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Les enjeux géostratégiques de l'initiative pays pauvres très endettés (PPTE): le cas du Cameroun

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par Bruno ATANGANA
Université de Yaoundé II - Soa - DEA 2009
  

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CONCLUSION GÉNÉRALE ......................................................................89

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ............................................................. 92

ANNEXES .......................................................................................101

CARTES .......................................................................................110

DEDICACE

A mes parents MEYONG ONDOUA Paulin et ABESSOLO Marie Claire qui m'ont soutenu et à qui je dois ma réussite. Que le seigneur les comble de sa grâce et récompense leurs efforts.

REMERCIEMENTS

Je formule mes remerciements à l'endroit de tous ceux et celles qui m'ont soutenu et assisté tout au long de cette expérience.

Mes remerciements vont :

v Tout d'abord au Docteur Alain FOGUE qui a accompagné mes premiers pas dans le domaine de la Recherche ;

- au Professeur Luc SINDJOUN, Chef du Département de Sciences Politiques qui n'a ménagé aucun effort à la réussite de tous et de chacun, ainsi que pour la qualité de ses enseignements ;

- à tous les enseignants du Département de Sciences Politiques dont le dévouement et l'assiduité contribuent à rehausser le niveau des enseignements.

v Ensuite toute ma gratitude à ma famille particulièrement mon père MEYONG ONDOUA Paulin, ma mère ABESSOLO Marie Claire ; mes tantes Afana Odile et Abodo Marie Thérèse ; mes soeurs Ntsama Ondoua, Mme Etoungue née Chysensky Jeanne, Afana Blanche, Afana Nadège, Nnomo Claire, Ongono Irène, Mengue virginie, Mendouga Evana, Abessolo Sunday ; mes frères l'abbé Alphonse Mbida, Anyouzoa Armand, Eteme Mohamadou, Meyong Paulin, Ntimbena Anicet, Koungou Ferdinand, Mbogsi Valentin, Seme Bomba, Ondoua Bertrand, Nkunda Hervé, Mbarga Joseph ; mes oncles Bomba André, Souga Jean Christophe, Ekotto François, Amougou Jean ;

- à la famille Essama, à la famille Bekuit, à la famille Ndjali, à la famille Loung à Mbalmayo pour leurs conseils, leur sollicitude et leur générosité ;

- à mes amis Ebanga Etienne, Moussol Bekuit Isaac Joel, Fouda Serge, Ndjeng Ghislain, Olinga Ndjali de regrettée mémoire,  pour leur appui indéfectible et leur disponibilité ;

- à ma bienfaitrice Madre Myriam, pour son appui et ses prières ;

- à mes camarades et amis Mapubi, Djoa, Mixon, Mayer, Ngo Ndjeng , Ngo Mune Noël, Suinzia, Idila, Foé Frédéric, Tchokonte , Eloundou Essomba, Mboua Patrick, Atemengue Marc, Ngo Bassom Germaine et Ndi Ndongo Marcellin.

