Section 2 - La détermination de la
rémunération du commandité.
Le contrat d'entreprise n'exige pas la détermination du
prix, par contre, la jurisprudence demande la détermination du prix au
niveau du contrat de commande, même si le prix n'est pas
déterminé dès la formation du contrat, elle a donné
à l'auteur le droit de déterminer le prix. De plus la loi a
assuré au commandité un droit de rémunération
proportionnelle en cas d'oeuvre appliquée. Nous allons examiner la
détermination du prix en étudiant les deux genres d'oeuvres.
Sous-section 1- la commande d'oeuvre d'art pure.
Le plus souvent, le commandité d'une oeuvre pure et
simple à des fins non-commerciales, et le commanditaire se sont entendus
sur un prix qu'ils ont prévu dans le contrat et qui ne peut normalement
être modifié. Mais il arrive aussi que les parties n'aient pas
pris soin de le faire ou qu'elles aient implicitement laissé au
commandité la faculté de déterminer le montant de sa
rémunération. Il résulte alors de l'absence de
détermination de prix, que la jurisprudence interprète toujours
l'intention des parties dans le contrat au profit de l'auteur84.
A- Le prix fixé dès la formation du
contrat.
Dans la plupart des cas, dès le moment de la conclusion
du contrat, le commandité et le commanditaire s'accordent sur le prix,
contrepartie de la prestation de l'auteur. Il arrive, en effet que le
commanditaire verse à l'auteur, au moment de la conclusion du contrat,
un prix préalable (disparu du droit commun, réapparu dans le
droit spécial85), complété
ultérieurement par une rémunération supplémentaire
: les honoraires destinés à rémunérer
l'activité créatrice et les droits d'auteur sont alors
confondus.
Dans l'hypothèse où le prix est fixé
dès l'origine, il est de principe que les parties ne puissent revenir
sur cet accord et que le juge n'intervienne pas pour le modifier. Il arrive
cependant
82 L. 513-3 « tout acte modifiant ou transmettant les droits
attachés à un dessin ou modèle déposé n'est
opposable aux tiers que s'il a été inscrit dans un registre
public, dit registre national des dessins et modèles »Le registre
d'I.N.P.I pour les brevets, les marques et les dessins et modèles.
83 L.512-4 pour les dessins et modèles. L.613-9 pour les
brevets. L.714-7 pour les marques du CPI. A&H-J LUCAS : P. 437.
84 GOUTIER Pierre-Yves : Propriété
littéraire artistique, PUF, 2003.P.403
85 De quelques considérations teintées
d'inquiétude sur la dispense de prix préalablement
déterminé, dans tous les contrats d'entreprise. Pierre-Yves
Gautier. RTD Civ. 1994 p. 631.
que soit exceptionnellement reconnu au juge un pouvoir de
révision du prix, au profit de l'auteur, en prenant en
considération la théorie de la partie faible dans le contrat.
Sur la question de la possibilité de modifier le
prix par les parties de contrat ?
L'intangibilité du prix déterminé par les
parties lors de la conclusion du contrat repose sur le caractère
obligatoire des engagements contractuels, affirmé par l'article 1134 du
code civil86 ; elle découle de la condamnation de la
théorie de l'imprévision. Cette technique de fixation du prix, au
moment de la conclusion du contrat, correspond notamment à la pratique
du marché à forfait, qui présente, pour les contractants,
l'avantage de la sécurité, mais a pour contrepartie une certaine
rigidité87. En effet, il résulte du marché
à forfait que « les travaux convenus (et leurs compléments
nécessaires pour respecter les règle de l'art) ne peuvent donner
lieu qu'au paiement du forfait, même si leur exécution s'est
avérée beaucoup plus coûteuse que prévu pour
l'entrepreneur à raison de difficultés extérieures et
imprévisibles88 ».
S'il apparaissait que le commanditaire demandait des apports
complémentaires au projet initial de la commande, et que l'auteur
acceptait d'y procéder, le prix pourrait être modifié par
un avenant au contrat89. La difficulté, en la matière,
peut être, alors, de distinguer ce qui n'excède pas les suites
normales du contrat, et ne justifie pas un complément de prix, de ce qui
correspond à une demande nouvelle de la part du client et appelle une
rémunération supplémentaire.
