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Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernà¡ndez (Chili)

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par Julien Vanhulst
Université Libre de Bruxelles - Master en sciences et gestion de l'environnement 2009
  

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1.2. Le climat

Le climat est influencé par le courant de Humboldt au nord et les vents du sud-est. Il est dit subtropical ou tempéré chaud (IREN, CORFO, 1982 ; Bernardillo et Stuessy, 2001 ; Hallé, Danton et Perrier, 2007) avec une pluviométrie cyclique relativement importante. Cependant, la variabilité altitudinale du régime des pluies est peu connue dans les hauteurs car les mesures sont exclusivement localisées au niveau du village San Juan Bautista sur l'île Robinson Crusoe. L'amplitude thermique entre été et hiver est faible et l'humidité relative est assez importante, jusqu'à 100% et plus au niveau des sommets (très fréquemment dans les nuages) (Di Castri et Hajek, 1976 ; Dirección general de aeronáutica civil, 2001).

12 Voir Partie 2 - Chapitre VI - point 5. Gestion de l'eau

L'évolution morphologique de l'archipel est le résultat « de l'escarpement des structures originelles, du climat tempéré chaud avec influence océanique, de l'activité maritime et de l'action de l'homme et de ses pratiques d'exploitation des ressources sans discrimination. » (IREN, CORFO, 1982)

2. Evolution et occupation avant la découverte de l'archipel

La flore de l'archipel s'est installée de façon aléatoire au cours du temps. « Après les cataclysmes fondateurs, les éléments se sont calmés; lentement, les îles se sont refroidies et diverses formes de vie ont commencé à arriver pour coloniser ces nouveaux espaces. Parmi elles, les premières ont été probablement les spores de lichens, lesquelles transférées par les vents, ont trouvé dans les roches nues la possibilité de se développer. Des oiseaux de mer ont profité de ces nouvelles îles et peu à peu certaines matières organiques se sont accumulées, préparant le terrain pour les organismes plus développés comme les mousses et puis, avec la formation des sols, sont apparues les fougères, les herbes, les arbustes et les arbres. » (Danton, 2004)

« Les plantes sont arrivées de diverses provenances: Amérique Centrale, du Sud et Australe, Océanie, Nouvelle Zélande (certaines d'origine Gondwanienne) mais aussi, depuis la découverte des îles par l'homme, c'est tout un ensemble d'espèces cosmopolites qui sont venues grossir considérablement le nombre des plantes qui composent aujourd'hui la flore de l'archipel.

La colonisation végétale s'est faite par des moyens divers: transport par les airs, par la mer, par les animaux et par l'homme. Les plantes sont qualifiées d'indigènes ou d'adventices selon la manière dont elles sont arrivées dans leurs nouveaux habitats insulaires et la durée de leur implantation. De manière simple, on peut dire que les espèces venues par des moyens naturels avant la découverte de l'archipel par les hommes sont indigènes et que celles dont l'arrivée postérieure est liée aux activités humaines sont adventices. Parmi les espèces indigènes, certaines ont eu le temps et la capacité de s'individualiser, ce sont celles que l'on appelle endémiques. » (Cambornac, 2002)

« Parallèlement aux plantes, quelques animaux se sont rendus dans les îles. Des loups marins et éléphants marins (aujourd'hui disparus) se sont installés sur les côtes. A l'intérieur de l'île, une variété d'insectes transportés dans les airs a colonisé les herbes, les buissons et les forêts et certains oiseaux terrestres en volant au hasard des vents se sont installés.

En raison de la jeunesse des îles, et avant l'arrivée de l'homme, il n'y avait aucun mammifère terrestres, ni batraciens, ni reptiles ou encore aucun poisson d'eau douce. Avec le temps, toute cette vie s'est adaptée, occupant la totalité de l'espace insulaire et a continué à accueillir les quelques espèces arrivées naturellement de temps en temps. On estime que sur l'archipel, une nouvelle espèce de plante parvient naturellement tous les 10 000 à 30 000 ans. » (Danton, 2004)

La flore de l'archipel, en général, n'est pas plus riche en espèces que celle des autres îles océaniques, comme Hawaii ou les Galápagos (Muñoz et al., 2003). Toutefois, le niveau d'endémisme est significativement haut; de fait, le nombre d'espèces endémiques par unité de surface est plus élevé que sur tout autre île océanique dans le monde13 (Stuessy, 1992 ; Bernardillo et Stuessy, 2001).