SIGLES ET ABBREVIATIONS

- ACP : Afrique Caraïbe Pacifique

- AFD : Agence française de Développement

- AGOA : African Growth Opportunity Act

- ANIF : Agence Nationale d'Investigation Financière

- APD : Aide Publique au Développement

- APE : Accords de Partenariat Economique

- BAD : Banque Africaine de Développement

- BEAC : Banque des Etats de l'Afrique Centrale

- BICEC : Banque Internationale pour le Commerce et l'Epargne au Cameroun

- BICIC : Banque Internationale pour le Commerce et l'Industrie au Cameroun

- CAA : Caisse Autonome d'Amortissement

- CAMAIR : Cameroon Airlines

- CAMPOST : Cameroon Postal Services

- CAMTEL : Cameroon Telecommunications

- CCS - PPTE : Comité Consultatif de Suivi des Fonds PPTE

- D : Contrat Désendettement et Développement

- CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale

- CGG : Commission du Golfe de Guinée

- CNUCED : Centre des Nations Unies pour le Commerce

- CPIA : Country Policy and Institutional Assessment

- CONAC : Commission Nationale de Lutte contre la Corruption

- CSLP : Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté

- DR : Debt Reduction

- D/RB : Ratio Dette sur Recettes budgétaires

- DSRP : Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté

- DTS : Droits de Tirages Spéciaux

- D/X : Ratio Dette sur Exportation

- ELECAM : Elections Cameroon

- FAD : Fonds Africain de Développement

- FASR : Facilité d'Ajustement Structurel Renforcé

- FRPC : Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et de la Croissance

- FCFA : Franc la Coopération Financière d'Afrique

- FF : Franc Français

- FMI : Fond Monétaire International

- HIPC : Highly Indebted Poor Country

- IADM : Initiative d'Allègement de la Dette Multilatérale

- IDA : Association Internationale pour le Développement

- IDE : Investissements Directs Etrangers

- IFI : Institutions Financières Internationales

- IMF : International Monetary Fund

- IPPTE : Initiative Pays Pauvres Très Endettés

- IRPP : Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques

- ISPE : Instrument de Soutien à la Politique Economique

- ITIE : Initiative de Transparence des Industries Extractives

- G7 : Groupe des Pays les Plus Industrialisés

- LTD : Limited

- MPEF : Mémorandum de Politique Economique et Financière

- MST : Maladies Sexuellement Transmissibles

- NEPAD : Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique

- OCDE : Organisation pour la Coopération et le Développement Economique

- OHADA : Organisation pour l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique

- OMC : Organisation Mondiale du Commerce

- OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement

- OMF : Office Mondiale des Forets

- ONEL : Office National des Elections

- ONG : Organisation Non - Gouvernementale

- ONU : Organisation des Nations - Unies

- PAS : Plans d'Ajustement Structurel

- PIB : Produit Intérieur Brut

- PMA : Pays les Moins Avancés

- PNG : Programme National de Gouvernance

- PSFE : Programme Secteur Forêt et Environnement

- PSF : Programme Sans Financement

- PSI : Policy Support Instrument

- RCA : République Centrafricaine

- RDC : République Démocratique du Congo

- REGIFERCAM : Régie des Chemins de Fer du Cameroun

- SIDA : Syndrome d'Immuno - Déficience Acquise

- SIGIPES : Système Intégré de Gestion et d'Identification du Personnel Solde

- SNEC : Société Nationale des Eaux du Cameroun

- SNH : Société Nationale des Hydrocarbures

- SOCAPALM : Société Camerounaise des Palmeraies

- SONARA : Société Nationale des Raffineries

- SONEL : Société Nationale d'Electricité

- SPG : Systèmes de Préférences Généralisées

- TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée

- UE : Union Européenne

- US : United States

- USA : United States of America

- VAN : Valeur Actuelle Nette

- VIH : Virus d'Immuno - Déficience Humaine

- ZSP : Zone de Solidarité Prioritaire

RESUME 

L'Initiative PPTE est un programme économique et financier lancé par le G7 réuni à Lyon en 1996. L'objectif était dès lors d'alléger la dette des pays pauvres très endettés ; avec la mise en place de l'initiative d'allègement de la dette multilatérale, ce programme se fixe pour but de contribuer à réduire la pauvreté de moitié à l'horizon 2015. Tout se présente en apparence comme une main tendue des plus riches en faveur des plus pauvres, mais les conditions de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE, parce qu'elles sont rigides, ont rendu le programme onéreux pour les pays bénéficiaires. Notre étude se propose d'analyser l'agenda caché d'un programme dont on dit receler des vertus « paupéricides ». A partir de la méthode géopolitique, nous démontrons qu'une lecture au fonds de l'Initiative PPTE permet de dégager des enjeux géostratégiques, notamment pour ce qui est du Cameroun. En effet sa position géographique importante dans le Golfe de Guinée et son potentiel économique dans la sous région CEMAC, ont notamment favorisé des logiques de projections de puissance sur son territoire ; mais c'est surtout par la gestion de son programme PPTE et sa faible capacité de négociation que ce programme d'allègement de dette va se transformer en objet de manipulation de la part de ses puissances créancières à la recherche d'intérêts. Cette étude se propose donc d'être une contribution à la construction d'une culture stratégique camerounaise destinée à marquer l'intérêt national du Cameroun au centre de toute action politique.

ABSTRACT:

Addressing Highly Indebted Poor Countries Initiative (HIPC) does not come down to figure it out as a simple programme of debt relief. Within the framework of national interests among states, the scope of this programme can be checked on the seize of each partners goals. Cameroon as a plateform is targeted to serve the theatre of the competition between powerful states, HIPC is a way to get it done. The challenge here is to find out the stakes and outlook of an apparently good programme of debt relief.

