Les enjeux géostratégiques de l'initiative pays pauvres très endettés (PPTE): le cas du Cameroun( Télécharger le fichier original )par Bruno ATANGANA Université de Yaoundé II - Soa - DEA 2009 |
Section II : Pour une stratégie gagnante pour le CamerounEn dépit des maladresses du Cameroun dans la gestion de son programme d'allègement de dette, de nouvelles perspectives lui sont offertes notamment face aux obstacles que le pays est appelé à traverser. Pour sortir du cycle de dépendance dans lequel les programmes économiques conclus avec les Institutions Financières Internationales le confinent souvent, le Cameroun doit élaborer une culture stratégique nationale qui passe par la pratique de la bonne gouvernance et la consolidation de sa capacité de négociation ; dans ce sillage, il lui revient d'identifier ses intérêts qui représentent l'intérêt général par opposition aux intérêts particuliers. La perspective d'autonomie politique est un gage essentiel à la fin de l'extraversion de l'Etat camerounais. Cette section traitera à cet effet du nécessaire assainissement du cadre politique et institutionnel (§1), et de la consolidation de la capacité de négociation du Cameroun (§2). Paragraphe 1 : LE NECESSAIRE ASSAINISSEMENT DU CADRE POLITIQUE ET INSTITUTIONNEL La pratique de la bonne gouvernance comme exigence démocratique (A) est une condition essentielle à l'apparition d'une culture stratégique camerounaise (B).
A) La pratique de la bonne gouvernance : une exigence démocratique Les usages politiques au cours de la période de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE ont été marqués de malversations et de dysfonctionnements managériaux qui ont affaibli la capacité de négociation de la diplomatie camerounaise. Se retrouvant à chaque fois en position de faiblesse pour négocier à l'occasion des missions de revues du FMI et de la Banque Mondiale, le Cameroun a contribué à l'instrumentalisation de son programme d'allègement de dette ; Cela est dù en grande partie au déficit de bonne gouvernance. La bonne gouvernance est une pratique qui ne doit pas être seulement conjoncturelle ; elle doit être une pratique institutionnelle qui n'est pas subordonnée aux desirata du FMI. La bonne gouvernance est un concept englobant et dynamique ; elle s'apprécie à partir d'un certain nombre d'éléments dont les principaux peuvent être regroupés en cinq catégories, à savoir : - la nature du régime politique et la manière dont l'autorité s'exerce dans la société ; - la qualité de la gestion des affaires publiques par l'Etat, directement ou indirectement, ainsi que celle des instruments de régulation et leur mise en pratique ; - les voies, moyens, mécanismes et processus à travers lesquels l'autorité de l'Etat s'exerce dans tous les domaines, surtout dans les domaines politiques, économiques, sociaux et culturels, ainsi que le degré d'implication et de responsabilisation des citoyens ; - la capacité des gouvernements et des administrations publiques à exercer leurs fonctions de façon effective, efficace et efficiente, ainsi que la qualité de leurs prestations. Cette qualité est généralement appréciée à travers la conception, la formulation, la mise en oeuvre et l'évaluation des politiques et programmes ; - la place et le rôle du secteur privé, de la société civile et des citoyens sans discrimination. Sur ce dernier point, il faut relever que l'une des raisons de la défaillance du document de stratégie pour la réduction de la pauvreté autrement appelé DSRP I, est le manque de participation suffisante de la société civile. Ce dysfonctionnement a été également à l'origine de la faible réalisation des projets PPTE, ainsi que le rapporte le Comité Consultatif et de Suivi des fonds PPTE (CCS-PPTE). L'exigence de bonne gouvernance s'avère essentielle à la réalisation de projets viables ; c'est aussi la condition essentielle au déblocage des fonds PPTE pour la plupart non encore utilisés. La principale difficulté du Cameroun est donc une gouvernance de type managérial, au regard des détournements de deniers publics observés dans la fonction publique camerounaise62(*). Dans l'ordre des critères d'ordre managérial de bonne gouvernance, on relève : - la qualité de la gestion publique, depuis la conception et la formulation des politiques dans tous les domaines (économique, financier, social, culturel, scientifique, technique, administratif, etc.) jusqu'à la phase du contrôle, en passant par celle de la mise en oeuvre et du suivi-évaluation ; - la transparence dans la gestion et la lutte contre la corruption ; - l' "accountability "des décisions et actions du gouvernement et de tous ceux qui sont investis d'une parcelle d'autorité de la puissance publique. Cet anglicisme signifie à la fois imputabilité, obligation de rendre compte, responsabilité. Ce dernier terme s'applique généralement à trois domaines principaux : - responsabilité politique, c'est-à-dire l'obligation pour toute autorité de rendre compte des décisions qu'elle a prises, omis de prendre ou prises au mauvais moment ; - responsabilité administrative, vis-à-vis de la hiérarchie, des usagers, des organes chargés de veiller au respect de l'éthique professionnelle, etc. ; - responsabilité financière et budgétaire, se rapportant à l'affectation, à l'utilisation et au contrôle des fonds et actifs publics ; - une fonction publique compétente, intègre, performante, politiquement neutre et objectivement impartiale, afin de rendre à tous des services de qualité, en tant que véhicule privilégié de la bonne gouvernance au sein de l'Etat ; - un grand respect du bien public et de la propriété privée, ainsi que la recherche constante de la meilleure qualité aux meilleurs coûts. L'essence de la bonne gouvernance est d'abord de mieux servir les intérêts du pays où elle est pratiquée, et non de chercher à plaire à ses partenaires commerciaux ou à ses bailleurs de fonds. La construction d'un Etat fort, capable de traiter avec l'extérieur et ayant une diplomatie forte, passe donc par la pratique de la bonne gouvernance ; c'est la première étape vers l'établissement d'une culture stratégique. Il faut alors éviter une gouvernance tournée vers l'extérieur, car elle est de nature à créer des logiques de situation ; on aboutit alors à une gouvernance de convenance, à une gouvernance de conjoncture, celle qui s'adapte à une situation ; c'est elle qui a jalonné la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE et a été à l'origine des effets d'extraversion. B) L'établissement d'une culture stratégique camerounaise La culture stratégique s'entend comme la capacité d'un Etat à concevoir un cadre d'élaboration et de mise en oeuvre d'une politique économique, démographique, sociale, culturelle qui vise à défendre et à protéger ses intérêts dans un espace déterminé et sur un terme relativement long. La difficulté du Cameroun est liée au fait que sa politique économique dépend des programmes conçus dans le cadre des institutions de Bretton Woods ; on procède donc généralement au coup par coup à des ajustements, la recherche d'un point d'équilibre qu'on nomme l'équilibre macro-économique ou l'équilibre de la balance commerciale. Pour établir une culture stratégique, il faut avoir des repères dans le temps et dans l'espace ; il faut une manière de faire la politique (interne ou étrangère) qui soit invariable quels que soient les gouvernements. A titre de comparaison, la culture stratégique française s'est forgée par le biais de la pensée géopolitique du général De Gaulle, construite autour de quatre axes majeurs : - faire de l'Europe le marche-pied pour permettre à la France de retrouver le statut de grande puissance ; - doter la France de l'arme nucléaire, afin de lui permettre d'assurer elle-même sa propre défense ; - se faire le défenseur des plus faibles en vue de s'attirer la sympathie de la Communauté Internationale ; - se servir de l'Afrique pour faire de la France un empire. Si l'exigence de bonne gouvernance est destinée à l'intérieur du pays, la nécessité d'établir une culture stratégique s'inscrit dans une optique d'étendre la puissance du Cameroun dans l'espace et dans le temps. Plutôt que de voir transformer son territoire en glacis géostratégique où s'affrontent les grandes puissances, le Cameroun pourrait utiliser sa position géographique comme un atout destiné à le protéger des velléités de projections des grandes puissances étrangères. * 62 Voir site de la Caisse Autonome d'Amortissement, online www.Caa.cm |
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