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Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernà¡ndez (Chili)

( Télécharger le fichier original )
par Julien Vanhulst
Université Libre de Bruxelles - Master en sciences et gestion de l'environnement 2009
  

Disponible en mode multipage

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Université Libre de Bruxelles
Institut de Gestion de l'Environnement et d'Aménagement du Territoire
Faculté des Sciences
Master en Sciences et Gestion de l'Environnement

«MENACES ET PERSPECTIVES POUR LA PRÉSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ DE
L'ARCHIPEL JUAN FERNÁNDEZ (CHILI) »

« L'île au trésor » (c) René Magritte, peinture, 1942.

Mémoire de Fin d'Etudes présenté par
Julien Vanhulst
En vue de l'obtention du grade académique de
Master en Sciences et Gestion de l'Environnement
Année Académique : 2008-2009

Directrice : Prof. Marie-Françoise Godart

Codirecteur : Prof. Pierre-Louis Kunsch

Assesseurs : Prof. Bernard Godden

Prof. Véronique Joiris

Prof. Jean Lejoly

Mr. Christophe Perrier (Robinsonia - France)

Contact auteur : julienvanhulst@ yahoo.fr

Remerciements :

Je remercie tout d'abord les professeurs qui ont encadré ce mémoire :

Marie-Françoise Godart pour avoir accepté de diriger ce mémoire et m'avoir lancé dans la rédaction au moment opportun (sans quoi je n'aurais jamais fini aujourd'hui...).

Pierre Louis Kunsch pour son soutien et nos échanges riches d'enseignements et d'humanité. Bernard Godden, Véronique Joiris et Jean Lejoly pour leur lecture et évaluation.

Je tiens à exprimer toute ma gratitude à Christophe Perrier pour sa disponibilité, sa franchise, pour les réponses qu'il m'a apportées et pour ses commentaires toujours instructifs.

Je remercie également toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de ce mémoire :

Celles et ceux qui ont amenuisé la distance qui me sépare de l'archipel Juan Fernández : Claudia Galleguillos (CONAMA - Encargada Àrea de Recursos Naturales y Biodiversidad), Juan Torres de Rodt (Sindicato de pescadores Juan Fernández y associé Fundación archipiélago Juan Fernández), Juan C. Torres-Mura (MNHN Santiago de Chile), Juanita Diaz, Julio Chamorro Solis (Sindicato de pescadores Juan Fernández), Julio Leiva (CONAF - Parque Juan Fernandez), Karen Lara Tognio (CONAMA - Unidad educación ambiental y participación Ciudadana), Liliana Maritano Jeria (Sernapesca), Miguel Diaz (CONAF - Jefe del Departamento de Áreas Protegidas y Comunidades), Patricio M. Arana (Escuela de Ciencias del Mar - Pontificia Universidad Católica de Valparaíso), Pedro Araya (CONAF - MaB Chile), Raimundo Bilbao (Presidente Fundación archipiélago Juan Fernández), Victorio Bertullo Mancilla (Director Casa de la Cultura Isla Robinson Crusoe).

Celles et ceux qui m'ont orienté et conseillé :

Alejandro Leon (RENARE Universidad de Chile), Alvaro Palma Benkhe (Departament de Ecologia, Facultad de Ciencas Biologicas P.U.C. de Chile), Bérengère Marques-Pereira (Université Libre de Bruxelles), Christine Favart (Directrice Relations bilatérales pays du Sud - WBI), Cornelia Nauen (Commission européenne - DG Recherche), Guy Bajoit (Université Catholique de Louvain-la-Neuve), Juan Soto Godoy (Universidad Académia Humanismo Cristiano, Santiago de Chili), Pablo Sepúlveda (Asociación El Canelo de nos), Philippe Willenz (Department of Invertebrates - Royal Belgian Institute of Natural Sciences), Thais Pons (ULB - IGEAT, pour toutes nos discussions discontinues)

Celles et ceux qui m'ont aidé à obtenir de la documentation et des informations précieuses : Alicia Marticorena (Departamento de Botánica - Universidad de Concepción), Ana Abarzúa (Universidad de Chile), Angelica Escalona, Carlos Baeza (Universidad de Concepción), Carlos Sato Varas (Illustre Municipalidad Juan Fernández - depto Turismo, Cultura y Relaciones publica), Claudia Santiago Karez (UNESCO Montevideo), Cristina Rojas A (Biblioteca Especializada de Agronomía - P.U.C. de Valparaíso), Cristian Sánchez (CEDOC-CIREN), Enrique Aliste (Universidad de Chile), Enrique Leff (Coordinador - Red de Formacion Ambiental - PNUMA), Erin N. Hagen, Ernst R. Hajek (ECOLYMA), Eyleen Angulo C. (Biblioteca Conmemorativa Orton IICA/CATIE - Costa Rica), Fabian Jaksic (Center for Advanced Studies in Ecology & Biodiversity - P.U.C. de Chile), Fernando Retamal Illanes (CONAMA - Programa Sendero de Chile), Francis Hallé (ancien professeur de botanique à l'Université de Montpellier), Francisco Bozinovic (Center for Advanced Studies in Ecology & Biodiversity - P.U.C. de Chile), Ignacio Letelier,

Ingo Hahn (Institut für Landschaftsökologie - Westfälische Wilhelms-Universität Münster), Jackie Van Goethem (ancien responsable du Point focal Biodiversité pour la Belgique), James Thorsell (Senior Advisor for Natural Heritage, World Conservation Union (IUCN)), José Yañez (MNHN Santiago de Chile), Marcela Pulgar, Mariana Acosta Serey (Universidad Academia Humanismo Cristiano), Patrick Sylvestre-Baron (GATE - CNRS), Peter Hodum (University of Puget Sounds), Peter Hulm, Ricardo Letelier, Rodolfo Gajardo (Universidad de Chile), Salvatore Arico (Division of Ecological and Earth Sciences - UNESCO), Sebastian Tramon da Fonseca (Fundación Biodiversa), Stephane Gelcich (Center for Advanced Studies in Ecology & Biodiversity - P.U.C. de Chile), Tod Stuessy (Institut für Botanik, Universität Wien - Vienne), Victor H. Ruiz R (Universidad de Concepción).

Celles et ceux qui ont exprimé leur intérêt et leur soutien à mon projet.

Celles qui m'ont aidé a parachever ma rédaction dans les derniers instants:

Fabienne Roynet pour sa lecture critique et sa générosité dans nos échanges autour de ce travail, Flore Vanhulst pour sa lecture philologique et critique ainsi que Claire Vanherenthals pour sa lecture concernée et minutieuse.

Et finalement, ma femme, Marcela Letelier et ma fille, Likán, pour leur patience, leur aide et leurs encouragements.

RÉSUMÉ

Au-delà de la diversité du vivant, la biodiversité est une notion multidimensionnelle capable de rassembler l'ensemble des disciplines scientifiques. Choisir la biodiversité comme objet d'étude permet donc une analyse multidisciplinaire, une lecture écologique d'un problème environnemental.

Conséquemment, le cadre d'analyse de ce projet d'étude se veut contextuel et global afin de considérer toute la complexité des relations entre chaque élément du système écologique. Ce canevas sera appliqué à l'étude du cas de l'archipel Juan Fernández, situé dans l'océan Pacifique au large des côtes du Chili. Ces quelques îles discrètes dissimulent une remarquable biodiversité d'intérêt mondial (l'archipel est classé Parc national et Réserve de biosphère de l'UNESCO). Elles sont aussi le carrefour de nombreuses forces qui mettent en péril les espèces végétales et animales singulières qu'elles abritent. Dans ce contexte particulier (comme ailleurs), l'homme est en partie responsable des équilibres et déséquilibres écologiques. Mais si l'homme est capable de transformer la nature, il en fait aussi naturellement partie. C'est pourquoi la notion de biodiversité permet d'entrecroiser les dimensions humaines et naturelles dans une analyse intégrée.

Ce mémoire propose d'esquisser cette jonction en suggérant une lecture de la biodiversité, en tant que réalité naturelle, au travers des perspectives historique, socio-anthropologique et politico-juridique dans lesquelles elle s'insère. La perspective historique évoque la naissance de l'archipel et la longue installation humaine, soulignant les différents évènements qui ont eu un impact sur l'environnement et la culture insulaire. La description de la biodiversité de l'archipel met en évidence sa richesse et son importance à l'échelle globale, mais aussi les menaces qui la mettent en péril. Enfin, les perspectives socio-anthropologique et politico-juridique distinguent les acteurs impliqués, leurs rôles mais aussi les instruments politiques et juridiques et leurs faiblesses.

Ce travail illustre ainsi la complexité à réaliser un projet de conservation dans une situation pratique qui sous-tend des interrelations nombreuses et complexes. Finalement, la mise en perspective du problème de perte de biodiversité intégrant le cadre institutionnel et social amène certaines propositions pour la conservation harmonieuse de cette réserve protégée en accord avec la vie de la population humaine.

Table des Matières

Table des Figures 1

Abréviations 3

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE - THÉORIE LIMINAIRE

CHAPITRE I - La BIODIVERSITÉ 7

1. Qu'est-ce que la biodiversité ? 7

2. Origine et développement du concept de "Biodiversité" 8

3. La place de l'homme dans la biodiversité 10

3.1. Nature des liens entre l'homme et la nature 10

3.2. Les "services rendus par les écosystèmes" 11

CHAPITRE II - La PERTE DE BIODIVERSITÉ 11

1. Qu'est-ce que la perte de biodiversité ? 11

2. Les facteurs de perte de biodiversité 12

2.1. Disparitions naturelles 13

2.2. Disparitions liées au forçage anthropique (la place de l'homme dans la perte de biodiversité) 13

3. Enjeux écologiques, sociopolitiques et économiques 15

3.1. Enjeux écologiques 15

3.2. Enjeux sociopolitiques et socioculturels 15

3.3. Enjeux économiques 16

4. Considération finale sur la biodiversité 17

CHAPITRE III - SPÉCIFICITÉS INSULAIRES 17

1. Les écosystèmes insulaires : définition 17

2. Le syndrome d'insularité 18

2.1. Richesse spécifique 18

2.2. Amplitude écologique 19

2.3. Densité 19

2.4. Sédentarité 19

3. Fragilité 19

4. Les facteurs de perte de biodiversité dans les écosystèmes insulaires 20

4.2.1 Perturbation des habitats 20

4.2.2. Introduction d'espèces envahissantes 20

4.2.3. Surexploitation 21

4.2.4. Combinaison de facteurs 21

4.2.5. Danger surdimensionné dans un contexte insulaire 21

DEUXIÉME PARTIE : CAS DE L'ARCHIPEL JUAN FERNÁNDEZ

CHAPITRE I - PERSPECTIVE HISTORIQUE 23

1. Naissance des îles 23

1.1. Géographie, géologie et géomorphologie 23

1.2. Le climat 24

2. Evolution et occupation avant la découverte de l'archipel 25

3. De la découverte de l'île Robinson Crusoe à nos jours 25

3.1. Découverte de l'archipel par Juan Fernández Sotomayor 25

3.2. Un siècle de confluences dispersées avec l'humanité 27

3.3. Masatierra : place forte espagnole 28

3.4. Masatierra : Pénitencier pour criminels et opposants 28

3.5. Masatierra sous contrat de bail 29

3.6. Masatierra : réservoir à langoustes 31

3.7. Développement technique, infrastructurel et social. 32

3.8. L'arrivée de la CONAF 33

3.9. Germes d'autonomie politique et de continentalité 34

4. Stigmates historiques 35

CHAPITRE II - La BIODIVERSITÉ sur l'archipel Juan Fernández 35

1. La biodiversité au Chili 35

1.1. Biodiversité végétale 36

1.2. Biodiversité animale 36

1.3. Statut officiel de la biodiversité 37

2. La biodiversité sur l'archipel Juan Fernández 38

2.1. Diversité végétale 38

2.1.1. Fondations de connaissances botaniques 38

2.1.2. Caractérisation des zones végétales 40

2.1.3. Caractérisation des espèces végétales 41

2.2. Diversité animale 42

2.2.1. Les mammifères 42

2.2.2. L'avifaune 42

2.2.3. La faune aquatique 43

2.2.4. Les invertébrés 43

2.2.5. Faune animale introduite 43

CHAPITRE III - PERTE DE BIODIVERSITÉ sur l'archipel Juan Fernández 44

1. Réalités du problème de perte de biodiversité 44

2. Facteurs de perte de biodiversité sur l'archipel Juan Fernández 45

2.1. Introduction d'espèces 46

2.1.1. Espèces animales 48

2.1.2. Arbres exotiques 50

2.1.3. Autres espèces végétales 50

2.1.4. Interactions espèces végétales - espèces végétales 53

2.1.5. Interactions espèces végétales - espèces animales 53

2.2. Perturbation des habitats 54

2.3. Surexploitation 56

2.4. Combinaison de facteurs 57

CHAPITRE IV - PERSPECTIVE SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE 59

1. Les acteurs 59

1.1. Niveau local 59

1.1.1. La Illustre Municipalidad de Juan Fernández 59

1.1.2. La population 60

1.2. Les grandes institutions nationales 60

1.2.1. Le SAG 60

1.2.2. La CONAF 60

1.2.3. Le SERNAPESCA 61

1.2.4. La Capitanía de Puerto 61

1.2.5. La CONAMA 61

1.2.6. Le CIDEZE 62

1.3. Les ONG 62

1.4. Les institutions internationales 63

2. La population 63

2.1. Démographie 63

2.2. Alphabétisation 65

2.3. Relations avec le continent et identité 65

2.3.1. Le syndrome d'insularité 66

2.3.2. La pêche : socle identitaire 67

2.4. Ambivalence du statut de protection de l'archipel 67

2.5. Economie 68

2.5.1. Caractéristiques actuelles 68

2.5.2. L'option touristique 69

CHAPITRE V-PERSPECTIVE POLITICO-JURIDIQUE 71

1. Cadre juridique 71

1.1. Cadre national 71

1.1.2. Le Code Civil 73

1.1.3. La Ley de Bases del Medio Ambiente 74

1.1.4. Ley de Bosque et Ley de fomento forestal 74

1.1.5. Ley de caza 74

1.1.6. Ley general de Pesca y Acuicultura 75

1.1.7. Ley N° 18.362 que crea un Sistema Nacional de Areas Silvestres Protegidas del Estado 75

1.1.8. Autres tutelles des zones protégées 79

1.1.8.1. Zones protégées publiques 79

1.1.8.2. Zones protégées privées 79

1.2. Cadre international 80

1.2.1. UNESCO 80

1.2.2. Accords et conventions internationales 81

2. Faiblesses du cadre juridique 83

CHAPITRE VI - PERSPECTIVES FUTURES 86

1. Révision du statut légal de l'archipel Juan Fernández 86

2. Inclusion de la population dans les stratégies de gestion 86

3. La protection et la conservation de la biodiversité 87

3.1. Eradication des espèces problématiques 87

3.2. Récupération des espèces natives et des sols 87

3.3. Contrôle des entrées 87

3.4. Conservation in situ et ex situ 88

3.5. Monitoring 88

3.6. Formations et informations 88

4. Gestion des déchets 88

5. Gestion de l'eau 89

6. Gestion des ressources halieutiques 90

7. Génération d'énergie renouvelable 90

8. Définition de la capacité de charge maximale pour le tourisme 90

CONCLUSION 91

Bibliographie 92

Annexes 99

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» Table des Figures:

Fig. 01 : « L'île au trésor » 0

René Magritte, 1942.

Fig. 02 : Index Planète vivante (WWF, UNEP-WCMC) 12

Greenfacts, 2005.

Fig. 03 : Les 3 grands facteurs de perte de biodiversité et leurs relations 14

Vanhulst, 2009 d'après MEA, 2005, Fig. 5 et Barbault, 2002, Fig. 3.

Fig. 04 : Archipel Juan Fernández 22

H. Correa Cepeda (Director del jardín botánico nacional), 2009.

Fig. 05 : Baie Cumberland et village San Juan Bautista 22

O. Chavez ( www.panoramio.com), 2008.

Fig. 06 : Carte des principales plaques tectoniques 23

www.johomaps.net, 2009

Fig. 07 : Situation géographique de l'archipel Juan Fernández 24

www.scielo.cl, 2009

Fig. 08 : Probablement la première représentation de l'île, vers 1600 26

Cambornac, 2002.

Fig. 09 : Vue sur la place de l'île Robinson Crusoe : campement de l'expédition de Anson 27

Anson, 1750.

Fig. 10 : Pénitencier de l'île Robinson Crusoe ...28

http://www.memoriachilena.cl, 2009

Fig. 11 : Evolution historique du matériel pour capturer les langoustes 32

Arana, 1983.

Fig. 12 : Richesse et endémisme des espèces végétales au Chili 36

Vanhulst, 2009 d'après Espinoza et Arqueros, 2000 ; Manzur, 2008.

Fig. 13 : Richesse et endémisme des espèces animales au Chili 36

Vanhulst, 2009 d'après Espinoza et Arqueros, 2000 ; Manzur, 2008.

Fig. 14 : Nombre d'espèces endémiques, indigènes et introduites sur l'archipel 41

Vanhulst, 2009 d'après Danton et Perrier, 2006.

Fig. 15 : Les facteurs de perte de biodiversité sur l'archipel Juan Fernández 45

Vanhulst, 2009 d'après Cuevas et Van Leersum, 2001 ; T. Stuessy et al., 1998.

Fig. 16 : Carte de la répartition géographique des espèces autochtones et allochtones 47

Greimler, Lopez, Stuessy, Dirnböck, 2001.

Fig. 17 : La zarzamora ou Ronce (Rubus ulmifolius) 51

Vanhulst (Bruxelles), 2009

Fig. 18 : La Murtilla ou Goyavier du Chili (Ugni Molinae) 52

Vanhulst (Meise - Jardin Botanique National de Belgique), 2009

Fig. 19 : Le Maqui (Aristotelia chilensis) 52

www.diccionarioplantasnet.es, 2009 et http://www.profesorenlinea.cl, 2009

Fig. 20 : Carte de l'érosion sur l'île Robinson Crusoe 54

Fellmann, 2004.

Fig. 21 : Recensements de population de Picaflor Rojo (Sephanoides Fernandensis) 55

P. Hodum ( www.oikonos.org), 2008 et Vanhulst, 2009 d'après F. Pirola, 2002.

Fig. 22 : Quantité de langoustes pêchées entre 1930 et 2000 en tonnes 56

Arana, 1983 et Arana, 2006.

Fig. 23 : Quantité de langoustes pêchées entre 1968 et 2001 par unité 57

Arana, 2006 et www.fao.org/fishery

Fig. 24 : Diagramme global du problème de perte de biodiversité 58

Vanhulst et Kunsch, 2009.

Fig. 25 : Structure de la population par âge et par sexe (Chiffres Municipalité) 63

Vanhulst, 2009 d'après PLADECO, 2005.

Fig. 26 : Structure de la population par âge et par sexe (Chiffres INE) 64

Vanhulst, 2009 d'après PLADECO, 2005.

Fig. 27 : Pyramide d'âges de la population de l'archipel (Chiffres INE) 64

Vanhulst, 2009 d'après PLADECO, 2005.

Fig. 28 : Nombre de visiteurs du parc Juan Fernández entre 1990 et 2002 69

CONAF, 2004.

Fig. 29 : Les risques du tourisme 70

Vanhulst et Kunsch, 2009.

Fig. 30 : Entités publiques responsables du contrôle des normes environnementales 73

Vanhulst, 2009, d'après OCDE ET CEPAL, 2005.

Fig. 31 : Zones protégées et écosystèmes terrestres incorporés au SNASPE en décennies 77

Vanhulst, 2009 d'après IUCN, 2007.

Fig. 32 : Zones protégées du réseau SNASPE au Chili 77

Vanhulst, 2009 d'après CONAMA, 2005 ; www.conaf.cl ; TERRAM, 2005.

Fig. 33 : Corrélation entre le budget et la bonne gestion d'une zone protégée 78

WWF, 2004.

Fig. 34 : Corrélation entre l'éducation et la bonne gestion d'une zone protégée 78

WWF, 2004.

Fig. 35 : Localisation, nombre et superficie des zones protégées privées en 1999 79

Vanhulst, 2009 d'après TERRAM, 2005.

Fig. 36 : La décharge municipale de l'archipel Juan Fernández 89

Christophe Perrier, 2009.

Abréviations :

CDB : Convention sur la Diversité Biologique

CEPAL : Comisión Económica Para América Latina y el Caribe

(Commission Economique Pour l'Amérique Latine et les Caraïbes)

CIDEZE : Comité Interministerial para el DEsarrollo de Zonas Extremas

(Comité Interministériel pour le Développement de Zones Extrêmes)

CITES: Convention on International Trade in Endangered Species

(Convention sur le Commerce International des Espèces Menacées d'Extinction)

CONAF : Corporación Nacional Forestal

(Agence Nationale Forestière)

CONAMA : Corporación Nacional del Medio Ambiente

(Agence Nationale de l'Environnement)

CONICYT : Comisión Nacional de Investigación Científica Y Tecnológica

(Commission Nationale de Recherche Scientifique Et Technologique)

COREMA : Corporación Regional del Medio Ambiente

(Agence Régionale de l'Environnement)

CORFO : Corporación de Fomento de la Producción

(Agence de Développement Economique)

DIRECTMAR : Dirección General del Territorio Marítimo y Marina Mercante

(Direction Générale du Territoire Marin et de la Marine Marchande)

GIEC : Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat

INE: Instituto Nacional de Estadísticas

(Institut National de Statistiques)

INIA : Instituto de Investigación Agropecuarias

(Institut de Recherche pour l'Agriculture et l'Elevage)

IREN : Instituto Nacional de Investigación de Recursos Naturales

(Institut National de Recherche sur les Ressources Naturelles)

MaB : Man and Biosphere

(programme « L'homme et la biosphère » de l'UNESCO)

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique

ONG : Organisation Non Gouvernementale

ONU : Organisation des Nations unies

PNUD : Programme des Nations unies pour le Développement

PNUE : Programme des Nations unies pour l'Environnement

PNUMA : Programa de las Naciones unidas para el Medio Ambiente

(Programme des Nations unies pour l'Environnement)

SAG: Servicio Agrícola y Ganadero

(Service pour l'Agriculture et l'Elevage)

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» SCOPE: Scientific Committee On Problems of the Environment

(Comité scientifique sur les problèmes de l'environnement)

SEIA : Sistema de Evaluación de Impacto Ambiental

(Système d'Evaluation d'Impact Environnemental)

SERNAPESCA : Servicio Nacional de Pesca

(Service National de la Pêche)

SESA : Servicio Ecuatoriano de Sanidad Agropecuaria

(Service Equatorien Sanitaire pour l'Agriculture et l'Elevage)

SICGAL : Sistema de Inspección y Cuarentena para Galápagos

(Système d'Inspection et de Quarantaine pour les Galápagos)

SINIA : Sistema Nacional de Información Ambiental

(Système National d'Information Environnementale)

SNASPE : Sistema Nacional de Areas Silvestres Protegidas por el Estado

(Système National d'Aires Sauvages Protégées par l'Etat)

SUBSECMAR : Subsecretaria de Marina

(Sous secrétariat de la Marine)

UICN : Union Internationale pour la Conservation de la Nature

UNESCO: United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization

(Organisation des Nations unies pour l'Education, la Science et la Culture)

UNORCH : Union de Ornitólogos de Chile

(Union des Ornithologues du Chili)

WCMC : World Conservation Monitoring Center

(Centre de Surveillance de la Conservation de la Nature)

WDPA : World Database on Protected Area

(Base de donnée Mondiale des Aires Protégées)

WWF : World Wild Fund

(Organisation mondiale de protection de l'environnement)

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» INTRODUCTION

Au début des années 1980, l'inquiétude de nombreux scientifiques face au rythme sans précédent de disparition d'espèces lance le débat sur la biodiversité. A cette époque, ce terme de "biodiversité" est encore synonyme de diversité des espèces. Progressivement, la biodiversité ne se limitera plus aux seuls inventaires d'espèces et sera abordée de façon dynamique. Elle devient « l'ensemble des relations entre toutes les composantes du vivant qui permet le jeu de l'évolution. » (Aubertin et al., 1998) Désormais métissée, la notion de biodiversité associe aujourd'hui la compréhension des systèmes écologiques et des systèmes sociaux. Cette conception permet d'aborder un problème environnemental en intégrant plusieurs disciplines généralement disjointes.

Dans ses limites bibliographiques et méthodologiques, le présent travail, sur le cas de l'archipel Juan Fernández, propose d'appliquer un cadre d'analyse contextuel et global à partir du concept de biodiversité afin de mieux considérer les actions futures pour sa préservation. Soit, une façon de penser un problème environnemental qui n'isole pas un phénomène mais le contextualise (au travers de diverses disciplines); qui n'aborde pas le problème strictement localement mais le situe dans une logique globale ; et qui ne restreint pas le problème à une temporalité immédiate mais qui prend en considération les effets futurs des actions entreprises.

En effet, si les problèmes environnementaux peuvent être expliqués par les sciences dites naturelles (physique, chimie, biologie), la compréhension de leurs causes et leur gestion doivent intégrer les sciences dites humaines (historiques, socio-anthropologiques, économiques et politico-juridiques).

L'archipel Juan Fernández (composé de 3 îles et quelques îlots au large des côtes chiliennes) est un précieux berceau de biodiversité. Apparu il y a environ 4 millions d'années, cet archipel a lentement été colonisé par des espèces végétales et animales qui se sont adaptées et ont évolué singulièrement dans ce biotope isolé. Cette lente adaptation et évolution biocénotique a préservé et fait naître des espèces désormais uniques au monde. L'archipel est classé Parc National chilien et Réserve de Biosphère par l'UNESCO. Ces statuts sont liés à sa nature écologique (endémisme important, paysages singuliers, patrimoine génétique et biochimique unique), culturelle, mais aussi aux évènements historiques qui l'ont marqué. Malgré cela, les conditions nécessaires pour assurer son intégrité à long terme, tant du côté environnemental que culturel, s'éloignent de jour en jour au rythme des exploitations, des envahissements d'espèces exotiques et de son inclusion dans la sociétémonde.

L'exploitation des ressources physiques (dans un premier temps sur les îles Robinson Crusoe et Santa Clara et ensuite sur Alejandro Selkirk) remonte au jour de la découverte de l'archipel en 1574. Au début, l'exploitation (principalement des ressources marines) était discontinue au même titre que les occupations de l'île. Finalement, une population permanente s'est installée à la fin du XIXe siècle, développant des activités économiques attrayantes (toujours basées essentiellement sur les ressources halieutiques). Les différentes étapes d'installations historiques ont laissé des traces profondes sur l'archipel. Face à cette situation, certaines mesures de protection ont été appliquées suite à la création du Parc National en 1935. Ces bonnes intentions ne seront traduites dans la pratique qu'à la fin des années 1960 dans une logique préservationniste classique (c.-à-d. sans inclure la dimension participative). Malgré l'intégration de l'archipel au réseau de Réserves de Biosphère en 1977, les modes de gestion sont restés sensiblement intacts et ne parviennent pas vraiment à répondre à l'ensemble des processus de dégradation qui menacent l'archipel.

L'archipel Juan Fernández offre donc une remarquable illustration (archétypique) des théories sur la biodiversité et la perte de biodiversité articulant les dimensions naturelles et humaines. Une vue à la fois microscopique et macroscopique permet d'appréhender non seulement la "nature" et les particularités du phénomène de perte de biodiversité mais aussi l'étiologie de ce problème et les possibilités de le résoudre.

Si, au départ, l'adoption de cette vue générale était plus le résultat des possibilités méthodologiques autour de ce mémoire, elle s'est construite, ensuite, comme proposition de dépasser les vues claires et distinctes des travaux de spécialistes pour recadrer la gestion de l'archipel en tant que zone protégée et lieu de vie dans son contexte global.

<<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» Note méthodologique :

Ce travail inclus quelques << diagrammes d'influence )) issus de la dynamique des systèmes. Le recours à ces diagrammes est un choix méthodologique. Il souligne l'intérêt de penser l'environnement de manière systémique en opposition à une perspective linéaire.

Les quelques diagrammes présentés ici sont qualitatifs et servent surtout de support à la compréhension. Les problèmes environnementaux ne se limitent évidemment pas à un modèle virtuel et ces modèles ne sont pas assimilables à la réalité. Cependant, les diagrammes permettent de mettre en évidence un système (c.-à-d. un ensemble d'éléments qui interagissent continuellement dans le temps) qui comprend des interrelations parfois complexes dans une structure schématique qui "simplifie la réalité". La figure du système ainsi obtenue permettra de visualiser les << chaînes de relations qui lient des causes à leurs effets, les équilibres et déséquilibres et leurs régulations, l'ensemble débouchant sur des effets involontaires, imprévus ou pervers [...]. )) (Godard, 1996)

La dynamique des systèmes peut également être utilisée pour analyser comment un changement structurel qui affecte une partie du système peut influencer le comportement de l'ensemble du système. D'autre part, ces diagrammes qualitatifs considèrent l'espèce humaine et le reste des espèces vivantes sous un même statut << à la fois comme opérateurs élémentaires de flux matériels et énergétiques et comme composants soumis aux déterminations du système de relations.)) (Godard, 1996).

En sus de << son intérêt propre pour comprendre et résoudre certains problèmes, le recours à la modélisation devient de plus en plus un moyen de dialogue entre les disciplines)) (Schmidt-Lainé et Pavé, 2002) et entre les acteurs. Ainsi, les apports de la modélisation sont utiles à des fins de compréhension mais aussi comme outil d'aide à la décision. Lors des recherches effectuées pour ce travail, la lecture de notes techniques (Bouamrane et al., 2006) des Réserves de biosphère du programme MaB a inopinément fait le lien entre le sujet de recherche et le choix de l'utilisation des diagrammes d'influence pour rendre compte des phénomènes complexes de façon synthétique et lisible. Dans le cadre des stratégies de conservation des Réserves de biosphère, le programme MaB propose le recours aux modèles en tant qu'instruments de gestion. << L'intégration de modèles de simulation dans l'aide à la décision collective pour la gestion de ressources naturelles est une des particularités de la gestion adaptative (Holling, 1978 ; Walters, 1986). Il y a trois façons [...] d'utiliser des modèles [...] en tant que support pédagogique : pour faire prendre conscience des interactions entre acteurs et ressources, en tant qu'outil de médiation entre les usagers d'une Réserve de biosphère et en tant qu'outil d'aide à la décision pour la mise en place d'un plan d'aménagement concerté. )) (Bouamrane et al., 2006). La mise en place de tels outils dans le cadre de la gestion d'un espace protégé suscite le dialogue et la concertation. Ainsi, dans la "modélisation d'accompagnement", << le modèle joue le rôle d'un objet intermédiaire convivial et dynamique. Il est à la fois un outil de partage de représentations et un outil d'évaluation des scénarios [...]. Dans la mesure où il aide à se mettre à la place de l'autre, il assure une bonne lisibilité des rôles de chacun des acteurs et stimule la synergie entre connaissances pratiques et expertise technique et entre savoirs profanes et savoirs scientifiques. )) (Bouamrane et al., 2006)

Lecture des diagrammes d'influence :

Les diagrammes d'influence contiennent des "variables" (éléments du système) et des flèches de relation entre ces variables. Les flèches indiquent le sens de la relation et une polarité. Un signe "+" désigne une relation positive (si une variable réagit en augmentant, l'autre variable réagira analogiquement, soit : si la première variable augmente, elle influencera l'autre variable dans un sens d'augmentation), un signe "-" indique une relation négative (c.-à-d. une relation inversement proportionnelle entre deux variables, soit : si la première variable augmente, elle influencera l'autre variable dans un sens de diminution). A partir d'un ensemble d'interrelations, on peut distinguer des "rétroactions". Les rétroactions sont des boucles de relations entre les variables. La rétroaction la plus simple est une interrelation entre deux variables qui s'influencent l'une l'autre. Si les deux variables s'influencent chacune positivement ou négativement, il s'agira d'une rétroaction dite "positive" (c.-à-d. une rétroaction qui s'autoalimente et peut éventuellement générer un effet boule de neige). En revanche, si la polarité des deux variables est différente, il s'agira d'une rétroaction dite "négative" (boucles d'auto-stabilisation qui peut éventuellement créer un équilibre). Dans les diagrammes d'influence, les boucles ne se limitent pas à deux variables et leur nature dépend de l'enchaînement des relations et de leur polarité.

<<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» PREMIÈRE PARTIE - THÉORIE LIMINAIRE

CHAPITRE I - La BIODIVERSITÉ 1. Qu'est-ce que la biodiversité ?

<< Que la vie se manifeste sous des formes très diverses est un fait bien connu, et de longue date. La diversité du vivant est un fait. J'aimerais que l'on réserve l'emploi du néologisme biodiversité - qui certes dit la même chose au premier degré - au concept qui s'est dessiné dans les coulisses de Rio de Janeiro et qui donne corps à la Convention sur la diversité biologique. » (Barbault, 2002)

Communément, la biodiversité est subdivisée en 3 niveaux :

1) La diversité génétique (variation du génome au sein d'une même espèce) :

C'est le niveau d'organisation le plus petit, la diversité indivisible qui est à l'origine de la biodiversité. << La diversité génétique intraspécifique est la base ultime de l'évolution. L'adaptation des populations aux conditions locales en dépend. La diversité génétique est un gage d'adaptation à un monde changeant, une garantie sur l'avenir. » (Barbault, 2002)

2) La diversité spécifique :

La diversité spécifique fait référence à la variété des animaux, plantes, champignons et microorganismes vivants dans une région donnée. Le niveau d'organisation central est celui de l'espèce. On estime qu'il existe entre 5 et 30 millions d'espèces sur Terre, et que seuls 1,7 à 2 millions d'entre elles ont été identifiées (Greenfacts, 2005). Relativement peu d'espèces sont réellement abondantes. La majorité d'entre elles sont peu communes, rares ou très rares. Toutes jouent cependant un rôle essentiel dans le fonctionnement des écosystèmes (Peeters et al., 2007).

3) La diversité écosystémique :

L'écosystème est une subdivision de la biosphère. Il fait référence à une unité qui comprend une biocénose (association d'êtres vivants) et son biotope (environnement physico-chimique). La diversité des écosystèmes, ou biodiversité structurale, s'exprime par le nombre et la diversité des espèces qui peuplent un milieu naturel.

Cependant, la biodiversité ne se limite pas à la distinction et à l'énumération de variations à différentes échelles. Elle recouvre aussi les interactions qui existent au sein des différents niveaux évoqués et entre ces niveaux.

Ainsi, la biodiversité recouvre non seulement l'ensemble des formes de vie sur Terre (y compris l'être humain) mais aussi les relations que ces formes de vie tissent entre elles et avec leur environnement depuis les origines de la vie. Elle comprend donc de façon indissociable à la fois la richesse de l'ensemble des formes du vivant, et la complexité des interactions entre toutes les espèces ainsi qu'entre ces espèces et leurs milieux naturels. << La disparition d'une espèce, par delà son caractère dramatique en soi, a moins d'importance pour le monde vivant (dont les humains) que les multiples interactions qui disparaissent avec elle. [...] La biodiversité n'est pas réductible à la somme des espèces ; et quand toutes les espèces seraient identifiées et conservées dans des boîtes séparées, la diversité aurait disparu. » (Weber et Latelin, 2004)

D'autre part, en tant que champ de recherche, la biodiversité ne se limite pas aux seules sciences de la nature. Dans le contexte du début des années 1980 et en parallèle avec la construction de la biologie de la conservation, la notion de biodiversité éclate le cadre `sciences de la vie' où la diversité du vivant était confinée jusque-là, pour se mettre au carrefour des sciences de la nature, des sciences de l'homme et de la société, et des sciences de l'ingénierie et de la décision (Barbault, 2003).

Cette transition suppose de nouvelles synergies intra disciplinaires et interdisciplinaires.

<<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» 2. Origine et développement du concept de "Biodiversité"

Etymologiquement, le terme biodiversité est le résultat de la contraction du mot biologique (dont l'élément -bio vient du grec bios << vie ») et diversité (du latin diversitas de diversus << divers »).

Alors que l'écologie entre dans le champ scientifique dans le courant du XVIIIe siècle, l'intérêt pour la conservation de la nature est relativement récent. << Si l'on adopte comme critère la mise en place d'aires protégées, réserves naturelles ou parcs naturels, on en relève les premiers signes à la fin du XIXe siècle avec la création aux Etats-Unis, en 1872, du premier parc national du monde, celui de Yellowstone. On peut faire remonter plus loin les origines des pratiques conservatrices en évoquant les croyances philosophiques et religieuses qui reconnaissent une valeur sacrée à des paysages exceptionnels, ou aux animaux et à la vie. [...] L'Union internationale pour la protection de la nature est créée en 1948. Sa transformation 8 ans plus tard en UICN entérine l'idée que la préservation de la nature doit s'inscrire dans une perspective plus large d'utilisation sage de celle-ci et de ses fruits pour le bénéfice des hommes. » (Barbault, 2002) En 1971, L'UNESCO lance son programme de recherche appelé Man and Biosphere (MaB)1 avec pour objectif d'accroître les connaissances sur les relations entre l'homme et la nature. Quelques années plus tard, << en 1974, un groupe de travail du programme MaB lance l'idée de Réserve de biosphère. L'originalité du concept, par rapport à la perception classique des réserves et à la philosophie qui prévalait à l'époque en matière de protection de la nature, est de prendre en compte simultanément les objectifs de conservation et de développement. Les réserves classiques sont définies par rapport à la nature; les Réserves de biosphère partent d'interrogations et de réflexions sur les relations entre les sociétés humaines et leur environnement naturel. » (Barbault, 2002)

La Stratégie mondiale de la conservation, dont une première version fut publiée en 1980, deux ans avant la conférence de Stockholm, est un événement important dans la prise de conscience internationale. Publiée par l'UICN, le WWF et le PNUE, cette stratégie adopte une vision globale de la dynamique de la biodiversité dans ses relations aux sociétés. Elle indique clairement que la conservation de la nature a pour finalité la satisfaction des besoins humains et doit donc tenir compte des contraintes économiques et sociales. Il s'agit d'une étape fondamentale de la pensée conservationniste, jusque-là entendue surtout comme destinée à mettre des morceaux de nature hors d'atteinte des pressions anthropiques. La Stratégie mondiale donnait raison à l'approche de l'UNESCO à partir du concept de << Réserve de biosphère », qui considère que les humains font partie de l'écosystème, qu'il s'agit de conserver (Weber, 2002).

Plus tard, en 1985, le biologiste Walter G. Rosen propose le néologisme << Biodiversity » (contraction de l'expression Biological Diversity apparentée au tropicaliste Tomas Lovejoy, 1980) qui sera repris lors du << 1st National Forum on Biological Diversity » en 1986. Le nouveau mot ainsi introduit sera popularisé par l'entomologiste Edward O. Wilson qui, en 1988, en fait le titre du compte rendu du forum de 1986. Ce dernier en donne la définition suivante : << la totalité de toutes les variations de tout le vivant ».

En 1988, l'Assemblée générale de l'UICN adopte la définition suivante : << La diversité biologique, ou biodiversité, est la variété et la variabilité de tous les organismes vivants. Ceci inclut la variabilité génétique à l'intérieur des espèces et de leurs populations, la variabilité des espèces et de leurs formes de vie, la diversité des complexes d'espèces associées et de leurs interactions, et celle des processus écologiques qu'ils influencent ou dont ils sont les acteurs, dite diversité écosystémique (18e Assemblée Générale de l'UICN, Costa Rica, 1988). » (Ministère délégué à la recherche [F], 2005)

Depuis 1986, l'utilisation du terme et du concept a coïncidé avec la prise de conscience de l'extinction d'espèces qui frappe la planète depuis les dernières décennies du XXème siècle (Ministère délégué à la recherche [F], 2005). L'objectif principal de ces textes fondateurs était de stigmatiser l'érosion de la biodiversité biologique, de dénoncer les menaces qui pèsent sur elle et de souligner l'impérieuse nécessité d'inverser cette tendance (Blondel, 2003).

1 Voir Partie 2 - Chapitre V - point 1.2.1. UNESCO

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)»

Ces plaidoyers ont joué un rôle important dans la prise de conscience qui s'est faite lors de la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement à Rio de Janeiro au Brésil du 3 au 14 juin 1992 (Sommet de la Terre de 1992). Cette conférence (dans le sillage du 1er sommet de la Terre en 1972 à Stockholm) signe l'acte de naissance de la Convention sur la biodiversité2. Avec ce traité, Rio a unifié, mis en cohérence et renforcé des processus qui étaient engagés depuis des décennies (voir les différentes conventions de la 2e moitié du XXe siècle et ayant pour objectif la protection de la faune et de la flore à différentes échelles).

L'article 2 ("Emploi des termes") de cette convention définit la diversité biologique comme la « variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein de espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. » (CDB, 1992)

L'événement que fut Rio fit faire au mot « biodiversité » un saut épistémologique majeur puisqu'il quitta définitivement la seule sphère des biologistes pour envahir celle des sciences de l'homme et de la société. A partir de cette date, et plus encore à la suite du sommet mondial de Johannesburg sur le développement durable d'août 2002, la biodiversité a quitté le seul champ de la biologie pour devenir un concept associant résolument et explicitement le champ des sciences de la nature et celui des sciences de l'homme et de la société (Bondel, 2003).

Ce glissement sémantique fait que la biodiversité ne se réduit plus à son sens littéral (diversité du vivant) et invoque dès lors une approche interdisciplinaire. Le concept de biodiversité devient alors porteur d'une nouvelle manière de considérer les relations entre sciences de la nature et sciences de l'homme et de la société.

En 1992, un nouveau saut est franchi avec la publication de la Stratégie mondiale de la conservation par le World Resources Institute, l'UICN et le PNUE. Ce texte majeur souligne une nouvelle fois la nécessité de croiser les approches de développement avec la sauvegarde des processus écologiques. Il relance la dynamique post-Rio et contribuera à relancer le dispositif mondial des Réserves de biosphère dans le cadre de la Stratégie de Séville en 1995.

En avril 2002, lors de la sixième réunion de la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, qui est administrée sous l'égide du PNUE, les gouvernements se sont engagés « à assurer, d'ici 2010, une forte réduction du rythme actuel de perte de diversité biologique aux niveaux mondial, régional et national, à titre de contribution à l'atténuation de la pauvreté et au profit de toutes les formes de vie sur la planète ». Après les avancées rhétoriques et superficielles qui prédominaient depuis 1972, cet engagement marque un premier objectif délimité dans le temps. Objectif certainement trop ambitieux et peut-être volontairement naïf (adage de tout consensus international ?), à l'aube de l'échéance fixée, force est de constater que les enjeux restent sensiblement les mêmes.

Toujours en 2002, l'UNESCO, l'Union Internationale des Sciences Biologiques et le SCOPE, lancent un grand programme international baptisé Diversitas qui vient confirmer l'idée d'approche scientifique intégrée de la biodiversité.

En 2005, est publié le rapport de l'Evaluation des Ecosystèmes pour le Millénaire commandité en 2000 par Kofi Annan, secrétaire général de l'ONU. Les questions soulevées par ce rapport vont fédérer les initiatives internationales dans le domaine de la biodiversité. Ce rapport mettra en évidence la responsabilité de l'homme dans la dégradation de l'environnement et les services écologiques rendus par les écosystèmes avec des résultats chiffrés et une légitimité internationale. Pour être influent et crédible, peut-être que ce type de dispositif devrait être de nature intergouvernementale (de type GIEC) plutôt que non gouvernementale. Ensuite, l'Évaluation du Millénaire, si elle étudiait les impacts des transformations des écosystèmes sur le bien-être des populations humaines, ne portait pas spécifiquement sur la diversité biologique.

Au fil du temps, la biodiversité s'est construite, au delà du concept d'origine, comme champ de recherche qui propose une autre manière de regarder et d'aborder des champs traditionnels relevant des sciences de la nature ou des sciences de l'homme.

2 Voir Partie 2 - Chapitre V - point 1.2.2. Accords et conventions internationales

<<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» 3. La place de l'homme dans la biodiversité

3.1. Nature des liens entre l'homme et la nature

Depuis le Sommet de la Terre, organisé en 1992 par l'ONU à Rio de Janeiro, la biodiversité suscite un intérêt croissant des scientifiques, des pouvoirs publics et de l'opinion dans le monde entier. De plus en plus de personnes reconnaissent que du gène à l'espèce et à l'écosystème, la diversité de la vie sur Terre constitue un patrimoine naturel irremplaçable et indispensable au bien-être des hommes et au développement durable.

Cependant, la représentation de la nature actuellement dominante dans les sociétés "occidentales" repose sur le dualisme Société - Nature. Elle tire ses racines de l'histoire des relations entre l'homme et la nature marquée par une croyance en la domination de la nature. Historiquement, l'homme est perçu comme séparé de la nature et capable de la maîtriser. Ce n'est que récemment que les effets des processus humains sur la nature ont été mis en évidence et resitués.

D'autre part, aujourd'hui, la biodiversité est un concept souvent réduit au nombre d'espèces existant sur la planète. Les considérations de la dépendance des sociétés humaines vis-à-vis de cette diversité biologique sont limitées alors qu'elle se retrouve pourtant dans une multitude d'activités humaines (agriculture, élevage, pêche, sylviculture, cueillette, pharmacie, cosmétiques, alimentation et industrie agro-alimentaire, bois, fibres,...) depuis les temps préhistoriques.

<< Comme toute espèce vivante et depuis notre apparition sur Terre, nous dépendons de ce qui nous entoure de manière plus ou moins évidente, donc plus ou moins consciente. Nous sommes en effet en interaction permanente avec les milieux terrestres ou aquatiques et la grande diversité d'animaux, de végétaux et de micro-organismes qui les compose. De notre naissance à notre mort, nous consommons de la biodiversité, nous rejetons des déchets qui alimentent la biodiversité et nous abritons de la biodiversité. En cela, l'espèce humaine est l'égale de n'importe quel être vivant, de l'érable au termite. » (CNRS/sagascience - dossier biodiversité)

Les fondements de la notion de biodiversité mettent en évidence deux notions essentielles :

1) La biodiversité concerne l'ensemble du vivant, donc l'homme en fait partie comme élément de l'ensemble au même titre que les autres espèces.

2) La biodiversité c'est la dynamique des interactions (y compris les interactions entre l'homme et son environnement). L'homme a donc un impact sur la biodiversité tout comme la biodiversité a un impact sur l'homme.

L'homme fait partie intégrante de la biodiversité au même titre que les autres espèces. Si cette affirmation peut sembler banale, elle abrite un nouveau paradigme qui allie sciences naturelles et humaines.

Ce nouveau paradigme, intrinsèquement lié aux concepts de biodiversité et de développement durable (nés dans le même berceau) est en soi un nouvel enjeu scientifique incarné par une forte volonté d'intégration. Il est effectivement essentiel de dépasser le cadre moderne dominant et ne plus considérer l'humain comme extérieur à la nature. Certains courants proposent une alternative non dualiste et non utilitariste (l'écologie « arcadienne » de Worster, l'anthropologie écologique ou le communalisme de Pálsson). Les courants de recherches sur la biodiversité devraient converger vers les mêmes horizons (Hufty, 2006).

<< La perception de la place des humains dans la << nature » a évolué en profondeur. La division classique entre "nature" et "culture" est remise en cause en de multiples lieux. [...] La "nature", considérée comme extérieure aux humains, vouée à l'exploitation et la mise en valeur, tend à laisser place à une conception selon laquelle les humains font partie intégrante des écosystèmes dans lesquels ils vivent, et interagissent avec le reste du monde vivant comme avec les milieux supports de cette vie. La << nature », autrefois dangereuse autant que merveilleuse, et qu'il revenait aux humains d'ordonner, de socialiser, tend à devenir << patrimoine », fragile, à protéger contre ces mêmes

humains. [...] Il eut été difficile d'imaginer il y a seulement une vingtaine d'années, que la modification du genre Homo soit demandée pour y inclure les chimpanzés. Il eut été tout aussi difficile d'admettre l'existence de quasi-rites funéraires chez les éléphants ou de cultures locales chez les grands singes... » (Weber et Latelin, 2004).

Ces consensus que sont le développement durable et la biodiversité restent malheureusement trop rhétoriques et superficiels. << Au cours des 30 dernières années, une littérature abondante s'est penchée sur le développement durable en tant que concept normatif (// biodiversité). Il n'en fut pas de même pour la mise en route du processus de développement durable, qui demande des décisions politiques et des aménagements institutionnels précédés d'un vaste débat sociétal sur les projets de civilisation, une planification stratégique performante et la mobilisation des moyens financiers et techniques... » (Sachs, 2002)

3.2. Les "services rendus par les écosystèmes"

La notion de "services rendus par les écosystèmes" ou "services écologiques" suppose une évaluation écologique, économique, sociale et éthique de la biodiversité. Cette notion, philosophiquement discutable car empreinte d'anthropocentrisme (elle repose en effet sur la dualité historique homme/nature et laisse entendre que la nature fournit des services à l'homme alors qu'il s'agit par essence de sa mécanique intrinsèque), permet de situer un deuxième niveau d'association entre l'homme et son environnement.

Les "services rendus par les écosystèmes" représentent l'ensemble des facteurs naturels qui créent les conditions nécessaires à l'existence de l'humanité.

On distingue 4 catégories (selon la classification du << Millenium Ecosystems Assesment ») :

1) Les services d'approvisionnement

La nourriture, l'eau propre, le bois, les fibres (coton, chanvre, soie), les ressources génétiques (produits pharmaceutiques et biochimiques) et les ressources énergétiques.

2) les services de régulation

La régulation du climat, de la qualité de l'air et de l'eau, des maladies, des parasites.

3) Les services culturels (non matériels)

Les services récréatifs (loisirs, tourisme, relaxation), les valeurs spirituelles et religieuses ou encore les valeurs esthétiques (créations artistiques,...).

4) Les services de soutien (indispensables aux autres services)

Le cycle de l'eau, la photosynthèse, la production d'oxygène, la formation et la protection des sols, le cycle des éléments nutritifs, la pollinisation,...

<< La biodiversité influence les processus clés liés aux écosystèmes, tels que la production de matière vivante, les cycles des éléments nutritifs et de l'eau, ainsi que la formation et la rétention des sols. Tous ces processus régissent et assurent les services de soutien qui sont nécessaires à tous les autres services fournis par les écosystèmes. [...] Bien que des pertes de biodiversité pourraient n'avoir, à court terme, que de faibles impacts sur un écosystème, elles pourraient réduire sa capacité à s'adapter à des environnements changeants dans le futur. » (Greenfacts, 2006)

CHAPITRE II - La PERTE DE BIODIVERSITÉ 1. Qu'est-ce que la perte de biodiversité ?

Du gène à l'écosystème, la biodiversité est capitale pour l'humanité. Au niveau micro, la variation génétique est cruciale car elle influence les capacités d'adaptation. Plus une espèce est diversifiée sur le plan génétique mieux elle pourra s'accommoder à des changements survenant dans son environnement (et inversement). Au niveau macro, la relation entre la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes fait écho au niveau micro au travers de la notion de résilience des écosystèmes, c'est-à-dire la capacité d'un écosystème à retrouver un état d'équilibre après une perturbation. La perte de biodiversité, quant à elle, risque d'engendrer des perturbations écologiques qui affecteront les différents mécanismes liés aux écosystèmes.

Dans l'histoire évolutive de la Terre, les extinctions comme les apparitions de nouvelles espèces sont des processus qui ont toujours existé. Le processus d'évolution produit en permanence, à l'échelle des temps géologiques, de nouvelles espèces. Parallèlement, d'autres s'éteignent. L'extinction est un phénomène normal de l'histoire des espèces. Néanmoins, l'histoire de la Terre est marquée de vagues d'extinctions massives. La particularité de ces extinctions est qu'elles ont provoqué une baisse extraordinaire de la biodiversité non pas de manière graduelle mais abrupte sur de courtes périodes de temps. Les tendances des extinctions observées actuellement montrent des signes d'intensification inquiétants. Selon la liste rouge 2008 de l'UICN, actuellement 16.928 sur 44.838 (soit 38% des espèces) sont menacées d'extinction. Parmi ces dernières, 3 246 se trouvent dans la catégorie la plus menacée, << en danger critique d'extinction », 4 770 sont << en danger» et 8 912 << vulnérables » à l'extinction.

Ainsi, près de 12 % de toutes les espèces d'oiseaux, 23 % des mammifères, 25 % des conifères, 32 % des amphibiens et 52 % des cycadales sont actuellement menacés de disparition (Baillie, Hilton-Taylor et Stuart, 2003). A lui seul, le climat pourrait causer une augmentation supplémentaire de 15 à 37 % des chiffres de l'extinction prématurée des espèces existantes au cours des 50 prochaines années (Levrel, 2007).

Figure 02. L'indice planète vivante

Source: Greenfacts, 2005. 2. Les facteurs de perte de biodiversité

<< Un facteur de changement désigne tout facteur, naturel ou induit par l'homme, qui entraîne un changement dans la biodiversité, directement ou indirectement. Les facteurs de changement directs qui influencent de manière non équivoque les processus des écosystèmes comprennent les changements dans l'affectation des sols, le changement climatique, les espèces envahissantes, la surexploitation et la pollution. Les facteurs de changement indirects, comme les changements dans la démographie humaine, les revenus ou le mode de vie, agissent de façon plus diffuse en modifiant un ou plusieurs facteurs de changement directs. Les changements dans la biodiversité sont déterminés par des combinaisons de facteurs de changement qui opèrent avec le temps, à différentes échelles, et qui ont tendance à s'amplifier les uns les autres. Par exemple, la croissance de la population et des revenus conjuguée à certaines avancées technologiques peut conduire au changement climatique. » (Greenfacts, 2006)

2.1. Disparitions naturelles

Les <<extinctions de fond)) correspondent aux disparitions d'espèces liées aux modifications des écosystèmes. Ces extinctions adviennent peu fréquemment et relèvent de la "normalité" du monde naturel. Des espèces disparaissent quand elles ne sont plus capables de survivre dans des conditions changeantes ou face à une concurrence qu'elles ne peuvent affronter. Typiquement, une espèce s'éteint en 5 à 10 millions d'années (hors période de crise biogéologique) (Ricklefs et Miller, 2003).

Dans un écosystème insulaire, une espèce colonisatrice va s'installer en plusieurs étapes de différenciation, d'adaptation et de spécialisation (jusqu'à l'endémisme parfois). A chaque étape de cette installation, l'espèce devient plus vulnérable aux changements de son habitat et à la concurrence de nouvelles espèces colonisatrices.

Dans ce contexte, deux facteurs généraux peuvent provoquer une extinction: l'apparition de nouvelles espèces colonisatrices compétitives ou prédatrices et les transformations dans les conditions environnementales (<< toutes les espèces vivant dans une certaine gamme de conditions environnementales telles que la température, la concentration en oxygène, la lumière, etc. )) (Ricklefs et Miller, 2003)).

2.2. Disparitions liées au forçage anthropique (la place de l'homme dans la perte de biodiversité)

L'extinction anthropique s'apparente aux grandes crises d'extinction si l'on considère sa dimension globale, le nombre d'unités taxinomiques touchées et sa nature catastrophique. Elle s'en distingue précisément parce que ses origines dérivent des activités construites et organisées par l'homme et de leur développement (Ricklefs et Miller, 2003).

Hors, << Au cours des soixante-cinq derniers millions d'années, le taux d'extinction moyen a tourné autour d'une extinction par an pour un million d'espèce. Aujourd'hui, ce taux serait entre "50 et 560 fois supérieur au taux d'extinction attendu pour une biodiversité stable" (Teyssèdre, 2004) mais beaucoup affirment que ce taux serait en fait 100 fois plus important et qu'il continue d'augmenter. Tout cela va dans le sens de l'hypothèse d'une sixième grande crise d'extinction. La Terre a en effet connu plusieurs grandes crises d'extinction dont la dernière est liée à l'apparition d'Homo sapiens sapiens et son extraordinaire expansion. )) (Levrel, 2007)

L'épisode d'extinction actuel présente des différences à la fois quantitatives et qualitatives en comparaison aux épisodes antérieurs. Aujourd'hui, la majeure partie des extinctions est attribuable à des causes humaines et les estimations et projections du taux d'extinction pour divers groupes d'organismes donnent des valeurs supérieures à leur équivalent dans les registres fossiles (TorresMura, Castro et Oliva, 2008).

Alors que les extinctions massives antérieures ont été causées par des processus liés à la Terre et à l'espace, (volcanisme, impact de météorites,...), la cause principale de l'extinction actuelle est liée aux activités humaines.

Historiquement, ce sont les changements dans l'habitat et l'affectation des sols qui ont eu le plus gros impact sur la biodiversité dans tous les écosystèmes (et en particulier dans les forêts tropicales, les zones humides et les zones côtières) mais l'introduction d'espèces envahissantes, la surexploitation des ressources biologiques, notamment par la pêche intensive, ainsi que la pollution et les signes désormais manifestes de changement climatique sont autant de menaces permanentes pour la biodiversité, liées aux activités humaines. En outre, ces différents facteurs interagissent. Ainsi, par exemple, la destruction des habitats, ou encore la surexploitation d'espèces situées en bout de chaîne trophique, peut favoriser l'installation d'espèces exogènes envahissantes. Le plus souvent, une espèce ne disparaît pas à cause d'une seule menace mais suite à la combinaison de plusieurs d'entre elles. Comme pour la plupart des mécanismes écologiques, l'érosion de la biodiversité met en évidence que les relations de cause à effet ne sont pas linéaires mais systémiques.

Ces interrelations entre les causes anthropiques ajoutées aux causes naturelles entraînent des variations dans la composition en espèces et la diversité biologique à différentes échelles, une petite variation pouvant influencer les processus biotiques et abiotiques jusqu'à perturber le fonctionnement d'un écosystème et les processus écosystémiques.

Figure 03. Les 3 grands facteurs de perte de biodiversité (en orange) et leurs relations
(en vert les variables environnementales et en bleu les variables anthropiques) :

Source : Vanhulst, 2009 d'après MEA, 2005, Fig. 5 et Barbault, 2002, Fig. 3.

Ce diagramme intègre deux schémas issus de la littérature scientifique qui conçoivent le problème de la perte de biodiversité d'un point de vue macrosystémique. Il met en évidence les 3 grands facteurs de perte de biodiversité et leurs conséquences sur les processus écosystémiques et à long terme sur les "services écologiques". Il rassemble aussi dans un grand ensemble les facteurs indirects qui influencent les autres variables (gouvernances, valeurs sociales, science et technologie, éthique et mode de vie). Ces variables indirectes sont susceptibles d'influencer positivement ou négativement la biodiversité selon les choix et les alternatives envisagées. Si les causes actuelles de perte de biodiversité sont à rechercher dans les activités humaines au sens large, les réponses s'y trouvent aussi.

D'après le Millenium Ecosystem Assesment, les exceptions aux régimes d'extinctions « sont presque toujours dues à des interventions humaines, comme la protection dans des réserves ou au fait que certaines espèces ont tendance à prospérer dans les paysages dominés par l'homme. » (Greenfacts, 2006)

Etant donné le constat relatif aux facteurs de perte de biodiversité, le rôle de l'homme dans la dynamique de la biodiversité est aussi de tendre vers l'inversion de la tendance actuelle en modifiant ses activités dans un sens plus durable. Si les disparitions naturelles sont inévitables, les conséquences des actions humaines sont potentiellement corrigibles ou modifiables. « Beaucoup de mesures prises pour conserver la biodiversité et promouvoir son utilisation durable sont parvenues à limiter la perte de biodiversité. Les rythmes de perte de biodiversité sont aujourd'hui plus bas qu'ils n'auraient été en l'absence de telles mesures. Il y aurait moins de biodiversité sur Terre aujourd'hui si certaines communautés, ONG, gouvernements et, de plus en plus, certains milieux d'affaires et industriels n'avaient pas pris de mesures pour conserver la biodiversité, atténuer son déclin et encourager son utilisation durable. Pour atteindre des résultats plus conséquents en matière de conservation, il sera nécessaire (mais pas suffisant) de renforcer une série de mesures se

concentrant prioritairement sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité et des services fournis par les écosystèmes » (Greenfacts, 2006). Seulement, si les réactions d'une société face à ses problèmes (environnementaux entre autres) dépendent de ses institutions politiques, économiques et sociales ainsi que de ses valeurs culturelles, actuellement, ces institutions et les valeurs contemporaines (dans les sociétés « occidentales ») restent majoritairement marquées par le dualisme Homme - Nature.

3. Enjeux écologiques, sociopolitiques et économiques

Les métamorphoses du sens de la diversité biologique autour du concept de « Biodiversité » ont entraîné la définition d'enjeux écologiques, économiques et sociopolitiques globaux. Bien entendu, ces enjeux doivent être déclinés localement selon les réalités régionales spécifiques. Cependant, l'objectif majeur que sous-tend le concept de biodiversité est la réalisation d'un développement durable en conciliant la préservation de la diversité des espèces et des écosystèmes et le développement des populations concernées.

Les changements et la perte de biodiversité engendrent des impacts significatifs sur les processus écosystémiques à l'échelle globale (mondiale) et locale. Il est donc impératif de conserver la biodiversité. En effet, les espèces, leurs génomes, les écosystèmes,..., bref, la biosphère représente des "ressources" inestimables réelles ou potentielles pour l'humanité (comme aliments, sources de produits médicaux et de contrôle biologique, de travail, de commerce, de régulation mais aussi d'équilibre des écosystèmes). Il faut aussi considérer les valeurs culturelles, religieuses et sociales que la biodiversité renferme.

3.1. Enjeux écologiques

> Equilibre des écosystèmes :

La biodiversité est complexe par nature et diverse par définition. Elle englobe différents niveaux d'organisation biologique (gène, espèce, écosystème) et ne peut être évaluée par le biais d'indicateurs universels simples (Loreau, 2006). Succinctement, la biodiversité évoque la diversité du vivant et les interactions entre les éléments biotiques et abiotiques qui assurent l'équilibre des écosystèmes. Globalement, la biodiversité permet d'augmenter la capacité de résilience des écosystèmes. Ainsi, l'érosion de la biodiversité peut réduire la capacité des écosystèmes tant naturels que gérés par l'homme, à s'adapter aux changements globaux.

> Maintient des "services de soutien et de régulation"3 3.2. Enjeux sociopolitiques et socioculturels

La biodiversité est intrinsèquement liée au bien-être de l'homme et possède une valeur éthique, esthétique, culturelle et scientifique.

> Recherche scientifique :

La biodiversité est l'essence de la vie actuelle et la garantie des potentialités futures si les moyens d'exercer cette potentialité restent intacts (Blondel, 2003). Elle est liée à la biologie et se construit à présent en tant que champ de recherche spécifique multidimensionnel.4

Par ailleurs, « Les îles océaniques font partie des laboratoires naturels les plus fascinants pour étudier les processus de l'évolution. [...] Les divergences évolutives dans une zone géographiquement limitée offrent des possibilités uniques pour l'étude des phénomènes évolutifs. » (Stuessy, Sanders et Silva, 1984) Historiquement, la flore et la faune des écosystèmes insulaires ont joué un rôle central dans le développement de la théorie de l'évolution5 et de l'écologie.

3 Voir Partie 1 - Chapitre I - point 3.2. Les "services rendus par les écosystèmes"

4 Voir Partie 1 - Chapitre I - point 2. Origine et développement du concept de "biodiversité"

5 Dont l'origine des espèces de Charles Darwin constitue une pièce maîtresse.

<<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)»

> Sécurité alimentaire

<< La présence de biodiversité représente souvent un "filet de sécurité" qui renforce la sécurité alimentaire et l'adaptabilité de certaines communautés locales à des perturbations économiques et écologiques extérieures. Les pratiques agricoles qui maintiennent et utilisent la biodiversité locale peuvent également améliorer la sécurité alimentaire. » (Greenfacts, 2006)

> Santé

<< Un régime équilibré dépend de la disponibilité d'un large éventail d'aliments, laquelle dépend ellemême de la conservation de la biodiversité. En outre, une plus grande diversité au sein de la faune et de la flore peut réduire la propagation vers l'homme de nombreux agents pathogènes sauvages. » (Greenfacts, 2006)

>Cohésion sociale

<< De nombreuses cultures accordent une valeur spirituelle, esthétique, récréative et religieuse aux écosystèmes ou à leurs composantes. La disparition de ces composantes ou les dommages qui leur sont causés peuvent nuire aux relations sociales, à la fois en réduisant la valeur de la cohésion sociale qui réside dans le partage d'une expérience commune, et en générant du ressentiment envers des groupes qui tirent profit de ces dommages. » (Greenfacts, 2006)

> Valeur émotionnelle

La valeur émotionnelle est souvent minimisée, pourtant la nature apporte aux individus une certaine détente, une sérénité et est aussi source d'inspiration artistique.

> Ethique

<< La vision anthropocentrée occidentale place souvent en premier (sic.) les services rendus par la biodiversité aux hommes. Cependant, il ne faut pas négliger la valeur intrinsèque de la nature dont chaque élément (gènes, espèces, écosystèmes) est le résultat et l'aboutissement d'une évolution biologique qui s'étend sur des milliers d'années. » (Calame, 2008) La perte de biodiversité est importante en tant que telle parce que la biodiversité présente une valeur spirituelle, esthétique, récréative mais aussi parce qu'elle a des fonctions culturelles; parce que de nombreuses personnes attribuent à la biodiversité une valeur intrinsèque; et parce que la biodiversité recèle des potentialités inexplorées qui pourraient être utiles à l'avenir (cf. le devoir moral de préservation de toute forme de vie et de transmission à nos enfants de l'héritage de nos parents) (Greenfacts, 2006).

L'enjeu éthique fait aussi référence au droit à la vie des espèces, enjeu rappelé par toutes les religions, celles du Livre mais aussi les religions et philosophies traditionnelles.

3.3. Enjeux économiques

L'enjeu économique est souligné par l'usage de plus en plus courant du terme "ressource" pour désigner les éléments composant la biodiversité. Ainsi, la biodiversité procure un certain nombre de ressources qui interviennent dans la production de biens, sous forme de nourriture, de nouveaux médicaments, de gènes, etc. Elle est à ce titre génératrice de valeurs d'usage économique.

> Sécurité énergétique

<< Le bois de chauffage fournit plus de la moitié de l'énergie utilisée dans les pays en développement. Les pénuries de bois de chauffage surviennent dans les régions à forte densité de population qui n'ont pas accès à des sources d'énergie alternatives. Dans ces régions, les populations sont vulnérables à la maladie et à la malnutrition en raison du manque de moyens pour chauffer les foyers, cuisiner et faire bouillir l'eau. » (Greenfacts, 2006)

> Matières premières

La biodiversité offre des ressources biologiques et génétiques dont dépendent directement les hommes quel que soit le type de société auquel ils appartiennent. En plus de l'agriculture, la biodiversité contribue à une série d'autres secteurs dont les secteurs pharmaceutique, cosmétique et de la pêche. Les pertes de biodiversité peuvent, quant à elles, engendrer des coûts conséquents aux niveaux local et national.

> Ecotourisme

Ayant pour objectif principal de découvrir la nature tout en respectant les écosystèmes, l'écotourisme est directement lié à la biodiversité.

4. Considération finale sur la biodiversité

Aujourd'hui, il existe un consensus au niveau scientifique (« et politique ))) sur le fait que la biodiversité de la planète Terre se trouve globalement en situation de crise. Comme nous l'avons vu, la biodiversité est une des dimensions essentielles de l'existence de l'humanité et du fonctionnement des écosystèmes en général. Au delà de ses qualités intrinsèques et de sa fonction naturelle (valeur écologique), elle offre à la société des « biens et services)) (en ce sens, elle a une valeur économique) mais elle a aussi une valeur culturelle et récréative (valeur sociale).

Ces quelques constatations fondent le défi actuel de préservation de la biodiversité au travers de politiques participatives qui permettent sa stabilité et son utilisation dans un équilibre sain et durable.

CHAPITRE III - SPÉCIFICITÉS INSULAIRES 1. Les écosystèmes insulaires : définition

Une lle est une « étendue de terre ferme émergée d'une manière durable dans les eaux d'un océan, d'une mer, d'un lac ou d'un cours d'eau. On réserve, généralement, le nom d'île aux territoires subissant l'influence du climat maritime sur toute leur étendue. )) (Le grand Robert, Cejer, 2005)

On distingue trois types d'lles en fonction de leur origine :

1) Les lles continentales

Les lles continentales sont une des expressions en surface de la dérive des continents. Elles sont formées par l'isolement d'un fragment de terre continentale sur un intervalle de temps d'ordre géologique. Madagascar par exemple apparalt comme un fragment isolé de l'ancien continent de Gondwana, séparé de l'Afrique au cours du crétacé inférieur, c'est-à-dire au début de l'ère secondaire.

2) Les lles océaniques

Les lles océaniques sont des terres qui n'ont jamais été en continuité avec une masse continentale.

Il y a deux types d'lles océaniques :

a. Les lles volcaniques

Les lles volcaniques sont le résultat d'une accumulation de lave d'un ou plusieurs volcans qui émerge.

Trois causes de formation des lles volcaniques :

- Subduction d'une plaque tectonique par une autre (lles Mariannes, lles Tongas,...) - Emersion d'un rift océanique (Islande,...)

- Formation au niveau des points chauds volcaniques. Le mouvement des plaques tectoniques au niveau d'un point chaud produit une ligne orographique orientée dans la direction du mouvement de la plaque. Certaines émergent à la surface, d'autres sont sous marines (les lles d'Hawaii, Madère, l'archipel Juan Fernández,...)

b. Les lles coralliennes.

« Les lles coralliennes ou madréporiques sont essentiellement constituées par les dépôts calcaires agglomérés les uns avec les autres, aussi appelés coraux, et qui sont le débris de squelettes d'organismes vivants de la classe des Cnidaires. Les constructions coralliennes s'élèvent graduellement du fond de l'eau et, au cours des siècles, atteignent la surface.)) ( www.cosmovisions.com)

3) Les lles fluviales

Les lles fluviales se forment dans les deltas des fleuves et dans les larges cours d'eau par dépôt de sédiments à des endroits où le courant est plus faible. Certaines sont éphémères (selon le volume et le débit du cours d'eau), d'autres sont stables.

2. Le syndrome d'insularité

Les effets de l'isolement ne se limitent pas aux lles (ils se retrouvent, à des degrés divers, dans les milieux isolés sur les continents). Ils sont cependant caractéristiques des systèmes insulaires et entralnent chez les populations et communautés animales et végétales de nombreuses évolutions biologiques connues sous le nom de "syndrome d'insularité".

« Le syndrome d'insularité résulte de divers ajustements écologiques, de l'isolement et des stratégies adaptatives qui en découlent. Sur les lles, les peuplements, les espèces et les populations présentent différentes caractéristiques ou manifestations du syndrome d'insularité qui sont propres à leur situation insulaire et qui les distinguent de peuplements, espèces et populations similaires sur le continent. » (Defrêne, 2003) .

Le syndrome d'insularité regroupe un ensemble de modifications d'ordres morphologiques (tendance à l'uniformisation des tailles des différentes espèces occupant une lle), écologiques et éthologiques.

2.1. Richesse spécifique

« A surface égale, il y a toujours moins d'espèces sur une lle que sur le continent. Les taxocénoses insulaires se caractérisent par ailleurs par un élagage d'espèces prédatrices et super-prédatrices, qui ne peuvent coexister sur des espaces de surface restreinte. Par ailleurs, c'est sur les lles qu'on observe une plus grande proportion d'espèces endémiques, avec de grandes proportions sur les lles isolées de grande taille. » (Defrêne, 2003)

Le terme « endémie » vient du grec Endêmon qui signifie « indigène ». Ce terme est utilisé en biologie pour signifier le caractère d'une espèce (ou autre taxon) particulière à un zone géographique déterminée (qui peut varier d'une échelle micro-localisée à l'échelle d'un pays ou d'un continent). L'endémisme est donc toujours relatif à une délimitation territoriale.

On distingue classiquement deux types d'endémisme :

1) Le néo-endémisme qui est lié au processus de spéciation. Les réponses et l'adaptation à l'environnement conditionnent l'apparition de nouvelles espèces par divergence progressive des caractéristiques génétiques et/ou morphologiques.

2) Le paléo-endémisme qui est lié à la disparition des espèces. Une espèce peut devenir endémique d'une zone géographique spécifique lorsque son aire géographique originelle s'y trouve réduite. Les endémiques « reliques » appartiennent à de très anciennes lignées disparues ailleurs par réduction de leur aire géographique primitive, comme Juania Australis ou Lactoris Fernándeziana sur l'lle Robinson Crusoe (Fellmann, 2004).

Le taux d'endémisme est un des indicateurs de la biodiversité. Les lles sont des territoires à haut taux d'endémisme et sont reconnues comme des « hauts lieux » de la biodiversité du globe. A titre d'indication, sur l'archipel Juan Fernández, le calcul du taux d'endémisme floristique le plus récent donne un résultat de 64.30% (ratio espèces natives/espèces endémiques) (Danton et Perrier, 2006). Gardons à l'esprit qu'un indicateur dépend fortement du mode et de la date du calcul effectué pour l'obtenir6. Les échelles sont donc relatives et difficiles à comparer entre études. Cependant, elles permettent de mettre en évidence l'intérêt biologique de divers endroits, dont les lles.

6 Il existe différents modes de calcul du taux d'endémisme desquels se dégagent deux tendances avec chacune des avantages et des inconvénients (Christophe Perrier commentaire personnel):

- Ratio taxons natifs / taxons endémiques

Cet indice donne une idée de l'importance de l'endémisme végétal et animal, c'est-à-dire de l'isolement biologique, qui caractérise un lieu donné. La difficulté réside dans la définition et la distinction des taxons natifs.

- Ratio espèces endémiques / surface totale considérée

Ce rapport permet des comparaisons entre différents lieux mais sa nature efface la réalité qualitative des territoires concernés. Concernant Juan Fernández, sa faible superficie terrestre (environ 100km2) en fait un des lieux au plus haut taux d'endémisme par unité de surface au niveau planétaire.

Sur les îles, le nombre d'espèces relativement plus pauvres que sur les continents cache donc une richesse spécifique incomparable. Sur Juan Fernández par exemple, aucune espèce d'amphibiens, de reptiles ou encore de mammifères terrestres n'était présente avant l'arrivée de l'homme. De plus, il n'y existe que 16 espèces d'oiseaux et un peu plus de 200 espèces de plantes vasculaires indigènes. Mais parmi ces espèces, 4 espèces d'oiseaux sont endémiques de l'île Robinson Crusoe, deux espèces sont endémiques de l'île Alejandro Selkirk. Parmi les 213 espèces végétales indigènes, 137 sont endémiques. Sur les 687 espèces d'insectes recensées en 1952, 54 genres et 440 espèces sont endémiques de l'archipel. Au niveau marin, il existe un crustacé endémique de l'archipel et de l'archipel des Desventuradas et divers poissons marins endémiques.7

2.2. Amplitude écologique

Lorsqu'on compare les mêmes espèces, les populations insulaires ont généralement une plus grande amplitude écologique que les populations continentales. Cela signifie que les espèces occupent une plus large gamme d'habitats sur les îles que sur le continent. On peut en conclure que les populations continentales sont soumises à beaucoup plus de contraintes que les populations insulaires. Ces contraintes, liées à un plus grand nombre d'interactions biologiques (prédation, compétition, ...), font que ces espèces n'exploitent qu'une partie de leur niche écologique potentielle (Defrêne, 2003).

2.3. Densité

Les densités des populations sont plus fortes sur les îles que sur des zones semblables sur le continent. 2.4. Sédentarité

Les espèces inféodées aux îles montrent une tendance à la sédentarité même si « la perte du pouvoir de dispersion n'est pas une caractéristique du système insulaire (Whittaker, 1998). » (Defrêne, 2003) Chez les oiseaux par exemple, cette tendance peut aller jusqu'à la disparition des fonctions de vol. Ces réponses évolutives, conséquences de l'isolement, s'accompagnent généralement d'une plus grande vulnérabilité des espèces insulaires.

3. Fragilité

Les écosystèmes insulaires sont particulièrement vulnérables aux perturbations, notamment anthropiques (altération des habitats, introduction d'espèces exogènes, surexploitation,...). Cette fragilité est principalement due aux conditions d'installation dans ces zones géographiques spécifiques et à leurs conséquences, dont entre autres le syndrome d'insularité.

Tout d'abord, les populations animales ou végétales insulaires proviennent d'espèces colonisatrices dont seul un nombre restreint d'individus (ne possédant qu'une petite partie de la variété génétique de l'espèce d'origine) s'est installé dans ce nouvel espace. Cette faible variation génétique induit une plus grande vulnérabilité aux changements dans l'environnement.

Ensuite, parmi les conséquences du syndrome d'insularité, certaines espèces ayant évolué en l'absence de pressions de sélection exercée par les prédateurs, les grands herbivores, les maladies ou les perturbations (les incendies par exemple), n'ont pas développé de système de défense. Beaucoup de plantes insulaires n'ont pas développé ou gardé de composés chimiques qui les rendent non comestibles car elles n'ont jamais été soumises aux herbivores, ou en l'absence de prédateurs beaucoup d'oiseaux ont perdu la capacité de voler ou construisent des nids d'accès facile. En outre, formant des populations fermées et normalement petites, de nombreuses espèces insulaires ont une faible diversité génétique ce qui les rend particulièrement vulnérables aux pathogènes exotiques.

On remarque par exemple que les plantes insulaires sont dépourvues de défenses chimiques ou physiques contre les herbivores (Rhaphithamnus venustus est ainsi dépourvue d'épines par exemple) (Fellmann, 2004).

7 Voir Partie 2 - Chapitre II - Point 2. La biodiversité sur l'archipel Juan Fernández

Les listes rouges de L'UICN montrent que la majorité des espèces menacées d'extinction sont situées dans les zones insulaires. D'autre part, « si les îles représentent «seulement 3% des terres émergées, elles accueillent 20% des espèces d'oiseaux, des reptiles et des plantes. Les taux d'extinction sont aussi comparativement plus importants sur les îles: 95% des extinctions d'espèces d'oiseaux, 90% des extinctions des reptiles, 69% des extinctions des mammifères et 68% des extinctions de plantes ont eu lieu sur les îles, dont la plupart sont attribuables à des espèces invasives. » ( www.islandconservation.org)

4. Les facteurs de perte de biodiversité dans les écosystèmes insulaires

La majorité des extinctions actuelles se concentrent dans les écosystèmes insulaires. Cette situation s'explique par le fait que ces écosystèmes, comme nous l'avons vu, sont particulièrement vulnérables. Les principaux facteurs d'extinction dans les écosystèmes insulaires sont les mêmes grands facteurs qui existent à une échelle plus globale. Seulement, ils interviennent différemment et leurs conséquences sont plus importantes sur ces milieux.

4.1. Disparitions naturelles

Les phénomènes de volcanisme, de subsidence, l'érosion et la variation du niveau de la mer affectent inévitablement les biotopes insulaires, le relief et la surface des îles. Sur Robinson Crusoe, la perte de superficie émergée résulte principalement de la subsidence de l'île résultant de la subduction de la plaque de Nazca sous la plaque sud-américaine.8 Ainsi, L'île Robinson Crusoe aurait perdu, au cours des 3-4 derniers millions d'années 95% de sa surface originale qui culminait à 3000 m d'altitude selon les relevés bathymétriques (Stuessy etal., 1998).

4.2. Disparitions liées au forçage anthropique 4.2.1 Perturbation des habitats

Pour les espèces insulaires, la seule disparition de leur habitat entraîne immédiatement leur extinction car elles sont confrontées (de par la nature géographique de l'écosystème) à une grande restriction à la dispersion. L'altération de l'habitat dans ce type d'écosystème représente un grand facteur dans la réduction de l'abondance des espèces.

Exemples : déboisement, reboisement, incendies, infrastructures, etc.

4.2.2. Introduction d'espèces envahissantes

Les espèces insulaires ont évolué en coexistence avec un nombre d'espèces réduit, ce qui implique qu'une introduction d'espèce exogène dans ces systèmes (par exemple un prédateur ou un compétiteur), peut amener l'extinction d'espèces inaccoutumées à cette pression externe.

Le terme espèce exotique, exogène, allochtone ou étrangère désigne une espèce, sous-espèce ou taxon inférieur apparaissant hors de son aire de répartition naturelle (passée ou actuelle), soit hors de l'aire géographique qu'elle occupe naturellement (ou qu'elle ne pouvait pas occuper sans introduction volontaire ou involontaire par les êtres humains). Les espèces exotiques envahissantes ou invasives sont des espèces exotiques (allochtone, non indigène) dont l'introduction, l'implantation et la propagation menacent les écosystèmes, les habitats ou les espèces indigènes avec des conséquences écologiques négatives (UICN/SSC).

Exemples : de nouveaux prédateurs (herbivores, carnivores), de nouveaux compétiteurs, des plantes adventices potentiellement invasives, etc.

8 Voir Partie 2 - Chapitre I - point 1.1. Géographie, géologie et géomorphologie

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili) » 4.2.3. Surexploitation

La surexploitation agit de la même façon qu'au niveau global.9

Exemples : surexploitation du bois (qui a causé la disparition du Santal sur l'archipel Juan Fernández), surexploitation des espèces, surexploitation de l'espace, etc.

4.2.4. Combinaison de facteurs

Comme souligné au niveau global, les extinctions sont généralement le résultat d'une combinaison de facteurs. Les changements d'affectation des sols (comme le déboisement par exemple) peuvent favoriser l'installation d'espèces exogènes (moins sensibles aux sols érodés par exemple). Une espèce exogène peut en favoriser une autre, etc....

4.2.5. Danger surdimensionné dans un contexte insulaire

Si les facteurs de perte de biodiversité sont relativement similaires à différents niveaux, les conséquences sont comparativement plus importantes dans les écosystèmes insulaires naturellement plus fragiles aux impacts exogènes.

Ces différents éléments peuvent être appliqués à un cas particulier. Le cas de l'archipel Juan Fernández, en tant qu'écosystème insulaire, est particulièrement intéressant et archétypique des différentes mailles du problème environnemental qu'est la perte de biodiversité exposées dans cette première partie. Le sujet de l'archipel Juan Fernández est intéressant non seulement comme écosystème mais aussi parce qu'il accueille une population humaine qui développe ses activités dans ce milieu spécifique. A ce titre, les analyses micro qui peuvent être faites au niveau local de l'archipel peuvent être considérées comme illustratives de niveaux plus macro. En fin de compte, le globe terrestre dans son ensemble n'est pas si différent d'une petite île volcanique au milieu d'un océan.

9 Voir Partie 1 - Chapitre II - point 2.2. Disparitions liées au forçage anthropique

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili) »
Figure 04 : Archipel Juan Fernández

Source: H. Correa Cepeda (Director del jardín botánico nacional), 2009.
Figure 05 : Baie Cumberland et village San Juan Bautista

Source : O. Chavez ( www.panoramio.com), 2008.

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» DEUXIÉME PARTIE : CAS DE L'ARCHIPEL JUAN FERNÁNDEZ

CHAPITRE I - PERSPECTIVE HISTORIQUE 1. Naissance des îles

1.1. Géographie, géologie et géomorphologie10

L'archipel Juan Fernández se situe dans l'océan pacifique à 33°40's, 79°00'o dans la Ve région du Chili. Il est composé de trois îles majeures : Robinson Crusoe (33°37's, 78°53'o, 47km2), Santa Clara (33°42's, 79°01'o, îlot satellite de l'île Robinson Crusoe de 2,5 km2) et Alejandro Selkirk (33° 45's, 80°45'o, 45 km2) et se trouve à une distance de 667 km du continent (IREN, CORFO, 1982). A proximité des îles Robinson Crusoe et Santa Clara, il existe une multitude d'îlots périphériques dont certains d'une dimension relativement importante (îlots Juanango, Verdugo, Vinillo et Los Chamelos). La formation de ces îles date du Pliocène et du Pléistocène. L'île Robinson Crusoe et l'île Santa Clara sont âgées de 3,8 à 4,2 millions d'années. L'île Alejandro Selkirk, quant à elle, est âgée de 0,85 à 2,4 millions d'années (IREN, CORFO, 1982 et Hallé, Danton et Perrier, 2007).

Les relevés bathymétriques montrent que ces îles sont en réalité la partie émergée d'une chaîne de montagnes océaniques. Elles font partie de la dorsale de Juan Fernández, liée à la plaque de Nazca, qui s'étend d'ouest en est sur environ 900 km (Hooft, Kleinrock et Ruppel, 1995 ; Moreno et Gibbons, 2007 ; Hallé, Danton et Perrier, 2007). Les mouvements lithosphériques de la plaque de Nazca (qui crée une zone de subduction avec la plaque Sud américaine) et la présence d'un point-chaud11 au milieu de l'océan Pacifique ont généré une chaîne de montagnes volcaniques principalement sous-marine. La vitesse de mouvement de la plaque de Nazca (8,8 cm/an) correspond bien à la distance qui sépare l'île Robinson Crusoe et l'île Alejandro Selkirk et à leurs âges respectifs (150 km/1,7 × 106) (Stuessy, Sanders et Silva, 1984).

Figure 06 : Carte des principales plaques tectoniques

Source : www.johomaps.net, 2009

10 Voir annexe 01, 02 et 03.

11 Le volcanisme de point chaud est un volcanisme intraplaque, que l'on retrouve principalement, mais pas exclusivement, sur la lithosphère océanique. La chaleur se concentre à certains endroits dans le manteau, ce qui liquéfie une partie de la croûte terrestre. Le matériel chauffé étant moins dense que son environnement, il a tendance à monter pour former un volcan de point chaud. Ces points chauds peuvent demeurer stationnaires pendant des millions d'années. Si leur intensité varie et que la croûte se déplace au-dessus d'eux, des chapelets d'îles peuvent être créés. Dans le Pacifique, les îles d'Hawaï sont un exemple de phénomène de point chaud. (notes de Cours de `Science de la Terre' de Me Mattieli 07-08)

L'activité éruptive serait de type fissurale (IREN, CORFO, 1982). L'origine volcanique de ces îles leur confère une certaine monotonie lithologique principalement composée de roches basaltes olivinifère. Sur l'île Robinson Crusoe, des anciens dépôts marins sableux sont présents dans l'extrême ouest apportant une petite variation lithologique (Fellmann, 2004).

« Les roches, essentiellement basaltiques, portent des sols neutres-acides qui peuvent être très fertiles, mais qui sont également fragiles (et donc sensibles à l'érosion), [...] surtout s'ils sont déforestés. » (Hallé, Danton et Perrier, 2007)

Figure 07 : Situation géographique de l'archipel Juan Fernández

Source : www.scielo.cl, 2009

L'île Robinson Crusoe ne possède pas de nappe phréatique importante. Le réseau hydrique repose donc essentiellement sur les nombreux ruisseaux, souvent saisonniers, alimentés par les précipitations.12

1.2. Le climat

Le climat est influencé par le courant de Humboldt au nord et les vents du sud-est. Il est dit subtropical ou tempéré chaud (IREN, CORFO, 1982 ; Bernardillo et Stuessy, 2001 ; Hallé, Danton et Perrier, 2007) avec une pluviométrie cyclique relativement importante. Cependant, la variabilité altitudinale du régime des pluies est peu connue dans les hauteurs car les mesures sont exclusivement localisées au niveau du village San Juan Bautista sur l'île Robinson Crusoe. L'amplitude thermique entre été et hiver est faible et l'humidité relative est assez importante, jusqu'à 100% et plus au niveau des sommets (très fréquemment dans les nuages) (Di Castri et Hajek, 1976 ; Dirección general de aeronáutica civil, 2001).

12 Voir Partie 2 - Chapitre VI - point 5. Gestion de l'eau

L'évolution morphologique de l'archipel est le résultat « de l'escarpement des structures originelles, du climat tempéré chaud avec influence océanique, de l'activité maritime et de l'action de l'homme et de ses pratiques d'exploitation des ressources sans discrimination. » (IREN, CORFO, 1982)

2. Evolution et occupation avant la découverte de l'archipel

La flore de l'archipel s'est installée de façon aléatoire au cours du temps. « Après les cataclysmes fondateurs, les éléments se sont calmés; lentement, les îles se sont refroidies et diverses formes de vie ont commencé à arriver pour coloniser ces nouveaux espaces. Parmi elles, les premières ont été probablement les spores de lichens, lesquelles transférées par les vents, ont trouvé dans les roches nues la possibilité de se développer. Des oiseaux de mer ont profité de ces nouvelles îles et peu à peu certaines matières organiques se sont accumulées, préparant le terrain pour les organismes plus développés comme les mousses et puis, avec la formation des sols, sont apparues les fougères, les herbes, les arbustes et les arbres. » (Danton, 2004)

« Les plantes sont arrivées de diverses provenances: Amérique Centrale, du Sud et Australe, Océanie, Nouvelle Zélande (certaines d'origine Gondwanienne) mais aussi, depuis la découverte des îles par l'homme, c'est tout un ensemble d'espèces cosmopolites qui sont venues grossir considérablement le nombre des plantes qui composent aujourd'hui la flore de l'archipel.

La colonisation végétale s'est faite par des moyens divers: transport par les airs, par la mer, par les animaux et par l'homme. Les plantes sont qualifiées d'indigènes ou d'adventices selon la manière dont elles sont arrivées dans leurs nouveaux habitats insulaires et la durée de leur implantation. De manière simple, on peut dire que les espèces venues par des moyens naturels avant la découverte de l'archipel par les hommes sont indigènes et que celles dont l'arrivée postérieure est liée aux activités humaines sont adventices. Parmi les espèces indigènes, certaines ont eu le temps et la capacité de s'individualiser, ce sont celles que l'on appelle endémiques. » (Cambornac, 2002)

« Parallèlement aux plantes, quelques animaux se sont rendus dans les îles. Des loups marins et éléphants marins (aujourd'hui disparus) se sont installés sur les côtes. A l'intérieur de l'île, une variété d'insectes transportés dans les airs a colonisé les herbes, les buissons et les forêts et certains oiseaux terrestres en volant au hasard des vents se sont installés.

En raison de la jeunesse des îles, et avant l'arrivée de l'homme, il n'y avait aucun mammifère terrestres, ni batraciens, ni reptiles ou encore aucun poisson d'eau douce. Avec le temps, toute cette vie s'est adaptée, occupant la totalité de l'espace insulaire et a continué à accueillir les quelques espèces arrivées naturellement de temps en temps. On estime que sur l'archipel, une nouvelle espèce de plante parvient naturellement tous les 10 000 à 30 000 ans. » (Danton, 2004)

La flore de l'archipel, en général, n'est pas plus riche en espèces que celle des autres îles océaniques, comme Hawaii ou les Galápagos (Muñoz et al., 2003). Toutefois, le niveau d'endémisme est significativement haut; de fait, le nombre d'espèces endémiques par unité de surface est plus élevé que sur tout autre île océanique dans le monde13 (Stuessy, 1992 ; Bernardillo et Stuessy, 2001).

3. De la découverte de l'île Robinson Crusoe à nos jours

L'histoire a planté ses racines et disséminé ses rhizomes dans cet archipel isolé qui fût un lieu de passage d'explorateurs et d'aventuriers, la cache de corsaires et de pirates et un lieu stratégique pour les dirigeants de la côte est du continent sud-américain avant la dernière colonisation permanente en 1877.

3.1. Découverte de l'archipel par Juan Fernández Sotomayor

Depuis la découverte de l'Amérique en 1492 et les prémisses de la mondialisation, les grandes puissances d'Europe (Angleterre, France, Pays-Bas et Espagne) luttaient pour la conquête du nouveau monde. Le renversement des structures Aztèques et Maya par les Espagnols a permis une rapide prise en main de territoires immenses par un groupe mineur de migrants. Suite à l'expédition

13 Voir Partie 2 - Chapitre II - point 2.1.1. Fondations des connaissances botaniques

de Pedro de Valdivia vers 1541, le Chili appartenait à la vice-royauté du Pérou dirigée par Francisco Pizarro. Celui-ci déployait de grands moyens pour conserver et protéger le commerce entre ses colonies. L'île Robinson Crusoe est découverte le 22 novembre 1574 lors d'un voyage exploratoire qui avait pour objectif d'ouvrir une nouvelle route de navigation entre El Callao (au Pérou) et Penco (au Chili).

Juan Fernández Sotomayor, navigateur originaire de Séville avait pressenti l'existence de la grande déviation polaire qu'on appelle aujourd'hui le "courant de Humboldt". Il découvre alors une terre isolée sur la route maritime qui permettra de réduire à une trentaine de jours la distance entre El Callao et Penco alors que ce voyage prenait jusque-là au moins 3 mois (Vickuña Mackenna, 1883 ; Orellana et al., 1974 ; Caceres et Saavedra, 2004). Juan Fernández baptise l'île Santa Cecilia en référence au jour de sa découverte14.

D'après les quelques recherches archéologiques, jusqu'à ce jour de novembre 1574, l'archipel était resté infréquenté par les hommes. C'est une des rares îles de l'océan Pacifique qui ne présente pas de traces d'occupation précolombienne (Orellana et al., 1974 ; Caceres et Saavedra, 2004 ; Brinck, 2005).

L'expédition de Juan Fernández Sotomayor a été providentielle pour les routes maritimes dans cette partie du Pacifique Sud. Mais dès sa découverte, l'archipel Juan Fernández commence un mariage difficile avec l'humanité. Juan Fernández Sotomayor demande à la Couronne d'Espagne le domaine des trois îles majeures qui forment l'archipel. Avant d'avoir la réponse, il commence la colonisation de l'île Robinson Crusoe. Il amène avec lui 60 aborigènes, et, comme de coutume à cette époque, quelques chèvres, un bouc et des poules (il s'agissait d'une coutume pour assurer des ressources en viande pour le jour où quelque navigateur repasserait par là). Il marque par la même occasion une rupture historique dans l'évolution naturelle de ces terres isolées. Il débute aussi l'exploitation impitoyable de l'otarie de Juan Fernández (Arctocephalus philippii) pour le commerce de l'huile avec le Pérou. Entre temps, la sollicitation de concession royale est refusée et Juan Fernández retourne s'installer sur le continent. Cependant, la chasse s'est perpétuée encore quelques temps avant que l'île ne soit complètement abandonnée.

Pendant ce temps-là, les chèvres se multiplient prodigieusement. La plupart des visiteurs erratiques de passage sur l'île y feront référence dans leurs mémoires et autres carnets de voyage.

Figure 08 : Probablement la première représentation de l'île, vers 1600.

Source : Cambornac, 2002.

14 Postérieurement, l'île Santa Cecilia sera nommée Masatierra (littéralement <<plus proche de la terre ») tandis que l'île la plus éloignée du continent sera nommée Masafuera (littéralement <<plus à l'extérieur »).

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» 3.2. Un siècle de confluences dispersées avec l'humanité

Pendant environ 1 siècle après sa découverte, l'île est uniquement occupée de façon temporaire sans installation durable. Cependant, selon Benjamin Vickuña Mackenna, en l'espace d'un siècle, Juan Fernández sera l'asile d'au moins une centaine de solitaires (Vickuña Mackenna, 1883). L'île Robinson Crusoe est un point de chute pour les navigateurs, les explorateurs, les corsaires et les pirates qui y trouvent un lieu de repos mais aussi de quoi s'approvisionner en eau, fruits de mer et herbes pour combattre le scorbut et en matières premières pour diverses réparations.

Ces premiers visiteurs introduiront volontairement et involontairement différentes espèces végétales et animales.15

En août 1704, Alexander Selkirk, 24 ans et contremaître à bord du navire corsaire Cinque Ports, est abandonné sur l'île suite à une dispute avec son capitaine. L'homme séjournera seul 4 ans et 4 mois sur l'île avant d'être rapatrié par un autre navire corsaire anglais commandé par Woodes Rogers et Eduard Cooks. Il inspirera Daniel Defoe qui donna naissance au personnage de Robinson Crusoe, nom que porte l'île aujourd'hui.

Durant la première moitié du XVIIIe siècle, face aux occupations étrangères sur l'île Robinson Crusoe, l'Espagne décide de paupériser l'île pour qu'elle n'offre plus de ressources aux visiteurs. Une mission espagnole débarque sur l'île avec des chiens pour qu'ils dévorent les chèvres tandis que les hommes coupent une grande partie des arbres proches de la côte.

Le 9 juin 1741, débarque sur l'île le reste de l'escadre de l'amiral anglais Georges Anson, lors de son voyage autour du monde à bord du Centurion. Suite au difficile passage du Cap Horn et après avoir payé un lourd tribut au scorbut, ils séjournent quelque temps sur l'île et baptisent la baie en face du village du nom de Cumberland. Dans son livre « Voyage round the world in the years 1740, 41, 42, 43 and 44 », Anson décrit l'île et ses alentours en insistant sur les importantes ressources maritimes, sur la présence de chèvres mais aussi en décrivant l'originalité de la faune et de la flore. « De temps en temps, Anson tirait de sa poche un noyau de pêche, de prune ou d'abricot, creusait un trou du bout de sa canne, et plantait un arbre fruitier pour les générations à venir... » (Anson, 1750)

Figure 09 : Vue sur la place de l'île Juan Fernández : campement de l'expédition de Anson.

Source : Anson, 1750.

Après le séjour sur l'île, l'expédition de Lord Anson repart et commence des attaques en Amérique du Sud arrivant par surprise après ce repos en mer et causant beaucoup de tort aux intérêts espagnols.

15 Voir Partie 2 - Chapitre III - point 2.1. Introduction d'espèces

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» 3.3. Masatierra : place forte espagnole

Dans un contexte de préoccupation espagnole pour la défense de ses côtes et de son commerce et de guerres incessantes contre les Anglais, l'expérience de Lord Anson révèle à l'Espagne toute l'importance de l'île et quelques temps après, en 1749, la Couronne espagnole envoie des colons dans le but de fortifier l'île Robinson Crusoe, fondant l'actuel village de San Juan Bautista et initiant la construction de la forteresse Santa Barbara et de l'église Parroquial de San Antonio.

Les fortifications érigées sur l'île Robinson Crusoe sont représentatives du système général des plans défensifs espagnols du milieu du XVIIIe siècle sur les côtes américaines. Elles sont assimilables aux fortifications des ports continentaux comme ceux de Valdivia ou de Valparaiso.

Au XVIIIe siècle, les premiers explorateurs du Pacifique avaient colporté l'idée que cet océan était un champ de pêche inépuisable riche d'espèces de poissons, de cétacés et de crustacés innombrables. Pendant toute cette période et jusqu'au milieu du XIXe siècle, le Pacifique et l'archipel étaient un terrain de chasse illégale et déraisonnée de baleines, de phoques,... pour les marchands de peaux anglais, français et nord-américains qui faisaient commerce en Asie. Ces derniers, entre 1788 et 1809 exterminèrent plus de 5 millions (Vickuña Mackenna, 1883) d'otaries de Juan Fernández (Arctocephalus philippii) et amenèrent l'espèce au bord de l'extinction.

3.4. Masatierra : pénitencier pour criminels et opposants

Plus tard, le lieu s'est transformé en prison pour criminels et patriotes indépendantistes de toute l'Amérique durant la période coloniale et la Patria Vieja16.

Durant toute la moitié du XVIIIe siècle, un grand nombre de prisonniers (patriotes et criminels confondus) de toutes les dépendances espagnoles seront exilés et enfermés dans des grottes creusées dans les collines de l'île.

Figure 10 : Pénitencier de l'île Juan Fernández

Source : http://www.memoriachilena.cl, 2009

La colonie était composée d'une centaine de soldats et gardiens ainsi que d'une poignée de citoyens "libres" qui survivaient surtout grâce aux apports de la mer et à l'apport d'une faible culture de légumes.

16 La Patria vieja est la période de reconquête qui débute en 1810 au Chili lorsque un groupe de créoles initia un processus d'autodétermination et constitua une junte.

Durant ce régime colonial (de 1750 à 1810), une douzaine de gouverneurs se succédèrent. Etant donné les faibles moyens à leur disposition (qui étaient essentiellement les prisonniers condamnés aux travaux forcés), les progrès réalisés sur l'île furent très faibles. Les infrastructures étaient réduites. On y trouvait les fortins, le port, la maison du gouverneur, une petite église, un hôpital et quelques maisons rudimentaires.

La pêche à la langouste était déjà une activité à cette époque. « Depuis ce jour jusqu'à aujourd'hui, s'est réalisée sur l'archipel une activité de pêche discontinue selon les peuplements et abandons successifs. Mais depuis ce moment-là, l'occupation principale des habitants de l'île était la pêche et les activités qui tournent autour. » (Echeverria et Arana, 1976)17

Le début du XIXe siècle marque la fin du régime colonial et les premiers jours de la république. Les armées patriotiques renversent le régime colonial et commence la période dite de Patria Vieja. Le gouverneur de l'île Masatierra, Manuel Santa Maria Escobedo, reçoit (avec un an de retard) la nouvelle de la construction du Chili en tant que nation.

Parmi les mesures gouvernementales des premières juntes patriotiques qui se succédèrent entre 1810 et 1814, se trouvait une proposition de démanteler les infrastructures militaires et libérer l'île de toute occupation. Les prisonniers, soldats et habitants quittèrent l'île au cours de l'année 1814.

Cependant, le 2 octobre 1814, Mariano Osorio (brigadier du vice-roi du Pérou José Fernando de Abascal) gagne la bataille de Rancagua contre les troupes patriotiques du brigadier Bernardo O'Higgins qui se réfugient en Argentine. Cette bataille marque le début de la défaite des indépendantistes qui se répand du nord au sud du Chili. Mariano Osorio assume alors la Gouvernance du Chili. Le nouveau gouverneur réinstaure l'ancien régime et toutes ses institutions et élimine toutes celles qui avaient été mises en place par le mouvement de 1810. Sous les instructions du vice-roi du Pérou, Osorio envoie sur l'île un groupe de patriotes, militaires et intellectuels en exil.

Le Chili est libéré par l'Armée des Andes (commandée par le général O'Higgins) après la bataille de Chacabuco du 12 février 1817. L'année suivante, l'indépendance du Chili est déclarée et le pays est placé sous l'autorité de Bernardo O'Higgins, El Libertador, qui prend le titre de Commandeur Suprême. Les patriotes exilés sont ramenés sur le continent à bord du navire Aguila. Il reste quelques prisonniers et leurs gardes sur l'île. L'archipel a été déclaré officiellement comme faisant partie du territoire chilien en 1819. O'Higgins réhabilite la prison de l'île Juan Fernández. Cette fonction continue durant la période de l'indépendance et la consolidation de la République. Elle disparaît définitivement dans la moitié du XIXe siècle. Durant cette période, la situation sur l'île sera instable et oscillera entre occupation et désertion au gré des mutineries et des réhabilitations. A intervalle régulier, l'île retrouve en quelque sorte son statut de point de chute pour naufragés et contrebandiers, chasseurs de baleines et voyageurs d'hivers. Parmi ces visiteurs, notons le passage de Lord Cochrane et Maria Graham qui témoigne dans son Journal of a residence in Chile in the year 1822 de l'environnement de l'île. David Douglas est le premier botaniste à visiter Robinson Crusoe en 1824. Il inaugure presque 200 ans de prospection scientifique18. Huit ans plus tard, le naturaliste français Claudio Gay embarqua à Valparaiso à bord du Colocolo (seul navire de guerre du Chili à cette époque). Gay reste deux semaines sur l'île et décrit ses quelques recherches dans une note officielle publiée en 1832 dans le journal El Araucano. Il fut le premier à mettre en évidence l'existence d'une flore propre à l'île et la présence de l'espèce Ugni Molinae.

3.5. Masatierra sous contrat de bail

A partir de 1829, l'île, toujours utilisée comme lieu de réclusion pour prisonniers politiques, est laissée en usufruit à divers entrepreneurs désireux d'exploiter les différentes ressources naturelles et plus tard touristiques. Le premier contrat de location de l'île est signé le 26 février 1829 par José Joaquin Larrain. « L'ancienne romance devient ainsi un commerce, l'île un port, le port un hangar de baleiniers

17 Voir Partie 2 - Chapitre I - point 3.6. Masatierra : réservoir à langoustes

18 Voir Partie 2 - Chapitre II - point 2.1.1. Fondations des connaissances botaniques

de passage et Robinson, troqué contre la personne qui lui ressemble sans doute le moins, le Fisc chilien. » (Vickuña Mackenna, 1883) L'île se transforme en source de profit avant tout. Les différents locataires, dans le but d'en tirer un profit maximum vont dès lors brûler et abattre une partie importante de la forêt (le bois était utilisé comme combustible et comme matériel de construction, le palmier endémique, Juania Australis, servait de matière première à des objets d'ornements et une grande partie de la végétation était brûlée pour le pastoralisme). A partir de cette époque, la destruction de la flore s'est intensifiée (Muñoz et al., 2003).

En 1835, sous le gouvernement de Diego Portales, Manuel Tomas Martinez est nommé gouverneur de l'île Robinson Crusoe. Il commence une activité inédite jusqu'alors : l'extraction et la vente du bois de Santal endémique (Santalum Fernandezianum) aux bateaux étrangers.

En 1851, l'archipel devient une subdélégation de Valparaiso.

Les rentiers, loin de remplir leur contrat avec le gouvernement chilien peinent à établir une structure viable. Les constructions se délabrent et ce qui a été un lieu de vie devient doucement une ruine. En avril 1876, le navire Chacabuco dirigé par le capitaine Oscar Viel fait un passage à Juan Fernández. Le rapport du capitaine Viel fait état de l'abandon et de la détérioration de l'île qui compte alors peu d'habitants. Instruit de cette nouvelle et attestant qu'aucun tribut n'a été payé pour la concession de l'île, le Trésor public du Chili prend la décision d'annoncer la mise en location des deux îles (Masafuera et Masatierra).

Le 6 avril 1877, elles seront attribuées au baron suisse Alfred Von Rodt Van der Meulleur qui compte y exploiter les ressources. Il entame alors la dernière colonisation de l'île suite à l'autorisation du gouvernement chilien pour y exploiter les ressources et y installer ce qui sera l'ultime tentative de peuplement (à l'origine de l'occupation actuelle). Des migrants d'origine rurale s'installent sur l'île, reprennent l'exploitation des forêts, des langoustes et des otaries et continuent les exploitations de bétail et la petite agriculture.

Au moment de l'installation de la colonie de Alfred Von Rodt, il y avait 64 habitants (dont 29 hommes, 13 femmes et 22 enfants de moins de 8 ans). En 1879 on compte 141 habitants et un an plus tard, la colonie avait atteint 147 colons dont la moitié sont des enfants (Vickuña Mackenna, 1883).

D'une importance stratégique et navale pour la défense du territoire national chilien, l'archipel de Juan Fernández est devenu, petit à petit, depuis les premiers baleiniers, un lieu d'exploitation et de négoce. En accord avec la pensée de l'époque, les ressources halieutiques sont considérées comme prodigieuses et inépuisables et la volonté d'industrialiser l'exploitation progresse fortement.

Pour le compte de Alfred Von Rodt, les pêcheurs partent pour la première fois en merle 1er août 1877. Les habitants exploitent tant bien que mal les ressources disponibles de l'île. En réalité, le commerce est pauvre et la location de l'île très élevée. Les entreprises de Alfred Von Rodt vont en dents de scie au gré des opportunités ponctuelles et des difficultés indissolubles dans cette roche reculée au milieu de l'océan. L'entreprise de Alfred Von Rodt est faite de succès et d'échecs jusqu'à ce qu'il perde toute sa fortune. Malgré un développement lent et fragile, l'île se construit en système stable et son décloisonnement avance au fur et à mesure de l'augmentation des communications avec le continent. D'autre part, l'activité industrielle contribue à l'augmentation de la population ainsi qu'à l'introduction d'animaux domestiques (chats, coatis,...), de moutons, de vaches, de chevaux et plus récemment de lapins.

En 1885, à la fin du contrat de location, le gouvernement chilien refuse de reconduire la concession mais laisse Alfred Von Rodt administrer l'île avant la décision du congrès sur sa gestion future.

<<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» 3.6. Masatierra : réservoir à langoustes

Peu à peu les activités industrielles se recentrent principalement sur les ressources de la mer. En juillet 1892, Alfred Von Rodt prend contact avec la compagnie Carlos Fonck y cia. qui, en 1893, commence l'exploitation commerciale de la langouste endémique en conserve.

A partir de cette année, et jusqu'en 1965, les prises de pêche de langoustes, malgré certaines fluctuations, restent abondantes et le développement de l'île se fait en parallèle au développement de l'activité piscicole. A partir de 1965, le déclin des captures de langoustes est régulier mais le développement d'activités économiques reste surtout dirigé vers les ressources halieutiques qui sont toujours le premier pilier de l'économie insulaire.

Les activités de la compagnie Carlos Fonck y cia. attirent des pêcheurs et des ouvriers qui s'installent sur l'île. Par ailleurs, le gouvernement apporte un soutien financier pour le transport entre l'île et le continent, voulant assurer au moins un voyage par mois à la fois pour les marchandises et pour le courrier officiel et privé.

Malgré cet engouement, les conserveries ne connaissent pas le succès espéré et peu de temps après, la fabrication de conserves est abandonnée mais l'exploitation des langoustes continue.

Depuis la dernière colonisation en 1877, l'intérêt des autorités gouvernementales pour l'île grandit et en 1896, le gouvernement chilien approuve un plan de colonisation du village de San Juan Bautista. Chaque famille qui s'engage à s'installer sur l'île avec l'intention d'exercer une activité de pêche recevra l'aide du gouvernement pour le voyage et l'installation sur place.

En 1896, sur les traces de Douglas, Bertero, Gay et Philippi, Federico Johow visite l'île Robinson Crusoe. Il met en évidence l'existence d'une flore propre à l'île mais aussi la présence de maqui, de chiendent et de l'espèce Acaena Argentea. Trente ans plus tard, lors de sa deuxième visite, en 1927, Looser relève pour la première fois la présence de la ronce, zarzamora (Rubus Ulmifolius), sur l'île Robinson Crusoe et pronostique de graves conséquences pour la flore indigène. D'autre part, Johow suggère de ne pas exploiter les langoustes durant la période de croissance. Peu de temps après, la pêche à la langouste est règlementée par un décret qui instaure une période durant laquelle la pêche est interdite (du 16 septembre au 1e janvier) (Echeverria et P. Arana, 1976).

Devant les constats scientifiques qui décrivent non seulement la richesse floristique et l'intérêt scientifique de l'archipel mais aussi la menace qui pèse sur cette richesse, en 1935, l'archipel est déclaré Parc National par le gouvernement chilien (Décret Suprême N° 10319).

<< Au début de l'année 1905, la colonie de Juan Fernández comprenait 122 personnes qui formaient 22 familles. [...] Il y avait également une petite école pour les enfants, qui jusque-là ne recevaient pas d'éducation scolaire ». (Orellana et al., 1974) Cependant, l'école couvrait une partie de l'enseignement primaire et la majorité des habitants de l'île n'avaient pas les moyens d'envoyer leurs enfants continuer leur éducation sur le continent.

Au fur et à mesure que la pêche se développe, la population grandit et en 1940, on recense 421 personnes (218 hommes et 203 femmes) vivant sur l'île.

Durant les deux premières décennies du XXe siècle, les activités économiques vont encore accentuer leur spécialisation dans l'exploitation des ressources halieutiques et plus spécifiquement de la langouste. Cette spécialisation est le résultat d'investissements de multiples entreprises industrielles étrangères dans l'île (Orellana etal., 1974).

Ainsi, malgré l'existence d'autres ressources (saumon, pageot rouge, girelle,...), les difficultés dues à la situation insulaire ont conditionné les possibilités d'exploitation industrielle et la langouste, beaucoup plus rentable et plus facile à conserver avant sa commercialisation, est exploitée de façon industrielle depuis la fin du XIXe siècle. Au début des années 1920, la société Recart y Doniez commence l'exploitation pour la commercialisation des langoustes vivantes sur le continent américain.

19 Voir annexe 04

En 1934, un décret visant à préserver les populations de langoustes règlemente la taille minimale autorisée pour la pêche. Le décret stipule qu' « il est interdit de pêcher, transporter, vendre, acheter, ou être en possession de langoustes dont la taille est inférieure à 115 millimètres [...]. Tous les individus pêchés sous les dimensions prescrites doivent être remis à l'eau immédiatement. » (Echeverria et Arana, 1976) Postérieurement, d'autres décrets viennent compléter ces dispositions légales parmi lesquels le décret de 1963 qui allonge la période d'interdiction entre le 15 mai et le 30 septembre toujours valable actuellement. Ce décret interdit également définitivement la capture de langouste femelle avec des oeufs visibles (Echeverria et Arana, 1976).

Autour des années 1935, la compagnie espagnole Oto Hermanos s'installe sur l'île. Cette entreprise fonctionne jusqu'à ce que se crée la coopérative de pêcheurs en 1968. Il y avait d'autres entreprises mais la plus importante était celle-là (Orellana etal., 1974 ; Echeverria et Arana, 1976).

3.7. Développement technique, infrastructurel et social.

Avec le développement de cette industrie, les pratiques de pêche vont se transformer. Vers les années 1930, les bateaux passeront de la voile et de la rame au moteur et vers les années 1970 les pièges à langoustes remplacent les anciens paniers traditionnels,... Ainsi, sans devenir ultramoderne, les techniques et les outils de pêche vont se transformer, entraînant une nouvelle organisation du travail. Les pêcheurs gardent cependant une large part de méthode traditionnelle20 basée sur un savoir transmis de génération en génération.

Figure 11 : Evolution historique du matériel pour capturer les langoustes

Source : Arana, 1983.

Le premier syndicat de pêcheur est formé en 1950. Un lent processus d'indépendance s'amorce. Petit à petit, les pêcheurs se libèrent des entreprises privées en construisant leur propres embarcations, et en rassemblant leurs propres outils pour la pêche. Ce mouvement d'indépendance culmine avec la création de la coopérative de pêcheurs en 1968.

Fin des années `40 et début 1950, les premiers hydravions commencent à transiter par l'île. Ils
viennent seulement en cas d'urgence. Ensuite, une compagnie amène, par hydravion, des

20 Voir annexe 05 et 06

marchandises pour le commerce de l'entreprise Oto Hermanos et au retour elle emporte les langoustes. En 1966, la population s'est mobilisée pour la réalisation d'une série d'infrastructures afin de faciliter les déplacements sur l'île non seulement pour les habitants mais aussi pour les touristes. En plus de différents chemins pour accéder aux lieux historiques (mirador Selkirk,...), les habitants ont commencé la réalisation d'une piste d'atterrissage pour assurer une communication par avion plus régulière. En octobre 1966, le premier avion atterrit sur cette piste précaire fabriquée, à la main, par les habitants. La visite officielle du président Eduardo Frei permet de sensibiliser le gouvernement au potentiel entreouvert par la population locale. La piste est alors terminée et asphaltée par l'aéronautique civile. A partir de ce moment, le transport des langoustes se fait aussi par avion et différentes compagnies aériennes proposent des vols pour Juan Fernández.

1966 : Le Président Eduardo Frei Montalva dicte le Décret qui change le nom des îles: Masatierra devient Robinson Crusoe, Masafuera devient Marinero Alejandro Selkirk. Derrière ces changements, l'idée (qui venait de Blanca Luz Brum, écrivain uruguayenne qui résidait sur l'île) est de faire connaître les îles dans le monde entier en utilisant la notoriété du roman de Daniel Defoe.

« L'histoire du développement de la pêche est marquée par un changement fondamental quand, en 1967, une coopérative de pêcheurs commence à se constituer et à opérer comme une compagnie sur l'archipel. [...] Ce changement signifie que les coopérateurs vont directement profiter des bénéfices des ressources de la mer. [...] Ce changement amènera comme conséquence d'importantes transformations socio-économiques pour la population. » (Orellana etal., 1974)

Ainsi, les pêcheurs ne sont plus dépendants des entreprises privées malgré les tentatives de pression qui continuent après la création de la coopérative. Cette étape de l'histoire est assez pénible pour la population de l'archipel et elle se retrouve gravée dans les chansons du folklore local.

Cette initiative a pu se concrétiser grâce à l'appui du président Eduardo Frei qui a constaté, lors de sa visite officielle sur l'île Robinson Crusoe, que les entreprises ont stocké une grande quantité de langoustes dans des bassins pour simuler une pénurie et vendre le produit à prix élevé sur le continent. Le gouvernement chilien appuie donc la population à se constituer en coopérative et leur offre le navire Piloto Juan Fernández pour assurer les connections avec le continent. A partir de ce moment, chaque pêcheur est indépendant et la Coopérative achète le produit et le commercialise. Les pêcheurs se répartissent également les bénéfices et la Coopérative commence une politique de protection et de bénéfices sociaux. Malheureusement ce projet ambitieux s'écroule rapidement suite à une mauvaise gestion des représentants à Valparaiso et à des détournements financiers. Aujourd'hui chaque pêcheur est propriétaire de sa production et vend directement à des petites entreprises qui commercialisent les langoustes au niveau national et international. L'exploitation plus périphérique du crabe, du poulpe, de la girelle, etc. suivent le même chemin21

3.8. L'arrivée de la CONAF

L'administration du Parc National commence à s'installer à la fin des années 1960. Elle était assurée au départ par le SAG et en 1972, la CONAF prend le relais. A partir de cette date, les premières plantations à grande échelle d'arbres exotiques sont lancées comme alternative à l'usage des arbres et arbustes natifs. Ces plantations ont aussi pour objectif de maintenir les sols et protéger le village contre les effondrements de terrains. Pour ce faire, l'organisme utilise des essences à croissance rapide : Eucalyptus globulus, Cupressus div.sp., et Pinus radiata. Si quelques plantations d'Eucalyptus et de Cyprès ont été faites du temps de Alfred de Rodt, fondateur des bases de l'actuel village, ce sont réellement les premières plantations importantes d'espèces exotiques qu'a connues l'île.

Cette plantation exotique est accompagnée d'un plus grand contrôle des interdictions d'utiliser les différentes espèces du parc déjà formulées dans le décret de 193522. Petit à petit, la CONAF a instauré une série de réglementations normatives au travers de multiples obligations et interdictions au départ difficiles à faire appliquer.23

21 Victorio Bertullo (commentaire personnel)

22 Voir annexe 04

23 Voir partie 2 - Chapitre IV - point 2.4. Ambivalence du statut de protection de l'île

En 1974, 81% de la population dépend de la pêche, directement comme pêcheur (77%) ou comme employé de la Coopérative de pêche (4%). Le reste est partagé principalement parmi les employés de la CONAF (quasiment 4%) et les commerçants (restauration, logements) en relation avec le tourisme (4,5%). Il s'agit donc avant tout d'une population de pêcheurs (Orellana et al., 1974).

En 1976, la CONAF publie le premier plan d'administration du parc national chilien Juan Fernández qui décrit les problèmes majeurs et émet des objectifs de contrôle (jusqu'à aujourd'hui, ces objectifs ne sont toujours pas remplis).

En 1977, l'UNESCO déclare les îles de l'archipel Juan Fernández Réserve mondiale de Biosphère. 3.9. Germes d'autonomie politique et de continentalité

En 1979 , par le décret loi n° 2868 du 21 septembre, est créée la commune de Juan Fernández, partie de la Province de Valparaiso, Ve Région et en 1980, le décret loi n° 1 / 2868 du 5 juin, instaure l'Illustre Municipalité île Juan Fernández.

En 1992, suite au retour à la démocratie, est élu le premier Conseil Municipal, avec comme premier maire Don Leopoldo Gonzalez Charpentier.

C'est dans cette même période que le gouvernement chilien accorde une subvention pour que l'île Robinson Crusoe puisse avoir l'électricité 24h/24h. La source d'énergie pour l'électricité était un moteur diesel (comme c'est toujours le cas aujourd'hui). Etant donné le coût financier, avant 1993, l'électricité était disponible uniquement pendant trois heures le soir. A partir de 1993, l'Etat chilien subventionne, en partie, le coût énergétique pour l'accès à l'électricité. Depuis 2001, la Commission Nationale de l'Energie étudie la possibilité d'implanter un système hybride éolien-diesel pour que l'offre énergétique soit plus efficiente. Jusqu'à aujourd'hui, aucune installation concrète n'a été effectuée.

Dans le sillage de l'électricité, l'île s'est lentement "modernisée" au cours du XXe siècle. Nous avons vu que différents travaux d'urbanisation, de communication et de transport (quai, piste d'atterrissage,...) ont été réalisés. Les arrivées du téléphone et de la télévision ont profondément marqué la vie insulaire qui se rapproche de plus en plus du continent.

La télévision est arrivée au milieu des années 1980 et le téléphone en 1993. Le téléphone a surtout facilité les échanges individuels mais aussi commerciaux. La télévision par contre a considérablement transformé les coutumes et les moeurs. Avec l'irruption de la télévision dans les foyers, une série de traditions communes se sont perdues, comme la fête du printemps, le théâtre ou encore le festival de la langouste (Brinck, 2005 ; PLADECO, 2005). Toutes les fêtes n'ont pas disparu, mais les relations sociales ont changé.

<< La télé est arrivée et la vie a changé. La sociabilité s'est fortement dégradée. Avant, on se réunissait, et on faisait de grandes fêtes [...]. Tout cela s'est perdu avec la télévision. Aujourd'hui, si quelqu'un sort à 3 heures de l'après midi, il n'y a personne, ils sont tous devant les télé séries. » (R. Mena dans Brinck, 2005) << Ce qui me plaisait auparavant c'etait l'unité. Les gens coopéraient beaucoup plus et il n'y avait pas ce séparatisme qui existe aujourd'hui. Quand la télévision est arrivée, tout a changé. L'individualisme, sa propre personne et rien de plus. » (F. de Rodt dans Brinck, 2005)

Plus généralement, avec le décloisonnement de l'île se développe en contrebas de l'économie de pêche et, de façon plus périphérique, une activité touristique. Avec la modernisation progressive de l'archipel, le tourisme est devenu un axe privilégié de la politique municipale.24 Le 21 septembre 2006, la chambre du tourisme << Ile Robinson Crusoe » est constituée dans le but de promouvoir l'île comme destination touristique importante. Indubitablement, cette activité est surtout limitée par la difficulté d'accès à l'île (2 compagnies aériennes effectuent deux voyages par semaine avec des petits avions de 6 places, certains bateaux de croisière transitent par l'île et enfin le bateau de ravitaillement de l'armée passe une fois par mois) ne permettant pas, pour l'instant, un tourisme de masse.

24 Voir Partie 2 - Chapitre IV - point 2.5.2. L'option touristique

4. Stigmates historiques

<< Durant toutes ces étapes d'occupation humaine, les ressources physiques de l'archipel (végétation et ressources maritimes) ont connu de fortes pressions. Les mesures de protection et de contrôle ont été promulguées seulement à partir de 1935 avec la création du Parc National. Cependant, les actions de terrain ont été pratiquement nulles jusqu'en 1968, année durant laquelle commence une implantation modeste au départ mais qui arrive à mettre en place une bonne infrastructure administrative et technique vers la fin des années 1970. » (IREN, CORFO, 1982)

Les écosystèmes naturels des îles sont très sensibles aux changements.25 Sur l'archipel Juan Fernández, l'intervention humaine est relativement récente mais ces effets ont rapidement affecté la biodiversité de l'île.26 Ces stigmates historiques s'incarnent sous différentes formes qui recoupent assez fidèlement les facteurs de perte de biodiversité identifiés dans le chapitre II de la 1ère partie. Nous retrouvons donc, comme une évidence, la surexploitation des espèces, la modification des habitats, l'introduction de nouvelles espèces animales et végétales s'installant principalement dans les espaces perturbés et devenant pour certaines des espèces invasives.

Cette installation humaine a aussi balisé les structures culturelles de la population insulaire. En installant ses racines, la population s'est spécialisée dans une activité monospécifique centrée exclusivement sur l'extraction des langoustes. Elle a abandonné petit à petit toute autre forme d'activité, se construisant, en corollaire, une dépendance grandissante vis-à-vis du continent.27

CHAPITRE II - La BIODIVERSITÉ sur l'archipel Juan Fernández 1. La biodiversité au Chili

En 1991, la Comisión Nacional de Investigación Científica Y Tecnológica (CONICYT) crée le Comité national de la diversité biologique. Ce Comité réalisera un recensement de la biodiversité évaluant, pour la première fois, toute la richesse biologique du Chili. Il déterminera l'existence de quelques 30.000 espèces de la faune et de la flore sauvages, dont, environ 6 331 sont endémiques du Chili. Évidemment, ces chiffres restent des indications et, tant il est difficile d'évaluer la biodiversité à l'échelle planétaire, tant il est difficile de le faire à l'échelle d'un pays (même si les limites sont plus restreintes). Ils restent sous estimés car certains groupes n'ont pas été considérés, car il ya encore beaucoup de découvertes potentielles, etc.... De plus la biodiversité est une notion multidimensionnelle et ses caractéristiques ne se déterminent pas comme un cercle que l'on pourrait définir par sa surface, son diamètre, son rayon, etc. en connaissant une variable et en appliquant des règles mathématiques. Cependant, elle fait partie de la vie sur terre et participe à différents équilibres, comme évoqué dans la première partie du présent travail.

Au Chili, la diversité des habitats (terrestres, marins et d'eau douce) et de climat combinée à l'isolement géographique relatif du pays (dû aux barrières naturelles de la cordillère des Andes et de l'océan Pacifique) a favorisé le développement d'une biodiversité modérée en nombre d'espèces, mais avec des espèces et écosystèmes uniques au monde. << La biodiversité de la flore et de la faune du pays montre des hauts niveaux d'endémisme, raison pour laquelle il est particulièrement précieux et important de la conserver. » (Manzur, 2008)

25 Voir Partie 1 - Chapitre III - point 3. Fragilité

26 Voir Partie 2 - Chapitre III Perte de biodiversité sur l'archipel Juan Fernández

27 Voir Partie 2 - Chapitre IV - point 2.3. Relations avec le continent et identité et point 2.5. Economie

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» 1.1. Biodiversité végétale

La flore chilienne représente une ressource génétique importante. Il existe 7.437 espèces de plantes (indigènes et introduites), avec un pourcentage élevé d'endémisme spécifique (42%) et générique. Comme c'est le cas généralement, les dicotylédones représentent le groupe d'organismes avec la plus grande quantité d'espèces et avec le plus haut taux d'endémisme (83,5% pour le Chili insulaire (Espinosa et Aqueros, 2000 ; CONAMA, 2008).

Figure 12 : Richesse et endémisme des espèces végétales au Chili

Source : Vanhulst, 2009 d'après Espinoza et Arqueros, 2000 ; Manzur, 2008. 1.2. Biodiversité animale

La faune chilienne présente aussi une grande richesse génétique par son niveau élevé d'endémisme. Le nombre total de vertébrés dans le pays atteint environ 1 790 espèces dont 15% sont endémiques. Le groupe des amphibiens et celui des reptiles présentent respectivement un taux d'endémisme de 76,70% et de 58,50% (CONAMA, 2008).

Figure 13 : Richesse et endémisme des espèces animales au Chili

Source : Vanhulst, 2009 d'après Espinoza et Arqueros, 2000 ; Manzur, 2008.

<<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» 1.3. Statut officiel de la biodiversité

Formellement, au niveau national, l'intérêt de la biodiversité est admis.28 Historiquement, le discours lié à la conservation de la nature s'est manifesté durant les années 1870 en désaccord avec la destruction des forêts et des espaces naturels du pays. C'est dans ce cadre qu'en 1872 a été promulguée la loi sur la <<Coupe des forêts » (Ley general sobre corta de bosques) et le 16 janvier 1879 le décret sur les << Réserves de forêts fiscales » (decreto sobre « Reservas de bosques fiscales ») qui vise à protéger une partie importante de forêt du centre sud du Chili afin de former une barrière verte pour la rétention d'eau et la protection de vallées agricoles qui en dépendent. Ce précédent juridique a permis de créer différentes réserves naturelles dont la réserve Malleco (créée en septembre 1907) qui fut la première zone de protection publique en Amérique du sud et la neuvième au niveau mondial (La Nación, 2007 ; www.memoriachilena.cl). Jusqu'en 1913, le fisc a constitué des réserves d'un total de 600.000 hectares réparties entre Concepción et Puerto Montt. Par la suite, le décret loi 4.363 de 1931 donnait la possibilité au Président de la République d'établir des réserves et parcs naturels nationaux. Jusqu'en 1965, 26 parcs nationaux ont été créés et à partir des années 1970, la direction de l'administration des bois et des forêts du Chili a été déléguée à la Corporación nacional forestal (CONAF)29. Poursuivant les orientations conservationnistes, la CONAF a développé le Sistema Nacional de Areas Silvestres Protegidas por el Estado (SNASPE) qui, à la fin des années 1980, comprenait 29 parcs nationaux, 36 réserves nationales et 9 monuments naturels ( www.memoriachilena.cl). Actuellement, il existe 32 parcs nationaux, 48 réserves naturelles et 15 monuments naturels au Chili couvrant approximativement 14 millions d'hectares (TERRAM, 2005 ; www.conaf.cl) (soit 18,50% de la superficie du Chili) et chacun ayant théoriquement des objectifs de conservation et de préservation de l'environnement. 30

En dehors de cette politique de préservation in situ31, la conservation ex situ32 (dans des banques de graines) se développe en tant que stratégie pour conserver la biodiversité du Chili. Depuis 2001, l'Instituto de Investigación Agropecuarias (INIA) et le jardin botanique royal du Royaume-Uni (Kew) ont démarré une collaboration dans le but de sauvegarder la diversité génétique ex situ et ainsi de diminuer la probabilité d'extinction d'espèces uniques du Chili.

Cette collaboration s'inscrit dans le projet mondial Millenium Seed Bank Project dont le but est de conserver 10% de la flore mondiale, et plus particulièrement la flore des zones arides. En dehors de l'INIA, environ 20 institutions sont actives dans la conservation, principalement via des banques de semences et des sites de pérennisation de la flore sauvage (jardins botaniques, pépinières,...) (Seguel, 2008). La plupart de ces institutions sont des universités (publiques et privées) dont l'Universidad Austral et l'Universidad de Magallanes qui possèdent leur propre banque génétique active.

Par ailleurs, le Chili a ratifié, entre autres, la Convention sur la diversité biologique, la Convention de Washington pour la protection de la faune et la flore, et des beautés panoramiques naturelles des pays de l'Amérique (1940), la Convention de Ramsar pour la protection des zones humides (1971), la Convention de Washington ou CITES sur le commerce des espèces menacées (1973) et la Convention de Bonn pour la protection des espèces migratrices (1979).

Ces différents engagements on été traduits dans des politiques et stratégies nationales.33

Le Chili n'est donc pas indifférent à l'importance de la biodiversité. Malheureusement, nous verrons avec le cas de l'archipel Juan Fernández que la réalité ne reflète pas toujours toutes les bonnes intentions et que, malgré son statut de haut lieu de la biodiversité reconnu, du niveau national au niveau international, les stratégies politiques et les planifications n'apportent pas de réponse

28 Voir Partie 2 - Chapitre V - point 1. Cadre juridique

29 Voir Partie 2 - Chapitre IV - point 1. Les acteurs

30 Voir Partie 2 - Chapitre V - point 1.1.7. Ley N° 18.362 que crea un sistema de Areas Silvestre Protegidas del Estado

31 "La conservation in situ" désigne la conservation des écosystèmes et des habitats naturels et le maintien ou la récupération des espèces dans leur milieu naturel et, ou, dans le cas d'espèces cultivées, dans l'environnement dans lequel elles ont développé leurs caractéristiques (Convention sur la diversité biologique, 1992)

32 "Conservation ex situ" signifie la conservation des composants de la diversité biologique hors de leurs habitats naturels. (Convention sur la diversité biologique, 1992)

33 Voir Partie 2 - Chapitre V - point 1.2.2. Accords et conventions internationales

satisfaisante aux problèmes écologiques dont souffre l'archipel. Vu de l'extérieur, les priorités sont ailleurs (dans l'économie certainement mais aussi dans la modernisation, dans le décloisonnement et dans le tourisme). Il faudrait élargir la réflexion sur le cadre politico-juridique esquissé dans le chapitre V pour renforcer la connaissance de cette partie du problème.

2. La biodiversité sur l'archipel Juan Fernández

Une des caractéristiques importantes de l'archipel Juan Fernández est sa flore unique au monde. Celle-ci s'est distinguée (ayant évolué dans un contexte singulier) et a donné vie à des formes d'adaptation particulières et peu fréquentes, présentant un haut degré d'endémisme au niveau des espèces. Comme pour le règne végétal, les espèces animales endogènes ont aussi évolué de manière insolite et beaucoup sont endémiques.

Ainsi, malgré une pauvreté quantitative d'espèces indigènes (lors de sa découverte par l'homme, il n'y avait aucune espèce d'amphibien, de reptile ou encore de mammifère terrestre, 15 espèces d'oiseaux et un peu plus de 200 espèces de plantes vasculaires indigènes), le caractère hautement endémique fait de l'archipel Juan Fernández un lieu de grande richesse qualitative (la perte d'espèces endémiques signifiant une perte définitive à la surface du globe et un appauvrissement du patrimoine mondial) exceptionnelle à plus d'un titre.

2.1. Diversité végétale

2.1.1. Fondations de connaissances botaniques

Les îles sont reconnues comme étant des écosystèmes de grande qualité biologique. Sur l'archipel Juan Fernández, plus de 60% des espèces de plantes indigènes sont endémiques. Sa faible superficie terrestre (environ 100 km2) en fait un des lieux où les taux d'endémisme végétal par unité de surface sont les plus hauts au niveau planétaire. En effet, la densité d'espèces et la densité des endémiques est plus élevée que sur toute autre île océanique : on y trouve respectivement 2,08 espèces/km2 et 0,98 endémiques/km2 (Bernardillo et Stuessy, 2001).

Les inventaires et les caractérisations botaniques de l'archipel sont le résultat de presque 200 ans de collections et de visites sporadiques d'une multitude de scientifiques. Si la première expédition scientifique en 1743 est l'oeuvre de Jorge Juan et Antonia de Ulloa sous l'autorité du vice-roi du Pérou, Villagarcia (Orrellana et al., 1974), la flore des îles de Juan Fernández commencera à attirer l'attention au début du XIXe siècle et les premiers prélèvements et inventaires renseignés sont l'oeuvre de Mary Graham qui accompagnait Lord Cochrane (alors engagé comme commandant général de la Marine au Chili).

Le premier botaniste qui a séjourné sur l'île Robinson Crusoe est David Douglas. En 1824, avec le géologue John Scouler, il collecta 70 espèces qui se trouvent dans les herbiers de Kew en Angleterre. En 1830, Carlo G. Bertero (botaniste italien), restera plusieurs mois sur l'île Robinson Crusoe et récoltera une grande collection de plantes. A la même période, Hugh Cuming visitera pour la première fois l'île Alejandro Selkirk.

A partir de 1830, le gouvernement chilien engagera Claudio Gay (botaniste français) pour étudier l'histoire naturelle du pays. Il écrira un ouvrage en 8 volumes sur la flore chilienne et un atlas. Il transitera par l'archipel Juan Fernández en 1832 et relatera le grand intérêt biologique de l'île pour la science et pour le pays.34

Philibert Germain (entomologiste) prélève en 1854 une précieuse collection qui sera étudiée par R.A. Philippi (botaniste allemand professeur d'histoire naturelle à l'Université du Chili et directeur du musée national d'histoire naturelle) en 1856 et qui met en évidence la détermination de 28 nouvelles espèces dont Podophorus bromoides (Gramineae), qui n'a jamais été retrouvée depuis (Matthei, Marticorena et Stuessy, 1993).

Suivent Edwyn C. Reed et José Guajardo en 1869, puis en 1872, qui rassemblent une importante
collection conservée dans les herbiers du Musée National d'Histoire Naturelle à Santiago du Chili. Ils

34 Voir Partie 2 - Chapitre I - point 3. De la découverte de l'île Robinson Crusoe à nos jours.

<<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)»

ont été les premiers à recueillir l'Anthoxanthum odoratum ou pasto oloroso, une graminée exogène actuellement présente dans une zone assez large des îles Robinson Crusoe et Alejandro Selkirk.

En 1875, le navire anglais Challenger fait escale dans l'île avec à son bord le naturaliste H. Moseley qui rassemblera une grande collection. Ce matériel a permis à William B. Hemsley (conservateur à Aberdeen et Kew) d'écrire le premier rapport important sur la botanique de l'archipel Juan Fernández. << En 1891 et ultérieurement en 1892, Federico Johow (botaniste allemand engagé au Chili pour participer à la construction du nouveau système pédagogique), et Juan Söhrens vont séjourner sur Robinson Crusoe. Johow fait une vaste analyse de la flore introduite, citant plusieurs espèces (indigènes et introduites) pour la première fois, notamment la murtilla (Ugni molinae), espèce du Chili continental, qui, dans l'île Masatierra a déplacé une surface considérable de la flore indigène. » (Matthei, Marticorena et Stuessy, 1993) Federico Johow publiera ses résultats en 1896 dans son oeuvre << Estudios sobre la flora de las islas Juan Fernández ».

Le botaniste qui a le plus contribué à former les bases référentielles de la caractérisation végétale a été Carl Skottsberg. Ce botaniste suédois a réalisé une intense étude de la flore des îles de l'archipel. << En 1908, puis de 1916 à 1917 et de 1953 à 1954, Skottsberg a collecté non seulement des plantes vasculaires, mais aussi des algues, des champignons et des lichens. Son oeuvre est le travail le plus complet qui a été réalisé jusqu'à présent. Skottsberg a été le dernier à trouver un exemplaire vivant de Santal, en 1908. On n'a jamais retrouvé d'autre spécimen depuis et son extinction est désormais considérée définitive. » (Matthei, Marticorena et Stuessy, 1993) Il a distingué 7 communautés végétales dans l'île Robinson Crusoe à la fois selon l'altitude et selon la composition. Très vite, Carl Skottsberg a manifesté une grande inquiétude devant la situation préoccupante de la flore native.

A partir de 1980, vu l'intérêt de l'archipel Juan Fernández pour l'étude de processus de l'évolution et de la systématique, le département de botanique de l'université de l'Ohio (USA) et l'université de Concepción (Chili) ont effectué 6 expéditions avec pour objectifs d'examiner les espèces natives (leur identité, et leur valeur chimique, médicale et thérapeutique), de comprendre les processus d'évolution des espèces endémiques et finalement de réaliser un nouveau cadastre des plantes vasculaires (Stuessy et al., 1998). Les résultats de ces observations rendront compte des différentes zones végétales et des espèces endémiques qu'elles hébergent mais aussi de la destruction progressive de la flore des îles. Tod Stuessy utilisera les secteurs définis par Skottsberg pour réaliser une étude sur l'évolution botanique de l'île Robinson Crusoe. Ces travaux mettront en évidence une importante coexistence d'espèces introduites avec les espèces indigènes et la dangerosité d'une multitude d'espèces exogènes dont plusieurs sont très difficiles à contrôler et/ou à éradiquer. Parmi celles-ci, la Zarzamora (Rubus ulmifolius), le Maqui (Aristotelia chilensis), la Murtilla (Ugni Molinae), le Trun (Acaena argentea) et le Cardo blanco (Eryngium Bourgatii) sont considérées comme les pires.

En 1997 et jusqu'en 1999, Philippe Danton (botaniste attaché au Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris) effectuera un premier travail d'exploration, d'inventaire botanique et de préservation des espèces végétales menacées de l'archipel Juan Fernández. Une synthèse des premiers voyages a été publiée en 1999. En 2001, il créera l'association Robinsonia dont l'objectif est de compléter les connaissances naturalistes scientifiques disponibles sur l'archipel Juan Fernández. Pour ce faire, Philippe Danton continue son travail d'inventaire et de conseil pour la gestion conservatoire sur place en collaboration avec le Parque Nacional Archipiélago Juan Fernández, la CONAF, le Muséum de Santiago et diverses universités chiliennes. Désormais accompagné par Christophe Perrier (assesseur du présent mémoire), Philippe Danton prévoit l'édition d'une synthèse sur l'Histoire Naturelle de l'archipel, mettant à jour, pour la flore, le remarquable ouvrage de Carl Skottsberg publié entre 1920 et 1956. Parallèlement, l'association Robinsonia << tente de sauvegarder la flore des îles de l'archipel au travers de projets de conservation in situ et ex situ des espèces les plus menacées. » (Georget, 2009)

Plusieurs voyages scientifiques ont permis de retrouver des espèces considérées disparues, engager des actions de sauvegarde sur place et ex-situ, et découvrir quelques nouveautés botaniques.

L'ensemble de ces travaux converge dans le même sens et appuie l'intérêt non seulement botanique mais surtout écologique des îles de l'archipel.

2.1.2. Caractérisation des zones végétales (Cambornac, 2002)

Depuis le niveau de la mer jusqu'au point culminant (El Yunque - 915 m) on peut distinguer, en simplifiant, trois niveaux : une zone littorale, de 0 à 5-15 m (caractérisée par des plages de galets grossiers, des rochers littoraux, des îlets et des pieds de falaises verticales), une zone basse, de 5-15 à 450 m (qui comprend des falaises verticales, des pentes plus ou moins inclinées et des ravins parfois profonds) et une zone d'altitude, de 450 à 915 m (où l'on trouve des parois rocheuses plus ou moins abruptes, des crêtes et les sommets des collines).

1) La zone littorale

Sur l'île même, la végétation est principalement composée d'espèces adventices, quelques indigènes et peu d'endémiques. Par contre, sur les îlets épars aux abords des côtes, et surtout ceux difficiles d'accès, la flore originelle s'est maintenue. Ces rochers représentent de véritables témoins de ce qu'ont pu être les parties basses de ces îles avant l'arrivée des hommes, même si des adventices se sont aujourd'hui installées, là aussi. Cette végétation originale est composée de nombreuses espèces endémiques.

Globalement, la zone littorale, à l'exception de certains îlets (Juanango et Verdugo surtout) a été notablement modifiée dans sa composition floristique par l'arrivée massive de plantes adventices.

2) La zone basse

La végétation est plus variée et présente un mélange de nombreuses espèces adventices, indigènes et endémiques. Elle comporte aussi des forêts claires avec de nombreuses endémiques : des arbres (e.g. Myrceugenia Fernándeziana ou Drimys confertifolia), des arbustes (e.g. Sophora Fernándeziana) et une strate herbacée assez pauvre. Enfin, il existe des pentes plus ou moins érodées, anciennement boisées, où ne survivent que bien peu de plantes indigènes et où se sont installées des adventices dont certaines sont très envahissantes (e.g. Acaena argentea).

Cette zone est la plus modifiée depuis la découverte de l'archipel et c'est aussi celle qui abritait deux espèces endémiques aujourd'hui disparues (Santalum Fernandezianum et Podophorus bromoides). C'est aussi à ce niveau qu'un boisement exotique a été installé autour du village, sur un espace totalement dénudé, pour répondre aux besoins en bois de la population installée de façon permanente. Les espèces introduites (eucalyptus, pin et cyprès) commencent à coloniser les parties hautes en produisant de petits bosquets pionniers qui déplacent la végétation indigène.

3) La zone d'altitude

Dans la zone d'altitude, la végétation originelle s'est un peu mieux conservée mais aujourd'hui elle est soumise à la prolifération conquérante des 3 espèces introduites les plus agressives (Rubus ulmifolius, Aristotelia chilensis, Ugni Molinae) et se trouve envahie avec une rapidité

extrêmement préoccupante et dommageable à l'originalité irremplaçable de ces milieux.

C'est là que l'on trouve les forêts primaires de brume dont la majorité des espèces sont endémiques, qu'il s'agisse du seul palmier de l'archipel (Juania australis), des arbres (e.g. Myrceugenia Fernándeziana, Drimys confertifolia, Rhaphythamnus venustus...), des arbustes (e.g. Dendroseris berteroana, Robinsonia gracilis, Ugni selkirkii, Lactoris Fernándeziana, Yunquea tenzii, ...), des herbacées (Gunnera bracteata, Greigia berteroi, Chusquea Fernándeziana, ...) et des très nombreux ptéridophytes terrestres ou épiphytes (Dicksonia berteroana, Megalastrum inaequalifolium, Thyrsopteris elegans, Rumhora berteroana,...). Sur les crêtes, on trouve des espèces forestières existantes aux autres niveaux mais sous des formes tourmentées par les vents.

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» 2.1.3. Caractérisation des espèces végétales35

L'archipel Juan Fernández abrite 716 espèces de plantes vasculaires, dont 60 ptéridophytes, 10 gymnospermes, 147 monocotylédones et 499 dicotylédones. Sont représentées 139 familles et 441 genres. Il existe sur l'archipel une famille endémique (Lactoridaceae représentée par une seule espèce : Lactoris Fernándeziana) probablement originaire de l'ancien continent austral qu'on appelle Gondwana ou Pangée (El Mercurio, 2005). Il existe 11 genres endémiques (Centaurodendron, Cuminia, Dendroseris, Juania, Lactoris, Megalachne, Podophorus, Robinsonia, Selkirki, Thyrsopteris et Yunquea), et 137 espèces endémiques. La flore vasculaire indigène présente plus de 60% d'endémisme au niveau de l'espèce. Parmi les espèces endémiques, 29 sont des ptéridophytes, 15 sont des monocotylédones, et 93 des dicotylédones.

Les angiospermes endémiques se trouvent dans toutes les zones écologiques identifiées mais dans un état fragile. « 75 % des espèces sont considérées éteintes, menacées, rares ou occasionnelles. Les espèces Santalum Fernandezianum et Podophorus bromoides sont présumées éteintes. » (CONAF, 2004)

Les premières expéditions de Philippe Danton, Michel Baffray et Emmanuel Breteau en 1998 et 1999 et les dernières expéditions de Philippe Danton et Christophe Perrier mettront en évidence l'existence d'espèces encore inconnues jusque-là, tant allochtones qu'autochtones. Récemment, et ce malgré les différents projets de sensibilisation, une étude botanique36 réalisée dans le périmètre du village de San Juan Bautista a mis en évidence l'introduction de 27 nouvelles espèces pour raison essentiellement ornementale (non comprises dans le tableau ci-dessous).

Le nombre de taxons dans l'archipel peut être analysé, en outre, dans les catégories de introduites, indigènes et endémiques (voir figure 14).

Figure 14 : Nombre d'espèces endémiques, indigènes et introduites sur l'archipel

Source : Vanhulst, 2009 d'après Danton et Perrier, 2006.

Depuis sa découverte en 1574, l'archipel Juan Fernández a accumulé une grande quantité d'espèces introduites, particulièrement dans les dicotylédones. Des 716 espèces au total, près de 70% (503) sont introduites. Le groupe de taxons introduits le plus important est celui des dicotylédones (76%).

Au-delà de cette évaluation quantitative, la flore de l'archipel Juan Fernández est exceptionnelle à plus d'un titre (Danton, 2004) :

? Parmi les espèces, plusieurs sont le résultat de processus de paléo-endémisme et sont donc devenues de véritables reliques de temps anciens (comme par exemple Lactoris Fernándeziana ou Thyrsopteris elegans).

35 Voir annexe 07

36 Stage de Cécile Georget encadré par l'association Robinsonia (juillet 2009)

<<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)»

· D'autres espèces sont le résultat de processus de néo-endémisme (comme les genres Centaurodendron, Juania, Lactoris, Megalachne, Podophorus, Robinsonia,Yunquea).

· Certaines architectures de plantes sont typiques des milieux insulaires, en particulier le fait que de nombreuses espèces soient ligneuses alors qu'elles sont herbacées sur les continents.

· L'île Robinson Crusoe accueille un biome unique au monde: la `myrtisylve Fernándezienne' (P. Danton), forêt native dont 100% des espèces sont endémiques.

· Le développement de la différenciation sexuelle (plantes dioïques) chez les endémiques en réponse aux problèmes de consanguinité dus aux conditions insulaires.

· Cette flore, vu l'âge récent de l'archipel, est une source de compréhension des phénomènes complexes d'évolution et de spéciation

· Les potentialités chimiques, pharmaceutiques et génétiques sont peu explorées.

Ainsi, quel que soit le chiffre retenu pour qualifier l'importance biologique de l'archipel, il apparaît clairement que celui-ci présente des qualités inestimables. Mais l'environnement particulier et calme de l'archipel qui crée les conditions de vie de ces espèces a également créé les conditions de leur fragilité (Danton, 2004). En effet, étant donné leur situation d'isolement sans impératif d'évolution, les espèces indigènes n'ont pas développé de mécanismes pour lutter contre les animaux introduits et les plantes envahissantes. Leurs incursions provoquent une situation de déséquilibre dans laquelle structurellement, les espèces autochtones ne peuvent pas lutter.

<< Par exemple, elles n'ont pas développé de défense contre les herbivores (chèvres, vaches, chevaux), les rongeurs (rats, souris) ou les lagomorphes (lapins). Elles n'ont pas la plasticité architecturale nécessaire pour surmonter le surplombement par d'autres plantes. [...] Elles n'ont pas non plus la faculté d'occuper rapidement la totalité du terrain disponible avec une reproduction végétative très compétitive, comme c'est le cas de la Murtilla introduite (Ugni molinae). Aucune des plantes endémiques des îles ne dispose d'une stratégie de dissémination puissante comme celle du Trun introduit (Acaena argentea) dont les semences s'agrègent aux poils des animaux comme dans les cordons, les chaussettes et les pantalons des passants. Les écosystèmes sont aussi très facilement perturbés par le transit du bétail ou de l'homme. Il existe de nombreux autres exemples de cette vulnérabilité particulière de la nature insulaire. » (Danton, 2004)

2.2. Diversité animale37 2.2.1. Les mammifères

Tous les mammifères terrestres présents aujourd'hui ont été introduits à partir de 1574.

Ainsi, la faune de vertébrés indigènes est constituée seulement par quelques oiseaux terrestres et aquatiques et 2 espèces de mammifères marins arrivés là de manière naturelle. De ces 2 espèces de mammifères marins, l'éléphant de mer (Mirounga leonina), cité par Lord Anson, n'a pas eu la chance de survivre à la chasse industrielle. L'espèce n'est pas éteinte à la surface du globe mais elle ne vit plus sur l'archipel Juan Fernández. Le Lobo de dos pelos, otarie endémique de Juan Fernández (Arctocephalus philipii), qui a été surchassée du XVIIe siècle jusqu'au début du XXe siècle pour le commerce de peaux et d'huile, a été considérée éteinte au début du XXe siècle jusqu'à ce qu'on retrouve un petite colonie cachée dans des grottes peu accessibles. Elle est aujourd'hui soumise à un régime de protection total et l'espèce n'est plus considérée comme menacée mais reste sous statut de protection.

2.2.2. L'avifaune

Il existe une avifaune qui compte peu d'espèces mais qui est hautement endémique. Ainsi, malgré qu'il n'existe que 10 espèces d'oiseaux terrestres, 4 d'entre elles sont endémiques de l'archipel: le Picaflor rojo, colibri de Juan Fernández (sephanoides fernandensis), devenu un des emblèmes de l'archipel, deux espèces de passereaux : le Cachitoro (Anairetes Fernándezianus), et le Rayadito de masafuera (Aphrastura masafuerae) et le Blindado (Buteo polyosoma subsp. Exul). D'autre part, 2 sous-espèces d'oiseaux sont endémiques : le Cernicalo (Falco Sparverius Fernándezianus) et un passereau : le Churrete (Cinclodes oustaleti backstroemi).

37 Voir annexe 08

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)»

Il y a également 6 espèces d'oiseaux qui se reproduisent sur l'archipel dont 5 sont des pétrels et une est une hirondelle de mer. Parmi ces espèces d'oiseaux marins, 2 espèces sont endémiques : la Fardela negra de Juan Fernández (Ptérodroma neglecta) et la Fardela de Masafuera (Ptérodroma longirostris).

D'autre part, des oiseaux pélagiques tels que des Albatros (Diomedea sp.) ou le Pétrel géant (Macronectes giganteus) pèchent dans les eaux à proximité de l'île.

2.2.3. La faune aquatique

Si aucun poisson d'eau douce n'a jamais été recensé dans les eaux de l'archipel, les fonds marins qui bordent l'archipel (et qui ne font pas partie du parc national !) abritent le crustacé qui porte l'économie de l'archipel depuis presque 150 ans : la langouste de Juan Fernández (Jasus frontalis), espèce endémique de l'archipel Juan Fernández et du petit archipel des Desventuradas (îles San Felix et San Ambrosio) situé plus au nord.

Par ailleurs, il existe des poissons marins endémiques tels que le Bacalao de Juan Fernández (Polyprion oxygeneois) ou le Pampanito (Scorpis chilensis) (Danton, 2004).

2.2.4. Les invertébrés

Sur l'archipel Juan Fernández, si la faune et surtout la flore ont été abondement étudiées, l'entomofaune souffre d'un manque d'étude considérable. Le Dr Guillermo Kuschel (entomologiste et professeur à l'Université de Santiago du Chili jusqu'en 1962) a réalisé la seule étude de référence qui date de 1952. Ainsi, Kuschel a dénombré 687 espèces d'insectes dont 440 endémiques, soit plus de 60% du nombre total d'espèces inventoriées (Danton, 2002). De nombreux autres groupes - classe des Arachnides (58 espèces, dont 49 espèces endémiques), Crustacés (11 espèces dont 8 endémiques), Gastéropodes (30 espèces dont 24 endémiques), etc. présentent aussi une grande diversité, dont une partie importante reste probablement à découvrir (Danton, 2002).

2.2.5. Faune animale introduite

Parallèlement à cette faune indigène, coexistent des espèces introduites depuis le continent, dont certaines sont retournées à l'état sauvage, et provoquent divers degrés de dommage, tant au règne végétal qu'animal mais également au niveau des sols.

On peut dire que les animaux indigènes et endémiques se trouvent confrontés aux mêmes difficultés que les plantes. « Ils souffrent de la concurrence des espèces introduites agressives comme par exemple le crapaud insectivore pleurodema Thaul (introduit dans les années 1960 et représentant une pression pour les insectes indigènes), les fourmis, les rats et les souris (qui mangent les oeufs et les oisillons), les chats sauvages et les coatis (qui mangent les pétrels et les colibris), les chiens (qui attaquent les jeunes otaries), etc. D'autres ravageurs introduits dans la zone urbaine (cochenilles, pucerons, champignons) entrent peu à peu dans les lieux les plus retirés des îles, parasitant la flore indigène et endémique. » (Danton, 2004)

Les invertébrés ne font pas exception en matière d'introduction. La guêpe (Vespula germanica) présente sur le continent chilien (et connue comme l'une des pestes animales majeures du Chili) et probablement introduite involontairement, crée de graves problèmes. Le SAG a commencé en 2004 un programme d'éradication, entre autres pour enrayer les dégâts causés par la guêpe (dérangement pour la population mais aussi pollinisation et donc développement des espèces introduites). Ce programme faisait partie d'une convention de coopération entre la CONAF et le SAG pour protéger la flore et la faune native de l'archipel Juan Fernández contre les arthropodes exogènes qui ont été introduits (SAG, 2004). Il est actuellement arrêté sans avoir totalement réalisé ses objectifs (la guêpe, par exemple, n'a pas été complètement éradiquée).

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» CHAPITRE III - PERTE DE BIODIVERSITÉ sur l'archipel Juan Fernández

1. Réalités du problème de perte de biodiversité

Au niveau planétaire, l'épisode d'extinction actuel présente des différences à la fois quantitatives et qualitatives en comparaison aux épisodes antérieurs.38

La majeure partie de ces extinctions sont attribuables à des causes humaines et les estimations et projections du taux d'extinction pour divers groupes d'organismes donnent des valeurs supérieures à leur équivalent dans les registres fossiles (Torres-Mura, Castro et Oliva, 2008). Comme nous avons pu déjà l'entrevoir, le cas de l'archipel Juan Fernández illustre bien ce phénomène à une échelle plus locale.

L'archipel est actuellement soumis à de fortes agressions : non seulement la surexploitation a déjà causé la disparition d'une espèce d'arbre endémique (le santal de Juan Fernández, Santalum Fernándezianum), d'une espèce d'éléphants de mer (non éteinte mais dont la répartition géographique ne s'étend plus à l'archipel) et presque celle des otaries. Les captures de langoustes endémiques montrent une tendance à la diminution, les transformations dans l'habitat (via les exploitations ou la colonisation des espèces invasives) endommagent l'ensemble des écosystèmes et enfin, l'introduction d'espèces exogènes (animales et végétales) représente un grand danger qui a déjà laissé des traces profondes. Derrière ces facteurs disjoints, c'est plutôt la réalité systémique du problème qu'il est nécessaire de considérer y compris la place et le rôle de l'homme.

Evoquée dans le chapitre précédent, l'histoire de l'archipel Juan Fernández est marquée par des évènements de nature à altérer les écosystèmes. Depuis 1574, l'implantation humaine a été le point focal non seulement de l'exploitation des ressources de l'île, mais aussi d'introduction volontaire ou involontaire d'espèces exogènes. C'est à partir du village qu'ont été introduites les chèvres et disséminés certains arbres fruitiers et autres plantes potagères. C'est aussi du village que proviennent les plantes adventices qui représentent aujourd'hui les dangers les plus alarmants (Zarzamora, Maqui et Murtilla).

Peu de plantes exotiques ont été observées par Maria Graham en 1823. Lors de la première expédition botanique (complète) sur l'archipel (F. Johow en 1896), 237 espèces de plantes ont été recensées dont 95 sont des plantes introduites. Cent nonante espèces exotiques seront rapportées en 1993 (Matthei, Marticorena et Stuessy, 1993) et 3 ans plus tard, on en comptera 227 (Swenson et al., 1997) (Stuessy et al., 1998) « Aujourd'hui, il y a 716 espèces qui se trouvent sur tout l'archipel dont 503 ont été introduites. Soit en 110 ans, la flore vasculaire de l'archipel a plus que triplé et les plantes introduites ont plus que quintuplé. Naturellement dans des îles comme Juan Fernández, une nouvelle espèce végétale apparaît approximativement tous les 8000 ans. Sur cette base, la nature aurait eu besoin de 2.696.000 ans pour réaliser ce que l'homme a fait en 110 ans ! » (El Mercurio, 2005) Du côté du règne animal, tous les mammifères terrestres présents aujourd'hui ont été introduits ; comme c'est le cas de certains batraciens ou d'autres invertébrés (comme la guêpe ou la araña de los rincones, Loxosceles Laeta).

Parallèlement, des espèces indigènes et endémiques disparaissent. Des 137 espèces végétales endémiques de l'archipel Juan Fernández, 2 espèces sont éteintes (Santalum Fernándezianum et Podophorus bromoides), 1 espèce est éteinte dans son habitat naturel mais existe dans des conservatoires botaniques (Walhenbergia larraini), 3 sont probablement éteintes (Robinsonia macrocephalla, Chenopodium nesodendron et Eryngium sarcophyllum), enfin, Notanthera heterophylla s'est éteinte en 2003 et Robinsonia berteroi s'est éteinte en mai 2004 (Danton et Perrier 2004). Les éléphants de mer (Mirounga leonina) ont aussi disparu des abords de l'archipel et le picaflor rojo (sephanoides fernandensis) est en danger critique d'extinction (classé CR par L'UICN).

Si l'extinction est un processus naturel qui exprime l'incapacité d'une espèce à s'adapter, les êtres humains exercent une emprise majeure sur le destin des espèces naturelles. Le cas de l'archipel Juan Fernández illustre remarquablement bien la rupture d'échelle qui a germé dans un terreau anthropique. Les tendances actuelles du phénomène de colonisation par les espèces invasives et les épiphénomènes qui en résultent sont significatives de l'empreinte de l'homme.

38 Voir Partie 1 - Chapitre II - point 2.2. Disparitions liées au forçage anthropique

Les activités humaines constituent de loin la plus grande pression sur la faune, la flore et le biotope de l'archipel, y compris l'accélération de l'érosion. Etant donné la position stratégique de l'archipel au large des côtes chiliennes, les haltes des différents navires ont réduit drastiquement les populations d'éléphants de mer et d'otaries mais également épuisé les arbres des forêts primaires dans les zones basses (utilisés comme bois de chauffage et comme matériau de construction). Ces pratiques ont laissé de larges surfaces sans couverture végétale et ont accéléré l'érosion. << La partie Est de l'île Robinson Crusoe a été sévèrement déforestée durant le XVIIIe et le XIXe siècle et est, aujourd'hui, complètement dénudée présentant peu de terre ou de végétation mais uniquement une roche volcanique résiduelle. » (Stuessy et al., 1998) L'action de l'homme depuis plus de quatre siècles a entraîné la réduction de nombreuses formations végétales, en particulier de la forêt primaire. En dehors de l'exploitation des ressources, comme évoqué ci-avant, les mouvements continent-îles ont favorisé l'introduction d'espèces exotiques dans l'archipel, qui pour certaines sont devenues adventices.

Ainsi, au fur et à mesure de l'installation de l'homme sur l'archipel, de la modernisation et de la multiplication des échanges avec le continent, ces tendances se sont renforcées et ont convergé vers les 3 grands facteurs mis en évidence au niveau global.

2. Facteurs de perte de biodiversité sur l'archipel Juan Fernández

Les différentes sources d'altération des écosystèmes interviennent comme les ramifications interdépendantes d'un système complexe. Cependant, s'il faut considérer les variations d'origine naturelle, les impacts anthropiques sont proportionnellement beaucoup plus importants (l'arrivée de l'homme ayant provoqué une rupture d'échelle considérable dans la disparition d'espèces endogènes et surtout dans l'apparition d'espèces exogènes).

Globalement et à la lumière des fondements qui précèdent, le problème de perte de biodiversité sur l'archipel Juan Fernández peut être structuré comme suit (en vert : les facteurs naturels et en bleu: les facteurs anthropiques):

Figure 15 : Les facteurs de perte de biodiversité sur l'archipel Juan Fernández

Source : Vanhulst, 2009 d'après Cuevas et Van Leersum, 2001 ; T. Stuessy et al., 1998.

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)»

Ces éléments contextuels appuient les théories globales sur la perte de biodiversité. En effet, les problèmes majeurs relatifs à la biodiversité de l'archipel font clairement écho à ceux définis au chapitre 1 de la 1ère partie de ce travail. Ainsi, les principaux facteurs de dégradation de la biodiversité sur l'archipel Juan Fernández sont sensiblement similaires à ceux qui opèrent à l'échelle globale et ils agissent comparativement avec plus de force que sur le continent.

« Derrière les effets anthropiques directs (exploitation des forêts, élevage, culture, urbanisation, tourisme), l'impact des espèces invasives, introduites délibérément ou involontairement, est particulièrement important dans les îles océaniques. » (Dirnböck et al., 2003) Combinés à l'exploitation et au changement des habitats, ces facteurs sont à l'origine de perte de biodiversité originelle de ces écosystèmes qui affecte directement la biodiversité globale (étant donné que certaines espèces sont endémiques).

Un regard croisé sur les différents éléments passés en revue et une vision diachronique révèlent clairement que les îles de l'archipel Juan Fernández ont non seulement changé au cours des temps mais aussi que ces processus se sont accélérés de façon graduelle à partir du XVIe siècle avec l'arrivée de l'homme et ses conséquences.

Nous en revenons donc notoirement aux 3 facteurs proposés au niveau global que nous pouvons appliquer au cas de l'archipel Juan Fernández :

2.1. Introduction d'espèces

Les premières introductions arrivent avec les bateaux de Juan Fernández Sotomayor et leur impact augmentera avec le temps. Les nouvelles conditions (compétition, prédation, surpâturage, etc.) se révèleront dramatiques. Depuis le 22 novembre 1574, les introductions d'espèces exogènes ne feront que grandir et les conséquences négatives aussi (Danton, 2004).

La mosaïque d'espèces introduites par l'homme au cours des 435 dernières années est large : elle concerne autant les plantes, les mammifères que les oiseaux ou encore les insectes. Les effets de ces introductions sont multiples : modification des habitats naturels (via l'installation et le remplacement des espèces endogènes mais aussi via des processus érosifs), déplacement voire élimination des espèces indigènes. Les écosystèmes insulaires sont particulièrement fragiles aux introductions d'espèces exogènes.39 Elles représentent donc toutes potentiellement un danger plus ou moins grand.

Curieusement, si les introductions ont été signalées depuis les écrits de Diego de Rosales au XVIIe
siècle et si les investigations scientifiques de la fin du XIXe s. et du début du XXe s. ont clairement mis
en évidence l'intérêt de l'archipel, les mesures de conservation pour enrayer le problème et pour

39 Voir Partie 1 - Chapitre III - point 3. Fragilité

éviter de futurs introductions sont absentes avant les premiers travaux du SAG et surtout l'arrivée de la CONAF en 1972 (malgré le statut de parc national depuis 1935). Aujourd'hui encore, l'absence de contrôle permanent de type phytosanitaire et zoosanitaire par le SAG aux points d'entrée de l'archipel (soit l'embarcadère et le terrain d'atterrissage) donne lieu à des apparitions de pestes et de maladies qui peuvent potentiellement affecter la flore et la faune locales. (CONAF, 2004)

En 2001, Greimler, Stuessy, Lopez et Dirnböck montrent la distribution spatiale de la végétation sur l'île Robinson Crusoe.

Figure 16 : Carte de la répartition géographique des espèces autochtones et allochtones

Source: Greimler, Lopez, Stuessy, Dirnböck, 2001.

<< La carte montre clairement que la végétation endémique et native est en danger, au moins potentiellement, partout sur l'île excepté aux très hautes altitudes. Les invasives les plus dangereuses parmi les espèces ligneuses sont Aristotelia chilensis, Rubus ulmifolius et Ugni molinae (Sanders et al. 1982, Swenson et al. 1997, Stuessy et al. 1998), toutes donnent des fruits qui sont dispersés par les oiseaux. [...] Si ces fléaux ne sont pas contrôlés, le futur de la forêt et des arbustes endémiques sur l'île Robinson Crusoe est incertain. [...] Le régénérescence des arbres et plantes natives apparaît plus lente que celle des plantes introduites et des arbres cultivés. [...] Parmi les herbes, Acaena Argentea est la peste la plus sérieuse. Elle se multiplie prodigieusement grâce à ses fruits qui sont facilement dispersés par les animaux (et les hommes !) et par reproduction végétative grâce à ses longs stolons. » (Greimler et al., 2002) Seulement, c'est aussi un magnifique couvre-sol qui fixe le sol et empêche son érosion !40

Les espèces introduites sur l'île Robinson Crusoe représentent environ 70 % des espèces présentes sur l'île ! (Danton et Perrier, 2006)

40 Christophe Perrier (commentaire personnel)

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)»
Parmi les espèces introduites, il convient de distinguer différents groupes (Hallé, Danton et Perrier, 2007) :

- Les espèces animales introduites

- Les arbres exotiques plantés après 1930 (cyprès, pins, eucalyptus, acacias) - Les autres espèces végétales introduites.

2.1.1. Espèces animales

Les espèces animales introduites sont d'autant plus destructrices que la faune des îles ne comportait, à l'origine, aucun mammifère terrestre. Tous les mammifères terrestres présents sur l'archipel sont donc à considérer comme envahisseurs biologiques. En sus des espèces introduites involontairement (rats, souris), il faut distinguer les espèces domestiques retournées à l'état sauvage (chèvres, chats, lapins, coatis, chiens) et les espèces associées aux activités humaines (chats, chiens, cheval, bovins, ovins).

Les premières espèces animales à avoir été introduites sont les chèvres (introduites sur les trois îles par Juan Fernández Sotomayor et laissées en liberté), l'espèce constituait une source de viande pour les marins de passage sur l'île. Très vorace et capable d'accéder à presque toutes les parties des îles, la chêvre a eu un impact important sur la végétation (même si cet impact est difficile à évaluer étant donné l'intervalle entre son introduction, il y a plus de 4 siècles, et les premiers inventaires botaniques qui datent de 1823). Les effectifs de chèvres ont été fortement réduits à la fin du siècle passé dans le cadre du projet de coopération entre la CONAF et les Pays-Bas. Cependant, sur l'île Alejandro Selkirk, l'espèce est encore bien représentée.

Peu après, trois espèces de rongeurs cosmopolites sont arrivées fortuitement accompagnant les navires de passage. Deux espèces de rats (Rattus norvegicus et son homologue Rattus rattus) et l'espèce de souris Mus musculus figurent parmi les premiers mammifères à avoir été introduits avec la chèvre à la différence que ces pestes animales ont été importées involontairement.

« L'impact de ces micromammifères sur la faune sauvage, en particulier sur les oiseaux est bien connu. Mais leur caractère de rongeur les amène principalement à consommer des fruits et des graines limitant ainsi la régénération. Ils constituent donc également une menace pour la flore endémique. » (Fellmann, 2004)

« Ojeda (com. pers.) indique que les trois espèces de rongeurs seraient présentes dans tous les sites avec un certain degré d'activité humaine, même transitoire (e.g. camping, pique-nique) et en outre, on les trouve à l'intérieur de la forêt native (Meza 1988, 1989). » (Muñoz etal., 2003)

En réponse à la prolifération des rongeurs, des chats ont été introduits dans le but de réduire les populations de rats et de souris. Avec le temps, certains individus sont retournés à l'état sauvage et se sont éloignés des zones d'habitat humain. S'ils ont effectivement une fonction de régulation des rats, des souris et par la suite des lapins (voir ci-après), ils sont aussi des prédateurs pour l'avifaune locale et parfois aussi pour les jeunes otaries. Ainsi, les chats sont les principaux prédateurs du Picaflor Rojo de Juan Fernández (Sephanoides fernandensis), espèce endémique en grand danger d'extinction.

« Alors que sur le continent, les chats se nourrissent essentiellement de petits rongeurs, après leur introduction dans les îles, les oiseaux ont constitué une fraction importante de leur régime alimentaire. » (Muñoz et al., 2003) Ainsi, les chats ont un effet délétère sur la faune indigène des îles de l'archipel qui, rappelons-le, avait évolué sans mammifères terrestres et donc sans développer de défense contre des prédateurs. Avec les coatis (voir ci-après), ils constituent une forte pression sur les populations d'oiseaux.

Au fur et à mesure du temps, avec l'abandon des îles, la plupart des espèces introduites sont retournées à l'état sauvage jusqu'à se développer en tant qu'espèce endémique pour certaines d'entre elles (la chèvre de Juan Fernández par exemple a constitué une variété spécifique).

Dans le courant du XVIIIe siècle, des chiens seront introduits par les Espagnols pour éradiquer les chèvres. Abandonnés sur l'île Robinson Crusoe, ils retourneront à l'état sauvage. Avec les colonisations postérieures et surtout à partir de 1877, des chiens seront amenés comme animaux de compagnie. Ils représentent un danger potentiel pour les mammifères marins car Ils causent parfois des dégâts aux populations d'otaries.

Avec l'installation, d'abord des fortifications, mais surtout de la dernière colonisation, d'autres animaux domestiques et d'élevage seront introduits. C'est le cas du mulet, du cheval, de la vache, du mouton, du cochon, du chien, du coati mais aussi du lapin.

Les vaches ont été introduites pour l'élevage. Tout comme les moutons ou les cochons (aujourd'hui absents), les vaches représentaient une activité productive pour les éleveurs qui en tiraient profit. Elles étaient laissées en liberté, piétinant et pâturant de larges espaces jusque dans la forêt primaire (comme c'est toujours le cas aujourd'hui hors de la forêt).

<< La présence de bovins et d'équidés depuis la création des établissements humains permanents en 1877, a entraîné la dégradation des prairies, la détérioration des marges de la zone forestière, le compactage des sols et la génération de foyers actifs d'érosion. [...] Les prairies, rares et dégradées, que possède actuellement le parc national archipel Juan Fernández sont utilisées par un groupe de 53 propriétaires d'animaux pour le pâturage de son bétail. Toutefois, cette activité est totalement contraire aux politiques de gestion des parcs nationaux » (CONAF, 2004).

Aujourd'hui, avec l'intensification des échanges entre l'île et le continent, les vaches ne sont plus élevées ni comme source de nourriture ni comme source de lait. La majorité des viandes et des produits laitiers sont importés depuis le continent. Cependant, et ce malgré la médiocrité de l'état sanitaire du bétail (les zones d'alimentation étant insuffisantes), celui-ci représente un placement financier à conserver pour les propriétaires. Ainsi, les éleveurs constituent un groupe qui ne partage pas les mêmes intérêts de conservation que la CONAF. Pour enrayer le problème de surpâturage et de dégradation des espèces végétales natives, à la fin du XXe s., le projet de conservation et de restauration en collaboration avec les Pays-Bas prévoyait la suppression ou en tout cas une forte diminution de la population de vaches. Les propriétaires de bétail ont paralysé ce pan du projet en refusant nettement toute forme de compromis. Une alternative a alors été proposée et des barrières ont été placées aux limites du parc afin de cantonner les vaches hors de la zone protégée. << La mise en place des barrières fonctionne (quand celles-ci sont encore debout) mais en même temps, les vaches sont cantonnées dans des endroits précis et accentuent leur impact sur ces zones, donc aggravent l'érosion. Bien sûr, dans le contexte social, il faut choisir entre l'isolement et le surpâturage dans ces zones. »41 Quoi qu'il en soit, on touche ici à la problématique de la cohabitation entre habitants et parc naturel dans un contexte socioculturel qui crée des divergences de valeurs selon les intérêts. Etant donné que la gestion est avant tout technique et que les premiers balbutiements d'intégration de la population ont été réalisés dans le cadre du projet de coopération entre la CONAF et les Pays-Bas (de 1998 à 2003) et de façon relativement ponctuelle, l'inadéquation entre les intérêts individuels d'une partie des habitants et les objectifs du parc se fait cruellement sentir.42

Parmi les autres herbivores introduits, le cheval (dont le nombre d'individus grandit) mais surtout le lapin posent de gros problèmes. Le lapin provoque de grands dommages aux écosystèmes insulaires. Il a probablement été introduit sur l'île Robinson Crusoe vers 1940. En l'absence de prédateur, le lapin a proliféré constituant une menace majeure pour la flore et les sols. << En 1985, la densité de population de lapins sur l'île Robinson Crusoe était estimée à 25 lapins/ha, portant ainsi la population à environ 70.000 individus (CONAF, 1985). En 2002, une nouvelle évaluation de la densité a été faite lors du projet hollandais portant la population à près de 55 000 individus (Saiz, 2002) et ce alors qu'un plan d'éradication de l'espèce était lancé depuis près de 3 ans. [...] La densité moyenne de lapins est de l'ordre de 20 à 30 ind. /ha. Or, celui-ci est considéré comme nuisible à partir de 20 ind. /ha (Ojeda, Gonzales, Araya, 2003). Le lapin est donc un réel problème et, si quelques sites sont particulièrement concernés, c'est bien l'île dans son ensemble qui est touchée. » (Fellmann, 2004)

L'effet le plus direct du lapin est celui exercé sur le sol, déclenchant ou favorisant le processus d'érosion par la construction de terriers et la consommation de végétation herbacée (les lapins consomment les jeunes plants d'arbres et d'arbustes empêchant leur régénération et rongent les écorces, asséchant complètement les arbres et arbustes).

41 Christophe Perrier (commentaire personnel).

42 Voir Partie 2 - Chapitre IV - point 2.4. Ambivalence du statut de protection de l'archipel

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)»

« Le Coati (Nasua nasua) a été introduit comme animal de compagnie. Cette espèce est un grand danger pour les animaux, en particulier pour les pétrels, oiseaux nichant dans le sol. Il représente également une menace pour la flore (écorçage des troncs) et participe à la dispersion des principales pestes végétales de l'île (zoochorie), en consommant en particulier le maqui. » (Fellmann, 2004)

En plus des principales espèces citées, d'autres espèces animales (grenouille, pigeon, araignées, mais aussi la guêpe, etc.) ont eu et ont encore un impact sur les milieux et les espèces.

2.1.2. Arbres exotiques

Les derniers colons de l'archipel commenceront de façon très marginale à planter des arbres pour répondre aux besoins en bois des habitants et aux nécessités de l'activité extractive. Plus tard, le premier projet de la CONAF a été l'implantation d'une forêt exotique d'arbres à croissance rapide (eucalyptus, cyprès, pins) pour enrayer la pression sur les arbres indigènes. Ces arbres remplaçaient alors les arbres qui avaient été extraits au cours des 350 années précédentes pour la construction (de bateaux, de maisons, de meubles,...) et l'énergie. Ces plantations en répondant aux besoins des habitants, s'additionnaient aux espèces végétales introduites et peu à peu, elles commençaient à s'étendre dans les forêts du parc.

Aujourd'hui, les arbres exotiques qui forment la forêt autour du village Juan Bautista constituent la ressource en bois de San Juan Bautista étant donné que le reste de la forêt est sous le régime de protection du parc national. D'autre part, ils assurent une certaine stabilité à la structure du sol fortement érodé ; même si corrélativement, l'eucalyptus, exigeant beaucoup d'eau, assèche les sols, laissant peu de chance au développement d'espèces végétales dans les sous-bois. Si leur éradication n'est pas souhaitable, il est cependant nécessaire de confiner ces espèces dans une zone délimitée et ainsi, d'éviter qu'elles ne se répandent au-delà des plantations et qu'elles ne déplacent la végétation locale (Stuessy, 1992 ; Cuevas et Van Leersum, 2001 ; Hallé, Danton et Perrier, 2007).

2.1.3. Autres espèces végétales

Parmi les plantes exotiques, certaines sont des adventices extrêmement dangereuses. C'est le cas de l'acanea (Acaena Argenta), de la flouve odorante (Anthoxanthum odoratum) du maqui (Aristotelia chilensis), de la ciguë (Conium maculatum), de la zarzamora (Rubus ulmifolius) et du goyavier du Chili, Murtilla (Ugni molinae). A l'exception de la flouve odorante, toutes sont des espèces à fruits (consommés par les oiseaux) avec une très grande capacité de reproduction et d'adaptation à tous les milieux.

Toutes ces espèces adventices couvrent de larges terrains mais « il y a surtout 3 pestes végétales qui représentent un grave danger:

- Le « Maqui », Aristotelia chilensis Stuntz (Elaeocarpacea) [...] introduit pour la fabrication des casiers à langoustes.

- La « Zarzamora », Rubus ulmifolius Schott (Rosaceae), une ronce d'origine européenne d'une extrême vigueur introduite vers 1920 ; la flore d'origine ne comportant aucune liane, les arbres locaux se laissent rapidement surcimer (sic.) et meurent.

- La « Murtilla », Ugni Molinae Turcz. (Myrtaceae), un arbrisseau importé de l'île de Chiloé, au sud du Chili.

Ce trio Maqui-Zaramora-Murtilla est rendu plus dangereux encore par la présence du merle Turdus falklandii magellanicus, qui disperse les graines de ces trois plantes zoochores depuis le niveau de la mer jusqu'aux points culminants des îles. » (Hallé, Danton et Perrier, 2007)

Ces trois espèces adventices ont été introduites entre le XIXe et le XXe siècle.

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» La zarzamora (Rubus ulmifolius)

La zarzamora, sous-arbrisseau de la famille des Rosacées, a été introduite pour constituer des haies défensives. Elle produit également des mûres appréciées des habitants mais aussi de divers animaux. L'espèce fut signalée pour la première fois en 1927 sur l'île Robinson Crusoe par Looser qui s'alarmait déjà de son introduction. En 1951, Carl Skottsberg classait l'espèce comme « adventice extrêmement dangereuse ». Avec le temps, cette perspective s'est malheureusement confirmée. La zarzamora continue son extension, d'abord, dans les terrains perturbés mais jusque dans la forêt vierge (Stuessy et al., 1998). L'espèce produit beaucoup de fruits qui enserrent une grande quantité de graines dispersées par le zorzal. Cette interaction est applicable aux deux autres adventices ciaprès et elle profite aux deux espèces qui voient leur nombre et leur dispersion grandir constamment. « Une fois installée, la zarzamora utilise comme support la végétation présente (maqui, luma, canelo, etc.) pour atteindre la canopée. De là, elle étouffe peu à peu toute végétation. » (Fellmann, 2004)

Figure 17 : La zarzamora ou Ronce (Rubus ulmifolius)

Source : Vanhulst (Bruxelles), 2009

La Murtilla (Ugni Molinae)

Espèce de la famille des Myrtacées, la murtilla est un arbuste forestier localisé sur les montagnes côtières du sud du Chili. Il est endémique du Chili et possède une grande capacité d'adaptation, même sur des sols très pauvres. Claudio Gay mettra en évidence la présence de murtilla sur l'île Robinson Crusoe en 1832. Dans ce nouveau biotope, la murtilla colonise les zones de l'île dépourvues de végétation ainsi que les crêtes et les vallées adjacentes (Stuessy et al., 1998).

Elle a été importée sur l'archipel Juan Fernández pour ses fruits mais, comme les autres, elle s'est évadée des limites du village et s'étend sur l'île au détriment des espèces endémiques et notamment du goyavier local Ugni selkirkii qui occupe le même habitat.

Les dynamiques entre le murtilla et le zorzal sur Juan Fernández sont similaires à celles décrites pour la zarzamora. Cette interaction crée un effet boule de neige qui démultiplie le développement des deux espèces.

Bien que, sur le continent, la murtilla n'a pas un caractère d'adventice, elle en est une sur Juan Fernández, où, en sus d'occuper de vastes zones, elle a supprimé l'espèce Ugni selkirkii, endémique de l'île.

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)»
Figure 18 : La Murtilla ou Goyavier du Chili (Ugni Molinae)

Source : Vanhulst (Meise - Jardin Botanique National de Belgique), 2009 Le maqui (Aristotelia chilensis)

Le maqui est une espèce de plante phanérogame de la famille des Elaeocarpacée originaire du Chili continental (de Coquimbo à Chiloé). Il a été introduit sur Juan Fernández pour ses fruits (pour l'alimentation et la teinture) mais aussi pour la fabrication de casiers à langoustes.

Au départ, le maqui a « occupé les endroits les plus humides, où l'exploitation du bois a ouvert des étendues continues. De ces sites perturbés, il s'est répandu à l'intérieur des forêts, profitant de trouées naturelles ou artificielles. Une fois le maqui installé, sa grande compétitivité empêche le développement des espèces indigènes (Myrceugenia Fernándeziana, Drimys concertifolia, Rhaphitamnus venustus...). » (Sanders et al., 1982)

Le maqui couvre aujourd'hui de vastes espaces et ses formations denses constituent un habitat pour des espèces introduites telles que les rats ou le coati. Comme pour la murtilla et la zarzamora, les graines de maqui sont dispersées par le zorzal ou merle austral.

Figure 19 : Le Maqui (Aristotelia chilensis)

Sources: www.diccionarioplantasnet.es, 2009 et http://www.profesorenlinea.cl, 2009

<<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» 2.1.4. Interactions espèces végétales - espèces végétales

<< L'hybridation est une autre menace pour les espèces endémiques sur les îles océaniques. Etant donné la spéciation rapide, peu de barrières génétiques séparent les espèces insulaires du même genre et, si l'hybridation interspécifique et intergénérique s'élargit, elle peut réduire la diversité spécifique. Pacheco et al. (1991) ont démontré qu'une hybridation interspécifique naturelle s'est produite entre deux espèces endémiques de Gunnera L. sur l'archipel. Ils ont conclu que l'altération des habitats naturels était le facteur à l'origine de cette hybridation. Un autre exemple d'hybridation s'est produit entre l'Acaena Argentea introduite et l'espèce endémique Margyricarpus digynus qui ont produit la Margyracaena skottsbergii. Cette hypothèse a été confirmée par une analyse ADN.» (Stuessy et al., 1998)

En dehors du facteur d'hybridation, les espèces végétales introduites s'associent mutuellement et étouffent la végétation indigène qui n'a pas la plasticité architecturale pour se défendre dans cette compétition. « le maqui, qui parvient à germer dans les sous-bois les plus fermés aussi bien que dans les parties plus ouvertes, forme des taillis épais de bois mort et de bois vert, au coeur desquels la zarzamora trouve le lieu idéal de ses implantations. Terrible enchaînement exponentiel de conséquences néfastes qui pourrait peut-être, à terme, sonner le glas de ces équilibres originaux, élaborés avec lenteur au cours des temps. » (Cambornac, 2002)

A un niveau plus large sur l'île Robinson Crusoe, « le maqui va préférer coloniser les milieux humides et remonter petit à petit vers les crêtes, tandis que la murtilla s'installe sur les crêtes les plus arides et descend vers la myrtisylve. La zarzamora, elle, germe dans tous les milieux où le zorzal la dissémine. La forêt est ainsi prise en tenaille par ces trois espèces qui l'envahissent irrévocablement en créant un sous-bois qui ne permet plus la germination des espèces endémiques. De plus, ces trois espèces sont caractérisées par un système racinaire superficiel. Ce dernier leur permet d'absorber l'eau avant qu'elle ne soit disponible pour les arbres endémiques qui ont des racines profondes afin de se maintenir contre les vents puissants soufflant sur l'archipel. On assiste donc à l'assèchement progressif de la myrtisylve en plus de son envahissement. » (Georget, 2009)

2.1.5. Interactions espèces végétales - espèces animales

Un autre niveau d'interactions entre les différentes espèces est celui des relations entre les animaux et les végétaux.

Ces interactions peuvent renforcer ou déforcer une introduction initiale. Ainsi, les principales pestes végétales en se développant, génèrent des formations végétales denses appréciées des espèces animales exogènes. Inversement, les animaux participent à la propagation des 3 espèces adventices les plus problématiques par la consommation de leurs fruits et donc la dispersion des graines. Cette rétroaction amplifie le phénomène de perte de biodiversité en favorisant les espèces exogènes.

D'autre part, ces liaisons ne se limitent pas aux espèces introduites. A ce sujet, le lien entre la zarzamora, la murtilla, le maqui et le zorzal est un exemple remarquable illustrant la mesure des conséquences potentielles d'une introduction qui peut paraître anodine. Le zorzal (Turdus falkandicus), dont la présence est attestée depuis le XVIIIe siècle (Anson, 1750) va bénéficier des fruits des différentes espèces végétales introduites. Ainsi, avec l'expansion de ces espèces, la population de zorzals va augmenter fortement et cet accroissement va profiter aux espèces végétales qui se disperseront via les déjections aviaires et ainsi de suite. Les végétaux ressemés un peu partout (les oiseaux ayant peu de barrières physiques) envahissent peu à peu tous les milieux de l'île, << en particulier les forêts, les pentes et les fonds des ravins où la végétation primaire s'était le mieux conservée. » (Cambornac, 2002)

Selon Philippe Danton et Christophe Perrier (Danton et Perrier, 2008), 84,50% de la flore originelle est considérée en danger. Parmi les 213 espèces natives (137 endémiques), 8 (3,7%) ont disparu (dont 6 endémiques), 28 (13,2%) sont sur le point de disparaître (dont 25 endémiques), 79 (37,1%) sont en danger d'extinction (dont 39 endémiques) et 65 (30,5%) sont vulnérables (dont 39 endémiques). Au niveau de la faune, les éléphants de mer ont disparu, le picaflor rojo (sephanoides fernandensis) est en danger critique d'extinction et les langoustes montrent certains signes de diminution43.

43 Voir Partie 2 - Chapitre III - point 2.3. Surexploitation

2.2. Perturbation des habitats

Nous avons vu que l'habitat change naturellement et que les îles sont soumises à différentes forces qui altèrent les conditions de vie des espèces qu'elles accueillent. L'érosion naturelle, par exemple, a modelé la topographie singulière de ces îles au cours du temps géologique.

Avec l'arrivée de l'homme, d'autres perturbations sont entrées en jeu. Les premières sont dues au déboisement pour la réparation des bateaux et pour le feu. Les incendies jouent aussi un rôle destructeur et leur fréquence se démultiplie avec les passages et installations humaines. L'exploitation intensive de la forêt provoque non seulement des problèmes de biodiversité mais également d'érosion. Parallèlement, l'introduction de chèvres et ensuite d'autres herbivores, mais aussi l'arrivée du lapin et du coati va renchérir la pression sur la surface végétale et sur les sols qui, dépourvus de leur couvert protecteur et déstructurés, deviendront progressivement très vulnérables à l'érosion massive par le vent et la pluie.

Avec la colonisation de Robinson Crusoe et principalement depuis la dernière installation permanente (en 1877), l'île s'est peu à peu urbanisée. « Des routes et chemins en général ont été construits pour trois raisons : pour avoir accès à l'exploitation des richesses naturelles, pour habiliter des passages pour le transit du bétail, et enfin, pour la connexion entre le village et l'aéroport de l'île. Ceci a entraîné une détérioration des richesses botaniques uniques, l'augmentation des processus érosifs, et l'altération de secteurs de reproduction de la faune des vertébrés. » (CONAF, 2004)

On considère aujourd'hui que la forêt primaire a diminué d'approximativement un tiers. (Dirnböck et al., 2003)

L'érosion touche 75% de la superficie de l'île Robinson Crusoe de façon plus ou moins prononcée et 35% de la surface sont érodés très sévèrement et de façon irréversible (CONAF 2004 ; Danton et Perrier, 2008)

Figure 20 : Carte de l'érosion sur l'île Robinson Crusoe

Source: Fellmann, 2004.

Globalement, le cycle de disparition de couvert végétal accentue l'érosion qui lui-même accentue la perte de couvert végétal, etc. créant un cercle vicieux qui menace finalement plus les espèces endémiques qui s'adaptent moins bien aux sols perturbés (voir ci-dessus). Aux abords du village de San Juan Bautista, l'érosion est plus sévère dans les lieux de déboisements et les prairies pour le bétail.

Par ailleurs, d'autres usages ont un effet déstabilisateur pour le biotope de l'île comme par exemple l'installation du réseau d'eau potable ou encore les usages récréatifs (y compris touristiques) du parc national. Si l'installation d'un réseau d'eau potable est une nécessité communale pour l'approvisionnement des habitants, « il n'existe aucune étude qui détermine la capacité maximale d'extraction hydrique sans affecter les ressources végétales de l'île Robinson Crusoe. Cette même problématique existe dans l'île Alejandro Selkirk, où l'installation de tuyaux d'adduction d'eau, a provoqué la détérioration de la couverture de fougères à différents endroits. » (CONAF, 2004)

De par la restriction de leur habitat (surexploitation, incendies, pâturage, introduction d'espèces animales et végétales), certaines espèces sont, à présent, proches de l'extinction, comme le picaflor rojo (Sephanoides fernandensis), mais aussi des espèces végétales comme Dendroseris neriifolia ou Greigia berteroi.

Le picaflor rojo (Sephanoides fernandensis) a été identifié pour la première fois sur l'île Robinson Crusoe en 1830 (Roy, Torres-Mura et Hertel, 1997). Différents rapports indiquent que l'espèce était abondante. La densité de population du picaflor rojo endémique a progressivement diminué au cours du temps et avec une grande intensité au cours du XXe siècle (voir figure 21). Le picaflor rojo endémique est très sélectif par rapport au choix de l'espèce végétale qui accueille ses nids. Ils sont majoritairement installés sur l'arbuste endémique Myrceugenia Fernándeziana (Johow Pirola, 2002). Il existe donc des nidifications là où la forêt primaire est bien conservée. Il existe différentes pressions directes et indirectes sur les picaflor rojo. Le premier facteur est la dégradation de l'habitat, d'abord par l'élimination de la forêt primaire, ensuite par le remplacement des espèces végétales natives dû à l'expansion des espèces introduites (zarzamora, murtilla et maqui). Vient ensuite la prédation observée sur les oisillons des picaflor rojo. Selon l'hypothèse de Federico Johow Pirola, vu la position des nids de picaflor rojo (en bout de branche), cette prédation serait l'oeuvre du Zorzal (oiseau omnivore). Etant donné la grande croissance de la population du zorzal due au surplus d'offre alimentaire qu'offre la zarzamora, le murtilla et le maqui44, cette pression devient de plus en plus forte (Johow Pirola, 2002). Enfin, les chats exercent une pression directe de prédation sur les picaflor rojo. Cette situation a rendu le picaflor rojo très vulnérable. Il fait partie des 10 espèces d'oiseaux les plus menacées du pays et fait partie des espèces en danger critique d'extinction selon L'UICN.

Cet exemple illustre bien les interconnexions entre les différents compartiments des écosystèmes et entre les facteurs de perte de biodiversité.

Figure 21 : Recensements de population de Picaflor Rojo (Sephanoides Fernandensis)

Source: P. Hodum ( www.oikonos.org), 2008 Source : Vanhulst, 2009 d'après F. Pirola, 2002.

44 Voir Partie 2 - Chapitre III - point 2.1.5. Interactions espèces végétales - espèces animales

<<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» 2.3. Surexploitation

<< L'exploitation forestière de la forêt indigène pour l'exploitation de bois et les incendies de forêt intentionnels ont provoqué l'élimination totale de la végétation arbustive et arborée dans les secteurs bas et moyens de l'île Robinson Crusoe. Par ailleurs, l'exploitation sélective de certaines espèces végétales a conduit à l'extinction de l'espèce Santalum Fernándezianum, Santal de Juan Fernández, et a réduit la population d'autres espèces comme le palmier Juania Australis, ou Sophora Fernándeziana, à des niveaux de conservation limite. » (CONAF, 2004) Cette érosion génétique par la surexploitation est également vraie pour le règne animal. Nous avons déjà cité le cas des éléphants de mer et des otaries endémiques mais ça pourrait aussi bien être le cas de la principale ressource économique des habitants de l'archipel : la langouste de Juan Fernández.

<< La langouste, qui il y a peu atteignait plus d'un mètre de long avec les antennes, se trouve aujourd'hui dans des proportions beaucoup plus petites à cause de l'exploitation excessive. La langouste a besoin de plusieurs années, plus ou moins 10 ans, pour arriver à maturité. » (Orrellana et al., 1977) Nous avons vu dans la perspective historique que cette espèce a été pêchée de manière intensive jusqu'au début de la deuxième moitié du XXe siècle par des entreprises privées installées sur l'île Robinson Crusoe.

Aujourd'hui, l'évolution de la population de langoustes reste très incertaine. S'il est vrai que dans les statistiques officielles la tendance montre un déclin à partir des années 1965, celles-ci restent peu fiables. Ces dernières années (1998-2008), les prises seraient descendues au-dessous de 10 tonnes pour atteindre 1 tonne en 2003 et subitement remonter à 47 tonnes en 2004. Les statistiques de pêche paraissent très imprécises. Cependant, plusieurs tendances sont mises en évidence: la taille des langoustes a fortement diminué, dont la taille des femelles (qui par conséquence portent moins d'oeufs). Parmi les causes explicatives de ces tendances, même si elles ne sont pas clairement expliquées, la pêche semble être la plus évidente45. D'autre part, il y a des fluctuations annuelles qui sont le résultat des conditions environnementales qui influencent le cycle larvaire et dont les effets se manifestent avec un décalage de 7 à 9 ans, ce qui correspond au temps moyen entre le frai et la capture. Cependant, ces conditions ne sont pas identifiées et les connaissances de cette espèce sont encore faibles pour pouvoir tirer des conclusions probantes46.

Aujourd'hui la pêche est soumise à une réglementation mais la biologie de la langouste reste peu connue et les populations montrent une tendance au déclin.

Figure 22 : Quantité de langoustes pêchées entre 1930 et 2000 en tonnes
(courbe = moyenne mobile de 5 ans)

Source : Arana, 1983 Source : Arana, 2006.

45 Patricio Arana (commentaire personnel)

46 Patricio Arana (commentaire personnel)

Figure 23 : Quantité de langoustes pêchées entre 1968 et 2001 par unité

Source : Arana, 2006 Source : www.fao.org/fishery

Ces diminutions statistiques peuvent être partiellement attribuables aux règlementations imposées mais les langoustes montrent d'autres signes d'affaiblissement et les évaluations les plus sérieuses mettent en évidence un déclin substantiel de la population de l'espèce.

Quoi qu'il en soit, étant donné que les connaissances biologiques restent très partielles et que les chiffres officiels sont manifestement peu fiables, il est difficile d'évaluer le degré de durabilité des pratiques de pêche malgré le maintien relatif des méthodes traditionnelles47. Le risque de surexploitation reste donc potentiel.

2.4. Combinaison de facteurs

Comme souligné au niveau global, les extinctions sont généralement le résultat d'une combinaison de facteurs. Les changements d'affectation des sols (comme le déboisement par exemple) peuvent favoriser l'installation d'espèces exogènes (moins sensibles aux sols érodés par exemple). Une espèce exogène peut en favoriser une autre, etc....

Non seulement, les différents facteurs de perte de biodiversité ne doivent pas être considérés séparément, mais, au sein même d'un facteur, il existe des rétroactions et des relations complexes qui démultiplient les niveaux de compréhension du phénomène de perte de biodiversité. Par exemple l'introduction de chèvres (introduction d'espèce) entraîne une augmentation de l'érosion (perturbation de l'habitat), de même pour le lapin qui a, de plus, un effet sur la régénération des espèces végétales, l'érosion (perturbation des habitats) entraîne une diminution du couvert végétal (perturbation des habitats) mais elle permet également l'installation d'espèces exogènes mieux adaptées à ce type de sol (augmentation des espèces invasives), etc. Tous ces épiphénomènes convergent vers une dégradation de la biodiversité originelle et donc potentiellement de la biodiversité globale (étant donné la présence d'espèces endémiques).

47 Voir Partie 2 - Chapitre IV - Point 2.3.2. La pêche : socle identitaire

Figure 24 : Diagramme global du problème de perte de biodiversité

Source : Vanhulst et Kunsch, 2009.

Ce schéma illustre la combinaison de facteurs en rassemblant les différents éléments évoqués qui influencent la biodiversité. Il met surtout en évidence les différentes rétroactions vicieuses qui dégradent dangereusement la biodiversité (dont le risque du tourisme qui est traité de façon plus approfondie dans le chapitre IV48). La notion de capacité de charge concerne l'ensemble du vivant que l'archipel peut hypothétiquement accueillir.

48 Voir Partie 2 - Chapitre IV - point 2.5.2. L'option touristique

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» CHAPITRE IV - PERSPECTIVE SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE

1. Les acteurs

A. Niveau local

A.a. Secteur public:

- La Illustre Municipalidad de Juan Fernández

- Le SAG (dépendant du Ministère de l'agriculture)

- La CONAF (Administration du parc national Juan Fernández) (dépendant du Ministère de l'agriculture)

- La Capitanía de Puerto

- Les grands corps de l'Etat (armée, police, service des douanes, poste,...)

A.b. Secteur privé :

- Les habitants, pour la plupart pêcheurs

- Les groupes écologistes locaux

- Les entreprises privées de commerce des produits de l'archipel

B. Niveau national

B.a. Secteur public:

- La CONAMA

- Le SAG

- La COREMA de Valparaiso - SERNAPESCA

- Le CIDEZE

B.b. Secteur privé :

- Les ONG environnementales (CODEFF, ECOLYMA, TERRAM,...)

- Les scientifiques

- Les touristes

C. Niveau international:

- L'UNESCO

- Les ONG

- L'OCDE

- Les pays tiers impliqués dans des projets de conservation

- Les pays tiers impliqués dans le commerce des produits de l'archipel

- Les scientifiques

- Les touristes

On distingue donc 5 grands groupes : Les grandes institutions (nationales et internationales), les ONG (nationales et internationales), les habitants, les touristes et les scientifiques49.

1.1. Niveau local

1.1.1. La Illustre Municipalidad de Juan Fernández

Depuis 1979, l'archipel Juan Fernández est une commune de Valparaiso. Elle a donc un Alcalde (bourgmestre) et un conseil municipal (constitué de 6 conseillers) qui a un caractère normatif, de contrôle et qui est chargé de rendre la participation de la communauté locale effective. Les conseillers intègrent les commissions de travail suivantes : Développement communal et territorial,

49 Le rôle des scientifiques a été abordé dans la partie 2 - Chapitre 2 - point 2.1.1. Fondation des connaissances botaniques

Développement économique, Education et culture, Sécurité et citoyenneté, Transport, Tourisme, Jeunesse, Sport et loisirs, Logement, Relations internationales, Pêche, Santé et Environnement. D'autre part, la municipalité compte un secrétariat et 5 départements : La Direction administrative et des finances, la Direction des travaux municipaux, le Département de tourisme, culture et relations publiques, l'Unité coordinatrice du "Plan de Développement Communal" et de développement de la production et enfin un Département social. Il n'y a donc aucune entité municipale directement liée à l'environnement mis à part la commission de travail "Environnement" constituée de 3 conseillers.

1.1.2. La population

La population est analysée en détail au point 2 du présent chapitre. 1.2. Les grandes institutions nationales

La construction institutionnelle du Chili est marquée par la création d'entités liées de près ou de loin aux questions environnementales.

1.2.1. Le SAG50

Le 28 juillet 1967, la nouvelle Loi de réforme agraire transforme la Direction générale du secteur agriculture et pêche du Ministère de l'Agriculture en une personne juridique de droit public dénommée Servicio Agricola y Ganadero, SAG, soit le "Service pour l'agriculture et l'élevage". Le SAG est dépendant du Ministère de l'Agriculture. Il poursuit alors le programme de conservation des sols et de la faune sylvestre initié par la Direction générale agriculture et pêche. Il développe aussi une multitude de programmes de protection, de conservation et de récupération de l'environnement chilien. Le SAG participe au développement de la productivité et à l'optimisation de la compétitivité, de la durabilité et de l'équité du secteur agricole et de l'élevage par l'amélioration des conditions des ressources productives (au niveau sanitaire, environnemental, génétique et géographique) et le développement de la qualité alimentaire. Le SAG est en charge de contrôler l'introduction d'espèces exotiques, potentiellement dangereuses pour les ressources agricoles et pour la faune et la flore sauvage. Il est habilité à mettre en place des mesures curatives suite à l'envahissement par une espèce allochtone ( www.sag.gob.cl).

La coordination et l'exécution des différents programmes du SAG sont décentralisées en accord avec la division régionale du pays. Le SAG est constitué d'une base centrale (principalement normative) de 15 directions régionales et 64 bureaux sectoriels (principalement opératifs) répartis sur le territoire du pays.

Sur l'archipel Juan Fernández, le SAG était le premier acteur public impliqué dans la protection de la faune et de la flore. Actuellement, le SAG ne compte que un représentant pour la gestion de l'archipel.

1.2.2. La CONAF

La Corporación Nacional Forestal (CONAF) est une entité de droit privé dépendante du Ministère de l'agriculture qui est née en 1973 suite à la modification des statuts de l'ancienne Corporación de Reforestación (elle-même créée en 1970 afin de rassembler toutes les entités disparates érigées jusqu'alors dans le but de protéger les ressources forestières du pays).

La corporation a pour mission de « garantir l'utilisation durable des écosystèmes forestiers et du patrimoine naturel » à travers le contrôle du respect de la législation forestière, l'administration du Sistema National de Areas Silvestre Protegidas del Estado, SNASPE51, l'administration des instruments de promotion des activités forestières et la protection des ressources forestières ( www.conaf.cl).

50 Voir annexe 09

51 Voir Partie 2 - Chapitre V - point 1.1.7. Ley N° 18.362 que crea el SNASPE

<<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)»

En 1935, le gouvernement déclare l'archipel Juan Fernández comme Parc National.52 La CONAF est présente sur les lieux depuis 1972 et est représentée actuellement par un administrateur du Parc National et une équipe de 9 gardes du parc (PLADECO, 2005 ; Georget, 2009).

La CONAF effectue des << patrouilles suivant les routes du parc afin de revoir les sentiers, les clôtures, la signalétique, les toilettes, et tous les aspects du milieu pour planifier et exécuter ultérieurement diverses actions de manutention, de réparation ou de contrôle sur ce qui a été observé. Les patrouilles ont aussi un objectif d'évaluation de la phénologie, d'observation de la flore [...] et de recensements de la faune (Picaflor Rojo et Lobo fino de dos pelos). Elle réalise aussi un travail de contrôle des pestes, principalement de la zarzamora, du maqui et de la guêpe). » (PLADECO, 2005)

1.2.3. Le SERNAPESCA

En 1978, le décret N° 2.442 crée la Subsecretaría de Pesca, entité dépendante du Ministère de l'Economie. Cet organisme technique devait exécuter la politique de pêche de l'Etat. D'autre part, le même décret établit le Servicio Nacional de Pesca chargé de réaliser les fonctions réalisées jusqu'alors par la Division pêche du SAG. Le Servicio Nacional de Pesca a la mission d'appliquer les normes sur la pêche dans les eaux continentales et maritimes et dans les ports. Le Service des Douanes et la police nationale (Carabineros) participent aussi à cette tâche.

1.2.4. La Capitanía de Puerto

La Subsecretaria de Marina a à sa charge l'administration de la zone côtière de tout le territoire national, pour lequel se distinguent deux lignes d'administration: l'une terrestre, associée aux autorités de la Capitanía de Puerto et l'autre maritime, à la charge de la Direction générale du territoire maritime et de la marine marchande DIRECTMAR ( www.subsecmar.cl).

1.2.5. La CONAMA53

<< Malgré les tentatives pour établir la Comisión Nacional de Ecología dans les années 1980, le pays n'avait pas réellement un appareil institutionnel intégré pour la gestion environnementale au niveau public. La dispersion des lois et des institutions à finalités environnementales rendait impossible une politique cohérente et coordonnée par rapport à l'environnement. Le 05 juin 1990, s'est instituée la Comision Nacional del Medio Ambiente (CONAMA), chargée de définir une politique environnementale et de proposer une loi générale et une structure institutionnelle pour la gestion environnementale du pays. » (Camus et Hajek, 1998)

La loi générale sur l'environnement sera publiée le 09 mars 1994 et le règlement qui la rendra exécutive sera approuvé en avril 1997. Cette loi institutionnalisera la CONAMA comme organisme supra ministériel chargé des matières de protection de l'environnement et de la coordination des initiatives publiques et privées. Elle établira aussi un système d'évaluation des impacts environnementaux, Sistema de Evaluación de Impacto Ambiental (SEIA).

La CONAMA est un service public dont les fonctions principales sont : la proposition de politiques environnementales au Président de la République, l'information de la réalisation et de l'application des normes environnementales, l'administration du Sistema Nacional de Información Ambiental (SINIA) et enfin, être l'organe consultatif et de communication en matière d'environnement ( www.conama.cl).

La CONAMA est constituée de 15 sous-entités régionales, les Comisión Regionales del Medio Ambiente (COREMA). Il s'agit d'organes collégiaux (qui intègrent des représentants politiques locaux et des représentants de la CONAMA) dont l'objectif est de coordonner la gestion environnementale au niveau régional et de se prononcer sur les impacts environnementaux des projets au niveau des régions.

52 Voir partie 2 - Chapitre V - Ley N° 18.362 que crea un Sistema Nacional de Areas Silvestres Protegidas del Estado

53 Voir annexe 10

La CONAMA et la COREMA de Valparaíso ne sont pas directement présentes sur l'archipel mais elles ont une influence indirecte au travers des différentes stratégies et lois environnementales qu'elles développent54.

Le Sistema de Evaluación de Impacto Ambiental (SEIA) :

En 1997, le SEIA est devenu obligatoire pour les nouveaux projets. Le système est conçu pour intégrer la dimension environnementale dans les activités et projets publics ou privés. La CONAMA, souvent par le biais de la COREMA correspondante, doit émettre un avis sur les études d'impact environnemental. Le public en général est invité à donner son avis. « Pratiquement 7.000 projets ont été soumis à évaluation. Approximativement 19% des projets présentés n'ont pas été approuvés. En général, le SEIA est bien établi, développe une action importante dans le système réglementaire du Chili et s'est avéré une entité active et influente. » (OCDE ET CEPAL, 2005)

Le SEIA réglemente le développement des activités et projets affectant l'environnement en général. Le promoteur d'un projet ou d'une activité doit présenter une étude ou déclaration de l'impact environnemental pour les activités affectant l'environnement. En ce qui concerne les critères utilisés pour déterminer si l'on doit réaliser une étude (plus complète) ou une déclaration, ils sont fondés sur la quantité et la qualité des effets néfastes sur les ressources naturelles, y compris le sol, l'eau et l'air; sur leur localisation par rapport à la population, aux ressources et aux aires protégées susceptibles d'être affectées ; ainsi que sur la valeur écologique du territoire sur lequel on entend déployer l'activité; et sur le degré d'altération, en termes d'ampleur ou de durée, de la valeur paysagère ou touristique d'une zone (Espinosa et Aqueros, 2000). Mais il n'existe pas de critères directs liés à la conservation de la biodiversité ou de la richesse génétique qui obligent les exécutants d'un projet ou activité à présenter une étude d'impact sur l'environnement.

1.2.6. Le CIDEZE

Le Comité Interministerial para el Desarrollo de las Zonas Extremas y Especiales (CIDEZE) est crée en 1994. Il s'agit d'un organisme public de la Division développement régional du Subsecretaria de Desarrollo Regional y Administrativo (SUBDERE). Le CIDEZE est chargé de proposer au Président de la République des plans, programmes et projets spéciaux pour les zones extrêmes du pays (dont l'archipel Juan Fernández).

1.3. Les ONG

Parallèlement au développement institutionnel national, apparaissent différentes organisations d'intérêt public qui ne relèvent ni de l'Etat, ni d'une organisation internationale.

Parmi celles-ci:

- Le Comité de Defensa de la Flora y Fauna (CODEFF), qui travaille depuis longtemps dans la protection des forêts natives et la conservation de la flore et la faune endémiques du Chili. CODEFF a été créé en 1968 alors que le Chili n'était pas encore orienté vers la conservation de la nature. C'est l'organisation environnementale la plus ancienne du pays ( www.codeff.cl).

- Le Centre for Marine Mammals Research LEVIATHAN (CMMR Leviathán), est une organisation non gouvernementale indépendante et sans but lucratif qui se consacre au développement et à la promotion de la recherche scientifique sur les mammifères aquatiques, dans un but d'amélioration des connaissances et de la conservation de ces espèces ( www.leviathanchile.org).

- Ecosistemas, ONG qui a pour objectif de promouvoir la connaissance, la valorisation et la protection des écosystèmes du Chili et du globe ( www.ecosistemas.cl).

- Chile Sustentable est une initiative qui veut stimuler le débat national sur la nécessité d'un projet de pays durable, promouvoir un effort de concertation intellectuelle et sociale et fortifier l'action citoyenne à propos de la soutenabilité pour le Chili ( www.chilesustentable.net).

- La fundación Terram est une organisation civile fondée en 1997 dans le but d'amener une proposition de développement durable pour le Chili.

- ...

54 Voir Partie 2 - Chapitre I - point 1. Cadre juridique

1.4. Les institutions internationales

1.4.1. L'UNESCO

« L'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) est née le 16 novembre 1945. A travers ses stratégies et ses activités, l'UNESCO oeuvre en faveur des Objectifs de développement des Nations unies pour le Millénaire et, plus particulièrement de ceux qui visent à :

- réduire de moitié la proportion de la population vivant dans l'extrême pauvreté, d'ici à 2015 - assurer l'éducation primaire universelle dans tous les pays, d'ici à 2015

- éliminer les disparités entre les sexes dans l'éducation primaire et secondaire d'ici à 2005.

- aider les pays à mettre sur pied des stratégies nationales pour un développement durable, d'ici à

2005, afin d'inverser d'ici à 2015 la tendance actuelle à la déperdition des ressources

environnementales. » ( www.unesco.org)

Parmi ses divers programmes, l'UNESCO lance en 1971 le Programme MaB. Quelques années plus tard, en 1974, un groupe de travail du programme MaB lance l'idée de « Réserve de biosphère » dont le but était de mettre en place un réseau mondial de zones naturelles protégées. Le Chili compte 11 Réserves de biosphère gérées par les antennes locales de la CONAF et coordonnées par le point focal MaB, membre de la CONAF (en lien avec l'UNESCO via le Ministère des relations extérieures et le secrétariat MaB)55.

2. La population

L'archipel Juan Fernández représente une illustration d'interaction entre l'homme et son environnement. Que ce soit au niveau socioculturel, politique ou économique, l'environnement naturel est omniprésent dans la vie quotidienne. La population locale est installée dans un écosystème protégé, elle dépend directement des ressources naturelles et elle a construit son identité à la fois sur l'isolement géographique et sur les qualités singulières de l'écosystème insulaire.

2.1. Démographie

Actuellement, les habitants de l'archipel Juan Fernández ont un village permanent sur l'île Robinson Crusoe (San Juan Bautista) et un village saisonnier (plus rudimentaire) sur l'île Marinero Alejandro Selkirk (qui accueille 17 à 20 familles durant la saison de pêche).

Selon le recensement national de 2002 (INE, 2002), la population de la commune de Juan Fernández atteindrait 633 habitants (PLADECO, 2005). Cependant, « les données de ce recensement ne représentent pas la réalité communale qui, étant donné sa condition géographique, compte une population qui est en migration constante vers le continent, que ce soit pour l'éducation (secondaire et supérieure) ou pour des questions de santé. Au total, en considérant la population temporairement absente, les chiffres de la population émanant de la municipalité en septembre 2005 renseignent 754 individus, dont 342 femmes et 412 hommes (voir figures 25, 26 et 27). » (PLADECO, 2005)

Figure 25 : Structure de la population par âge et par sexe
(selon les chiffres de la municipalité)

Source : Vanhulst, 2009 d'après PLADECO, 2005.

55 Voir annexe 11

Figure 26 : Structure de la population par âge et par sexe
(selon les chiffres de l'Instituto Nacional de Estadísticas)

Source : Vanhulst, 2009 d'après PLADECO, 2005.
Figure 27 : Pyramide d'âges de la population de l'archipel (selon les chiffres INE)

Source : Vanhulst, 2009 d'après PLADECO, 2005.

« Un autre aspect distinctif de cette communauté est le grand niveau de parenté entre ses membres. Il existe plusieurs cas de mariage entre cousins germains. Cette situation devrait être étudiée de façon plus approfondie pour trouver une manière d'éviter des conséquences génétiques négatives pour ces familles.» (Orrellana et al., 1974) « Ici, tout le monde est parent [...] et ça continuera pendant

longtemps parce que peu de gens viennent s'installer ici. Il y a beaucoup de consanguinité, parce que les personnes se marient entre parents, y compris entre cousins germains, ou entre un oncle et une nièce ou une tante avec son neveu, c'est un fait commun. » (Victorio Bertullo dans Brinck, 2005)

La parenté joue également un rôle au niveau de la production. « C'est le père qui enseigne à ses fils le métier de pêcheur en plus de les faire héritiers des moyens d'exploitation : bateau, moteur, outils de pêche et, le plus important, les repères exclusifs où disposer les pièges à langoustes56. L'héritage parental est aussi une manière d'accéder à d'autres activités productives comme la menuiserie ou l'élevage qui sont réalisées exclusivement par certaines familles. » (Brinck, 2005)

2.2. Alphabétisation

Durant le premier siècle après la dernière colonisation, les habitants étaient directement dépendants des entreprises qui s'installaient pour exploiter les langoustes, et ce malgré une administration officielle (d'abord déléguée au Baron Von Rodt et ensuite à différents gouverneurs et maires). Ces compagnies exploitaient sans réserve les langoustes et les pêcheurs. A partir de 12 ans (au sortir de l'école primaire), les enfants étaient déjà considérés comme de la main d'oeuvre. Il n'y a pas eu de développement social durant la période d'exploitation par les entreprises privées.

« Les compagnies disaient : "Ces enfants ne peuvent pas étudier parce que ce sont des pêcheurs", ce qu'ils voulaient c'était des pêcheurs, si la jeunesse partait, les pêcheurs n'auraient plus personne pour sortir pêcher, alors ils nous retenaient. » (J. González dans Brinck, 2005)

Les améliorations de cette situation ont commencé avec la coopérative de pêcheurs et ensuite avec l'obligation de scolarisation. Aujourd'hui, 98,51% de la population de la commune est considérée comme alphabétisée (PLADECO, 2005)

2.3. Relations avec le continent et identité

Petit à petit, depuis la dernière colonisation, les relations avec le continent se sont renforcées et ont créé une situation de dépendance de plus en plus forte pour en arriver à une situation où les habitants de l'île exploitent une ressource unique et importe le reste des produits de subsistance du continent. Manifestement, la population de Juan Fernández n'est pas autosuffisante. « Même si les habitants sont obligés de développer de multiples compétences afin de subsister, leur dépendance au continent, construite au travers de l'histoire, est évidente : Le Baron Von Rodt a amené des gens pour établir une entreprise et vendre ses produits à l'extérieur. Avec les gains, il obtenait les moyens d'acheter les produits manufacturés et alimentaires qui n'étaient pas produits sur l'île. [...] Avec le temps, les habitants se transformèrent exclusivement en pêcheurs et pêchaient exclusivement la langouste laissant de côté l'agriculture. Cette spécialisation les a rendus encore plus dépendants du continent. [...] En étant des pêcheurs de langoustes, activité qui est jusqu'à aujourd'hui la base économique de l'île, ils dépendent absolument de la demande continentale et internationale de ce produit, ce qui les rend aussi dépendants des va-et-vient de l'économie et de la politique non seulement continentale mais mondiale. D'un autre côté, le développement du tourisme génère de nouveaux liens de dépendance avec les réseaux de communication et l'économie globale. »57 (Brinck, 2005)

Depuis la fin du XXe siècle, les touristes, les fonctionnaires publics des différentes entités présentes sur l'île (Municipalité, CONAF, SAG, police), les employés des lignes aériennes, l'armée nationale au travers de son personnel qui transite via les bateaux de communication, l'église catholique, mais surtout les membres des familles qui ont émigré sur le continent temporairement ou définitivement et qui maintiennent des contacts avec l'île sont autant d'agents transmetteurs qui ont facilité l'adoption de formes de vie continentale. De plus les moyens de communication (téléphone, radio,...), la télévision et aujourd'hui Internet complètent la transmission d'expériences personnelles et transforment les modes de vie.

56 Voir le présent chapitre point 2.3.2. La pêche : socle identitaire

57 Voir le présent chapitre point 2.5.2. L'option touristique

La situation d'isolement de l'archipel est donc très relative, surtout à partir de la deuxième moitié du XXe siècle.

Ainsi, si les formes d'organisation de la communauté humaine se sont construites dans un premier temps en réponse aux conditions d'insularité, elle seront ensuite influencées par la pénétration directe et indirecte des formes de vie continentale.

La population de Juan Fernández n'a pas une identité unique mais « une multiplicité d'identifications qui s'articulent et s'expriment au travers de différents discours. » (Brinck, 2005) Cependant, on peut distinguer certains traits directeurs qui influencent l'identité culturelle, les moeurs et les coutumes de la population insulaire. Il s'agit d'une part de la condition d'insularité (et toute l'imagerie collective et la singularité y associée) et d'autre part de l'espace marin et plus particulièrement la pêche. Plus tard, les statuts de Parc national et de Réserve de biosphère viendront renforcer l'imagerie insulaire jusqu'à métaphoriser les liens entre la population de l'archipel et les continentaux. Ces nouveaux déterminants, qui mettent la nature au centre des préoccupations, s'installeront difficilement mais font désormais partie de l'identité des habitants.

2.3.1. Le syndrome d'insularité

Depuis plusieurs générations, « Les insulaires s'enorgueillissent de l'oeuvre de colonisation de leur parents, grands-parents et arrière-grands-parents. C'est l'identité de la majorité des insulaires : le fait d'être colon de Juan Fernández. Ce discours s'établit vis-à-vis de leur relation au continent. Selon cette pensée, les insulaires sont des héros nationaux qui se sont sacrifiés, tout au long d'une histoire difficile, pour que les Chiliens puissent dire que ces îles [...] leur appartiennent. Le continent (tant l'Etat que les citoyens chiliens) aurait une dette envers les insulaires, ce qui justifie la perception de bénéfices en rétribution de leurs efforts et non par charité. Cette perception permet de maintenir une image positive de soi-même. De cette façon, l'identité servirait, non seulement à affirmer un sentiment communautaire mais aussi à maintenir une image positive de soi dans la lutte contre l'isolement insulaire. Ce discours identitaire assoit un argument de poids (à partir du moment où il est accepté par l'Etat) pour obtenir des bénéfices importants qui ont permis une amélioration de la qualité de vie. Par exemple : le subside de 50% de l'énergie électrique, des coûts avantageux pour les communications téléphoniques, des subsides pour le transport maritime, pour le transport de personnes et de chargement... [...] La logique culturelle s'articule, depuis ses origines dans une relation de fidélité culturelle et de dépendance économique avec le continent. Cela se reflète dans le maintien de certains aspects culturels continentaux (cuisine, esthétique, musique) et dans l'attitude demandeuse et passive face à l'Etat, duquel les insulaires exigent des ressources et des subsides [...]. Dans ce contexte, le discours identitaire sert comme outil idéologique qui soutient et justifie cette attitude vis-à-vis de l'Etat. » (Brinck, 2005)

Plus récemment, et au fur et à mesure de la contraction de la distance avec le continent, l'identité des habitants se reconstruit sur base d'une opposition entre insulaires et continentaux.

Dans ce contexte de modernisation, le nouveau discours stigmatise les insulaires (dénommés « endémiques ») et les continentaux et étrangers en général (dénommés « plastiques »). « Dans ce discours apparaît quelque chose qui n'était pas présent chez les générations antérieures. Celui-ci découle de l'acceptation et de l'identification au statut de Parc national et de Réserve de biosphère. Ainsi, les insulaires se dénomment « Endémiques » (les plus sélectionnés de la nature, qui doivent être protégés) en opposition aux « plastiques » (tout le côté faux, synthétique, imitation, éphémère et jetable de la civilisation). [...] Dans la catégorie des « plastiques », on retrouvera : les continentaux qui arrivent sur l'île pour le travail mais s'investissent de façon médiocre, les touristes, les continentaux qui achètent des terrains, généralement les mieux situés (cette thématique est très sensible pour les insulaires : Bienes Nacionales (c.-à-d. le Ministère du Patrimoine National) n'a pas développé de norme spécifique pour l'île Robinson Crusoe. Ainsi, les terrains des colons ont été subdivisés et les habitants paient pour les utiliser). Comme souvent, les insulaires manquent d'argent pour acheter des terrains, et comme ils ne veulent souvent pas payer (parce qu'ils considèrent que ces terrains leurs appartiennent de fait), ce sont les continentaux qui accèdent aux terres, y installent des projets touristiques ou des résidences de vacances. » (Brinck, 2005)

Globalement, les discours identitaires (anciens et nouveaux) se construisent en relation à l'extérieur. Mais, lorsque l'isolement géographique était plus fort, le discours identitaire était orienté dans une relation étroite et favorable, alors que dans le mouvement de décloisonnement et d'insertion dans le monde globalisé (réduisant l'isolement géographique et culturel), le discours identitaire s'oriente vers une forme de rejet de l'« autre », perçu comme facteur perturbateur.

2.3.2. La pêche : socle identitaire

En dehors de l'insularité, l'identité de la population s'est construite autour de son activité principale : la pêche. Elle rythme le quotidien de la majorité de la population mais aussi les relations entre individus. Nous avons vu que les pratiques et instruments de pêche faisaient partie de l'héritage transmis de père en fils. C'est une des caractéristiques originales de l'archipel puisqu'il s'agit du « seul endroit au Chili où les repères ("marcas")58 sont une propriété traditionnelle exclusive de chaque pêcheur. Cette propriété peut être transmise selon les relations de parenté, comme cela se fait généralement, ou par un acte de vente (quand un pêcheur vend un bateau, généralement, il vend ses repères). [...] Cette pratique crée un véritable système permettant un fonctionnement ordonné et systématique de l'activité, ce qui ailleurs est généralement un problème. Grâce à ce système, les pêcheurs ne se concurrencent pas les uns les autres, ce qui rend l'activité plus soutenable. Si un pêcheur a une zone de pêche réservée, il ne doit ni se dépêcher, ni optimiser sa productivité parce qu'il sait que personne d'autre que lui n'utilisera sa zone d'extraction. » (Brinck, 2005)

La pêche, la mer et les légendes de pirates et de trésors sont omniprésentes dans le folklore et la mémoire collective. D'autre part, l'histoire de l'installation humaine sur l'île est liée à la pêche et à ce qui tourne autour (monoproduction progressive, lutte des pêcheurs pour l'indépendance, dépendance avec le continent, etc.).

2.4. Ambivalence du statut de protection de l'archipel

L'administration du parc par la CONAF a été marquée par de profonds désaccords et des relations problématiques entre les intérêts des habitants et ceux de l'institution (conséquences des interdictions d'utiliser les ressources de cet espace que la population de l'île considère comme lui appartenant après un siècle d'occupation « libre »).

Parmi les oppositions et face à l'élimination progressive du bétail surnuméraire, une petite partie de la population s'est organisée et a constitué le Grupo Ganadero (Groupe d'éleveurs). Ce groupe s'est formé en totale opposition aux objectifs de la CONAF et continue obstinément jusqu'à aujourd'hui à conserver du bétail en surnombre et dans une situation sanitaire précaire.

Malgré ces minorités récalcitrantes, une grande partie de la population a intégré les objectifs de conservation incarnés par la CONAF et le statut de l'archipel. Fondamentalement, les pratiques de la CONAF n'étaient pas acceptées surtout parce qu'elles étaient imposées à la population parfois subrepticement. Le dialogue avec la population n'a pas réellement trouvé sa place dans ce contexte. Il existe en conséquence des incompréhensions sur les objectifs de chaque acteur et des conflits d'intérêt.

« Après que ce soit installé le SAG et la CONAF, les choses se sont ordonnées. Au début, il y a eu un choc parce qu'il n'y avait pas de contrôle et que, d'un coup, il y a eu une autorité qui obligeait à ne pas faire ce que l'on voulait et en plus, elle surveillait. Cela était très incommodant. [...] Il a fallu beaucoup d'années pour se comprendre. A la longue, la mentalité a changé à propos des objectifs poursuivis par la CONAF (qui n'étaient pas d'ennuyer les gens, sinon de protéger l'île pour l'intérêt de tous et des générations futures aussi. [...] Des ateliers participatifs et des activités par l'intermédiaire de l'école ont eu un impact très positif. Par ces différentes informations, les enfants et les adultes commencent à avoir une autre vision de leur terre et de comment ils doivent la protéger. » (O. Chamorro dans Brinck, 2005)

58 Voir annexe 05

Ainsi, petit à petit, la CONAF, parmi d'autres, amène de nouveaux intérêts dans les consciences des habitants. Cette conscience est figurée dans la relation entre la population et le santal endémique disparu depuis le début du XXe siècle. Cet arbre est devenu presque mythique. La croyance populaire veut croire qu'il en reste au moins un vivant quelque part dans le parc et trouver un morceau de ce bois est un événement heureux (en atteste la chanson `Sandalo que vive'). Ceux qui possèdent un fragment de Santal le gardent précieusement comme un trésor. Cela ne veut pas dire que désormais, la population vit dans un formidable équilibre écologique. Si la conscience environnementale s'est construite avec l'arrivée de la CONAF et suite aux divers projets menés sur l'île59, le travail avec la population reste central dans les difficultés écologiques auxquelles l'archipel fait face.

2.5. Economie

2.5.1. Caractéristiques actuelles

Si d'autres ressources naturelles ont été exploitées historiquement, la langouste est depuis plus de 150 ans la ressource centrale du lieu. Elle a commencé à être exploitée avant la dernière colonisation. Avec l'arrivée de Alfred Von Rodt, la population croît progressivement et a les yeux définitivement tournés vers la mer. Avec le temps, cette spécialisation se radicalise. Si au début du XXe siècle, la population a une petite activité agricole, d'artisanat et d'élevage, peu à peu, ces activités vont se perdre dans une monoproduction halieutique.

« Finalement, les agriculteurs se sont orientés vers la pêche [...] parce qu'il se rendaient compte qu'ils pouvaient mieux gagner leur vie en se dédiant à la pêche. Les gens étaient de moins en moins tournés vers la terre. Pourquoi ? Parce que la langouste était une denrée d'élite. Pour la population, cultiver la terre était presque dénigrant, être agriculteur no ! Je préfère être pêcheur ! » (V. Bertullo dans Brinck, 2005)

Ainsi, les secteurs économiques prédominants correspondent aux secteurs primaire et tertiaire. L'activité de pêche artisanale est l'activité économique majeure, se concentrant presque exclusivement sur une espèce de langouste endémique (Jasus Frontalis). D'autres espèces sont pêchées, parmi elles : la Breca, le Jurel, la Anguila, le Pampanito et la Jerguilla principalement utilisées pour appâter les langoustes, viennent ensuite la Vidriola, le Cangrejo dorado et le Bacalao qui sont destinés au commerce.

« L'artisanat est peu développé et sans style défini ni unifié localement. Ce qui leur donne un caractère spécifique est la matière dans laquelle les objets sont travaillés et non le style des modèles. » (Brinck, 2005) « L'artisanat est fait d'objets élaborés en corail noir, en bois, en dents de loups de mer ou en peaux de poisson entre autres. C'est une activité plus développée chez les jeunes qui y voient une opportunité de gagner un peu d'argent. » (Biodiversa, 2005)

Etant donné cette structure économique, l'archipel est fortement dépendant du continent. Cependant, lorsque l'archipel devait fonctionner en autonomie, avec des approvisionnements très rares venant du continent, certaines zones de l'île Robinson étaient cultivées afin de subvenir aux besoins de la population. Aujourd'hui, l'île est ravitaillée tous les mois par l'armée chilienne, et l'agriculture a donc été abandonnée. Seuls certains particuliers continuent d'entretenir un potager leur permettant occasionnellement de tirer quelques profits de leurs produits. Une tentative de mise en place de cultures a été réalisée lors du projet de coopération entre la CONAF et les Pays-Bas mais sans succès (malgré qu'il y ait des endroits adéquats pour une pratique agricole de subsistance).

Comme nous l'avons vu, la population s'est définitivement tournée vers la mer au fur et à mesure du développement du commerce national et international des langoustes. Aujourd'hui, comme souligné à la fin de l'histoire de la colonisation de l'archipel, elle se tourne aussi de plus en plus vers l'option touristique qui creuse un peu plus cette dépendance exogène manifeste.

59 Voir Partie 2 - Chapitre V - point 2. Faiblesses du cadre juridique

<<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)»

Selon un rapport de la fondation Biodiversa suite à un << autodiagnostic historico-culturel » (Biodiversa, 2005), actuellement, la population considère que la langouste sera << toujours la première ressource économique de l'île » malgré certaines disparités d'opinion concernant les modes d'exploitations et le futur des populations de langoustes. D'autre part, le tourisme est perçu comme une alternative future prometteuse (et spécialement les activités liées à la mer).

2.5.2. L'option touristique

Vers la fin du XXe siècle, l'activité touristique et les services y associés (lieux d'accueil, guides touristiques, promenades en milieu naturel, etc.) s'est développée de façon constante.

Dans le plan de gestion municipale officiel, le 11e objectif est la << gestion et le développement du parc et le développement d'activités récréatives et touristiques ». (PLADECO, 2005) Dans le même temps, ce document considère la faible activité touristique comme un aspect positif dans le cadre de la gestion du parc.

Actuellement, l'offre touristique se concentre exclusivement dans le village de San Juan Bautista sur l'île Robinson Crusoe. Cependant, les autorités considèrent l'île Santa Clara et l'île Alejandro Selkirk comme des lieux potentiels d'accueil touristique à développer, dont la difficulté d'accès est le frein principal (PLADECO, 2005).

Figure 28 : Nombre de visiteurs du parc Juan Fernández entre 1990 et 2002

Source : CONAF, 2004.

La municipalité a mis en évidence le potentiel touristique de l'île dans son <<plan de développement communal », identifiant différents <<foyers d'attractions touristiques » dont environ 70 % correspondent à des lieux naturels. Elle propose, d'autre part, certains types d'activités (habilement désignés comme << écotouristiques ») qui pourraient se développer à l'intérieur du parc, soit : du trekking, de la recherche scientifique, de l'observation floristique et faunistique, des promenades (à pied, à vélo ou à cheval), la chasse sportive, le camping est également proposé dans des zones préétablies. D'autres activités sont proposées dans le milieu aquatique, soit : la plongée sous-marine, le snorkeling, la chasse sous-marine, la pêche, des promenades en bateau, la baignade aux abords des plages,...

Actuellement, le village de San Juan Bautista compte 18 unités d'accueil touristique de tout type qui totalisent 127 lits, correspondants à 168 places. Il y a deux hôtels importants (qui comptent respectivement 17 et 13 chambres pour une capacité d'accueil de 33 et 26 places), 4 résidences plus modestes (entre 4 et 6 chambres pour une capacité d'accueil de 10 à 12 places) et 12 unités périphériques (soit des cabañas, soit chez l'habitant).

Dans un contexte d'intérêt croissant de la demande mondiale pour un tourisme « écologique », cette option est perçue comme une opportunité à saisir dans le cadre du développement de l'archipel Juan Fernández.

Curieusement cette alternative est développée sans considération des impacts qu'elle peut avoir et principalement avant d'avoir défini les limites de la capacité d'accueil écologiquement soutenable dans le contexte actuel. Rappelons que l'énergie est générée à partir d'un moteur diesel très polluant, qu'il n'existe pas de contrôle sanitaire ni de cadre légal à propos des entrées de personnes, d'animaux et de produits sur le territoire de l'archipel, mentionnons qu'il n'existe pas de système de traitement des eaux usées adéquat, que le traitement des déchets est très rudimentaire et que la décharge se situe en amont du village (qu'elle affecte directement60) et enfin que le contrôle du respect des limites et des règles du Parc est négligeable.

Le recours au tourisme en tant qu'option de développement est légitime. Simplement, dans le contexte particulier de l'archipel, il convient de bien penser son mode de fonctionnement (pour qu'il représente un réel bénéfice pour les populations locales) et de considérer ses impacts environnementaux, sans quoi les objectifs de conservation ne pourront pas être rencontrés et l'activité touristique risque de scier la branche sur laquelle elle est assise (voir figure 29).

Il serait intéressant de partir de la détermination de la capacité de charge en tant que notion tridimensionnelle pour bien identifier les limites tolérables du tourisme. Cette notion de "capacité de charge" considère la dimension physique du lieu (biotope et biocénose), la dimension socioculturelle de la population locale (taille, bien-être, culture) et la dimension psychologique des visiteurs (limites de confort, de l'agrément). La détermination de la capacité de charge permettrait donc de considérer ces différentes dimensions et d'équilibrer au mieux l'activité touristique, l'environnement et les besoins de la population.

Le schéma ci-dessous permet de visualiser les risques du tourisme (directs et à long terme) en rapport avec la biodiversité :

Figure 29 : Les risques du tourisme

Source : Vanhulst et Kunsch, 2009.

60 Voir Partie 2 - Chapitre VI - point 4. Gestion des déchets

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» CHAPITRE V - PERSPECTIVE POLITICO-JURIDIQUE

L'analyse politico-juridique ne sera pas aussi détaillée que les chapitres précédents mais son évocation est importante dans la compréhension du problème de perte de biodiversité sur l'archipel. Elle a pour objectif d'amener des éléments de réflexions à approfondir (idéalement sur place par une analyse sociologique) surtout basés sur la législation, le rapport de l'OCDE sur les performances environnementales du Chili (2005) et un document du programme MaB de l'UNESCO pour la partie concernant les priorités.

D'abord propriété des Espagnols qui en firent une position militaire dès 1749, l'archipel, au cours des temps, servit de pénitencier et de point de chute pour les baleiniers et les phoquiers. En 1810 ; l'archipel devient chilien avec l'indépendance du pays et une population irrégulière s'installe sur l'île Robinson Crusoe dans le village de San Juan Bautista. Dans un premier temps, l'archipel sera soumis à un régime de concession dont le locataire était le gouverneur sans réelle implication du gouvernement national. Par la suite, l'archipel sera rattaché à la Région de Valparaiso (Ve Région du Chili) et, peu à peu, intégré aux politiques nationales.

Comme le précise la Constitution, le Chili est un Etat unitaire dont le territoire est divisé en 15 régions. Le système politique du Chili est la démocratie républicaine. La nation possède la souveraineté du pouvoir conféré au Président et un parlement bicaméral est élu démocratiquement par suffrage universel.

Le territoire chilien est divisé en régions et provinces elles-mêmes subdivisées en communes. Politiquement, l'archipel Juan Fernández est une commune de la Région de Valparaiso depuis 1979, et depuis 199061 les autorités sont élues démocratiquement et non plus désignées. L'administration de l'archipel est divisée en 3 entités : la municipalité, la CONAF et la Capitanía de Puerto, contrôlant chacune une partie du territoire divisé respectivement comme suit: Commune, Parc National et Territoire maritime.

Une réforme constitutionnelle effectuée en 2007 institue l'archipel comme un « territoire spécial ». Son gouvernement et son administration seront régis par un statut spécial dicté dans une nouvelle loi organique constitutionnelle qui est en cours de réalisation. Cette question du statut décentralisé de l'archipel qui pourtant répond à une législation nationale devrait être mieux creusée. Le rôle du CIDEZE et les dernières dispositions en négociations pour la création d'un territoire spécial devraient être mieux étudiés dans le cadre d'une analyse globale mais ne seront pas traités ici par manque de temps et parce que ce sont des questions qui seraient mieux traitées sur place.

1. Cadre juridique

« L'influence du mouvement international en relation avec le développement durable et la prise de conscience, dans certains secteurs, de la surexploitation des ressources naturelles et des problèmes de contamination associés au développement économique du pays, ont permis au thème environnemental de prendre de l'importance dans le débat national, et plus spécifiquement à partir des années 1980. » (Camus et Hajek, 1998)

1.1. Cadre national

En plus de différentes institutions ayant des objectifs de conservation des ressources naturelles et de l'environnement en général (SAG, CONAF, CONAMA, INIA), le Chili a inscrit l'environnement dans sa législation.

61 Année correspondant au retour à la démocratie après la dictature du Général Pinochet.

Schématiquement, par rapport au sujet de ce travail on peut distinguer les normes générales directement ou indirectement liées à l'environnement et les normes relatives aux 3 composantes de la biodiversité (Espinosa et Aqueros, 2000 ; OCDE et CEPAL, 2005) :

Certaines de ces lois-cadres ont une importance directe ou indirecte sur la gestion de l'archipel Juan Fernández dont la plus importante est sans doute la loi qui instaure le système de zones protégées (SNASPE). Pourtant, en ce qui concerne la biodiversité, le système juridique interne ne comporte pas de règles régissant de manière directe la diversité biologique. « Pour la diversité biologique, il n'existe pas de texte légal exclusif à cette fin mais une dispersion de normes, qui traitent des différentes composantes de la diversité biologique. » (Espinosa et Aqueros, 2000)

De plus « l'application des lois relatives à l'environnement a été la responsabilité de différentes entités publiques (voir figure 30), ce qui montre une prédominance de l'approche sectorielle. Bien que la CONAMA supervise l'adoption des réglementations environnementales, elle n'a pas un nombre suffisant d'inspecteurs pour mener à bien toutes les inspections nécessaires sur le terrain. [...] La CONAMA participe peu aux programmes relatifs à l'eau et à la diversité biologique appartenant à d'autres entités publiques, en particulier en ce qui concerne l'agriculture, la sylviculture, la pêche, la pisciculture et les travaux publics. » (OCDE et CEPAL, 2005)

<<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)»

Figure 30 : Entités publiques responsables du contrôle des normes environnementales
(sélection)

Source : Vanhulst, 2009, d'après OCDE ET CEPAL, 2005.

Les premières règles passées ici en revue sont des règles générales qui s'appliquent à l'environnement dans sa globalité, nous parcourrons ensuite quelques règles sectorielles.

1.1.1. La constitution politique de la République.

Les fondements juridiques de l'environnement s'inscrivent dans l'article 19 N°8 de la Constitution de 1980 (largement amendée depuis) qui <<assure à toutes les personnes le droit de vivre dans un environnement non contaminé. C'est le devoir de l'Etat de veiller à ce que ce droit soit respecté et d'assurer la préservation de la nature. La loi pourra établir des restrictions spécifiques à l'exercice de droits ou libertés déterminées pour protéger l'environnement. »

La Constitution fait donc référence à la réglementation sur l'environnement en termes généraux, mais ne traite pas de la biodiversité de façon explicite.

1.1.2. Le Code Civil

<< Le Code civil poursuit une approche patrimoniale, axée principalement sur la protection de la propriété privée. La faune sauvage est considérée comme un bien qui << n'appartient à personne », mais que quiconque peut cependant s'approprier sans être propriétaire du terrain sur lequel elle vit. En ce qui concerne la flore, on entend que celle-ci est la propriété de celui à qui appartient le terrain sur lequel elle se situe. Rien n'est prescrit au sujet des écosystèmes et du capital génétique. » (Espinosa et Aqueros, 2000)

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» 1.1.3. La Ley de Bases del Medio Ambiente

La Ley de Bases del Medio Ambiente (CONAMA, 1994) est un des outils centraux de la gestion environnementale du Chili. Son premier article reprend l'article 19 N°8 de la Constitution et consacre le « droit de vivre dans un environnement non contaminé, la protection de l'environnement, la préservation de la nature et la conservation du patrimoine naturel. » (Ley de Bases del Medio Ambiente)

Le principal objectif de cette loi est d'instaurer les bases générales d'une règlementation environnementale afin de donner une plus grande uniformité à la grande dispersion des normes existantes. Cependant, elle n'abroge ni ne réunit toute la législation de l'environnement qui reste effective (Espinosa et Aqueros, 2000).

Le Titre 2 du texte de loi prévoit la création de différents instruments de gestion, dont (Lagos, Torres et Noton, 2001) :

- Le SEIA qui répond à un des engagements de la Convention sur la Biodiversité Biologique. - L'Education et la Recherche

- La participation de la communauté dans le système SEIA qui répond à la Convention d'Aarhus.

- Les Plan de Manejo, Prevención o Decontaminación comme instruments complémentaires au SEIA. - L'alinéa 4 de la loi établit la création du SNASPE, y incluant les terrains privés.

- Les normes d'émission de polluants.

- En plus des instruments de gestion mentionnés, la loi reconnaît la responsabilité pour dommage environnemental.

Cette loi définit la « Biodiversité » ou « Diversité biologique » comme « la variabilité des organismes vivants qui font partie de tous les écosystèmes terrestres et aquatiques. Elle inclut la diversité intra spécifique, inter spécifique et entre les écosystèmes. » (Loi de Bases de l'Environnement)

1.1.4. Ley de Bosque et Ley de fomento forestal

Les principales dispositions légales régissant les activités forestières sont la Ley de Bosque (D. S. 4363 - Loi sur la forêt) et la Ley de fomento forestal (L. 701 - Loi pour le développement forestier). Celles-ci visent à la réglementation de l'activité forestière, plus qu'à la protection des ressources forestières et de ses composantes. La forêt y est définie comme un terrain aux potentialités forestières et non en tant qu'écosystème. Cependant, ces lois encadrent une certaine protection des fonctions écosystémiques de la forêt et la prévention de l'érosion, et donc réglementent la coupe d'arbres dans certains secteurs.

Concernant la biodiversité, La Ley de fomento forestal, étant donné son principal objectif d'incitation au développement de l'exploitation forestière par l'intermédiaire de bonifications fiscales, a conduit à l'abattage aveugle de forêts primaires et à leur remplacement par des plantations à croissance rapide entraînant un dégradation importante de la diversité biologique au Chili. Cette contradiction sera critiquée et une nouvelle loi (Ley de recuperación del bosque nativo y fomento forestal) sera édictée en 2008 après près de 15 années de négociations entre le gouvernement, les entreprises forestières et les organisations environnementales. Les objectifs de cette loi sont : la protection, la récupération et l'amélioration des forêts primaires dans le but d'assurer la durabilité forestière et de répondre à la politique environnementale.

D'autre part, avec le système SNASPE (voir ci-après), une grande partie des forêts primaires se trouve sous un régime de protection spécial qui exclut toute activité économique dommageable.

1.1.5. Ley de caza

« La Ley de caza (Loi sur la chasse) régit la chasse, la capture, l'élevage, la conservation et l'utilisation durable des animaux de la faune sauvage, à l'exception des espèces et ressources aquatiques dont la gestion est régie par la loi générale sur la pêche et l'aquiculture. » (Loi sur la chasse)

La Ley de caza prévoit une série de mesures concrètes visant à la protection de la faune sauvage comme « l'interdiction de chasser ou capturer des espèces de la faune sauvage cataloguées comme menacées d'extinction, vulnérables, rares ou peu connues ainsi que les espèces classées comme bénéfiques pour le maintien et l'équilibre des écosystèmes naturels ou encore les espèces présentant des densités démographiques réduites. » (Loi sur la chasse) Ces espèces sont référencées dans le règlement d'application de la loi. Pour appuyer ces mesures, la loi autorise « l'application des interdictions de chasse saisonnières, la création de zones de chasse, l'établissement de quotas de chasse par journée, saison ou groupe d'âges ainsi que d'autres conditions dans lesquelles ces activités peuvent se développer. » (Loi sur la chasse)

1.1.6. Ley general de Pesca y Acuicultura

La Ley general de Pesca y Acuicultura (Loi générale sur la pêche et l'aquiculture) entend réguler « la préservation des ressources hydrobiologiques, et toute activité d'aquiculture, de pêche extractive, sportive ou scientifique qui se réalise dans les eaux terrestres, les eaux intérieures, la mer territoriale et la zone économique exclusive de la République. »

Comme la loi sur la forêt, cette loi norme et ordonne la structure d'exploitation de la ressource et ne se préoccupe pas spécifiquement de la conservation et de la protection de la richesse marine du Chili. Toutefois, « la loi contient un aspect pertinent concernant la protection de la biodiversité, c'est la possibilité de création de réserves marines comprises comme des domaines de préservation des ressources aquatiques. [...] Ces zones sont placées sous la garde du Service national de la pêche. On ne peut y réaliser des activités extractives que par périodes transitoires. » (Espinosa et Aqueros, 2000)

En général, cette règle est très comparable, dans sa structure, aux règles sur les forêts, où la protection de l'espèce biologique n'est pas l'objectif principal, mais se pose en relation à la réglementation de l'activité économique.

1.1.7. Ley N° 18.362 que crea un Sistema Nacional de Areas Silvestres Protegidas del Estado

Le Chili a désigné sa première zone protégée en 1907 et a établi son premier Parc National en 1926 (le parc national Vicente Pérez Rosalez dans la Xe Région, Région des Lacs). Ces premiers efforts ont été motivés principalement par l'intention de promouvoir le tourisme et concernent des terres qui n'étaient pas utilisées pour d'autres objectifs.

Les objectifs de conservation se sont concrétisés en 1984 (Loi N° 18.362) avec la création du SNASPE. Proposé en 1984, ce système a pour objectif « le maintien de zones uniques ou représentatives de la diversité biologique naturel du pays et des lieux avec des communautés animales ou végétales, des paysages ou des formations géologiques naturelles, afin de permettre l'éducation et la recherche et d'assurer la continuité des processus évolutifs, les migrations d'animaux, les cycles de flux génétiques et le respect de la réglementation environnementale. » (Loi SNASPE)

Le SNASPE reconnaît 3 types de zones protégées :

1) Les Parcs Nationaux (catégorie II de la UICN)

Un parc national est « une aire généralement élargie, où existent différents milieux uniques ou représentatifs de la diversité biologique naturelle du pays, non perturbée significativement par l'action humaine, capable de s'autoperpétuer et dans laquelle les espèces de la faune et de la flore ou les formations géologiques présentent un intérêt particulier (éducatif, scientifique ou récréatif). Les objectifs poursuivis sont la conservation de fractions de milieux naturels et des caractéristiques culturelles et paysagères qui y sont associées; la continuité des processus évolutifs et la réalisation d'activités d'éducation, de recherche et de loisirs compatibles avec l'objectif de conservation. » ( www.conaf.cl)

2) Les Réserves Nationales (catégorie IV de la UICN)

Une réserve nationale est « une zone dont les ressources naturelles doivent être conservées et/ou utilisées avec un soin particulier, étant donné leur sensibilité à subir des dégradations ou étant donné leur importance dans la préservation et le bien-être de la Communauté. La réserve nationale vise la conservation et la protection des ressources du sol et des espèces menacées de la faune et de la flore sauvages, le maintien et/ou l'amélioration de la production hydrique et l'utilisation de technologies d'exploitation rationnelle de ces réserves. » ( www.conaf.cl)

3) Les Monuments Naturels (catégorie III de la UICN)

Un monument naturel est « une aire généralement réduite, caractérisée par la présence d'espèces indigènes de la faune et de la flore ou par l'existence de sites géologiques pertinents du point de vue paysager, culturel ou scientifique. Son objectif est de préserver l'environnement naturel, culturel et paysager, et de développer des activités éducatives, récréatives ou de recherche compatibles avec l'objectif de préservation. » ( www.conaf.cl)

C'est la CONAF qui est en charge de l'administration du réseau SNASPE. Pourtant, « la loi qui contient la création du SNASPE, suppose l'existence d'une entité centrale et publique, chargée de son administration [...] qui remplacera l'actuelle CONAF, institution qui, en dépit d'être financée par l'État, est un organisme de caractère privé. Cette situation affecte le plein respect de la loi 19 300 sur les bases générales de l'environnement qui établit que l'État gérera un système de zones sauvages protégées afin d'assurer la conservation de la diversité biologique, la protection de la nature et de préserver le patrimoine environnemental. Actuellement, leur protection directe n'a pas de cadre légal en vigueur. » (Espinosa et Aqueros, 2000)

Le réseau SNASPE couvre au total approximativement 18,50% du territoire chilien. Le réseau comprend 32 parcs nationaux, 48 réserves nationales et 15 monuments nationaux. Le réseau inclut 9 sites « Ramsar » et 7 Réserves de biosphère de l'UNESCO.

« Cependant, cette grande étendue dans l'ensemble est faite de beaucoup de petites zones trop isolées pour représenter une valeur sûre au niveau de la conservation. De plus le système n'est pas suffisamment représentatif de la diversité des écosystèmes chiliens. Presque un quart des espaces protégés sont couverts en permanence de neige et de glace et 57% sont formés de marais et de « forêts denses » qui représentent 18% de la superficie nationale. Inversement, certains écosystèmes sont sous représentés et le taux d'intégration de nouvelles superficies n'est pas suffisant pour arriver aux « 10 % de tous les écosystèmes significatifs en 2010 » (stratégie biodiversité). [...] Environ 165.000 km2 (22% du territoire chilien) sont couverts de forêts. De cette superficie, 85,90% correspondent aux forêts primaires et le reste est en majeure partie couvert par des forêts artificielles d'espèces exotiques (principalement de pins et d'eucalyptus). L'Alliance de la Banque Mondiale et du WWF pour la conservation et l'utilisation durable des forêts a classé les forêts primaires du Chili et d'Argentine parmi les écosystèmes les plus menacés du monde. Quasiment 29% des forêts primaires du Chili font partie du réseau SNASPE. Selon l'OCDE, le Chili devrait assumer la responsabilité de sauvegarder la majeure partie de ses forêts primaires. Le défi consiste à intégrer les 71% restant dans le réseau SNASPE. Un élément clé pour préserver ce patrimoine mondial serait la transmission d'une solide éthique de conservation à l'ensemble de la population. Pour cela, l'éducation à l'environnement est vitale. Les initiatives de certifications (du bois par exemple) pourraient soutenir cette volonté d'éducation générale. » (OCDE et CEPAL, 2005)

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)»
Figure 31 : Zones protégées et écosystèmes terrestres incorporés au SNASPE en décennies

Source : Vanhulst, 2009 d'après IUCN, 2007.

D'un point de vue quantitatif, l'incorporation de nouveaux écosystèmes terrestres dans le système SNASPE a été relativement rapide dans un premier temps étant donné que les premières réserves à être créées incorporaient plus facilement un ou plusieurs écosystèmes terrestres non représentés (IUCN, 2007). Ensuite, depuis 20 ans, il reste 16 écosystèmes terrestres particuliers qui n'ont aucune représentation dans des aires protégées.

Figure 32 : Zones protégées du réseau SNASPE au Chili

Source : Vanhulst, 2009 d'après CONAMA, 2005 ; www.conaf.cl ; TERRAM, 2005.

L'archipel Juan Fernández a été déclaré Parc National en 1935 (par le décret suprême N° 10362) suite aux constatations et mises en garde des différents scientifiques de passage sur les îles. Avant 1989, 107,5 hectares correspondant à la zone urbaine étaient extraits du parc. En 1989, 111,87 hectares urbains supplémentaires (en vue d'augmenter la possibilité d'accueil (Fellmann, 2004)) et 176,54 ha de l'île Robinson Crusoe (correspondant à l'aérodrome à Punta de Isla) seront désaffectés du parc par décret du Ministerio de Bienes Nacionales (soit 8,5% du territoire de l'île Robinson Crusoe).

De plus, il fait aussi partie du réseau des Réserves de biosphère de l'UNESCO (voir ci-dessous).

62 Voir annexe 04

Ces deux statuts de protection importants soulignent la richesse et la nécessité de préserver la biodiversité de l'archipel Juan Fernández. Ils devraient surtout motiver les décideurs nationaux et internationaux, à mettre en place les moyens nécessaires pour conserver la biodiversité de l'archipel.

Ces moyens ne sont pas forcément financiers contrairement à ce qui se prétend souvent. Même si les moyens financiers sont nécessaires dans une certaine mesure, ils ne sont pas suffisants.

Selon une étude du WWF de 2004 (WWF, 2004), les ingrédients minimums pour un gestion efficace d'une aire protégée sont non seulement un financement suffisant mais aussi un personnel de gestion adéquat au niveau quantitatif et qualitatif (bien formé à l'environnement, en lien avec la communauté locale et qui mette correctement en oeuvre les résolutions relatives aux aires protégées), un suivi et une évaluation du programme de gestion.

D'autre part, les problèmes récurrents observés dans les aires protégées sont : les difficultés à gérer les relations avec les communautés locales mais également la gestion des touristes.

Toujours selon cette étude basée sur l'observation de 200 aires protégées dans 34 pays, le budget est corrélé avec l'efficacité de la gestion. Ainsi, « même si le financement disponible ne suffit pas, généralement plus le budget est élevé plus la performance est bonne ». (WWF, 2004) Encore que la corrélation n'est pas évidente ! Ce n'est donc pas un critère suffisant.

Figure 33 : Corrélation entre le budget et la bonne gestion d'une zone protégée

Source : WWF, 2004.

Par ailleurs, l'éducation et la sensibilisation jouent un rôle vital dans la construction de la gestion des aires protégées en général. L'étude du WWF montre clairement que la gestion est plus efficace lorsqu'un programme d'éducation et de sensibilisation lié aux objectifs et aux besoins de la zone protégée est en place. La corrélation est ici beaucoup plus évidente.

Figure 34 : Corrélation entre l'éducation et la bonne gestion d'une zone protégée

Source : WWF, 2004.

En dehors des investissements financiers nécessaires dans une certaine mesure, il faudrait surtout consentir à des investissements humains non seulement quantitativement mais surtout qualitativement (via des programmes de formation et des instruments de dialogue).

1.1.8. Autres tutelles des zones protégées 1.1.8.1. Zones protégées publiques

<< Si le réseau SNASPE intègre des zones maritimes, il s'agit exclusivement d'extensions des zones terrestres et elles ne représentent pas une entité à elles seules. Cependant, le SERNAPESCA (qui fait partie du ministère de l'Economie et de l'Energie) en collaboration avec le Bureau de Zone Côtière du Ministère de la Défense a défini 3 réserves maritimes indépendantes. D'autre part, la loi générale sur la pêche et l'aquiculture donne la possibilité de désigner des zones de gestion soutenables pour régulariser la pêche en eau continentale et maritime. » (OCDE et CEPAL, 2005)

Par ailleurs, le Ministère de l'éducation gère un réseau de "Monuments nationaux" destiné à protéger le patrimoine historique, archéologique, culturel et naturel du Chili. Celui-ci comprend 28 "sanctuaires de la nature" représentés majoritairement par des îlots, des lagunes ou des formations géologiques qui représentent surtout une valeur symbolique.

1.1.8.2. Zones protégées privées

Durant les 15 dernières années a émergé la participation du secteur privé dans la création d'aires protégées. Ces zones peuvent être de trois types (OCDE et CEPAL, 2005) :

- Des parcs privés

- Des donations de terres au réseau SNASPE

- Des terres appartenant à des groupes de personnes comme lieu de production ou de récréation avec un objectif de conservation.

- Des projets commerciaux d'écopropriété ou d'écotourisme

- Des terrains appartenant à l'Etat mais gérés par le secteur privé à des fins d'écotourisme.

L'ONG CODEFF a fondé en 1997 le Réseau d'Aires Protégées Privées (RAPP) qui comprenait 83 sites en 1999 et un total de 446.790 hectares (voir figure 35). Actuellement, les zones protégées du secteur privé représentent 17.000 km2 répartis dans 133 sites qui sont généralement des parcs ( www.codeff.cl ; OCDE et CEPAL, 2005).

Figure 35 : Localisation, nombre et superficie des zones protégées privées en 1999

Source : Vanhulst, 2009 d'après TERRAM, 2005.

La majorité de ces zones est concentrée dans la XIIe et surtout dans la Xe région où se trouve le Parc Pumalin qui appartient au milliardaire Douglas Tompkins et qui couvre l'essentiel de la superficie protégée de cette région.

<< Malgré les bonnes intentions des propriétaires, les aires protégées par le secteur privé présentent un apport limité à la protection de l'environnement. La sélection des sites est principalement aléatoire (ils sont, comme les sites du réseau SNASPE, fortement concentrés dans les zones de forêts primaires) et assigne fort peu d'attention aux priorités de diversité biologique. De plus la majorité de ces endroits sont de petites tailles et isolés. Malgré l'existence de certains instruments juridiques pour encadrer ces terres, la majorité de ces zones ne sont pas protégées d'un point de vue juridique. Pour que les initiatives privées destinées à créer les aires protégées représentent un réel apport à la conservation de la nature, il est nécessaire de mieux les intégrer aux initiatives du gouvernement. [...] Ces aires ont besoin d'une forme de reconnaissance juridique, et les initiatives privées doivent s'orienter vers des aires spécifiques identifiées comme prioritaires pour leur diversité biologique. Le gouvernement pourrait mieux encadrer les initiatives privées par un cadre juridique mais aussi en apportant les connaissances techniques et de gestion nécessaires à la bonne administration de ces zones. » (OCDE et CEPAL, 2005)

Par ailleurs, une vue géographique nous permet de constater nettement que les zones classées (SNASPE ou autre tutelle) sont des zones à faible densité de population majoritairement situées dans les lieux difficilement accessibles et donc difficilement exploitables.63

1.2. Cadre international 1.2.1. UNESCO

Parmi ses divers programmes, l'UNESCO lance en 1971 le programme MaB avec pour objectif d'accroître les connaissances sur les relations entre l'Homme et la Nature. Quelques années plus tard, en 1974, un groupe de travail du programme MaB lance l'idée de << Réserve de biosphère » dont le but était de mettre en place un réseau mondial de zones naturelles protégées. En 1976, les premières réserves sont créées mais dans une optique uniquement de préservation et de recherche scientifique. Une réelle vision harmonieuse de convivialité entre les hommes et leur environnement n'existe pas encore. C'est suite à la Conférence de Rio en 1992 que se redresse l'encadrement des Réserves de biosphère et en 1996, la situation change radicalement avec l'adoption de la Stratégie de Séville pour les Réserves de biosphère et du Cadre statutaire qui stipule les conditions à remplir pour un bon fonctionnement du Réseau mondial de Réserves de biosphère. Ce cadre stratégique définit les principes de fonctionnement des Réserves de biosphère. Ainsi << Les Réserves de biosphère sont des aires portant sur des écosystèmes terrestres et côtiers/marins reconnues au niveau international dans le cadre du Programme MaB. Les Réserves de biosphère sont beaucoup plus que de simples aires protégées puisque leur objectif est de promouvoir et de démontrer une relation équilibrée entre les populations et leur environnement. Elles sont proposées par les gouvernements nationaux et demeurent sous la juridiction souveraine des Etats où elles sont situées. Les Réserves de biosphère forment un Réseau mondial qui permet de promouvoir la recherche en coopération, la surveillance continue et l'échange d'informations. Un élément clé de ce Réseau est la constitution de sous-réseaux régionaux très actifs. » (UNESCO - MaB, 2008)

<< Les Réserves de biosphère s'efforcent de constituer des sites modèles d'étude et de démonstration des approches de la conservation et du développement durable au niveau régional en combinant 3 fonctions : (i) Conservation - contribuer à la conservation des paysages, des écosystèmes, des espèces et de la variation génétique ; (ii) Développement - encourager un développement économique et humain durable des points de vue socioculturels et écologiques ; (iii) Appui logistique - fournir des moyens pour des projets de démonstration et des activités d'éducation environnementales et de formation, de recherche et de surveillance continue sur des problèmes locaux, régionaux, nationaux et mondiaux de conservation et de développement durable.» (Cadre statutaire des Réserves de biosphère, 1995)

L'archipel Juan Fernández est déclaré Réserve de biosphère en 1977. Les objectifs du programme
MaB et la Stratégie de Séville apportent un cadre utile pour répondre aux problèmes
environnementaux qui existent sur l'archipel. Pourtant il n'y a pas réellement de gestion globale des

63 Voir annexe 12

écosystèmes ou de vision durable du développement. << La Réserve de biosphère Juan Fernández ne s'accorde pas pleinement aux orientations de la Stratégie de Séville et pour le moment, elle fonctionne plus en tant que Parc National (fortement lié avec le village, qui ne fait pas partie du Parc mais bien de la Réserve de biosphère) »64

La révision du rapport décennal << Enquête d'Evaluation de la Stratégie de Séville » montre clairement que la Réserve de biosphère archipel Juan Fernández opère avant tout comme un Parc National et ne s'intègre pas activement dans le réseau de Réserve de biosphère qui offre pourtant un cadre de gestion et des instruments d'échanges intéressants. La réserve a donc un double statut de droit mais un statut unique de fait qui permet de justifier en partie la gestion du milieu naturel au travers des actions de la CONAF. D'après cette enquête (Leiva, 2008), les instruments de coopération du réseau de Réserve de biosphère sont inutilisés, la réserve ne s'inscrivant pas dans les systèmes d'échanges d'information (ni à un niveau international ni entre les réserves nationales, l'administrateur du parc signale également ne pas être intéressé par la possibilité de partager ou de comparer sa révision périodique avec celle des autres réserves <<pour le moment »). De plus, il n'y a aucun contrôle ou observation permanente des composants des écosystèmes ni de réelle stratégie à long terme et << l'apport de ressources ponctuelles a induit une discontinuité dans les projets, ce qui a parfois impliqué un retour au point de départ » (Leiva, 2008). Par ailleurs, ce rapport indique clairement que peu d'indicateurs sont utilisés et que, parmi les actions entreprises, le projet de coopération entre la CONAF et les Pays-Bas est surreprésenté alors qu'il a été finalisé en 2003.

Cette révision laisse à penser que la réserve est gérée sans stratégie à long terme et qu'elle est surtout dépendante de projets extérieurs65. La <<révision de la gestion de l'archipel Juan Fernández en tant que Réserve de biosphère (découpage en zones correspondantes,...) est prévue pour 2010. Mais en mars 2010 ont lieu les élections présidentielles et ce plan devra être réexaminé. »66 La nature est malheureusement dépendante de calendriers politiques avant tout.

1.2.2. Accords et conventions internationales

Le Chili a non seulement signé une série de traités commerciaux qui intègrent la dimension environnementale mais il a surtout participé à des initiatives mondiales pour relever les défis environnementaux et a ainsi signé et ratifié la plupart des traités multilatéraux sur l'environnement.

Parmi ceux-ci67 le Chili a ratifié certaines conventions qui touchent directement ou indirectement la biodiversité : la Convention on International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora (dite CITES, 1973), la Convention sur les zones humides (dite de Ramsar, 1971), la Convention pour la protection de la flore et la faune et des beautés panoramiques naturelles des pays d'Amérique (dite de Washington, 1940) mais surtout la Convention sur la Diversité Biologique (traité international adopté lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992 et ratifié en 1994).

La Convention sur la Diversité Biologique reconnaît pour la première fois en droit international que la conservation de la diversité biologique est une préoccupation commune à l'ensemble de l'humanité et est consubstantielle du processus de développement. Les objectifs de la convention se décline en 3 points, soit : << la conservation de la diversité biologique (ou biodiversité), l'utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques. » (CDB, 1993)

La Convention recommande plusieurs voies pour réaliser ces objectifs, par exemple, elle recommande d'élaborer des stratégies de conservation, d'identifier et de surveiller les composantes de la biodiversité, de créer des aires protégées, de promouvoir la protection des écosystèmes, de réhabiliter et restaurer les écosystèmes dégradés, d'empêcher l'introduction d'espèces exotiques et de prendre des mesures économiquement rationnelles afin d'encourager la conservation et l'utilisation durable des composantes de la biodiversité. Elle assigne également un rôle important à l'éducation.

64 Pedro Araya, Point focal MaB au Chili (commentaire personnel)

65 Voir présent chapitre point 2. Faiblesses du cadre juridique

66 Pedro Araya, Point focal MaB au Chili (commentaire personnel)

67 Voir annexe 13

Le Chili a transcrit cette convention dans un décret promulgué le 28 décembre 1994. Certaines des recommandations susmentionnées ont été prises par l'État du Chili, comme par exemple la réalisation d'un cadastre des espèces indigènes. D'autres ont été inachevées, comme la surveillance des composantes de la biodiversité. De plus, comme nous l'avons vu avec le cas de Juan Fernández, si le Chili réalise un contrôle sanitaire des entrées et sorties des frontières, les mouvements nationaux restent peu contrôlés.

Afin de respecter les engagements de la Convention sur la Diversité Biologique, en 2003, les autorités chiliennes rédigent une « Stratégie Nationale de Biodiversité )) suite à « l'élaboration d'un diagnostic de l'état de conservation de la biodiversité régionale, l'identification des activités anthropiques qui affectent (positivement et négativement) la biodiversité régionale et la détermination d'axes stratégiques et de priorités d'action. )) (CONAMA, 2003)

Cette stratégie se subdivise en stratégies régionales dont la stratégie pour la Région de Valparaiso dont dépend l'archipel Juan Fernández. Cette dernière définit quelques généralités sur le cadre législatif chilien pour la biodiversité. Elle propose ensuite une classification de différents sites selon les types d'écosystèmes (terrestres, eaux continentales, mers et côtes et enfin îles océaniques et mer environnante) et selon leur priorité.

Concernant l' « écorégion îles océaniques et mer environnante )), « toutes les îles sont considérées de première priorité pour leur singularité (la flore et la faune terrestre et marine présentant de hauts niveaux d'endémisme étant donné l'isolement) mais aussi au vu des hauts niveaux de menaces.)) (CONAMA, 2005)

Dans cette catégorie, le premier site prioritaire est l'archipel Juan Fernández dont la valeur écologique et les menaces sont soulignées. Suivent quelques propositions d'action pour la conservation des écosystèmes insulaires parfois trop générales. On retrouve ici le manque de considération de l'archipel comme lieu particulier auquel doit s'appliquer une politique particulière. D'autres projets appuient le développement de l'écotourisme en tant que « mécanisme de protection)) ou de financement.

Si la Convention sur la diversité biologique prévoit un cadre de base important pour la réglementation de la biodiversité, le Chili en outre participe à d'autres conventions qui traitent des thèmes spécifiques de la diversité des ressources biologiques.

A cet égard, le Chili a ratifié la « Convention sur les zones humides )) (Ramsar, 1971). Cette convention naît des préoccupations face à la disparition des zones humides et vise à enrayer la dégradation et la perte de zones humides en reconnaissant non seulement les fonctions écologiques fondamentales de celles-ci mais aussi leur valeur économique, culturelle, scientifique et récréative (Ramsar, 1994)

Le Chili a également signé la « Convention sur le commerce international des espèces menacées de faune et de flore sauvages )) (CITES) qui promeut l'adoption de mesures ciblées sur la protection de certaines espèces en danger. Ces recommandations se retrouvent en partie dans la Ley de caza et dans la Ley general sobre pesca y acuicultura.

Le Chili est aussi partie de la « Convention pour la protection de la flore et la faune et les beaux-arts du spectacle naturel d'Amérique )), dont les objectifs sont la protection des beautés paysagères, ainsi que des exemplaires de toutes les espèces et des genres de la faune autochtones, y compris les oiseaux migrateurs ; la conservation des paysages d'une beauté incomparable, formations géologiques extraordinaires, régions naturelles d'intérêt esthétique, historique ou scientifique et la coopération entre les États pour la conservation et de la protection de ces régions. On vise la réalisation des objectifs antérieurs à travers la création de parcs, réserves et monuments naturels (cf. SNASPE) mais également de Reservas de Regiones Vírgenes (réserves naturelles correspondant aux zones protégées de catégories Ia et Ib selon la classification de L'UICN) qui existent dans la transcription chilienne mais pour lesquelles aucun territoire n'est affecté.

Toutes ces conventions "recommandent" dans les pays signataires de mener certaines actions pour s'acquitter de leurs objectifs, mais en aucun cas, ces recommandations n'ont un caractère d'obligation, ainsi, chaque pays est libre d'appliquer les suggestions des conventions signées selon ses désirs.

Selon le rapport de l'OCDE sur les performances environnementales du Chili, celui-ci n'a pas donné suite à la mise en oeuvre de certains des traités multilatéraux sur l'environnement ratifiés. « Dans certains cas, la législation est encore en suspens (forêts primaires et polluants organiques persistants, entre autres), dans d'autres, des plans d'action nationaux n'ont pas été élaborés (diversité biologique, entre autres) et le contrôle de certaines stratégies mises en place est trop laxiste (espèces menacées d'extinction, entre autres). » (OCDE et CEPAL, 2005)

2. Faiblesses du cadre juridique

Comme l'a mis en évidence le rapport de l'OCDE sur les performances environnementales du Chili, la législation environnementale est très diffuse et relève de la responsabilité de nombreuses institutions. « Etant donné la structure législative du pays, on peut distinguer différentes législations, transsectorielles et sectorielles qui régulent l'usage et la conservation de la nature et qui confèrent des attributions à différents organes de l'Etat, soulignant qu'il n'existe pas un corpus légal qui aborde cette thématique de façon relativement compréhensive et développée. » (CONAMA, 2005)

De plus, en dehors du processus du SEIA, « la CONAMA dispose de peu de contrôle sur le niveau de respect et de contrôle de la réglementation environnementale de la part des entités sectorielles. Les organes sectoriels disposent du personnel et de la capacité technique générale pour les inspections sur le terrain, mais ses activités de surveillance liées à l'environnement, peuvent être rendues opaques par d'autres travaux et priorités. » (OCDE et CEPAL, 2005)

L'objectif premier des règlementations qui touchent la biodiversité est souvent différent de celui de conservation même de la diversité biologique. Jusqu'en 2003, il n'existait pas de politique spécifique consacrée à la biodiversité. La déclinaison du cadre juridique en plans politiques devrait permettre, au minimum, de vérifier si la législation en vigueur permet de remplir concrètement les objectifs, en contrôlant mieux les résultats escomptés. Il manque peut-être aussi une gouvernance qui implique les acteurs non gouvernementaux dans la gestion politique. Le Chili a mis en place des instruments permettant d'avoir accès à l'information (SINIA, participation des citoyens, accès à la justice) et a structuré l'information environnementale (au travers de statistiques de l'environnement68, de rapport sur la situation de l'environnement entre autres). D'autre part, comme nous l'avons vu, la Ley general de Bases sobre el Medio Ambiente reconnaît le principe de la participation publique.

« Le grand nombre de différends écologiques traités dans les tribunaux montre que, dans la pratique, s'exerce l'accès à la justice. Ont également été accomplis certains progrès dans l'éducation environnementale avec l'introduction de matières liées à l'enseignement primaire et secondaire, la certification environnementale de 132 écoles et le mouvement environnemental des scouts.» (OCDE et CEPAL, 2005)

Pourtant, il faudrait veiller à renforcer et régulariser les travaux concernant les données sur l'environnement, les rapports et les indicateurs environnementaux. Pour les quelques éléments analysés dans le cadre de ce travail, il faut souligner que les chiffres officiels sont peu fiables, voire contradictoires (recensement des picaflor rojo, quantités de langoustes capturées, chiffres concernant les aires protégées,...). Cette faiblesse ne permet pas d'élaborer des stratégies solides basées sur des observations concrètes.

Comme souligné pour les aires protégées, il manque une réelle synergie entre les différents acteurs en ce qui concerne l'environnement (tant au niveau citoyen qu'au niveau public ou privé). Il reste encore beaucoup à faire dans l'éducation et la conscience écologique, mais aussi dans le secteur privé (en promouvant la certification et la responsabilité sociale de l'entreprise, et en encourageant la formation à l'environnement au moyen d'associations professionnelles) et dans le secteur public (en

68 L'Institut national des statistiques a publié des données environnementales annuellement depuis 1996 (voir www.ine.cl)

association avec des initiatives de développement durable, d'évaluation des impacts environnementaux liés à des projets, d'évaluation environnementale stratégique des politiques, plans et programmes publics et en association avec une utilisation d'indicateur de performance environnementale).

« Jusqu'à aujourd'hui, la protection de la nature n'a pas bénéficié de l'intérêt et des ressources suffisantes pour faire face aux menaces à long terme de la diversité biologique hautement endémique du Chili. Il n'existe aucune loi spécifique de conservation de la nature, et les structures institutionnelles et de gestion donnent une importance secondaire à des objectifs de conservation devant les objectifs plus larges des organismes concernés. Les espèces du pays, leur état de conservation et le fonctionnement des écosystèmes demeurent insuffisamment connus. Les politiques gouvernementales ne reconnaissent pas de façon adéquate la valeur de la nature comme un actif vital pour l'industrie touristique et n'exploitent pas non plus au mieux le potentiel du tourisme afin qu'il puisse contribuer au financement de la gestion de l'environnement. L'absence d'un système efficace de planification territoriale, à l'exception des mécanismes de planification sectorielle, fait que les habitats hors des aires protégées sont extrêmement vulnérables à la destruction. » (OCDE et CEPAL, 2005)

Sur l'archipel Juan Fernández, la biodiversité est assez bien connue mais il y a peu de surveillance pour connaître les tendances de son évolution. Et pourtant, les examens à long terme sont nécessaires pour comprendre les processus écologiques et finalement la diversité biologique à différentes échelles temporelles. Sans de telles observations, il est difficile de comprendre la signification de changements ou d'oscillations dans la taille des populations des espèces. Pour le moment, sur l'archipel, la stratégie a été de concentrer les efforts sur des thématiques considérées comme prioritaires (sans réellement considérer le problème dans son ensemble) et de promouvoir le développement de projet de recherche d'entités extérieures (universités nationales et étrangères, associations,...) sans coordination réelle (et donc sans considérer le problème dans son ensemble). De plus, comment fixer des priorités sans vraiment connaître les comportements écologiques des espèces et du biotope.

Concernant le contrôle des introductions d'espèces sur l'archipel Juan Fernández, non seulement il n'y a aucune législation sur le transit d'espèces intra national et aucune infrastructure de contrôle des entrées sur l'île, mais il n'y a pas non plus d'appareil de surveillance d'apparition de nouvelles espèces. Vu les conséquences alarmantes de certaines introductions historiques, il apparaît impératif de mettre en place un système de contrôle pour empêcher ces introductions.

Parmi les dernières actions engagées par la CONAF, mentionnons le « Programa de Recuperación y Conservación de Especies Amenazadas de la Flora del Archipiélago de Juan Fernández » soutenu par le WWF en 1985 (pour un montant de 150.000 $). Postérieurement, en 1994, la CONAF commence un projet de « Conservation, Restauration et Développement de l'archipel de Juan Fernández » en collaboration avec les Pays-Bas pour lequel ont été débloqués 2.046.624 $ de la part du gouvernement hollandais, et 383.005 $ du gouvernement chilien. L'objectif général de ce projet était la récupération et la protection des ressources naturelles de l'archipel par un contrôle ou une élimination des espèces qui altèrent l'écosystème, une interaction positive avec la communauté locale et les visiteurs du parc. Ce programme s'est étalé sur 5 ans et s'il est parvenu à certains résultats partiels, il a surtout mis en évidence la grande difficulté pour rééquilibrer le milieu naturel altéré.

Le plan de gestion du parc tel que défini en 2004 s'inscrit dans la continuité du projet de coopération entre la CONAF et les Pays-Bas. En plus de définir les différentes zones du parc, leurs usages et leur gestion, il définit des objectifs spécifiques déclinés en différents programmes (CONAF, 2004) : le programme d'administration (obtention de ressources financières pour développer des actions de protection et de conservation des ressources naturelles du parc, promotion dans la communauté du respect et de la protection des habitats et des écosystèmes du parc, éducation du personnel de la CONAF pour réaliser au mieux leur tâches,...(CONAF, 2004)) et le programme d'usage public du parc (définition des espaces pour les activités récréatives et éco touristiques, définition des circuits touristiques, éducation environnementale pour les habitants et les visiteurs, détermination de la

capacité d'accueil de visiteurs du parc sur une période donnée en distinguant les différentes zones définies,...). Ce programme reste très imprécis et certains objectifs apparaissent contradictoires (ce qui appuie l'idée d'une certaine absence de vue globale). Par exemple : certains points du programme d'usage public sont incompatibles avec le premier objectif du sous-programme de ressources naturelles qui vise à << maintenir la qualité et la quantité naturelle des débits de cours d'eau du parc » (CONAF, 2004) ou encore du point C du programme de développement durable de la communauté qui vise à << protéger les ressources hydriques pour un approvisionnement approprié en eau pour la population sans excéder les débits écologiques. » (CONAF, 2004) La promotion du tourisme amènera une génération importante de déchets, un usage plus important de l'eau et un rejet plus important d'eaux usées. L'impact du tourisme sur les ressources en eau et sur les eaux environnantes est donc loin d'être neutre et ces deux objectifs se retrouvent dans ce même plan.

De plus, étant donné qu'il n'existe pas de gestion des déchets efficace ni de traitement des eaux usées, quel impact aurait une démultiplication de la production de déchets et du rejet d'eaux usées sans une réflexion prioritaire sur les traitements en aval ?

Comme proposé dans le premier objectif spécifique du sous-programme de << Recherche et Usage Public» il faudrait définir la capacité maximum d'accueil possible avant de proposer le tourisme comme source potentielle de revenus... Peut-être que les visites actuelles dépassent déjà cette capacité maximum. Aucune étude n'a été réalisée dans ce sens jusqu'à aujourd'hui.

Si le plan de gestion et le projet de coopération entre la CONAF et les Pays-Bas se recoupent, il n'y a, pour aucun des deux, pas de vue sur les résultats réels, concrets, à long terme de leurs résolutions. Est-ce que le programme << Conservación, Restauración y Desarrollo del Archipiélago de Juan Fernández» a finalement réellement servi à la récupération et à la conservation de l'écosystème de l'archipel ? Dans quelle mesure ? ... Est-ce que la situation de la population s'est améliorée et quelles sont aujourd'hui les relations entre la population et l'administration du parc ? Malheureusement, il y a beaucoup de rapports de projets mais peu d'informations sur les résultats concrets. Suite au projet CONAF/Pays-Bas, un nouveau projet a été monté et il met en évidence les mêmes problèmes.

Ce nouveau projet de plan stratégique a été piloté par une association indépendante : La Fundacion Biodiversa. En 2005, cette association a rassemblé les différents acteurs dans le but d'élaborer de façon participative une stratégie de développement pour l'archipel avec pour objectif d'ériger une <<vision commune par rapport à la manière de conserver et d'utiliser durablement le patrimoine naturel et historico-culturel du territoire de l'archipel. » ( www.biodiversa.cl) L'initiative aura au moins tenté de systématiser l'information diffuse. Finalement, la fondation Biodiversa aura réalisé un rapport qui rassemble les informations récoltées sans vraiment répondre à ses propres objectifs. D'après Christophe Perrier, << si l'initiative de Biodiversa a produit un rapport, l'impact local et les suites se résument à zéro. Leur travail (très bien financé) a surtout consisté à récupérer les informations des autres, à faire travailler les gens sur place en petit groupe pour arriver à des conclusions que tout le monde connaissait déjà. Il ne se passe rien suite à leur rapport. »69 Selon Julio Chamorro Solis (membre du syndicat de pêcheurs), << la fondation Biodiversa est en mauvaise posture face à la communauté locale. Elle n'a rien réalisé, mis à part la compilation d'informations de différents auteurs et de la communauté. Le projet avec Biodiversa n'existe plus. Pour bien comprendre, il faut savoir que ça fait des années qu'aucune institution ou organisation locale n'appuie des projets dans lesquels la communauté de l'archipel n'est pas impliquée dès le départ. Nous savons que Juan Fernández est un nom qui vend bien pour postuler à des projets et gagner des financements. Mais l'erreur de Biodiversa a été d'arriver avec un projet tout prêt sans consulter ni la municipalité ni les organisations locales. Pour cette raison, ce projet n'est donc pas soutenu, parmi d'autres problèmes. »70

De plus ces initiatives n'étant pas encadrées, ni coordonnées, il manque toujours une forme de suivi, de contrôle de l'exécution ou de l'effectivité des grands principes et des grandes idées inscrites dans les rapports. Il manque certainement une vision multilatérale, multi institutionnelle et multidisciplinaire intégrée dans un organe de coordination permanente (comme la CONAF ou la CONAMA ou tout autre organe indépendant).

69 Christophe Perrier (commentaire personnel)

70 J. Chamorro Solis (commentaire personnel)

CHAPITRE VI - PERSPECTIVES FUTURES

Actuellement, la grande majorité des problèmes historiques qui affecte l'écosystème de l'archipel subsiste (mis à part pour les otaries qui sont sous un statut de protection totale). Ces problèmes appellent une solution intégrale composée de deux aspects complémentaires : l'élimination des facteurs qui détériorent l'environnement (et principalement le bétail domestique, les chèvres, les lapins, les coatis, le zorzal, et les plantes adventices, surtout la zarzamora, le maqui et la murtilla mais aussi les autres espèces végétales qui représentent des pestes potentielles) et la récupération et la conservation de la faune et de la flore native.

Face aux problèmes énoncés dans les chapitres précédents certaines propositions de mesures ont été mises en avant dans différents rapports scientifiques. D'après la situation politico-juridique actuelle, certaines de ces mesures restent d'actualité, d'autres émergent de ce cadre d'analyse plus global.

1. Révision du statut légal de l'archipel Juan Fernández

Il faudrait définitivement adopter un statut légal qui corresponde aux directives de conservations formulées dans les stratégies nationales et régionales de biodiversité et dans les différents travaux réalisés sur l'île. Sur ce point, il serait intéressant de se pencher sur l'expérience de gestion de l'archipel des Galápagos pour éventuellement s'en inspirer et adapter les principes adoptés en Equateur au cas de Juan Fernández.

Aux Galápagos, un processus participatif pour l'élaboration d'un plan de gestion a abouti à des réformes législatives et politiques manifestes dans la préparation, la négociation et l'adoption de la << Loi sur le régime spécial pour la province de Galápagos » (Ley de régimen especial para la conservación y desarrollo sustentable de la Provincia de Galápagos, Congreso Nacional, 1998). << Cette loi a avant tout contribué à éclaircir le régime législatif qui régit l'ensemble du territoire des îles. Ainsi, on a mis un point final aux conflits de compétence entre les autorités provinciales et les responsables de la conservation; on a limité l'étendue des pouvoirs et restreint les capacités de chaque entité ; et on a clairement établi de quelle façon les ressources économiques disponibles allaient être distribuées. Encore mieux, la loi a créé un précédent dans le domaine de la gestion durable des ressources naturelles par des collectivités locales en définissant les principes qui devaient régir les politiques et les activités dans le parc national, la réserve marine et les divers établissements humains. Ces principes constituent une évolution sans précédent ; ils intègrent les concepts de la conservation et du développement durable à la législation équatorienne conformément aux instruments internationaux adoptés au Sommet de Rio, tout en respectant les plans de décentralisation régionale, les droits des utilisateurs traditionnels et les capacités de gestion locales.» (Oviedo, 2001)

2. Inclusion de la population dans les stratégies de gestion

Il est nécessaire d'inclure la population dans les décisions futures. En effet, << La complexité des enjeux et des approches pour gérer la biodiversité [...] relève autant de l'objet de la gestion, la biodiversité, que de la diversité des acteurs, des relations entre ces acteurs à propos de la biodiversité, et de leurs perceptions sur la manière la plus efficace de la gérer. La construction d'un dialogue entre ces acteurs apparaît comme une des conditions initiales nécessaires pour la mise en place des territoires et pour leur gestion dans une perspective de développement durable. Cette nécessité de dialogue apparaît de manière répétée dans les recommandations issues des grands objectifs de la Stratégie de Séville. » (Bouamrane et Weber, 2006)

<< Dans certains sites, les mesures de conservations mises en oeuvre sont vécues comme des contraintes fortes pour le développement et parfois même le maintien de certaines activités économiques. [...] Les acteurs peuvent avoir des intérêts divergents liés à des usages concurrents, voir incompatibles des mêmes ressources. [...] Les conflits peuvent aussi naître d'incompréhensions et/ou de l'existence de plusieurs représentations d'une même réalité » (Beuret, 2006), un même environnement pouvant être perçu différemment. << Le dialogue et la concertation entre les acteurs

concernés par un espace et des ressources semblent être l'une des voies privilégiées pour gérer la biodiversité dans une optique de développement durable et pour prévenir l'explosion de multiples conflits [...]. C'est aussi un moyen pour améliorer le respect des règles posées dans un certain espace, voire prévenir la violation systématique de certaines règles imposées par les pouvoirs publics à des usagers des ressources qui ne les reconnaissent pas comme légitimes. » (Beuret, 2006) Nous avons vu que la population construit son identité en opposition au continent mais aussi qu'elle considère que l'île lui appartient. Cette situation a créé des conflits avec l'administration du parc qui s'est installée en 1972 et continue à rendre les projets exogènes peu efficaces. Il est donc nécessaire de prévoir une concertation pour l'élaboration du plan de gestion du parc. La décentralisation des autorités gouvernementales de l'archipel est un pas institutionnel dans ce sens. Il faudra veiller à ce que la formulation du plan de gestion du parc corresponde aussi à la réalité locale.

Il est donc crucial de travailler avec toute la communauté non seulement dans la définition de la gestion du parc mais également afin de rechercher leur participation active dans la préservation du parc.

L'archipel Juan Fernández gagnerait à s'inclure véritablement dans les stratégies émanant du programme sur l'Homme et la Biosphère de l'UNESCO (Stratégie de Séville, Cadre statutaire) et à gérer le parc réellement comme Réserve de biosphère.

Cette ligne directrice participative pourrait s'inscrire dans un cadre médiateur élaboré sur base des recherches scientifiques réalisées jusqu'à aujourd'hui qui ont mis en évidence certaines priorités.

3. La protection et la conservation de la biodiversité 3.1. Eradication des espèces problématiques

Actuellement, les mesures de conservation de la CONAF n'ont qu'un succès limité. Les inventaires végétaux et les tendances démographiques végétales et animales reflètent le caractère insuffisant de ces actions. Les principales pestes sont la zarzamora, le Maqui, la Murtilla, la forêt exotique, les rats, les lapins, les chats sauvages, les chèvres, le bétail domestique et les coatis. Pour l'éradication des espèces végétales, le défi écologique est d'utiliser des taxons natifs à réimplanter afin d'éviter les cycles d'érosion qui encourageront l'installation d'espèces exotiques.

Cette stratégie, si elle n'est pas décidée à un niveau local, pourrait aussi répondre à la proposition de la Stratégie pour la conservation de la diversité biologique de la région de Valparaiso qui propose de dicter un décret qui instaurerait une « politique nationale pour le contrôle des pestes animales et végétales dans les îles océaniques de la République du Chili ».

3.2. Récupération des espèces natives et des sols

L'éradication des espèces invasives doit obligatoirement s'accompagner d'une réimplantation des espèces natives et d'un rééquilibre écologique du biotope et de la biocénose.

3.3. Contrôle des entrées

Un règlement interdisant l'importation d'espèces exogènes comme c'est le cas au niveau national devrait être arrêté et accompagné d'un contrôle adéquat.

Nous avons vu que malgré les différents projets de conscientisation, la population a introduit au moins 27 nouvelles espèces végétales depuis 2006, pour la plupart ornementales, recensées en 2009. Le SAG pourrait parfaitement remplir cette fonction de contrôle aux entrées ou aux départs pour l'île. En Equateur, par exemple, « le Parc national des Galápagos et la fondation Charles Darwin, en relation avec l'Etat équatorien, ont mis en place un "Système d'Inspection et de Quarantaine pour les Galápagos" (Sistema de Inspección y Cuarentena para Galápagos - SICGAL). Ce programme de contrôle des introductions d'espèces exotiques sur l'archipel est conduit par le SESA (Servicio Ecuatoriano de Sanidad Agropecuaria), équivalent du SAG en Equateur. Le SESA est en charge du contrôle des ports et aéroports d'embarquement du continent et de ceux des Galápagos afin de contrôler le transport de matières organiques et de biens jusqu'aux îles ou entre les îles. Le SICGAL

est réalisé par cinq équipes d'inspecteurs situés à Quito (capitale), Guayaquil et aux îles Santa Cruz, San Cristobal et Isabela. Toutes les actions du SICGAL, les missions du SESA et des autres structures ont été définies et reconnues en 1998 par la loi de régime spécial pour la conservation et le développement durable de la Province des Galápagos (Ley Especial para la Conservación y Desarrollo Sustentable de la Provincia de Galápagos, articles 54 et 56) et par le "Règlement de Contrôle Total des Espèces envahissantes" en 2003. Ce règlement, très complet, peut servir d'exemple à la mise en place d'une base juridique pour un plan de contrôle des entrées sur l'archipel Juan Fernández. Le cas de l'archipel des Galápagos étant tout de même différent (population, îles, tourisme plus important), le règlement devra être adapté au cas de l'archipel Juan Fernández. » (Fellmann, 2004)

3.4. Conservation in situ et ex situ

L'établissement d'un jardin botanique in situ a déjà été largement sollicité. Selon F. Hallé, P. Danton et C. Perrier (Hallé, Danton et Perrier, 2007), << dans le contexte actuel, la lutte contre les pestes végétales des îles Juan Fernández est sans espoir. L'arrachage manuel, pour efficace qu'il soit, consomme trop d'énergie pour pouvoir être étendu à l'échelle des îles: la population réduite et la topographie souvent vertigineuse rendent le problème inextricable. C'est pourquoi dans l'immédiat, il semble que la seule solution réaliste soit la création d'un jardin botanique. Situé à proximité du village de San Juan Bautista, ce jardin aurait pour vocation la sauvegarde des 137 espèces endémiques de l'archipel. Au-delà de sa fonction biologique, au-delà de son attrait touristique, ce jardin permettrait à la population îlienne de manifester son attachement à un patrimoine naturel dont elle est fière et qui fait partie intégrante de son identité culturelle. » (Hallé, Danton et Perrier, 2007)

3.5. Monitoring

Une des premières priorités serait d'instaurer un système de monitoring écologique le plus efficace possible (pour tous les compartiments de l'environnement : Eau, Air, Sols, Espèces, etc.) qui permettrait non seulement de comprendre les tendances des processus écologiques mais aussi de juger de l'efficacité des décisions qui seront prises et éventuellement de les reformuler face aux résultats. Il est indispensable d'instaurer et d'organiser un système efficace de surveillance des espèces comme instrument de gestion.

3.6. Formations et informations

Des mesures additionnelles pour renforcer la conscience écologique de la population sont nécessaires. Un manuel a été développé pour les enfants jusqu'à la sixième primaire. Cette initiative est utile et la station scientifique Charles Darwin aux Galápagos a déjà démontré les vertus d'un tel programme (Cuevas et Van Leersum, 2001). Il serait donc très utile d'instaurer des formules d'éducation à l'environnement pour l'ensemble de la population afin d'internaliser une forte éthique écologique dans la communauté locale. Cette mesure pourrait se coupler à la mesure d'inclusion qui vise à valoriser la population en tant que "sentinelle de la biodiversité".

4. Gestion des déchets

Actuellement, la gestion des déchets est très rudimentaire. <<Tout ce qui arrive du continent reste sur l'île dans un dépotoir sans aucune autorisation. [...] Ce lieu se situe à 400 mètres au-dessus de la rue principale du village de San Juan Bautista, au centre de l'île. Les poubelles et les encombrants y arrivent périodiquement afin d'être incinérés et recouverts de terre. » (El Mercurio, 2005) Les habitants rejettent mensuellement 17 tonnes de déchets dans cette décharge dépourvue d'autorisation sanitaire. Cette méthode de traitement des déchets pose des problèmes environnementaux et humains (odeurs, fumées, altération du paysage,...). Cette situation s'est aggravée au fur et à mesure de l'augmentation des échanges avec le continent. Aujourd'hui, on retrouve dans cette décharge des batteries, des réservoirs de combustibles, des matières plastiques

(El Mercurio, 2005), mais aussi des carcasses de voitures, des frigos71,... Etant donné l'absence d'infrastructure sanitaire, le dépotoir pollue considérablement l'île et les eaux environnantes (par lixiviation, contamination de l'air, dégradation du paysage, etc.).

Figure 36: La décharge municipale de l'archipel Juan Fernández

Source : Christophe Perrier, 2009.

Pour corriger cette situation, il faudrait d'abord instaurer un système de tri des déchets (et éventuellement la valorisation de certains déchets comme les détritus organiques) et ensuite installer un lieu de stockage des déchets avant qu'ils ne soient retournés sur le continent et traités dans des incinérateurs et centres de stockage adéquats.

5. Gestion de l'eau

L'alimentation en eau potable est un service public géré par la municipalité qui couvre 100% des habitations. Les deux sources principales sont les rivières El Guindal et La Pólvora qui approvisionnent 30% de la demande et la rivière Lord Anson qui couvre 70% de la demande totale.

Il existe un traitement (physique, chimique et bactériologique) de l'eau avant sa distribution mais il n'y a aucun traitement en aval. La gestion de l'eau devrait être envisagée non seulement dans le cadre de la détermination de la capacité d'accueil sur l'île (considérant la variabilité des débits des rivières selon les saisons) mais également dans le cadre de traitement avant rejet dans la mer. Etant donné que l'aire de répartition géographique des langoustes est proche des côtes des îles, à long terme ces rejets (qui contiennent non seulement de la matière organique mais aussi toutes sortes de produits chimiques issus des activités humaines) pourraient certainement les affecter.

71 Christophe Perrier (Commentaire personnel)

6. Gestion des ressources halieutiques

La création d'une réserve marine a déjà été proposée à plusieurs reprises. Cette protection est importante pour la reproduction de la langouste et de la faune et la flore marine. Cette instauration d'une réserve ferait partie d'une réflexion globale sur l'utilisation des ressources halieutiques. Nous avons vu que la population de langoustes présentait une tendance à l'effondrement. Elles sont cependant toujours pêchées sans vraiment connaître leur biologie. Afin non seulement de préserver la population de langoustes, en tant qu'espèce mais aussi en tant que principale ressource économique de l'île, il convient de mener une réflexion sur le futur de cette ressource et sur la manière de ne pas les exterminer entièrement. A nouveau, l'expérience des Galápagos est intéressante à ce niveau. « Les changements survenus dans l'économie de l'île et le nombre croissant d'utilisateurs des ressources marines ont poussé les autorités du parc et les intervenants du secteur de la conservation à étendre la protection aux ressources marines, d'où la création d'une réserve en 1986. En effet, la qualité de vie sur les îles s'était améliorée à un point tel qu'elles attiraient maintenant les habitants du continent. [...] Malgré des résultats positifs sur le plan social, ce développement a engendré bon nombre de problèmes, entre autres une augmentation considérable de l'immigration et l'expansion de l'activité économique, particulièrement dans le secteur de la pêche, autant de facteurs jugés incompatibles avec les objectifs de réduction de l'incidence environnementale, l'écotourisme, l'utilisation durable des ressources halieutiques, etc. » (Oviedo, 2001) Cependant, cette interdiction unilatérale n'a pas eu l'effet voulu car elle n'a pas été acceptée par les « groupes d'intérêts ». Finalement, la « Loi sur le régime spécial pour la province de Galápagos » de 1998 (voir ci-dessus), issue d'un processus participatif, intègre d'importantes ramifications pour les pêcheurs locaux :

- « elle adopte des principes de conservation, de gestion adaptative et d'utilisation durable

ainsi qu'une structure de zonage pour les activités de pêche ;

- elle crée la catégorie des réserves marines, avec des usages multiples et une administration intégrée, pour la protection des ressources marines;

- elle confine les droits d'extraction des ressources marines à l'industrie de la pêche locale à

petite échelle ;

- elle habilite les autorités du parc national à recouvrer, administrer et distribuer des recettes

fiscales en vue de financer le plan de gestion de la réserve marine;

- elle crée un organisme de gestion participative. » (Oviedo, 2001)

Sur l'archipel Juan Fernández, il existe un système de limitation et d'organisation de l'activité de pêche72. L'exemple des Galápagos est donc une source d'inspiration utile mais certainement pas applicable telle quelle. Il faudrait bien entendu adapter les réflexions au cas particulier de l'archipel.

7. Génération d'énergie renouvelable

Actuellement, l'énergie est générée à partir d'un moteur diesel. Le carburant est fourni en partie par le gouvernement du Chili73. Un projet de la Commission Nationale de l'Energie était en cours pour la réalisation d'un moteur hybride « éolien-diesel », sans suite actuellement. Il faudrait relancer ce projet ou trouver une autre source d'énergie renouvelable qui serait plus écologique et qui diminuerait la dépendance du continent.

8. Définition de la capacité de charge maximale pour le tourisme Ce point a déjà été discuté dans le chapitre IV de la partie 2, point 2.5.2. L'option touristique.

72 Voir partie 2 - Chapitre IV - point 2.3.2. La pêche : socle identitaire

73 Voir Partie 2 - Chapitre 1 - point 3.9. Germes d'autonomie politique et de continentalité

<<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» CONCLUSION

Une conclusion paraît assez prématurée pour ce qui ressemble plus à une étape de travail qu'à une étude complète. Cette base bibliographique et théorique devrait être confrontée à une recherche de terrain pour pouvoir réellement tirer des conclusions utiles. Considérons cette conclusion comme le terme d'une première réflexion qui propose un cadre d'analyse intégral et multidisciplinaire pour aborder un problème d'environnement local.

Le cadre d'analyse contextuel et global proposé aide à mieux comprendre le problème de perte de biodiversité sur l'archipel Juan Fernández dans ses dimensions "naturelles" et "construites" (ou sociales). La mise en perspective d'un problème environnemental intégrant le cadre institutionnel et social aura permis de saisir les limites des réponses souvent apportées par des acteurs extérieurs.

Ce travail illustre ainsi la complexité à réaliser un projet de conservation dans une situation pratique qui sous-tend des interrelations nombreuses et complexes. Si l'importance de la biodiversité et de l'archipel Juan Fernández est formellement reconnue au niveau international, national et local, et si la réalité "naturelle" du problème de dégradation des écosystèmes de l'archipel est relativement bien connue, les modes de gestion et les réponses apportées ne permettent apparemment pas d'enrayer les menaces. L'élargissement de la réflexion proposé ici permet de prendre conscience de l'importance de la réalité "construite" du problème environnemental, soit l'historicité, la construction sociale et l'inclusion dans la sphère politico-juridique (assez peu traitée dans les travaux consultés). Une réflexion sur l'inclusion de la population locale dans les politiques de conservation devrait être menée afin de tracer les lignes d'un avenir réellement durable. La mise en place d'espaces de concertation entre l'ensemble des acteurs identifiés devrait précéder toutes les initiatives futures. L'administration pourrait s'inspirer de la philosophie de conduite des Réserves de biosphère pour réaliser cet objectif et développer de nouveaux instruments de gestion.

A partir de cette assise, une véritable stratégie, avec différents horizons temporels doit être élaborée, mise en pratique et contrôlée. Ce processus perpétuera les bases de concertations élaborées au préalable et devra idéalement corriger les planifications en fonction des résultats obtenus. Cette détermination, pour être efficace, devrait être considérée comme une priorité politique, chaque jour passé rendant la situation plus inextricable et acculant un peu plus les espèces endémiques.

Finalement, plus qu'un problème de moyens financiers, il s'agit d'un problème de <<reconnaissance, de conscience et de volonté » (P. Danton dans El Mercurio, 2005).

Au moment où ce travail sera rendu, une rencontre "internationale" aura lieu à propos de l'archipel afin d'élaborer un "Plan d'Action pour la Conservation de la Biodiversité de Juan Fernández" qui institutionnaliserait les nécessités de conservation et qui sensibiliserait la communauté et les "décideurs" à l'importance de l'archipel Juan Fernández74.

Vu l'intitulé de ce plan qui se rapproche sensiblement de celui des travaux antérieurs, espérons que celui-ci contienne des objectifs ambitieux et qu'il les accomplisse concrètement.

D'autre part, la situation de l'archipel est archétypique de ce qui peut se passer sur d'autres îles, sur les continents (qui ne sont finalement que des grandes îles) ou encore sur l'ensemble de notre planète. Si les îles sont le carrefour des utopies, elles sont aussi l'image de la réalité planétaire. Les contours des îles et de leurs problèmes environnementaux paraissent plus clairs, mais ils sont assez semblables à ceux qui opèrent aux autres niveaux, les îles n'étant, en quelque sorte, qu'un résumé de notre propre monde.

Ce travail se veut aussi illustratif des dynamiques globales qui sous-tendent notre monde. Il propose finalement une réflexion élémentaire : quand on considère les facteurs qui ont conduit à la fin de la civilisation de l'île de Pâques par exemple (considérée comme syndromique), il y a la cécité. Une question résonne sans trouver de réponse : à quoi pensait l'habitant qui a coupé le dernier arbre de l'île ? Dans la fin de cette civilisation comme dans d'autres, un des éléments communs est le refus de raisonner dans un monde fini et donc forcément vulnérable. A partir des leçons tirées de l'analyse de

74 Pedro Araya, point focal MaB au Chili (commentaire personnel).

l'archipel et en éloignant un peu l'objectif, nous reconnaîtrons les mêmes tendances, les mêmes contradictions et le même aveuglement. Nous sommes pourtant tous des îliens vivant dans un monde clos. Les origines de la Terre au milieu du cosmos ne sont finalement pas très éloignées de celles des îles volcaniques au milieu de l'océan...

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<< Hallazgo Reveladoras experiencias relata experto en Juan Fernández : Encontré el tesoro de

Robinson Crusoe » (Interview de Phillipe Danton), El Mercurio, Chili, dimanche 10 avril 2005. << Controlarán especies dañinas de archipiélago Juan Fernández », La Tercera, 06 juillet 2005 << Problema sanitario en Reserva de la Biosfera : Toneladas de basura asfixian a la isla Robinson

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<<Araucanía: celebran centenario de la Reserva Malleco », La Nacion, 03 octobre 2007 << La Nacion Edicione especial Juan Fernández », La Nacion, 06 janvier 2008.

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Textes juridiques

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Loi générale sur la pêche et l'aquiculture, << Decreto supremo N° 430 Sobre ley general de pesca y acuicultura », Biblioteca del Congreso Nacional de Chile, 1991

Loi SNASPE, << Ley N° 18.362 crea un sistema nacional de areas silvestres protegidos del estado », Biblioteca del Congreso Nacional de Chile, 1984.

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Georget C., << La flore de Robinson Crusoe en péril... », Rapport de stage, Université Joseph Fourier, France, 2009.

<<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» Cours IGEAT

En dehors du fait que l'ensemble des cours suivis a influencé la vision globale de ce travail, certains cours ont été source d'information directe pour son contenu :

- Godart M-F, << Environnement et tourisme » (TOUR-F-407), 2007-2008

- Kunsch P., << La dynamique des systèmes » (ENVI-F-443), 2007-2008

- Mattielli N., <<Sciences de la terre et de l'atmosphère » (ENVI-F-401), 2007-2008

RESSOURCES INTERNET Sites Internet

Application du Code de conduite FAO pour une pêche responsable (1995) : http://www.fao.org/fishery/ccrf/fr Association Biodiversa : www.biodiversa.cl

Blog Isla del Tesoro - Information historique sur l'archipel : http://islasdeltesoro.blogspot.com/ Classification d'espèces de la CONAMA : http://www.conama.cl/clasificacionespecies/ CNRS/Sagascience - dossier biodiversité : http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosbiodiv/index.html Comision Nacional del Medio Ambiente - CONAMA (site web officiel) : www.conama.cl Commission économique pour l'Amérique Latine et les Caraïbes - CEPAL (site officiel) : www.cepal.org Corporacion Nacional Forestal - CONAF (Site web officiel) : www.conaf.cl

Cosmovisions - Imago Mundi (encyclopédie en ligne) : http://www.cosmovisions.com/ile.htm Département Dynamique des Systèmes Ecologique du CEFE : http://www.cefe.cnrs.fr/dse/ Instituto Nacional de Estadisticas : www.ine.cl

Islandconservation - Association pour la conservation des îles : www.islandconservation.org

Juan Fernández Islands Conservancy (association de P. Hodum) : http://depts.washington.edu/jfic/jfic/index.htm Memoria Chilena - Culture, Histoire et Littérature chilienne : http://www.memoriachilena.cl

Municipalité de Juan Fernández (site web officiel) : www.comunajuanFernández.cl

ONG Centre for Marine Mammals Research - CMMR Leviatán (site web officiel) : www.leviathanchile.org ONG Chile Sustentable (site web officiel) : www.chilesustentable.net

ONG Comité Nacional por la Defensa de la Flora y de la Fauna - CODEFF (site web officiel) : www.codeff.cl ONG Ecosistemas (site web official): www.ecosistemas.cl

Opérateurs écotourisme sur l'archipel Juan Fernández : http://www.endemica.com

Organisation des Nations unies pour l'Education, la Science et la Culture - UNESCO : www.unesco.org Programa de las Naciones Unidas para el Medio Ambiente - PNUMA (site officiel) : www.pnuma.org Programme des Nations unies pour l'Environnement - PNUE (site web officiel) : www.unep.org

Servicio Agricola y Ganadero - SAG (Site web officiel) : www.sag.gob.cl

Sistema Nacional de Informacion Ambiental - SINIA (site web officiel) : www.sinia.cl Site de support à la dynamique des systèmes : http://patrice.salini.free.fr/

Subsecretaria de Marina - SUBSECMAR (Site web officiel): www.subsecmar.cl Tela Botanica (réseau de la botanique francophone) : www.tela-botanica.org

UICN/SSC Invasive Species Specialist Group: http://www.issg.org

World Database Protected Areas : www.wdpa.org

Courriels

Plusieurs échanges avec la plupart des personnes citées en remerciement. RESSOURCES AUDIOVISUELLES

Émissions radio

Emission <<Terre à Terre» de Stegassy R. ( http://terreaterre.ww7.be/), << La biodiversité », avec François Ramade, France Culture, 30 juillet 2005.

Emission <<Terre à Terre» de Stegassy R. ( http://terreaterre.ww7.be/), << L'homme dans la biodiversité », avec Robert Barbault, France Culture, 06 septembre 2008.

Emission <<Tout autre chose» de Cornil M., << Biodiversité en danger », avec Marianne Schlesser, Marc Fisher et Alain Peeters, La première, 16 février 2009.

Émissions télévisuelles

Emission Ushuaïa Nature, << l'île Robinson Crusoe », TFI, 25 novembre 2006.

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» ANNEXES

Liste des Annexes:

Annexe 01 : Caractéristiques géologiques du Sud-est de l'océan Pacifique Source : Arana, 1979

Annexe 02 : Région océanique face à la côte centrale du Chili Source : Arana, 1976

Annexe 03 : Relevés bathymétriques autour de Robinson Crusoe et Santa Clara Source : Arana, 2006

Annexe 04 : décret 103 de 1935 déclarant l'archipel Juan Fernández Parc National Source : Biblioteca Nacional del congreso ( www.bcn.cl), 1935

Annexe 05 : Système de repères ("marcas") pour la pêche Source : Arana, 1985

Annexe 06 : Système de pêche pour la langouste de Juan Fernandez (Jasus Frontalis) Source : Arana, 1985

Annexe 07 : Liste de la Flore de l'archipel Juan Fernández Source : J. Vanhulst d'après Danton et Perrier, 2006

Annexe 08 : Liste de la Faune de l'archipel Juan Fernández Source : J. Vanhulst d'après Fellmann, 2004 et CONAF, 2004

Annexe 09 : Organigramme du SAG Source : www.sag.gob.cl, 2009

Annexe 10 : Organigramme de la CONAMA Source : www.conama.cl, 2009

Annexe 11 : Organigramme Liens UNESCO (Mab) - Chili Source : Pedro Araya, 2009

Annexe 12 : Comparaison Zones protégées et Densité de population Source : www.wdpa.org, 2009 et Instituto Geografico Militar, 2007

Annexe 13 : Accords multilatéraux mondiaux signés par le Chili Source : OCDE et CEPAL, 2008

Annexe 01 : Caractéristiques géologiques du Sud-est de l'océan pacifique
(dont la dorsale de Juan Fernández en bleu)

Source : Arana, 1979

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili) »
Annexe 02 : Région océanique face à la côte centrale du Chili

Source : Arana, 1976
Annexe 03 : Relevés bathymétriques autour de Robinson Crusoe et Santa Clara

Source : Arana, 2006

Annexe 04 : décret 103 de 1935 déclarant l'archipel Juan Fernández Parc National
(Biblioteca del Congreso Nacional, 1935)

Source: Biblioteca Nacional del congreso ( www.bcn.cl), 1935

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili) »
Annexe 05 : Système de repères ("marcas") pour la pêche

Source : Arana, 1985
Annexe 06 : Système de pêche pour la langouste de Juan Fernandez (Jasus Frontalis)

Source : Arana, 1985

Annexe 07 : Liste de la Flore de l'archipel Juan Fernández
Source: J. Vanhulst d'après Danton et Perrier, 2006

Abréviations utilisées :

AS : lle Alejandro Selkirk

( div. cv.) : Diverses variétés cultivées

E : Plante endémique de l'Archipel

EC : Plante endémique du Chili

hyb. : Hybride

Ia : Plante naturalisée

Ij : Plante cultivée

Ija : Plante en voie de naturalisation

MJ : Morro Juanango (rocher isolé au nord-ouest de l'île Robinson Crusoe)

MV : Morro El Verdugo (rocher isolé au sud-est de l'île Robinson Crusoe)

N : Plante indigène

nv : Taxon non vu

nv[RC] : Taxon non vu [répartition historique]

RC : lle Robinson Crusoe

(RC) : cultivé sur l'île Robinson Crusoe

SC : lle Santa Clara

? : Donnée inconnue

Annexe 08 : Liste de la Faune de l'archipel Juan Fernández

Source : J. Vanhulst d'après Fellmann, 2004 et CONAF, 2004

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili) »
Annexe 09 : Organigramme du SAG

Source : www.sag.gob.cl, 2009
Annexe 10 : Organigramme de la CONAMA

Source : www.conama.cl, 2009

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili) »
Annexe 11 : Organigramme Liens UNESCO (Mab) - Chili

Source: Pedro Araya, 2009

«Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili) »
Annexe 12 : Comparaison Zones protégées et Densité de population

Source : www.wdpa.org, 2009 et Instituto Geografico Militar, 2007

Annexe 13 : Accords multilatéraux mondiaux signés par le Chili

Source : OCDE et CEPAL, 2008






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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle