Régimes de change et croissance économique: Une étude comparative entre Haà¯ti et la république dominicaine (1970-2004)( Télécharger le fichier original )par Richard Casimir Université de Quisquéya - Maitrise 2006 |
1.3 - Analyse empirique sur la relation entre régimes de change et croissance économiqueL'impact des politiques macroéconomiques en régimes de taux de changes fixe et flexible sur la croissance économique a été étudié empiriquement par plusieurs économistes. Nous présenterons à travers la section 1.3, les résultats de quelques travaux récents. Le premier papier que nous présentons ici concerne une étude menée par Rizzo (1998). S'intéressant à l'impact des régimes de change sur la croissance en Amérique Latine, la Méditerranée et de l'Asie du Sud-est, l'auteur présente une étude13(*) comparée entre ces différentes régions sur le lien entre croissance économique et régime de change. Dans un premier temps, il exclut le taux de croissance du commerce. Il a régressé le logarithme du PIB par tête sur une variable Proxy du régime de change fixe, la croissance décalée de la consommation publique (CPUB) en guise d'approximation de l'impulsion budgétaire; le taux d'investissement (I/Y), la variabilité des termes de l'échange (óTE), assimilée à l'écart-type glissant sur trois ans des termes de l'échange et l'indice de développement de la Banque Mondiale (DVPT). Ce dernier est destiné à capter un éventuel effet de convergence. Dans un second temps, le taux de croissance du commerce extérieur (COMM) est intégré dans le modèle. Les résultats des différentes régressions qui sont analysés en détail à la section 3.1 ne suggèrent pas l'existence d'un lien global fort entre le régime de change et la croissance du PIB par tête. Le choix d'un régime de change n'est certes, pas neutre, mais son influence est relativement limitée. Lorsqu'elle s'exerce, c'est par des effets sur l'investissement et sur le commerce extérieur Comparativement aux pays à changes flexibles, les pays à changes fixes ont en moyenne, connu au cours de la période étudiée, une croissance par tête moins élevée, malgré un taux d'investissement supérieur. Un fait qui s'explique, selon l'auteur, par une croissance moins forte du commerce extérieur, pourvoyeur de gains de productivité et par l'existence d'une productivité résiduelle supérieure dans les pays à changes flexibles. Le second résultat empirique que nous analysons est celui de Amvouna (1998). Ce papier répond aux objectifs suivants : Premièrement, il vérifie comment les divers régimes de taux de change mis en place dans les pays africains ont affecté leurs performances économiques. Deuxièmement, compte tenu de l'environnement économique international de l'époque, principalement la nouvelle politique monétaire de l'Union Européenne et aussi la mondialisation de l'économie, l'auteur cherche à déterminer quel serait le meilleur arrangement de change pour les pays africains. L'auteur utilise un modèle économétrique pour atteindre son objectif. Ce travail repose sur le modèle néoclassique de base de la croissance économique14(*) et aussi ses extensions intégrant les effets de l'environnement macroéconomique et de la structure initiale du PIB. La formulation de son modèle15(*) se présente comme suit : DYit = a0t + a1GDIit + a2Nit + a3DEFit + a4DTTit + a5DEFit + a6DPit + a7KHUMit + a8DRERit + a9PCGNP0it + b10DEBTit + a11DUM16(*)it + Uit + Eit Les résultats suivants ont été trouvés : DYit = 0.080 + 0.029GDIi + 0.028Nit + 0.001DTTit - 001DEFit + 9.16E-05DPit (2.04) (5.18) (3.74) (2.41) (-3.43) (0.83) + 0.020Flott-libre - 0.003Flott-ajusté (2.83) (-0.33) R² = 0.607 R²-ajusté = 0.562 F-stat = 13.48 N =69
