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Evolution et révolution de la logique formelle des présocratiques à  Georg Bool

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par Tamis Muamba Ngueshe
Université de Kinshasa - Graduat 2008
  

Disponible en mode multipage

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    A nos parents, NGUESHE LUPANZA et NZEBA TSHIALU, nous dédions ce travail.

    REMERCIEMENTS

    Au terme de nos études de premier cycle à l'université de Kinshasa, faculté des Lettres et Sciences Humaines, Département de Philosophie, nous nous trouvons dans l'obligation de nous acquitter d'un agréable devoir, celui de remercier tous ceux qui, de façon directe ou indirecte, ont contribué à notre formation.

    Ainsi, nous témoignons notre reconnaissance à l'endroit des autorités académiques, des professeurs, des chefs de travaux et assistants de l'Université de Kinshasa, en général, et de ceux de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, en particulier, pour leurs encadrements et enseignements de qualité.

    Nous remercions particulièrement et infiniment monsieur le professeur MUTUNDA MWEMBO qui, en dépit de ses multiples occupations, nous a appris la logique et a accepté de guider nos pas dans l'élaboration du présent travail.

    Dans le même ordre d'idée, nous témoignons notre gratitude envers le professeur PANGADJANGA qui nous a enseigné la logique ancienne ainsi que le chef de travaux Henri Jacob NDOBO qui, depuis le premier graduat jusqu'à ces jours, ne cesse de nous encourager, de nous conseiller et de nous encadrer dans la voie que nous avions choisie : la logique.

    Par la même occasion, nous remercions nos oncles et tantes ; nos cousins et cousines ; de façon singulière, nous remercions notre cousin Pascal TSHIALU pour ses encouragements et ses conseils.

    Que tous nos amis : Alain Tshimanga, Ami Daniel Kamonika, le Pasteur Willy Ngogo, Jimmy Kabamba, Arlette Yoka, Marianne N'yoka, Belinda Kitoko, Olga Kemi, Marie Ngudia, Papy Matona, Marcel Imboyo, Pembi Kwete, Hugo Atangongbe, Jonathan Kankonde, Jean Louis Nsimba, Mputu Muyembi, Misi Mungala, Consolat Mutshipayi, Cimanga Mabika, Felix Kinzini, Thomas Ndjekambudi, Patrick Bashizi, Rachel Ikongo, Ana Lufuka, Dominique Iyiya, Nelson Mayele, Willy Bakatuelkeja, Charles Mbadu, Nevil Lubaki, Yvette Liaki, Tonton Mundabi, Gasky, Mbambi, Dieudonné Ebondo ; se sentent honorés à travers cette réalisation !

    «  La logique est la science (semblable) à la balance (...) or toute science qui n'est pas évaluée par la balance n'est pas certaines et, en vérité, n'est pas science. Par conséquent, on ne peut se dispenser d'acquérir la science de la logique »

    Avicenne, le Livre de science

    «Grâce à l'emploi de cet art (la logique combinatoire), il ne devrait plus y avoir matière à discussion entre philosophes qu'il n'y en a entre comptables. Il leur suffirait de prendre en main leur crayon, de s'asseoir devant un tableau et de se dire mutuellement : " Et bien ! Calculons !" »

    Leibniz, l'art combinatoire

    «Les mathématiques que nous avons à construire sont les mathématiques de l'esprit humain »

    George Boole, les lois de la pensée

    INTRODUCTION GÉNÉRALE

    Au terme de notre premier cycle, où nous sommes convié à choisir un auteur ou une thématique sur qui ou sur quoi exercer l'intellect et dont le fruit (de l'exercice) témoignerait du background accumulé tout au long de notre parcours universitaire ainsi que d'une certaine maîtrise du domaine qui est nôtre (la philosophie), il nous est paru propice de cogiter sur la logique formelle, sur son évolution et sur sa révolution paradigmatique. Celle-ci, nous l'attribuons, non sans raison, à George Boole.

    D'entrée de jeu, nous pouvons nous demander quel intérêt peut revêtir un tel thème. En effet, le choix de ce sujet se justifie pleinement en ce que :

    - Ce travail nous présente une certaine manière, mieux une autre manière d'appréhender la logique et son histoire.

    - Ce travail nous dit de quelle façon George Boole a rompu avec la tradition aristotélicienne, notamment en identifiant les structures de la nouvelle logique à celle de l'algèbre ;

    - Boole est, à plus d'un égard, le père de la logique moderne et son algèbre a des applications dans plus d'un domaine.

    L'objectif que nous poursuivons est très modeste, à savoir : dégager les principaux cycles de l'évolution historique de la science logique depuis l'antiquité jusqu'au dix-neuvième siècle, plus précisément jusqu'à l'avènement de Boole.

    D'emblée, certaines questions surgissent-elles dans notre entendement. En voici quelques unes :

    - Quels sont les grands moments de la logique formelle depuis ses origines jusqu'au dix-neuvième siècle ?

    - Quels sont les apports des uns et des autres dans la construction de l'édifice de la logique ?

    - La syllogistique traditionnelle et la logistique moderne fonctionnement-elles sur base d'un même paradigme ?

    C'est à cette triple interrogation que le lecteur peut espérer trouver certaines réponses dans les lignes qui vont suivre

    L'hypothèse qui sous-entend cette investigation est la suivante : la logique moderne opère sur base d'un paradigme mathématique alors que la syllogistique traditionnelle fonctionne sur des moules empruntés, sinon similaires à ceux des sciences de la nature.

    Vu la proportion de temps qui nous a est impartie ainsi que les imperfections inhérentes à notre nature humaine, il nous a semblé intéressant de circonscrire notre champ de recherche. Aussi, comme il est indiqué dans le titre de notre travail, nous aborderons la question de la logique depuis les présocratiques jusqu'à George Boole.

    Ainsi, pour mener à bien cette quête, nous nous proposons de procéder de manière à la fois historique, réflexive et critique.

    Aussi, nous répartissons cette dissertation en quatre chapitres. Le premier nous précise les sens des mots que nous rencontrerons fréquemment dans cette étude ; le deuxième nous présente la science normale de la logique ou la syllogistique traditionnelle ; le troisième nous dresse les portraits de ceux qui ont constitué la science extraordinaire de la logique ; et le dernier dévoile la révolution proprement dite de la logique formelle. Bien entendu, nous terminerons par une conclusion générale.

    CHAPITRE PREMIER : PRECISIONS TERMINOLOGIQUES

    Il nous semble impérieux, avant d'entrer dans le vif de notre sujet, de clarifier rapidement quelques concepts fondamentaux qui constituent l'objet de notre investigation. Ainsi, ce chapitre comprend-il deux points essentiels. Le premier se rapporte à l'analyse du contenu du mot logique et le second nous relève le sens de la révolution opérée par Boole, à la lumière de la conception de l'histoire des sciences de Thomas Samuel KUHN.

    1.1. Logique

    Pour mieux saisir le sens du terme logique, nous avons subdivisé ce point en trois moments dont le premier est une approche étymologique ; le deuxième, une approche définitionnelle; et le troisième est une approche mathématique.

    1.1.1. Approche étymologique

    Etymologiquement, le terme logique dérive du grec : à la fois du verbe Légein, du substantif logos et du qualificatif logikê.

    Le verbe légein1(*) signifie à la fois dire, exprimer, réfléchir. Le verbe légein désigne ainsi une certaine catégorie d'activités qui distingue l'homme des autres animaux et qui a pour ressort, vraisemblablement, la raison.

    Le substantif logos2(*) est également polysémique. Il désigne ce que nous pouvons traduire par : parole, discours, argument, recherche, théorie.

    Héraclite d'Ephèse ainsi que les stoïciens donnent à ce mot un sens bien singulier. Selon eux, Logos, désigne l'Esprit Universel qui gouverne et ordonne le monde. Mieux, logos désigne l'ordre du monde. Aussi, est-il qualifié de Loi-mère.(3(*))

    Enfin, le qualificatif logikê4(*) signifie simplement ce qui est relatif au bon sens, ce qui se rapporte à la raison, à l'ordre du monde.

    1.1.2. Approche définitionnelle proprement dite

    Le raisonnement est une propriété essentielle de l'homme. Aussi, Aristote définit-il l'homme comme «un animal raisonnable ». Soit le raisonnement suivant :

    Les apôtres étaient douze.

    Or, Pierre était apôtre.

    Donc, Pierre était douze

    Il n'est nullement besoin de disposer de tout un arsenal des règles syllogistiques pour se rendre compte que ce raisonnement n'est pas valide. Même celui qui n'a jamais appris la logique aristotélicienne refusera la conclusion selon laquelle Pierre était douze. Ce petit exemple nous prouve à suffisance qu'il existe une sorte de logique naturelle, spontanée, laquelle est conforme au bon sens naturel. Cette logique spontanée est l'apanage de tout homme en tant qu'il est homme, c'est-à-dire en tant qu'un être capable de justifier ses actes, d'une manière ou d'une autre.

    Cependant, pour éviter les fallacies et pour de raison de rigueur, il faudrait recourir à la science logique, laquelle nous est définie par Joseph DOPP comment : « une science qui détermine quelles sont les formes correctes (ou valides) de raisonnement »(5(*)). Une autre définition nous vient de Robert BLANCHE. Pour ce dernier, la logique est « une théorie du raisonnement correct et de ses conditions »(6(*)). Signalons aussi la définition que LALANDE donne à ce terme. Selon lui, la logique est une : «science ayant pour objet de déterminer, parmi toutes les opérations intellectuelles tendant à la connaissance du vrai, lesquelles sont valides et lesquelles ne les sont pas »(7(*)). En définitive, la science logique étudie les conditions de possibilité d'un raisonnement correct.

    Précisons que le terme logique est apparu pour la première fois dans le titre de l'ouvrage de Démocrite (8(*)) (460-371 ACN) : Des questions de logique, autrement dit des canons, dont ne subsistent que des fragments. Mais que signifiait le terme logique pour Démocrite ? Difficile de le savoir. Aristote lui-même n'a jamais employé ce mot. Il désignait sa science tantôt par l'adverbe logiquement, tantôt par le terme dialectique. Kotarbinski nous apprend ce qui suit : « Aristote note que le créateur de la dialectique avait été Zénon d'Elée (490-430), et il appelle dialectique l'art de la spéculation verbale pratiqué par les éléates. Ce sont les stoïciens qui employaient le terme dialectique pour désigner l'objet qui nous intéresse »(9(*)).

    Au premier siècle avant notre ère, les élèves d'Aristote publièrent ses écrites relatifs à ses recherches logiques sous le titre général d'organon. Mais la question relative à l'appellation de cette science sera complètement résolue au XVIIIème siècle. En effet, «c'est KANT (1724-1804) qui forge le terme logique formelle. Il appelle ainsi le système de la logique existant avant lui, dont l'essentiel consistait en la syllogistique. Il estime que c'est là un système achevé, parfait, qui n'a aucune chance de se développer à l'avenir et lui oppose la logique transcendantale, qui n'est autre chose que la façon particulière dont il a développé le système des catégories »(10(*)).

    1.1.3. Approche mathématique

    La logique dans un contexte mathématique ne saurait se comprendre sans la notion d'algorithme. Ce dernier se définit comme «un semble de règles opératoires dont l'application permet de résoudre un problème énoncé au moyen d'un nombre fini d'opérations »11(*)  André LALANDE renchérit en ce sens : «ensemble de symboles et de procédés de calcul »(12(*)).