3. De la découverte de l'île Robinson Crusoe à nos jours

L'histoire a planté ses racines et disséminé ses rhizomes dans cet archipel isolé qui fût un lieu de passage d'explorateurs et d'aventuriers, la cache de corsaires et de pirates et un lieu stratégique pour les dirigeants de la côte est du continent sud-américain avant la dernière colonisation permanente en 1877.

3.1. Découverte de l'archipel par Juan Fernández Sotomayor

Depuis la découverte de l'Amérique en 1492 et les prémisses de la mondialisation, les grandes puissances d'Europe (Angleterre, France, Pays-Bas et Espagne) luttaient pour la conquête du nouveau monde. Le renversement des structures Aztèques et Maya par les Espagnols a permis une rapide prise en main de territoires immenses par un groupe mineur de migrants. Suite à l'expédition

13 Voir Partie 2 - Chapitre II - point 2.1.1. Fondations des connaissances botaniques

de Pedro de Valdivia vers 1541, le Chili appartenait à la vice-royauté du Pérou dirigée par Francisco Pizarro. Celui-ci déployait de grands moyens pour conserver et protéger le commerce entre ses colonies. L'île Robinson Crusoe est découverte le 22 novembre 1574 lors d'un voyage exploratoire qui avait pour objectif d'ouvrir une nouvelle route de navigation entre El Callao (au Pérou) et Penco (au Chili).

Juan Fernández Sotomayor, navigateur originaire de Séville avait pressenti l'existence de la grande déviation polaire qu'on appelle aujourd'hui le "courant de Humboldt". Il découvre alors une terre isolée sur la route maritime qui permettra de réduire à une trentaine de jours la distance entre El Callao et Penco alors que ce voyage prenait jusque-là au moins 3 mois (Vickuña Mackenna, 1883 ; Orellana et al., 1974 ; Caceres et Saavedra, 2004). Juan Fernández baptise l'île Santa Cecilia en référence au jour de sa découverte14.

D'après les quelques recherches archéologiques, jusqu'à ce jour de novembre 1574, l'archipel était resté infréquenté par les hommes. C'est une des rares îles de l'océan Pacifique qui ne présente pas de traces d'occupation précolombienne (Orellana et al., 1974 ; Caceres et Saavedra, 2004 ; Brinck, 2005).

L'expédition de Juan Fernández Sotomayor a été providentielle pour les routes maritimes dans cette partie du Pacifique Sud. Mais dès sa découverte, l'archipel Juan Fernández commence un mariage difficile avec l'humanité. Juan Fernández Sotomayor demande à la Couronne d'Espagne le domaine des trois îles majeures qui forment l'archipel. Avant d'avoir la réponse, il commence la colonisation de l'île Robinson Crusoe. Il amène avec lui 60 aborigènes, et, comme de coutume à cette époque, quelques chèvres, un bouc et des poules (il s'agissait d'une coutume pour assurer des ressources en viande pour le jour où quelque navigateur repasserait par là). Il marque par la même occasion une rupture historique dans l'évolution naturelle de ces terres isolées. Il débute aussi l'exploitation impitoyable de l'otarie de Juan Fernández (Arctocephalus philippii) pour le commerce de l'huile avec le Pérou. Entre temps, la sollicitation de concession royale est refusée et Juan Fernández retourne s'installer sur le continent. Cependant, la chasse s'est perpétuée encore quelques temps avant que l'île ne soit complètement abandonnée.

Pendant ce temps-là, les chèvres se multiplient prodigieusement. La plupart des visiteurs erratiques de passage sur l'île y feront référence dans leurs mémoires et autres carnets de voyage.

Figure 08 : Probablement la première représentation de l'île, vers 1600.

Source : Cambornac, 2002.

14 Postérieurement, l'île Santa Cecilia sera nommée Masatierra (littéralement <<plus proche de la terre ») tandis que l'île la plus éloignée du continent sera nommée Masafuera (littéralement <<plus à l'extérieur »).