INTRODUCTION GÉNÉRALE

1. Présentation du sujet

Du fait des réticences de nombreux pays débiteurs à honorer leurs engagements1(*), la question du paiement de la dette dans les opérations d'octroi de crédit s'est très souvent posée dans les Relations Internationales. C'est pour tenter de remédier à cette situation que dans le cadre des institutions financières internationales  (FMI et Banque Mondiale), on a successivement envisagé le rééchelonnement, la conversion, l'allègement ou l'annulation de la dette. En effet entre 1989 et 1994, plusieurs Initiatives d'allègement de la dette ont vu le jour : le premier abandon de créance fut envisagé à l'occasion du sommet du G7 de Toronto en Juin 1988. Cette politique de remise partielle qui concernait aussi bien la dette publique que la dette privée, s'élevait à 33% de la dette des Pays les Moins Avancés (PMA). C'est dans la même veine que le plan Brady proposait en Mars 1989 aux Banques Américaines de réduire la dette des Pays en Voie de Développement (PED), en échange d'une garantie du Trésor Américain. Cette politique fut reprise par le Club de Londres qui réunit les créanciers privés, et permit de restructurer 80% de la dette du Tiers Monde. Concernant la dette publique détenue par les Etats ou garantie par eux, le Club de Paris décida en 1991 d'abandonner certaines créances jusqu'à hauteur de 50%. En 1989 et en 1994, la France décida par ailleurs la réduction de la dette des pays de la zone franc ; dans le même temps la Suisse mit en place la Facilité de Désendettement Suisse (FDS).

Mais ces programmes se sont révélés insuffisants et inefficaces pour le désendettement des pays pauvres, et surtout ils ne concernaient que les créanciers publics et privés, c'est pour cette raison qu'en Juin 1996, un nouveau programme de réduction de la dette vit le jour, appelé Initiative PPTE. C'est une Initiative d'allègement de la dette en faveur des pays pauvres très endettés mis en place conjointement par le FMI et la Banque Mondiale ; elle vise à ramener la dette de ces pays à un niveau jugé acceptable. L'innovation essentielle de ce programme est que la réduction de la dette concerne aussi bien la dette publique, la dette privée que la dette multilatérale. Ainsi c'est pour la première fois et de manière exceptionnelle2(*) que les institutions de Bretton Woods intègrent dans leurs politiques une pratique de l'annulation de la dette de leurs pays membres.

Dès son lancement en 1996, l'Initiative PPTE avait été assortie d'une clause d'expiration encore appelée clause du crépuscule ou « Sunset clause » d'une durée de deux ans afin d'éviter d'en faire une facilité permanente ; ainsi, la fin de l'Initiative PPTE était prévue pour le 31 Décembre 2004. Face aux lenteurs de l'Initiative et aux erreurs dans les prévisions économiques des IFI, la clause a été prolongée une première fois de 1998 à 2000. Malgré l'annonce par le G8 en 1999 d'un allègement plus rapide et plus global, trois extensions ont été nécessaires : en 2000, 2002, puis 2004. Face à cette échéance, les fonctionnaires du FMI et de la Banque Mondiale ont proposé quatre options : mettre fin à l'Initiative comme prévu fin 2000; prolonger l'Initiative de deux ans ; prolonger l'Initiative et l'élargir à de nouveaux pays à des conditions de performance très strictes; prolonger l'Initiative, mais limiter les allègements futurs aux dettes contractées avant fin 2004. Finalement, l'Initiative a été prolongée en 2006 et même jusqu'en 2007 pour permettre à certains pays d'atteindre le point d'achèvement3(*).

Au niveau mondial, 42 pays ont été déclarés admissibles à l'Initiative PPTE d'après le rapport de la Banque Mondiale d'août 2006, ainsi que l'illustre la carte 1(Cf. annexe). L'Afrique qui est le plus grand bénéficiaire de ce programme, compte à elle seule 34 pays pauvres très endettés au rang desquels le Cameroun.

Le Cameroun est un pays dont la trajectoire est particulière dans le parcours à l'Initiative PPTE. Ayant bénéficié à chaque fois des mesures dérogatoires (à l'instar de l'Initiative PPTE Renforcée et de la prolongation de la Sunset clause pour atteindre son point d'achèvement), le Cameroun fait partie des pays dans lesquels les créanciers bilatéraux jouent un rôle important4(*) : il s'agit des Etats qui détiennent d'importantes créances à l'égard du Cameroun soit dans le cadre du Club de Paris, soit en dehors. C'est dans cette perspective que se situe le thème enjeux géostratégiques de l'Initiative PPTE, car il s'agit de comprendre les motivations profondes de ces créanciers à accorder une importante réduction de dette au Cameroun - créanciers dont certains pour la plupart membres de l'Union Européenne, entretiennent des relations économiques et commerciales avec le Cameroun - notamment dans le cadre des accords ACP-UE et dont l'Accord de Cotonou est l'expression la plus manifeste. La France en particulier joue un rôle important dans l'Initiative PPTE du fait du montant élevé de ses annulations de dette à l'égard du Cameroun, avec qui elle a souvent entretenu des rapports patrimoniaux (BADIE). Pour d'autres, le Cameroun est devenu un pôle d'attraction économique et sécuritaire ; c'est le cas des Etats-Unis et de la Chine.