    Pour information, l'algorithme est une algèbre inventée par un mathématicien arabe du IXème siècle (PCN) répondant au nom de AL Kharezmi (13(*)). Le terme algorithme serait la déformation du nom de AL Kharezmi.

    La logique moderne ou la logistique est donc une sorte d'algèbre ou de structure algébrique qui s'applique aux catégories (au sens aristotélicien) de la quantité et de la qualité. George Boole note à propos que l'algèbre de la logique est « une méthode qui repose sur l'emploi des symboles dont on connaît les lois générales de combinaisons et dont les résultats admettent une interprétation cohérente »(14(*)).

    Depuis le début du 20ème siècle, la logique se développe sous deux aspects : l'un est dit syntaxique et l'autre sémantique.

    Le point de vue syntaxique considère les symboles utilisés comme dépourvus de toute signification. Ainsi p ne sera rien d'autre que la seizième lettre minuscule de l'alphabet français et ce sera en tant que lettre minuscule qu'elle sera combinée de telle ou telle façon avec d'autres lettres ou d'autres signes. Le point de vue syntaxique apparaît ainsi comme un calcul.

    Pour le point de vu sémantique, p désignera une proposition vraie ou fausse et c'est en tant que proposition vraie ou fausse qu'elle sera reliée à d'autres propositions. Ce second point de vue s'offre plutôt comme une langue artificielle, car les symboles sont considérés comme pourvus de signification.

    Voilà ce que nous pouvions dire de l'approche mathématique de la logique.

    I.2. Révolution paradigmatique

    Le contenu du terme révolution et la notion de paradigme nous viennent de la conception de l'histoire des sciences de Thomas Samuel Kuhn.

    En effet, Kuhn estime qu'à certains moments, toute science subit une révolution et que cette révolution comprend essentiellement trois étapes. A savoir : la science normale, la science extraordinaire et la révolution proprement dite ou le changement de paradigme opératoire.

    «La science normale est la forme la plus courante de l'activité scientifique »(15(*)). Elle est caractérisée par le fait qu'elle exploite un paradigme autour duquel se rassemble, à un moment déterminé, une communauté scientifique également bien déterminée. Sur ce, Kuhn dit que la science normale «est une activité de recherche essentiellement régie par des paradigme collectivement établis ; elle reflète la nature du paradigme qui la régente et la conditionne »(16(*)).

    Quant au paradigme, il peut être compris comme un modèle (explicite ou implicite) qu'une communauté scientifique exploite en vue de régler ses activités de recherche. Notons qu'en science normale, le paradigme est érigé en une tradition solidement partagée par les membres de ladite communauté. De cette façon, nous pouvons affirmer que la science normale progresse de manière cumulative, parce que opérant sur base d'un modèle unique.

    La science extraordinaire est pratiquée dans l'état de crise qui prélude à une révolution scientifique. Lorsque le paradigme en cours est constamment confronté à des anomalies, à des résultats qui ne correspondent pas aux prédictions attendues de son exploitation, il arrive que ces anomalies deviennent actives et se développent d'une manière irréversible et irrésistible. Le paradigme entre alors en crise. Selon Kuhn, la crise signifie « qu'on se trouve devant l'obligation de renouveler les outils »(17(*)). C'est alors que prendra place un type de recherche nouveau, celui de la science extraordinaire. Ce nouveau type de recherche est caractérisé par le fait que les principes et les méthodes qui fondent la science en question sont soumis à une discussion critique de type philosophique, de nouveaux modèles sont proposés jusqu'à ce que l'un deux finisse par emporter l'adhésion d'une partie au moins de la communauté qui subit la crise.

    Ainsi, y aura-t-il révolution proprement dite lorsque la transition de la science extraordinaire aura pris fin, c'est-à-dire lorsque ladite communauté scientifique abandonnera l'ancien paradigme pour finalement adhérer à un nouveau qui déterminera alors la révolution de cette science. Un véritable bouleversement ! Une rupture !

    Nous estimons que la thèse de Kuhn se justifie et se vérifie à travers l'histoire. Dans les lignes qui suivent, nous tâcherons d'illustrer cette thèse et de la démontrer.

    CHAPITRE DEUX : LA SCIENCE NORMALE DE LA LOGIQUE

    Nous pouvons beau dire que la science normale de la logique ou la syllogistique traditionnelle, par rapport à la logique moderne, est qualitative, non symbolique et qu'elle repose essentiellement sur le principe du tiers exclu. Cela est certes vrai, mais n'explique en rien le paradigme qui la rend si différente de la logistique.

    Notre thèse est que la syllogistique traditionnelle utilise un paradigme emprunté, sinon similaire à celui des sciences de la nature.

    En effet, la science logique est considérée comme l'invention d'Aristote Bien entendu quelques présocratiques et socratiques ont abordé cette question bien avant le stagirite. Cependant, il a le mérite d'avoir su systématiser et ordonner cette science.

    Ainsi, pour justifier notre thèse, nous allons d'abord étudier les présocratiques, ensuite les socratiques, puis les post-socratiques et, enfin, nous terminerons par les auteurs du moyen-âge.

    II.1. Antiquité

    II.1.1. Les présocratiques

    Les présocratiques étaient des physiologues. Par définition, la physiologie est « l'étude du fonctionnement normale d'un organisme vivant ou de ses parties » (18(*)). Là, c'est le sens actuel de ce terme. En réalité, nos physiologues présocratiques étudiaient plutôt le « physis » (le monde) pour en connaître le principe explicatif. Pour les uns, ce principe était le feu ; pour d'autres, l'être ; pour d'autres encore, l'atome... même l'un des plus grands mathématiciens de l'antiquité, Pythagore, s'est adonné à l'étude des nombres justement pour comprendre l'univers.

    Ceci étant, nous allons survoler quelques uns de ces physiologues par rapport à leur contribution à l'élaboration de la science logique.

    · HERACLITE D'EPHESE (567-480 ACN)

    Héraclite part de l'idée selon laquelle le principe explicatif de l'univers est le feu. Comme toute chose, pense-t-il, est intrinsèquement constituée de feu et que le feu a la propriété de tout consumer, il en déduit qu'aucun être ne peut garder deux fois le même état dans deux moments différents. Voici sa célèbre formule : « tout est en flux, tout meut à la manière d'un fleuve, tout change toujours, rien ne demeure jamais » (19(*)) c'est pourquoi, dans cette optique, le changement de l'être demeure aussi longtemps que survit l'être lui-même. Ainsi, la véritable harmonie naît précisément de la coexistence et de la lutte des contraires. Quant au logos, c'est-à-dire la loi suprême de l'univers, loi qui n'a pas créé le feu, mais qui le manipule et le régit comme un enfant, il se maintient en qualité de loi- mère.

    En logique, la contribution d'Héraclite est appelée principe de contradiction. Il signifie qu'il est possible de concevoir à la fois, sous un même angle et dans le même contexte, « p » et « non p ». En termes clairs, il est possible qu'une chose soit et ne soit pas à la fois.

    Il nous semble évident qu'Héraclite ait exploité le paradigme physiologique (au sens présocratique) pour aboutir à son principe logique,

    · Parménide et Zénon d'Elée

    Parménide (VIème siècle ACN) affirme tout le contraire d'Héraclite. Pour lui, « l'être est et le non - être n'est pas » ce qui revient à la formulation implicite du principe d'identité. Ce principe signifie, logiquement qu'un même terme doit toujours, au cours d'un même raisonnement, représenter un même concept. Autrement dit, les concepts logiques doivent être fixes, immuables, car le vrai et le faux sont intemporels, c'est-à-dire invariables aussi bien dans le temps que dans l'espace.

    Quant à Zénon d'Elée (Vème siècle ACN), disciple de Parménide, nous disons qu'il nous a offert le premier recours au raisonnement par l'absurde (la reductio ad absurdum) (20(*)) et nous a fait noter l'impossibilité de traduire en toute rigueur, une réalité continue par un langage discontinu ; et une réalité mouvante par un langage statique. Sur ce, nous pouvons nous référer au célèbre argument de la dichotomie d'Achille et de la tortue : Achille qui court vite ne saura jamais rattraper la tortue, car il est obligé, à chaque fois, de faire la moitié de la motié de la distance qui le sépare de la tortue.

    · Démocrite d'Abdère (Vème siècle ACN)

    Pour Démocrite, le principe explicatif de l'univers n'est ni l'eau, ni l'air, ni le feu (etc.), mais plutôt l'atome. C'est par l'atome que s'explique la naissance et la mort de l'être. Pour lui, l'atome demeure foncièrement homogène, indestructible qualitativement et quantitativement ; les atomes sont en nombre infini et tout le réel se réduit à la réalité des atomes qui, en se mouvant, en se regroupant et en se dissociant dans le vide par pression et par choque, forment les multiples et divers êtres de l'univers en même temps qu'ils occasionnent leur mort par leur dissociation.

    Notons que Démocrite est l'auteur de Des questions logiques, autrement dit des canons, quoique l'on arrive point à savoir le sens qu'il donnait au terme logique.

    De lui, l'on retient cependant le principe logique de coexistence des contradictions.

    II.1.2. les socratiques

    La période socratique est caractérisée par le fait que les recherches tournent autour de l'homme et non plus sur le physis.

    · Protagoras d'Abdère et Gorgias de Léontini

    Protagoras d'Abdère (Vème siècle ACN) et Gorgias de Léontini (485-380) s'inspirent du principe empiriste de Démocrite. Le premier affirme que « l'homme est la mesure de toute chose ». Pour le second, « la vérité n'existe pas ; ce qui existe, c'est plutôt une bonne argumentation ».

    En résumé, l'école de Protagoras et de Gorgias  « soutient que la vérité est une construction relative au contexte et que le critère d'une argumentation vraie est sa force de persuasion » (21(*)).

    · Socrate (470-399ACN)

    Socrate a mené une lutte acharnée contre les sophistes. Selon lui, la vérité ne peut qu'être absolue. Il était ainsi préoccupé de vérité pour la bonne conduite de la société. Il disait à ce propos : « si l'homme connaît le bien à faire, il le fera nécessairement ; car s'il fait le mal, c'est simplement parce qu'il ignore le bien à faire ». Aussi, va-t-il s'atteler à l'étude des notions, des concepts grâce à la maïeutique (art d'accoucher de la vérité) et de l'ironie (art de détruire les connaissances apparemment vraies).

    Signalons que Socrate n'accordait pas beaucoup d'importance aux mathématiques. A ces propos, il « disait qu'il fallait apprendre la géométrie jusqu'à ce qu'on fut capable de mesurer une terre que l'on veut acheter, vendre, diviser ou la bourrer... mais qu'on passât l'étude de la géométrie jusqu'aux problèmes les plus difficiles, c'est ce qu'il désapprouvait ; il disait qu'il n'en voyait pas l'utilité. Ce n'est pas qu'il les ignora lui-même, mais il prétendait que la recherche de ces problèmes est faite pour consumer la vie de l'homme et le détourner d'autres études utiles » (22(*))

    · Platon (428/427-348/347 ACN)

    Disciple de Socrate et fondateur de l'académie, Platon alla au delà de la maïeutique et de l'ironie pour nous proposer la dialectique. Pour lui, la vérité se trouve dans les jugements et que la dialectique nous permet justement d'atteindre cette vérité. René taton nous apprend que « Platon s'intéressait aux mathématique et aucun des problèmes qui préoccupaient les mathématiciens de son époque ne lui était étranger » (23(*)). D'ailleurs, n'était-il pas affiché au fronton de l'Académie que « nul n'entre ici s'il n'est géomètre » ?

