1.2- Les causes
institutionnelles
L'appartenance à la zone
franc impliquait le respect d'un certain nombre de règles qui
s'appuyaient sur la garantie de convertibilité, la parité fixe et
la transférabilité des capitaux. La garantie de
convertibilité stipulait que la France doit fournir au Cameroun des
devises dont il a besoin, mais en revanche le Cameroun devait déposer
65% de ses avoirs extérieurs dans son compte d'opérations
auprès du Trésor français. La rétention des avoirs
du Cameroun dans le compte d'opérations par le Trésor
français l'a certainement privé des moyens de développer
son industrie ou son économie. En d'autres termes, si le Cameroun avait
ses propres devises, il pouvait facilement financer ses banques en vue de
soutenir ses investissements. De plus, l'ampleur de la crise de
liquidité de la fin des années 80 aurait été
sûrement moindre. Cette garantie n'était qu'une centralisation des
devises dans le compte d'opérations pour le développement de la
métropole. En plus, le processus de compte d'opérations
appliqué dans la zone franc a diminué la marge des manoeuvres des
autorités monétaires pour la définition d'une politique
cohérente de crédit.
La règle de la parité fixe entre le franc
français et le franc CFA a été toujours
présenté comme une garantie du système financier pour le
Cameroun. Les dévaluations successives ont mis en défaut cette
règle de garantie et renchéri les importations d'autres pays
autres que la France. Le Cameroun a connu des révisions à la
baisse de la parité du franc CFA par rapport au franc français en
août 1969 (12,50%), en octobre 1981 (3%), en juin 1982 (5,75%), en mars
1983 (2,5%), et en juin 1988 (50%). Elles ont porté un coup dur à
l'économie camerounaise. L'alourdissement de coût des importations
a entraîné des sorties massives de fonds qui ont aggravé
l'illiquidité des banques. Les dévaluations successives ont
produit des dépréciations des avoirs en devises détenus
par les banques centrales et libellés en franc français.
Toute mutation de la parité du franc
français par rapport aux devises étrangères s'est
répercutée sur le franc CFA. En plus des dévaluations,
ces diverses mutations ont entraîné ou accentué des
décaissements importants du Cameroun pour assurer le remboursement de sa
dette extérieure. La libre transférabilité des devises
entre la France et le Cameroun a entraîné également une
fuite facile des capitaux vers les banques étrangères où
les taux d'intérêt étaient plus attrayants. Dans les
années 80, la fuite des capitaux s'est intensifiée avec
l'instauration de la politique libérale et à cause de certains
évènements politiques et de certaines décisions de la
banque centrale (putsch manqué de 1984, l'arrêt du rachat des
billets émis par la BEAC en circulation hors zone franc, etc....). Ceci
s'illustre par la présentation dans le tableau 1 de l'évolution
des sorties des billets de la zone BEAC de 1985 à 1993.
Tableau 1. Evolution des sorties de billets de la
zone BEAC de 1985 à 1993 (milliards de francs CFA)
Années
|
Exportations
|
Rachat des billets
auprès de la
Banque de France
|
Pourcentage
|
1985
1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993
|
173,44
189,94
237,35
292,28 239,54 231,44 244,20 312,13 146,87
|
73,09 91,23 141,92 203,96 151,48 137,31 137,20 185,73 110,32
|
42,00% 48,00% 60,00% 70,00% 63,00% 59,00% 56,18% 59,50%
75,11%
|
(Source : documentation BEAC)
La libre transférabilité des capitaux
entre la zone franc et la France a incité les opérateurs
économiques à effectuer des placements de capitaux dans les
banques étrangères où les taux d'intérêts
étaient plus élevés ou attrayants. Ce principe de libre
transférabilité a privé les banques camerounaises de
ressources d'épargne qui leur auraient permis de résister
probablement à la crise de liquidité. La zone BEAC a souffert de
la sortie de plus en plus de billets dans les années 80. En 1985, la
BEAC a racheté ces billets pour une valeur de 175 milliards de francs
CFA. En 1988, ce rachat a atteint près de 295 milliards de francs CFA.
Notons que la grande partie de cette sortie de billets BEAC s'est
effectuée vers la France.
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