Cette étude se donne donc pour objectif de démontrer et d'illustrer les enjeux géostratégiques suscités par l'Initiative PPTE, notamment en ce qui concerne le Cameroun.

2. Clarification Conceptuelle

Le thème enjeux géostratégiques de l'Initiative PPTE est structuré autour de la notion de géostratégie.

En théorie, il est difficile de trouver une définition appropriée au terme géostratégie, du fait du caractère polysémique du concept. Toute tentative de définition succombe à la tentation d'une comparaison avec la géopolitique : selon le groupe de géostratégie du Laboratoire de stratégie théorique de la FEDN, la géopolitique raisonnerait en termes de zone d'influence alors que la géostratégie raisonnerait en termes de glacis (DEBIE et alii, 1991-2 :50). Selon Hervé Coutau Bégarie, cette définition est très réductrice, car elle se réfère par priorité sinon exclusivement à une géostratégie en temps de paix alors que le conflit par excellence est et reste la guerre. Il propose donc de trouver une définition qui témoigne de l'élargissement de la géostratégie en temps de paix sans oublier qu'elle trouve d'abord et surtout son application dans le conflit (Coutau-Bégarie, 1999 :34-35). De son coté, le contre-amiral François Caron insiste sur la parenté très intime qui unit à travers les mêmes données, les deux mondes de la géopolitique et de la géostratégie. La géopolitique ne peut être que l'étude des facteurs généraux dont la dimension est de nature à affecter, en profondeur, dans un sens ou dans l'autre, le projet politique. La géostratégie analyse l'ensemble des données de toutes sortes, appartenant tant à l'Economie qu'à la Sociologie, à la Démographie, mais aussi au domaine militaire, susceptible d'affecter la stratégie générale mise en oeuvre par l'Etat. Mais encore ici, la géostratégie semble trop générale ; à vouloir tout contenir, elle perd de sa substance et de sa spécificité. C'est dans ce souci de concision que Bégarie la limite aux détails, aux contingences et au court terme, par opposition à une inclinaison vers les grands ensembles et la longue durée qui caractérisent la géopolitique (Bégarie, op.cit : 684). La géostratégie permet donc de comprendre des faits souvent peu importants qui auront de fortes influences. Ce n'est pas une étude détaillée complète qu'il faut entreprendre, mais simplement l'examen de certains détails. Il ne faut pas négliger telle ou telle partie de cet enseignement sous prétexte de ne voir que des ensembles, au contraire il est bon parfois d'analyser avant de synthétiser à outrance (Villate). Cette approche nous semble plus pertinente, car elle permet de mieux cerner la notion d'enjeux géostratégiques. Parler d'enjeu revient à indiquer ce qui se dispute derrière une négociation, un accord ou un conflit. A partir de l'Initiative d'allègement de la dette des pays pauvres très endettés, cette étude se propose d'examiner des faits qui, au-delà de l'acte d'annulation de la dette, ont une forte influence sur le Cameroun. En faveur de qui et contre qui la dialectique des intelligences (Bégarie, op.cit) inscrite dans le cadre de ce programme d'Initiative PPTE se joue-t-elle ? Si la notion d'espace garde ici toute sa pertinence, c'est sans doute parce qu'elle sert de cadre à l'élaboration des stratégies : la géostratégie dans ce cas est l'art de transformer l'espace adverse au mieux des intérêts de celui qui s'en sert, en évitant que son espace soit transformé au mieux des intérêts de l'adversaire. Les enjeux géostratégiques de l'Initiative PPTE, parce qu'ils relèvent de la compétition entre acteurs en scène, se recoupent donc en deux aspects : la possibilité que des intérêts se jouent derrière le programme d'annulation de la dette des pays pauvres très endettés d'une part ; et d'autre part le déploiement de stratégies de la part des créanciers en vue de transformer l'espace Camerounais au mieux de leurs intérêts.

3. Revue de la Littérature

Comme beaucoup d'auteurs avant nous, nous nous intéresserons à l'étude de l'Initiative PPTE. Pour mieux évaluer la littérature portant sur la question, l'analyse tournera autour de trois thématiques : socio-économique, libérale et réaliste.