    Signalons que, pour Platon, les objets mathématiques occupent un plan intermédiaire entre le monde idéel ou la theoria et la doxa ou les objets sensibles.

    De ce qui précède, il transparaît clairement que, pour Platon, les mathématiques n'occupent pas le premier rang dans son échelle épistémologique et que le sensible lui sert de tremplin, mieux de passage obligé pour accéder au monde des idées.

    II.1.3. Les post- socratiques

    · Aristote (384 - 322 ACN)

    Par son effort de systématisation, Aristote peut être considère comme l'inventeur de la science logique. Disciple de Platon et membre de l'Académie, il deviendra par la suite penseur autonome, puis fondera le Lycée. Il était également un grand naturaliste.

    Les écrits d'Aristote se rapportant à la logique, on le sait, ont été réunis par ses disciples sous le nom d'organon (instrument) et comportaient cinq livres, à savoir :

    1° les catégories

    2° De l'interprétation

    3° les analytiques

    4° les topiques

    5° les réfutations sophistiques

    Nous supposons que cette logique d'Aristote est connue de tous. Aussi, allons-nous nous contenter de porter quelques petites critiques sur elle.

    En gros, la logique aristotélicienne, qui a subi, sinon bénéficié de l'apport de ses disciples proches et lointains, s'inspirait, à notre avis, de deux modèles : la zoologie et la géométrie. Force nous est de constater que le zoologique l'emportait sur le géométrique qui se faisait sentir à peine. Nous nous justifions en évoquant quelques anomalies du système aristotélicien du point de vue formel, lesquelles sont tributaires de ce penchant zoologique.

    Aristote, en effet, classe les prédicats en dix catégories ou classes d'êtres ou encore genre suprêmes. Notons qu'une catégorie peut être prédicat de divers sujets, mais ne peut être sujet d'aucun énoncé, car on ne peut rien en dire. Cette classification ne nous renvoie-elle pas ou ne nous suggère-t-elle pas la zoologie ?

    De plus, la théorie de la définition des concepts d'Aristote, laquelle exige un genre proche et une différence spécifique pour définir un concept, ne nous renvoie-elle pas non plus à la zoologie ?

    Aussi, ce penchant zoologique pose -t-il problème, de fois, au niveau formel. A titre exemplatif, nous évoquerons le cas de la première règle du syllogisme catégorique, laquelle stipule que « le syllogisme ne comporte que trois propositions comprenant trois termes univoques ». En réalité, cette règle suppose et implique l'analyse préalable des contenus des termes du syllogisme. Or une science qui se veut formelle doit justement faire abstraction des contenus des termes pour ne retenir que leurs formes. Conséquence : la logique aristotélicienne n'est pas totalement formelle.

    Outre, la démonstration de bamalip, mode concluant de la quatrième figure qu'aurait inventée Galien (129-199 PCN), en barbara pose aussi problème, car la conversion dite par accident, que permet la lettre P de bamalip, ne s'applique qu'aux propositions universelles E et A. Aussi, on est en droit de se demander au nom de quelle inférence transforme-t-on le « I » de bamalip en « A ».

    · Les Mégaro - stoiciens

    L'école de Mégare et celle de la stoa sont intimement liées. L'une a pour fondateur Euclide de Mégare et l'autre Zénon de Cittium.

    Euclide de Mégare (450 - 380 ACN), disciple de Socrate, puis fondateur de l'école mégarique ( à ne pas confondre avec Euclide d'Alexandrie, l'auteur présumé des Eléments) a lui même subi l'influence des éléates, surtout celle de Zénon d'Elée avec sa dialectique. Euclide s'est orienté à la recherche de difficultés, de subtilités, de procédés paradoxaux et eut des disciples célèbres comme Eubulide de Millet, Diodore de Cronos, Stilton et Philon de Mégare. Cette école a exercé une certaine influence sur Zénon de Cittium (333/332-261/260 ACN), fondateur de l'école stoïcienne.

    Quant à l'école de la Stoa, MUTUNDA MWEMBO nous apprend que « dans cette école, les maîtres et les disciples font graviter la science autour d'une triade constituée par la physique, la logique et la morale » (24(*)).

    Notons que leur science est essentiellement empirico- panthéiste. En effet, les stoïciens sont convaincus que « le monde est Dieu et que Dieu est aussi cette matière » (25(*)). Du coup, étudier le monde, c'est chercher à découvrir Dieu. Sur le plan logique, les conséquences sont telles qu'il n'y a pas de place pour un syllogisme catégorique.

    Aussi, les stoïciens favorisaient-ils le syllogisme hypothétique, car l'homme doit poursuivre le cours naturel des événements, la loi du monde.

    Brachard accuse l'adaptation de la logique d'Aristote et celle de Mégaro-stoïciens par les médiévaux, car les deux logiques relèvent de deux philosophies bien différentes : celle de la substance (Aristote) et celle de l'événement (les Mégaro-stoïciens). A ce propos, il dit ce qui suit : « la substance s'exprime naturellement par un nom et l'événement par une proposition, la marque distinctive de la logique stoïcienne par rapport à la logique péripatéticienne était d'être une logique des propositions, et non plus une logique des noms » (26(*)).

    L'une des figures les plus importantes de la Stoa est Chrysippe, celui-ci a toujours été reconnu, dans l'antiquité, même par ses adversaires, comme un très grand logicien, mis au même rang qu'Aristote et même quelque fois avant lui. Diogène Laerce disait : « si les dieux ont une logique, c'est celle de Chrysippe » (27(*)) et non celle d'Aristote, sous entendu.

    En effet, « Chrysippe (281 - 208 ACN) achèvera d'intégrer à la doctrine stoïcienne les éléments de la dialectique mégarique, scellant ainsi entre les deux écoles une parenté solide. De cette alliance, résultera une tradition de recherche féconde qui laissera des découvertes significatives dans le domaine de la logique. Ces découvertes, on le sait, non seulement touchent aux principes fondamentaux de la logique, mais aussi comportent des lois logiques et des rudiments de formalisation » (28(*))

    De plus, la logique mégaro-stoïcienne était axiomatisée à sa manière. Elle admettait cinq indémontrables ou axiomes que voici :

    1° si le premier alors le second, or le premier, donc le second ;

    2° si le premier alors le second, or pas le second ; donc pas le premier ;

    3° pas à la fois le premier et le second, or le premier ; donc pas le second ;

    4° ou le premier ou le second, or le premier ; donc pas le second ;

    5° le premier ou le second, or pas le second ; donc le premier.

    II.2. Moyen âge

    II.2.1. La Scolastique

    La logique est devenue scolastique à partir du moment où elle a été enseignée dans des écoles, ou sens des universités. « C'est surtout dans les traductions et les commentaires de Boèce que l'on commença à prendre contact avec les oeuvres logiques d'Aristote » (29(*))

    La logique scolastique comprend trois grands moments, à savoir : l'ars vetus, l'ars nova, logico modernorum (30(*))

    L'ars vetus est centré sur le contenu de l'Isagoge de Porphyre, des catégories et des interprétations traduits par Boèce. Cette période est dominée par la personnalité de pierre Abélard (1079 - 1142). Ce dernier a écrit dialectica.

    L'ars nova est fondée sur la totalité de l'organon. La diffusion de l'ars nova a été assurée par des savants comme Albert le grand et Thomas d'Aquin quoiqu'ils étaient plus philosophes que logiciens, car ils voyaient dans la logique un simple instrument au service de la théologie et de la philosophie.

    C'est avec Guillaume d'Occam, inventeur de la fameuse science des conséquences, Jean Bouridan et Albert de Saxe que la logique médiévale prendra sa forme propre. C'est justement ce que l'on a appelé logico modernorum.

    II.2.2. Le monde Arabe

    Les traductions d'Aristote par les arabes manifestaient l'intérêt que ceux-ci avaient pris à son oeuvre ; ils voyaient en lui le premier philosophe, le deuxième étant AL-Fabari qui, au début du 10ème siècle, avait fait de l'étude de la logique un élément indispensable de la culture islamique. Si nous en croyons Blanché, c'est lui qui a introduit le terme technique de « prémisses » (31(*))

    Le troisième philosophe, Avicenne, avait lui-même écrit un important traité de logique, lequel constitue la première partie de le livre de science. En effet, ce grand esprit affirmait que « la logique est la science (semblable à) la balance (...) or toute science qui n'est pas évaluée par la balance n'est pas certaine et, en vérité, n'est pas science. Par conséquent, on ne peut se dispenser d'acquérir la science de la logique » (32(*))

    Dans le chapitre consacré à l'étude des syllogismes de connexion (syllogismes hypothétiques), force est de constater l'effort de mathématisation qu'il déploie sur les figures de ces syllogismes, lesquelles sont plutôt des variantes du syllogisme hypothétique développées de façon originale.

    De plus, ce qu'il appelle démonstration par supposition est une belle illustration de la règle de substitution. A titre exemplatif, pour une proposition du genre « quelques A ne sont pas B », étant donné que ce « quelques A » est nécessairement quelque chose, soit D ; alors nous dirons « nul D n'est B ».

    L'influence arabe sur les scolastiques occidentaux est surtout celle d'Averroès, dont les commentaires sur l'oeuvre d'Aristote sont, peu de temps après sa mort en Espagne, en 1198, introduits à Paris et à Oxford. Et d'ailleurs, les scolastiques avaient coutume à le nommer simplement « le commentateur ».

    II.2.3. Les maîtres hindous

    Deux maîtres hindous du 6ème et 7ème siècle (PCN) passent pour les théoriciens de la dialectique, mieux de la logique indienne. Ces deux maîtres sont DIGNAGA (33(*)), auteur d'un ouvrage intitulé Pramana-Samuccaya et de son grand commentateur, maître Dharmakviti, auteur d'importants traités de logique comme :

    - Pramana Vartika : principal ouvrage comprenant quatre chapitres traitant de l'inférence, de la validité, de la  connaissance, de la perception et du syllogisme.

    - Pramana Vaniscaya et Nyaya-bindu, des abrégés du Pramana vartika, etc.

    De façon globale, la doctrine hindouiste distingue six points de vue (Nyaya, Vaisheshika, Shankya, Yoga, Mimansha et Vedanta) (34(*)), lesquels sont conçus comme autant de vision de la vérité perçue sous des angles différents, donc complémentaires.

    Force est de constater que le Nyaya (la logique) constitue un couple avec le vaisheshika (système philosophique indien ayant trait aux spécificités de la réalité du monde. Ce système recense et spécifie les constituants de l'univers). Nous voyons clairement que même les indiens savaient intuitivement, mieux établissaient nettement un certain rapprochement entre la logique et les sciences de la nature.

    Le Nyaya ou la logique hindouiste distingue quatre formes d'arguments que voici :

    1° la constatation directe ou l'observation. C'est la perception directe par les sens. Cette perception représente ainsi une forme d'argument.

    2° le deuxième argument est assez spécial et on le nomme comme suit : «l'inférence de ce que l'on voit fait ce que l'on ne voit pas ». A notre humble avis, ce raisonnement est fort similaire à l'induction et au raisonnement par analogie.

    3° le couple classique à cinq membres que voici :

    a) La proposition ;

    b) La raison ;

    c) La déclaration à l'appui ;

    d) L'application ;

    e) Et la conclusion.

    Cette forme de raisonnement est une sorte d'épichérème qui se développe de façon naturelle. Voici un exemple de cette inférence, un exemple tiré de la culture hindoue :

    a) La proposition : la montagne a du feu (le volcan).

    b) La raison : en raison de la fumée ;

    c) La déclaration à l'appui : tout ce qui a de la fumée a du feu ;

    d) L'application : il en est de même de la cuisine et non du lac ;

    e) La conclusion : par conséquent, il en est ainsi ;

    4° Le témoignage verbal ou écrit d'une autorité (l'argument d'autorité).

    CHAPITRE TROIS: LA SCIENCE EXTRAORDINAIRE DE LA LOGIQUE

    Ce troisième chapitre nous décrit la science extraordinaire de la logique et nous l'avons réparti en deux grands moments : le premier nous présente diverses tentatives entreprises pour sortir de la crise de la logique ancienne et le second nous présente les précurseurs de Boole.

    III.1. Propositions de nouveaux modèles

    · Raymond Lulle (1235-1315)

    Par sa date de naissance, Lulle est certes un médiéval, mais par ses idées, (lesquelles étaient trop en avance sur son siècle), il peut être considéré comme un précurseur de la logique combinatoire.

    Après avoir mené une vie de troubadours, après s'être mariée et avoir eu deux enfants, il se senti mystérieusement appelé à changer sa vie. Ainsi, quitte -t-il sa femme et ses enfants et s'impose un triple projet, à savoir : écrire des livres dénonçant les erreurs des infidèles, fonder des collèges pour l'enseignement des langues en vue de la prédication et évangéliser les musulmans.

    Après une très abondante production littéraire, il expose sa méthode dans son ouvrage fondamental Ars Magna et Ultima, ainsi que dans l'Ars brevis, qui en est un abrégé. Le but de sa méthode était de prouver les vérités de la foi. Cette méthode ressortait de la logique formelle et s'apparente aux mathématiques les plus modernes. Notons aussi que Raymond Lulle nourrissait l'idée d'une langue universelle.

    Selon lui, chaque branche du savoir se ramène à un petit nombre de catégories de base. La combinaison de celles-ci fournissent l'indéfinie diversité des connaissances accessibles à l'esprit humain.

    « Lulle prend pour point de départ un certain nombre de termes fondamentaux, parmi lesquels on trouve les noms des qualités, des relations, les particules caractéristiques de diverses espèces de question et bien d'autres. Il soumet cet alphabet de son art à divers arrangements permettant de passer en revue tous les ensembles possibles faits de ces éléments. Il bâti enfin une machinerie composée de cercles concentriques et doués de mouvements indépendants »(35(*))

    En effet, Lulle voyait dans son Grand Art une sorte de Super-Science, une métascience. Son ambition peut se résumer comme suit : découvrir des combinaisons logiques à l'aide d'un dispositif mécanisé, donc sans erreur. Cependant, sa tentative devait tourner court car les aides mécaniques dont il disposait restaient trop sommaires et rudimentaires.

    Néanmoins, il a été apprécié par nombre d'intellectuels et de philosophes postérieurs comme Nicolas de Cues, Pic de la Mirandole, Girdano Bruno et surtout par Leibniz.

    · Francis Bacon (1561-1626)

    Adversaire de la scolastique, Bacon était habité, voire hanté par l'idée de restaurer les sciences et de substituer aux hypothèses et aux subtiles argumentations, qui étaient alors en usage dans des écoles, l'observation et les expériences. A ce titre, il peut être considéré comme le père de l'empirisme et de la méthode expérimentale.

    En 1620, il publia le novum organum où il expose une logique nouvelle qu'il oppose à l'antique méthode d'Aristote. Dans l'étude des faux raisonnements, sa meilleure contribution a été la doctrine des idoles. En effet, les idoles ou obstacles à l'appréhension des choses sont des modes d'enfermement de l'esprit en lui-même et des causes d'immobilisme. Il y a au total quatre idoles (36(*)) que voici :

    1° Idola tribus ou idoles de la tribu : elles sont inhérentes au genre humain et à l'entendement en général. Exemple : généraliser trop vite à partir d'un petit nombre de cas sans se soucier des contre-exemples.

    2° Idola specus ou idoles de la caverne : celles-ci sont des préjugés propres à chaque individu et dont il est le prisonnier. Il s'agit de sa constitution, de son tempérament, de son caractère, de ses goûts, de son éducation ; bref, ce sont des aberrations particulières.

    3° Idola fori ou idoles de la place publique ou encore idoles du forum : elles sont constituées des préjugés provenant des relations sociales et du langage, car les mots créent un rapport fallacieux aux choses.

    4° Idola theatri ou idoles du théâtre : celle-ci sont liées au mode de présentation et de transmission du savoir. En d'autres termes, elles proviennent des théories et des systèmes philosophiques, car tous ces systèmes sont autant de pièces de théâtre que les philosophes ont mis au jour, comme autant de mondes imaginaires.

    Outre, Bacon considérait qu'il y a trois sortes d'inductions, à savoir :

    1° l'induction spontanée de l'esprit, laquelle est la plus souvent erronée ;

    2° l'induction traditionnelle, laquelle procède par énumération des cas positifs, cette induction s'expose à la ruine par le premier cas contradictoire ;

    3° l'indiction du novum organum. Celle-ci découvre les lois de la nature et les causes des phénomènes en se fondant sur le plus grand nombre possible de comparaison et d'exclusion, donc sur les cas positifs et négatifs au même moment.

    · René Descartes (1596- 1650)

    De prime abord, nous disons que Descartes n'a pas écrit un livre traitant expressément de la logique. Mais, nous trouvons des précieux renseignements concernant la mathesis universalis ou la méthode universelle aussi bien dans Les règles pour la direction de l'esprit (1628) que dans Le discours de la méthode pour bien conduire sa raison et rechercher la vérité dans les sciences (1637), mieux connu sous le titre abrégé de Discours de la méthode. Voici comment il formule cette méthode universelle en quatre règles :

    1° ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je la connusse évidemment être telle (règle de l'évidence) ;

    2° diviser chacune des difficultés que j'examinerais en autant de parcelles qu'il se pourrait et qu'il serait requis pour les mieux résoudre (règle de l'analyse) ;

    3° conduire par ordre mes pensées en commençant par les objets les plus simples et les plus aises à connaitre pour monter peu à peu, comme par degré, jusqu'à la connaissance des plus composés et supposant même de l'ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres (règle de l'analyse) ;

    4° faire partout des démembrements si entiers et des revues si générales que je fusse assuré de ne rien omettre (règle du dénombrement) (37(*)).

    Ces précieux conseils du Discours de la méthode ont influencé largement les logiciens de Port-Royal : Antoine Arnould (1612-1694) et Pierre Nicole (1625-1695).

    Outre, l'idée de l'invention d'une caractéristique universelle, on la retrouve seulement dans ses correspondances avec Mersenne (38(*)).

    Descartes avait aussi étudié la logique, qu'il dénonçait l'inefficacité et l'insuffisance, et l'art de Lulle, qu'il y avait décelé le danger d'une mécanisation de la pensée. A ce propos, il disait : « j'avais un peu étudié, étant jeune, entre les parties de la philosophie, à la logique (...) mais en les examinant, je pris garde que, pour la logique, ses syllogismes et la plupart de ses autres instructions servent plutôt à expliquer à autrui les choses qu'on sait ou même, comme l'art de Lulle, à parler sans jugement de celles qu'on ignore, qu'à les apprendre » (39(*))

    III.2. Les précurseurs de BOOLE

    · Gottfried Wilhelm LEIBNIZ (1646-1716)

    « L'un des motifs directeurs de l'activité intellectuelle de Leibniz était l'idée qui le poursuivait depuis sa prime jeunesse de fonder une langue artificielle, à l'aide de laquelle il serait possible de raisonner, d'une manière calquée sur la façon si stricte et certaine dont on effectue les opérations de calcul ». (40(*)) Lulle a rêvé de quelque chose de pareil, mais il ne disposait pas de ressources nécessaires pour réaliser ce rêve. De plus, Raymond Lulle mêlait à ses schémas la théologie et la mystique.

    Leibniz, par contre, avait l'esprit rivé sur l'arithmétique et l'algèbre. Il estimait aussi que le contenu de tout terme est un caractère soit simple, soit composé de caractères simples. En termes clairs, toute proposition n'est que la combinaison de concept sujet et de concept prédicat ; et que tout concept complexe est analysable en concepts simples dont les relations sont codifiables en formules combinatoires symboliques.

    Notre auteur voyait dans son art combinatoire une sorte d'algèbre universelle utilisable pour évaluer logiquement n'importe quelle proposition, même en morale et métaphysique. Il disait : « grâce à l'emploi de cet art, il ne devrait plus y avoir matière à discussion entre philosophes qu'il n'y en a entre comptables. Il leur suffirait de prendre en main leur crayon, de s'asseoir devant un tableau et de se dire mutuellement : Et bien ! Calculons  » (41(*)).

    Leibniz s'attendait à obtenir deux objets simultanés : construire un système de nomenclature universelle, qu'il appelait characteristica universalis, et établir les principes d'une sorte de calcul qui remplacerait le raisonnement, et qu'il appelait calculus ratiocinator. Cette caractéristique universelle est appelée idéographie par Kotarbinski, car les signes graphiques désignent la compréhension ou l'objet des idées de façon directe et non par l'intermédiaire d'une reproduction des mots correspondants du langage phonétique.

    Leibniz propose ainsi un modèle arithmétique de la combinatoire (42(*)) dont il espère tirer une logique de l'invention. Les concepts sont représentés par des nombres. On peut ainsi définir tous les prédicats possibles d'un sujet donné en utilisant la règle de calcul des combinaisons ci-dessous :

    K représente le nombre de termes simples entrant dans la définition du terme complexe. Le problème inverse de trouver tous les sujets possibles pour un prédicat donné revient à déterminer toutes les combinaisons où peut entrer la combinaison correspondant à ce terme prédicat. A supposer que n soit le nombre total des termes simples et que k représente le nombre de la combinaison du prédicat, la formule à appliquer s'énoncera comme suit :

    - 1

    En éliminant la possibilité d'identité entre le prédicat et le sujet, la formule de calcul devient :

    Voyons maintenant le problème du nombre de syllogismes requis pour démontrer une proposition, en excluant le cas où le sujet et le prédicat appartiennent à la même classe d'ordre (cas de l'identité). Soit k le nombre de facteurs (termes) simples de p (prédicat) et n le nombre de facteurs simples de s (sujet) ; en raison de l'exclusion de s lui- même, la formule donne ce qui suit :

    - 2

    Leibniz propose d'utiliser de telles ressources combinatoires pour résoudre des problèmes en droit, en physique, en théologie, etc.

    Ainsi, sans y parvenir, Leibniz s'efforça toute sa vie de construire une machine capable d'épuiser automatiquement toutes les combinaisons de principe. Malheureusement, ce mode de raisonnement porte en lui-même un germe empoisonné : le risque de tomber dans la mécanisation de la pensé tel que Descartes l'avait signalé...

    De plus, Kotarbinski nous renseigne ce qui suit : « Ni Raymond Lulle, ni Leibniz, ni personne n'est encore entièrement parvenu à ce jour à construire une idéographie universelle suffisamment pratique, ni à édifier au moyen de cette idéographie un nombre suffisant de formes de raisonnement qui permettent de calculer en quelque sorte toutes les formes d'un raisonnement correct » (43(*)).

    Toutefois, Leibniz a élaboré un certain nombre de formules logiques, entre autres celle de calcul propositionnel, connues des stoïciens et des spécialistes médiévaux.