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» 3.2. Un siècle de confluences dispersées avec l'humanité

Pendant environ 1 siècle après sa découverte, l'île est uniquement occupée de façon temporaire sans installation durable. Cependant, selon Benjamin Vickuña Mackenna, en l'espace d'un siècle, Juan Fernández sera l'asile d'au moins une centaine de solitaires (Vickuña Mackenna, 1883). L'île Robinson Crusoe est un point de chute pour les navigateurs, les explorateurs, les corsaires et les pirates qui y trouvent un lieu de repos mais aussi de quoi s'approvisionner en eau, fruits de mer et herbes pour combattre le scorbut et en matières premières pour diverses réparations.

Ces premiers visiteurs introduiront volontairement et involontairement différentes espèces végétales et animales.15

En août 1704, Alexander Selkirk, 24 ans et contremaître à bord du navire corsaire Cinque Ports, est abandonné sur l'île suite à une dispute avec son capitaine. L'homme séjournera seul 4 ans et 4 mois sur l'île avant d'être rapatrié par un autre navire corsaire anglais commandé par Woodes Rogers et Eduard Cooks. Il inspirera Daniel Defoe qui donna naissance au personnage de Robinson Crusoe, nom que porte l'île aujourd'hui.

Durant la première moitié du XVIIIe siècle, face aux occupations étrangères sur l'île Robinson Crusoe, l'Espagne décide de paupériser l'île pour qu'elle n'offre plus de ressources aux visiteurs. Une mission espagnole débarque sur l'île avec des chiens pour qu'ils dévorent les chèvres tandis que les hommes coupent une grande partie des arbres proches de la côte.

Le 9 juin 1741, débarque sur l'île le reste de l'escadre de l'amiral anglais Georges Anson, lors de son voyage autour du monde à bord du Centurion. Suite au difficile passage du Cap Horn et après avoir payé un lourd tribut au scorbut, ils séjournent quelque temps sur l'île et baptisent la baie en face du village du nom de Cumberland. Dans son livre « Voyage round the world in the years 1740, 41, 42, 43 and 44 », Anson décrit l'île et ses alentours en insistant sur les importantes ressources maritimes, sur la présence de chèvres mais aussi en décrivant l'originalité de la faune et de la flore. « De temps en temps, Anson tirait de sa poche un noyau de pêche, de prune ou d'abricot, creusait un trou du bout de sa canne, et plantait un arbre fruitier pour les générations à venir... » (Anson, 1750)

Figure 09 : Vue sur la place de l'île Juan Fernández : campement de l'expédition de Anson.

Source : Anson, 1750.

Après le séjour sur l'île, l'expédition de Lord Anson repart et commence des attaques en Amérique du Sud arrivant par surprise après ce repos en mer et causant beaucoup de tort aux intérêts espagnols.

15 Voir Partie 2 - Chapitre III - point 2.1. Introduction d'espèces

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» 3.3. Masatierra : place forte espagnole

Dans un contexte de préoccupation espagnole pour la défense de ses côtes et de son commerce et de guerres incessantes contre les Anglais, l'expérience de Lord Anson révèle à l'Espagne toute l'importance de l'île et quelques temps après, en 1749, la Couronne espagnole envoie des colons dans le but de fortifier l'île Robinson Crusoe, fondant l'actuel village de San Juan Bautista et initiant la construction de la forteresse Santa Barbara et de l'église Parroquial de San Antonio.

Les fortifications érigées sur l'île Robinson Crusoe sont représentatives du système général des plans défensifs espagnols du milieu du XVIIIe siècle sur les côtes américaines. Elles sont assimilables aux fortifications des ports continentaux comme ceux de Valdivia ou de Valparaiso.

Au XVIIIe siècle, les premiers explorateurs du Pacifique avaient colporté l'idée que cet océan était un champ de pêche inépuisable riche d'espèces de poissons, de cétacés et de crustacés innombrables. Pendant toute cette période et jusqu'au milieu du XIXe siècle, le Pacifique et l'archipel étaient un terrain de chasse illégale et déraisonnée de baleines, de phoques,... pour les marchands de peaux anglais, français et nord-américains qui faisaient commerce en Asie. Ces derniers, entre 1788 et 1809 exterminèrent plus de 5 millions (Vickuña Mackenna, 1883) d'otaries de Juan Fernández (Arctocephalus philippii) et amenèrent l'espèce au bord de l'extinction.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984