétés contemporaines sont désormais
admises comme hautement empreintes de risque. Et une fois acceptée son
universalité, la nécessité d?une prise d?une prise en
compte de sa gestion et du besoin de protection qui l?accompagne s?imposent
dans une démarche duale qui implique à la fois le scientifique et
certainement la collectivité. Le scientifique, en raison du rôle
préventif qui lui est attribué et la collectivité car il
lui revient de gérer ce risque.
Toutefois, une double distinction doit être
opérée entre « risque " et « incertitude ". En effet,
si au sens du dictionnaire, le risque représente la «
possibilité d?une perte, blessure ou péril » et
l?incertitude définie comme la chose « indéfinie,
indéterminée " + JIIJE's, ff (2006) dans leur
acception courante, la distinction entre les deux est que le risque
dénote une probabilité positive d?occurrence d?un
évènement négatif, alors que l?incertitude n?implique pas
nécessairement un jugement de valeur ou de classement d?une possible
occurrence. Fondamentalement donc, les deux termes se réfèrent
à une même situation dans laquelle certains aspects du futur ne
peuvent être prévus.
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
Selon Knight (1921) le risque est
présent quand des évènements futurs se réalisent
avec une probabilité mesurable, et l?incertitude est réelle quand
ces mémes évènements à venir sont indéfinis
ou non calculables.
Le couple risque/incertitude devient une distinction entre
probabilités mesurables ou non, le risque étant une situation
assortie de probabilités différentes. Dans le modèle de
Knight (1921), le risque couvre deux situations distinctes :
l?incertitude mesurable et l?incertitude non mesurable. Dans une
hypothèse de risque quantifiable, les agents sont en mesure de se
protéger du risque, de le convertir en certitude.
Ce faisant, ils peuvent créer les synergies, les
institutions nécessaires à la protection ou encore à la
précaution. Les agents fonctionnant sur un principe de mutualisation de
leurs efforts, connaissances ou expériences, le risque peut être
éliminé, mieux cerné, ce qui conduit à une
réduction de l?incertitude.
Dans le cadre de notre étude, le concept risque serait
utilisé dans les installations classées et de la protection de
l?environnement à l?exemple de la centrale électrique et des
industries susceptibles de causer des dommages graves sur les personnes et
à l?environnement. Dia (2008)14
conçoit le risque comme la rencontre entre l?aléa et la
vulnérabilité. Or, l?aléa est selon ce dernier un
phénomène ou une situation éventuelle qui peut
générer un danger pour les personnes, les biens ou les moyens de
production et il est éventuellement irréversible. Il avance trois
critères fondamentaux pour caractériser le risque dont la
temporalité, l?intensité et territoires et chacune d?entre eux
présente des spécificités
Effets dominos
Tiré du langage commun, il pourrait être
sommairement défini comme désignant la transmission successive
d?un événement entre plusieurs personnes ou choses, à
raison de la proximité que celle-ci entretiennent entre elles.
Ainsi, sont par exemples sujets à effets dominos les
automobiles impliquées dans une collision en chaine, ou encore ces
arbres déracinés lors d?une tempéte, non par le vent mais
par la chute d?autres arbres.
Cependant, dans l?hypothèse où les installations
ainsi rapprochées sont dangereuses, la survenance d?un accident dans
l?une d?entre elle fait courir le risque supplémentaire de sa
transmission aux autres installations dont le fonctionnement était
jusque là normal.
14 Cours gouvernance des risques ATEGU II, ENEA,
2008
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
Peuvent ainsi être imaginées la propagation d?un
incendie, des explosions «en chaine«. En définitive, un tel
regroupement d?installations dangereuses, s?il est mal maitrisé, peut
aboutir à la multiplication exponentielle des dommages pour l?homme et
l?environnement. (Ewald, 2001)
Urbanisation
L?urbanisation c?est le mouvement de développement des
villes, à la fois en nombre et en taille, numérique et spatial ;
il concerne tout ce qui est lié à la progression directe du
phénomène urbain et transforme peu à peu les villes ou les
banlieues et souvent les deux Garnier, J(1995)15.
Dans le langage courant, le mot urbanisation vient du latin urbs qui
désigne la cité, la ville. L?urbanisation représente donc
l?action d?urbaniser c'est-à-dire d?organiser le développement
des villes. La banque mondiale quant à elle définit
l?urbanisation comme un changement de proportion de la population nationale
résidant dans les zones urbaines.
Pour BORIES V. (2006), l'urbanisation
peut-être définie comme l'expansion de la population, des
activités et des espaces urbains est le phénomène majeur
de ce siècle. Elle s'effectue à un rythme de croissance moyenne
de 2 % à l'échelle mondiale. Le monde compte aujourd'hui trois
milliards de citadins. Les villes sont le moteur de la croissance
économique et jouent un rôle fondamental dans la mondialisation.
Ces dynamiques se traduisent dans l'organisation des espaces et dans les
paysages urbains. Cependant l'ampleur de ce phénomène est
inégale selon les régions du monde. L'urbanisation progresse
beaucoup plus rapidement dans les pays en développement que dans les
pays industrialisés et riches et elle profite davantage aux très
grandes villes qu'aux plus petites : la population urbaine dans les pays du Sud
est deux fois supérieure à celle des pays du Nord et le nombre de
villes de plus de dix millions d'habitants a été multiplié
par trois en cinquante ans.
Abordant dans le même sens, POURTIER R.
(1993) signale que « L'urbanisation représente à
n'en point douter, la transformation la plus spectaculaire de l'Afrique
contemporaine, celle aussi qui pose le plus de problème. Les grandes
villes d'Afrique ont atteint et dépassé les dimensions de
l'ingérable... parce qu'ayant réussi à absorber
15 Jean Beaujeu Garnier dans Précis de
géographes urbains ; 1995
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
des excédents démographiques dont le rythme de
croissance n'a son égal nulle part ailleurs au monde ». Cette
explosion urbaine pose de nombreux problèmes sociaux et environnementaux
selon l'auteur. ATTA K. (2005) aborde dans le même sens
et définit l'urbanisation comme un processus de concentration de la
population en un lieu donné. Lorsque cette population atteint un certain
seuil, elle suscite de nouveaux modes de production et de consommation.
L'urbanisation se déroule à des rythmes différents selon
les pays et les régions du monde.
Quant à TROTSKY M. (2003), il fait la
situation de l'urbanisation à Bondoukou. Pour lui, la ville de Bondoukou
a connu une évolution spatiale de 1897 à nos jours. Cette
dynamique spatiale a permis à la ville de s'étaler dans toutes
les directions. Cependant, l'évolution de la ville n'a pas
été suivie par les infrastructures adéquates et de
nombreuses activités non encadrées ont émergé,
entraînant la baisse du pouvoir d'achat et la montée de la
pauvreté par le manque d'activité motrice. Ainsi, la
dégradation de l'environnement et du cadre de vie est-il le signe patent
de la pauvreté. C'est pourquoi l'auteur fait des recommandations dans le
sens de la génération d'une croissance économique durable.
Cette action doit se faire selon trois pôles qui sont la création
de revenus pour les pauvres, une prestation mieux ciblée des services
sociaux de base et la prévision d'une marge de sécurité
pour les plus démunis.
Pour FRACHON A. (1996), l'urbanisation est un
des mouvements en profondeur qu'occulte l'actualité immédiate,
mais qui n'en sont pas moins déterminants pour l'avenir car l'Afrique
n'est plus rurale. Il faut donc renouveler les stocks de représentations
traditionnelles, celle d'un continent encore dominé par la " nature ",
sauf à manquer une des grandes évolutions en cours : l'Afrique
s'urbanise très vite. L'auteur pense que cette urbanisation est un
facteur de modernisation car c'est en ville que les Africains trouveront les
modes d'organisation de la société et les modes de production
adaptés à leur culture.
Quant à KOUZMINE Y. (2005), il fait
savoir que l'urbanisation du Sahara Algérien constitue aujourd'hui une
donnée essentielle dans l'appréhension des dynamiques spatiales
complexes qui l'animent. Cet auteur souligne qu'en moins de cinquante ans, le
Sahara s'est massivement urbanisé, bouleversant les morphologies
urbaines ainsi que les
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
pratiques et rapports socio-spatiaux des populations dans la
ville. En conséquence, de cette urbanisation rapide, de nouveaux
problèmes sont apparus sur les espaces urbains. Il s'agit de la crise du
logement, de la dégradation de l'environnement et du manque de
cohérence au plan des morphologies urbaines. Aussi, les modalités
d'évolution de ces milieux urbains se posent aujourd'hui car ces espaces
sont fragiles et contraignants. L'auteur salue l'intégration des
politiques d'aménagement du territoire au concept de durabilité
au sein des législations. Ces politiques doivent déterminer
l'action Étatique au travers de la conduite des différents
schémas, plans et programmes d'aménagement du territoire.
Etude de danger
Le dictionnaire environnement et développement durable
définit l'étude de dangers comme étant une étude
prévue dans le décret du 21 septembre 1977 de la
réglementation française et requise lors du dépôt
d'un dossier de demande d'autorisation pour les installations classées
pour la protection de l'environnement. L'étude de dangers est
révisable à tout moment sur demande du Préfet et d?autres
services compétentes comme la Direction de l?Environnement et des
Etablissements Classés. Les informations relevées doivent
permettre d'identifier les sources de risque, les scénarios d'accident
envisageables et leurs effets sur les personnes et l'environnement.
Les études de dangers constituent la base indispensable
pour l'établissement des Plans d'Opération Interne (POI) et des
Plans Particuliers d'Intervention (PPI). Avec la directive SEVESO II,
l'étude de dangers doit être désormais
réactualisée au moins tous les cinq ans. La définition
donnée par le JO du 12 avril 2009 : Étude précisant
l'ensemble des risques auxquels se trouvent exposés, lors d'un accident
d'origine interne ou externe, les personnes et les biens situés à
l'intérieur ou à proximité d'une installation, ainsi que
les dommages qui en résultent pour l'environnement. L'étude de
dangers identifie les sources de dangers et expose les scénarios
d'accident. L'étude de dangers comporte une analyse des mesures propres
à réduire la probabilité et les conséquences des
accidents.
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Cas de la centrale électrique de Kounoune
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