    · Bernard BOLZANO (1781-1848)

    Bernard BOLZANO est un mathématicien précoce, théologien catholique et philosophe original. Il a consacré le reste de sa vie aux mathématiques, à la logique et à la philosophie. Son oeuvre fut longtemps méconnue. Pourtant, il a introduit dans la logique les variables, défini correctement la limite et, avant Cantor, s'est servi du concept d'ensemble. Ses travaux ont également porté sur les fonctions et la théorie des nombres.

    Il est aussi connu pour le théorème qui porte son nom : théorème de BOLZANO, lequel s'énonce comme suit : « entre deux valeurs qui donnent des résultats de signe opposé, il y a au moins une solution réelle de l'équation » (44(*)). Un demi-siècle plus tard, ce même théorème sera développé conjointement avec Karl Weierstrass et portera alors le nom de théorème de Bolzano-Weierstrass. Ainsi, il s'énoncera comme suit « une fonction réelle continue entre a et b, positive pour a et négative pour b, s'annule au moins une fois entre a et b ». (45(*)) Pour ce, il définit le concept de continuité et celui de nombre réel.

    · WILLIAM HAMILTON (1788-1856)

    Son souci majeur semble celui de vouloir exprimer et formuler explicitement ce qui n'est pensé que sous une forme implicite. Ceci va l'amener à élaborer une doctrine de la quantification du prédicat permettant de distinguer dans une proposition telle que « tous les hommes sont des animaux » les deux propositions suivantes :

    1° tous les hommes sont tous les animaux ;

    2° tous les hommes sont quelques animaux.

    Cette pratique mène Hamilton à concevoir la proposition comme une équation à réduire les trois types communément reconnus de conversion à la seule conversion simple et à esquisser une nouvelle notation logique.

    Les disciples de Leibniz, on le sait, ont essayé de développer la logique formelle en s'y intéressant essentiellement sous l'angle des relations entre les compréhensions des termes. Au lieu d'évoluer dans la compréhension des termes, Hamilton va plutôt vers l'extension. Son souci étant qu'il faille « exprimer explicite ce qui est pensé implicite » (46(*)).

    Aussi, son nom est lié à la tentative d'enrichir la syllogistique de ce que l'on appelle « la quantification du prédicat ». Ceci consiste à faire précéder le prédicat d'un quantificateur, ce qu'on ne fait pas lorsqu'on énonce les propositions du carré logique. Ainsi, au lieu de ces quatre propositions (A, E, I, O,), nous obtenons les huit suivantes :

    U : tous les S sont tous les P ;

    I : quelques S sont quelques P ;

    A : tous les S sont quelques P ;

    Y : quelques S sont tous les P ;

    E : aucun S n'est aucun P ;

    W : quelques S ne sont pas quelques P ;

     : aucun S ne sont quelques P ;

    O : quelques S ne sont aucun P.

    · Auguste de Morgan (1806-1878)

    Mathématicien londonien, Auguste De Morgon formule deux lois de la logique qui portent son nom et notées comme suit :

    · (a+b)' = a'.b' ou (pvq) p q

    · (a .b)' = a'+b' ou (p q) p q

    Ces deux lois logiques sont appelées théorèmes de De Morgan, pourtant nous les rencontrons déjà au moyen-âge chez Guillaume d'Occam.

    De Morgan représente, en quelque sorte, le trait- d'union entre la syllogistique traditionnelle et la logique algébrique moderne. En effet, il a orienté ses efforts vers un enrichissement, une généralisation et une systématisation de la syllogistique. Cependant, sa culture de mathématicien familiarisé avec l'algèbre a influé sur sa méthode. A ce propos, Kotarbinski  dit « l'enrichissement et en même temps l'homogénéisation de la syllogistique traditionnelle consiste ici avant tout dans la quantification non seulement des sujets, mais également des attributs (ce qui constitue un trait qui est commun avec Hamilton), et, en outre, dans le fait qu'il introduit de façon aussi étendue que possible des termes négatifs et non seulement des termes positifs (ce qui, dans l'exposé de la logique traditionnelle n'apparaît que pour les obversions et les forment en dépendant, dans le cas de transfert de la négation de la copule à l'attribut » (47(*))

    Voici l'économie de la logique de De Morgan :

    Les termes positifs (comme homme, mortel) sont désignés par des majuscule : X, Y, Z, alors que les termes négatifs (comme non-homme, immortel ou non-mortel) leur correspondant par des minuscules : x, y, z.

    Un terme quantifié universellement (comme tout homme, aucun mortel) est accompagné d'un croissant dont la convexité est tournée vers l'extérieur. Exemple :

    X ou X.

    Un terme à quantification partielle (certains hommes, certains mortels) est accompagné d'un croissant en sens contraire. Exemple : X ou X.

    Deux termes avec croissants juxtaposé sans signe intermédiaire ou reliées à l'aide de deux points disposés horizontalement forment une proposition affirmative. Exemple X

    Deux termes avec croissants reliées par un point forment une proposition négative. Exemple : X

    Ainsi, fort des informations ci-hautes, nous pouvons, par exemple, formaliser les propositions d'Hamilton selon le modèle de De Morgan. P

    Les propositions d'Hamilton

    Leurs équivalents chez De Morgan

    U : Tous les S sont tous les P

    I : Certains S sont certains P

    A : Tous les S sont certains P

    Y : Certains S sont tous les P

    E : Aucun S n'est aucun P

    W : Certains S ne sont pas certains P

     : Aucuns S ne sont certain P

    O : Certains S ne son aucuns P

    X

    X

    X

    X

    X

    X

    X

    X

    Dans ce même ordre d'idée, l'obversion de X nous donnera X .

    Comme l'on peut s'en rendre compte, De Morgan n'avait pas prévu des foncteurs pour connecter les propositions entre elles. Aussi, va-t-il élaborer la théorie de la relation pour que, dans les schémas de la syllogistique généralisée, les membres représentés par les termes soient reliés par des relations arbitraires et pas nécessairement par les relations d'inclusion ou de non inclusion. Exemple : soit le raisonnement suivant :

    X..LY

    Y..MZ

    X..LMZ

    Si nous posons L pour la fraternité, M pour la paternité alors ce raisonnement se lira comme suit : X est le frère de Y, et Y le Père de Z, alors X est le frère du père de Z (en clair, l'oncle de Z).

    CHAPITRE QUATRE: LA RÉVOLUTION DE LA LOGIQUE FORMELLE

    Ce dernier chapitre comprend trois points. Le premier est relatif à George Boole : il nous décrit la situation socio-culturelle ainsi que scientifique qui permit à Boole de forger sa pensée et présente en même temps l'essentiel de la logique des classes. Le deuxième point dresse les portraits des continuateurs de Boole et leurs contributions à l'algèbre de la logique. Quant au troisième point, c'est une étude comparative de la logique des classes et celle des propositions inanalysées.

    IV.1. George Boole ou le père de la logique moderne (48(*))

    IV.1.1. Eléments bio-bibliographiques

    George Boole est né le 2 novembre 1815 à Lincoln (Royaume Uni) et mort le 8 décembre 1864 à Ballintemple (Irlande).

    Issu d'une famille pauvre, George n'avait pas les moyens financiers nécessaires d'aller à l'université. Cependant, ses capacités intellectuelles étaient très remarquables. Presque seul, il a appris le latin, l'allemand, le français et l'italien. Obligé de travailler pour soutenir sa famille, il devient enseignant à 16 ans.

    Quatre ans plus tard, Boole fonde et dirige sa propre école. C'est à ce moment là que le jeune autodidacte se plonge dans l'étude des mathématiques auxquelles son père l'avait initié dès l'enfance. Bénéficiant des moyens de l'institut de Mécanique de sa ville, il se confronte aux oeuvres d'Isaac Newton, de Pierre Simon Laplace et de Joseph Louis Lagrange. Mais très vite, il commence ses propres recherches.

    Ainsi, en 1839, il publie sa première étude dans le Cambridge mathématical journal. Cette publication et l'appui qu'il obtient du cercle des algébristes de Cambridge (Babbage, Herschel, Peacoke, Gregory) lui permettent de s'imposer petit à petit comme une personnalité importante du monde des mathématiques.

    Notons que déjà le 11 septembre 1835, il épousa Mary Eversest, nièce du Sir George Eversest, le responsable de la mission cartographique qui bâptisa le mont Everest. C'est donc avec Mary qu'il aura cinq filles : Mary, Margaret, Alicia, Lucy et Ethel Lilian.

    En 1844, après la publication d'un mémoire d'analyse dans les philosophical transactions, la Royal society lui décerne une médaille.

    Notons aussi que l'oeuvre de Boole s'est d'abord formée au contact des algébristes de Cambridge à qui il a emprunté l'idée d'un symbolisme algébrique fondé sur les opérations fondamentales (+, X, -) et détaché des quantités (nombre et grandeur), puis au contact du renouveau de la logique en Grande Bretagne sous l'influence de W Hamilton et de De Morgan, dont la théorie de la quantification du prédicat permettait d'envisager les propositions sous la forme d'équations entre deux notions définies en extension.

    En 1847, il publie Mathematical Analysis of logic dans lequel il définit la logique comme à la fois un calcul de signes arbitraires et comme expression des lois de la pensée. Puis an investigation into the laws of thought, on which are founded the mathematical theories of logic and probabilities en 1854. Là, Boole généralise son analyse algébrique de la logique traditionnelle en exprimant toutes lois comme valables pour une algèbre des seuls nombres 0 et 1, représentant respectivement la classe nulle et l'univers de discours des objets concevables. Il définit ensuite la notion générale de fonction logique. Ainsi, peut -il considérer la syllogistique comme un cas particulier d'une méthode algébrique plus générale.

    Les travaux de Boole, plus tard, trouveront des applications dans des domaines aussi divers que les systèmes informatiques, la théorie des probabilités, les circuits électriques et téléphoniques, etc.

    En 1849, Boole se voit proposer une chaire de professeur des mathématiques au Queen's College de Cork, en Irlande. En 1857, il est nommé membre de la Royal Society.

    Par la suite, Boole s'est intéressé aux équations différentielles à travers deux traités qui auront une influence certaine : tratise on diffirential Equations (1859) et treatise on the calculus of finite differences (1860).

    George Boole mourra d'une pneumonie le 8 décembre 1864. Il avait pris froid après s'être rendu au collège. Croyant au principe d'analogie, Mary l'avait alité et aspergé d'eau pour le guérir. Hélas, sans succès!

    Tout compte fait, la contribution fondamentale de Boole à la Logique est double : d'une part, cette discipline se trouve avec lui intimement associée aux mathématiques dans la lignée de l'idéal Leibnizien d'une caractéristique universelle et, d'autre part, elle se trouve associée aux structures algébriques avec le courant de l'algèbre de Boole et du calcul des classes qui allait se développer dans la seconde moitié du XIXème siècle avec Venn, Jevons, L. Caroll, Peirce et Schröder. A bien des égards, ce courant, qui repose sur la notion de vérité, de validité et d'interprétation d'une proposition dans un univers possible, représente une approche sémantique de la logique distincte de l'approche syntaxique et axiomatique qui allait être celle de Frege et de Russell, et qui reposait sur une conception différente de la quantification et non pas sur le calcul des classes. "Cette approche sémantique, qui fut celle de Löwenhein et de Skolem, n'a rejoint l'approche axiomatique que dans les années 1930, et a fait preuve de sa fécondité quand un mouvement d'abstraction supplémentaire a conduit à la formation de la notion de structure et à la théorie plus générale des algèbres de Boole (Huntington: 1933), ouvrant la voie à d'autre rapprochement entre logique et algèbre au sein de la théorie des modèles"(49(*)).

    IV.1.2. Eléments de la logique des classes

    A. Les classes, les symboles littéraux et les opérateurs de base

    · Les classes

    Il y a principalement deux classes chez Boole : la classe universelle ou l'univers de discours des objets concevables symbolisé par 1 et la classe nulle représentée par O. Ces deux classes sont des constantes. A ce propos, Lalande définit une classe logique de la manière suivante : " ensemble d'objets définis par le fait que ces objets possèdent tous et possèdent seuls un ou plusieurs caractères communs" (50(*)). La classe nulle ou vide ne possède qu'un seul caractère, celui d'être nulle ou vide.

    · Les symboles littéraux

    Les symboles littéraux tels que x, y, z (...), qui représentent les choses visées par les concepts et qui correspondent aux substantifs et aux adjectifs, sont eux-mêmes des classes quelconques, mieux des sous -classes de la classe universelle, à la seule différence que les symboles littéraux sont des variables, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas des contenus fixes, ils n'ont des contenus que ceux qu'on leur attribue.

    Soit la proposition suivante : tout mariage est heureux.

    Intentionnellement (c'est-à-dire en compréhension), le prédicat heureux désigne la classe de toute chose heureuse alors qu'extentionnellement il désigne au moins un individu de la classe des choses heureuses: le mariage.

    Quant à la classe complémentaire, elle est obtenue par la soustraction de la classe universelle par une classe quelconque et sa formule donne : (1-x) ou (1-y) ou encore (1-z).

    · Les opérateurs de base

    Boole utilisait quatre opérateurs de base (+, ., -, =) qui représentent respectivement la réunion ou la somme de deux classes, l'intersection de deux classes ou le produit logique, l'exception de certains éléments dans une classe donnée et l'identité extentionnelle, laquelle identité correspond à la copule Est de la forme de la proposition classique S est P.

    Un cinquième opérateur "v" est le sélectionneur de la classe des éléments communs à x et y, c'est-à-dire que c'est le quantificateur particulier. Par conséquent, une variable précédée de "v" est particulier alors que celle qui n'en est pas précédée est universelle.

    B. Les lois fondamentales de la logique des classes

    La logique des classes comporte un certain nombre des lois, lesquelles sont des axiomes facilitant le maniement aisé des opérateurs de base.

    a. La commutativité

    Formulation de la loi

    Son interprétation en langage ordinaire

    x.y= y.x

    Moutons blancs équivaut à blancs moutons

    x+y= y+x

    Moutons et boeufs équivaut à boeuf et moutons

    b. L'associativité

    Formulation de la loi

    Son interprétation en langage ordinaire

    x.(y.z) = (x. y).z

    L'intersection de x et y inter z équivaut à l'intersection de x inter y et z

    X + (y+z) = (x + y)+z

    La réunion de x et y union z équivaut à la réunion de x union y et z

    c. La distributivité

    Formulation de la loi

    Son interprétation en langage ordinaire

    x.(y+z) = (x. y)+ (z.x)

    Les africains (hommes et femmes) équivaut à les hommes africains et les femmes africaines

    x. (y-z) = (x .y) - (x.z)

    Les africains (les hommes mais pas les femmes) équivaut à les hommes africains mais pas les femmes africaines

    d. La loi des indices ou l'idempotence

    Formulation de loi

    Son interprétation en langage ordinaire

    x.x. = x2 =x

    La reproduction des congolais par des congolais donne des congolais

    Cette loi signifie qu'une itération donne toujours la même classe. En termes clairs, cet axiome signifie que la reproduction d'une classe par elle-même donne cette même classe.

    Notons qu'en algèbre, xn=x si et seulement si x =0 ou n =1.

    e. La loi de la complémentarité

    Formulation de la loi

    Son interprétation en langage ordinaire

    1-x

    Le complément de X= 1 - x si nous posons : x = hommes, alors la classe complémentaire de homme est non homme, c'est-à-dire tout ce qui n'est pas homme.

    Il semble clair que lorsque des lois semblables sont données, il devient possible de travailler à l'aide d'un calcul abstrait. On peut ainsi opérer des transformations d'équation sans se soucier de ce que représentent x, y ou z.

    C. Interprétation de la logique des classes

    La logique des classes peut être interprétée de différentes manières. C'est justement ces différences dans l'interprétation qui ont été à la base du courant de l'algèbre de Boole, mieux des algèbres de Boole, car ces algèbres Booléennes sont différentes les unes des autres par le fait qu'elles n'interprètent pas toutes de la même manière les opérateurs de base (+, ., -, =). Il sied de préciser que le courant des algèbres de Boole n'est pas l'oeuvre exclusive de Boole seul, quantité de chercheurs y ont apporté leur contribution.

    Toutefois, Boole distinguait deux types de propositions, à savoir : les propositions primaires et les propositions secondaires(51(*)).

    Les propositions primaires sont dépourvues de valeurs de vérité, c'est-à-dire qu'elles ne sont ni vraies ni fausses ni disponibles à l'être. Bref, ces propositions ne reçoivent aucune valeur de vérité.

    Nous nous proposons d'illustrer quelques exemples des propositions primaires.

    Soit la proposition suivante : tout y est x.

    En algèbre classique, nous pouvons la représenter comme suit : y.x = y. On pourra la lire de la manière suivante : l'intersection de y et x équivaut à y pour signifier que tout y est x.

    En logique des classes, conformément aux informations fournies ci-haut, nous pouvons formaliser la même proposition comme suit : y = x et on lira tout y est x, car le signe de l'identité correspond à la copule est.

    Comme nous le savons déjà, Boole a été influencé par la théorie de la quantification de W. Hamilton, laquelle a été reprise et améliorée par De Morgan. Aussi, notre propositions s'écrira de la manière suivante : y = v x et se lira tous les y sont quelques x, car v est l'opérateur de sélection de la classe des éléments communs à y et x. Autrement, c'est le quantificateur particulier.

    Maintenant nous pouvons formaliser les propositions de W. Hamilton à l'aide de la logique des classes.

    Termes mnénotechiques

    Propositions classiques

    Logiques de classes

    U

    Tous les y sont tous x

    y = x

    I

    Quelques y sont quelques x

    vy = vx

    A

    Tous les y sont quelques x

    y = vx

    Y

    Quelques y sont tous les x

    vy= x

    E

    Aucune y n'est aucun

    y= (1-x)

    W

    Quelques y ne sont pas quelques x

    vy = v(1-x)

     

    Aucuns y ne sont quelques x

    y =v(1-x)

    O

    Quelques y ne sont aucun x

    vy = (1-x)

    Jusque là, tout semble simple. Cependant, lorsque l'on veut donner la forme d'une équation du premier degré à ces propositions, les difficultés interviennent.

    -x

    En algèbre classique, l'équation y = x équivaut à y -x = 0, car il y a un principe mathématique qui stipule que : " si vous ajoutez une même quantité aux deux membres de l'équation, l'égalité ne change pas ". Ainsi, comme c'est x que nous voulons déplacer, on ajoutera aux deux membres de l'équation la quantité , ce qui nous donnera : y -x = x-x; et par la simplification, nous obtiendrons : y - x = 0.

    En logique des classes, cette permutation n'est pas valide, car elle entrainerait l'interprétation suivante : le complément de x, c'est-à-dire y, est nulle.

    Toutefois, avec le cinq axiomes que nous avions évoqués, il y a lieu de faire plusieurs permutations valides.

    Quant aux propositions secondaires, nous disons qu'elles portent sur des classes de moments du temps où elles sont vraies. En termes clairs, les propositions secondaires sont pourvues de valeurs de vérité temporaires. Cela signifie que les propositions secondaires peuvent être vraies à un moment et fausses à un autre. Néanmoins, c'est par elle (les propositions secondaires) que Boole exprime la plupart des opérations propres à la syllogistique traditionnelle (conversions, syllogismes, etc.) et définit la notion générale de fonction logique. Il peut ainsi considérer la syllogistique comme un cas particulier d'une méthode algébrique plus générale.

    Voici un exemple d'une proposition secondaire :

    Soit la proposition suivante : "les richesses se composent de substances quantitativement limitées, échangeables, donnant du plaisir ou protégeant contre la souffrance".

    En posant :

    W : les richesses;

    S : substances quantitativement limitées;

    T: échangeables;

    P : donnant du plaisir;

    r: protégeant cotre la souffrance.

    Nous obtiendrons l'Ebf (expression bien formée) suivante:

    W= st[p+r (1-p)]

    IV.2. Les continuateurs de Boole

    · William Stanley Jevons (52(*))

    William Stanley Jevons est né à Liverpool le 1er septembre 1835. Il fut économiste et logicien anglais. Il est aussi considéré comme co-fondateur de l'école néo-classique et de la révolution marginaliste.

    Son père était commerçant dans le secteur de la métallurgie. A quinze ans, il est envoyé à la junior school de l'university college de Londres où il s'intéressait particulièrement à la botanique et à la chimie. Les ennuis financiers de sa famille liée à la faillite de la société de son père en 1847 le pousse à accepter un poste en Australie où un nouvel institut de frappe monétaire a été établie suite à la découverte de mines d'or.

    Durant son séjour, il s'intéresse à l'économie en lisant la richesse des nations d'Adm Smith, les principes d'économie politique de John Stuart Mill et les introductory lectures of political economy de Richard Whately, etc.

    En octobre 1859, il retourne en Angleterre et reprend ses études à l'university college où il obtient son master of arts. En 1863, il entre dans le corps enseignant d'Owens college. En 1865, son livre the coal question établir sa réputation comme économiste traitant des faits.

    En 1866, il devient professeur de Logique et de Philosophie Morale, puis professeur d'économie politique.

    En 1867, il se marie avec Henrietta, la fille du propriétaire du Manchester Guardian et est élu en 1872 à la Royal Society.

    En 1876, Malade, il démissionne d'Owens college pour accepter un enseignement plus léger à l'university college. En 1880, il quitte cet établissement pour consacrer son énergie déclinante à la recherche. Il meurt en 1882.

    Jevons a travaillé sur la logique en parallèle avec ses recherches en économie. En 1863, il publie un petit volume intitulé pure logic or the logic of quality apart from quantity, basé sur la logique de Boole à laquelle il a enlevé ce qu'il considérait comme un faux habillage mathématique.

    Dans les années qui suivirent, il s'attacha à la construction d'une machine logique appelée logic piano qu'il présenta à la Royal society en 1870. Cette machine permettait d'arriver mécaniquement aux conclusions induites par un jeu de prémisses. Cette machine découle de ce qu'il considérait comme " le grand et universel principe de tout raisonnement" (53(*)) qu'il exposa en 1869 sous le titre the substitution of similars. L'idée est que, comme dans les équations d'algèbre, il est possible, dans les problèmes logiques, de substituer à un énoncé un élément doté des mêmes propriétés.

    Dans les années qui suivirent, il fit paraître ses élémentary lessons on logic, lequel devint " la logique symbolique" standard des manuels de la fin du XIX siècles en raison de sa simplicité.

    Dans un texte plus ambitieux paru en 1874 sous le titre The principle of science, il énonce et développe l'idée selon laquelle l'induction est simplement l'inverse de la déduction. Toutefois, comme il est difficile de tenir compte de toutes les causes possibles, Jevons en déduit que les lois générales sont, au mieux, seulement probables. Pour lui, les probabilités servent à mesurer des espérances rationnelles.

    Outre l'une de ses idées majeures, celle de processus mécaniques a été à la base de la technique des tables de vérité, technique développée par Charles Sanders Peirce (54(*)).

    En fin, Jevons, se range aux côté de Whewel pour défendre l'explication hypothético-déductive des théories scientifiques contre l'inductivisme de Bacon et de Mill.

    · Schröder friedrich Wilhemln Karl Ernst (55(*))

    Ernst Schröder est né le 25 novembre 1841 à Mannheim et mort le 16 juin 1902 à Karlsruhe. C'est un mathématicien et logicien allemand. Toute sa vie fut consacrée à l'étude et à l'enseignement des mathématiques et de la logique. Il ne fut jamais marié. Son travail a porté sur la logique et l'algèbre de Boole. C'est un personnage majeur de l'histoire de la logique symbolique, car il fait une belle synthèse des oeuvres de De Morgan, George Boole, Hugh Maccol et particulièrement charles Sanders Peirce.

    En 1860, il entre à l'université de Heidelberg où il obtient deux ans plus tard son doctorat. Une bourse lui est alors accordée pour l'Université de Königsberge. Il y suivra durant deux ans des cours et séminaires en mathématiques et en physique. En 1865, il est nommé maître de conférence (chef de travaux) en mathématiques à l'école polytechnique fédérale de Zurich.

    En 1876 il obtient une chaire de Mathématiques au Polytecnische Schule de Karlsruhe où il passa le reste de sa vie. Bref, il a appris les Mathématiques à Heidelberg, à Konigsberg et à Zurich auprès de Hesse, Kirchhoff et Franz Ernst Neumann.

    Les premiers travaux de Schröder portant sur l'algèbre et la logique ont été menés sans qu'il connaisse les logiciens anglais De Morgan et George Boole. Il s'appuyait sur les travaux d'Ohm, Hankel, Hermann et Robert Grassmann, issu de l'école traditionnelle Allemand en algèbre combinatoire et analyse algébrique. En 1873, Schröder découvrit les travaux de Boole et de De Morgan sur la logique. Il y intégrera les idées importantes dues à Charles Sanders Peirce, Notamment les notions de subsomption (l'équivalent de l'inclusion pour les prédicats) et de quantification.

    Schröder a également apporté des contributions originales à l'algèbre, à la théorie des ensembles ordonnées comme les treillis ou les nombres ordinaux. Avec Georg Cantor, il découvrit le théorème de Cantor-Bernstein-schröder. Bien que sa démonstration de 1898 fut imparfaite, Félix Bernstein (1878-1956) la corrigea dans sa thèse.

    L'oeuvre monumentale de Schröder est les vorlesungen über die algebra der logik (leçons sur l'algèbre de la logique). Cette oeuvre constituait une somme complète sur l'état de la logique symbolique à la fin du XIXème siècle, car elle eut une influence considérable sur l'émergence de la logique mathématique au XXème siècle.

    Les différences entre Schröder et Boole sont essentiellement les suivantes :

    Chez Boole, la négation, qui était définie à partir de la soustraction, est considérée maintenant comme une opération primitive;

    La somme logique n'est plus interprétée dans un sens exclusif, mais plutôt dans un sens non exclusif;

    L'identité n'est plus la seule relation, il s'y ajoute l'implication et l'identité comme l'équivalence;

    a = (a=1)

    De plus, la logique de Boole n'était pas une véritable logique propositionnelle. Boole n'excluait pas qu'une même proposition puisse avoir des valeurs de vérité distinctes à des moments distincts du temps (cas des propositions secondaires). Pour faire face à cette situation, Schröder ajoutera aux lois fondamentales de la logique propositionnelle l'axiome suivant:

    Cet axiome énonce que pour toute proposition a, tel que a est l'équivalent de la proposition a est équivalent à 1 (où 1 symbolise n'importe quelle proposition vraie, mieux qui serait vraie à tous les moments du temps). Cet axiome, en fait, signifie qu'une proposition est vraie si et seulement si elle est toujours vraie.

    En outre, il a introduit la notion des coefficients de relation.

    Tout compte fait, bien qu'elle soit axée surtout sur la logique des classes et qu'elle se situe dans la ligne de Boole et non de Frege ou de Russell, l'oeuvre de Schröder a exercé une influence non négligeable sur le développement de la logique mathématique dans la première moitié du XXème siècle, comme en témoignent les travaux de Löwenheim et de Thoralf Skolem. Pour citer un autre exemple, "Zermelo a présenté ses axiomes pour la théorie des ensembles dans la notation Peirce-Schöder et pas, comme on aurait pu s'y attendre, dans celle de Russell-Whitehead"(56(*)).

    IV.3. Etude comparative entre la logique des classes et celle des propositions inanalysées

    "L'expression proposition désigne un énoncé du langage ordinaire mais considérée du point de vue formel qui est celui de la logique. En clair, cela signifie que l'on traite seulement d'un certain type d'énoncés et que l'on néglige dans ce type d'énoncés une série de paramètres qui seront sans incidence logique "(57(*)).

    Les propositions envisagées ici sont ce qu'on appelle des fonctions de vérité. Ce sont des énoncés descriptifs d'un état de fait et susceptibles d'être vrais ou faux. S'il y a adéquation entre la proposition et le fait décrit, la proposition est vraie ; dans le cas contraire, elle est fausse.

    En effet, la notion de fonction de vérité a été introduite en logique par Frege (1848-1925). Elle signifie que "une proposition logique n'est à priori ni vraie ni fausse; elle est disponible, capable de revêtir l'une de ces deux valeurs de vérité; le problème en logique n'est pas de savoir si telle proposition est vraie ou fausse, mais de savoir ce qui advient lorsqu'on la considère soit comme vraie, soit comme fausse"(58(*)).

    Toutefois, une proposition logique est soit simple, soit complexe. Elle est simple dans l'exemple suivant : tout homme est mortel. C'est-à-dire qu'il n'est pas possible de l'analyser en des propositions plus simple que ça. Par contre, la proposition s'il peut alors il fait beau est complexe, car elle est composée de deux proposition simples, à savoir il peut et il fait beau.

    La première étape du calcul propositionnel est la formalisation des énoncés du langage ordinaire.

    Pour réaliser ce travail, le calcul propositionnel fournit trois outils : les variables propositionnelles, les opérateurs ou foncteurs logiques et les signes de ponctuations.

    1. Les variables propositionnelles (p, q, r, ...) symbolisent des propositions simples quelconques. Si la même variable apparait plusieurs fois dans une expression donnée, elle symbolise chaque fois la même proposition;

    2. Les cinq opérateurs ou foncteurs logiques: ~, Ë, í, et ;

    3. Les signes de ponctuation se réduisent aux parenthèses, crochets et accolades ouverts et fermés : ( ), [ ], { }.

    Maintenant, nous pouvons comparer la logique des classes avec la logique des propositions inanalysées au moyen du tableau suivant:

    Logique des classes

    Logique des propositions inanalysées

    Noms

    Descriptions

    Symboles

    Noms

    Descriptions

    symboles

    01

    Le Complément des classes

    L'exception des certains éléments dans une classe donnée

    -

    La négation

    C'est un opérateur unaire ou monadique. Il ne porte que sur une proposition, ex ~p

    ~

    02

    Le produit logique

    L'intersection de deux classes

    .

    La conjonction

    C'est un opérateur binaire elle met en relation deux propositions ou deux expressions. Elle est vraie lorsque ces deux arguments sont vrais ex p Ë q

    ^

    03

    La somme logique

    La réunion de deux classes

    +

    La disjonction

    Elle est un opérateur binaire. Elle est vraie lorsque au moins l'un de ces membres est vrai.

    Ex : p í q

    v

    04

    L'identité

    La copules est

    =

    L'équivalence ou la bi- implication

    Elle est aussi binaire. L'équivalence entre deux propositions est vraie si celles -ci ont la même valeur de vérité, elle exprime une forme d'identité. Ex : p q

     

    05

    L'inclusion

    L'inclusion d'une classe dans une autres

     

    L' implication

    Elle est également binaire. Elle est fausse si l'antécédent est vrai et le conséquent faux, vraie dans les autres cas. Ex : p? q

    ?

    06

    Les symboles littéraux

    Les classes quelconques ce sont des variables

    X, y, z...

    Les variables propositionnelles

    Elle désignent les énoncés du langage ordinaire

    p,q,r,...

    07

    La classe universelle

    Univers du discours

    1

    La tautologie

    Loi logique ou expression valide

    pv ~p

    1101

    0110

    08

    La classe vide

    Classe nulle

    0

    Contradiction logique

    Expression fausse sur toutes les lignes.

    p ^~p

    1001

    0010

    CONCLUSION GÉNÉRALE

    A la lumière de tout ce qui précède, il sied de préciser que notre étude a porté sur l'évolution et la révolution paradigmatique de la science logique depuis les présocratiques jusqu'à Boole. Pour ce, nous l'avions répartie (cette étude) en quatre chapitres.

    Le premier chapitre a clarifié les concepts opératoires, à savoir : logique et révolution paradigmatique. Pour définir le terme logique, nous avions utilisé trois approches différentes, mais complémentaires. Pour l'approche étymologique, le mot logique dérive du grec, à la fois du substantif logos, du qualificatif logikê et du verbe legéin. L'approche définitionnelle proprement dite a présenté la logique comme l'étude des conditions de possibilités d'un raisonnement correct. A l'approche mathématique, nous avions distingué la tendance syntaxique de la tendance sémantique. Quant à la révolution paradigmatique, nous l'avions scrutée avec Thomas Samuel Kuhn et avions dégagé ses principaux moments qui sont : la science normale, la science extraordinaire et la révolution proprement dite.

    Le deuxième chapitre a traité de la science normale de la logique, celle-ci fonctionnait sur base d'un paradigme emprunté aux sciences de la nature. Nous l'avions montré avec les présocratiques (paradigme physiologique); avec Aristote qui utilisait un modèle à la fois Zoologique et géométrique, où le zoologique l'emportait sur le géométrique; nous avions également montré que la logique mégaro-stoïcienne était intimement liée, mieux inséparable avec leur physique et leur morale, car les trois constituaient la triade sur laquelle leur science se fondait, laquelle science était essentiellement empirico-théiste. Les scolastiques et les arabes médiévaux ont enrichi et perfectionné la syllogistique traditionnelle. Nous avions aussi mis en exergue l'apport des maîtres hindous en logique.

    Le troisième chapitre du présent travail avait pour tâche d'étudier la science extraordinaire de la logique. Celle-ci, de Raymond Lulle à De Morgan, est caractérisée par diverses propositions des nouvelles idées et des nouvelles méthodes (quoique certaines restèrent non abouties).

    Le dernier chapitre a porté sur la révolution proprement dite de la science logique en montrant et démontrant l'innovation de l'oeuvre de Boole. Celle-ci sera simplifiée et perfectionnée par Jevons, Peirce et Schröder. Ceux-ci enrichissent l'oeuvre de Boole et lui donne la forme symbolique que nous connaissons sous le nom d'Algèbre de la logique.

    Tout compte fait, nous avons démontré que la syllogistique traditionnelle fonctionne sur base d'un paradigme emprunté, sinon similaire à celui des sciences de la nature et que la logique symbolique moderne opère sur base d'un modèle mathématique.

    BIBLIOGRAPHIE

    I. Ouvrages

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    · Organon, IV. Les seconds analytiques, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1938, 251p

    · Organon, V. les topiques, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1974, 368p

    · Organon, VI. Les réfutations sophistiques, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1939, 155p

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    9. Cori, R et Lascar, D., Logique mathématique, 1. Calcul

    propositionnel, algèbre de Boole, Calcul des prédicats, Paris,

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    10. Cori, R et Lascar, D., Logique mathématique, 2. Fonctions

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    11. Descartes, R, Discours de la méthode, Paris, Hatier, 1924,

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    18. Kuhn, T.S, Structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion, 1972.

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    20. MAYOLA MAVUNZA LWANGA, Logique, parémiologie et argumentation, Kinshasa, science et discursivité, 2004, 144p.

    21. MUTUNDA MWEMBO, Eléments de logique, Kinshasa, MédiaSpaul, 2006, 112p.

    22. Piaget (DIR), Logique et connaissance scientifique, Paris, Gallimard, 1967, 1345p.

    23. Scholz, H, Esquisse d'une histoire de la logique, Paris, Ed. Montaigne, 1968, 156p.

    24. TATON, R, La science antique et médiévale. Des origines à 1450, Tome I, Paris, PUF, 1957.

    II. Articles

    1. « Algèbre de Boole ( logique) » in http :www.wikipédia.org/logique

    2. Bachimont, B, «  Logique : histoire et formalismes. De liebniz à Boole » , in http://wwwuniversité de technologie de compiègne, org/ligique.

    3. Feys R., « Boole as a logician», in varia n° 4/22

    4. http://www.wikipédia.org/bernard Bolzano

    5. http://www.wikipédia.org/George Boole

    6. http://www.wikipédia.org/Leibniz

    7. http://www.wikipédia.org/Ernest schröder

    8. Mutombo, M, « un petit aperçu sur la logique classique » in revue philosophique de Kinshasa, vol XIV, n° 25-26, 2000, pp.145-169.

    III. Notes de cours

    1. MBOLOKALA IMBULI, Syllabus d'histoire de la phisophie antique, 2004.

    2. NDOBO KOTI, Abstract d'Eléments de logique de Mutunda, cours de logique destiné aux étudiants de premier graduat en sciences économiques, 2004-2005.

    3. TSHIAMALENGA NTUMBA, Notes de cours de philosophie orientale.

    IV. Dictionnaires et encyclopédie

    1. Bailly, M.A., Dictionnaire Grec-Français, Paris, Hachette, 1929.

    2. BOISACQ, E, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, librairie C, Klincsieck 1923,

    3. Dictionnaire le Petit Larousse, grand format, Paris, Larousse, 2002.

    4. Huisman D., (Dir)- Dictionnaire des philosophes,

    A-J, Volume 1, Paris, PUF, 1984.

    - Dictionnaire des philosophes

    K-Z, Volume 2, Paris, PUF, 1984.

    5. LALANDE, A, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, PUF, 1991

    6. MATTEI J.F., - Encyclopédie philosophique universelle, III. Les oeuvres philosophiques, Dictionnaire, Tome1, Paris, PUF, 1992.

    - Encyclopédie philosophique universelle, III. Les oeuvres philosophiques, Dictionnaire, Tome 2, Paris, PUF, 1992.

    TABLE DES MATIÈRES

    REMERCIEMENTS II

    INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

    CHAPITRE PREMIER : PRECISIONS TERMINOLOGIQUES 3

    1.1. LOGIQUE 3

    1.1.1. Approche étymologique 3

    1.1.2. Approche définitionnelle proprement dite 4

    1.1.3. Approche mathématique 6

    I.2. RÉVOLUTION PARADIGMATIQUE 7

    CHAPITRE DEUX : LA SCIENCE NORMALE DE LA LOGIQUE 9

    II.1. ANTIQUITÉ 9

    II.1.1. Les présocratiques 9

    · HERACLITE D'EPHESE (567-480 ACN) 10

    · Parménide et Zénon d'Elée 11

    · Démocrite d'Abdère (Vème siècle ACN) 11

    II.1.2. les socratiques 12

    · Protagoras d'Abdère et Gorgias de Léontini 12

    · Socrate (470-399ACN) 12

    · Platon (428/427-348/347 ACN) 13

    II.1.3. Les post- socratiques 14

    · Aristote (384 - 322 ACN) 14

    · Les Mégaro - stoiciens 15

    II.2. MOYEN ÂGE 17

    II.2.1. La Scolastique 17

    II.2.2. Le monde Arabe 18

    II.2.3. Les maîtres hindous 19

    CHAPITRE TROIS: LA SCIENCE EXTRAORDINAIRE DE LA LOGIQUE 22

    III.1. PROPOSITIONS DE NOUVEAUX MODÈLES 22

    · Raymond Lulle (1235-1315) 22

    · Francis Bacon (1561-1626) 23

    · René Descartes (1596- 1650) 25

    III.2. LES PRÉCURSEURS DE BOOLE 26

    · Gottfried Wilhelm LEIBNIZ (1646-1716) 26

    · Bernard BOLZANO (1781-1848) 29

    · WILLIAM HAMILTON (1788-1856) 29

    · Auguste de Morgan (1806-1878) 30

    CHAPITRE QUATRE: LA RÉVOLUTION DE LA LOGIQUE FORMELLE 34

    IV.1. GEORGE BOOLE OU LE PÈRE DE LA LOGIQUE MODERNE () 34

    IV.1.1. Eléments bio-bibliographiques 34

    IV.1.2. Eléments de la logique des classes 37

    A. Les classes, les symboles littéraux et les opérateurs de base 37

    · Les classes 37

    · Les symboles littéraux 37

    · Les opérateurs de base 38

    B. Les lois fondamentales de la logique des classes 38

    a. La commutativité 39

    b. L'associativité 39

    c. La distributivité 39

    d. La loi des indices ou l'idempotence 40

    e. La loi de la complémentarité 40

    C. Interprétation de la logique des classes 41

    IV.2. LES CONTINUATEURS DE BOLLE 43

    · William Stanley Jevons () 43

    · Schröder friedrich Wilhemln Karl Ernst () 46

    IV.3. ETUDE COMPARATIVE ENTRE LA LOGIQUE DES CLASSES ET CELLE DES PROPOSITIONS INANALYSÉES 48

    CONCLUSION GÉNÉRALE 51

    BIBLIOGRAPHIE 53

    TABLE DES MATIÈRES 56

    * 1 Cfr BOISACQ, E, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, librairie C, Klincsieck 1923, p585. Et Bailly, A, Dictionnaire Grec Français, Paris, Librairie Hachette, 1929, p1200.

    * 2 Idem

    * 3 Cfr Notes de cours d'histoire de la philosophie Antique dispensé par le professeur Mbolokala Imbui, 1ère graduat.

    * 4 BOISACQ, op.cit, p.585 et Bailly, op.cit, p.1200

    * 5 Cité par MUTUNDA MWEMBO, Eléments de logique, Kinshasa Médias, Paul, 2006, p.8.

    * 6 Idem

    * 7 LALANDE, A, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, 13ème édition, Paris, PUF, 1980, p.572.

    * 8 Cfr Kotarbinski, T, Leçon sur l'histoire de la logique, Paris, PUF, 1964, p.5.

    * 9 Idem

    * 10 Ibidem

    * 11 Dictionnaire le Petit Larousse, Grand Format, Paris, Larousse, 2002, p.53

    * 12 LALANDE, A, Op.cit, p.35

    * 13 Idem

    * 14 George Boole, An investigation of the Laws of thought (1854), cité par Jean-Blaise Grise in logique et connaissance scientifique, Paris, Gallimard, 1967, p.139.

    * 15 Denis Huisman, Dictionnaire des philosophes, Paris, PUF, 1984, p.1463.

    * 16 Kuhn, T.S, Structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion, 1972, p.240.

    * 17 Idem, p.98.

    * 18 Dictionnaire le Petit Larousse, grand format, op.cit, p.778

    * 19 Platon, Cratyle 402, cité par MBOLOKALA IMBULI, op.cit.

    * 20 Cfr MUTUNDA MWEMBO, op.cit. p.16

    * 21 NDOBO KOTI, Abstract d'éléments de logique de MUTUNDA, cours de logique destiné aux étudiants de premier graduat en sciences économiques, 2004-2005, p.2

    * 22 Xenophon (mém, IV, 7) cité par René TATON, la science antique et médiévale. Des origines à 1450. TOME I, paris, PUF, 1957, p.210

    * 23 René TATON, idem, p.249.

    * 24 MUTUNDA MWEMBO, Eléments de logique, op.cit, p21

    * 25 MBOLOKALA IMBULI, op.cit

    * 26 Cité par Robert Blanché, La logique et son histoire. D'Aristote à Russell, Paris, Armand Colin, 1970, p.92.

    * 27 Cité par MUTUNDA MWENMBO, op.cit p.22

    * 28 Idem, p.21.

    * 29 Blanché, op.cit, p. 140

    * 30 Idem.

    * 31 Ibidem p.147

    * 32 Avicenne, Le livre de science I (logique, métaphysique), Paris, Les belles lettres, 1955, p.241.

    * 33 Cfr MUTUNDA MWEMBO, Op.cit, p.39.

    * 34 Ce paragraphe ainsi que ceux qui suivent s'inspirent de TSHIAMALENGA NTUMBA, Notes de cours de philosophie orientale.

    * 35 KOTARBINSKI, op.cit, p.99.

    * 36 Cfrt JEAN FRANCOIS MATTEI, Encyclopédie philosophique universelle, III. Les oeuvres philosophiques, dictionnaire, TOME1, Paris, p943

    * 37 Cfr. René Descartes, Discours de la méthode, Paris, Hatier, 1924, p.p.35-36.

    * 38 Cfr. JAEN- FRANCOIS MATTEI, op.cit, p. 1085

    * 39 Descartes, op.cit, p.35

    * 40 Kotarbinski, op.cit, p. 131

    * 41 Leibniz, l'art combinatoire, cité par «  http : //fr.wikipedia.Org/leibniz »

    * 42 Cfr. JEAN- FRANCOIS MATTEI, op.cit, p. 1274

    * 43 Kotarbinski, op.cit, p.p 132-133

    * 44 Cfr. « http:// fr.wikipedia.Org/ Bernard Bolzano » et JEAN-FRANCOIS MATTEI, op.cit p.p 1625-1626

    * 45 Idem

    * 46 Kotarbinski, op.cit, p.145

    * 47 idem

    * 48 Ce point s'inspire de «  http://fr.wikipédia.org/george Boole » et Jean-françois Mattei, op.cit, pp.1630-1631.

    * 49 Jean François Mattei, Op.cit, p.1630.

    * 50 Lalande, Op.cit, p.

    * 51 Cfr Jean François Mattei, op.cit, p.1630

    * 52 Cet exemple nous l'empruntons à J. Sleszynski, le calcul logique de Boole, p.21, cité par Kortarbinski,, op.cit, , p.166.

    * 53 Cfr, «http: // fr.wikipédia.org/wiki/william stanley Jevons"

    * 54 Cfr Jean - François Mattei, op.cit, p.1868.

    * 55 Idem, pp.2826-2827 et http://fr.wikipédia.org/ernstschröder

    * 56 "http://fr.wikipédia.org/Ernst Schröder"

    * 57 "http://www.centredelogiquie.org/lalogique pour les nuls"

    * 58 MUTUNDA MWEMBO, op.cit, pp.50-51.






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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams