Les compétences respectives des organes de sociétés commerciales en matière de rémuneration des dirigeants( Télécharger le fichier original )par Mounira BENHACINE Université paris 1 - Panthéon Sorbonne - Master 2 Recherche Droit des Affaires et de l'Economie 2008 |
Chapitre II : Champs de la compétence exclusive des conseilsd'administration et de surveillance Les sociétés par actions se distinguant en deux types, l'un moniste, le second dualiste, il convient d'observer séparément comment le conseil d'administration délibère sur la rémunération de son président, et de ses directeurs généraux et directeurs généraux délégués (1). Et comment le conseil de surveillance délibère également sur le sort « économique » des membres du directoire (2). La nature de la compétence des deux organes est identique, cependant, le système dualiste semble offrir plus de garantie quant à la légitimité de la rémunération. Section 1 : Rémunération des fonctions de direction dans la SA à conseild'administration Le conseil d'administration dispose de la même compétence, de nature exclusive, pour allouer la rémunération de son président. Ce dernier étant un membre interne au conseil, non dépourvue, de son droit de vote, tant s'en faut (A). Et pour également fixer la rémunération des directeurs généraux et directeurs généraux délégués, qui sont eux, en dehors du conseil, et de ce fait éloigné du processus de décision (B). A. La détermination de la rémunération du Président du Conseil d'Administration L'article L. 225-47, al.1er du code indique que dans les sociétés anonymes de type moniste, il revient au conseil d'administration de fixer la rémunération du président, et la cour de cassation19(*) précise, que le pouvoir du conseil d'administration en matière de rémunération englobe la suppression ou la modification unilatérale de la rémunération ainsi allouée20(*). Le président du conseil d'administration étant nécessairement administrateur, perçoit en plus de cette rémunération des jetons de présence. De plus, cette rémunération peut s'accompagner d'avantages en nature tel que des golden hello, des stocks options, des attributions d'actions gratuites, des retraites chapeaux, ou encore des golden parachutes. Néanmoins si le conseil a une compétence exclusive pour déterminer la rémunération du président, il n'a pas pour autant le pouvoir de ratifier a posteriori la décision d'un dirigeant, en l'espèce le président qui, sans obtenir préalablement une décision du conseil, s'est alloué une rémunération supplémentaire ; en effet les pouvoirs légaux du conseil ne comprennent pas celui d'approuver a posteriori une rémunération décidée par le président de son propre chef.21(*) Une telle décision peut non seulement faire l'objet d'une annulation, mais elle peut également être constitutive d'un délit d'abus de biens sociaux22(*), le dirigeant pouvant même être condamné à rembourser les rémunérations indûment perçues. La cour de cassation a d'ailleurs confirmé dans un arrêt de 2007 que la rémunération allouée au président d'une SA, notamment sous la forme d'un complément de retraite, doit faire l'objet d'une délibération du conseil d'administration sur son montant et ses modalités23(*). En outre, et en dépit de l'accroissement du rôle des comités sous l'égide de la corporate governance, le comité des rémunérations n'est pas non plus compétent pour décider de la rémunération des dirigeants24(*). Par ailleurs, la décision prise par deux administrateurs, mandatés par le conseil d'administration est considérée par la cour de cassation comme illicite25(*). Cette pratique étant motivée par un désir de discrétion vis-à-vis des représentants du comité d'entreprise qui siègent au conseil d'administration. Dans le même ordre d'idées, une ratification par l'assemblée générale serait inefficace. Celle-ci n'étant pas plus compétente en matière de rémunération, même si une disposition des statuts le prévoit. En revanche, si le conseil d'administration a régulièrement déterminé la rémunération, il est seul habilité à la modifier, l'assemblée générale elle-même étant incompétente pour annuler une telle décision. Le président du conseil d'administration peut-il alors prendre part au vote pour la résolution qui détermine sa rémunération? Ou alors doit-il s'abstenir compte-tenu du conflit d'intérêt patent entre ses intérêts personnels et l'intérêt social ? En application de l'article L. 225-37 du code, aucune disposition n'interdit au président de prendre part au vote, mieux que cela, s'il n'existe aucune disposition contraire dans les statuts, la voix du président est prépondérante et bien que certains dirigeants, refusent, par rectitude ou par pudeur de prendre part au vote à la résolution fixant leurs rémunération, il n'existe en réalité aucune disposition légale ou règlementaire, explicite ou même implicite, leur interdisant de prendre part au vote, malgré l'indéniable et tangible conflit d'intérêt. Ainsi la détermination de la rémunération du président du conseil d'administration ne constitue pas une convention règlementée soumise à la procédure prévue par les articles L. 225-38 et suivant du code26(*), même si elle comprend une partie proportionnelle27(*). Cependant l'attribution de certains avantages annexes tels que les indemnités de départ par exemple, peuvent relever de cette procédure. Ce qui est insuffisant en l'espèce. Alors que le conseil fonctionne déjà de manière peu transparente, puisqu'ils se contentent de dresser annuellement un bilan de son activité devant les actionnaires réunis en assemblé générale, il faut en plus accepter l'idée que le caractère juste et raisonnable de la rémunération du président du conseil, dépende de sa droiture naturelle et de ses bonnes dispositions ? Il en va autrement pour la rémunération des directeurs qui n'ont pas de moyens apparents de participer au vote sur leur rémunération. B. La détermination de la rémunération du Directeur Général et du Directeur Général Délégué Dans les sociétés anonymes à conseil d'administration, il n'existe aucune disposition légale interdisant au directeur général d'exercer ses fonctions à titre gratuit, néanmoins si les fonctions sont rémunérées, le conseil d'administration a une compétence exclusive dans la détermination de la rémunération qui ne constitue pas une convention règlementée, ainsi que prévu à l'article L. 225-53 al. 3 du code. Par conséquent le conseil d'administration ne peut confier à un comité ad hoc le soin de fixer la rémunération du directeur général28(*), même si en pratique les comités de rémunération sont constitués au sein du conseil, ils n'ont qu'un avis consultatif.29(*) De même qu'il ne peut ratifier a posteriori une rémunération fixée par le directeur général, cette rémunération étant irrégulière, le directeur général peut se voir dans l'obligation de restituer les sommes considérées comme étant indûment perçue.30(*) A l'identique de la rémunération du directeur général, la rémunération du directeur général délégué est déterminée par le conseil d'administration, en cas de pluralité il appartiendra au conseil de déterminer la rémunération qui revient à chaque directeur général délégué, il ne saurait être question de leur octroyer un montant global qu'ils se répartiraient entre eux. Et nous retrouvons les mêmes limitations de prérogatives, à savoir l'impossibilité de se répartir une somme, pour les membres de l'exécutif gestionnaire. * 19 Cass. Com., 24 Oct. 2000, Mme Hugon c/ Société l'inpeccable et a., Bull. Civ., IV, n° 166, p. 148, note S. Ferries. * 20 Cass. com., 30 Nov. 2004, n° 01-13216, Époux Y. c/ SA Garage Y., note D. Vidal BMIS Joly, 1 Mars 2005, n° 3, p391. * 21 Cass. Com., 15 Déc. 1987 : Bull. Joly Sociétés, 1988, p. 80, note A. Picand-L'Amezec ; Cass. Com., 30 nov. 2004, n°01-13.216, M. Robert Simonin c/ Société Garage Simonin, Rev. Sociétés, 2005, n° 3 p. 631. * 22 Cass. Crim., 9 Mai 1973, D. 1974, p. 271, note B. Bouloc ; Cass. Crim. 6 Oct. 1980, Rev. Soc. 1981, p. 133, note B. Bouloc. * 23 Cass. Com., 6 Févr. 2007, n° 01-17877 (n° 142 FD), Sté Gan vie, Bull. Joly Sociétés 2007, p. 1007. * 24 Cass. Com., 4 Juill. 1995, Rev. Soc, 1995, p. 504, note P. Le Cannu ; Bull. Joly Sociétés 1995, p. 968, note Barbiéri, JCPE, 1995, II, n° 750, note Y. Guyon ; Cass. Com., 11 Oct. 2005 : Bull. Joly Sociétés, 2006, p. 498, § 98, note D. Vidal ; Dr. Soc, Déc. 2005, n° 219, p. 36, note H. Hovasse. * 25 Cass. Com., 11 Oct. 2005, D. 2005, p. 2743, obs. Lienhard, Bull. Joly Sociétés, 1e Avr. 2006, n° 4, p. 498, note D. Vidal. * 26 Cass. Com., 03.03.1987, Gaz. Pal. 1987, p. 264, note Hatoux. * 27 CA Paris, 28.10.1994 : Bull. Joly, 1995, p. 55, note Lepoutre. * 28 Cass. Com., 11 Oct. 2005 : JCP E 2005, 1796, note H. Hovasse. * 29 cass. Com. 4 juill. 1995, JCP E 1995. II. 750, note Guyon ; Rev. sociétés 1995. 504, note P. le Cannu ; Bull. Joly 1995. 968, note J.-F. Barbièri ; Com. 11 oct. 2005, Rev. sociétés 2006. 79, note J.-P. Mattout ; Bull. Joly 2006. 498, note D. Vidal ; Dr.Sociétés 2005, n° 219, note H. Hovasse. * 30 Cass. Com., 19 Déc. 1987 : Bull. Joly, 1988, p. 80 |
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