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Organisation de la fonction marketing au sein d'une administration publique: application au ministère des relations extérieures du Cameroun (minrex)

( Télécharger le fichier original )
par Boris D. SOUOP KAMGA
Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master 2 Relations Internationales spécialité Marketing International 2009
  

Disponible en mode multipage

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Institut des Relations Internationales du Cameroun

BP : 1637 Yaoundé - Tél. : 22 31 03 05 Fax : (237) 22 31 89 99

MARKETING INTERNATIONAL
INTERNATIONAL MARKETING

RAPPORT DE STAGE

Organisation de la fonction marketing au sein

d'une administration publique : application au

ministère des relations extérieures du Cameroun

Rapport de stage présenté et soutenu publiquement en vue de l'obtention d'un Master profes-
sionnel 2ème Année, en Relations Internationales, spécialité : Marketing International.

Par :

SOUOP KAMGA Boris Degloire

Maîtrise professionnelle en relations internationales,

Spécialité Marketing International

Sous l'encadrement professionnel de : Et l'encadrement académique du :

Monsieur ONDOUA Christian Docteur AYINA Jean Paul

Diplomate, Chef service des organes Ministre plénipotentiaire hors échelle

de l'Union Africaine - MINREX Enseignant associé à l'IRIC

2008 - 2009

SOMMAIRE

Sommaire i

Dédicace ii

Remerciements iii

INTRODUCTION GENERALE ..1
Première partie: La politique étrangère du Cameroun: Acteurs et spécificités.5

Chapitre premier: Le MINREX comme lieu de déroulement du stage

8

Section I: Organisation structurelle et spatiale du MINREX

.9

I - L'organisation structurelle du MINREX

..9

II - L'organisation spatiale du MINREX

10

Section II: Organisation fonctionnelle du MINREX

12

I - Le fonctionnement du MINREX

12

II - L'expérience de stagiaire

..13

Chapitre II: Le MINREX comme bras séculier de l'Etat en matière de PEC

.15

Section I: La PEC: Définition et attentes vis-à-vis du MINREX

.16

I - Qu'est ce que la politique étrangère?

.16

II - Le rôle du MINREX en matière de PEC

..18

Section II: Le MINREX comme bras séculier de l'Etat en matière de PEC .21

I - Les atouts du MINREX .21

II - Les faiblesses du MINREX .22

Deuxième partie: Implémentation de la démarche marketing au sein d'une administration publique: Le cas du MINREX 27
Chapitre III: Les leviers de l'action marketing au sein d'une administration publique

Section I: L'administration publique comme champ d'exécution de la démar-

che marketing .33

I - Les spécificités de l'administration publique 33

II - Vers une définition du marketing .36

Section II: Apports et limites du marketing pour une administration publique

I - Convergence entre approches du marketing et finalités d'une administration publique ..40

II - Apports et limites du marketing dans une administration publique Chapitre IV: L'aménagement de la démarche mercatique dans le management du

Ministère des relations extérieures du Cameroun

..58

Section I: La démarche mercatique

59

I - Approche conceptuelle schématisée de la démarche marketing

...59

II - Le cadre consacré de la démarche marketing au MINREX

.61

Section II: La démarche marketing appliquée à des domaines clés du Ministère des relations extérieures du Cameroun 62

I - La gestion des ressources humaines comme support de motivation

II - La gestion des RH comme tout intégrant d'un management straté-

gique de long terme

66

CONCLUSION GENERALE

68

ANNEXES .

..69

BIBLIOGRAPHIE

.73

A la très chère, très belle et adorable

CARELE NICE

REMERCIEMENTS

Au moment où nous rédigeons ce rapport, nous voulons remercier toutes les personnes ressources dont la contribution immédiate ou non a permis de tenir le pari de sa réalisation. Nous citerons entre autres :

· Son excellence Monsieur EYEBE AYISSI Henri, Ministre des relations extérieures du Cameroun qui a bien voulu nous accorder le stage dans son département ministériel ;

· Professeur MOUELLE KOMBI Narcisse, Directeur de l'IRIC qui ne ménage pas ses efforts pour offrir aux étudiants de l'Institut un cadre propice à leur formation ;

· Docteur AYINA Jean Paul, Ministre plénipotentiaire hors échelle, dont les conseils et l'abnégation au travail ont constitué un véritable levier de notre détermination ;

· Monsieur ONDOUA Christian, Diplomate dont le recul et les conseils nous ont permis de mieux questionner notre travail ;

· L'ensemble des enseignants de l'IRIC et des diplomates en service au MINREX pour leur contribution à la formation théorique et professionnelle ;

· Mes frères Nicanor Léo, Samuel Ledoux et Raoul Histler et mes parents Jeanne et Laurent KAMGA sans le soutien desquels nous n'aurions pu achever ce travail ;

· Et vous autres proches parents, ami(e)s et camarades de promotion dont le soutien et les encouragements nous été profitables.

Trouvez en ce travail une oeuvre pour laquelle votre contribution fut effective et bénéfique.

INTRODUCTION GENERALE

Les formations en Master professionnel de l'Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) astreignent le candidat à effectuer en deuxième année, un stage de perfectionnement et d'apprentissage de deux (02) mois en entreprise ou au sein d'une institution spécialisée. C'est à cet effet que nous avons sollicité1 et obtenu2 un stage académique au Ministère des Relations Extérieures du Cameroun (MINREX) pendant la période du 1er Août au 30 Septembre 2008.

Le choix d'une administration publique et en l'occurrence, le Ministère des Relations Extérieures du Cameroun comme structure d'accueil pour le stage académique en Marketing International peut sembler anodin3. Il n'en est rien. En effet, le marketing se définit comme « une fonction de l'organisation et un ensemble de processus qui consiste à créer, communiquer et délivrer de la valeur aux clients ainsi qu'à gérer des relations avec eux afin de servir l'organisation et ses parties prenantes»4. C'est aussi « un processus économique et social par lequel les individus et les groupes satisfont leurs besoins et leurs désirs au moyen de la création de l'offre et de l'échange avec autrui de produits et services de valeur »5. Dit autrement, il s'agit pour l'organisation, ici le Ministère des Relations Extérieures du Cameroun, de mieux connaître et/ou de mieux comprendre ses publics cibles afin de leur proposer des produits et des services qui leur soient mutuellement bénéfiques. Cette définition ressort implicitement la portée stratégique et opérationnelle qui découlerait de la convocation des outils marketing au sein d'une institution publique et sous-tend par là même, le choix porté sur le Ministère des Relations Extérieures du Cameroun pour le stage académique dans la spécialité Marketing International et pour une formation à l'Institut des Relations Internationales du Cameroun.

Au demeurant, notre démarche est consécutive d'un questionnement quasi permanent sur ce que peut être l'apport du Marketing dans une administration publique. En l'occurrence, les approches du Marketing fondées sur les besoins peuvent-elles constituer

1 Voir Annexe 1 : Lettre de demande de stage

2 Voir Annexe 2 : Lettre d'admission en stage

3 De l'acception générale, le terme « Marketing » renvoie à la vente et subséquemment à toutes les opérations de séductions menées en direction du consommateur pour déclencher l'acte d'achat ou fidéliser son attachement. Ce qui peut sembler contradictoire avec les missions essentielles d'une administration publique vue par l'usager.

4 Kotler et al, (2006), Marketing Management, 12è éd. Paris, Pearson Education Inc. Coll. Nouveaux Horizons, p6

5 Idem p.6

un cadre théorique adéquat à la résolution des problèmes inhérents à une administration publique ? Ou alors, et de façon spécifique, la démarche Marketing qui consiste à identifier puis à la construction des besoins des publics cibles de l'organisation est-elle pertinente, dans le cas d'une administration publique, pour réaliser les missions qui lui sont assignées par sa tutelle ? Ou finalement, le Marketing est il capable de satisfaire l'usager à un moment donné, notamment lorsque le produit n'existe pas encore ou doit être réalisé par l'usager en relation avec l'administration concernée ?

A l'évidence, ces questions montrent qu'il n'existe pas à proprement parler, d'organisation au sein de laquelle ne puissent être implémentées les dynamiques structurantes et opérationnelles du Marketing en général ou du Marketing International pour celles qui ont une activité internationale comme le Ministère des relations extérieures du Cameroun. On peut alors comprendre, qu'en plus d'affirmer la pertinence de la formation du diplomate camerounais aux métiers du Marketing, qu'il soit question dans ce rapport, d'évaluer au Ministère des Relations Extérieures du Cameroun, les prémices ou même, l'effectivité de l'utilisation des outils marketing dans l'exécution des missions qui lui sont assignées. Car finalement, il s'agit ici de construire une proposition Marketing permettant de valoriser l'action publique d'une part et d'en optimiser le rendement d'autre part. Dans cette perspective, l'intérêt de ce rapport est surtout scientifique dans la mesure où il s'agit de construire une proposition marketing qui permette d'esquisser un procédé et/ou un modèle d'organisation de la fonction marketing au sein d'une administration publique aussi exigeante que le Ministère des Relations Extérieures du Cameroun.

Le marketing management est « la science et l'art de choisir ses marchés cibles, d'attirer, de conserver et de développer une clientèle en créant en délivrant et en communiquant de la valeur »6. De facto, il nous semble que l'action internationale de l'Etat du Cameroun, mise en oeuvre par le Ministère des relations extérieures, consiste pour une bonne part en l'opérationnalité du marketing management. En effet, pour donner de la matière au Chef de l'Etat dans la perspective de la définition des grandes orientations de la politique étrangère du Cameroun (PEC) et exécuter de façon optimale les directives y relatives, il nous semble qu'il incombe à ce département ministériel, - à travers ses démembrements et avec l'appui des ministères techniques -, d'explorer les « marchés » (ou les partenaires) cibles éventuellement porteurs, d'attirer, de conserver et développer des

6 Kotler et al, (2006), Op. cit. p6

partenariats mutuellement bénéfiques à travers des actions ciblées qui répondent à leurs attentes et satisfont nos besoins économiques, politiques et sociaux entre autres. Cette posture est du reste partagée par nombres d'experts7 pour qui, pour booster sa croissance économique, soutenir durablement la relance économique amorcée depuis près d'une décennie d'une part et poursuivre la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) d'autre part, l'un des leviers sur lequel le Cameroun devrait s'appuyer est la création d'un cadre propice aux affaires et susceptible d'inciter les capitaux-risqueurs à investir et/ou à soutenir l'investissement national. Ce qui ne peut s'envisager en dehors des « couloirs » de la diplomatie et plus exactement, des trois axes prioritaires que sont, de l'avis du professeur TOUNA MAMA8, une vision stratégique prospective, le développement des infrastructures et une « réelle » bonne gouvernance. D'où la pertinence, l'intérêt et même la nécessité de consolider la formation du diplomate camerounais aux fondamentaux du Marketing.

Toutefois, cette perspective pose le problème de la mise en route des processus marketing au sein d'une administration publique aussi protocolaire que le Ministère des relations extérieures du Cameroun. En d'autres termes, comment peut-on, avec les outils du Mix marketing, assurer la réalisation optimale des missions dévolues au Ministère des relations extérieures du Cameroun ?

A l'origine de cette problématique, se trouve l'incompatibilité naissante entre les approches traditionnelles du Marketing et les nouvelles formes de consommation des services publics liées aux exigences actuelles de l'économie globalisée. Nous nous intéresserons donc aux pratiques mercatiques permettant le bon accomplissement du processus de création d'un produit personnel par des usagers intégrés dans l'univers quotidien de l'administration. Ainsi, pour rendre compte des mois passés au Ministère des relations extérieures du Cameroun, nous fonderons notre propos autour de cette problématique selon qu'il ressort de façon implicite de l'énoncé de ce rapport que nous intitulons: « Organisation de la fonction marketing au sein d'une administration publique : application au Ministère des Relations Extérieures du Cameroun ».

7 Notamment Touna M. (2008), L'économie camerounaise. Pour un nouveau départ, Edition Afrédit, Yaoundé ; Pr. Bruno Bekolo-Ebe, in Cameroon Tribune du 13 Avril 2009, interview p4 ; Pr Bruno Bekolo-Ebe, «La crise, l'Afrique et le grand marchandage », in Cameroon Tribune, N°9260/55459 du 6 Janvier 2009 pp26-27 et « Retour à la politique des grandes ambitions. Panorama complet de l'économie » in Marchés Africains, Numéro spécial Cameroun, Hors série N°11.

8 Touna M. (2008), L'économie camerounaise : pour un nouveau départ, Edition Afrédit, Yaoundé, pp430-431.

Cette présentation se fera en deux parties :

· La première partie se rapporte à la politique étrangère du Cameroun. Il s'agit essentiellement de présenter le Ministère des relations extérieures du Cameroun comme une organisation évoluant dans un environnement également compétitif et obligée de facto d'adapter en permanence ses processus au regard des mutations actuelles de la société internationale. Car, comme pour les entreprises, la compétition internationale des Etats sur la scène internationale laisse peu de place à l'amateurisme, à l'hésitation ou à l'inertie pour faire l'éloge de l'engagement, du professionnalisme ou de l'action coordonnée des acteurs de la politique étrangère. Il y est également question de l'expérience vécue et des difficultés rencontrées pendant le stage. In fine, cette partie est une approche fonctionnelle de la politique étrangère du Cameroun selon qu'elle est envisagée par le donneur d'ordre et selon qu'elle est mise en oeuvre par l'exécutant.

· La seconde partie est celle consacrée à l'analyse thématique et aux suggestions. En tant que tel, elle se décline en deux chapitres. L'un consacré à la dimension théorique du fait générateur de notre réflexion à savoir l'implémentation et l'organisation de la fonction marketing au sein d'une administration publique et l'autre consacré à l'aspect pratique de la question. La période du stage nous a en effet donné l'opportunité de visiter la quasi-totalité des directions de ce département ministériel à l'effet de mieux nous imprégner de leur fonctionnalité. Ce qui a permis d'identifier les activités de ce département ministériel et d'y apprécier le niveau d'utilisation des outils marketing dans une perspective à la fois dynamique et efficace.

·

PREMIERE PARTIE

LA POLITI QUE

tT RANGIERE DU

CAMEROUN ~

ACTEURS ET

SPtCITICITtS

CHAPITRE I

LE MINREX COMME

LIEU DE DtROULEMENT

DU STAGE

· CHAPITRE II

LE MINREX COMME

BRAS StCULIER DE

L'ETAT POUR LA POLI-

TIQUE tTRANGIERE DU

CAMEROUN

Le développement récent de l'actualité internationale témoigne d'une réelle compétitivité entre les acteurs des relations internationales. Compétitivité mue par les enjeux géopolitiques qui, sous-tendent à l'échelle planétaire l'action internationale des Etats. Et, bien que la quête de puissance et l'effort de consolidation des acquis hégémoniques concernent au premier chef les grandes puissances9 occidentales10 et les nouveaux pays industrialisés11 (NPI), l'Afrique et le Cameroun sont tout autant concernés par ce regain de compétitivité sur la scène internationale. C'est ce qui ressort de l'analyse géopolitique du Golfe de Guinée, des considérations spécifiques de la géopolitique en Afrique centrale et de la redistribution amorcée de la puissance au sein de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC)12.

Au Cameroun, le Ministère des Relations Extérieures est le bras séculier de l'Etat en matière de politique étrangère. Or, la permanence du conflit sur la scène internationale, les nouveaux enjeux qui sous-tendent l'action internationale des Etats et la compétitivité qui caractérise les relations internationales en ce troisième millénaire, suggèrent de questionner la capacité de ce département ministériel à assumer, en l'état, les missions qui lui sont assignées dans le cadre de la politique étrangère du Cameroun.

Ce questionnement nous a amené à faire une présentation dynamique du MINREX et de notre expérience de stagiaire au sein de ce département ministériel. Dans cette perspective, cette partie se décline en deux chapitres :

- Le premier, - Le MINREX comme lieu de déroulement du stage -, est une présentation globale du cadre de déroulement du stage doublée des grandes lignes des activités que nous y avons menées.

9 Etats-Unis d'Amérique, Allemagne, Grande Bretagne, France et Russie entre autres.

10 Le terme «occident» qui signifie l'Ouest, est un terme consacré pour désigner les Nations développées et civilisées. Voir à ce propos, Escudie V. Du « développement » et de la «technologie». Impasses des représentations exogènes et émergence de programmes alternatifs, thèse de Doctorat en sciences économiques, Université des sciences sociales de Toulouse I, soutenue le 19 Janvier 2004, pp 49-53.

11 Ce sont notamment les pays émergents dont le développement économique, social, politique et culturel tutoie celle des pays développés. A l'instar du Brésil, de l'Argentine, de la Chine, de l'Inde, du Nigeria et de l'Afrique du Sud, ces pays revendiquent de façon quasi permanente une place au « perron » de la puissance mondiale.

12 L'analyse, les considérations spécifiques et la redistribution de la puissance dont nous faisons allusion résultent de la découverte des gisements miniers dans la région. Découverte qui a accru l'appétit des Etats et des forces «occultes» dans la région et conduit à des crises politiques intra/interétatiques et développer des mouvements aux frontières. Dans le même registre, peuvent être évoquées les réformes récentes de la CEMAC et celles en cours de la Banque des Etats de l'Afrique centrale (BEAC). A l'échelle continentale, les crises politiques, l'exacerbation des conflits armés à travers le continent et les bouleversements (ou mutations) que l'on observe au sein même de l'Union africaine sont la manifestation de la nature conflictuelle des Relations internationales et d'une compétitivité rendue quasi permanente entre les Etats en Afrique.

- Le second chapitre, - Le MINREX comme bras séculier de l'Etat pour la politique étrangère du Cameroun -, est une analyse dynamique de ce département ministériel dans la perspective d'un accomplissement optimal des missions qui lui ont été assignées par le Président de la république.

Chapitre premier

Le MINREX comme lieu de dérou-

lement du stage

L'organisation structurelle et spatiale du MINREX (Section I) est conforme aux dispositions du décret N° 2005/286 du 30 Juillet 2005 portant organisation du Ministère des relations extérieures du Cameroun. En tant que tel, l'activité du stagiaire que nous étions ne peut se comprendre en dehors des activités générales ou plus exactement des missions assignées aux directions (Section II) où nous avons séjourné.

Section I : Organisation structurelle et spatiale du MINREX13

I - L'organisation structurelle du MINREX

Dans ses dispositions générales, le décret N°2005/286 du 30 Juillet 2005 sus mentionné, place le Ministère des relations extérieures du Cameroun sous l'autorité d'un Ministre assisté de deux ministres délégués, l'un en charge de la coopération avec les Etats membres du Commonwealth et l'autre en charge de la coopération avec le monde islamique14. Ce même décret fixe la principale mission du MINREX et sa structure organique.

A - La mission du MINREX

En réalité, le Ministère des relations extérieures du Cameroun et à travers lui, son ministre de tutelle, est doté d'une mission essentielle : « Assurer la mise en oeuvre de la politique des relations extérieures arrêtée par le Président de la République »15. Toutefois, la réalisation optimale de cette mission se décline en activités spécifiques qui peuvent être perçues comme une déclinaison active de cette mission essentielle. Ainsi, selon les dispositions générales du décret susmentionné, le ministre des relations extérieures est chargé :

· des relations avec les Etats étrangers, les organisations internationales (OI) et avec les autres sujets de la communauté internationale ;

· de la protection des ressortissants et des intérêts camerounais à l'étranger.

Cette déclinaison active de la mission du Ministre des relations extérieures, est mise en oeuvre avec l'appui technique des autres départements ministériels et l'apport des ministres délégués, chacun dans son domaine de compétence spécifique. En tant que tel,

13 Cette section se présente comme une vue élaguée de l'organisation interne du MINREX selon qu'il ressort du décret N°2005/286 du 30 Juillet 2005, portant organisation du MINREX car, en la matière, le dispositif existant est conforme au texte en vigueur. Toutefois, il peut être envisagé une lecture critique de ce dispositif légal dans le contexte actuel des Relations internationales, mue comme nous le précisions, par un relèvement du niveau de compétitivité internationale des Etats à travers les différents blocs stratégiques de la géopolitique mondiale et africaine.

14 Décret N°2005/286 du 30 Juillet 2005, portant organisation du MINREX, article 1

15 Op. cit. Article 2

l'action internationale du Cameroun va amener le ministre des relations extérieures à :

· Rassembler et diffuser auprès des départements ministériels des informations relatives aux Etats étrangers et aux organisations internationales qui pourraient faciliter l'action des services publics ;

· Concourir à l'information des gouvernements étrangers, de leur opinion publique, ainsi que des organisations internationales en ce qui concerne le développement politique économique, social et culturel du Cameroun, en liaison avec le ministère de la communication ;

· Gérer les carrières des personnels diplomatiques.

B - La structure organique du MINREX

Pour l'essentiel, le Ministère des relations extérieures du Cameroun s'organise sur le plan interne autour de cinq grandes entités dont le déploiement et l'activité participent de l'accomplissement effectif des missions qui lui ont été assignées par la tutelle. Ce sont:

· les secrétariats particuliers16 chargés des affaires réservées du ministre et des ministres délégués,

· des conseillers techniques agissant comme principaux supports techniques au service du ministre et de ses ministres délégués,

· de l'Inspection générale dont l'activité porte principalement sur le rendement et la qualité du service rendu par ce département ministériel,

· d'une administration centrale agissant comme cheville ouvrière du MINREX

· des services extérieurs qui agissent comme relais institutionnels de l'Etat auprès de ses partenaires internationaux.

Dans la pratique, l'action diplomatique exercée au sein de ce département ministériel se fait conformément aux directives présidentielles et est rendue possible par une organisation spatiale qu'il faudrait pourtant optimiser.

II - L'organisation spatiale du MINREX

En interne, l'organisation du Ministère des relations extérieures du Cameroun reflète les choix stratégiques du Cameroun dans son déploiement international et se décline

16 Il faut noter ici que le Ministre des relations extérieures et chacun de ses ministres délégués, disposent d'un secrétariat particulier placé sous l'autorité d'un chef de secrétariat particulier.

à travers les fonctionnalités prévues au sein de l'Administration centrale17. On y retrouve par exemple :

· le Secrétariat Général,

· la Direction des Affaires d'Afrique,

· la Direction des Affaires d'Europe,

· la Direction des Affaires d'Amérique et des Caraïbes,

· la Direction des Affaires d'Asie et des Relations avec l'Organisation de la Conférence islamique,

· la Direction des Nations Unies et de la Coopération Décentralisée,

· la Direction des Relations avec l'Organisation Internationale de la Francophonie,

· la Direction des Relations avec le Commonwealth,

· la Direction de l'Information, de la Documentation et des Archives Diplomatiques,

· la Direction du Protocole et des Affaires Consulaires,

· la Direction des Affaires Générales

On notera qu'à côté des Directions qui participent de l'animation quotidienne de la vie interne de ce Ministère (Affaires générales, Protocoles et affaires consulaires, Information, Documentation et archives diplomatiques), les principaux démembrements de l'administration centrale s'alignent sur les axes majeurs de relations bilatérales et/ou multilatérales de la société internationale. On peut alors questionner le maintien et la permanence de cette déclinaison spatiale dans le contexte actuelle des mutations profondes que l'on observe dans la société internationale, de la géopolitique mondiale et de la redistribution de la puissance à travers la planète dans la mesure où, nous semble-t-il, le déploiement international des Etats dans le système international ne s'exprime plus uniquement sous le prisme des relations avec les entités continentales. En effet, les enjeux géopolitiques et les exigences de politique interne qui influent sur la politique extérieure des Etats sont si nombreux et si variés que, toute méconnaissance y relative pourrait influer durablement sur la performance18 internationale des Etats.

17 Toutes les Directions qui composent l'administration centrale sont identifiées au MINREX par une nomenclature interne. (Voir Annexe 4 : Identifiant des Directions au MINREX)

18 Ici, l'idée de performance sous entend la capacité d'un Etat à atteindre ses objectifs généraux et spécifiques et plus
encore, les résultats escomptés par le choix et la mise en oeuvre de sa politique étrangère. De cette idée également, il

Au demeurant, le séjour au Ministère des relations extérieures du Cameroun nous a permis d'observer le fonctionnement d'un certain nombre de Directions de sorte qu'il nous soit possible d'envisager un compte rendu critique.

Section II : Organisation fonctionnelle du MINREX

I - Le fonctionnement du MINREX

Conformément aux dispositions du décret N° 2005/286 du 30 juillet 2005 le ministère des relations extérieures du Cameroun déploie son action à travers ses services centraux et ses services extérieurs.

L'administration centrale comprend, outre le secrétariat général, dix directions conçues selon une logique qui combine spécialisation et régionalisation. Dans le premier cas, la création des directions tient compte de la nature des activités ou des affaires concernées. La direction des Nations unies et de la coopération décentralisée, la direction des relations avec le Commonwealth, la direction des relations avec l'Organisation internationale de la francophonie, la direction du protocole et des affaires consulaires et la direction des affaires générales procèdent de ce critère. Dans le second cas, les directions sont conçues selon le critère géographique et suivant un découpage qui épouse les caractéristiques de la distribution géopolitique de la puissance au niveau mondiale.

D'une manière générale, les différentes directions du ministère des relations extérieures du Cameroun sont largement confinées dans le traitement des relations politiques bilatérales ou multilatérales, les questions relatives à la coopération économique et financière étant confiées aux départements ministériels techniques compétents en la matière. C'est ainsi que le ministère des relations extérieures du Cameroun n'est impliqué ni dans le traitement des dossiers relatifs aux relations avec les institutions de Bretons Wood ni davantage au traitement des dossiers traitant des mêmes matières au plan bilatéral.

Cependant, il faut noter pour le décrier et en ajouter au discrédit relatif au maintien de la distribution spatiale actuelle du ministère des relations extérieures du Cameroun, l'existence de services quasi inactifs au sein desquels, les responsables en poste n'ont

faudrait voir la capacité de l'Etat visé à tirer profit des opportunités qui émergent dans le système géopolitique auquel il appartient tout en évitant les menaces qui s'y greffent. En tant que tel, la performance internationale des pays en développement - et donc du Cameroun -, devra s'entendre de leur capacité à réduire la pauvreté ambiante dans laquelle semblent englouties durablement leurs populations et à créer les conditions d'une croissance durable, source d'un développement durable qui leur soit profitable sur le long terme.

d'occupation effective que l'ennui s'il ne plaît à leurs collègues de leur confier certains « pans » de leurs responsabilités. Or, il est évident que l'inactivité du responsable suscite la démotivation et ne participe pas de la construction d'une vision ambitieuse, concertée et opportune pour l'insertion du Cameroun dans la dynamique internationale des Etats. Pour les cas observés, il nous est apparu que le Cameroun n'établit pas - et n'envisage pas à court ou moyen terme d'établir - des relations bilatérales ou multilatérales avec les pays et/ou les organisations qui y sont établis. D'où l'intérêt de questionner la pertinence et l'efficacité de l'organisation spatiale du ministère des relations extérieures du Cameroun tant il est vrai que les ressources humaines, matérielles et financières ainsi déployées auraient pu contribuer à renforcer les capacités opérationnelles de la représentation internationale du Cameroun.

Les services extérieurs du ministère des relations extérieures du Cameroun sont constitués de postes diplomatiques et consulaires dont 26 ambassades, 4 hauts commissariats, 3 délégations permanentes et 2 consulats généraux. Soit 35 postes diplomatiques dans une société internationale qui compte désormais plus de 200 membres.

A l'évidence, ce réseau diplomatique lilliputien est largement en deçà des ambitions de la diplomatie camerounaise. C'est sans doute conscient des inconvénients d'une sous représentation diplomatique que l'autorité politique camerounaise a adopté le système de la représentation multiple pour compenser cette faible couverture diplomatique. Sans doute aussi que le recours à la pratique de la représentation multiple se justifie par la nécessité d'une maîtrise des coûts imputables au fonctionnement d'une mission diplomatique. Dans ce cas, il y a lieu de s'interroger, eu égard à la modicité avérée des moyens financiers, humains et matériels de nos ambassades, sur le rendement de cette option. Il est bien évident en effet, qu'une mission diplomatique qui éprouve des difficultés à assurer quotidiennement les charges dues à son fonctionnement ne peut assurer de façon optimale - en produisant des résultats probants - la couverture simultanée de plusieurs pays.

II - L'expérience de stagiaire

Notre séjour au MINREX a été marqué par deux temps forts.

Le premier temps fort, ou phase théorique du déroulement du stage, a consisté en l'accueil et aux enseignements reçus dans chacune des Directions. L'accueil a consisté à la prise de connaissance des textes organiques de l'institution et de façon spécifique, celle

de la Direction concernée. Au cours de cette phase, nous avons été instruits des techniques administratives relatives au suivi des dossiers internes, à la rédaction administrative et à l'organisation du travail dans chacune des directions.

Le second temps fort, ou phase pratique du déroulement du stage, a été celui de la mise en pratique des enseignements reçus. Elle a porté essentiellement sur le traitement des dossiers qui nous ont été confiés. L'analyse documentaire et le compte rendu particulier.

In fine, le stage au Ministère des relations extérieures du Cameroun fut un excellent moment d'apprentissage tant du point de vue des enseignements théoriques que de la pratique administrative. Notamment :

· les techniques opératoires et la pratique diplomatique quotidienne,

· le travail en équipe et les relations avec les autres administrations,

· les rigueurs administratives et disciplinaires utiles à la bonne marche du service public.

Il reste que, la très courte durée du stage laisse un goût d'inachevé à cette formation professionnelle pourtant amorcée sous le sceau du volontariat et de la disponibilité de la quasi-totalité de nos encadreurs. Toutefois, et en dépit des difficultés rencontrées, nous avons eu la possibilité de vivre la réalité de l'action du Ministère des relations extérieures du Cameroun comme bras séculier de l'Etat en matière de politique étrangère du Cameroun (PEC).

Chapitre II

 

Le MINREX comme bras séculier

de l'Etat en matière de politique

étrangère du Cameroun (PEC)

 
 

Selon qu'il ressort de la définition du marketing management,19 le déploiement international de l'Etat est un champ opératoire où peuvent être implémentés les concepts clés du marketing management. En l'occurrence, pour donner de la matière au Chef de l'Etat, garant de la définition de la politique étrangère du Cameroun (PEC), et exécuter de façon optimale les directives y relatives, il appartient au Ministère des relations extérieures du Cameroun, d'examiner les opportunités et les menaces de l'environnement international, d'attirer, de conserver et développer des partenariats mutuellement bénéfiques à travers des actions ciblées qui répondent à leurs attentes et satisfont nos besoins politiques, économiques et sociaux notamment.

Pour « sortir le Cameroun du sous-développement et le faire rentrer dans la modernité »20, l'action gouvernementale en générale et l'activité du Ministère des relations extérieures du Cameroun en particulier, doit pouvoir s'inscrire dans la perspective des trois axes prioritaires identifiés par le professeur TOUNA MAMA21. C'est-à-dire, suivant une vision stratégique prospective, le développement des infrastructures et une « réelle » bonne gouvernance. Or en l'état, le Ministère des relations extérieures du Cameroun peutil se prévaloir d'une capacité avérée à réaliser la mission qui lui est confiée dans le cadre de la politique étrangère du Cameroun ?

Cette question est centrale au développement de ce chapitre et pour y répondre, nous donnerons un contenu à la notion de politique étrangère du Cameroun avant de dégager les bons points et les leviers de faillite opposables à ce département ministériel.

Section I : La PEC : définition et attentes vis-à-vis du MINREX

I - Qu'est ce que la politique étrangère ?

Par son énoncé, cette question est illustrative de notre prétention à donner un contenu à une notion qui n'a de cesse d'alimenter la rivalité entre courants doctrinaux.

A priori, la politique étrangère renvoie à un rapport d'extranéité par opposition à la politique intérieure si l'on considère que la politique intérieure se consacre à la gestion des affaires domestiques tandis que la politique étrangère traite des affaires du dehors.

19 Voir Introduction générale, p3.

20 C'est l'objectif global visé par le programme des grandes ambitions que le président Paul BIYA nourrit pour son peuple pour son second septennat à la tête de la République tel qu'énoncé lors dans sa campagne électoral d'octobre 2004 et réaffirmé lors de sa prestation de serment du 03 novembre 2004. Voir Touna Mama (2008), Op. cit., p373.

21 Touna M. (2008), Op. cit., p 373.

Toutefois, et comme le précise fort opportunément le Docteur FOZEING22, « cette perception géographique immédiate et statocentrique de la politique étrangère ne rend pas compte de la complexité de son objet ». Deux postulats corroborent cette assertion :

D'une part, « l'Etat n'est plus l'acteur exclusif des relations internationales »23. En effet, la crise de l'Etat-nation s'est accompagnée d'une remise en cause de l'unité de base du système international avec notamment l'irruption de nouveaux acteurs sur la scène internationale. Désormais, le système international, composé d'une infinité d'intervenants ayant des rationalités très souvent divergentes, est comme frappé d'une anomie, dans une dialectique de l'ordre et du désordre, de l'unité et de la fragmentation exacerbée par le phénomène de la globalisation qui se nourrit autant de la logique d'intégration que d'exclusion. Dans cette perspective, l'acteur étatique doit pouvoir subsister comme unité souveraine de façon à garder la liberté de ses choix fondamentaux en s'inscrivant dans le jeu international grâce à sa politique étrangère. On peut dès lors conclure avec FOZEING que « la politique étrangère, en tant que politique publique, est au centre de toute réflexion sur les relations internationales »24.

D'autre part, le postulat classique d'inspiration Hobbesienne selon lequel il existerait une différence de nature entre les affaires du dehors et les affaires du dedans n'est plus d'actualité. En effet, tenant compte de la dépendance de plus en plus marquée du monde, la politique intérieure des Etats n'est pas mise en oeuvre dans un néant de contraintes extérieures. Et même, les choix de politique étrangère sont tributaires de contraintes intérieures. Dit autrement, « il existe un continuum entre la politique intérieure et la politique extérieure, l'une et l'autre en interaction permanente, ne pouvant être menée en état d'apesanteur dans un système international dont la nature et les caractéristiques ont connu de profondes mutations depuis le XVIIIè siècle »25.

La politique étrangère apparaît dès lors comme l'instrument privilégié par lequel les Etats s'insèrent dans le jeu international, cherchant à y maintenir ou à y accroître leur capacité d'influence. A cet égard, la politique étrangère émerge comme la matière première par excellence des relations internationales et cela dans la mesure où son objet inclut par définition les actions et les décisions des Etats envers les autres membres de la

22 Fozeing (2006), Cours « Politique étrangère du Cameroun », in Chapitre préliminaire : Qu'est-ce que la politique étrangère ? Maîtrise professionnelle en relations internationales, IRIC

23 Idem

24 Idem

25 Charrionn F. (2006), Les politiques étrangères : ruptures et continuités, Paris, La documentation française, p115.

société internationale.

Au-delà de la concurrence des paradigmes sur la définition de la politique étrangère, concurrence rendue plus complexe encore du fait des bouleversements qui ont cours dans l'ordre international, il reste indéniable que la politique étrangère est aussi faite de permanence. En effet, « les forces du changement ne font pas beaucoup changer l'esprit ni les méthodes d'une politique étrangère pour nombre de raisons dont la première est qu'un pays ne change pas de position sur la carte, ni de langue, ni de sous-sol, ni de commerce extérieur en changeant de coalition gouvernementale »26. Ainsi, la politique étrangère est tributaire de déterminants qui transgressent les clivages politiques et doctrinaux. C'est aussi une réalité complexe qui s'exprime aussi bien comme rapport de force27 que comme gestion des contraintes endogènes et exogènes.

En définitive, en tant qu'instrument par lequel les Etats organisent la gestion de leur interaction ou de leur rapport de force avec les autres acteurs des relations internationales, la politique étrangère a récemment connu de profonds bouleversements qui se traduisent notamment par la complexité des enjeux, l'irruption de nouveaux acteurs sur la scène internationale et l'apparition de paramètres nouveaux qui commandent l'adaptation des perspectives voire, la réforme des organigrammes. C'est sans doute pourquoi, toutes les analyses portant sur les relations internationales aboutissent à la conclusion selon laquelle la politique étrangère des Etats s'adapte à l'environnement international dans une dialectique de rupture et de continuité. Or, cette réflexion est confortée par des aménagements institutionnels qui, au sein des gouvernements, confère la responsabilité de la politique étrangère à une administration distincte dont la responsabilité n'est pas aussi aisément perceptible que les responsabilités des autres administrations publiques.

II - Le rôle du MINREX en matière de PEC

Nous dégageons ici ce qui semble être, du point de vue de la politique étrangère du Cameroun, le rôle du Ministère des relations extérieures du Cameroun d'une part et les outils de performance utiles à l'exécution optimale de sa mission d'autre part.

26 Debray R (1984), La puissance et les règles. Paris, Dallima.

27 Au-delà des divergences fondamentales qui les caractérisent, cette lecture apparaît comme le point de commun des écoles réalistes et marxistes des relations internationales. En effet, la politique étrangère y apparaît comme une interaction entre les politiques d'Etats souverains qui poursuivent des buts spécifiques.

A - Le rôle du MINREX

En matière de politique étrangère du Cameroun, le rôle du Ministère des relations extérieures du Cameroun est une déclinaison de la loi et est amplifié sur la scène internationale par les représentations que s'en font les principaux acteurs des relations internationales.

1 - Selon la loiLe décret N° 2004/320 du 8 décembre 2004 portant organisation du gouvernement

fait du ministère des relations extérieures du Cameroun « le seul département ministériel entièrement dédié à la politique étrangère du Cameroun »28. Toutefois, le rôle du Ministère des relations du Cameroun en matière de politique étrangère du Cameroun dérive de façon implicite du dispositif légal qui lui a donné naissance. En effet, au terme du décret N°2005/286 du 30 juillet 2005 portant organisation du Ministère des relations extérieures du Cameroun, « le Ministre des relations extérieures du Cameroun a pour mission d'assurer la mise en oeuvre de la politique des relations extérieures arrêtée par le Président de la république »29. Cette disposition et les contours de l'action y rattachée30 confinent, de façon tacite, le ministère des relations extérieures du Cameroun aux tâches d'exécution dans le champ de la diplomatie camerounaise. Toutefois, on ne peut restreindre l'action du Ministère des relations extérieures du Cameroun à l'exécution des directives édictées de la présidence de la république. En effet, l'analyse de la politique étrangère et la pratique internationale des Etats en la matière consacrent aux administrations publiques en charge de la politique étrangère des responsabilités autres que l'exécution des tâches initiées par le prince.

2 - Selon la pratique internationale

Nous avons relevé plus haut que la politique extérieure des Etats est une réalité complexe qui peut s'entendre comme gestion de contraintes aussi bien exogènes qu'endogènes. Ces contraintes tiennent essentiellement au caractère bureaucratique de la politique étrangère en ce qu'elle constitue une politique publique particulière et fait intervenir plusieurs acteurs imbriqués de façon hiérarchique les uns aux autres. Ainsi, les déci-

28 Fozeing (2006), Cours « Politique étrangère du Cameroun », Maîtrise professionnelle en relations internationales, IRIC

29 Article 2

30 Article 2, op. cit.

sions de politique étrangère résultent d'un arbitrage entre les inputs des différents intervenants. Cette analyse relativise le mythe d'une politique étrangère imposée par le haut et obéissant aux seules exigences de l'intérêt national. En tant tel, ce qui sera qualifié au bout d'un processus d'arbitrage éminemment complexe de politique étrangère n'apparaît plus comme un choix simple et délibéré, mais comme un résultat, un compromis entre plusieurs administrations31.

En outre, la complexité du fond domestique s'accompagne d'un renouveau du processus d'intégration régionale et d'une démultiplication des faits exogènes qui imposent aux Etats de revisiter en permanence leur politique étrangère pour l'adapter aux exigences communautaires et internationales. Dès lors, le problème n'est plus de savoir ce qu'est, au sens de l'Etat, la poursuite rationnelle de l'intérêt national, mais celui de savoir qui fabrique la décision et sur quels critères ? De facto, il s'ensuit, pour le Ministère des relations extérieures du Cameroun, une responsabilité immédiate et tacite consistant pour lui à fournir la matière première nécessaire à la prise de décision au regard des contraintes exogènes et des engagements internationaux de l'Etat entre autres.

D'un autre point de vue, et au-delà de la pratique internationale, certaines dispositions conventionnelles internationales attribuent aux Ministères des affaires étrangères la primauté de la conduite des relations diplomatiques. En l'occurrence, l'article 2 du décret N°2005/286 du 30 juillet 2005 sus visé dispose que le Ministère des relations extérieures du Cameroun « est chargé des relations avec les Etats étrangers, les organisations internationales et les autres sujets de la communauté internationale » et l'article 41 paragraphe 2 de la convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques précise que « toutes les affaires officielles avec l'Etat accréditaire confiées à la mission par l'Etat accréditant doivent être traitées avec le ministères des affaires étrangères de l'Etat accréditaire ou par son intermédiaire ou avec tel autre ministère dont il aurait été convenu ». Il s'agit donc d'une fonction d'intermédiaire dévolue au ministère des relations extérieures qui lui permettrait de proposer au titulaire du pouvoir de décision, et grâce à ses feedbacks, la matière première utile à la prise de décision.

En fin de compte, les responsabilités du MINREX sont nombreuses dans le cadre de la politique étrangère du Cameroun. Mais, il s'agit ici, moins de le restaurer dans ses missions que d'apprécier sa capacité à s'y appliquer.

31 Il faut noter à ce sujet que la politique étrangère n'est pas l'apanage du ministère des affaires étrangères. Plusieurs autres administrations contribuent à son élaboration et sont parfois les vecteurs de sa mise en oeuvre.

Section II : Le MINREX comme bras séculier de l'Etat en matière de PEC

La question de fond autour de laquelle s'organise cette section est celle de savoir si, dans les dispositions actuelles, le ministère des relations extérieures du Cameroun nous semble capable de donner plus de visibilité à l'action internationale de l'Etat du Cameroun. Il ne fait aucun doute en effet que l'insertion de l'Etat dans le système international dépend pour une bonne part, de l'efficacité de son appareil diplomatique. Or, bien que l'appareil diplomatique soit l'émanation d'une volonté politique concertée et impulsée du haut, son efficacité est surtout tributaire de la capacité de coordination du ministère des affaires étrangères, de la vision qui justifie son déploiement et de la finalité ayant servie de socle géniteur à son élaboration.

En tout état de cause, même un audit préliminaire32 pourrait déterminer les atouts et les faiblesses du ministère des relations extérieures du Cameroun dans la mise en oeuvre de la politique étrangère du Cameroun. Il restera alors à illustrer quelques pistes envisageables pour renforcer l'action de ce département ministériel et lui donner une plus grande envergure dans la dynamique très particulière du déploiement de la politique étrangère du Cameroun.

I - Les atouts du MINREX

Ils sont plutôt marginaux. En réalité, la prépondérance du Président de la République en matière de politique étrangère, consacrée par la constitution et confortée par la pratique internationale, se dilue sur la scène internationale par la prééminence du ministère des affaires étrangères. Une prééminence consacrée par les conventions internationales qui émerge comme le socle du positionnement central du ministère des relations extérieures du Cameroun relativement au déploiement international de l'Etat. Cependant, se limiter à cette posture, c'est affirmer que le rôle du MINREX dans la chaîne diplomatique camerounaise se limite à l'exécution des directives. Loin de là ! En effet, sa position intermédiaire entre l'Etat et ses partenaires internationaux lui confère une large possibilité de manoeuvres parmi tous les intervenants habiletés à conduire la PEC.

32 Le caractère préliminaire de cet audit tient en ce qu'il n'ait pas été effectué avec des outils scientifiques et fait l'objet d'une démarche dont la seule pertinence lui aurait donnée plus de crédit et une valeur scientifique. Il reste qu'il met en lumière un questionnement certain sur l'efficacité du ministère des relations extérieures du Cameroun et rappelle l'urgence d'un audit scientifique sur l'action internationale du Cameroun tel qu'il est mis en oeuvre par les principaux acteurs ayant cette responsabilité.

II - Les faiblesses du MINREX

Les faiblesses du ministère des relations extérieures du Cameroun dans la conduite de la politique étrangère du Cameroun sont légions. Toutefois, elles émanent d'astreintes exogènes amplifiées par des manquements internes.

1) Les astreintes exogènes

Il serait fastidieux de lister toutes les difficultés exogènes qui constituent le socle primaire des faiblesses du ministère des relations extérieures du Cameroun. Elles peuvent cependant être classées en deux catégories au sein desquelles les éléments de liste ne représentent pas l'exhaustivité des difficultés envisageables.

La première catégorie est celle des difficultés institutionnelles. C'est-à-dire celle des insuffisances qui émanent du dispositif institutionnel de l'aménagement organique et fonctionnel de la politique étrangère du Cameroun. Dans cette catégorie se trouvent la confrontation quasi permanente des intérêts divergents de la pluralité d'intervenants habiletés à conduire la politique étrangère du Cameroun, les problèmes financiers et l'absence d'une vision globale ou d'une finalité effectivement33 poursuivie.

Nul doute en effet que la prééminence du Chef de l'Etat et par voie de conséquence du Ministère des relations extérieures du Cameroun ne leur confère pas l'exclusivité de la gestion des affaires du dehors. C'est pourquoi, on ne peut véritablement se plaindre de l'action concomitante des autres acteurs34 dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique étrangère du Cameroun. Toutefois, le fait mis en cause ici est l'éclatement de l'action gouvernementale pourtant rendue nécessaire par la configuration actuelle du ministère des relations extérieures du Cameroun et le déficit de compétences35 spécifiques utiles à l'action internationale de l'Etat. En l'état, la quasi-totalité des départements minis-

33 C'est-à-dire connue de tous. Jusqu'à présent, il n'existe pas à proprement parler une philosophie qui sous-tend la politique étrangère du Cameroun. Seuls quelques publications éparses et des enseignements d'universitaires - construits comme analyse du discours politique -, donnent des pistes d'analyse au sujet des fondements et - généralement de façon partisane - de la finalité poursuivie.

34 Ce sont notamment le Gouvernement avec au centre du dispositif le ministère entièrement dédié à la gestion des affaires étrangères qui doit faire face sur le terrain à l'action concurrente des autres départements ministériels investis de compétences dans des domaines spécifiques de la PEC. C'est aussi le cas du Parlement dont le rôle plutôt marginal est rendu discret du fait principalement de la majorité présidentielle et la majorité parlementaire. C'est enfin des acteurs non gouvernementaux rarement source d'initiatives et d'impulsion en matière de PEC, mais dont l'action peut entachée l'efficacité de l'action ou tout au moins en modifier les dispositions pratiques.

35 Au regard du contenu théorique et pratique de leur formation initiale, il n'existe pas, outre les aspects juridiques et protocolaires, de compétences techniques avérées pour conduire des dossiers techniques tels l'économie, le commerce, le promotion du label national ou l'environnement entre autres. Heureusement, depuis janvier 2009, les formations actuelles de diplomates camerounais à l'Institut des Relations Internationales du Cameroun intègrent cette nécessité.

tériels ont la haute main sur les problèmes internationaux intéressant leur domaine. Or cette dilution de responsabilité consacrée sur le plan légal par le décret N° 2004/320 du 8 décembre 2004 portant organisation du gouvernement, relativise fortement le rôle du ministère des affaires étrangères dans la mise en oeuvre de la politique étrangère du Cameroun. En effet, ce droit de légation actif ou passif est conforté par de réels pouvoirs en matière de négociation internationale qui leur permet d'initier divers instruments juridiques internationaux appelés à régir les relations entre le Cameroun et ses partenaires internationaux. En outre, l'éclatement de l'action gouvernementale trouve ses ramifications logiques dans les services des ambassades où l'on compte désormais aux côtés des diplomates de carrière, de nombreux conseillers ou attachés spécialisés détachés par leurs administrations d'origine desquelles ils reçoivent directement des instructions. Cette situation rend évidement fort mal aisé la coordination de la politique étrangère du Cameroun et a un impact certain sur l'efficacité du ministère des relations extérieures du Cameroun dans la conduite opérationnelle de la politique étrangère du Cameroun.

Il y a aussi les problèmes financiers. D'une manière générale, le ministère des relations extérieures du Cameroun ne figure pas dans la zone de captation des priorités budgétaires de l'Etat. De fait, son action en porte les stigmates tant du point de vue du déploiement de ses services centraux que de la réalisation optimale des attentes placées en ses services extérieurs.

La seconde catégorie des problèmes imputables aux forces exogènes relève de l'héritage international et de la globalisation. En effet, dans la configuration actuelle du monde, les petits pays ont davantage besoin de diplomatie que les grands pays pour jouer un rôle, aussi marginal soit-il, dans les relations internationales. Or, en la matière, l'héritage colonial et le dispositif néocolonial calqué sur le modèle de la puissance coloniale n'a pas nécessairement tenu compte de la nature des Etats et de la modicité de leurs moyens. Il s'en est suivit une appropriation approximative du jeu et des enjeux de l'action internationale des Etat dans le système international. Désormais, le monde globalisé est structuré autour d'enjeux spécifiques qui font que la diplomatie doit être perçue par les Etats comme un puissant levier pour mobiliser l'effort international en faveur du développement économique, politique, social et culturel des Etats.

Il s'agit enfin de la valorisation du modèle occidentale comme gage d'une diplomatie efficace qui frustre la diplomatie nationale confinée pour l'essentielle dans une poli-

tique de rattrapage et d'adaptation spontanée dans le jeu international des Etats. C'est sans doute là le fondement des faiblesses internes imputables au ministère des relations extérieures du Cameroun.

2) Les faiblesses internes du MINREX

L'analyse du dispositif interne du ministère des relations extérieures du Cameroun fait ressortir deux types de difficultés. Les difficultés de type managérial et les difficultés de type structurel.

Les difficultés de type managérial évoquent la gouvernance au sein de ce ministère. Elles sont de plusieurs ordres. Pour ne s'en tenir qu'à la motivation du personnel, il est indéniable que la démotivation légendaire qui caractérise le personnel en service dans ce département ministériel et exacerbée dans des sous conflits internes, est consécutive d'une gestion administrative extravertie qui se préoccupe très peu du climat social et réitère l'impérieuse nécessité de regrouper le personnel du ministère des relations extérieures du Cameroun autour d'une valeur centrale et fondamentale chère à la fonction de diplomate d'une part et à l'exécution optimale des missions dévolues à ce département ministériel d'autre part. Or, en la matière, le marketing management suggère que soient pris en compte les intérêts bien compris du personnel et que les actions en faveur de la motivation du personnel soient cadrées et orientées vers la performance de l'organisation. En tant que tel, il nous semble que les clarifications longtemps attendues sur le statut du personnel de la diplomatie - et des diplomates - et le flou persistant sur le plan de carrière du diplomate camerounais constituent les piliers de la démotivation du personnel. Il faut d'ailleurs y voir les origines de la querelle de leadership qui, au sein du ministère des relations extérieures du Cameroun, place en « chien de faïence » les diplomates de carrière et les personnels d'emprunt issus des autres administrations publiques nationales. C'est sans doute aussi là qu'il faut chercher la source de la frustration perceptible chez les diplomates camerounais en service au sein de l'administration centrale à côté de leurs collègues en service dans les services extérieurs.

Dans le sillage des insuffisances managériales opposables au Ministère des relations extérieures, il y a aussi le défi de gestion efficiente des ressources disponibles36.

36 Il faut à ce sujet lire la pléthore de rapports des missions internationales notamment pour comprendre les griefs
opposables à la composition des délégations nationales et questionner les profils au sein des directions spécialisées
du ministère des relations extérieures du Cameroun pour comprendre l'urgence d'une meilleure distribution des

Tant du point de vue de l'allocation des ressources par rapport aux besoins urgents et prioritaires que du point de vue de la distribution des compétences au sein de la machine administrative de la diplomatique camerounaise. Ce qui va inéluctablement se greffer aux problèmes de type structurel que nous avons identifiés au sein de ce ministère.

Du point de vue structurel en effet, il faut intégrer le déficit infrastructurel, les problèmes relatifs aux ressources disponibles et l'inadéquation entre l'aspect physique du Ministère des relations extérieures du Cameroun et le prestige international qui sied à la fonction diplomatique. Certainement, l'inadéquation susmentionnée peut être perçue comme pendent technique pour solutionner les autres problèmes de type structurel. A ce propos, il est indéniable que l'aspect physique du ministère camerounais des affaires étrangères ne cadre pas avec son positionnement dans la sous région et du leadership qui incombe naturellement à la diplomatie camerounaise. Toute chose qui ne participe ni d'une vision ambitieuse et conquérante de cette diplomatie camerounaise, ni de l'aura dont elle jouit indéniablement dans la sous région.

Il reste alors à questionner les voies de sortie de crise si tant est que la situation cidessus décrite s'apparente à une crise systémique ou une crise de politique globale de la diplomatie camerounaise. Et, à ce propos, nous nous alignons aux propositions du professeur TOUNA37 relatives aux options envisageables pour un nouveau départ de l'économie camerounaise pour citer :

· L'urgence d'une vision stratégique et prospective de la politique étrangère du Cameroun dont l'élaboration et la mise en oeuvre consacreraient l'objectif poursuivit de sorte que soient définis une meilleure segmentation des leviers cibles, le positionnement adéquat et les partenaires indispensables.

· Le développement des infrastructures comme gage de la notoriété internationale du Cameroun et de l'efficacité de l'action des mandants de la diplomatie camerounaise.

· La bonne gouvernance au sens du Ministère ou plus exactement, le manage-

ment stratégique comme gage de compétitivité et d'efficacité sur le terrain.

Ces options de sortie de crise consacrent la prééminence du Marketing management dans la gestion optimale des organisations et pour le cas d'espèce des administra-

compétences. La question de la gestion des ressources humaines au sein de ce département ministériel pourrait alors faire l'objet d'une analyse approfondie utile aux décideurs.

37 Touna M. (2008), Op. cit.

tions publiques en générales et du MINREX en particulier. En tant que tel, il faut résumer toutes ses propositions sous le sceau de l'implémentation de la fonction marketing au sein même de la sphère d'élaboration et de mise en oeuvre de la politique étrangère du Cameroun. C'est dans cette perspective que doit être comprise le modèle d'organisation de la fonction marketing au sein du ministère des relations extérieures du Cameroun.

·

DEUXIEME PARTIE

IMPLEMENTATION

DE LA DEMARCHE

MARKETING AU

SEIN D'UNE AD-

MINISTRATION

PUBLI QUE : LE CAS

DU MINREX

CHAPITRE III

LES LEVIERS DE

L'ACTION MARKETING

AU SEIN D'UNE ADMI-

NISTRATION PUBLI QUE

· CHAPITRE IV

L'AMENAGEMENT DE

LA DEMARCHE MER-

CATIQUE DANS LE

MANAGEMENT DU MI-

NISTERE DES RELA-

TIONS EXTERIEURES DU

CAMEROUN.

A l'observation38, le Cameroun a mal à son image et peine à tenir la place de leader qui lui est due naturellement dans la sous région Afrique centrale39. Or, si l'on s'accorde que l'image est « l'ensemble des croyances, des idées et des impressions qu'un individu entretien à l'égard d'un objet »40, il va sans dire que la mauvaise perception d'un objet, et plus encore d'un Etat, déteint inéluctablement sur ses performances en tant qu'entité émergeant sur une scène internationale aussi austère que l'environnement international des entreprises dans le contexte actuel de globalisation.

Malgré la place prépondérante qu'il tient dans la mise en oeuvre de la politique extérieure du Cameroun, le Ministère des relations extérieures peine à se frayer un chemin dans la sphère - très réservée - où s'élaborent les grandes lignes de gestion des affaires du dehors. A croire que cette situation est le fait d'un prince très conservateur de la plénitude de ses prérogatives en la matière ou de l'inertie41 qui émerge depuis la seconde décennie 2000 comme la principale gangrène de l'administration publique camerounaise. De toute évidence, le problème est bien plus profond et, toute analyse y relative ne pourrait éluder l'une quelconque de ces raisons ni même la complexité avérée des affaires extérieures. Au demeurant, l'option de spécialisation du diplomate camerounais aux compétences spécifiques indispensables à la conduite optimale des affaires du dehors, participe d'une volonté de l'autorité publique de relever le niveau de compétitivité de la diplomatie camerounaise dans la sous région et au-delà. On ne saurait alors comprendre la permanence du débat contradictoire sur la pertinence de cette spécialisation tant il est vrai que l'amorce du 3è millénaire s'est faite avec la diversification des enjeux et de nouveaux défis pour les Etats sur la scène internationale. Il est dès lors important de questionner le rapport entre le marketing et la gestion quotidienne d'une administration publique avant d'explorer les pistes d'une meilleure adaptation de la démarche marketing au Ministère des relations extérieures.

38 C'est ce qui ressort notamment des rapports de Transparency International, de la Banque Mondiale à travers le rapport Doing Business, l'étude publiée par le Groupement interpatronal du Cameroun (GICAM) sur le climat des affaires au Cameroun et même les articles publiés dans l'édition spéciale de Marchés Africains (11è édition, op. cit.).

39 Si l'on s'appuie sur les déterminants de la puissance de l'Etat selon H. J Mongenthau, il nous semble évident que le Cameroun fait office de leader en Afrique centrale. Cette assertion peut être discutée mais là aussi se trouve toute sa pertinence.

40 Kotler et als, Marketing Management, 12è éd. Paris, Pearson Education Inc. Coll. Nouveaux Horizons, 2006, p827

41 Voir en cela les publications consacrées au sujet du Professeur Alain Didier OLINGA, notamment Olinga, A.D. « L'intelligence de l'inertie », in Patrimoine, Mensuel de la culture et des sciences sociales, Yaoundé, n°0064, février 2006, pp.10-11 ; Olinga A.D., (2009), Propos sur l'inertie, Yaoundé, Editions CLE, pp11-25.

Chapitre III

Les leviers de l'action marketing au

sein d'une administration publique

A l'évocation, le marketing est perçu « soit comme une énorme technologie de plus en plus dangereuse, permettant de faire acheter aux gens des choses dont ils ne veulent pas, des idées et des causes auxquelles ils n'adhèrent pas forcément, voire qui sont néfastes pour eux, soit comme un concept permettant de servir et de satisfaire les besoins des hommes »42. Il y a là deux idées maîtresses qui dominent la pensée générale sur le marketing bien que, la tendance récente s'exprime en faveur du marketing comme « concept permettant de servir et de satisfaire les besoins des hommes »43. Toutefois, à la faveur de cet article44, Kotler et Levy affirment que le marketing peut s'appliquer à toutes les catégories d'organisation dès lors que l'on admet qu'elle possède des produits et des clients. Ainsi, le marketing devrait être utile aussi bien pour le secteur privé que pour tous les démembrements de l'administration publique. Toutefois, l'implémentation des outils et/ou de la démarche marketing au sein d'une administration publique ne se fait pas sans difficultés. D'où l'intérêt d'élucider la contribution du Marketing dans la gestion quotidienne d'une administration publique et de dégager éventuellement les limites d'une telle projection.

En réalité, marketing et administration publique émergent dans l'acception générale comme deux notions mutuellement exclusives. Alors que « l'administration publique est supposée normative et orientée vers le long terme, le marketing est considéré comme opportuniste et orienté vers le court terme »45. Dit autrement, l'administration publique est bien plus sensible à l'intérêt général - de la société - qu'à celui des individus et, dans sa posture de représentation permanente de l'Etat, elle adopte une vision de long terme et de responsabilité. A contrario, le marketing est davantage préoccupé par la satisfaction des intérêts privés qu'à ceux de la société pris dans la globalité. Il vise le profit et se déploie dans une perspective de satisfactions des objectifs à court et moyen terme. Cette recherche du profit contraint le marketing à suivre les règles du marché, alors que l'administration publique doit dépasser ces règles lorsque l'intérêt général le commande. C'est sans doute tenant compte de cette vision orientée marché que Butler et Collins affirment que « pour la plupart des disciplines qui ne sont pas directement liées au marketing, ce domaine est considéré comme :

42 Kotler P., Levy S. J. (1969) «Broadening the scope of marketing», in Journal of marketing, 33(1), pp. 10-15.

43 Idem.

44 Idem.

45 Laufer R., Burlaud A. (1980) Management public. Gestion et légitimité, Dalloz Gestion, Paris.

a) dangereux, dans la mesure où ses racines commerciales sont antithétiques avec la mission du service public d'assurer protection, universalité et bien collectif ;

b) ayant une place davantage prépondérante comme fournisseur d'outils pour les managers du secteur public ;

c) obligé de s'adapter en permanence aux spécificités du secteur public »46.

On peut alors comprendre la réticente des agents publics - et au-delà des étudiants en marketing - d'envisager l'opérationnalité de la fonction marketing au sein d'une administration publique.

Ce chapitre postule autrement et a l'ambition de montrer, au-delà des divergences structurantes qui découlent de l'analyse de leurs concepts fondamentaux, que marketing et administration publique ne sont pas aussi mutuellement exclusifs qu'ils n'apparaissent. C'est donc une posture essentiellement théorique qui ne se limite pas à un pays quelconque ni à une administration donnée47 selon qu'il ressort des exemples tirés de la société occidentale ou de la littérature américaine, anglaise et française.

La réflexion sur la compatibilité entre marketing et administration publique n'est pas récente. Plusieurs auteurs s'y sont intéressés sans pour autant questionner l'apport et les limites éventuelles du marketing appliqué à l'administration public. Chaque fois, il était surtout question de la nécessité d'appliquer ou non les concepts clés du marketing au secteur public. Dans le sillage de cette querelle, Connolly a prédit dès 1991, qu' « il n'est pas si certain que dans un futur proche, une approche totalement marketing soit pertinente dans les services publics »48. Mais dès 1995, Butler et Collins montrent que « les organisations de service public se tournent de plus en plus vers les professionnels du marketing pour s'assurer une pleine efficacité de leur action managériale »49 avant de conclure que « ce changement de langage n'est pas un simple effet de mode. Mais une suite logique consécutive à un véritable changement dans la relation entre l'Etat et le citoyen »50. Il faut relever, pour corroborer cette assertion que le management public est une

46 Butler P., Collins N. (1995), «Marketing public sector services: concepts and characteristics», in Journal of marketing management, 11(1-3), pp: 83-96.

47 Le cas du Ministère des affaires étrangères dans la mesure où notre rapport s'y rapporte principalement.

48 Connolly M. (1991), Editorial: marketing, Public money and management, 11(2), pp5-6. C'est du reste un scepticisme partagé par Walsh et de nombreux autres auteurs. Voir, Walsh K. (1991), «Citizens and consumers: marketing and public sector management, Public money and management», in European journal of marketing 11(2), pp9-15; (1994), «Marketing and public sector management», European journal of marketing, 28(3), pp63-71.

49 Butler P., Collins N. (1995), op cit.

50 Idem.

fonction de l'organisation étatique désormais très influencée par l'économie. C'est une perspective nouvelle que les exégètes de la politique économique et du management public désignent sous le vocable de « nouvelle dynamique de management public » pour le différencier du management public ordinaire que les tenants de la vielle administration continuent d'appréhender comme la gestion quotidienne des routines et des problèmes ordinaires liés à la réalisation du bien public. De cette façon, cette reconfiguration de la gestion des affaires publiques va d'une part expliquer le rapprochement progressif entre le domaine marketing et la sphère très restreinte de l'administration publique. Rapprochement qui peut aussi bien s'expliquer par les changements51 qui ont cours dans la construction marketing.

Au demeurant, si l'on s'accorde avec Lamb52 - et même Butler et Collins53 - pour dire que le marketing du secteur public ne peut se concevoir de façon rigide suivant les mêmes canons opérant dans le secteur privé, il n'en demeure pas moins vrai que la différence n'est pour autant pas aussi marquée que le suggère certaines analyses54. Finalement, la différence repose essentiellement dans l'importance accordée aux différentes dimensions du marketing pour le cas précis de l'administration publique. En l'occurrence, lorsque pour le secteur privé la tarification joue un rôle fondamental, il est très difficile, voire impossible de l'appliquer dans le secteur public. Il va dès lors s'agir d'affirmer la contribution - l'apport et les limites éventuellement - du marketing dans l'administration publique. Or, l'atteinte de cet objectif suggère de structurer le chapitre en deux grandes sections :

· Une première section consacrée d'une part à l'aperçu générale et la définition de l'administration publique et d'autre part à la définition - et l'explication - du marketing à travers la chronologie de son développement.

· Une seconde section consacrée dans un premier temps à l'implémentation de l'action marketing au sein d'une administration publique et, dans un second temps, à la contribution du marketing pour une telle administration.

51 Dans sa construction récente en effet, le marketing émerge comme une donnée qui ne se conçoit plus selon l'approche produit mais va au-delà pour tenir compte des aspirations profondes des publics cibles (Approche client).

52 Lamb C. W. (1987), «Public sector marketing is different», in Business Horizons, 30(4), pp56-60.

53 Ils affirment en substance que « ce serait faire preuve d'ignorance et d'arrogance par les marketeurs que de prétendre qu'une « boîte à outils marketing » serait le remède miracle à tous les maux du secteur public ». Voir Butler P., Collins N. (1995), op. cit. p.5

54 Voir pour cela les conclusions sur le concept de « Nouveau marketing » initié par Walsh. Walsh K. (1994), op. cit.

Section I : L'administration publique comme champ d'exécution de la démarche marketing

Dès le début de la décennie 90, certains auteurs affirment que « l'application de l'approche marketing au sein d'une administration publique se solde très souvent par un échec »55. Echec qu'ils attribuent de prime abord au déficit de compréhension par le marketing des spécificités de l'administration publique comme nouveau champ d'application. De cette façon, une meilleure compréhension de ce domaine s'avère indispensable dès lors que l'on envisage de traiter des modalités d'implémentation de la démarche marketing au sein d'une administration publique.

I - Spécificités d'une administration publique

La spécificité d'une administration publique comme champ d'application de la démarche stratégique marketing se décline à travers les produits, les acteurs et les processus qui structurent son marché. Cette spécificité découle également des mutations qui s'opèrent en son sein.

C'est à Stewart et Ranson56 que l'on doit le premier modèle (Tableau 1) dressant un aperçu théorique des différences importantes qui existent entre une entreprise - émanation du secteur privé - et une administration publique -émanation du secteur public-.

Tableau 1: Modèle du secteur privé et du secteur public

Modèle du secteur privé

Modèle du secteur public

Choix individuel sur le marché

Choix collectif politique

Action privée à huis clos

Action publique ouverte à tous

Demande et prix

Besoin en ressource

Equité du marché

Equité des besoins

Règne du client

Citoyenneté

Arrêt de la relation comme stimulus

Réclamation comme condition

Recherche de la satisfaction du marché

Recherche de la justice

Concurrence comme instrument du marché

Action collective comme instrument de la politique

 

Ce tableau établit clairement que les secteurs publics et privés sont dirigés par des raisonnements et des valeurs totalement différents. Ainsi, là où le secteur privé dépend des choix individuels des consommateurs, le secteur public dépend des décisions

55 Scrivens E. (1991) «Is there a role for marketing in the public sector?», in Public money and management, 11(2), pp17-23.

56 Stewart J., Ranson S. (1988), «Management in the public domain», in Public money and management, 8(1/2), p15.

collectives. Et, si le prix et la demande constituent le socle de la décision dans le secteur privé, le secteur public se concentre sur les besoins en ressources indépendamment jusqu'à une certaine mesure, des variables prix et demande. D'autres caractéristiques du modèle de secteur public sont l'équité des besoins, la recherche de la justice, la citoyenneté et l'action collective comme instrument politique. Au final, au regard des logiques du secteur privé, un consommateur peut simplement arrêter sa relation avec la compagnie tandis que, dans le secteur public, il ne peut pas sortir de cette relation mais seulement s'en plaindre pour une éventuelle amélioration.

A la lumière des travaux de Butler et Collins57, travaux qui sous-tendent l'essentiel de notre propos, le marché de l'administration publique se construit suivant des logiques produits/acteurs/processus qui n'obéissent pas nécessairement aux logiques structurantes du marché privé. Au sujet des produits d'une administration publique, ils présentent trois caractéristiques principales :

Premièrement, ils partagent les caractéristiques du terme économique biens publics et n'en sont pour autant pas l'équivalent au sens strict du terme. Les biens publics sont consommés de façon conjointe. Autrement dit, les consommateurs ne sont pas rivaux58 dans le processus de consommation et ont tous accès au produit. En plus, il est difficile, voire impossible de soustraire à la consommation les personnes ne payant pas pour ces biens publics59 car ils rencontrent le dilemme classique du free rider60. En l'occurrence, que l'on contribue ou non à leur coût en payant des impôts, l'éclairage public est destiné à toute la population et éclaire tout le monde. Ainsi, il y a comme une obligation collective à fournir les ressources indispensables aux biens publics. Toutefois, le terme bien public ne peut être utilisé comme synonyme de produit dans le tous les cas de figure pour une administration publique. C'est le cas du système d'allocation des places dans les grandes écoles du Cameroun où l'on retrouve rarement la dimension d'absence de rivalité qui caractérise les produits d'une administration publique. Les places sont allouées en fonction des performances académiques et suivant le principe de régionalisation. Ainsi, bien que l'allocation des places dans les grandes écoles camerounaises soit un produit de l'administration publique, elle ne peut pas être considéré comme un

57 Butler P., Collins N. (1995), op. cit.

58 Samuelson P. (1954), «The pure theory of public expenditure», in Review of economics and statistics, 36(4), pp:387-389.

59 Varian H. R. (1992), Microeconomic analysis, 3rd ed., W.W. Norton & Company, New York

60 Idem.

bien public dans la mesure où il n'y a pas de place pour tout le monde, les étudiants sont rivaux et peuvent être exclus du choix pour l'un quelconque des principes sus évoqués.

Ensuite, l'administration publique est structurée autour des services (versus de biens). Les services ont les caractéristiques suivantes : intangibilité, inséparabilité, hétérogénéité et périssabilité61. En plus, les problématiques typiques rencontrées dans les services sont les mêmes dans l'administration publique. L'intangibilité implique des problèmes d'échantillonnage et d'évaluation. L'inséparabilité limite le nombre d'opérations possibles. L'hétérogénéité rend plus difficile le contrôle de la qualité, et la périssabilité implique des questions de stockage dès que la demande fluctue.

Enfin, les produits d'une administration publique peuvent être divisés en deux catégories : les équipements d'une part, et l'ensemble constitué des contraintes et des devoirs d'autre part. Les équipements correspondent à des biens tels que les ponts, les musées, et bien souvent à des services telles que la santé, l'éducation, la police entre autres. En ce qui concerne les contraintes, elles interdisent certains comportements (par exemple l'interdiction de fumer dans les lieux publics) et agissent comme des lois et des règlements. De tels lois et règlements sont bénéfiques pour l'intérêt général, mais entravent l'intérêt particulier. La contrainte individuelle est envisagée comme le prix à payer au profit du bénéfice public. Quant aux devoirs, ils rendent obligatoires certains comportements et sont généralement accompagnés de sanctions. Là encore, dans l'optique de l'intérêt général, on demande aux citoyens de faire des efforts, par exemple payer les impôts.

Au demeurant, on peut distinguer cinq processus majeurs dans le secteur public : le développement de nouveaux produits, les cycles paiement/facturation, les systèmes de livraison, les opérations internes de marché et l'évaluation de résultats. De toute évidence, le marché de l'administration publique est une construction permanente qui s'adapte aux mutations de la société nationale et internationale. Le concept Marketing s'est également adapté aux exigences de compétitivité du marché, suscitant pour les organisations une diversité d'outils nouveaux.

61 Voir notamment, Parasuraman P. A., Zeithaml V. A., Berry L. L. (1988), «Servable: A multiple item scale for measuring consumer perceptions of service quality», in Journal of Retailing, 64(1), pp12-40; Zeithaml V. A., Parasuraman P. A., Berry L.L. (1985) «Problems and strategies in services marketing», in Journal of marketing, 49(2), pp 33-46.

II - Vers une définition du marketing

A priori, il n'est pas aisé62 de définir le marketing. C'est-à-dire d'en donner une définition complète ou suffisante pour faire ressortir tous ses métiers, ses domaines et ses processus clés. C'est pourquoi, nous envisageons dans ce travail de définir le marketing à travers l'évocation de son évolution.

Le marketing a évolué de façon à permettre qu'une application au management public soit possible et plus adéquate que par le passé. En l'occurrence, dès 1985, l'Association Américaine de Marketing (AMA)63, définit le marketing comme « le processus de planification et d'exécution de la conception, la tarification, la promotion et la distribution des biens, idées et services destinés à l'échange afin de satisfaire des objectifs individuels et organisationnels ». Plus tard, en 2004, la perception de l'AMA évolue et la pousse à considérer le marketing comme « une fonction de l'organisation, un ensemble de processus de création de valeur, de communication et de délivrance de cette valeur aux clients ainsi que de gestion de la relation clientèle de sorte que l'organisation et ses parties prenantes puissent en bénéficier ». Dans cette proposition, la distribution des biens, des idées et des services par la création de valeurs pour les clients et par la relation client. C'est là un changement essentiel dans l'histoire du marketing, et comme nous l'expliquerons plus tard, c'est aussi là la principale raison pour laquelle le marketing est mieux adapté à l'administration publique. Toutefois, l'évolution du marketing s'est traduite dans la pratique par trois grandes orientations qui en constituent le socle et l'essence de ses processus. Il s'agit d'abord de l'orientation produit, ensuite de l'orientation transaction et enfin de l'orientation relation/client.

A - Le marketing : une orientation produit

C'est une posture très répandue au début du XXè siècle. Et, même si son application demeure possible dans les situations de monopole - situation quasi impossible dans le contexte actuel de la libéralisation des échanges -, elle ne peut être implémentée autre part. Avant la décennie 50, correspondant au début de la période transaction, le marketing

62 En témoigne la pléthore de définitions proposées par les professionnels du métier, les corporations de référence et les manuels de référence. S'il est vrai que toutes ces définitions véhiculent la même idée, il n'en demeure pas moins qu'elles sont plus complémentaires les unes aux autres, se structurant autour de la connaissance des besoins du consommateur et de la satisfaction desdits besoins dans une perspective rentable pour l'organisation.

63 C'est une corporation de référence qui contribue au rapprochement entre chercheurs et professionnels de marketing à travers le monde.

n'était considéré qu'à travers la perspective économique. Toutes les organisations se concentraient sur une production efficace afin de répondre à une forte demande des clients, se préoccupant très peu à la vente des produits dans la mesure où la demande excédait en général l'offre. Cette orientation visait in fine à profiter du client et à minimiser au maximum les coûts de production. Concernant le travail plus scientifique de cette période d'orientation produit, la recherche64 en marketing s'intéressait à la distribution et à l'échange de marchandises et de biens manufacturés en s'appuyant largement sur des travaux d'économie65.

B - Le marketing : une orientation transaction

Le marketing comme fonction de l'organisation essentiellement orientée transaction correspond à la période allant des décennies 50-60 au début des années 1990. C'est une posture qui continue d'ailleurs à avoir cours dans nombreuses entreprises. Il s'agit pour l'organisation de décrocher le contrat pour survivre dans un environnement concurrentiel. Du faite d'une demande désormais décroissante l'action marketing tend vers la publicité et les promotions. Au cours des années 1950, le marketing était presque entièrement consacré aux produits. L'école fonctionnaliste a commencé à muter en école de gestion du marketing, caractérisée par les décisions relatives à la gestion des fonctions marketing et au recentrage sur le client66. Dans les années 60, on ajoute trois dimensions supplémentaires et le concept de mix-marketing apparaît. McCarthy67 et Kotler68 ont dépeint le marketing comme une activité consistant à prendre les décisions visant à satisfaire le client de façon rentable en ciblant un marché et en prenant les décisions optimales relatives au mix-marketing. Ce qu'illustre fort à propos l'explication que donnent Kotler et Levy des processus clés du marketing. Pour eux en effet, « le marketing est une activité de

64 En particulier, les premiers chercheurs se sont intéressés à l'échange de marchandise (Copeland 1920), puis aux institutions du marketing ayant facilité l'accessibilité et l'achat des biens (Nystrom 1915; Weld 1916), et enfin aux fonctions nécessaires pour faciliter l'échange des biens au sein des institutions de marketing (Cherington 1920; Weld 1917). Weld va conclure au sujet des fonctions du marketing qu'il s'agit de l'assemblage, du stockage, du calcul des risques, du financement, du réarrangement, de la vente, et du transport tout en admettant que la vente est la plus importante de ces fonctions et la plus coûteuse. La publicité existait déjà mais elle n'était utilisée que soit parce que c'était la seule façon de créer une large demande, soit parce que c'était la façon la moins chère de susciter une telle demande (Weld 1917).

65 Shaw A. W. (1912) «Some problems in market distribution», in Quarterly journal of economics, 26(4), pp703-765. Smith A. (1776) (1904), An inquiry into the nature and causes of the wealth of nations, Reprint, W. Strahan and T. Cadell, London.

66 Drucker P.F. (1954), The practice of management, Harper and Row, New York; Levitt T. (1960), «Marketing myopia», in Harvard business review, 38 (4), 26-44, pp173-81.

67 McCarthy J. E. (1960), Basic marketing. A managerial approach, Richard D. Irwin, Homewood.

68 Kotler P. (1972) Marketing management, 2nd ed., Prentice Hall, Englewood Cliffs.

plus en plus présente et qui va bien au-delà de la vente de dentifrice, de savon et d'acier. [...] On cherche à savoir si les principes du marketing traditionnel sont transférables au marketing des organisations, des personnes, et des idées »69. Là aussi, le lien entre le marketing et les services, les organisations, les personnes et plus encore l'administration publique n'était pas très évident. On lit dans le principal manuel de marketing de la période que « le marketing cherche à déterminer le cadre de décision des variables qui maximiseront les objectifs de l'entreprise à la lumière du comportement attendu des variables de la demande, qui elle ne peut pas être maîtrisée »70. Cependant, dès 1980, plusieurs cadres d'analyses71 et d'opérationnalisation de la démarche marketing émergent et ne s'appuient ni sur les 4P72 ni sur l'héritage microéconomique. Le marketing passe d'une orientation produit vers une orientation marché, précurseur du recentrage vers le client.

C - Le marketing moderne ou la prépondérance du client

La perspective moderne du marketing est introduite par Morgan et Hunt qui, tenant compte de l'extension des menaces environnementales (concurrence, politique gouvernementale, règlementation) et des considérations spécifiques dues à la prise en compte de la valeur des parties prenantes (employés, clients, actionnaires, Société), prônent le recentrage des activités vers le client. Cette orientation client se focalise sur les relations à long terme avec le client et sur la nécessité voire l'urgence de créer avec le client la solution qui lui semble la plus appropriée. Ainsi perçu, le marketing actuel présente deux objectifs principaux :

· D'abord, le marketing s'illustre comme une donnée entièrement tournée vers le client et son environnement.

· Ensuite, le marketing est supposé créer de la valeur pour les clients et les autres parties prenantes.

Dans le sillage de l'orientation client de l'action marketing va naître le CRM (la gestion de la relation client) comme domaine d'expression de la fonction marketing au

69 Kotler P., Levy S. J. (1969), «Broadening the scope of marketing», in Journal of marketing, 33(1), p10.

70 Kotler P. (1972), op. cit. p42.

71 Ce qui se présentait comme des écoles de pensée différente se manifeste dans le marketing relationnel (Morgan et Hunt 1994), la gestion de la qualité (Parasuraman et al. 1988), l'orientation marché (Jaworski et Kohli 1988), la logistique et la gestion de la chaîne de valeur (Srivastava et al. 1999), et les réseaux (Anderson et al. 1994). La chose la plus remarquable est peut-être l'émergence du marketing des services comme une sous discipline. Elle répond au défi lancé par les chercheurs (Shostack, 1977) de s'affranchir du marketing produit et de reconnaître que la logique dominante n'est pas adaptée pour traiter des sujets du marketing des services (Berry et Parasuraman, 1993).

72 Les 4P (Produit, Prix, Promotion, Place) représentent les principales variables du Mix-marketing.

sein des organisations. La gestion de la relation client étant une « approche stratégique consistant à créer une plus grande valeur pour l'actionnaire au moyen de relations adéquates avec les clients et les segments de clients clés »73. Il est donc, désormais question, par les mécanismes subtils du marketing relationnel, de traiter différemment des clients différents de façon à accroître la richesse actionnariale.

En résumé, le marketing est passé d'une vision dominée par les biens, où les éléments tangibles et les transactions discrètes sont centraux, à une vision dominée par le service, où l'intangibilité, l'évolution de l'échange, et les relations avec les clients sont centrales. Toutefois, la vision marketing dominée par le service ne doit pas être traitée comme équivalent aux conceptualisations traditionnelles qui restreignent souvent les services à des résidus - qui ne sont pas des biens tangibles - à ce qui est offert pour améliorer un bien - des services à valeur ajoutée (SAV) - ou à ce qui est maintenant appelé des industries de service comme la sécurité sociale, le gouvernement, et l'éducation. Et cela bien que, malgré l'évolution du marketing théorique et scientifique vers l'optique client et service, la pratique courante de l'action marketing au sein des organisations ne s'est pas totalement défaite des pratiques anciennes propres à la perception initiale du marketing. Ce qui a fait dire à Hermel et Romagni que « pendant longtemps, et aujourd'hui encore, pour de nombreuses entreprises, c'est l'optique commerciale ancienne (encore appelée optique production) qui prédomine. Dans cette optique, l'entreprise donne la primauté au produit sur le client »74. Mais, de toute évidence, les mutations récentes de l'analyse théorique et économique du marketing ont inéluctablement agrandi son champ d'application, de manière à faire de ce concept une notion désormais applicable aux organisations spécifiques telles que les administrations publiques.

Il faut noter toutefois, que l'implémentation des concepts clés du marketing n'est pas un acquis dans le cas des administrations publiques. Si elle est reconnue possible, il reste à préciser ses apports et éventuellement ses limites dans la perspective d'une mise en oeuvre dans le cas spécifique d'une administration publique.

73 Payne A., Frow P. (2005), «A strategic framework for customer relationship management», in Journal of marketing, 69(4), p168.

74 Hermel L., Romagni P. (1990) Le marketing public, Une introduction au marketing des administrations et des organisations publiques, Economica, Paris. p3.

Section II : Apports et limites du marketing pour une administration publique

En prélude à l'analyse économique de l'apport et des limites éventuelles de l'implémentation de l'action marketing au sein d'une administration publique, nous envisagerons de mettre en exergue la convergence entre les approches du marketing et les finalités de l'administration publique.

I - Convergence entre approches mercatiques et finalités d'une administration publique

L'idée qui émerge de besoin de mettre en exergue la convergence entre les approches du marketing et les finalités d'une administration publique découle de l'analyse selon laquelle le marketing et l'administration publique ont connu des modifications majeures et tendent à évoluer l'un vers l'autre. De ce qui précède en effet, l'administration publique tend vers un système moderne de management tandis que le marketing s'oriente vers la construction des relations de long terme avec les clients, principaux publics cibles de l'organisation. Il subsiste toutefois des différences idéologiques qui ne peuvent être ignorées si l'on envisage les apports et/ou les limites du marketing pour une administration publique.

A - Rapprochement marketing et de l'administration publique

En réalité, le rapprochement idéologique entre marketing et administration publique n'est pas récent. En 1969, Kotler et Levy indiquaient déjà que le nombre d'organisations ayant recours au marketing est plus élevé que ce que l'on pourrait penser. Bien plus, ajoutaient-ils, ces organisations ont en commun « la place prépondérante que tient pour elles l'image de leurs produits aux yeux des consommateurs et aspirent à des outils capables d'influencer la réponse des consommateurs face à leurs produits »75. Ils illustrent leur propos en prenant l'exemple des universités qui vendent leur organigramme en guise de produit. L'illustration aux consommateurs étant faite par les références aux malades qui reçoivent des soins dans un hôpital. Les outils de marketing que sont l'amélioration de produit, la tarification, la distribution et la communication sont illustrés par les églises qui ont « ajouté une pincée d'activités non religieuses à leurs activités reli-

75 Kotler P., Levy S. J. (1969), op. cit. p12.

gieuses de base pour répondre au besoin de fraternité de certains membres »76. Ces concepts montrent bien que le marketing peut être et est probablement applicable à toutes les organisations et en particulier à l'administration publique. Pourtant, l'administration ne semble pas suffisamment consciente, s'il l'a jamais été, de ce que le marketing y est déjà appliqué ni même de l'applicabilité du marketing en son sein. C'est sans doute pourquoi elle n'a pas élaboré un nouveau marketing qui lui serait propre.

En 1980, Laufer et Burlaud font remarquer que le secteur privé diffère surtout du secteur public en ce qu'il ne tente jamais de modifier radicalement les comportements ou les désirs des consommateurs de façon à réduire au minimum l'impact financier tout en atteignant les objectifs fixés. C'est le cas du développement d'un nouveau produit dont la demande potentielle est facilement prévisible. En revanche, dans le secteur public, l'idée d'un produit n'est pas influencée par le profit. Le produit est souvent érigé comme norme - le port de la ceinture de sécurité -. Dans ce sens, l'administration se trouve très souvent obligée d'emprunter la voie la plus coûteuse pour sensibiliser (ou éduquer) les citoyens au changement radical de comportement et d'habitudes. Le profit de l'entreprise serait le plus à même d'être maximisé selon ce qu'on vient de voir. Or, Laufer et Burlaud expliquent plus loin qu'il faut relativiser. Les contraintes budgétaires obligent aussi le secteur public à prendre en compte les notions de coûts et de bénéfice. Elles constituent des limites pour ne pas envisager de changements d'habitude extrêmement coûteux. Par exemple, la mise en place d'une taxe nutritionnelle sur les aliments les plus riches en calories serait sans doute très bénéfique pour la société. Seulement, elle serait aussi extrêmement coûteuse à mettre en place et ne peut donc pas être envisagée, en tout cas de la façon la plus optimale. Egalement, il faut noter que le marketing n'emprunte pas toujours la voie la moins coûteuse. C'est le cas de l'entreprise IBM qui a, dans un projet très coûteux, cherché à enseigner à ses clients les avantages de l'informatique. De même, l'actualité récente des affaires donne l'exemple l'IPod d'Apple, qui a nécessité un programme intense de campagnes de publicité pour créer la demande. Le marketing et l'administration n'ont donc jamais été totalement opposés. Toutefois, leur rapprochement est, du point de vue de l'administration, lié à la nouvelle donne managériale vers laquelle tendent toutes les administrations publiques : le managérialisme.

76 Idem.

L'introduction du managérialisme au sein de l'administration est le résultat d'une dynamique engagée depuis une dizaine d'années77. Djelic constate que « la managérialisation de la sphère publique est aujourd'hui dans l'air du temps. La réforme de l'Etat semble passer par l'importation et l'appropriation des pratiques et de l'esprit du management - avec promesse à la clef d'une plus grande rationalité et d'une meilleure efficience»78. Autrement dit, « il y a de plus en plus de fonctionnaires qui doivent agir comme des managers, avec des contraintes explicites de performance et autres pratiques du secteur privé »79. Ainsi, l'administration publique est sujette à de nombreuses mutations bien que les produits n'aient pas changé radicalement, il y a eu des mutations profondes qui permettent de déceler, au sens de Hood, quatre grandes tendances dans l'administration publique. Elle :

· cherche à ralentir la croissance des dépenses publiques et du nombre de fonctionnaires.

· évolue vers la privatisation et la quasi-privatisation.

· développe l'automatisation, prioritairement dans le domaine des technologies de l'information, la production et la distribution des services publics.

· se tourne de plus en plus vers l'international pour en tirer des enseignements sur les questions de gestion publique, de conception de politique, de style de décision et de coopération intergouvernementale.

Depuis longtemps déjà, certains éléments de l'approche marketing étaient présents au sein du service public. Cependant, ces éléments marketing étaient marginaux et résidaient dans l'utilisation de techniques spécifiques plutôt que dans une véritable orientation vers le client ou le marché. Mais, depuis près d'une décennie, « les organisations de service public se tournent de plus en plus vers les professionnels du marketing, du fait que le managérialisme prenne le dessus sur l'administration»80. C'est à cet effet que l'administration publique a été rebaptisée management public. D'après Lamb81, plusieurs facteurs expliquent l'intérêt croissant pour le marketing. Le premier est le déclin rapide de la disponibilité des ressources financières par les voies traditionnelles des impôts et taxes.

77 Hood C. (1991), «A public management for all seasons?», in Public administration, 69(1), pp3-19.

78 Djelic M.L. (2004), « L'arrivée du management en France : un retour historique sur les liens entre managérialisme et Etat », in Politiques et management public, 22(2), p1

79 Hood C. (1991), op. cit.

80 Butler P., Collins N. (1995), op cit. p83.

81 Lamb C. W. (1987), op. cit.

Car, et de façon générale, « les contribuables, les législateurs, les employés, les clients, les consuméristes, ainsi que tous les groupes affectés par des actions de l'Etat, commencent à montrer une insatisfaction croissante envers la performance des organisations gouvernementales en retenant leur argent, leur vote, leur participation, et en formulant plutôt des critiques orales »82. En outre, l'administration publique fait face à une concurrence exacerbée, aussi bien de la part des autres services publics que de la part des organisations privées. Enfin, le développement démographique entraîne une baisse du nombre de contribuables, ce qui augmente la dépendance de l'administration publique envers les clients et les charges. De toute évidence, l'une des raisons qui expliqueraient l'intérêt croissant du marketing découle de ce que « les bénéficiaires des services sont non seulement attirés par la consommation de biens matériels, mais aussi par la réalisation de valeurs symboliques, sociales et normatives. Les organisations publiques doivent répondre à ces besoins, non seulement parce que les instances politiques leur demandent de le faire, mais aussi parce qu'elles ont besoin de recevoir un large éventail de choses de la part des bénéficiaires des services, en plus de l'argent, telles que l'information, la coopération et la coproduction, qui sont cruciales pour l'efficacité de l'organisation »83.

Il existe deux courants principaux : le nouveau management public, (NPM84) et la gouvernance démocratique85. Alors que le NPM86 considère le consommateur de biens publics comme un client et recommande une plus grande réactivité face à ses besoins et ses attentes, suivant en cela une logique managériale et économique87, le courant de la gouvernance démocratique met l'accent sur la citoyenneté du consommateur en le transformant en un coproducteur de la politique et des services publics et en un partenaire de l'organisation88. Autrement dit, « l'administration publique moderne entraîne une tension inhérente entre une meilleure réponse aux besoins des citoyens comme des clients et une

82 Lamb C. W. (1987), op. cit. p57.

83 Alford J. (2002), «Defining the client in the public sector: a social-exchange perspective», in Public administration review, 62(3), pp338.

84 New Public Management, NPM ; Dunleavy and Hood 1994; Hood, 1991.

85 Vigoda E. (2002), «From responsiveness to collaboration: governance, citizens, and the next generation of public administration», in Public administration review, 62(5), 527-540.

86 Il est important de noter que l'introduction du concept de NPM ne s'est pas fait dans une logique d'unanimité totale. En effet, le NPM a engendré différentes réactions au sein des professionnels de l'administration publique : Hood (1991, p.4) souligne que « à un extrême, on trouve ceux qui pensent que le NPM est le seul moyen de corriger les erreurs irréversibles et même les banqueroutes morales causées par « l'ancien » management public [...]. A l'autre extrême, se trouvent ceux qui considèrent le NPM comme une destruction gratuite et inculte de plus d'un siècle de travail dans le développement de l'éthique et de la culture de service public distinct.

87 Voir pour cela Clarke J. (2006), «Consumers, clients or citizens? Politics, policy and practice in the reform of social care», in European societies, 8(3), pp423-442.

88 Alford J. (2002), op. cit.

collaboration efficace avec eux en tant que partenaires »89. C'est pourquoi Walsh énonce que « le marketing du secteur public issu de l'accroissement du managérialisme est caractérisé par la croissance du consumérisme, l'adoption du marketing stratégique et l'utilisation de la promotion »90.

Le marketing à but non lucratif traite aussi bien de l'objectif non lucratif que des moyens marketings utilisés pour atteindre cet objectif. La théorie marketing traditionnelle est décrite en termes d'augmentation de la performance et du résultat. Ce qui permet une approche concrète et mesurable des actions devant être réalisées par les sociétés commerciales. Seulement, cela peut également poser des problèmes aux organisations qui ne mesurent pas leur performance selon ce type d'indicateurs. La mesure la plus fréquemment suggérée par le marketing à but non lucratif pour remplacer le profit dans un contexte non lucratif est l'adéquation au regard de quoi les organisations à but non lucratif cherchent à créer la meilleure adéquation possible entre l'utilisation de ses ressources et les besoins de ses consommateurs ou de ses clients. Dans ce sens, le marketing est un moyen d'optimiser cette adéquation, de faire mieux correspondre les ressources disponibles avec les besoins et les volontés des utilisateurs, exactement comme dans n'importe quelle opération commerciale. Quoi qu'il en soit, l'apparition du management moderne -le managérialisme-, dans l'administration publique a fait du marketing « une fonction managériale plus affirmée et moins périphérique »91 au sein de l'administration publique.

B - La nouvelle dynamique du marketing moderne

Si l'on s'en tient à Butler et Collins, « le fait que le marketing raisonne maintenant en terme de relation et non plus seulement au niveau de la transaction correspond tout à fait à la longue tradition de service public de l'administration. »92 Comme nous l'affirmions plus haut, la recherche marketing de la période d'avant la décennie 1950 puisait la plupart de ses idées en économie, ce qui ne rendait pas le marketing très pratique, non seulement pour le secteur public mais aussi pour le secteur privé. Au début de l'ère marketing, - domination du marché -, le point de mire était fixé sur les biens. Or, les produits de l'Administration étant surtout des services, on peut comprendre aisément que les

89 Vigoda E. (2002), op. cit. p527

90 Walsh K. (1994), op. cit. p63.

91 Butler P., Collins N. (1995), «Marketing public sector services: concepts and characteristics», in Journal of marketing management, 11(1-3), p88.

92 Idem p84.

orientations marketing de cette période ne fussent pas présentes dans le secteur public. Mais, le contexte est différent, le marketing a beaucoup évolué et le marketing des services s'est développé comme une partie du marketing.

Avec le marketing de la relation/client, des dimensions comme la confiance et l'engagement jouent un rôle primordial93. Ces deux notions sont aussi conformes à l'Administration que le terme exploiter l'était pour le marketing quelques décennies auparavant. Ainsi, la différence principale entre le marketing d'alors et le marketing d'aujourd'hui concerne le fait que le profit constitue maintenant un indicateur de réussite et non plus une fin en soi, ce qui convient bien au secteur public. Auquel cas, la mission à but non lucratif de l'Administration publique n'est plus un critère rédhibitoire pour le marketing. A ce propos, Butler et Collins relèvent que « pendant que de nombreuses personnes déplorent l'amplification du marketing, considéré comme allant à l'encontre de l'intérêt général sur le long terme et même considéré comme non éthique, d'autres cherchent à mieux le comprendre, à l'appliquer, voire à plaider en sa faveur »94. En tant que tel, le marketing est passé d'une vision des échanges entre acheteur et vendeur comme des événements discrets, à une optique qui considère ces échanges comme des relations continues sur le long terme95 avec les principales parties prenantes de l'organisation considérée. Cependant, on peut penser, et cela se justifierait, que l'absence de concurrence pour l'administration explique sans doute le fait que le marketing n'ait été que très récemment intégré dans la pratique administrative et non pas dès l'avènement du marketing relationnel. En effet, il est difficile d'appréhender le client dans le contexte d'environnement élargi. Car, en l'absence de concurrence et pour rester conforme à la politique gouvernementale et à la règlementation, la marge de manoeuvre de l'administration est assez faible. Il n'y a pas de raison pour qu'elle ait ressenti la nécessité de s'orienter vers le client. De plus, la délivrance des produits du secteur public implique des relations fréquentes entre les administrations et les consommateurs, c'est-à-dire des citoyens avec des niveaux de pouvoir significativement différents. L'évaluation du consommateur ne se fait que de façon post hoc et indirecte. Elle peut aussi nécessiter l'intervention d'un défenseur public. De même, la forme moderne de management public, le managérialisme, n'a pas été appli-

93 Morgan, R.M., Hunt S.D. (1994), «The commitment-trust theory of relationship marketing», in Journal of marketing, 58(3), pp20-38.

94 Butler P., Collins N. (1995), op. cit. p88.

95 Dwyer R.F., Schurr P.H, Oh S. (1987), «Developing buyer-seller relationships», in Journal of marketing, 51(2), pp11-27.

quée dans l'administration dans les années 90 sous sa forme actuelle. Ainsi, le rapprochement du marketing et de l'Administration est le résultat de ces deux événements, le mouvement du marketing vers la relation/client et celui de l'administration vers le managérialisme.

II - Apports et limites du marketing dans l'Administration Publique

Aux termes des travaux de Borden96, « le mix-marketing est un modèle visant à élaborer et mettre en oeuvre des stratégies marketing en exécutant divers facteurs qui permettent d'atteindre en même temps des objectifs liés à l'organisation et ceux liés à ses parties prenantes - les marchés cible - ». Or, dès 1960, McCarthy97 suggère l'idée de l'utilisation de quatre principales variables - Produit, Prix, Promotion et Place - pour la construction du mix marketing au sein d'une organisation. En même temps, le marché cible est, au sens de ses caractéristiques et des objectifs visés, le référant central de la démarche marketing au sein de toute organisation. En tant que tel, et tenant compte de la délicatesse de l'implémentation de la démarche marketing au sein d'une administration publique et plus largement dans le secteur public, nous discuterons de ce que peut représenter le marché cible d'une administration publique ainsi que de l'application des 4P98 au secteur public.

A - Le concept de marché cible pour une administration publique

Un marché cible est « un ensemble d'acheteurs qui partagent les mêmes besoins ou les mêmes caractéristiques que l'entreprise aura décidé de satisfaire »99 et un acheteur est « la personne qui effectue un acte réel d'achat »100. Or, si la littérature sur l'administration utilise une variété de termes pour désigner les acheteurs des services de l'administration publique, - client, consommateur, usager, stakeholder, citoyen, contribuable, ou simplement le public -101, il faut toutefois noter que l'administration publique comporte quatre spécificités qui ne lui font pas appréhender le client de la même manière que la quasi-totalité des entreprises du secteur privé.

96 Borden N. H. (1964) «The concept of the marketing mix», in Journal of Advertising Research, 4(2), pp2-7.

97 McCarthy J. E. (1960), Basic marketing. A managerial approach, Richard D. Irwin, Homewood.

98 C'est le terme consacré pour désigner les quatre variables principales du mix marketing.

99 Kotler et al. (2005), op. cit. p.922.

100 Kotler et al. (2005), op. cit. p.906.

101 Alford J. (2002), «Defining the client in the public sector: a social-exchange perspective», in Public administration review, 62(3), pp337-346.

Premièrement, l'administration publique n'a pas autant besoin du client que l'entreprise privée. Selon Lamb, « l'administration publique est moins exposée au marché puisque qu'elle reçoit une partie de ses revenus de l'Etat et pas seulement directement du client qui achète ses services »102. C'est le cas des universités d'Etat qui sont presque entièrement financées par les taxes et non par les cotisations des étudiants. Ainsi, il sera difficile d'y introduire la notion de client faisant allusion aux étudiants.

Secondement, les clients de la quasi-totalité des services de l'administration publique sont captifs, soit parce qu'il n'y a pas d'offre concurrente - la délivrance de la carte national d'identité relève de la seule compétence l'Etat -, soit parce que la loi les y oblige - le paiement des frais de concours ou l'apposition de timbre fiscal sur les demandes administratives ne relève pas d'un choix optionnel pour le postulant -. A ce propos, Bon et al. constatent que « la plupart des administrations [ont rendu] [...] obligatoire ou indispensable le recours à leurs services. L'usager étant forcé de se soumettre aux conditions qui lui sont faites par cette administration »103. Cette caractéristique du secteur public est en contradiction totale avec le principe de souveraineté du consommateur dans le secteur privé, qui stipule que le client peut décider s'il veut ou non acheter un produit.

Troisièmement, l'entreprise du secteur privé tend à se concentrer sur les segments du marché potentiellement intéressés par son offre alors que, l'administration publique doit se concentrer sur des groupes sociaux à priori peu intéressés voire même opposés. C'est la pertinence même de la notion de service public au sens du rôle de l'Etat.

Enfin, l'administration publique émerge auprès de l'entreprise privée bien plus comme tenant un rôle complémentaire plutôt qu'un rôle de concurrent. En tant que tel, il appartient à l'administration publique d'identifier les citoyens non -ou mal - servis et de développer un mix-marketing qui leur soit favorable et non pas de cibler les segments des consommateurs les plus rentables.

La pertinence de ces caractéristiques distinctives entre administration publique et entreprise privée est telle que l'on pourrait comprendre la réticence de certains auteurs à voir appliquer au secteur public le concept de client. En effet, nombre d'auteurs104 expliquent que cette perspective abaisserait les citoyens au rang de consommateur passif alors

102 Lamb C.W. (1987), «Public sector marketing is different», in Business Horizons, 30(4), pp56-60.

103 Bon J., Delabre A., Nioche J.P. (1977), « Les abus du marketing », in Revue française de gestion, 8(1), p26.

104 Notamment Stewart et Ranson (1988), Swiss (1992), Frederickson (1992), Moe (1994), Pegnato (1997), et Patterson (1998)

qu'ils doivent être des agents actifs au sens de Patterson105. Or, faisant suite à cette réserve, Alford affirme que « la plupart des interactions organisation publique/client diffère des transactions secteur privé/consommateur »106, mais, « la notion d'échange [...] peut être élargie dans un sens accentuant l'importance de la réactivité des administrateurs face à leur public »107.

En faisant une distinction entre citoyen et client, il prétend que la valeur délivrée par l'administration publique est perçue comme une valeur publique par les citoyens et comme une valeur privée par les clients. Cependant, l'expression des souhaits et des préférences concernant les valeurs à offrir et le prix qu'elles doivent coûter n'est généralement possible pour le citoyen que pendant une élection. Ainsi, et selon cette lecture, le citoyen ne se prononce pas seulement sur la valeur publique mais aussi sur la valeur privée. Il en est tout autrement pour le secteur privé où « l'échange est direct en ce sens que l'argent du consommateur est directement relié à la valeur privé qu'ils reçoivent »108. C'est sans doute pourquoi il propose d'élargir le concept d'échange qui domine le secteur privé. Néanmoins, et concernant le marché cible, le marketing peut jouer au moins deux rôles importants.

En premier lieu, le marketing peut aider l'administration publique à identifier le marché cible et à mieux atteindre ses consommateurs d'une part et « permettre une relation ascendante des publics vers les organisations, ce qui induit des prestations plus adaptées et donc une capacité de résistance accrue aux concurrences directes ou indirectes »109. A l'évidence, l'analyse du comportement du consommateur peut apporter une meilleure compréhension du client des services publics. Pourtant l'analyse du marché et du comportement des consommateurs de l'administration publique est souvent inexistante. Traditionnellement, les besoins et les attentes des citoyens sont transmis à l'administration publique seulement via les résultats des élections politiques. Bien sûr, les partis politiques testent à un certain degré leur plan d'actions dans le but de déterminer les réactions potentielles des citoyens. Cependant, ils testent plutôt les idées générales sur une action - souvent perçue négativement -, mais ils ne déterminent pas les caractéristiques

105 Patterson (1998), op. cit.

106 Alford J. (2002), op. cit. p337.

107 Idem.

108 Alford J. (2002), op. cit. p338.

109 Lamarche T. (1998) « Développement du marketing et recomposition du service public », in Sciences de la société, 43, p49.

détaillées d'une réponse à une action neutre. En plus de l'analyse du comportement du consommateur, le feedback continu permis par le marketing peut aider à garder à jour les données concernant l'évolution du consommateur : les organisations privées rassemblent des informations en continu sur l'évolution de l'environnement et sur ses performances. Les organisations à but non lucratif sont moins concentrées sur la collecte d'information vitale concernant les résultats de leurs actions et les événements qui se passent sur le marché.

En second lieu, le marketing peut aider à appréhender le consommateur plus individuellement, sans perdre pour autant l'efficacité de la production de masse. Une bonne segmentation permet dans un premier temps de savoir quels sont les différents types de consommateurs existants. Toutefois, la prise en compte de l'hétérogénéité de la population à travers la segmentation est limitée dans l'administration publique par le fait que tous les citoyens doivent être traités de façon égale par les services publics. Le secteur privé postule qu'on ne peut pas servir tout le monde de la même façon, ce qui n'est pas applicable au sein d'une administration publique car « il est statutairement obligatoire de délivrer un service public sur une base universelle »110. Et même si l'on peut admettre des exceptions à cette posture, il reste que le marketing peut aider à comprendre le citoyen indépendamment du rôle qui est le sien ou du statut qui lui est assigné.

B - L'idée de mix marketing au sein d'une administration publique

Le mix-marketing correspond à l'ensemble des outils stratégiques et opérationnels se rapportant au produit, au prix, à la distribution et à la publicité que l'entreprise peut mettre en oeuvre pour répondre aux demandes du marché cible. Aussi, la mise en oeuvre du mix marketing au sein d'une administration publique suggère l'implémentation des variables principales du mix marketing dans la dite administration.

1) La perception du produit pour une administration publique

C'est à Kotler et als. Que l'on doit la définition la plus globale du concept de produit. Un produit est « tout ce qui peut être offert sur un marché, pour que l'on y porte attention, que l'on cherche à l'acquérir, qu'on en fasse usage ou qu'on le consomme de

110 Walsh (1991), op. cit. p.15.

façon à satisfaire un besoin ou un désir. Sont inclus des objets physiques, des services, des personnes, des lieux, des organisations et des idées. »111.

Le développement de produit se fait rarement au sein de l'administration publique. Les nouveaux produits sont plutôt créés par les hommes politiques ou par une demande forte émanant de la société. Ce processus politique conduit souvent à un test des idées de produit, notamment celles correspondant à des idées pouvant être perçues comme négatives au sein de la société. En tant que tel, le développement d'un nouveau produit par une administration publique est, dans certains cas, l'aboutissement d'une étude de marché globale sur les réactions des citoyens face au nouveau produit.

L'amélioration de produit vient du fait que les consommateurs préfèrent les produits qui offrent la meilleure qualité, la plus grande performance et les meilleurs attributs. Ainsi, l'organisation doit s'employer à améliorer sans cesse ses produits si tant est que la qualité du produit se définit comme « la capacité du produit à remplir ses fonctions, ce qui inclus la durabilité, la solidité, la précision, la facilité de réparation, et d'autres attributs importants »112. Les organisations du secteur public améliorent leurs produits, surtout lorsqu'elles reconnaissent être en situation de concurrence. Les entreprises publiques du secteur de la santé, de l'immobilier ou de l'éducation notamment ont de cette façon améliorée leur offre de service lorsqu'elles se sont retrouvées en concurrence avec les entreprises du même domaine. Mais, même lorsqu'il n'y a pas de concurrence, on voit grandir l'importance de l'amélioration des produits du fait de la demande et des revendications sociales, comme c'est le cas pour les administrations en situation de monopole.

A côté des difficultés rencontrées dans le développement et l'amélioration de produit, une étape essentielle pour l'administration publique est de savoir ce qu'elle vend. Selon Kotler et Levy, une entreprise de cosmétique définit son produit de base comme la beauté, le rêve et non pas le rouge à lèvre ou le maquillage. Une société d'édition considère son produit de base comme étant l'information et non pas les livres. Le secteur public se plaint souvent du désintérêt des citoyens vis-à-vis de son activité ou de ses produits. Or, en suivant l'optique de Levitt, on peut parler de « myopie marketing dans le secteur public suite à l'absence de définition de son coeur de métier »113. Il donne dans son analyse l'exemple du système ferroviaire qui n'aurait pas décliné à cause de la baisse

111 Kotler (2005), op. cit. p918.

112 Idem.

113 Levitt T. (1960), «Marketing myopia», in Harvard business review, 38 (4), 26-44, pp173-81.

de demande des passagers et du fret, demande qui en réalité augmentait, ni même à cause du développement de la voiture ou des autres moyens de transport, mais plutôt de la non satisfaction des usagers. Auquel cas, il y a certainement une demande de service public - qui ne décline que pour des raisons démographiques - non suffisamment satisfaite du faite d'un service public approximatif. C'est pourquoi, les citoyens - ou les clients - insatisfaits auront recours aux services autres que publics ou aux systèmes publics d'autres pays comme c'est le cas des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur camerounaise en quête de mieux être académique dans les pays étrangers. Pour y faire face, Kotler et als suggèrent huit outils correspondant à la dimension produit : la variété, la qualité, le design, les attributs, la marque, l'emballage, les services, et les garanties. Or, leur application dans le secteur public pose quelques problèmes qui émergent comme les limites de l'implémentation de l'action marketing correspondant à la variable produit au sein d'une administration publique.

La première difficulté tient à l'évaluation de la performance qui ne se réduit pas à la seule donnée du profit final - atteint ou espéré - comme il est d'usage dans le secteur privé. Toutefois, que l'on considère l'entreprise publique ou privée, les indicateurs de performance pour les services sont plus difficiles à mettre en place que ceux des biens114. Aussi, pour évaluer sa performance, l'administration publique aura-t-elle généralement recours à trois concepts : l'égalité d'accès, la justice compensatoire et l'équité de marché.

La seconde difficulté tient à la passivité de l'administration publique dans le choix final du produit à délivrer, le politique y jouant un rôle très déterminant. A ce propos, Bon et al. font remarquer que « c'est le niveau politique qui définit les besoins, [...] et détermine ce qui est bon ou mauvais pour le public »115. Ainsi, l'administration publique ne prend pas toujours les décisions, rendant particulièrement difficile le développement de nouveaux produits.

114 En effet, le niveau de satisfaction d'un service dépend de l'interaction avec le client ou le consommateur, qui contribue et détermine la qualité du service. Mais, outre cette difficulté structurelle, le secteur public fera face à une difficulté supplémentaire car « la nature de la performance est intrinsèquement incertaine » (Stewart et Walsh 1994, op. cit. p. 46). Ce qui fait dire si souvent que nombres d'activités se retrouvent dans le secteur public du fait de la complexité factuelle à les évaluer.

115 Bon et al. (1978), op. cit. p302.

2) La perception du prix dans l'administration publique

Le prix est « le montant à payer pour un produit ou un service, ou la somme des valeurs échangées par les consommateurs pour bénéficier de l'acquisition ou de l'usage d'un produit ou d'un service »116. Le prix doit donc être fixé de façon à permettre à l'entreprise d'atteindre ses objectifs financiers tout en correspondant aux réalités du marché et en soutenant le positionnement du produit. Or, pour l'administration publique, le profit réalisé n'est pas nécessairement favorable aux personnes privées alors que, dans le secteur privé, l'adéquation aux réalités du marché est indiquée par le fait que le client est prêt à acheter au prix indiqué. La question du prix trouve là toute sa délicatesse dès lors qu'il s'agit de l'administration publique.

En outre, un prix justement fixé doit pouvoir soutenir le positionnement du produit. Le positionnement correspond à l'image perçue qu'ont les acheteurs potentiels du produit en question, comparativement aux produits concurrents. Si cette notion est plus claire pour ce qui est de l'entreprise privée, elle l'est moins dans le contexte d'une administration publique qui se trouve dans bien de cas dans une situation de monopole. Pour autant, la situation quasi permanente de monopole dans laquelle se trouve l'administration publique, ne lui laisse pas la latitude d'agir à sa guise. Elle doit prendre en considération au moins cinq contraintes récurrentes.

D'abord, l'administration ne peut pas fixer des prix excessifs car alors les conséquences peuvent être fatales pour l'efficacité de cette administration. En l'occurrence, l'administration ne peut pas exiger indéfiniment des impôts élevés. S'il est vrai en effet que les citoyens ne peuvent pas sortir du contrat, ceux-ci peuvent au moins faire des réclamations et/ou manifester contre une telle décision, causant par là même des coûts en dommages préjudiciables pour le service public. Certaines catégories de contribuables peuvent même être amenées à rompre la relation qui les lie à l'administration en délocalisant vers des pays mieux offrant.

Une autre contrainte tient aux attentes du public. Pour l'essentiel, « les citoyens attendent des institutions publiques des services équitables, effectifs et efficaces, qui répondent aux aspirations profondes des électeurs, incluant les usagers, les payeurs, les donateurs, les Hommes politiques, les circonscriptions, les média et le grand public »117. Pourtant, « les fonctions de redistribution des revenus, d'équité, et d'efficacité de la tari-

116 Kotler et als. (2005), op. cit. p918.

117 Lamb (1987), op. cit. p59.

fication sont en général plus importantes au sein d'une administration publique que sa capacité à générer du profit »118. A travers la redistribution des revenus, les personnes aux revenus les plus élevés sont censées financer les revenus les plus faibles. L'équité concerne la relation entre les personnes qui bénéficient d'un service et celles qui le financent. Enfin, « l'objectif d'efficacité de la tarification concerne l'usage de ressources données de façon à ce que la Société en tire un maximum de bénéfice »119. On comprend alors toute la difficulté pour une administration publique à mettre en oeuvre une politique de tarification efficace.

La troisièmement contrainte concerne les aspects financiers à prendre en compte dans les décisions de tarification. Il faut compter sur le bien-être des populations et sur les bénéfices non financiers dont les prix semblent impossibles à estimer. Les meilleurs exemples semblent être les catastrophes naturelles ou les guerres défensives où les prix sont impossibles à déterminer, et quand bien même ils le seraient, cela relèverait du manque d'éthique de le faire. La fonction de tarification du marketing ne peut donc pas être appliquer dans cette situation.

Le fait même que l'administration soit financée par les impôts alors que les services sont fournis gratuitement, peut constituer une source d'influence pour le consommateur. Ce qui constitue une contrainte supplémentaire pour la fixation des prix dans le secteur public. En effet, les produits gratuits sont souvent perçus comme dévalorisant pour le consommateur - la formation dans les institutions publiques par exemple -.

Enfin, la prépondérance du politique dans la sphère administrative est également perceptible dans la fixation des prix. Ce qui constitue une contrainte non moins importante. La décision présidentielle de revalorisation des salaires des personnels civils et militaires émargeant dans le budget de l'Etat est parfaitement illustrative en la matière. L'ensemble des administrations concernées par la solde devrait alors déployer des stratégies innovantes et efficaces - en dépit du contexte particulier marqué par la crise financière mondiale - pour assurer l'exécution optimale de cette décision.

118 Idem.

119 Lamb (1987), op. cit. p59.

3) Le mix de la publicité pour une administration publique

Le mix de la publicité correspond « aux choix de publicité, de force de vente, de promotions des ventes et de relations publiques qu'une entreprise doit faire pour atteindre ses objectifs de publicité et de marketing »120. Or, les perspectives récentes du marketing sont davantage exigeantes pour les organisations car il ne suffit plus de faire de bons produits aux meilleurs prix qui seront distribués plus efficacement, il faut pouvoir communiquer la valeur. Ainsi, pour toute entreprise, bien communiquer est essentiel pour construire et maintenir des relations bénéfiques et durables avec la clientèle. Dans l'administration, l'actualité récente fait état d'initiatives en faveur de la promotion. Une promotion qui s'organise autour de deux cibles majeures : les consommateurs actuels et les contribuables non consommateurs qui paient les services sans en bénéficier directement. Ainsi, communiquer les avantages du système universitaire et donc les avantages liés à l'existence de personnes bien formées au sein de la société peut aider les contribuables à mieux comprendre l'intérêt du paiement des impôts permettant de maintenir un système universitaire de bonne qualité. Butler et Collins parlent de l'émergence d'une activité promotionnelle dans le secteur public en indiquant que « les campagnes de communication informant le public des bénéfices et de la valeur des services publics deviennent de plus en plus importantes »121. On voit bien que le marketing peut contribuer à améliorer l'image négative - qui a tendance à précéder toutes les actions administratives - en expliquant aux citoyens la pertinence des obligations qui leur échoit. Enfin, la particularité de la communication marketing au sein d'une administration publique tient à la récurrence du marketing de crise. La crise étant un événement inattendu à priori incontrôlable et susceptible de nuire au fonctionnement de l'organisation. Toutefois, pour une administration publique, la communication de crise correspond aux efforts réalisés par l'administration pour informer le public des dispositions sécuritaires par rapport à un fait catastrophique ou simplement sur un fait grave. Pour exécuter de façon optimale la communication Kotler et als identifient quatre outils : la publicité, la force de vente, la promotion des ventes et les relations publiques.

Il reste que, la pertinence de l'utilisation de l'outil promotionnel marketing au sein d'une administration publique demeure une gageure. Elle conduit inéluctablement à simplifier les faits graves et complexes dans des discours enjoliveurs ou ayant une intona-

120 Kotler et als. (2005), op. cit. p919.

121 Butler et Collins (1995), op. cit. p.87.

tion d'apaisement sur le fait relaté. En outre, la communication publique ne fait pas toujours sienne l'exigence de neutralité qui caractérise toute communication. Elle est dans bien des cas construite dans une perspective d'image qui fait ombrage au besoin d'information absolu. En l'occurrence, les campagnes de communication menées dans la perspective de la révision constitutionnelle se sont plus concentrées sur la valorisation de l'action de l'exécutif plutôt que sur le contenu - éminemment discursif - du projet de texte. Ensuite on peut envisager la question du coût comme limite de la mise en oeuvre d'une communication efficace au sein d'une administration publique. C'est pourquoi par exemple, si l'on admet que le chef de l'Etat est en tout temps le garant de la souveraineté nationale et demeure une icône de l'image internationale de l'Etat, il reste que, le contribuable n'a de cesse de crier à la dépense excessive de la fortune publique lorsque lui parviennent les informations relatives au coût moyen des dépenses présidentielles. Finalement, tenant compte de la possibilité pour l'action de communication marketing de donner des informations sur les bénéfices d'un service, il est évident qu'il peut influer négativement sur la satisfaction du consommateur sans pour autant contribuer à l'entière satisfaction du bénéficiaire. De cette façon, il devient probablement inutile de former des fonctionnaires à la courtoisie avec les requérants du service public. Car, il serait plus intelligent de simplifier les procédures et réduire le temps nécessaire à l'accomplissement du service. A ce propos, Levitt affirme que « le citoyen déteste de toute façon payer ses impôts et n'aime pas coopérer avec l'Etat pour remplir le formulaire »122.

4) Le mix de la distribution pour une administration publique

La distribution comprend « toutes les activités d'une entreprise visant à rendre le produit ou le service disponible pour les consommateurs ciblés »123. Elle concerne la façon d'acheminer le produit au client et constitue une dimension très importante dans la mesure où un service ne vaut rien si le client ne peut pas en bénéficier. Le défi consiste à trouver le bon équilibre entre le coût et l'augmentation des revenus relatifs à la fonction de distribution. Un plus grand nombre de points de distribution peut accroître le revenu puisque plus de clients potentiels peuvent être atteints. Mais dans le même temps, ces points de distribution supplémentaires sont susceptibles de générer des surcoûts. Si l'on considère l'augmentation de revenus de l'administration comme référentiel d'analyse, on

122 Levitt T (1960), op. cit. p18.

123 Kotler et als. (2005), op. cit. p917.

comprend très vite que pour de nombreux services comme ceux consacrés à la délivrance de passeports, la démultiplication des points de distribution n'augmentent pas nécessairement la demande du service. Toutefois, l'ouverture de ces installations supplémentaires réduit les coûts de transaction du public et peut conduire à une plus grande satisfaction. C'est en cela que l'on peut parler de balance entre le coût et l'augmentation de la satisfaction du client. Néanmoins, la satisfaction et la réduction de coûts ne sont pas nécessairement contradictoires. En effet, Internet offre un canal de distribution qui rend possible l'économie d'argent en même temps que l'augmentation de la satisfaction du client mais, le fait pour le citoyen d'effectuer en ligne les procédures de dédouanement est considéré comme un avantage pour lui et comme un moyen moins coûteux pour l'administration.

La décentralisation et la déconcentration sont des concepts primordiaux pour la distribution. La décentralisation correspond au transfert de pouvoir du gouvernement central aux échelons plus en aval de la hiérarchie administrative et territoriale. Ce transfert peut intervenir de deux manières : d'une part la décentralisation administrative, ou déconcentration qui correspond au « transfert de pouvoir vers les autorités plus basses du gouvernement central, ou vers d'autres autorités locales qui doivent faire remonter les informations au gouvernement central »124 et d'autre part, la décentralisation politique ou démocratique qui correspond à un « transfert d'autorité vers les élus et autres acteurs locaux qui rendent compte à la population »125. Seulement, ces processus ont l'avantage de rapprocher l'administration du client, et l'inconvénient d'être coûteux du fait de la duplication des services qu'ils induisent. D'où la nécessité de bien choisir le niveau de décentralisation et de déconcentration.

La démarche marketing laisse transparaître cinq outils efficaces pour déployer une bonne distribution. Ce sont les canaux, la couverture, l'assortiment, les lieux et le stock. Mais l'application de ces outils au contexte spécifique de l'administration publique est en bute à des difficultés structurelles liées à la complexité de ce champ. En effet, il faut par exemple prendre en compte les aspects de sécurité et de contrôle qui ne facilitent pas la sous-traitance des services administratifs et qui limitent la distribution sur Internet. Ensuite, le lieu de distribution des services administratifs est très souvent contingent aux

124 Ribot, J.C. (2002), «Democratic decentralization of natural resources: Institutionalizing popular participation», in World resources institute, Washington.

125 Regulska J. (1997), «Decentralization or deconcentration: struggle for political power in Poland», in International journal of public administration, 20(3), pp643-680.

secteurs administratifs, c'est-à-dire un secteur défini sur des bases administratives et pas nécessairement sur des considérations de densité de population ou contingent à la disposition des bâtiments existants. Or, modifier la place physique des bâtiments ou les frontières administratives est une tâche plus compliquée à réaliser dans le secteur public que dans le secteur privé.

En fin de compte, l'implémentation de la démarche stratégique marketing au sein d'une administration publique est une perspective certainement louable qui pourrait améliorer son efficacité. Seulement, elle est en bute à des difficultés structurelles liées à la nature complexe de ce champ d'application. Une complexité qui influe sur les apports de l'action marketing et donne naissance à des limites d'exécution permanente. Cependant, l'existence de ces limites structurelles ne pourrait justifier l'inertie administrative que le chef de l'Etat décrie comme la principale gangrène126 de notre Administration publique. Inertie qui sous-tend les résistances fonctionnelles observées à l'exécution des outils marketing dans l'organisation administrative. De cette façon, la faillite127 de l'organisation administrative pourrait être jugulée par l'implémentation de la démarche marketing au sein de toute l'Administration publique. Dans cette perspective, il devient moins question de l'adéquation de la démarche marketing avec la spécificité des organisations publiques que des mécanismes et techniques usuelles pour une meilleure insertion des procédés et procédures du management commercial au sein d'une administration publique. Aussi, envisageons-nous quelques pistes pour la performance administrative du Ministère des relations extérieures du Cameroun par la mise en oeuvre en son sein de la démarche mercatique.

126 Voir en cela, Olinga A. D. (2009), Propos sur l'inertie, Editions CLE, pp 17-25.

127 Le constat de cette faillite découle du discours présidentiel repris par le professeur Alain Didier OLINGA. Voir Olinga A.D. (2009), op. cit. pp17-25.

Chapitre IV

L'aménagement de la démarche merca-

tique dans le management du Ministère

des relations extérieures du Cameroun.

La démarche mercatique (Section I) sera le socle de la performance managériale des administrations publiques qui en feront le principal levier de leur programme d'action. Et, s'il est vrai que son implémentation demeure une gageure pour le secteur public, les administrations publiques, notamment le Ministère des relations extérieures du Cameroun, pourraient envisager néanmoins des pistes et des outils pour greffer leur politique managériale aux exigences de la démarche mercatique (Section II).

Section I : La démarche mercatique

« La mercatique est l'ensemble des actions qui permettent de concevoir et de diffuser des produits, des services ou des concepts en répondant au mieux aux attentes des individus »128. En tant que tel, la mercatique est d'abord un état d'esprit qui se formalise ensuite comme ensemble d'actions et de techniques propres à répondre aux besoins, aux aspirations ou aux attentes des différents publics cibles. Aussi, nous sera-t-il plus aisé d'illustrer le mécanisme fonctionnel de cette démarche par une approche conceptuelle schématisée (I) pour mieux illustrer le cadre de déploiement (ou l'environnement) des activités mercatiques au sein du Ministère des relations extérieures du Cameroun (II).

I - Approche conceptuelle schématisée de la démarche marketing

Le marketing s'entend aujourd'hui comme une évolution pratique et normative de la mercatique. Ces concepts clés concernent les actions de l'organisation sur le marché. C'est pourquoi l'on admet que les démarches de la mercatique et du marketing se rejoignent pour désigner un même concept théorique et pratique. Ainsi, la démarche marketing émerge comme un état d'esprit générateur de la finalité visée. Or, l'esprit marketing est l'attitude mentale, profonde et permanente qui consiste à attacher dans la gestion d'une organisation une importance primordiale aux relations de cette organisation avec les publics dont elle dépend et notamment avec son marché. Toutes choses qui font que, la démarche marketing, fondée sur l'esprit marketing, se décline comme un processus continuel qui, comme l'illustre la schématisation ci-dessous, se développe au sein d'une organisation autour d'un effort planifié et soutenu par un objectif de long terme.

128 Dakka C (1987), Techniques commerciales, TG3 - BTS Action Commerciale, Paris, Dunod, p6.

Schéma129 1: Illustration de la démarche marketing au sein d'une organisation

Source : Nos soins

Selon qu'il ressort de ce schéma en effet, le marketing se décline au sein d'une organisation sous deux dimensions :


· Une dimension stratégique dite d'élaboration du plan qui suggère pour l'organisation d'opérer une recherche informationnelle (étape I : Analyse ou Diagnostic) en prélude de la définition des objectifs généraux et de

129 Ce schéma a été réalisé dans le cadre du Cours de Marketing fondamental que nous dispensons dans certaines institutions d'enseignement supérieur. C'est ce qui justifie les nombreuses illustrations et références à l'entreprise. Toutefois, elles peuvent être adaptée au contexte général de l'organisation et en particulier à une administration publique où ces concepts spécifiques (CA, Part de marché, Volume, ...) existent sous d'autres appellations.

l'adoption d'une stratégie globale (étape II : Objectifs et Stratégies). A l'évidence, c'est dans sa phase stratégique et conceptuelle que le marketing permettra à l'organisation de mieux connaître (et mieux comprendre) son marché, l'environnement dans lequel elle évolue, les forces et les faiblesses qui sont les siennes du point de vue de son aptitude à faire face aux menaces potentielles de l'environnement ou à s'approprier les avantages qui émergent de l'analyse environnementale.


· Une dimension opérationnelle autrement appelée phase de mise en oeuvre du plan stratégique défini et adopté comme fil conducteur des opérations. Ainsi, il s'agit dans cette phase, de la définition des moyens nécessaires (étape III : Moyens) et de l'identification des actions utiles (étapes IV : Actions) à l'atteinte des objectifs fixés. Les opérations de suivi/évaluation sont également intégrées dans cette phase pour apprécier le chemin parcouru, questionner les écarts et concevoir des mesures correctives.

La démarche marketing est donc un processus, un effort planifié et soutenu par

des moyens appropriés et des actions opportunes mais surtout adéquates que les opéra-

tions de suivi/évaluation complèteront pour permettre d'évaluer les écarts, de mieux cer-

ner les sources (ou les mobiles) des mauvaises performances afin que les mesures correc-

tives à venir soient propices à l'optimisation du rendement escompté.

II - Le cadre consacré de la démarche marketing au MINREX

Nous envisageons ici l'ensemble des axes prioritaires qui sont susceptibles de faciliter l'implémentation des grands agrégats de la fonction marketing au sein de ce département ministériel. A priori, et comme nous l'avons indiqué plus haut, l'approche mercatique peut être implémentée dans une organisation dès lors qu'elle a des missions et des objectifs clairement identifiés. Toutefois, tenant compte des limites structurelles qui expliquent la difficulté à mettre en oeuvre les approches marketing au sein d'une administration publique, il faudrait envisager des domaines clés qui, au sein de l'administration publique visée, notamment le Ministère des relations extérieures du Cameroun, peuvent être exécutés à l'aide des outils stratégiques et opérationnelles de la démarche mercatique.

Le Ministère des relations extérieures du Cameroun est une institution publique qui émerge dans le cadre de notre travail comme une organisation pouvant être managée

suivant les principes de la démarche mercatique, une démarche qui se formalise dans le processus IRAC (Information, Réflexion, Action et Contrôle). Ainsi, les domaines consacrés au déploiement de la démarche marketing au sein de ce département ministériel devraient se référer aux publics internes - Personnels exerçant dans le corps de la diploma-tie, les administrations techniques et spécialisées et les services spécialisés de la Présidence de la République entre autres - et aux publics externes - les autres sujets de la communauté internationale -.

Il n'existe à proprement parler aucun aspect des relations entre le MINREX et ses principaux publics cibles qui ne puisse être exécuté sous le prisme novateur de la gestion mercatique des organisations. Il faudrait donc, dépasser rapidement les pièges des choix réducteurs qui tendent à confiner les approches marketing à la gestion commerciale, à la communication et à la promotion des biens et services que l'organisation propose (ou pourrait proposer) à ses publics extérieurs.

In fine, le cadre consacré au déploiement de la démarche mercatique au sein du Ministère des relations extérieures ne se limite pas aux stratégies de promotion, de communication ou de gestion des flux commerciaux - et notamment économiques - du Cameroun avec l'extérieur. Il s'agit à contrario, d'une gestion prévisionnelle et avant-gardiste qui suppose pour le manageur de mieux connaître son organisation (Apprécier les forces et les faiblesses de l'organisation), de maîtriser l'environnement dans lequel elle évolue (Apprécier les risques et les opportunités) pour pouvoir y agir efficacement et en tirer le plus grand intérêt. Auquel cas, la démarche mercatique ou la mise en oeuvre du processus IRAC, trouve son intérêt dans son applicabilité à tous les aspects de la gestion administrative des organisations ou en particulier de la gouvernance des administrations publiques. C'est à cet effet que les suggestions et les recommandations qui suivent portent sur le déploiement de la méthode mercatique dans certains domaines clés du Ministère des relations extérieures du Cameroun.

Section II : La démarche mercatique appliquée à des domaines clés du Ministère des relations extérieures du Cameroun

L'application de la démarche mercatique au secteur public est un challenge réel. D'où l'intérêt d'envisager une adaptation progressive à des secteurs clés (ou prioritaires). Le problème va alors être celui du choix des secteurs et subséquemment celui des critères

de choix ayant présidés à l'identification desdits secteurs. Il sera en effet très difficile de concevoir ou d'imaginer des critères de choix qui fassent l'unanimité à ce propos. Ainsi, seul doit être pris en compte à ce niveau l'insertion de la démarche dans une politique stratégique de dimension sectorielle ou gouvernementale. - Il faut de toute évidence, que l'approche mercatique soit à l'avenir un outil permanent de gestion des flux stratégiques au sein du Ministère des relations extérieures du Cameroun et plus largement, de la gouvernance des administrations publiques camerounaises -.

La gestion des ressources humaines est un élément de performance des administrations publiques et l'approche mercatique vise la performance des organisations au sein desquelles elle est implémentée. Dans cette mesure, les domaines clés peuvent être choisis en rapport avec leur impact sur le management des ressources humaines. Si l'on se réfère au schéma 1 ci-dessus, il est de notoriété d'affirmer que le potentiel humain est central à l'efficacité mercatique de toutes les organisations. En réalité, le potentiel humain suggère des compétences spécifiques et adaptées à la mise en oeuvre du projet vue dans sa globalité. Aussi, devient-il impératif pour une administration publique130 et en particulier le Ministère des relations extérieures du Cameroun, de formaliser un cadre optimal de gestion des ressources humaines disponibles et à venir de façon à susciter l'adhésion - et mieux encore l'implication - de tous au projet de l'administration concernée. L'efficacité mercatique au sein d'une administration publique est dès lors tributaire à la gestion efficiente des ressources humaines d'abord comme support de la motivation (I) des principaux acteurs et ensuite comme contenu d'une planification stratégique de long terme (II).

I - La gestion des ressources humaines comme support de motivation

A plusieurs égards, l'activité d'un salarié du secteur public est un sacerdoce que l'on se plait à lui rappeler pour lui signifier - à tord ou à raison - l'obligation qui lui échoit de travailler d'abord sans jamais mettre en avant l'impératif de bien être personnel qui sous-tend généralement l'exercice d'une profession. Cette perspective est illusoire dans la mesure où elle est admise dans le principe et méconnue dans la pratique131. Certes,

130 A la différence des entreprises du secteur privé, les administrations publiques n'ont pas la latitude du choix de leur personnel ni même du traitement (salarial notamment) qui leur est dû. Leur recrutement et l'extinction des fonctions étant encadrés dans nombre de cas par des textes particuliers.

131 Cette assertion nous engage et fera l'objet d'un développement particulier dans nos prochaines productions. On pourrait pour le justifier recourir à l'inertie que le Chef de l'Etat identifie comme la principale gangrène de l'administration publique camerounaise ou s'en référer aux détournements des fonds publics imputables - majoritairement - aux agents de l'Etat.

la fonction publique organise son activité autour de l'idéal que constitue la cause générale et ne se préoccupe guère de la satisfaction individuelle des uns et des autres, mais, l'âpreté du travail public nécessite que soient intégrés dans la structure managériale les éléments favorables à la motivation du personnel. Dans cette mesure, gérer le personnel d'une administration publique ou de façon restrictive, le personnel d'une direction, d'un service s'apparente à la gestion de la force de vente d'une entreprise privée. Or, l'efficacité de la force de vente est, du point de vue de nombreux professionnels, tributaire d'une bonne motivation des agents qui la constituent. En effet, tout comme le vendeur, un personnel bien motivé est une personne qui a envie de travailler pour son administration, de défendre ses intérêts et qui se sent impliquée dans sa réussite.

Au sein des entreprises, la pratique courante révèle que la motivation est un état permanent que le dirigeant s'efforce d'entretenir par divers moyens dont les plus fréquents sont :

· Le salaire qui se décompose en une partie fixe et une partie variable l'on retrouve les commissions, les primes, les bonus de rendement et les

heures supplémentaires notamment.

· La formation qui a le double avantage d'assurer la pleine connaissance de l'employé sur les produits qu'il sera amené à commercialiser et sur son entreprise. Il peut alors espérer utiliser ses connaissances à des fins personnelles ou les faire valoir lors des prochaines sollicitations y relatives au sein de l'entreprise ou ailleurs.

· Le plan de carrière à travers lequel l'entreprise propose à ses employés un cursus évolutif dans le service qui consolide leur engagement, leur donne un sentiment d'équité et les assure d'une possible d'atteindre des niveaux supérieurs au sein de l'entreprise.

· Le rôle de l'animateur, principal responsable d'une équipe. Il lui incombe et l'entreprise doit y veiller, d'insuffler l'énergie et la motivation nécessaire à l'équipe dont il a la charge.

La motivation doit également être entretenue au sein des administrations publiques et dans le cas d'espèce au Ministère des relations extérieures du Cameroun. Nous avons en effet noté une démotivation quasi généralisée de certains agents de ce département ministériel imputable à l'absence, à la carence et/ou au déficit de l'un des éléments

ci-dessus identifiés en entreprise comme facteur de la motivation du personnel. Il nous semble dès lors, qu'il faille envisager une motivation plus réaliste à travers des stimuli savamment pensés qui intègrent à tous les niveaux de l'administration, le niveau de besoin132 auquel appartient la catégorie d'employé concerné.

Pour le personnel d'une administration publique en effet, la stimulation est une action ponctuelle destinée à relancer l'activité et redynamiser l'action de tous les acteurs. A la vérité, le contenu de la motivation et les stimuli de l'action au sein d'une organisation suggèrent chez les dirigeants une grande capacité d'innovation et une bonne connaissance du personnel. En tant que tel, il n'existe pas de contenu standard pour soutenir l'effort du personnel et/ou les encourager à davantage d'efforts. Toutefois, et sur la base du feedback recueilli auprès des agents par les chefs de service, les directeurs et autres responsables de l'administration, il est possible de dégager la forme optimale y relative.

On pourrait noter cependant des aspects communs qui y contribueraient comme de façon générale pour l'entreprise :

· Le dialogue social

· La rémunération et les avantages de service et/ou sociaux,

· Le plan de carrière,

· Les formations et stages complémentaires,

· Les primes diverses et les encouragements de la hiérarchie,

· Les concours internes,

· La compétitivité des diverses branches de l'institution.

Pour chacune des actions potentielles, une analyse de la faisabilité, de l'efficacité et de la portée est indispensable à leur mise en oeuvre car, à chaque niveau de l'échelle de l'administration, le niveau de besoin diffère pour le personnel tout comme diffère les attentes et les aspirations des concernés qui ont également besoin de motivation et de stimulation dans le déroulé de leurs activités quotidiennes. C'est dans cette mesure que la gestion des ressources humaines se décline au sein d'une administration comme un tout intégrant d'une politique et mieux encore, d'un management stratégique de long terme.

132 Maslow regroupe en 5 catégories les stades de besoin auxquels aspirent les Hommes : Les besoins physiologiques, les besoins de sécurité, les besoins d'appartenance et d'affection, les besoins d'estime et les besoins d'accomplissement. Voir, Kotler et als (2006), Marketing management, op cit. p 224

II - La gestion des ressources humaines comme tout intégrant d'un management stratégique de long terme

L'une des difficultés majeures que nous avons pu noter au Ministère des relations extérieures du Cameroun est l'absence de planification dans la gestion des affaires du de-hors. Pourtant, la prépondérance de ce département ministériel dans ce domaine y accentue l'incertitude qui augmente au fur et à mesure de son degré d'implication dans un dossier qui met en jeu plusieurs acteurs de la scène internationale. La planification stratégique n'apparaît habituellement qu'après une période plus ou moins longue de développement impétueux que réfléchi de sorte que, dans ces structures dont l'activité quotidienne est mue par une concurrence instantanée ou constante des autres acteurs de la communauté internationale, on verra se développer ça et là des actions spontanées qui ne relèvent pas à proprement parler d'une démarche stratégique ou qui soient insérable dans une vision stratégique de long terme. Cette incompétence tacite ou notoire, va très vite être imputée à la spécificité du domaine international et à l'action concurrentielle des départements ministériels dits techniques et des services spécialisés de la présidence de la république.

Un marketing international efficace impose à l'entreprise une maîtrise de la planification ainsi qu'une réflexion intense et quasi permanente sur le plan de fonctionnement des structures et des opérations de contrôle. La planification stratégique constitue en effet un moyen formalisé de représentation de l'avenir car, en essayant d'anticiper les conséquences des facteurs extérieurs imprévisibles sur les compétences et les objectifs de l'organisation, elle permet d'orienter les activités de la structure vers un but jugé souhaitable. De cette façon, la planification stratégique peut s'envisager à trois niveaux :

· Au niveau global de l'administration. Elle s'inscrit alors dans le long terme et cherche à définir des objectifs généraux valables pour tout l'administration qui est perçue comme un tout ;

· Au niveau stratégique. Elle doit être menée parmi les cadres supérieurs du dé-
partement ministériel et doit proposer des options à long et moyen termes ;

· Au niveau tactique. Elle s'attache dans ce cas à définir les actions spécifiques à mener et à résoudre la question de l'affectation des ressources pour permettre la réalisation des objectifs globaux sur les différentes sphères de compétence de l'administration cible.

Le besoin de planification n'est donc pas uniquement le produit des seules difficultés rencontrées dans l'exercice des activités du département ministériel ou des exigences liées à la gestion. Il s'exprime d'une manière plus ou moins nécessaire selon les cultures d'affaires et leur degré d'intérêt et sa nature pour l'activité à conduire. Dans la pratique, le processus de planification stratégique représente pour ainsi dire, un système en boucle dont le bon fonctionnement est soumis à l'exigence du respect des deux conditions essentielles que sont l'observation et la flexibilité dans la mesure où une observation rigoureuse permet de mesurer les résultats et de déceler les écarts tandis que la flexibilité autorise la mise en oeuvre des corrections appropriées.

L'administration des relations étrangères du Cameroun doit ainsi chercher à développer l'expression de ces deux qualités s'efforçant de produire un type d'organisation répondant le mieux possible aux exigences d'une politique étrangère avant-gardiste.

CONCLUSION GENERALE

A l'issu du stage que nous avons effectué au Ministère des relations extérieures du Cameroun, nous nous sommes intéressés à l'organisation de la fonction marketing au sein d'une administration publique en nous référant pour les aspects pratiques aux possibilités d'implémenter la démarche et les approches du marketing dans ce département ministériel. Dans cette perspective, nous avons construis notre analyse autour d'une problématique relative à la pertinence des approches mercatiques dans la résolution des problèmes inhérents au fonctionnement d'une administration publique.

L'énonciation de cette problématique nous a replongé dans la discussion théorique sur le champ d'intéressement du marketing. Discussion au terme duquel nous prenons position pour la transversalité des approches mercatiques dans la gestion des affaires publiques et privées. Une transversalité qui ne se justifie que si les spécificités liées au fonctionnement de chaque entité sont prises en compte et les approches mercatiques implémentées dans le sillage de ces spécificités.

Il restait alors à envisager les mécanismes d'implémentation des approches mercatiques dans le management du Ministère des relations extérieures du Cameroun. De toute évidence, l'identification et la bonne connaissance des approches du Marketing demeurent des préalables à succès de ce projet. Ce qui suggère, pour les diplomates et autres fonctionnaires en service dans cette administration, une formation spécifique aux métiers du Marketing International. Bien au-delà, il nous semble toutefois, que la démarche mercatique puisse faire l'objet d'une large diffusion et que, outre la motivation du personnel qui doit faire l'objet d'un impératif de gestion des ressources humaines au sein de ce département ministériel, la planification stratégique des projets structurants émerge comme la voie de la performance et du succès.

Enfin, et par delà tout, l'organisation de la fonction marketing dans une administration publique et en particulier celle en charge des affaires du dehors, est sans doute un idéal du management des organisations publiques. Idéal qui requiert une refonte de sa structures et de son mode de fonctionnement - organisation interne, distribution des rôles et des compétences clés - autant que d'une véritable dextérité dans la mise en oeuvre des processus tel qu'il ressort du déroulé de la démarche mercatique.

ANNEXES

· Annexe 1 : Lettre de demande de stage

· Annexe 2 : Lettre d'admission en stage

· Annexe 3 : Attestation de stage

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