Hormis les cas dans lesquels un travail supplémentaire
est demandé par le commanditaire, le prix tel qu'il est fixé dans
le contrat est normalement immuable. Il peut en être autrement lorsque le
juge exerce exceptionnellement une faculté de révision du prix,
alors même que les parties se sont entendues sur le montant de la
rémunération, et si le juge trouve que les intérêts
généraux de l'auteur sont menacés. Nous n'oublions pas la
possibilité de l'auteur de poursuivre le commanditaire par le droit de
suite, si les conditions sont remplies, comme nous allons les trouver
ci-dessous90.
B- Le rôle du juge en cas d'absence de
précision de prix dès la formation.
1) En cas d'absence de détermination :
Si les parties ont omis de prévoir un prix, au moment de
la conclusion du contrat, ce dernier n'est pas nul pour autant et les
contractants
86 Art 1134 du Code civil « Les conventions
légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont
faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur
consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent
être exécutées de bonne foi ».
87 Vivant Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil
d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P.83
88 BENABENT Alain : Droit civil les contrats spéciaux.
Paris, Montchrestien 2005. P. 108.
89 La modification du prix demande un nouvel accord écrit
des partis, car il y aurait un changement d'objet (art, 1271-1, 1273 du Code
civil). P-Y GOUTIER : P. 550.
90 GUADET : inexistence, nullité et annulabilité du
contrat essai de synthèse, mars 2006
peuvent s'en remettre au juge qui déterminera le
montant de la rémunération de l'entrepreneur. Cette solution est
devenue classique91. Elle a été adoptée pour le
contrat de commande dans une affaire Edwards c. Boldini, sans même que la
qualification de contrat d'entreprise y ait été
évoquée92.
Le juge de fonds dans l'affaire d'Edwards c. Boldini va
élargir la conception de l'indétermination du prix afin d'assurer
la protection de la partie présumé faible dans la relation
contractuelle, dans l'espèce, l'indétermination du prix ne se
déduit pas seulement de l'absence totale de prévision à ce
sujet, dans le contrat, mais également d'une simple incertitude quant
à l'accord des parties sur un montant donné. Soulignons,
d'ailleurs, que, conformément au droit commun, c'est à celui qui
se prévaut d'un accord sur une certaine somme qu'il revient de
l'établir93.
2) En cas d'excessivité du prix :
Lorsque le commandité fixe unilatéralement le prix
après l'exécution de sa prestation, il peut arriver que le
commanditaire le juge excessif. Ce dernier peut-t-il contester devant le juge
cette excessivité ? Cette question, qui se pose lorsque les parties
n'ont rien prévu dans le contrat au sujet de la
rémunération, doit être soigneusement distinguée de
celle que soulève le pouvoir de révision du juge quand les
contractants se sont entendus sur un prix au moment de la conclusion de leur
accord94.
Le juge ne peut se contenter de pallier le silence des
parties, il doit aussi en présence d'un prix excessif, fixé
unilatéralement par l'entrepreneur, avoir le pouvoir de réduire
le prix ce qui semble donc devoir être le complément
nécessaire de la faculté de la fixer, en l'absence de stipulation
du contrat sur ce point. Cette opinion paraît être partagée
par M. MALAURIE95 et AYNES qui écrivent que : << le
juge devrait toujours pouvoir, même dans le marché sur facture (et
pas seulement pour les professions libérales)96,
procéder à une révision du prix,
91 Vivant Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil
d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P. 98
92 Dans cette espèce, le peintre, qui avait
accepté d'exécuter un portrait, contestait le prix de 60 000
francs qu'Edwards se proposait de lui payer, pour son tableau. Boldini
soutenait que ce prix n'avait fait l'objet d'aucune convention entre les
parties et n'acceptait de se séparer de l'oeuvre que contre le paiement
d'une somme de 300 000 francs. Le Tribunal civil de la Seine, saisi par le
commanditaire, désigna des experts pour fixer le prix dû <<
en tenant compte de la notoriété de l'artiste, de la valeur de sa
signature, de l'importance du tableau et des prix généralement
demandés par Boldini de la valeur intellectuelle de l'oeuvre »
Trib. Civ. Seine. 28 juin 1924.
93 << il semble bien résulter des
explications fournies que ce prix ne pouvait s'appliquer à la toile
telle qu'elle a été définitivement conçue et
exécutée ;qu'aucune justification des prétentions
respectives des parties n'a été apportée de part ni
d'autre ; qu'il en résulte nécessairement que le prix du tableau
est resté indéterminé » Trib. Civ. Seine. 28
juin 1924.
94 Nous savons pourtant depuis les célèbres
arrêts de l'assemblée plénière du premier 1
décembre. 1995, que l'indétermination du prix dans les
contrats-cadres de la distribution n'est plus une cause d'annulation du
contrat. Les juges ont pris acte en ce domaine de la difficulté pratique
pour les parties de s'entendre par avance sur la fixation d'un juste prix.
L'indétermination du prix dans le contrat servait en outre trop
fréquemment les intérêts du contractant faible souhaitant
se dérober à ses obligations. Une nouvelle vision du droit de
contrats est née, plus orientée autour de son exécution
que de sa formation ; l'abouchement d'un monde contractuel essentiellement
fonction du comportement loyal des parties, plus que des seules stipulations
expresse du contrat Ass. Plén. 1 décembre 1995, Bull. civ.
n° 9, R. P. 290. Le prof J. MESTRE << la solution n'est pas
transposable à l'indétermination du prix dans le contrat
d'auteur, puisqu'à la différence du domaine de la distribution,
la loi impose sur le fondement d'un texte particulier la mention du prix dans
le contrat d'auteur ».
95 MALAURIE, Philippe : Cours de droit civil. Tome VIII,
Les contrats, spéciaux civils et commerciaux. Paris : Cujas, c1999. P.
393.
96 DENOIX de SAINT MARC Stéphanie : le contrat de commande
en droit d'auteur français, Litec, 1999, P. 54
afin que le client ne soit pas à la merci de l'artisan qui
dans le cadre de la conception créatrice, a possibilité de
déterminer le prix>>.
Un arrêt de la cour de cassation, rendu le 3juin
198697, paraît pourtant réserver ce pouvoir judiciaire
d'arbitrage du prix aux contrats d'entreprise conclus par les professions
libérales. La Cour suprême a ainsi affirmé, au sujet de la
rémunération d'un expert-comptable, que « les tribunaux
peuvent, quand une convention a été passée en vue de
l'exécution de travaux donnant lieu à honoraires, réduire
ces derniers lorsqu'ils paraissent exagérés, pourvue qu'ils
n'aient pas été versés en connaissance du travail
effectué et après service fait >>. Cette solution, qui a
été présentée par M. BENABENT98 comme
« un nouveau pas >> franchi par la jurisprudence, semble, au
contraire, conforme à la position traditionnelle des tribunaux en
matière de contrat d'entreprise « on ne voit pas très bien
pourquoi, dans cet arrêt, les juges ont voulu la limiter à
l'exécution de travaux donnant lieu à honoraires. En tout
état de cause, il ne faut sans doute pas exagérer la
portée de cette limitation car les termes de la décision relatifs
aux modalités de fixation du prix par les parties ne sont pas
dénués d'ambiguïté. D'ailleurs, on aurait ainsi peine
à croire que les juges aient cherché à remettre en cause
la solution traditionnelle du contrat d'entreprise, que l'on peut donc tenir
pour acquise >>.
Enfin, l'application de la règle de l'absence de
condition de détermination du prix dans le contrat de commande, le
défaut de prévision au sujet de la rémunération du
commandité ne fait pas encourir la nullité au contrat de
commande. L'auteur pourra alors, le cas échéant fixer le prix
à l'issue de la période d'élaboration de l'oeuvre, et bien
souvent, en cas de désaccord, le juge affirme le montant
déterminé par le commandité, sous n'importe quel fondement
mais généralement dans la logique protectrice de l'auteur en
tenant compte du fait que l'auteur est la partie faible dans le contrat.
97 Cass. 1er civ. 3 juin 1986, n° 85-10.486, Publication,
Bulletin 1986 I N° 150 p. 151.
98 BENABENT Alain : Droit civil les contrats spéciaux.
Paris, Montchrestien 1993. P. 322.
Sous-section 2- la commande d'oeuvre d'art
appliqué.
La vie économique d'une oeuvre suppose l'intervention
de nombreux intermédiaires - distributeurs, sous-cessionnaires
étrangers et autres- aux attitudes commerciales absolument
différentes. Négociant dans l'avenir avec eux, le commanditaire
originaire doit dès à présent anticiper leurs
comportements afin de s'engager avec l'auteur en des termes réalisables
et profitables. L'éventuel échec commercial d'une oeuvre est
aussi un risque à minimiser. Au moment où le commanditaire
s'engage avec l'auteur, rien ne peut lui assurer que l'oeuvre sera reçue
favorablement par le public. Cette incertitude se répercutera
nécessairement sur le montant de la rémunération.
A- Le fondement.
1) La rigidité du droit
français : Animé d'un fort souci de protection des
intérêts de l'auteur, le législateur français a
choisi de limiter la liberté contractuelle. Il impose de façon
impérative au commanditaire un mode de rémunération
particulier, la rémunération proportionnelle. L'auteur doit donc
être intéressé par principe au succès de son oeuvre
et n'être rémunéré sur la base d'un forfait
anticipé que de façon exceptionnelle. Le juge, interprète
de la loi, a également fait en sorte que l'exploitant n'ait pas
même la possibilité d'aménager comme il l'entend les
modalités de la rémunération : la détermination de
la rémunération est soumise à des exigences d'ordres
publics draconiens. Il faut ajouter que le commanditaire s'expose à de
sévères sanctions si le contrat ne respect pas les règles
en la matière.
Le législateur français préfère
le principe de la rémunération proportionnelle à celui de
la rémunération forfaitaire. C'est avant tout l'idée qu'il
faut protéger le lien intime qui unit l'auteur à son oeuvre. Le
législateur a également pris en compte que la
rémunération forfaitaire est inadéquate à
l'imprévisibilité du succès de l'oeuvre. Il a craindre que
le commanditaire en profite en versant au commandité une
rémunération trop faible99.
2) La critique : ne suffisait-il
pas au législateur d'introduire en droit positif un système de
révision efficace pour échapper aux difficultés
liées à une rémunération forfaitaire trop
99 LUCAS André : Résiliation judiciaire d'un
contrat d'édition entre un éditeur et un auteur, La Semaine
Juridique Edition Générale n° 42, 20 Octobre 1999, II
10181.
basse ? Le législateur français pour assurer la
sécurité et des transactions trop facilement remise en cause. Son
texte a perdu en clarté. Il n'est pas certain100.
Même avec le fort souci de protéger le
commandité, le législateur de 1957 ne pouvait pas perturber trop
gravement la loi du marché et les enjeux qui y sont attachés.
Même avec un taux minimum le propos reste excessif. Il était
inconcevable, que le législateur enraye trop gravement en 1957 le jeu de
la négociation contractuelle. Pour atténuer le principe d'ordre
public (rémunération proportionnelle), le législateur a
laissé à la liberté contractuelle, la détermination
de l'assiette imposé en sanctionnant toute clause manifestement
préjudiciable aux intérêts de l'auteur101.
B- Les exceptions (Possibilités d'opter pour le
forfait).
Ces possibilités dont nous allons voir qu'elles sont des
exceptions sont renfermées dans les paragraphes 2 et suivants de
l'article L.131-4 du CPI
« Toutefois, la rémunération de l'auteur peut
être évaluée forfaitairement dans les cas suivants :
1° la base de calcul de la participation proportionnelle ne
peut être pratiquement déterminée ; 2° les moyens de
contrôler l'application de la participation font défaut ;
3° les frais des opérations de calcul et de
contrôle seraient hors de proportion avec les résultats à
atteindre ;
4° la nature ou les conditions de l'exploitation rendent
impossible l'application de la règle de la rémunération
proportionnelle, soit que la contribution de l'auteur ne constitue pas l'un des
éléments essentiels de la création intellectuelle de
l'oeuvre, soit que l'utilisation de l'oeuvre ne présente qu'un
caractère accessoire par rapport à l'objet exploité
».
C- Le défaut de rémunération
proportionnelle.
La nullité est la sanction normalement encourue. Mais la
nullité est-t-elle absolue ou relative ?
A la manière des autres règles régissant
la conclusion des contrats d'auteur, la règle de la
rémunération proportionnelle est animée du souhait de
protéger l'auteur, partie supposée faible. Il ne fait donc aucun
doute pour la doctrine dominante qu'il y a là une nullité
relative.
100 MORIEL Josselin-GALL : les contrats d'exploitation du droit
de propriété littéraire et artistique, Paris : Joly, 1995,
n°208
101 Vivant Michel, KHALVADJIAN Boris : P. 85. P-Y GOUTIER : P.
551.
La jurisprudence est d'ailleurs sur ce point
fixée102.
Un courant de la doctrine a avancé une thèse
différente, il a considéré que l'article L.131-4 du CPI
est une règle d'ordre public de direction, dont la violation
entraîne la nullité absolue du contrat103.
Sous-section 3 - La commande de recherche.
En ce qui concerne le contrat de commande de recherche.
L'exigence de détermination du prix ou de l'obligation du prix
proportionnel seront soumises au droit commun, par conséquent on
applique les règles du contrat d'entreprise104 .
Il est depuis longtemps admis que l'exigence d'un prix
déterminé est écartée pour le contrat d'entreprise
(louage d'ouvrage), où- malgré les termes de l'article
1710105- le juge peut compléter après coup le contrat
en fixant le prix sur lequel les parties ne se sont pas expliquées. En
plus la cour de cassation avait donné à cette exception une
extension remarquable en décidant qu'elle s'appliquait à tous les
contrats créant une obligation de faire : « dans les contrats
n'engageant pas une obligation de donner, l'accord préalable sur le
montant exact de la rémunération n'est pas un
élément essentiel de la formation de ces contrats
>>106.
Aussi la cour de cassation a affirmé la décision
de première instance en rappelant « qu'il résulte des
dispositions de l'article 1787107du Code Civil que la commande de
travaux d'ordre intellectuel, qui s'analyse en un contrat d'entreprise, est
présumée conclue à titre onéreux ; qu'à
défaut d'accord entre les parties sur le montant des honoraires dus,
sans incidence sur la validité du contrat, il appartient au tribunal de
les fixer en fonction des éléments de
l'espèce»108.
La cour suprême a sanctionné la cour d'appel qui
dit « faute d'un prix déterminé ou
même déterminable, le contrat de commande n'existait pas
>>109, en rappelant qu'en matière de
102 Cass. 1er civ. 11février 1997, n°
95-11.239, Publication, Bulletin 1997 I N° 54 p. 35. RIDA juillet. 1997,
P. 279.
Cass. 1ère civ, 13 février 2007, PI
avril. 2007, P. 207, n° 23.
103 BECOURT Daniel : Réflexion sur le contrat
d'édition, Gaz. Pal. 11 et 12 août 2000, P.1377. P-Y GOUTIER : P.
553.
104 Ann. propr. ind. 1990. 65. Le contrat d'entreprise n'exige
pas l'accord préalable des parties sur le montant exact de la
rémunération qui n'est pas un élément essentiel de
la validité du contrat. Dans le silence ou l'obscurité des
conventions, il appartient au juge de fixer la rémunération
compte tenu des éléments de la cause.
105 « Le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une
des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un
prix convenu entre elles >>.
106 Cass. 1ère civ, 24 novembre 1993, Bull.civ.
1er n° 339.
107 « Lorsqu'on charge quelqu'un de faire un ouvrage, on
peut convenir qu'il fournira seulement son travail ou son industrie, ou bien
qu'il fournira aussi la matière >>.
108 Cass. 1ère civ. 24 Février 1987,
D.88 p 97. N° 84-14.790 Bulletin 1987 I N° 70 p. 51.
109 CA. Paris, 26 avril 2006 afferme le jugement du TGI
3ème ch, 3ème section, 12 janvier 2005.
Chouchou et Loulou de la Cour. COTTINPERREAU Florence.
louage d'ouvrage, l'indétermination de la
rémunération de l'entrepreneur n'affecte pas la validité
du contrat de commande.
Aussi, la clause dans le contrat qui donne le droit au
commandité de déterminer le prix est nulle, sous le
prétexte, qu'elle est une clause potestative110.
Par contre, le commandité en remplissant les conditions
de l'oeuvre originale, peut bénéficier de la détermination
proportionnelle du prix sur le fondement de l'article L.131-3 du CPI. Cette
solution rend compte au commandité de sa position protégée
par le droit d'auteur.
110 A. BENABENT : P. 114. L'interprétation de la clause
potestative au niveau de la propriété industrielle par la
jurisprudence est plus stricte par rapport de droit d'auteur.
Constats et propositions
Toute d'abord, le droit de divulgation ne serait pas
épuisé par son premier exercice, comme en droit des brevets.
Apparemment le principe de l'épuisement de droit n'a de fondement ni
dans la théorie générale du droit moral, ni dans les
textes. Le droit du commanditaire producteur n'emporte, en droit d'auteur
français, aucun monopole d'exploitation. Dépourvu de fondement
sur le terrain patrimonial, l'épuisement du droit est
déplacé et contre-productif sur le terrain moral, comme nous
avons vu dés l'étude du droit de divulgation.
Puis, le souci de protéger le commandité
gêne la projection dans l'avenir de l'exploitant. Directement parfois,
lorsque la liberté contractuelle est expressément encadrée
par des limites incompressibles. Indirectement sinon, quand, même en
l'absence de précisions légales, l'intérêt de
protection suscite le doute sur la validité de la commande.
Alors, dans les solutions proposées :
1- Il est essentiel d'encourager l'exploitant à faire
de son contrat de commande un véritable outil de gestion de l'avenir. Ce
dernier doit apprendre à se questionner sur les risques inhérents
à la relation contractuelle et à exploiter en conséquence
au maximum l'espace de liberté contractuelle. Un litige né de la
réception d'une oeuvre commandée inutilisable peut être
anticipé dés la rédaction du contrat de commande.
2- La prise en compte forte des usages et renforcer le
pragmatisme de la décision judiciaire. Nous allons observer la
capacité des usages et du juge à dépasser le cadre
strictement entendu de la loi pour protéger de façon
équilibrée les parties des contrats dans l'exigence de
l'écrit ou la détermination de la rémunération en
avance.
3- La protection du commandité, intérêt
fondateur, mais le rapprochement de droit de contrat de commande et du droit
commun des contrats a tout intérêt à puiser dans le droit
commun des contrats des instruments lui permettant d'éviter
l'application pure et dure des règles spéciales. Il le fait
déjà de façon ponctuelle à l'image de
l'applicabilité de l'art. 1135111 du code civil et de la
théorie de l'abus de droit112. L'épuisement du droit
de divulgation, lorsqu'il est affirmé par les juges, aussi l'exigence de
loyauté dans l'univers des contrats d'auteur notamment lorsqu'il est
question de formalisme.
4- La possibilité d'accepter des exceptions non
exhaustives à la prohibition des cessions globales d'oeuvres futures,
avec la détermination de la durée et la quantité des
oeuvres concernées.
111 « Les conventions obligent non seulement à ce qui
y est exprimé, mais encore à toutes les suites que
l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation
d'après sa nature ».
112 VIVANT Michel : Les grands arrêts de la
propriété intellectuelle, Dalloz, 2004, P. 109.
5- L'extension du domaine de l'application de la règle de
l'écrit 131-2,131-3 du CPI à toutes les cessions de
droit113.
6- En effet, la détermination du prix par le
commandité est toujours une source d'insécurité, que les
professionnels chercheront normalement à éviter114.
7- Elargir la possibilité de révision à
l'hypothèse d'une rémunération proportionnelle, en cas de
prévision insuffisante de rémunération.
113 M. VIVANT, B. KHALVADJIAN : P. 145.
114 Cornu MARIE. Mallet-Poujol Nathalie : Droit, oeuvres
d'art et musées protection et valorisation des collections. CNRS.
2006.
Deuxième partie : la logique de
l'investissement.
Historiquement, le créateur de l'art invente en tant
qu'il en croit, en cherchant toujours un intérêt pécuniaire
pour survivre. Dès le début il y a avait coexistence entre
l'oeuvre de l'esprit et le résultat financier, mais il reste un
équilibre entre les deux conceptions. Sous ce constat le
législateur et suivi par la jurisprudence, ils étaient conduits
à édicter des règles spéciales, protégeant
l'auteur ou le créateur dans l'opération contractuelle, sous le
prétexte « l'auteur est la partie faible ». De plus en plus,
il y aura eu un triomphe de nouvelle logique, c'est la logique de
l'investissement, dans laquelle, le créateur est devenu un
commerçant, il a intégré la vie des affaires, il n'invente
plus pour survivre mais pour avoir le plus possible de gain, sous le nouveau
constat du créateur qui devient un entrepreneur avec toutes les
conséquences de cette description, la jurisprudence derrière la
loi seront invitées à limiter la protection prévue
à l'auteur en absence du fondement ayant eu existence auparavant.
On va étudier les positions de la jurisprudence et loi en
deux chapitres suivants : Chapitre 1 : La titularité des droits
patrimoniaux.
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