Avec un R2 ajusté qui oscille autour de 60%, les différentes régressions confirment globalement le choix des différentes variables déterminant la croissance du PIB. Les résultats révèlent que le taux d'investissement, le taux de variation des termes de l'échange, le taux de croissance de la population active, le rattachement solitaire à une devise et le flottement libre contribuent significativement à accroître le PIB. D'un autre côté, le déficit budgétaire, le flottement-ajusté agissent négativement sur la croissance. Cependant, le flottement-ajusté n'a pas d'impact significatif sur la croissance économique. En comparant les résultats des différentes régressions par pays, l'auteur conclut qu'il existe une relation évidente entre le régime de change et la croissance. Les pays qui ont opté pour un taux de change fixe tout en conservant leur autonomie de décision ont réalisé des performances comparables à ceux qui fonctionnaient avec des monnaies flottantes. En d'autres termes, un taux de change fixe et régulièrement ajusté se comporte de la même manière qu'un taux de change flottant. C'est ainsi que les membres des unions monétaires, à cause de leur indépendance se sont classés derrière tous les autres en matière croissance économique. De leur côté, Bailliu, J. et al (2002) ont présenté un travail dans lequel ils étudient le lien entre régime de change et croissance. Leur étude s'appuie sur une typologie en trois volets, qui établit une distinction entre régime de changes fixes, régime de changes flottants et régime intermédiaire. Ils avancent que cette typologie présente la particularité que deux des catégories (régime intermédiaire et changes flottants) caractérisent uniquement le régime de change, alors que la troisième (changes fixes) décrit à la fois le régime de change et le cadre de conduite de la politique monétaire. Selon les auteurs, passer outre cette particularité risque de fausser l'évaluation des effets qu'ont les différents régimes de change sur la croissance économique. Ainsi ils ont mis au point une typologie qui englobe différents cadres de politique monétaire. Ils estiment l'incidence du régime de change sur la croissance d'après des données longitudinales relatives à 60 pays pour la période allant de 1973 à 1998, en recourant à une application dynamique de la méthode des moments généralisés. Le modèle utilisé se formalise comme suit17(*) : GRi,t ?= a i + ht + Vi,t b +??Xi? t? d +? e i t
Suite aux différentes régressions18(*), le constat est que les régimes de change assortis d'un point d'ancrage aux fins de la conduite de la politique monétaire, qu'il s'agisse de régimes de changes fixes ou flottants ou de régimes intermédiaires, exercent une influence positive sur la croissance. Par ailleurs, les régimes de changes flottants ou les régimes intermédiaires dépourvus de point d'ancrage nuisent à la croissance. En conclusion, l'étude permet de croire que la présence d'un cadre de politique monétaire solide, plutôt que le régime de change comme tel, est un facteur déterminant de l'expansion économique. En outre, l'étude fait ressortir combien il importe de considérer le cadre de politique monétaire qui accompagne le régime de change lorsque l'on évalue les effets de ce régime sur la tenue globale de l'économie. Un autre aspect important dans la littérature sur la relation entre régime de change et croissance concerne les investissements directs étrangers. Les pays en développement misent beaucoup sur les IDE pour faciliter leur développement. Dans une économie de marché, le régime de change conditionne en partie l'intensité du commerce extérieur et la décision d'investissement des investisseurs internationaux. C'est pourquoi les économistes s'intéressent à la relation entre les IDE et le régime de change. Par exemple, Abdallah et al. (2001 a estimé un modèle19(*) sur l'investissement direct étranger et ses déterminants de localisation. Leur objectif est d'évaluer le bien-fondé de cette politique d'attraction des IDE. L'équation estimée s'écrit comme suit : IDEit = ait + a1OUVit + a2STABPOLit + a3KHit + a4IDISit + a5VOLit + a6CHANGEit + a7IDOMit + eit Les résultats trouvés dans l'une des régressions sont les suivants : IDE = 3.10*OUV + 2.9*STABPO + 3.6KH - 0.4* IDIS + 0.70CHANGE + 3.6 IDOM (15.32) (1.04) (4.04) (-1.19) (3.23) (2.53) R² = 0.41 n = 434 Les auteurs de cette étude20(*) aboutissent à la conclusion que la volatilité de change affecte négativement les flux des IDE, et que l'IDE joue un rôle de catalyseur de la croissance et donc du développement des pays émergents. Toutefois, il ne joue un effet positif sur la croissance de ces pays que si ces derniers possèdent et améliorent au cours du temps leur stock de capital humain. Seule une combinaison des deux permet aux pays d'accueil de récolter les fruits des localisations des entreprises multinationales. Quant au régime de change, il contribue significativement et positivement à l'explication des flux d'IDE. Par ricochet, on peut dire que, d'après ces résultats, le régime de change explique de façon significative la croissance économique. Si pour les auteurs cités précédemment, la volatilité de change affecte négativement les flux des IDE, pour Saludjian (2004), le régime de change compte parmi les facteurs qui déterminent la volatilité macroéconomique dans le MERCOSUR21(*). Une des équations testées est la suivante : VOLPIB = C0 + C1DUMMYARG + C2DUMMYBRA + C3REGIMECHANGE + C4DUMMYMER + C5FLUXCAP + C6OUVMERCOSUR Les résultats obtenus sont représentés ci-après : VOLPIB = 0.1125 - 0.0531DUMMYARG - 0.0734DUMMYBRA (0.98) (-0.49) (-0.6213)
+ 0.0976REGIMECHANGE -0.0968DUMMYMER + 0.0023**FLUXCAP
+ 0.1603*OUVMERCOSUR (3.57) R² = 0.15 N = 97 DW = 2.02
Les résultats enregistrés ici affichent un coefficient de détermination très faible (15%). L'auteur explique ce résultat par l'existence de chocs exogènes importants. D'autres facteurs interviennent dans la détermination de la volatilité macro-économique. Deux résultats importants sont à signaler. Cette régression atteste un impact positif et significatif de l'ouverture des pays du MERCOSUR et aussi du flux de capitaux. Donc, l'intégration économique régionale au sein du MERCOSUR et l'ouverture économique et financière constituent des facteurs de stabilité macroéconomique. En d'autres termes, une augmentation du commerce et des flux de capitaux fait varier le PIB dans le sens positif. Néanmoins, selon l'auteur, la variation de l'ouverture commerciale dans les pays du MERCOSUR a montré des effets stabilisateurs (faibles) mais qui invitent à trouver un autre type de régionalisme et d'intégration économique pour ces pays. En effet, la réflexion sur le régime de croissance et le régime de change du MERCOSUR ont mis l'accent sur les effets contraires des politiques monétaires dans les deux groupes (Brésil plutôt stabilisateur et Argentine, pro cyclique). Ce résultat apporte des arguments intéressants dans le débat sur la monnaie unique du MERCOSUR et surtout sur la dollarisation. Des résultats positifs pour la croissance pourraient être dérivés de la coordination d'une politique de change flexible mais crédible et orientée vers des objectifs productifs. La dollarisation supprimerait le levier important de la politique monétaire et reviendrait à abandonner aux marchés la défense de la stabilité des monnaies et de l'économie des pays du MERCOSUR. L'hétérogénéité au sein du MERCOSUR et principalement les différences entre le Brésil et l'Argentine indiquent la nécessité d'une plus grande coordination macro-économique, monétaire et productive au sein du Mercosur afin d'orienter le Cône sud-américain vers un objectif identique de transformation productive intégrée. Quant aux variables muettes, elles indiquent des t-stat. inférieurs aux valeurs critiques (en valeur absolue) et ne sont donc pas significatives. Les dummies concernant l'Argentine, le Brésil ou les années MERCOSUR présentent toutes un coefficient négatif, la variable muette REGIMECHANGE (régime de change fixe) présente un coefficient positif laissant sous-entendre une relation positive de la fixité des régimes de change et de la volatilité macro-économique. Tableau 1 : Synthèse de quelques travaux empiriques
Sources : Tableau constitué par l'auteur à partir de lectures d'articles sur le thème de l'étude. Bien que théoriquement les académiciens et chercheurs ne dégagent pas un consensus sur l'influence qu'un régime de change pourrait avoir sur la croissance économique, cette revue de littérature confirme qu'une relation existe entre les deux variables. Cependant, s'agissant du sens de cette relation, tout dépend de l'économie considérée. Certaines études confirment qu'un régime de change fixe est plutôt avantageux pour les pays moins ouverts à la compétitivité internationale et dont le marché des capitaux est moins développé, alors que d'autres attestent que les pays à régimes de taux de change flexible affichent les mêmes performances que ceux ayant