Sur le plan socio-économique, quelques auteurs analysent l'impact de l'Initiative PPTE sur la croissance économique et la lutte contre la pauvreté. C'est la perspective tracée par Sosthène Hervé Mouafo Ngatom dans son mémoire intitulé : « L'Initiative PPTE et la lutte contre la pauvreté au Cameroun ; une analyse sociologique », ce dernier affirme que les mécanismes mis en oeuvre dans le cadre de l'Initiative ne sont pas suffisamment efficaces pour lutter contre la pauvreté au Cameroun. Pour cela il suggère la participation de toutes les couches sociales (notamment la Société civile et les ONG) dans la mise en oeuvre du Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP). De son coté, Hérédia Cica Mathilda Dadjo, s'intéressant au cas béninois dans son mémoire intitulé « la problématique de la mise en oeuvre du DSRP par les collectivités locales au bénin » propose la participation des autorités locales dans la mise en oeuvre du DSRP. Claire Barraud dans son mémoire intitulé « le défi du désendettement soutenable en Afrique Subsaharienne : au-delà de l'Initiative PPTE », suggère des solutions alternatives au désendettement des pays africains. Pour elle, il faut envisager d'autres mécanismes d'allègement de la dette en dehors de l'Initiative PPTE. Ce point de vue est partagé par Kenkouo Guy Albert dans son mémoire intitulé « Soutenabilité de la dette des pays post PPTE de la zone franc » ; celui-ci tend à démontrer que si l'Initiative PPTE permet à certains pays éligibles d'avoir une dette viable dès l'atteinte du point d'achèvement, elle n'est pas suffisante à elle seule pour le maintien de cette viabilité dans le court, moyen et long terme. La sous évaluation de la dette intérieure (car les allègements portent sur la dette extérieure et les économies des pays post PPTE de la zone franc sont vulnérables) d'une part, le surendettement et les conditions du réendettement qu'il convient de maîtriser d'autre part, peuvent conduire à de nouvelles crises de la dette. L'auteur pense donc qu'il convient d'élaborer des stratégies et programmes d'endettement conformes aux objectifs de développement économique des pays, tout en visant le maintien de la viabilité de la dette. De plus, les pays post PPTE de la zone franc doivent consolider leurs bases productrices et leurs exportations, promouvoir la croissance économique et la bonne gouvernance.

Analysant le parcours du Cameroun, Mounira Moustapha dans son mémoire intitulé « l'Initiative pays pauvres très endettes (PPTE) : le cas du Cameroun », estime que ce programme représente un processus long et ardu pour les pays bénéficiaires : les conditionnalités des institutions de Bretton Woods sont intransigeantes et requièrent de graves sacrifices de la part des populations et surtout font peser sur les gouvernements une pression sociale de nature à créer un climat politique instable. A partir du cas du Cameroun, l'auteur montre la difficulté du parcours à l'Initiative PPTE dont la perspective de l'atteinte du point d'achèvement suscite de nombreux espoirs, lesquels ne sont pas toujours comblés. Raison pour laquelle l'auteur pense que l'Initiative PPTE est une solution précaire, d'où la nécessité d'une annulation « totale et inconditionnée » de la dette des pays pauvres.

Dans le même ordre d'idées, Jokung Nguena met en évidence le contenu et les mécanismes de fonctionnement de l'Initiative PPTE. Il évalue les enjeux économiques de ce programme pour la croissance des pays africains. Son ouvrage l'Initiative PPTE, quels enjeux pour l'Afrique ? parait avant l'atteinte par le Cameroun du point d'achèvement ; il propose alors des solutions pour y parvenir. Pour l'auteur, l'Initiative PPTE est une occasion tangible offerte aux pays africains et à leurs gouvernements de sortir de l'état de paupérisation et de marginalisation actuel, afin de participer au progrès mondial et de tirer profit des échanges commerciaux planétaires. Enfin, Isaac Tamba dans l'ouvrage Cameroun : enjeux et défis de l'Initiative PPTE, expose des moyens de gestion efficace de l'Initiative PPTE en vue de permettre au Cameroun de retrouver le chemin de la croissance.