adopté un régime de taux de change fixe ajustable. D'autres, au contraire, ont abouti à la conclusion que c'est la présence d'un cadre de politique monétaire solide, plutôt que le régime de change en soi, qui importe pour la croissance économique. De ce fait, ce débat opposant les partisans du change fixe et flexible perdure encore. * 13 L'étude porte sur la période 1980-1995 et sur un échantillon de 29 pays répartis de la façon suivante : 10 pays Méditerranéens (Algérie, Chypre, Egypte, Israël, Jordanie, Malte, Maroc, Syrie, Tunisie et Turquie) 11 D'Amérique latine (Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Equateur, Mexique, Paraguay, Pérou, Uruguay et Venezuela), et 8 d'Asie du Sud-Est (Chine 1, Corée du Sud, Hong Kong, Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour et Thaïlande). * 14 Selon le modèle néoclassique, à l'état d'équilibre stable, l'augmentation du produit total découle du progrès technique et du taux naturel de croissance de la population. Le progrès technique et l'accroissement des investissements peuvent contribuer à l'augmentation du produit total en courte période. * 15 (DYit) = Taux de variation du PIB réel. (GDIit) = Ratio des investissements intérieurs. (Ni) = Taux de croissance de la population active. (DEFit) = Part du déficit budgétaire dans le PIB. (DTTit) = Variation des termes de l'échange. (DPit) = Taux d'inflation. (KHUMit) = Importance du capital humain. (DRERi) = Changements dans le taux de change effectif réel. (PCGNP0i) = Niveau de revenu par tête de la période initiale. (DEBTit ) = Ratio du service de la dette. (DUMi) = Variable muette désignant le régime de change en place. * 16 La variable muette comprend les différents arrangements de taux de change dans les pays africains. Parmi ces derniers, on peut citer : l'union monétaire, rattachement solitaire à une devise, rattachement aux droits de tirage spéciaux, rattachement à un panier de devises, flottement libre et flottement ajusté. * 17 Où GRi t, est le taux de croissance du PIB réel par habitant du pays i à la période t, ái est l'effet propre au pays i, çt est une variable muette de temps, Vi t est un vecteur ligne des déterminants de la croissance définis au début de la période t, Xi t est un vecteur ligne des déterminants de la croissance définis par des moyennes établies sur la période t et ei t , est un terme d'erreur. * 18 Voir les résultats de deux des régressions au tableau 11-A et 11-B en annexe * 19 Ce modèle met en relation les investissements directs étrangers (variable endogène) et les variables exogènes suivantes : l'ouverture, la stabilité politique, le capital humain, la volatilité du taux de change, le régime de change et l'investissement domestique, la volatilité du taux de change, le régime de change, l'investissement domestique et l'indice de distorsion. Ce dernier a été élaboré à partir de l'écart entre le niveau du taux de change réel observé et le taux de change réel "normal" * 20 L'étude porte sur 61 pays émergents de tous les continents pour la période 1984-97 * 21 C'est la zone de libre échange formé par quatre pays de l'Amérique Latine. Il s'agit de Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay * 22 DUMMYARG : Variable muette permettant de singulariser l'Argentine dans le panel. La variable prend la valeur 1 pour l'Argentine et 0 sinon. DUMMYBRA : Variable muette permettant de singulariser du Brésil dans le panel. La variable prend la valeur 1 pour le Brésil et 0 sinon. DUMMYMER : Variable muette permettant de singulariser les années Mercosur (1991-2002) dans le panel. La variable prend la valeur 1 pour les années 1991 à 2002 et 0 sinon. REGIMECHANGE : Variable muette permettant de singulariser les années pendant lesquelles le régime de change était fixe de celles pendant lesquelles il était flexible . La variable prend la valeur 1 pour un régime fixe et 0 sinon (flexible) VOLPIB : Variation de la volatilité du taux de croissance du PIB réel FLUXCAP : Variation des flux de capitaux (balance compte courant + réserves internationales). Nous suivons la méthodologie développée dans OUVMERCOSUR : Variation du taux d'ouverture régional (Mercosur) |
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