La thématique libérale est quant à elle développée par Babissakana dans un article intitulé « privatisation de la Sonel et crise d'énergie électrique : sortir du modèle inopérant du FMI et de la Banque Mondiale est un impératif pour le Cameroun ». L'auteur décrie la situation de dépendance qui lie le Cameroun aux institutions financières internationales et qui se manifeste par des privatisations forcées. Dans la même veine, Thierry Ngogang in « Initiative PPTE : entre illusion et arnaque », pense que l'Initiative PPTE vise à assurer la pérennité des remboursements et à dissimuler le renforcement de l'ajustement structurel sous une apparence de générosité. C'est également le point de vue qui se dégage d'un ouvrage collectif paru en Avril 2001 : de l'écart entre le discours et la réalité : le faux allègement de la dette des pays pauvres très endettés. Il y est fait mention d'un fossé entre le discours officiel de générosité des institutions de Bretton Woods à l'égard des pauvres et la réalité des chiffres qui expriment le contraire.

Eric Toussaint quant à lui dans une thématique réaliste, s'introduit dans les coulisses de la géopolitique et de la finance internationale. Il pense à travers son ouvrage Banque Mondiale : le coup d'Etat permanent, qu'il existe un jeu « d'arnaque » orchestré par le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale au service des intérêts des grandes puissances. Cette voie est celle qui se rapproche le plus de la problématique de notre étude.

4. Problématique.

Au cours des multiples rencontres internationales où la question de l'Initiative PPTE a été à l'ordre du jour, la lutte contre la pauvreté a toujours été au coeur des discussions. Selon les pays du G7, initiateurs du programme, il s'agit de donner une chance de développement aux pays du Sud, souvent ruinés par le poids de la dette. Cependant, la perspective d'un développement par le financement de la dette que propose l'Initiative PPTE, recèle des conditionnalités qui rendent parfois le projet plus coûteux pour les pays bénéficiaires ; de plus, la possibilité qu'ont les créanciers bilatéraux de négocier directement et de manière discrétionnaire le traitement de la dette, expose leurs débiteurs à d'éventuelles manipulations. Le choix des critères de sélection se faisant au cas par cas, le Cameroun s'est vu intégrer à l'Initiative d'allègement de la dette des pays pauvres très endettés. Mais eu égard à sa position géographique importante dans le Golfe de Guinée et dans l'espace CEMAC, son choix semble n'avoir pas été fortuit. Aussi sommes-nous enclin à nous interroger sur les enjeux géostratégiques qui entourent l'Initiative PPTE. Que cache réellement l'Initiative PPTE au-delà du discours officiel d'annulation de la dette ?

5. Hypothèse :

En théorie, l'Initiative PPTE s'inscrit dans un partenariat donnant-donnant entre les créanciers et les débiteurs : d'une part, les débiteurs voient leur fardeau de la dette allégé ; ce qui accroît leur chance de sortir du sous développement. D'autre part, les créanciers voient rétablir la solvabilité de leurs débiteurs. En pratique, l'intérêt de ce programme réside dans la capacité de chaque partie prenante à négocier habilement. Mais le Cameroun, en raison de la situation géographique importante du pays et donc des convoitises qu'il suscite auprès des puissances industrielles en compétition pour le contrôle du Golfe de Guinée, et surtout eu égard à la faible capacité de négociation de sa diplomatie et aux multiples dysfonctionnements de son administration, le programme d'Initiative PPTE a fait l'objet d'une instrumentalisation orchestrée par ses créanciers.

6. Approche théorique

La lecture géostratégique de l'Initiative PPTE apparaît éminemment pertinente dans la perspective réaliste. Fort relativisée dans le paradigme de l'état de nature (Waltz, 1979 ; Krasner, 1983), cette approche s'impose comme décisive à partir de la logique de l'intérêt. Le réalisme admet en effet que l'intérêt guide l'action des Etats sur la scène internationale : c'est leur principal but (Roche, 2001 :23). Il s'en suit que les Etats n'ont pas d'amis, ils ne défendent que des intérêts, ainsi que l'illustre la formule de Georges Washington, « aucun Etat ne doit être cru au-delà de son intérêt ». Fort est donc de constater que même le développement des théories de la coopération ne permet pas de remettre en cause le bien fondé de ce paradigme ; d'où les formules telles que « on a plus intérêt à coopérer qu'a ne pas coopérer » qui fonde la théorie des jeux (Axelrod, 1992).

Mais ce point de vue n'est pas partagé par les théories idéalistes qui fondent leurs principes sur l'existence des biens communs de l'humanité à savoir les droits de l'Homme, la démocratie, la paix, l'environnement, la lutte contre la pauvreté. L'on justifie ainsi ces idéaux par la mise en place au sein des organisations internationales des programmes à caractère humanitaire et humaniste, et dont l'Initiative PPTE semble en être le symbole. Selon ses promoteurs (le G7, le FMI et la Banque mondiale), l'Initiative PPTE est destinée à lutter contre la pauvreté en vue d'atteindre les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) prévus en 2015.

En réalité, une lecture idéaliste de l'Initiative PPTE ne nous permettrait pas d'expliquer les enjeux et les non-dits autour de ce programme d'allègement de dette. Elle conforte certainement la posture d'une solidarité internationale soucieuse des problèmes communs de l'humanité, ainsi que le démontre l'action de Jubilé 20005(*) dans le cadre de son combat contre la pauvreté dans le monde. Mais la ferveur suscitée autour de ce programme ne doit pas faire oublier l'échec des Initiatives précédentes6(*) pilotées également par le FMI et la Banque Mondiale, ainsi que l'idéologie libérale qu'elles ont véhiculée. A cette occasion, l'ouverture des marchés s'est faite au bénéfice des entreprises étrangères et au détriment des marchés locaux. La logique capitaliste marquée par la recherche du profit, a ainsi très souvent prévalu en faveur de l'Occident (Stiglitz, 2002). Pour mieux comprendre les contours géostratégiques de cette étude, l'approche réaliste nous semble la plus appropriée du fait de la persistance des figures du politique et d'intérêt national dans les Relations Internationales contemporaines.

7. Approche méthodologique :

La méthode géopolitique est une méthode d'investigation et de lecture des faits. Selon François Thual, chaque fois qu'il y a tension, conflit, guerre, négociation, crise, il faut se poser les questions suivantes : qui veut quoi ? Avec qui ? Comment et pourquoi ? (Thual, 19996). Il s'agit en effet d'identifier les acteurs, analyser leurs motivations, décrire leurs intentions, repérer les alliances en gestation ou au contraire en voie de déconstruction. De ce point de vue, on ne peut mieux comprendre un événement ou un fait qu'en le figurant tel qu'il est et non tel qu'il devrait être ; on procède ainsi à la démystification des apparences pour accéder à la réalité. La géopolitique comme méthode permet donc d'aller au-delà des discours officiels pour identifier les intentions réelles, même si celles-ci sont « ensevelies au plus profond des attitudes des Etats » (Thual, op.cit). C'est cette logique que poursuit notre étude : en effet, l'Initiative PPTE véhicule l'idée d'une générosité à l'échelle mondiale et de la bienveillance de la communauté internationale en faveur des pays pauvres très endettés. Certes notre objectif n'est pas de nier l'effectivité des opérations d'allègement de dette, mais plutôt de montrer qu'au-delà du discours officiel, prévaut une logique d'instrumentalisation qui sert les intérêts des créanciers. En dehors des contributeurs multilatéraux et privés, le Cameroun a comme principaux créanciers bilatéraux les Etats de l'Union Européenne qui entretiennent des relations commerciales avec le Cameroun dans le cadre des Accords ACP-UE ; les Etats-Unis, la Chine et la France pour qui le Cameroun est devenu un pôle d'attraction économique et sécuritaire. Les enjeux de cette étude se situent bien au-delà de l'acte d'allègement de la dette ; il s'agit de reformater en permanence les données de cette actualité dans des « schémas d'étude des intentions » sur la longue durée. Il s'agit en d'autres termes de décrypter le calendrier inavoué de ces créanciers dans leurs relations avec le Cameroun.

A partir de la conjoncture événementielle et la recherche des causalités structurelles, l'Initiative PPTE pourra être perçue sous un spectre nouveau. En reprenant les trois niveaux de causalités et leur mise en perspective (Duroselle, 1992), nous tenterons de comprendre pourquoi au niveau de la situation temporelle, l'Initiative PPTE a été lancée en 1996 et pas avant ; au niveau de la situation conjoncturelle, nous identifierons les motivations et les ambitions de chacun des créanciers du Cameroun ; enfin au niveau de la situation structurelle, nous établirons la mise en perspective de ces causes sur la longue durée.

8. Intérêt du sujet :

Au plan scientifique, cette étude permet d'affirmer la perspective d'une géostratégie en temps de paix. A partir d'une Initiative d'allègement de la dette des pays pauvres, s'opèrent des stratégies de projection dans l'espace adverse en vue de le transformer au mieux des intérêts de ceux qui s'en servent. Le Cameroun est le théâtre de ces opérations dépourvues de logiques guerrières : en effet ses créanciers parviennent à transformer une situation qui lui est favorable (la promesse d'allègement de sa dette) en un fardeau pour lequel il est contraint à faire des concessions et des sacrifices. On reste bien au coeur de la dialectique des intelligences commandée par la volonté (Bégarie, op.cit) où les acteurs transforment des situations défavorables en situations favorables. Dans le même temps, cette étude se veut une contribution à la construction d'une culture stratégique camerounaise.

9. Techniques de recherche :

Nous avons utilisé dans le cadre de ce travail l'enquête documentaire : cette technique a essentiellement consisté en une recherche sur Internet, en bibliothèque ; à cet effet, nous avons parcouru le centre d'informations des Nations Unis, le centre de recherche Paul Ango Ela, les bibliothèques centrales de Yaoundé I et II, le Centre d'information James Baldwin de l'ambassade des Etats - Unis, le CREDDA. Nous avons également fait une étude de terrain, à travers une visite à la communauté urbaine de Yaoundé, notamment à la cellule de suivi des projets c2d où nous n'avons pas pu avoir accès aux archives de la communauté urbaine ; nous sommes néanmoins allés au siège du comité consultatif et de suivi des projets PPTE sis à Bastos où nous avons pu recueillir quelques informations. Nous sommes enfin allés au département Asie et au Département Europe du Ministère des Relations extérieures.

OPTION POUR UNE DEMARCHE HEURISTIQUE DE

DE L'INITIATIVE PPTE

Première partie :

L' Initiative PPTE est un programme mis en place en 1996 sous la conduite des institutions financières internationales. Pour certains observateurs, il ne fait pas de doute qu'il est à l'image des Programmes d'ajustement structurel ; pour d'autres, l'Initiative PPTE suscite de nombreux espoirs et peut certainement contribuer à la réduction de la pauvreté. La perception qu'on peut avoir de ce programme dépend de son contenu et des modalités de sa mise en oeuvre : l'Initiative PPTE est un programme très complexe qui ne peut être mieux compris qu'en isolant un objet. En réalité l'étude au cas par cas nous permet de mieux cerner les contours d'un dispositif opérationnel selon le niveau de développement du pays bénéficiaire et de sa capacité de négociation ; le choix du Cameroun nous paraît judicieux à cet égard. En effet la mise en oeuvre de son programme d'Initiative PPTE a été plus ou moins irrégulière et relativement longue, du fait du retard et de la non exécution de certains programmes. L'objectif de cette partie est de comprendre le concept, son fonctionnement et sa mise en oeuvre par le Cameroun ; dans cette optique, nous présenterons l'Initiative PPTE et la situation du Cameroun dans ce programme (chapitre I), ensuite nous parlerons de l'examen des orientations politiques du Cameroun depuis son admission à ce programme (chapitre II).

L'ANALYSE DE L'INITIATIVE PPTE DANS LE CAS DU CAMEROUN

* 1 En 1982, le Mexique a signalé son incapacité à assurer le service de la dette extérieure. Dès lors le problème s'est généralisé dans la plupart des pays en voie de développement.

* 2 En théorie, les statuts des deux institutions leur interdisent d'annuler toute dette contractée par les pays membres.

* 3 Parmi ces pays qui ont pu bénéficier de la prolongation de la « sunset clause », on peut citer le Cameroun (avril 2006); RDC (3e trimestre 2006) ; Malawi (3e trimestre 2006) ; Sao Tomé et Principe (3e trimestre 2006) ; Sierra Léone (4e trimestre 2006) ; Burundi (2e trimestre 2006) ; Gambie (1er trimestre 2007) ; Guinée (4e trimestre 2006). Voir rapport dette et développement 2005-2006.

* 4 La part des créanciers bilatéraux du Cameroun dans le cadre de l'Initiative PPTE représente 70% celle des créanciers multilatéraux 21% et 9% pour les créanciers prives. Voir Moustapha Mounira, 2005 « L'Initiative pays pauvres très endettés IPPTE : le cas du Cameroun », Montréal -Université du Québec.

* 5 En juin 1999 au Sommet du G7 de Cologne, les pays riches s'étaient engagés à répondre favorablement à la pétition de 17 millions de signatures déposée par la coalition Jubilé 2000 : 90 de la dette des pays pauvres devait être annulé au cours de l'année 2000, grâce à l'application de l'Initiative PPTE. Voir Arnaud Zacharie, « les dix limites de l'Initiative PPTE » in file // :limitesppte.htm.

* 6 Plusieurs programmes de traitement de la dette des pays à faible revenu ont été lancés par le FMI et la Banque Mondiale. Parmi les plus récents, on retrouve les programmes d'ajustement structurel qui se sont soldés par un échec. Selon l'aveu même des institutions de Bretton Woods, c'est ce qui a justifie la mise en place d'un nouveau programme appelé Initiative PPTE.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon