L'INSTITUT DE DROIT DES AFFAIRES
LA FACULTE DE DROIT ET SCIENCES POLITIQUES L'UNIVESITE AIX
MARSEILLE III (PAUL CEZANNE)
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Mémoire de Master II Recherche
Propriété Intellectuelle & Nouvelles
Technologies
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Le contrat de commande dans
les propriétés intellectuelles
Rédigé sous la direction de M.
Jean-Pierre GASNIER Par l'étudiant Mohammed YOUSSEF 2008 -
2009
L'INSTITUT DE DROIT DES AFFAIRES
LA FACULTE DE DROIT ET SCIENCES POLITIQUES L'UNIVESITE AIX
MARSEILLE III (PAUL CEZANNE)
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Mémoire de Master II Recherche
Propriété Intellectuelle & Nouvelles
Technologies
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Le contrat de commande dans
les propriétés intellectuelles
Rédigé sous la direction de M.
Jean-Pierre GASNIER Par l'étudiant Mohammed YOUSSEF 2008 -
2009
Remerciement
Je tiens tout d'abord à remercier Monsieur le
Maître Jean-Pierre GASNIER, qui a supervisé ce mémoire,
pour ses conseils, ses remarques et son écoute
attentive.
Je tiens remercier particulièrement Madame le
Professeur Dominique VELARDOCCHIO, pour sa gentillesse, sa
disponibilité, ses innombrables conseils, encouragements et
corrections.
J'aimerais remercier aussi l'ensemble de l'équipe
pédagogique du Master 2 droit des affaires, propriété
intellectuelle et nouvelles technologies.
Tableau des principales abréviations
Aff C : Affaire civile.
AJPI : Actualité juridique de la propriété
intellectuelle. Al. : Alinéa.
Ann. Propr. Ind : Annales de la propriété
industrielle. Art. : Article.
BUF : Presses universitaires de France.
Bull. Civ.: Bulletin des arrêts de la cour de cassation. C.
civ : Code civil.
C. urb : Code de l'urbanisme.
CA : Cour d'Appel.
Cass, 1er civ : Cour de cassation, la première
chambre civile. Chron : Chronique.
Chronal : Chronologique.
CJCE : Cour de justice des communautés européennes.
Comm : Commission.
Comm. CE : Commission des communautés
européennes. Comm. Com.
Electr : Communication-Commerce électronique. CPI : Code de
propriété intellectuelle.
D : Dalloz.
DC : Dalloz critique
DC : Dalloz critique.
Déc : Décembre.
Déc : Décret.
DP : Dalloz périodique.
Gaz. Pal : Gazette du palais.
I.N.P.I : Institut national de la propriété
intellectuelle.
IR : Informations rapides.
Janv : Janvier.
JCP : Juris-Classeur périodique.
Juill : Juillet. Juit : juillet. Juris-data : juris-data.
N° : Numéro. Note : note.
Oct : Octobre. P. : Page.
PIPD : Propriété industrielle, bulletin de
documentation. Propr. Industr. : Propriété industrielle.
Propr. Intell : Propriété intellectuelle
RD propr. Ind. : Revue du droit de la propriété
industrielle. RDAI : Revue de droits des affaires internationales.
RDPI : Revue de droit de propriété industrielle.
RIDA : Revue Internationale De Droit D'Auteur.
RTD civ : Revue trimestrielle de droit civil.
RTD Civ : Revue trimestrielle de droit civil.
RTD com : Revue trimestrielle de droit commercial.
S : Suivant.
SA : Société anonyme.
Ss : Sous.
Sec : Section.
T. com : Tribunal de commerce.
TGI : Tribunal de Grande Instance.
Trib : Tribunal.
Sommaire
L'introduction
Première partie : la logique de la création
Chapitre 1 : la lecture juridique de l'aspect
créateur
Chapitre 2 : la lecture jurisprudentielle et doctrinale de
l'aspect créateur
Deuxième partie : la logique de l'investissement Chapitre
1 : La titularité des droits patrimoniaux Chapitre 2 :
l'équilibre des obligations entre les parties
Introduction
Le contrat de commande dans les propriétés
intellectuelles a un caractère paradoxal ; en même temps que le
commandité s'y épanouit et s'y exprime à travers
l'exercice de l'activité créatrice qui est la sienne, il doit
obéir à l'ordre formulé par le commanditaire. La commande
est ainsi faite de liberté et de contraintes. Cette
ambiguïté profonde se retrouve à différentes
étapes du déroulement du contrat de commande. Si elle est parfois
neutralisée lorsque le législateur prend directement en compte
les intérêts du commandité et met à sa disposition
des prérogatives propres à les défendre, on peut la
retrouver lorsqu'il n'a pas expressément pourvu à la protection
du créateur, par le biais de telles prérogatives. Il faut alors
s'efforcer d'arbitrer entre les intérêts parfois divergents des
parties.
Qu'il doive consentir des aménagements à sa
liberté de création ou qu'il lui arrive de renoncer à
exercer la plénitude de son droit au respect, le créateur comme
commandité engagé dans les liens d'un contrat de commande donne
parfois l'image d'un personnage soumis à son cocontractant, bien
sûr, mais aussi aux impératifs économiques et commerciaux
auxquels ce dernier est lui-même assujetti. La reconnaissance, par
l'article L.121-2 du CPI, d'un droit de divulgation lui fournit l'occasion de
se voir restituer la maîtrise absolue de sa création, puisqu'il
lui est permis de refuser de livrer l'oeuvre qu'il avait promise au
commanditaire.
Cette faculté de résister à la demande de
livraison du commanditaire, tout à fait dérogatoire au droit
commun du contrat d'entreprise (l'origine du contrat de commande), mais aussi,
plus généralement, au droit commun des obligations, constitue,
sans conteste, l'une des prérogatives les plus énergiques du
droit moral. La généralité des termes de la loi permet,
d'ailleurs, de considérer que le pouvoir que confère le droit de
divulgation sur la communication de l'oeuvre s'étend à
l'exploitation de celle-ci aussi bien qu'à la cession de la
propriété du support matériel1.
A ces règles protectrices en matière de cession
de droits patrimoniaux, de nombreuses exceptions existent, soit qu'elles aient
été forgées par la jurisprudence, sous l'influence de la
pratique, soit que la loi elle-même ait consacré des
dérogations aux règles qu'elle avait posées.
1 S. DENOIX DE SAINT MARQUE : le contrat de commande en droit
d'auteur français, Litec, 1999.
Au contraire A.TOUBOULE : concernant le droit de divulgation,
elle distingue entre le support matériel, et le droit d'exploitation, en
délimitant le droit de divulgation à l'exploitation. Donc, le
commandité doit respecter les stipulations contractuelles relatives du
support matériel faute de quoi, il porte la responsabilité
contractuelle. L'application des règles de droit commun des obligations.
TOUBOUL Alexandra : le contrat de commande d'une oeuvre d'art en droit
privé, Cycle information, Droit§Culture. 2006. P. 4.
Au niveau de la propriété industrielle, ce qui
est souciant dans les actuelles discussions en feu autour de la
propriété industrielle n'est pas l'opposition très forte
des positions, la violence d'un débat étant plutôt
bienvenue dans un système gagné par le consensus, preuve heureuse
de la persistance de la capacité à défendre encore des
idées et des causes. Les une veulent le renforcement de la
réservation des créations à leurs auteurs comme naturelle
récompense et habile incitation à inventer encore, les autres
souhaitent la suppression de ces prérogatives scélérates
pour que le monde des idées et des remèdes, coeur de l'humain,
soit à tous. Un débat vif illustre une pensée vivante,
tenir ses positions avec conviction dans une discussion est signe que la
politique existe encore.
La nature juridique du contrat de commande.
La commande dans la propriété intellectuelle
consistant, généralement, en la réalisation d'un travail
de création moyennant rémunération, il importe de savoir
à quelle catégorie du droit des contrats rattacher
l'opération, de façon à en déterminer le
régime.
A - Contrat d'entreprise ou vente de choses
futures:
Le cas des contrats de commande emportant cession d'un objet
matériel
La question de la nature de la commande d'oeuvres
intellectuelles a été discutée. On peut hésiter
entre le contrat d'entreprise et la vente de choses futures. La qualification
de contrat d'entreprise à propos de la commande d'oeuvres de l'esprit
est aujourd'hui retenue de façon constante.
Quant aux critères d'identification du contrat de
commande, on retient l'existence d'un travail spécifique
réalisé pour les besoins d'un client. C'est donc la nature du
travail commandé et le destinataire qu'il faut considérer
ensemble. Si l'objet fabriqué est standardisé et distribué
à un public indéterminé, il s'agit d'une vente. Tout au
contraire, l'oeuvre commandée par une personne privée ou publique
satisfait au critère énoncé plus haut.
B - contrat d'entreprise et contrat de
travail
Le commandité sollicité dans le cadre d'une
commande crée, en principe, l'oeuvre en tant qu'entrepreneur.
Pourrait-il être salarié du commanditaire ? Seraient alors
applicables les règles protectrices du contrat de travail.
Le critère essentiel qui distingue les deux types de
contrats est dans la relation qui unit les cocontractants. Dans le contrat de
travail, le salarié accomplit sa tache sous l'autorité et la
direction de l'employeur. Il est dans un lien de subordination. Tout au
contraire, l'entrepreneur dispose d'une liberté d'action dans l'exercice
de son art. Certes, il est lié par un contrat et les obligations qui en
découlent s'imposent à lui, mais c'est à lui qu'appartient
le soin de gérer et d'organiser son activité. Il exécute
sa tache de façon indépendante.
D'une façon générale, l'acte
créateur nécessite une liberté d'action, une
indépendance, qui n'est pas toujours compatible avec le critère
de subordination.
C- Le contrat de commande : contrat administratif ou de
droit privé
Le caractère privé ou public du contrat emporte
des conséquences importantes sur le régime auquel il
obéit.
En dépit de l'existence d'un socle de règles
communes à l'ensemble des conventions, notamment en ce qui concerne la
formation du contrat, les contrats administratifs et les contrats privés
sont soumis à des règles distinctes. Encore doit-on pouvoir les
identifier.
Conclu entre deux personnes privées, le contrat de
commande est un contrat de droit privé. De façon
symétrique, si les cocontractants sont des personnes publiques, il
s'agit d'un contrat administratif.
A titre liminaire, il faut préciser en
premier lieu que la protection de la propriété
intellectuelle(PPI) a toujours eu pour objectif d'arbitrer, de manière
fine, entre deux objectifs contradictoires : d'un côté, la
création d'un environnement propice à l'innovation - où il
s'agit finalement de donner une rente « incitative » aux innovation-
et ( aspect créateur)de l'autre, la diffusion de cette innovation, soit
au consommateur final, soit à d'autres innovateurs afin d'encourager
l'innovation en aval (aspect économique).
Avec ces deux aspects contradictoires, le législateur
était invité à édicter des règles uniques
ayant l'habilité d'assurer la coexistence de ces aspects, sur le terrain
de l'arbitrage au droit commun, chaque fois le législateur ne trouve
aucune exigence d'intervenir.
Parce qu'il porte sur la création d'une oeuvre de
l'esprit, en l'occurrence une oeuvre d'art, le contrat de commande
présente un certain nombre de spécificités.
Première partie : la logique de la
création.
littéraire artistique. Bien sûr et comme
résultat du cumul du droit d'auteur et du droit de
propriété industrielle vis-à-vis de l'art appliqué
ou juridiquement le droit des dessins et modèles, le titulaire de ce
droit pourrait bénéficier de cette position protectrice tant que
les conditions de l'originalité sont remplies2.
Alors, nous allons étudier dans cette partie l'aspect
protecteur ; consacré au créateur, soit par le
législateur, soit par la jurisprudence, dés la formation du
contrat jusqu'à l'exécution, respectivement dans deux chapitres
:
Chapitre 1 : La lecture juridique de l'aspect
créateur.
Chapitre 2 : La lecture jurisprudentielle et doctrinale
de l'aspect créateur.
Chapitre 1 : la lecture juridique de l'aspect
créateur.
Le législateur ne se contente pas d'édicter des
règles uniques protégeant le commandité, dés la
formation du contrat, mais il va plus loin dans cette conception. Il donne au
commandité plusieurs droits moraux pécuniaires spéciaux en
dehors de la théorie des obligations en générale. Il lui
donne aussi une protection préventive relative à
l'ambiguïté de l'opération contractuelle, nous allons
discuter les deux systèmes de protection respectivement en deux sections
séparées.
1 GASNIER Jean-Pierre : Présomption cherche fondement
textuel. Propriété industrielle n° 10, Octobre 2008, comm.
81.
Section 1 Le droit absolu du créateur sur
l'invention.
Certes la propriété généralement a
donne au propriétaire un droit absolu, par contre les opérations
contractuelles délimitent ce droit. Le législateur
français donne à l'auteur, parfois, le mécanisme de la
continuation du droit absolu sans prise en compte les obligations
contractuelles, en justifiant cette disposition par l'intimité entre
l'auteur et son oeuvre, et l'impression unique de l'oeuvre d'esprit. Nous
allons examiner les droits prévus dans loi qui assure ce
mécanisme.
Sous-section 1 - le droit de divulgation.
La jurisprudence affirme la nécessité de
subordonner la livraison de l'oeuvre commandée à l'expression de
l'assentiment de l'auteur à s'en séparer, c'est-à-dire
à l'exercice du droit de divulgation. Ainsi conçue3,
cette prérogative va au-delà du rôle purement
négatif qui lui a parfois été assigné. Par
ailleurs, pour que sa mise en oeuvre puisse faire l'objet d'un contrôle
judiciaire, les manifestations de la volonté du créateur devront
nécessairement être extériorisées et dépasser
le for intérieur de l'auteur.
Le problème des rapports entre les droits patrimoniaux
et le droit de divulgation de créateur a suscité, en doctrine, et
dans la jurisprudence des opinions contradictoires, au sujet de
l'utilité et du bien fondé de la reconnaissance de cette
prérogative. L'existence des droits de reproduction et de
représentation, dont l'auteur est titulaire. L'exécution
forcée et les dommages et intérêts en cas où est
utilisé le droit de divulgation ?
A- La conception restrictive du droit de
divulgation.
S. STROMHOLM4 adopte la position la plus
extrême, puisqu'il va jusqu'à remettre en cause l'existence
même du droit de divulgation, en tant que prérogative autonome. Il
considère, en effet, que le contenu du droit de divulgation <<
coïncide nécessairement pour la plus grande partie avec celui du
droit exclusif d'exploitation »5. En
réalité, pour S. STROMHOLM, entre les hypothèses qui
relèvent de la liberté de création, celles qui
correspondent à l'exercice du monopole patrimonial de l'auteur sur son
oeuvre, et celles pour lesquelles le droit de repentir entre en jeu, il n'y a
guère de place pour une prérogative autonome ; ainsi, la solution
affirmée par la cour de cassation, dans l'affaire Whistler6
<< la convention par laquelle un peintre
3 VIVANT Michel : Les grands arrêts de la
propriété intellectuelle, Dalloz, 2004. Lyon, 17 juillet. DP1845.
P. 110
4 STROMHOLM (S) : Le droit moral de l'auteur en droit allemande,
français et scandinave, 1e partie, 1967. P. 8 et 158
5 POLLAUD-DULIAN Frédéric : Le droit d'auteur,
Econmica, 2005.P. 405.
6 Cass. Civ.1, 14 mars 1900, << Eden c. Whistler »,
DP, 1900-1-497, << Les conventions qui portent sur des oeuvres de
l'esprit sortent des catégories normales du droit, à cause de
l'influence qu'exerce sur elles le droit moral ». P-Y GOUTIER. P. 248.
Aussi Trib. Civ. Charolles, 4 mars 1949, Gaz. DA, 1950, P. 83.
Paris, 14 mars 1962, D. 1963. P. 104.
s'engage à exécuter un portrait, moyennant
un prix déterminé, constitue un contrat d'une nature
spéciale, en vertu duquel la propriété du tableau n'est
définitivement acquise à la partie qui l'a commandé, que
lorsque l'artiste a mis le tableau à sa disposition et qu'il a
été agréé par elle » .
H. MAZEAUD7, quant à lui, n'attribue au
droit de divulgation qu'une portée purement négative. Ce qui
correspondrait à son exercice positif, n'est rien d'autre, selon lui,
que l'exercice du monopole d'exploitation. Le droit de divulgation ne
permettrait donc à l'auteur que de se refuser à se séparer
de son oeuvre : << le droit de divulgation, droit moral, consiste dans la
faculté pour l'artiste de garder secrète son oeuvre, de la
modifier, de l'achever et même de la supprimer >>8.
B- Le rejet de la conception restrictive du droit de
divulgation.
A l'opposé de ces positions restrictives, se situe
l'opinion de H. DESBOIS qui prête au droit de divulgation un contenu
essentiellement positif. Cet auteur considère, en effet, que c'est
l'exercice de cette prérogative qui fait accéder l'oeuvre au
domaine de la patrimonialité et qui révèle, en quelque
sorte, l'existence des droits patrimoniaux. Dans cette perspective, l'oeuvre
non divulguée ne serait que le prolongement de la personne. DESBOIS
affirme ainsi : << c'est en exerçant le droit de divulgation que
l'auteur investit son oeuvre d'un droit patrimonial dans la mesure
nécessaire à l'exploitation qu'il permet >> 9.
La décision de divulguer précède
nécessairement celle d'exploiter l'oeuvre ; elle est la décision
morale, intellectuelle, prélude nécessaire à la
décision patrimoniale10.
Le droit de divulgation selon H. DESBOIS a un contenu positif,
autant que négatif. La décision de communiquer l'oeuvre au public
n'a pas une signification exclusivement patrimoniale ; elle a une portée
morale avant d'être pécuniaire, ou, en tout cas, autant que
pécuniaire11.
La mise en évidence du contenu positif du droit de
divulgation n'a pas seulement un intérêt théorique.
D'ailleurs, le cas du contrat de commande montre qu'il est nécessaire de
dissocier
7 MAZEAUD Henri : le droit moral des artistes sur leurs oeuvres
et son incidence, à propos de l'arrêt de la cour d'Orléans
rendu dans l'affaire Pierre PERNNARD, D, 1959,chron. XX, n°9.
8 17 février 1988, RIDA, octobre 1989, P. 325.
9Institut de recherche en propriété
intellectuelle DESBOIS Henri : La propriété intellectuelle en
question Paris : Litec, DL 2006. P.112.
10 Cass. 1re civ. 5 juin 1984, BULL, civ.
1er n°184, RIDA, avril 1985, p. 150. Cass. Civ 1er,
25 février 1997, BULL. civ.1, n° 73, P. 47.
11 DP 193-2-88, 6 mars 1931, obs. M. Nast. << La
propriété littéraire et artistique comporte pour celui qui
en est titulaire, un droit qui n'a rien de pécuniaire, mais qui,
attaché à la personne même de l'auteur ou de l'artiste, lui
permet, sa vie durant, de ne livrer son oeuvre au public que de la
manière et dans les conditions qu'il juge convenable >>.
le droit de divulgation des droits patrimoniaux de
l'auteur12, qu'il s'agisse du monopole d'exploitation ou du droit de
propriété corporelle sur le support matériel de l'oeuvre.
En effet, en l'absence du droit de divulgation, les règles du droit
commun imposeraient à l'auteur de livrer l'oeuvre, dès son
achèvement. Ainsi, même si le transfert du droit moral
coïncide dans le temps, il est certain que ce résultat n'est
possible qu'en raison de l'existence du droit de divulgation du droit moral que
tient la dérogation au droit commun des contrats13.
En effet, l'auteur a un droit spécifique pour
décider de détacher ou non son oeuvre de sa personne. Le
cocontractant ne peut donc pas obtenir l'exécution forcée de la
commande, puisque l'article 1142 du Code civil suffirait à l'exclure.
C'est pourquoi, il faut discuter l'idée répandue
en doctrine14 et conforme à une jurisprudence15
qui date d'avant la consécration légale du droit de divulgation
selon laquelle on doit appliquer la règle commune d'après
laquelle, à défaut d'exécution, le commanditaire a droit
à un équivalent, sous la forme de dommages et
intérêts. Par contre un courant16 dit, que l'auteur
exerce un droit subjectif que lui accorde la loi pour défendre sa
personnalité. L'interférence du droit d'auteur ne permet pas de
faire comme si la solution appartenait au droit commun. Autrement dit, l'auteur
qui refuse d'exécuter ou de livrer l'oeuvre doit restituer à son
commanditaire les avances et les frais que celui-ci a exposés mais qu'il
ne doit pas de réparation au-delà (sauf à démontrer
le caractère frauduleux du refus17).
C- L'épuisement du droit de
divulgation.
- Il est vrai qu'une partie de la doctrine soutient
l'idée que le droit de divulgation serait épuisé par son
premier exercice de sorte que l'attribut se limiterait au pouvoir de briser,
une fois pour toute, le secret, comme en droit des brevets. Malheureusement,
cette lecture n'a de fondement ni dans la théorie générale
du droit moral, ni dans les textes. Le droit du commanditaire producteur
n'emporte, en droit d'auteur français, aucun monopole de distribution.
Dépourvu de fondement sur le terrain patrimonial, l'épuisement du
droit est déplacé et contre-productif sur le terrain moral.
Déplacé, car il applique une construction économique
à un attribut extra-patrimonial. Contre-productif, car en
réduisant le droit de divulgation au pouvoir de rompre le
12 VIVANT Michel : Les grands arrêts de la
propriété intellectuelle, Dalloz, 2004. Lyon, 17 juillet. DP1845.
P. 111.
13 POLLAUD-DULIAN Frédéric : Le droit d'auteur,
Econmica, 2005. P. 409. Dans l'affaire Whistler, le peintre qui avait fait, sur
commande, le portrait de Lady Eden avait finalement refusé de le livrer
et était allé jusqu'à le modifier, en remplaçant le
visage de Lady Eden par celui d'un autre modèle. C'est au contraire de
l'article 1142 du Code civil.
14 LUCAS André et Henri-Jacques :Traité de la
propriété littéraire et artistique, 2e
édition, Paris : Litec, 1994. N° 388. FRANCON André : Cours
de propriété littéraire, artistique et industrielle Paris.
Litec, 1999, P. 221.
15 Cass. Civ.1, 14 mars 1900, << Eden c. Whistler ».
Paris, 4 mars 1949, D. 1949, obs
16 P-Y. GOUTIER << la délivrance n'est plus
seulement l'exécution de son obligation par l'auteur, mais l'expression
de son droit ». F. POLLAUD-DULIAN : P. 410
17 FRANCON André : Cours de propriété
littéraire, artistique et industrielle, Paris. Litec, 1999, P. 221.
secret - ce que, à peu de choses près, garantit
déjà le droit commun - il mine le contrôle du couple
culturel, dont les intérêts sont défendus par le
créateur, au profit d'une emprise accrue des intérêts de
l'exploitant18.
- C. CARON a noté : « Si un
dessaisissement du support matériel de l'oeuvre constitue un indice
d'exercice du droit de divulgation, force est de constater qu'il ne saurait
suffire. En effet, outre que la propriété incorporelle est
indépendante de la propriété corporelle, il faut
également un élément moral, c'est-à-dire une
volonté de divulguer, afin que le droit de divulgation soit
considéré comme exercé et donc épuisé
»19.
Sous-section 2 - le droit à la paternité
:
Le droit à la paternité est le droit le plus
naturel de l'auteur. Il lui permet à la foi d'imposer le respect de la
mention précise de son nom à chaque utilisation de l'oeuvre,
comme le maintien dans l'anonymat.
A- Le fondement.
Nous savons qu'un auteur a le droit de conserver l'anonymat
s'il ne veut pas être connu du public. De même, s'il le souhaite,
il peut parfaitement se réfugier derrière un pseudonyme qu'il
aura librement choisi. De tels choix découlant de l'exercice même
du droit de paternité, ne portent nullement atteinte à
l'inaliénabilité du droit moral. Toute autre hypothèse
dans laquelle un commandité s'engage à l'égard du
commanditaire à ne jamais révéler sa paternité.
18 GAUDRAT Philippe et SARDAIN Frédéric: De la
copie privée (et du cercle de famille) ou des limites au droit d'auteur.
Comm. Com. Electr n° 11, Novembre
2005, étude 37.
19 CARON Christophe : Droit de la propriété
intellectuelle, La Semaine Juridique Edition Générale n° 1,
11 Janvier 2006, I 103.
C'est le cas bien connu du « nègre », le
terme anglais est ghostwriter. L'histoire nous enseigne que de telles
pratiques ont de nombreuses fois servi la cause des plus illustres auteurs, tel
Auguste RENOIR ou Alexandre DUMAS qui, débordé par les commandes
passées par avance avec les éditeurs, n'arrivait pas à
satisfaire ses engagements sans avoir recours à un apanage
d'écrivains de talents travaillant pour son compte en
silence20.
B- Pour la question de la renonciation du droit de
paternité :
Avant la loi du 11 mars 1957, il n'était pas certain
que de tels engagements devaient être tenus pour nuls, cela d'autant que
la thèse inverse était fréquemment relayée en
doctrine21 et consacrée en jurisprudence22
« l'auteur légale d'une oeuvre n'est pas forcément son
créateur effectif et l'éditeur qui justifie avoir acquis des
artistes auquel il a commandé et fait exécuter les dessins tous
les droits de reproduction de leur oeuvre, est fondé à s'en dire
l'auteur légal et à poursuivre les tiers en contrefaçon
».
Mais l'esprit de la loi 1957 commande l'annulation des
renonciations du droit. Du fait de la consécration expresse de
l'inaliénabilité du droit moral en cette loi. Par contre des
théories admettant les renonciations au droit de paternité ont
encore vu le jour23.
H. DESBOIS considère que la renonciation au droit de
paternité sont vocables du moment que l'auteur conserve la
possibilité de revenir à tout moment sur son engagement en
révélant au grand jour sa paternité24. La
thèse de la renonciation a eu un certain écho en jurisprudence.
En 2007, la cour de cassation en a admit le principe25.
C- La paternité d'une oeuvre, un signe distinctif
?
Le professeur GINSBURG écrit « il n'y a pas que
l'auteur. Il y a également son public. Envers celui-ci, le nom de
l'auteur fonctionne comme une marque de fabrique. Le nom de l'auteur est en
fait un véritable signe distinctif qui permet aux consommateurs
éventuels des oeuvres de l'esprit d'opérer un choix entre oeuvres
sur la base de leurs expériences antérieures avec d'autres
oeuvres du même auteur, ou bien sur la base de la renommée de
l'auteur ».
20 POLLAUD-DULIAN Frédéric : Le droit d'auteur,
Econmica, 2005. P. 420.
21 Pouillet, Eugène : Traité théorique et
pratique de la propriété littéraire et artistique et du
droit de représentation, Paris : Marchal et Billard, 1894.P.121
22 Paris, 29 novembre. 1932, Ann. Propr. ind, 1935, P. 204.
23 GAUTIER Pierre-Yves. La propriété
littéraire artistique, Presse universitaire, Paris, 2007. P. 230 et
s.
24 DESBOIS Henri : Etudes de propriété
intellectuelle, Paris : Dalloz, 1974, P. 63
25 Cass. 1er civ. 13 février. 2007, N°
05-12.016, Bulletin 2007 I N° 60 p. 54
Alors être auteur, c'est le prétendre. La
thèse relativise le principe de l'inaliénabilité du droit
de paternité car une fois assimilé à un véritable
signe distinctif, on ne voit pas pourquoi ce droit ne pourrait valablement
circuler entre titulaires successifs. L'assimilation de la paternité
à un signe distinctif nous apparaît assurément dangereuse.
Faciliter la transmission du droit de paternité, c'est attaquer de plein
fouet l'intangibilité des attributs même de la personne.
Frédéric POLLAUD-DULIAN écrit <<
comme le nom et sans doute l'image font l'objet de droit dualiste : un droit de
personnalité originel et qui est l'essentiel auquel vient parfois
s'ajouter un droit patrimonial, lorsque le titulaire cède ou
concède le droit d'utiliser commercialement son nom ou une image de
lui-même. Les deux sortes de droits sont distinctes et coexistent
>>26.
Il est devenu courant aujourd'hui de se référer
aux principes qui gouvernent la propriété industrielle pour
attaquer avec force la discipline personnaliste sous l'idée de
l'association entre les deux disciplines (comme nous allons voir dans la
deuxième partie de cette étude). Une association selon B.
KHALVADJIAN n'est pas raisonnable : l'objectivité propre à la
propriété industrielle s'oppose en tout point à la
subjectivité fondatrice du droit d'auteur27.
Enfin, même au niveau de la propriété
industrielle le commanditaire doit respecter le droit moral de paternité
du commandité, et respecter aussi la destination et la nature de
l'oeuvre commandée. Certes le contrat de commande donne la
titularité patrimoniale au commanditaire, par contre celui-ci est
obligé de respecter le droit moral de l'inventeur. On trouve ce
système plus fort aux Etats unis qui donne le droit de paternité
de l'inventeur une position unique28 plus importante à ce qui
est attribué à l'auteur, au contraire de la France.
Sous-section 3 - Le droit de repentir et le droit de
suit: A- Le droit de repentir
Une fois l'oeuvre entre les mains de l'acquéreur, le
commandité a remplis ses engagements. Et il se peut que, à la
réflexion, il ne soit pas pleinement satisfait de son oeuvre et souhaite
la retirer de la circulation. Quelles solutions fournit de ce point de vue le
droit d'auteur ?
Parmi les prérogatives extrapatrimoniales, l'article L
121-4 du CPI crée un droit de repentir ou de retrait qui permet
à l'auteur de reprendre sa parole. Le texte limite l'exercice de ce
droit
26 POLLAUD-DULIAN : Droit moral et droit de la
personnalité. JCP 1994,1, 3780, N° 16.
27 Vivant Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil
d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P. 70
28Le droit de protéger les brevets est
très important du fait de cette inscription dans la constitution. On met
en place un monopole limité dans le temps pour les auteurs et
inventeurs. Mais on a mis l'accent sur les inventeurs, plus que sur les
auteurs. Les brevets sont au coeur de l'exécutif américain. Le
droit revient à celui qui invente et non à celui qui
dépose aux USA. On a le << First to invent
>>, c'est le premier qui invente qui peut déposer un
brevet et donc il faut pouvoir le prouver.
aux rapports entre le cessionnaire des droits d'exploitation
et l'auteur. Lorsque, par exemple, un écrivain cède à un
éditeur le droit de publier son manuscrit, il peut revenir sur sa
décision à la double condition d'indemniser le cessionnaire pour
le préjudice causé29 et de lui offrir par
préférence d'exploiter l'oeuvre s'il change d'avis et se
résout finalement à diffuser son oeuvre30. Un auteur
qui reviendrait sur son engagement parce qu'il a trouvé un
éditeur lui concédant des droits plus intéressants ne
pourrait faire jouer ce texte et sa responsabilité serait alors plus
lourdement engagée.
La question se pose par ailleurs de savoir si le texte
s'applique en cas de vente du support matériel, ce qui fragilise
grandement la position de l'acquéreur du bien et mettrait à mal
les règles de la possession. Mais l'article L 121-4 du CPI vise les
relations de l'auteur avec les acquéreurs de droits d'exploitation et
non avec l'acquéreur du support matériel. Il n'a donc pas
vocation à s'appliquer31.
La question qui se pose est alors de savoir si le contrat peut
aménager par anticipation l'exercice des droits de retrait sans se
heurter automatiquement au principe de l'inaliénabilité du droit
moral ? le professeur SIRINILLI va répondre « si le
législateur a voulu protéger l'auteur contre ses errements au
moment où celui-ci écrit son oeuvre- au point d'instaurer dans
l'article L.121-4 CPI un régime dérogatoire à la force
obligatoire des contrats a fortiori a-t-il voulu le protéger au moment
où il renonce inconsidérément à ce droit de revenir
sur ses erreurs »32.
Ce droit ne concerne que le contrat de commande d'oeuvre d'art
pur, par contre un commandité titulaire de droit moral sur un logiciel,
une invention ou un dessin et modèle, il ne peut pas se fonder sur le
droit de repentir pour retirer son oeuvre après la publication ou la
livraison. C'est une exception qui assure la domination de la conception
économique du marché sur la conception de droit
personnaliste33.
29 Certains auteurs critiquent l'obligation d'indemnisation
préalable (A. IONASCO, op. cit., p. 47 ; dans le même sens,
COLOMBET, op. cit.,
o o
n 167). D'autres y voient une garantie supplémentaire pour
le commanditaire (A. et H.-J. LUCAS, op. cit., n 474 ).
30 HUGUET André : L'ordre public et les contrats
d'exploitation du droit d'auteur, étude sur la loi du 11 mars1957,
Paris, LGDJ, 1962. P. 78
31 GAUDRAT Philippe : Propriété littéraire
et artistique (1° propriété des créateurs). septembre
2007. Répertoire de droit civil (c) Editions Dalloz. 2009.
32 SIRINELLI Pierre : Propriété littéraire
et artistique. Paris Dalloz, 2004. P. 258.
33 GAUDRAT Philippe : Propriété littéraire
et artistique (1° propriété des créateurs). septembre
2007. Répertoire de droit civil (c) Editions Dalloz. 2009.
B- Le droit de suite.
Le droit de suite est un droit patrimonial qui obéit
à des règles particulières34. En dépit
de son caractère pécuniaire, l'auteur ne peut le céder
à titre gratuit ou onéreux, non plus qu'il puisse y renoncer. On
a cherché, pour protéger l'auteur, à prévenir toute
tentation qu'il aurait d'en retirer un profit immédiat. Cela
n'empêche pas que ce droit soit transmissible et puisse être
exercé à la mort de l'auteur par les héritiers. L'article
123-7 du CPI exclut cependant du bénéfice du droit de suite les
légataires (y compris le légataire universel) et les ayants
causes, quels qu'ils soient.
Les critiques qui s'expriment aujourd'hui à propos du
droit de suite ont notamment porté sur ses titulaires. On a fait valoir
que la majorité des sommes perçues à ce titre ne
bénéficiait qu'à un petit nombre d'héritiers. A
également été mise en cause la transmission de ce droit
à des parents éloignés. Le droit de suite est temporaire
et s'éteint soixante-dix ans après la mort de l'auteur, en
application de la directive communautaire prévoyant l'allongement de la
durée de protection des droits.
· Le taux applicable au droit de
suite
Le pourcentage reversé au titulaire du droit de suite
représente aujourd'hui 3% du prix de vente, qui est à la charge
du vendeur, taux jugé excessif par les professionneles du marché
de l'art. Ils suggèrent qu'il soit éventuellement calculé
différemment selon la valeur de l'oeuvre et moyennant certains
mécanismes compensateurs. D'autres propositions ont été
faites qui, cette fois, remettent en cause la nature même du droit de
suite et proposent de lui substituer une forme de domaine public payant, dont
une part des ressources pourrait être consacrée à des
actions d'intérêt général en faveur des
plasticiens35.
Section 2 La prohibition des cessions globales
d'oeuvres futures.
Antérieurement à la loi de 1957, en l'absence de
texte prohibant les cessions globales d'oeuvres futures. La jurisprudence a
parfois été saisie d'affaires dans lesquelles se posait la
question de la validité de telles conventions et la
doctrine36, pour sa part, s'y est intéressée,
même si ses développements ne sont pas toujours exempts d'une
certaine obscurité. L'avènement de la loi de 1957 a conduit
à la consécration de la prohibition des cessions
34 Selon l'arte L. 122-8 du CPI « les auteurs d'oeuvres
originales, graphiques et plastiques ( ) bénéficient d'un droit
de suite, qui est un
droit inaliénable de participation au produit de toute
vente d'une oeuvre après la première cession opérée
par l'auteur ou par ses ayant droit, lorsqu'intervient en tant que vendeur,
acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l'art.
Par dérogation ce droit ne s'applique pas lorsque le vendeur a acquis
l'oeuvre directement de l'auteur moins de trois ans avant cette vente et que le
prix de vente ne dépasse pas 10 000 € »
35 Cornu MARIE. Mallet-Poujol Nathalie : Droit, oeuvres d'art et
musées protection et valorisation des collections. CNRS. 2006.
36 Trib. Civ. Seine. 25 mai 1897. Ann. Prop. Indu. 1900. P. 60
globales d'oeuvres futures. Toutefois, la signification de
l'article L.131-1 du CPI pose qu'en principe « la cession globale des
oeuvres futures est nulle ».
L'article L.131-1, dont l'objectif est de soulager de
l'inquiétude quant à la sauvegarde des intérêts tant
moraux que patrimoniaux des créateurs37, est d'une
interprétation délicate. En effet, le sens et la portée de
cette disposition ont été abondamment discutés en doctrine
sans qu'un accord ait pu être trouvé sur la signification exacte
qu'il convient de lui attribuer. Même son application aux contrats de
commande n'est pas à l'abri des controverses.
Sous-section 1 - la définition classique de
l'article L.131-1.
Les divergences de la doctrine sur l'interprétation de
cette disposition semblent, de même, trahir un certain
désarroi38. Afin d'en déceler la signification,
tentons de reprendre l'analyse de la définition classique de cette
article ainsi que son influence sur le contrat de commande.
A- La notion de la cession globale.
La thèse d'HUGUET : A propos du mot global, il faut
tout d'abord écarter l'interprétation suivant laquelle il serait
synonyme de total et embrasserait à la fois toutes les oeuvres à
venir d'un auteur et tous les droits portant sur celles-ci39.
Proposer une telle interprétation de l'article L.131-1
reviendrait à le priver de signification : en effet, une cession si
générale se présente rarement, et une prohibition si vague
est, de toute façon, facile à contourner. L'intention du
législateur n'a donc pu être celle-ci.
La thèse de DESBOIS : La prohibition de l'article
L.131-1 doit pouvoir s'entendre comme la cession d'un ensemble
indéterminé d'oeuvres futures est nulle. Cette
interprétation suppose que la cession globale est nulle. Toutefois, est
licite la stipulation, par laquelle l'auteur s'engage à accorder un
droit de préférence à un commanditaire pour ses oeuvres
futures de genres nettement déterminés ; la doctrine de la
relation logique de l'article L.131-1 avec l'article L.132-4 relatif au pacte
de préférence en matière d'édition40.
Les représentations de la doctrine négligent de
prendre en compte le fait que ces deux textes concernent des domaines
différents.
37 Rappelons que l'arte. 1130, al. 1er du C.civ
dispose que « les choses futures peuvent être l'objet d'une
obligation ».
38 Le Tarnec, Alain : Manuel de la propriété
Littéraire et artistique / 2e édition. / Dalloz /
1966. P. 111
39 HUGUET André : L'ordre public et les contrats
d'exploitation du droit d'auteur : étude sur la loi du 11 mars 1957,
Paris : LGDJ, 1962. P. 111.
40 Ce droit est limité pour chaque genre à cinq
ouvrages nouveaux à compter du jour de la signature du contrat
d'édition conclu pour la première oeuvre ou à la
production de l'auteur réalisée dans un délai de cinq
années à compter du même jour. KHALVADJIAN Boris : Le
contrat d'auteur outil d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008,
P 121. H.DESBOIS : P. 648. F&P-B GREFFE. P. 186.
L'article L.132-4 intéresse une hypothèse
particulière, celle du pacte de préférence en
matière d'édition41. La liberté intellectuelle
de l'auteur n'est pas restreinte par le pacte de préférence. Au
contraire, l'article L.131-1 vise une série indéfinie de cas dans
lesquels l'auteur aura pu s'engager à créer vis-à-vis de
son cocontractant42.
Rares sont les décisions de justice qui ont
été amenées à se prononcer sur l'existence d'une
cession globale43, mais il est devenu un courant qui laisse aux
juges de refuser ou admettre l'argumentation fondée sur la prohibition
de la cession globale d'oeuvres futures.
B- La notion d'oeuvres futures.
La majorité de la doctrine s'accorde à
considérer que la prohibition de l'article L.131-1 ne concerne que les
droits d'exploitation sur les oeuvres futures. Par une sorte d'ellipse, la
formule d'oeuvres futures se référerait exclusivement aux
cessions portant sur des droits patrimoniaux et non sur les oeuvres
elles-mêmes. Un créateur qui s'engagerait dés lors à
céder la propriété corporelle de ses prochaines oeuvres,
ne pourrait pas jouir de la protection instituée à l'art. L.131-1
du CPI. En ce cas, le droit commun des contrats retrouve normalement à
appliquer44.
En revanche, prétendre que les supports
matériels sont exclus du champ de l'article L.131-1 semble pour un
courant de la doctrine arbitraire et les arguments avancés au soutien de
cette thèse peu convaincants. La législation sur le droit
d'auteur serait surtout destinée à répondre strictement
aux problèmes posés par des cessions de droits et non par des
cessions d'oeuvres. Même si cette affirmation est exacte, il n'en reste
pas moins vrai que de nombreuses dispositions concernent le statut de
l'oeuvre45.
Après avoir tenté de dégager les traits
dominants qui caractérisent la prohibition instituée par ce texte
et surtout d'en dégager les fondements, nous examinerons quelle peut
être son incidence sur la validité des contrats de commande.
C- L'incidence de la définition sur la
validité des contrats de commande.
L'application de cette disposition à de telles
conventions a été contestée par Desbois
qui restreignait le champ de l'article 33 de la loi de 1957 aux cas dans
lesquels l'auteur a cédé ses
41 A travers ce pacte, l'auteur fait la promesse de
céder un certain nombre de ses oeuvres futures ou sa production à
venir pendant un nombre d'années donné. Mais, d'une part, cette
cession n'a lieu que s'il crée. D'autre part, il n'a pris aucun
engagement sur le contenu ou la nature des oeuvres à réaliser.
42 P-Y GOUTIER : P. 572 et s.
43 Paris, 26 juin 2002, PI avril 2003, n° 7, P. 175.
44 H. Desbois, Le droit d'auteur en France : Dalloz, 3e
éd. 1978, p. 646.
A. Huguet, Ordre public et contrat d'exploitation du droit
d'auteur : LGDJ, 1961, p. 133
45 GAUTIER Pierre-Yves. La propriété
littéraire artistique, Presse universitaire, Paris, 2007. P. 574.
oeuvres futures sans contracter d'obligation de créer.
Selon lui, en effet, l'auteur « ne peut prendre l'engagement de
réaliser les oeuvres dont il cède les droits qu'après
mûre réflexion, alors qu'il serait plus volontiers enclin à
conférer l'exclusivité relativement à des oeuvres qu'il ne
s'engage pas à réaliser »46
Selon S. DENOIX, il semble paradoxal de réserver
l'application de l'article L.131-1 aux hypothèses dans lesquelles
l'auteur reste libre de toute obligation de produire, et d'exclure du domaine
de cette disposition celles dans lesquelles l'auteur promet d'exécuter
des oeuvres dont il cède généralement les droits. En
effet, dans le premier cas, seuls sont en cause les intérêts
économiques de l'auteur. Dans le second, au contraire, s'ajoutent
à ceux-ci des intérêts intellectuels et moraux liés
à l'obligation de création.
En plus, la lettre même de l'article L.131-1 ne
suggère nullement une telle exclusion et, à vouloir ainsi
restreindre le champ d'application de ce texte, on risque fort de priver de
l'unité qu'il peut présenter à titre de directive
générale et de le vider de son sens.
En outre, l'opinion de DESBOIS ne pourrait se justifier que
par l'idée, d'ailleurs sous-jacente à son argumentation, que la
conclusion d'un contrat de commande est toujours exclusive
d'indétermination47. Or, l'observation des faits
dément cette analyse. Il ne semble donc pas que ces contrats doivent,
par principe, échapper à la règle posée par
l'article L.131-1 la difficulté qu'ils soulèvent est ailleurs.
Sous-section 2 - la définition moderne de
l'article L.131-1.
L'article L.131-1 du code de la propriété
intellectuelle pose le principe de la prohibition des cessions globales
d'oeuvres futures, dans un souci de protection des intérêts des
créateurs. Au premier abord, une telle disposition ne paraît pas
devoir intéresser le contrat de commande et l'on voit mal quelle
commande globale pourrait mettre en péril les intérêts du
créateur. Pourtant, à l'examen, on s'aperçoit que les
créateurs indépendants sont à la frontière du
contrat de travail et du contrat de commande et qui ont pour objet un nombre
élevé d'oeuvres. Il arrive même que de telles conventions
ne soient définies que par leur durée, sans que les oeuvres
commandées soient individualisées au moment de la formation de
l'accord de volontés48.
46 DESBOIS : cit. P. 649.
47 LUCAS André : Droit d'auteur et création
salariée, Revue Lamy Droit de l'Immatériel, 03-2008,
N°36.
48 VIVANT Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil
d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P. 117.
A- La thèse de l'indétermination des
oeuvres.
Suite aux thèses classiques, un courant de la
doctrine49 a avancé l'idée d'assimiler les cessions
globales à des cessions d'un ensemble indéterminé
d'oeuvres futures. Mettant alors en doute les enseignements tirés de
l'analyse des travaux préparatoires, elle rejette l'idée de
définir la prohibition de l'article L.131-1 du CPI << à
partir de seuils fixés à l'avance auxquels le juge serait tenu de
se soumettre »50. Selon elle, au contraire, le juge doit
apprécier le caractère global de la cession en tenant compte
principalement du << degré de précision dans la
définition de l'obligation de création des oeuvres à
réaliser »51. Par conséquent, un auteur <<
pourra s'engager à produire pendant une durée
déterminée, même longue, ou bien à exécuter
en nombre d'oeuvres, même élevé ; si les parties ont
convenu un minimum de précision de ces créations à venir
et de leur destination, leur accord ne saurait être censuré
»52.
Son raisonnement se base essentiellement sur l'analyse de la
jurisprudence contemporaine. Il semble que depuis 1957 les juges ont tendance
à écarter l'application de l'art L.131-1 du CPI dans des cas
où justement les oeuvres futures font l'objet d'un degré de
précision suffisant. Mais il n'est pas sur qu'il y ait là la
raison déterminante de la mise à l'écart de la disposition
par le juge.
B- L'application jurisprudentielle vis-à-vis du
contrat de commande.
Comment rechercher la manière dont il faut mettre en
oeuvre l'article L.131-1 dans le domaine des contrats de commande ? Deux
décisions rendues, l'une par la cour d'appel de Paris, l'autre par la
cour de cassation fournissent à cette question des
éléments de réponse.
Dans un arrêt, du 10 juin 198653, la cour
d'appel de Paris a sanctionné, en vertu de l'ancien article 33 de la loi
de 1957, une convention conclue avec l'auteur M. de MONTPEZET pour
rédiger différents ouvrages qui, s'ils avaient pour
caractéristique commune purement fortuite d'être à
prétention autobiographique, étaient pourtant totalement
indépendants les uns des autres, les personnes ayant inspiré ces
différents écrits étant elles-mêmes
étrangères les unes aux autres.
Dans l'affaire MONTPEZET, l'objet du contrat n'imposait pas
l'indétermination dont l'obligation de l'auteur était
empreinte : chaque ouvrage, successivement, aurait pu donner
49 DENOIX de SAINT MARC Stéphanie : le contrat de commande
en droit d'auteur français, Litec, 1999. P. 137. Cette opinion
dépende la thèse ancienne de S. Strömholm, Le droit moral de
l'auteur en droit allemand, français et scandinave : t. 1, p. 160,
Stockholm, 1967.
50 DESBOIS : cit. P. 653.
51 MOUSSERON Jean-Marc et SCHMIDT-SZALEWKI Joanna : Les
créations d'employés, Litec, 1990, p. 273
52 Cass. 1er civ. 6 nov. 1979, n° 77-16.001,
Publication, Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 1 N.
271
53 CA Paris, 10 juin 1986, RIDA n° 133, juillet. 1987, P.
193.
lieu à un accord séparé entre les parties
; l'exigence de détermination aurait été ainsi
respectée. Seules des motivations d'ordre pratique, et,
vraisemblablement, des préoccupations de nature financière, de la
part de l'éditeur, ont dicté la globalité des termes de la
convention.
Au contraire, dans la seconde affaire - Cabut c.
Société Dargaud- la cour de cassation54a
approuvé la cour d'appel « Dès lors qu'une Cour d'appel
relève que le contrat écrit, par lequel un auteur cédait
à une société d'édition, à la suite d'une
commande, le droit de reproduire une série d'histoires et de gags
illustrés qu'il s'engageait à écrire et à illustrer
aux fins de publication régulière dans un journal, à
raison d'une ou plusieurs planches, et destinés ensuite à
être publiés en album, individualisait chacun des droits
cédés, déterminait la date de cession, définissait
d'une façon précise le domaine d'exploitation des droits
cédés quant à l'étendue, la destination et la
durée, fixait la rémunération de l'auteur et comportait
une cession par l'auteur à la société d'édition du
droit de réunir en recueil les planches dessinées qui
paraîtraient, cette juridiction a pu sans admettre que la publication
dans le journal devrait être assimilée à un écrit,
considéré qu'il avait satisfait aux exigences de l'article 31 de
la loi du 11 mars 1957.
La juridiction qui retient qu'une cession de droits ne
portait que sur des histoires, commandées par une société
d'édition à un auteur et ayant le même personnage
principal, et que l'auteur pouvait cesser sa collaboration au journal
reproduisant ces histoires, sous réserve de livrer normalement
jusqu'à sa fin l'épisode en cours, a pu considérer qu'il
n'avait pas été contrevenu aux dispositions de l'article 33 de la
loi du 11 mars 1957, qui prohibe la cession des oeuvres futures ».
De l'analyse de ces décisions, deux conclusions de
portée générale peuvent être tirées.
Tout d'abord, l'hypothèse où la
détermination des oeuvres à réaliser ne sera jamais que
relative. Il relèvera alors de l'appréciation des magistrats de
considérer, dans chaque espèce, si les intérêts de
l'auteur sont assez protégés55.
Puis, l'indétermination qui est susceptible d'affecter
un contrat de commande trouve avant tout sa source dans la délimitation
de la mission créatrice de l'auteur. Ainsi, ce n'est ni la durée
de l'engagement, ni le nombre d'oeuvres qu'il aura promis de réaliser
qui, en euxmêmes, créeront les conditions de l'annulation du
contrat, mais l'insuffisance des stipulations contractuelles relatives à
la nature du travail de création qui, le cas échéant, en
sera la cause56.
54 Cass, 1er civ. 6 novembre. 1979, RIDA, N° 103,
juillet, 1980. P. 167.
55 Vivant Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil
d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P. 115.
56 Le commandité pourra s'engager à produire
pendant une durée déterminée, même longue, ou bien
à exécuter un nombre d'oeuvres, même élevé
; si les parties ont convenu avec un minimum de précision de ces
créations à venir et de leur destination, leur accord ne saurait
être
Enfin, on trouve que la définition moderne de l'article
L.131-1 est plus acceptable par la jurisprudence que les autres, aussi une
décision de la cour de cassation daté de 8 novembre 1989 a
assuré cette thèse57.
La question des oeuvres futures concernant le dessin et
modèle :
Il est admis que la prohibition légale de cession
d'oeuvre future ne s'appliquait pas au contrat de commande relatif aux dessins
et modèles, pour plusieurs raisons, les oeuvres, si elles ne sont pas
encore créées sont du moins individualisées au moment du
contrat, le contrat de commande est en générale passé pour
une pluralité d'oeuvres si ce n'est de la totalité de la
production future d'un artiste est interdite. Puis l'auteur
bénéficiaire d'un contrat de commande conserve son entière
liberté de création en dehors du contrat58.
Enfin, à propos du contrat de commande concernant le
commandité qui n'a pas la qualité d'auteur, tant qu'il est soumis
toujours au droit commun, on applique l'article 1130 du code civile « les
choses futures peuvent être l'objet d'une obligation » donc c'est au
contraire de l'article L.131-1du CPI.
Chapitre 2 : la lecture jurisprudentielle et doctrinale
de l'aspect créateur.
Parallèlement avec la loi, la jurisprudence va
interpréter toujours l'ambiguïté de la loi au profit de la
conception protectrice de la partie présumée faible. Dans le
contrat de commande même s'il n'y a pas précision
expressément claire, le juge recourt à une interprétation
large, et aussi aux règles de l'analogie, afin de donner au
commandité une position unique, soit au niveau de l'écriture du
contrat soit au niveau de la détermination de la
rémunération.
Section 1 L'exigence de l'écrit.
Bien que le droit français ne distingue pas, par
rapporte de l'exigence de l'écrit, entre l'oeuvre pure et simple et
l'oeuvre appliquée, mais dans la pratique, la jurisprudence a fait une
nuance dans la lecture de deux oeuvres selon leur finalité soit
industrielle ou soit pour l'exposition. Elle se contente par le commencement de
preuve par l'écrit pour la première alors qu'elle exige
l'écrit dans la deuxième.
Sous-section 1 - L'aspect d'oeuvre pure et simple.
A- Le principe.
La loi ne soumet la conclusion du contrat de commande
d'oeuvres à aucun formalisme. A cet égard, l'article L131-2 du
Code de la propriété intellectuelle dispose que << Les
contrats de représentation, d'édition et de production
audiovisuelle définis au présent titre doivent être
constatés par écrit. Il en est de même des autorisations
gratuites d'exécution. Dans tous les autres cas, les dispositions des
articles 1341 à 1348 du Code civil sont applicables ».
L'écrit n'est donc pas obligatoire ; Le contrat de
commande sera valablement formé par la rencontre de volonté des
parties, l'artiste acceptant de réaliser l'oeuvre et le commanditaire
d'en payer le prix59.
Dans ce cas, et même sans écrit, l'auteur et le
commanditaire sont liés par un contrat et sont tenus l'un envers l'autre
de réaliser leur engagement et de respecter leurs obligations
contractuelles, en l'occurrence, la réalisation de l'oeuvre et le
paiement du prix convenu. A défaut, ils engagent leur
responsabilité. Certains n'ont parfois pas conscience que, même
sans
59 La première chambre civile de la Cour de cassation a
écarté, dans un arrêt en date du 21 novembre 2006,
l'obligation de respecter le formalisme des cessions prévue à
l'article. L. 131-3 du CPI dans l'hypothèse des contrats non
prévus par l'article L.131-2 CPI.
A. Lucas : << La cession d'exploitation sur des
modèles n'était soumise à aucune exigence de forme
».
COLLART DUTILLEUL François, DELEBECQUE Philippe : Contrats
civils et commerciaux, 8e édition Dalloz, 2007.
écrit, ils sont liés par un véritable
contrat et qu'ils sont dès lors tenus d'exécuter leurs
obligations contractuelles60.
Il peut dès lors s'avérer nécessaire de
rapporter la preuve de l'existence du contrat de commande. Ici, les
dispositions du Code civil sont applicables, et plus précisément
les articles 1341 à 1348. Pour prouver l'engagement, un écrit est
nécessaire lorsqu'une somme supérieure à 1500 € est
en jeu. Toutefois, cette exigence est amoindrie puisqu'en cas de commencement
de preuve par écrit ou d'impossibilité matérielle ou
morale de rapporter un écrit, la preuve par présomption ou par
témoins est admise61.
B- Le débat de la doctrine.
Faire réfléchir l'auteur. Exigence d'un
écrit. S'il est vrai que la plupart de nos contrats sont consensuel,
depuis la rupture d'avec les lourdeurs romanises, il n'en est pas moins vrai
que le législateur contemporain a multiplié les exceptions,
exigeant, dans les cas où il est préférable de faire
réfléchir la partie présumée juridiquement et
économiquement faible, par rapport à l'autre, qu'il soit
passé un écrit 62.
L'article L. 131-2 soulève la question, devenue
classique, de l'interprétation de son champ d'application. On s'est
interrogé, en effet, pour savoir quels étaient les contrats
régis par la règle de l'écrit qu'institue ce texte. La
doctrine est aujourd'hui unanime pour considérer que cette disposition,
dérogatoire au droit commun des contrats, est d'interprétation
stricte, bien que la nature des motivations qui l'inspirent incite à en
étendre la portée à l'ensemble des contrats de droit
d'auteur. Toutefois, il faut reconnaître que les conditions strictes
qu'imposent les dispositions relatives à exiger l'écrit comme
condition de preuve dans tous les cas, même ceux qui ne sont pas
visés par l'article L.132-2, alinéa 163.
Dans le cadre des contrats de commande auxquels est
attachée une cession de droits patrimoniaux, l'application de ces
diverses dispositions aura des conséquences différentes selon le
type d'exploitation auquel la convention conclue entre les parties destine
l'oeuvre commandée. S'il s'agit d'un contrat de commande
d'édition, la cession des droits devra, bien entendu, être soumise
à la condition de l'écrit, posée par l'article L.131,
alinéa 1 ; il en sera de même pour tous les contrats visés
par cette disposition.
60 BENABENT Alain : Droit civil les contrats spéciaux.
10e édition Paris, Montchrestien 2005. P. 87. 88.
61 André et Henri-Jacques LUCAS : Traité de la
propriété littéraire et artistique : 3e
édition. Litec, 2006. P. 435.
62Colombet, Claude : La portée des
autorisations d'exploitation en matière de contrats relatifs au droit
d'auteur, Dalloz, 1995. P. 64 FRANCON André : La liberté
contractuelle dans le domaine du droit d'auteur, D. 1976 chron, P. 55.
VIVANT Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil
d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P. 145
63 Art. 3 al. De la loi du mars 1952 : « les cessions ou
autorisations de reproduction ne peuvent être présumées.
Elles doivent résulter d'un écrit assorti de tous moyens propres
à identifier la création originale dont la reproduction est
cédée ou autorisée »
Un avis dit que l'article L.131-3, alinéa 2, autorise
en outre l'échange des consentements par télégramme,
à condition que les mentions essentielles du contrat, i,e
étendue exacte de la cession, y figurent, ce qui montre la liaison
intime entre forme et fond. Avec l'introduction des articles 1316 et 1108-1 et
1369-10 du code civil, autorisant tant l'écrit que la signature
électroniques, il est clair que le contrat d'auteur peut être
conclu par E MAIL. Notons encore qu'un échange de lettres vaut contrat,
si toutefois elles sont précises64.
Un avis qui soulève la bonne foi du commandité
« Même superprotégé par l'article L.131-2, l'auteur ne
saurait se retrancher de mauvaise foi derrière l'absence d'écrit
; par conséquent, son cocontractant sera admis à faire sa preuve
à l'aide des « reines » du droit probatoire privé :
l'aveu et le serment, émanant de l'auteur, dont l'on sait qu'ils sont si
puissants, qu'ils peuvent suppléer dans tous les cas l'écrit
»65.
Par contre un avis avec raisonnement dit « Quoi qu'il en
soit, il est conseillé de conclure le contrat de commande par
écrit. Etablissant la preuve de l'existence du contrat de commande, il
permet aux parties de fixer les conditions de son exécution. Il limite
ainsi toute équivoque sur l'étendue des obligations
contractuelles respectives de l'auteur et du commanditaire66
».
Les preuves de l'exigence de l'écrit.
- Dans le cas d'ailleurs où des contrats visés
par l'article 131 du CPI et où le contrat de commande n'a pas
été formalisé mais reste valable, il subsiste le
problème de la preuve du contenu du contrat, alors que l'article L.131-3
exige un certain nombre de mentions obligatoires et que l'article L.131-4 sur
le prix suppose que celui-ci soit stipulé par écrit. Il ne serait
pas très logique, après avoir admis que le commanditaire puisse
faire sa preuve de la convention, qu'on la taxe aussitôt de
nullité faute d'absence de détermination constaté par
l'écrit67.
- A supposer le contrat valable, le partenaire de l'auteur ne
pourra de toute façon prétendre qu'aux modes d'exploitation qu'il
aura clairement et expressément reçus : c'est la règle de
l'interprétation restrictive de la cession, posée avec toute la
lumière possible, par l'art. L.131-3. Cette règle vient
écarter le droit commun de l'art. 1602 du Code civil. Par
conséquent, aux formules vaines et dangereuses, pleines de
64 CORNU Marie. MALLET-POUJOL Nathalie : Droit, oeuvres d'art et
musées protection et valorisation des collections. CNRS. 2006. P. 145.
TGI Paris, 8 septembre. 1998, RIDA, juillet 1999, P. 318. A&H-J LUCAS : P.
436.
65 FLOUR Aubert et Savaux, Les obligations, vol, 1,
12e édition, 2006 n° 310.
66 MESTRE Jacques : L'approche par le juge du formalisme
légale, RTD civ. 1988, P.329.
67ALEXANDRA Touboul : le contrat de commande d'une
oeuvre d'art en droit privé, Cycle information, Droit§Culture. 2006
POLLAUD-DULIAN Frédéric : Le droit d'auteur, Econmica, 2005. P.
676.
<< notamment..... » ou << d'etc » en outre,
le contrat, pas plus que la loi, ne saurait être interprété
littéralement68.
- C'est vrai qu'ainsi, l'entreprise sans écrit risque
paradoxalement d'être mieux traitée que celle qui est dotée
d'un contrat formel, mais incomplet, ce qui conduit parfois à la
nullité. En ce cas, le contrat serait considéré comme
valable mais devrait être cantonné à un certain minimum, ne
serait-ce qu'en application de la règle d'interprétation stricte
des cessions, les droits dérivés restant à l'auteur
selon la théorie de la partie faible dans le
contrat69.
Donc il faut ajouter que le consentement personnel et
donné par écrit de l'auteur est obligatoire pour tous les
contrats70.
Si l'écrit est obligatoire dans la doctrine. Alors, un
contrat de commande dépourvu d'écrit. Nullité ou
irrecevabilité ?
Puisque la loi spéciale se montre aussi
énergique et qu'elle risquerait de faire double emploi avec l'article
1341 du code civil, l'on pourrait en inférer que l'écrit est
requis ad validitatem, à peine de nullité (mais
relative, au seul bénéfice de l'auteur, libre d'y renoncer si le
contrat ne lui est finalement pas défavorable)71.
L'exclusion expresse du droit commun s'expliquerait ainsi parfaitement. Ce
n'est pourtant pas la solution de la jurisprudence : dès avant la loi de
1957, elle avait posé que ad probationem. Dans des
hypothèses, il est vrai, où c'était l'auteur qui cherchait
à se prévaloir du contrat, ce qui laisse entière la
question de son invocation par le partenaire économique. Dans le premier
cas, en effet et pour peu que le cocontractant soit commerçant, il
suffit d'avoir recours à la théorie des actes mixtes, permettant
à la personne civile de faire sa preuve par tous moyens, de sorte que
l'existence d'un contrat, fût-il verbal, pourra être
prouvée72.
La solution, qui après tout, peut s'autoriser de
l'absence de directives dans l'article L.131-2 (et du caractère
limitatif de l'exclusion du code civil : article 1341-1348) doit être
approuvée en ce qu'elle laisse au juge toute latitude pour
apprécier la bonne foi de l'auteur, trompé ou au
68 Le formalisme (écrit, mentions,
rémunération) doit s'appliquer à la commande, faute de
quoi les exigences du code seraient trop facilement tournées. (Est-il
exclu en matière de commande ? pas sûr) Il profite à
l'auteur, même s'il a conclue par l'intermédiaire d'un mandataire
(qui ne fait que le représenter). P-Y GOUTIER. P. 537.
69 HUGUET André : L'ordre public et les contrats
d'exploitation du droit d'auteur : étude sur la loi du 11 mars 1957,
Paris : LGDJ, 1962 André et Henri-Jacques LUCAS: P. 435.
70 VIVANT Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil
d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P. 201. A. LUCAS : A.
Lucas : Propr. Intell. 2007, n° 22, p. 93.
71 Il convient de noter à égard que l'art.28 du
projet d'ordonnance de 1945 avait érigé l'écrit en
condition de validité des contrats des cessions de droits d'auteur :
<< le droit de représentation et le droit de reproduction sont
cessible à titre onéreux. - Toutes les conditions de la cession
doivent, être à peine de nullité du contrat,
stipulées par écrit. Il en est de même des autorisations
gratuites d'exploitation -
72 FRANCON André : La propriété
littéraire et artistique, Paris : PUF, 1979, P. 80.
CARON § FRANCON André : La liberté
contractuelle dans le domaine du droit d'auteur, D. 1976 chron, P. 55.
Le Tarnec, Alain Manuel de la propriété
Littéraire et artistique / 2e édition. / Dalloz / 1966. P.
108.
GOUTIER Pierre-Yves : Propriété littéraire
artistique, PUF, 2007, P. 519
contraire roué. Mais il faut bien voir qu'on est
à un cheveu de l'application des modes de preuve imparfaits, voire
au-delà, puisqu'il s'agit de se fonder essentiellement sur des
comportements.
Cependant, il faut être réaliste : d'abord, le
serment décisoire déféré en justice à son
adversaire n'est pas vraiment une procédure courante73... .
Ensuite, l'aveu judiciaire - reconnaître pour vrai un fait que votre
adversaire vous oppose devant le juge - ne l'est pas tellement
plus74.
Sous-section 2- L'aspect d'oeuvre d'art
appliqué.
Suivant l'article L.131-2 du CPI « les contrats de
représentation, d'édition ou de production audiovisuelle
définis au présent titre doivent être constatés par
écrit ».
Mais il est clair que ces dispositions ne visent exclusivement
que la matière théâtrale (contrats de
représentation) ou littéraire (contrat d'édition) et les
oeuvres audiovisuelles.
La nécessité d'un écrit ne peut en
conséquence concerner les arts appliqués et d'ailleurs
l'alinéa 2 de l'article L.123-2 du CPI mentionne que « dans tous
les autres cas, les dispositions des articles 1341 à 1348 du code civil
sont applicables ».
Ce qui signifie que dans tous les autres cas, il suffira de se
conformer aux règles du droit commun75.
Donc. En ce qui concerne les arts appliqués, la cession
d'un dessin ou d'un modèle n'était conditionnée par aucune
formalité ; la cession peut même résulter d'un accord
verbal76.
Mais si la rédaction d'un écrit n'est en
conséquence pas exigée, cela signifie seulement que les
intéressés seront dispensés d'établir un
écrit spécial et rien d'autre mais il importe de savoir que les
modes de preuve réglementés par le code civil prévoient au
moins la production d'un commencement de preuve par écrit dont les
documents les plus variés pourront tenir lieu tels que des
correspondances, des factures, des quittances, etc77.
Jugé notamment qu'interprétant l'intention des
parties et appréciant les éléments de
preuve versés aux débats (en l'espèce des factures),
les juges du fond n'ont fait qu'user de leur
73 VIVANT Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil
d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P. 155.
74 GAUTIER Pierre-Yves. La propriété
littéraire artistique, PUF, Paris, 2007. P. 520 Cass. 1er
civ. 21 novembre 2006, D 2007, N° 05-19.294.
75 P-B&F GREFFE: Traité des dessins et modèles,
8 édition, Litec 2008.
76 CA Versailles, 31 octobre 1996 : JCP E 1997, chorn. Dessins et
modèles
77 RAYNARD Jacques, ANTONMATTEI Paul-Henri : Droit civil contrats
spéciaux, Litec 5e édition, 2007. P. 316. Cass,
3e civ, 15 novembre 2000, Bull, III, n° 172.
pouvoir souverain en retenant qu'elle lui avait commandé
et réglé, et qui a été utilisé
ultérieurement par la société des Pompes
Guinard78.
La cour de Paris (4 ch. 28 octobre 1981) a
décidé que la cession du droit de reproduction d'une oeuvre n'a
pas à être constatée par écrit, qu'en
l'espèce, les parties ayant la qualité de commerçant, la
preuve de la cession pouvait être apportée par tous les moyens en
application de l'article 109 du code de commerce.
Aussi jugé que L'article L 131-3 du Code de
Propriété Intellectuelle ne visent que les contrats prévus
à l'article L 131-2 du même code à savoir les contrats de
représentation, d' édition et de production audiovisuelle.
L'exigence de l'écrit n'est pas nécessaire ainsi que le pose
cette dernière disposition pour les autres contrats qui relèvent
en terme de preuve de l'application des articles 1341 à 1348 du code
civil79.
La cour de cassation par un arrêt du 27 mai 1986, qui
met un terme à toute discussion sur la question de savoir si un
écrit était ou non nécessaire, a jugé qu'il ne
pouvait être reproché à un arrêt « d'avoir
débouté un commandité de sa demande tendant à
obtenir une participation sur l'ensemble des recettes perçues par une
société et trois sociétés d'édition en
raison de l'exploitation de ses créations, dés lors qu'il
relève que par une convention de louage d'ouvrage dont
l'exécution pendant quinze ans n'a donné lieu à aucune
contestation de la part de l'auteur, la société avait
confié à celui-ci, moyennant rémunération de son
temps de travail, la réalisation des dessins dont elle avait besoin pour
l'instruction des techniciens de sa marque, et dont l'auteur savait ainsi
dès l'origine de cette convention elle-même qu'ils ne lui
étaient commandés que pour être reproduits, la cour en
ayant exactement déduit que, dans une telle espèce, la
facturation des objets livrés emporte nécessairement cession du
droit de reproduction et qu'elle vaut manifestation expresse et écrite
de la volonté du cessionnaire »80.
Jugé encore que la cession du droit d'utilisation de
pictogrammes constituant des signes distinctifs d'identification de produits
est présumée, du fait de la nature et l'objet de ces
créations, résultent de leur seule fourniture au client
lorsqu'elle n'est pas accompagnée d'une réserve expresse et
précise permettant à ce dernier de connaître l'exacte
consistance de ce qui lui est fourni81.
78
Cass. Com, 8 février 1983 N°
80-14.682 Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre commerciale N.
54
79 TGI de Paris 3ème civ, 19 septembre 2007,
Dalloz jur. gén, N° 06/01258
80 Cass, 1er civ, 27 mai 1986, Dalloz jur. gén,
N° 83-17.106
81 CA Versailles, 20 novembre 1997, Dalloz jur. gén,
N° 1995-9054. Bulletin 1986 I N° 143 p. 143.
Enfin, même si le législateur ne demande pas
l'écrit comme condition de validité du contrat de commande dans
les propriétés industrielle. Par contre, il demande
l'écrit et l'inscription de la cession dans un registre82,
pour que la cession soit opposable aux tiers83. Cette
publicité prévue par le législateur joue le même
rôle de l'écriture dans le droit d'auteur.
Section 2 - La détermination de la
rémunération du commandité.
Le contrat d'entreprise n'exige pas la détermination du
prix, par contre, la jurisprudence demande la détermination du prix au
niveau du contrat de commande, même si le prix n'est pas
déterminé dès la formation du contrat, elle a donné
à l'auteur le droit de déterminer le prix. De plus la loi a
assuré au commandité un droit de rémunération
proportionnelle en cas d'oeuvre appliquée. Nous allons examiner la
détermination du prix en étudiant les deux genres d'oeuvres.
Sous-section 1- la commande d'oeuvre d'art pure.
Le plus souvent, le commandité d'une oeuvre pure et
simple à des fins non-commerciales, et le commanditaire se sont entendus
sur un prix qu'ils ont prévu dans le contrat et qui ne peut normalement
être modifié. Mais il arrive aussi que les parties n'aient pas
pris soin de le faire ou qu'elles aient implicitement laissé au
commandité la faculté de déterminer le montant de sa
rémunération. Il résulte alors de l'absence de
détermination de prix, que la jurisprudence interprète toujours
l'intention des parties dans le contrat au profit de l'auteur84.
A- Le prix fixé dès la formation du
contrat.
Dans la plupart des cas, dès le moment de la conclusion
du contrat, le commandité et le commanditaire s'accordent sur le prix,
contrepartie de la prestation de l'auteur. Il arrive, en effet que le
commanditaire verse à l'auteur, au moment de la conclusion du contrat,
un prix préalable (disparu du droit commun, réapparu dans le
droit spécial85), complété
ultérieurement par une rémunération supplémentaire
: les honoraires destinés à rémunérer
l'activité créatrice et les droits d'auteur sont alors
confondus.
Dans l'hypothèse où le prix est fixé
dès l'origine, il est de principe que les parties ne puissent revenir
sur cet accord et que le juge n'intervienne pas pour le modifier. Il arrive
cependant
82 L. 513-3 « tout acte modifiant ou transmettant les droits
attachés à un dessin ou modèle déposé n'est
opposable aux tiers que s'il a été inscrit dans un registre
public, dit registre national des dessins et modèles »Le registre
d'I.N.P.I pour les brevets, les marques et les dessins et modèles.
83 L.512-4 pour les dessins et modèles. L.613-9 pour les
brevets. L.714-7 pour les marques du CPI. A&H-J LUCAS : P. 437.
84 GOUTIER Pierre-Yves : Propriété
littéraire artistique, PUF, 2003.P.403
85 De quelques considérations teintées
d'inquiétude sur la dispense de prix préalablement
déterminé, dans tous les contrats d'entreprise. Pierre-Yves
Gautier. RTD Civ. 1994 p. 631.
que soit exceptionnellement reconnu au juge un pouvoir de
révision du prix, au profit de l'auteur, en prenant en
considération la théorie de la partie faible dans le contrat.
Sur la question de la possibilité de modifier le
prix par les parties de contrat ?
L'intangibilité du prix déterminé par les
parties lors de la conclusion du contrat repose sur le caractère
obligatoire des engagements contractuels, affirmé par l'article 1134 du
code civil86 ; elle découle de la condamnation de la
théorie de l'imprévision. Cette technique de fixation du prix, au
moment de la conclusion du contrat, correspond notamment à la pratique
du marché à forfait, qui présente, pour les contractants,
l'avantage de la sécurité, mais a pour contrepartie une certaine
rigidité87. En effet, il résulte du marché
à forfait que « les travaux convenus (et leurs compléments
nécessaires pour respecter les règle de l'art) ne peuvent donner
lieu qu'au paiement du forfait, même si leur exécution s'est
avérée beaucoup plus coûteuse que prévu pour
l'entrepreneur à raison de difficultés extérieures et
imprévisibles88 ».
S'il apparaissait que le commanditaire demandait des apports
complémentaires au projet initial de la commande, et que l'auteur
acceptait d'y procéder, le prix pourrait être modifié par
un avenant au contrat89. La difficulté, en la matière,
peut être, alors, de distinguer ce qui n'excède pas les suites
normales du contrat, et ne justifie pas un complément de prix, de ce qui
correspond à une demande nouvelle de la part du client et appelle une
rémunération supplémentaire.
Hormis les cas dans lesquels un travail supplémentaire
est demandé par le commanditaire, le prix tel qu'il est fixé dans
le contrat est normalement immuable. Il peut en être autrement lorsque le
juge exerce exceptionnellement une faculté de révision du prix,
alors même que les parties se sont entendues sur le montant de la
rémunération, et si le juge trouve que les intérêts
généraux de l'auteur sont menacés. Nous n'oublions pas la
possibilité de l'auteur de poursuivre le commanditaire par le droit de
suite, si les conditions sont remplies, comme nous allons les trouver
ci-dessous90.
B- Le rôle du juge en cas d'absence de
précision de prix dès la formation.
1) En cas d'absence de détermination :
Si les parties ont omis de prévoir un prix, au moment de
la conclusion du contrat, ce dernier n'est pas nul pour autant et les
contractants
86 Art 1134 du Code civil « Les conventions
légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont
faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur
consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent
être exécutées de bonne foi ».
87 Vivant Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil
d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P.83
88 BENABENT Alain : Droit civil les contrats spéciaux.
Paris, Montchrestien 2005. P. 108.
89 La modification du prix demande un nouvel accord écrit
des partis, car il y aurait un changement d'objet (art, 1271-1, 1273 du Code
civil). P-Y GOUTIER : P. 550.
90 GUADET : inexistence, nullité et annulabilité du
contrat essai de synthèse, mars 2006
peuvent s'en remettre au juge qui déterminera le
montant de la rémunération de l'entrepreneur. Cette solution est
devenue classique91. Elle a été adoptée pour le
contrat de commande dans une affaire Edwards c. Boldini, sans même que la
qualification de contrat d'entreprise y ait été
évoquée92.
Le juge de fonds dans l'affaire d'Edwards c. Boldini va
élargir la conception de l'indétermination du prix afin d'assurer
la protection de la partie présumé faible dans la relation
contractuelle, dans l'espèce, l'indétermination du prix ne se
déduit pas seulement de l'absence totale de prévision à ce
sujet, dans le contrat, mais également d'une simple incertitude quant
à l'accord des parties sur un montant donné. Soulignons,
d'ailleurs, que, conformément au droit commun, c'est à celui qui
se prévaut d'un accord sur une certaine somme qu'il revient de
l'établir93.
2) En cas d'excessivité du prix :
Lorsque le commandité fixe unilatéralement le prix
après l'exécution de sa prestation, il peut arriver que le
commanditaire le juge excessif. Ce dernier peut-t-il contester devant le juge
cette excessivité ? Cette question, qui se pose lorsque les parties
n'ont rien prévu dans le contrat au sujet de la
rémunération, doit être soigneusement distinguée de
celle que soulève le pouvoir de révision du juge quand les
contractants se sont entendus sur un prix au moment de la conclusion de leur
accord94.
Le juge ne peut se contenter de pallier le silence des
parties, il doit aussi en présence d'un prix excessif, fixé
unilatéralement par l'entrepreneur, avoir le pouvoir de réduire
le prix ce qui semble donc devoir être le complément
nécessaire de la faculté de la fixer, en l'absence de stipulation
du contrat sur ce point. Cette opinion paraît être partagée
par M. MALAURIE95 et AYNES qui écrivent que : << le
juge devrait toujours pouvoir, même dans le marché sur facture (et
pas seulement pour les professions libérales)96,
procéder à une révision du prix,
91 Vivant Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil
d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P. 98
92 Dans cette espèce, le peintre, qui avait
accepté d'exécuter un portrait, contestait le prix de 60 000
francs qu'Edwards se proposait de lui payer, pour son tableau. Boldini
soutenait que ce prix n'avait fait l'objet d'aucune convention entre les
parties et n'acceptait de se séparer de l'oeuvre que contre le paiement
d'une somme de 300 000 francs. Le Tribunal civil de la Seine, saisi par le
commanditaire, désigna des experts pour fixer le prix dû <<
en tenant compte de la notoriété de l'artiste, de la valeur de sa
signature, de l'importance du tableau et des prix généralement
demandés par Boldini de la valeur intellectuelle de l'oeuvre »
Trib. Civ. Seine. 28 juin 1924.
93 << il semble bien résulter des
explications fournies que ce prix ne pouvait s'appliquer à la toile
telle qu'elle a été définitivement conçue et
exécutée ;qu'aucune justification des prétentions
respectives des parties n'a été apportée de part ni
d'autre ; qu'il en résulte nécessairement que le prix du tableau
est resté indéterminé » Trib. Civ. Seine. 28
juin 1924.
94 Nous savons pourtant depuis les célèbres
arrêts de l'assemblée plénière du premier 1
décembre. 1995, que l'indétermination du prix dans les
contrats-cadres de la distribution n'est plus une cause d'annulation du
contrat. Les juges ont pris acte en ce domaine de la difficulté pratique
pour les parties de s'entendre par avance sur la fixation d'un juste prix.
L'indétermination du prix dans le contrat servait en outre trop
fréquemment les intérêts du contractant faible souhaitant
se dérober à ses obligations. Une nouvelle vision du droit de
contrats est née, plus orientée autour de son exécution
que de sa formation ; l'abouchement d'un monde contractuel essentiellement
fonction du comportement loyal des parties, plus que des seules stipulations
expresse du contrat Ass. Plén. 1 décembre 1995, Bull. civ.
n° 9, R. P. 290. Le prof J. MESTRE << la solution n'est pas
transposable à l'indétermination du prix dans le contrat
d'auteur, puisqu'à la différence du domaine de la distribution,
la loi impose sur le fondement d'un texte particulier la mention du prix dans
le contrat d'auteur ».
95 MALAURIE, Philippe : Cours de droit civil. Tome VIII,
Les contrats, spéciaux civils et commerciaux. Paris : Cujas, c1999. P.
393.
96 DENOIX de SAINT MARC Stéphanie : le contrat de commande
en droit d'auteur français, Litec, 1999, P. 54
afin que le client ne soit pas à la merci de l'artisan qui
dans le cadre de la conception créatrice, a possibilité de
déterminer le prix>>.
Un arrêt de la cour de cassation, rendu le 3juin
198697, paraît pourtant réserver ce pouvoir judiciaire
d'arbitrage du prix aux contrats d'entreprise conclus par les professions
libérales. La Cour suprême a ainsi affirmé, au sujet de la
rémunération d'un expert-comptable, que « les tribunaux
peuvent, quand une convention a été passée en vue de
l'exécution de travaux donnant lieu à honoraires, réduire
ces derniers lorsqu'ils paraissent exagérés, pourvue qu'ils
n'aient pas été versés en connaissance du travail
effectué et après service fait >>. Cette solution, qui a
été présentée par M. BENABENT98 comme
« un nouveau pas >> franchi par la jurisprudence, semble, au
contraire, conforme à la position traditionnelle des tribunaux en
matière de contrat d'entreprise « on ne voit pas très bien
pourquoi, dans cet arrêt, les juges ont voulu la limiter à
l'exécution de travaux donnant lieu à honoraires. En tout
état de cause, il ne faut sans doute pas exagérer la
portée de cette limitation car les termes de la décision relatifs
aux modalités de fixation du prix par les parties ne sont pas
dénués d'ambiguïté. D'ailleurs, on aurait ainsi peine
à croire que les juges aient cherché à remettre en cause
la solution traditionnelle du contrat d'entreprise, que l'on peut donc tenir
pour acquise >>.
Enfin, l'application de la règle de l'absence de
condition de détermination du prix dans le contrat de commande, le
défaut de prévision au sujet de la rémunération du
commandité ne fait pas encourir la nullité au contrat de
commande. L'auteur pourra alors, le cas échéant fixer le prix
à l'issue de la période d'élaboration de l'oeuvre, et bien
souvent, en cas de désaccord, le juge affirme le montant
déterminé par le commandité, sous n'importe quel fondement
mais généralement dans la logique protectrice de l'auteur en
tenant compte du fait que l'auteur est la partie faible dans le contrat.
97 Cass. 1er civ. 3 juin 1986, n° 85-10.486, Publication,
Bulletin 1986 I N° 150 p. 151.
98 BENABENT Alain : Droit civil les contrats spéciaux.
Paris, Montchrestien 1993. P. 322.
Sous-section 2- la commande d'oeuvre d'art
appliqué.
La vie économique d'une oeuvre suppose l'intervention
de nombreux intermédiaires - distributeurs, sous-cessionnaires
étrangers et autres- aux attitudes commerciales absolument
différentes. Négociant dans l'avenir avec eux, le commanditaire
originaire doit dès à présent anticiper leurs
comportements afin de s'engager avec l'auteur en des termes réalisables
et profitables. L'éventuel échec commercial d'une oeuvre est
aussi un risque à minimiser. Au moment où le commanditaire
s'engage avec l'auteur, rien ne peut lui assurer que l'oeuvre sera reçue
favorablement par le public. Cette incertitude se répercutera
nécessairement sur le montant de la rémunération.
A- Le fondement.
1) La rigidité du droit
français : Animé d'un fort souci de protection des
intérêts de l'auteur, le législateur français a
choisi de limiter la liberté contractuelle. Il impose de façon
impérative au commanditaire un mode de rémunération
particulier, la rémunération proportionnelle. L'auteur doit donc
être intéressé par principe au succès de son oeuvre
et n'être rémunéré sur la base d'un forfait
anticipé que de façon exceptionnelle. Le juge, interprète
de la loi, a également fait en sorte que l'exploitant n'ait pas
même la possibilité d'aménager comme il l'entend les
modalités de la rémunération : la détermination de
la rémunération est soumise à des exigences d'ordres
publics draconiens. Il faut ajouter que le commanditaire s'expose à de
sévères sanctions si le contrat ne respect pas les règles
en la matière.
Le législateur français préfère
le principe de la rémunération proportionnelle à celui de
la rémunération forfaitaire. C'est avant tout l'idée qu'il
faut protéger le lien intime qui unit l'auteur à son oeuvre. Le
législateur a également pris en compte que la
rémunération forfaitaire est inadéquate à
l'imprévisibilité du succès de l'oeuvre. Il a craindre que
le commanditaire en profite en versant au commandité une
rémunération trop faible99.
2) La critique : ne suffisait-il
pas au législateur d'introduire en droit positif un système de
révision efficace pour échapper aux difficultés
liées à une rémunération forfaitaire trop
99 LUCAS André : Résiliation judiciaire d'un
contrat d'édition entre un éditeur et un auteur, La Semaine
Juridique Edition Générale n° 42, 20 Octobre 1999, II
10181.
basse ? Le législateur français pour assurer la
sécurité et des transactions trop facilement remise en cause. Son
texte a perdu en clarté. Il n'est pas certain100.
Même avec le fort souci de protéger le
commandité, le législateur de 1957 ne pouvait pas perturber trop
gravement la loi du marché et les enjeux qui y sont attachés.
Même avec un taux minimum le propos reste excessif. Il était
inconcevable, que le législateur enraye trop gravement en 1957 le jeu de
la négociation contractuelle. Pour atténuer le principe d'ordre
public (rémunération proportionnelle), le législateur a
laissé à la liberté contractuelle, la détermination
de l'assiette imposé en sanctionnant toute clause manifestement
préjudiciable aux intérêts de l'auteur101.
B- Les exceptions (Possibilités d'opter pour le
forfait).
Ces possibilités dont nous allons voir qu'elles sont des
exceptions sont renfermées dans les paragraphes 2 et suivants de
l'article L.131-4 du CPI
« Toutefois, la rémunération de l'auteur peut
être évaluée forfaitairement dans les cas suivants :
1° la base de calcul de la participation proportionnelle ne
peut être pratiquement déterminée ; 2° les moyens de
contrôler l'application de la participation font défaut ;
3° les frais des opérations de calcul et de
contrôle seraient hors de proportion avec les résultats à
atteindre ;
4° la nature ou les conditions de l'exploitation rendent
impossible l'application de la règle de la rémunération
proportionnelle, soit que la contribution de l'auteur ne constitue pas l'un des
éléments essentiels de la création intellectuelle de
l'oeuvre, soit que l'utilisation de l'oeuvre ne présente qu'un
caractère accessoire par rapport à l'objet exploité
».
C- Le défaut de rémunération
proportionnelle.
La nullité est la sanction normalement encourue. Mais la
nullité est-t-elle absolue ou relative ?
A la manière des autres règles régissant
la conclusion des contrats d'auteur, la règle de la
rémunération proportionnelle est animée du souhait de
protéger l'auteur, partie supposée faible. Il ne fait donc aucun
doute pour la doctrine dominante qu'il y a là une nullité
relative.
100 MORIEL Josselin-GALL : les contrats d'exploitation du droit
de propriété littéraire et artistique, Paris : Joly, 1995,
n°208
101 Vivant Michel, KHALVADJIAN Boris : P. 85. P-Y GOUTIER : P.
551.
La jurisprudence est d'ailleurs sur ce point
fixée102.
Un courant de la doctrine a avancé une thèse
différente, il a considéré que l'article L.131-4 du CPI
est une règle d'ordre public de direction, dont la violation
entraîne la nullité absolue du contrat103.
Sous-section 3 - La commande de recherche.
En ce qui concerne le contrat de commande de recherche.
L'exigence de détermination du prix ou de l'obligation du prix
proportionnel seront soumises au droit commun, par conséquent on
applique les règles du contrat d'entreprise104 .
Il est depuis longtemps admis que l'exigence d'un prix
déterminé est écartée pour le contrat d'entreprise
(louage d'ouvrage), où- malgré les termes de l'article
1710105- le juge peut compléter après coup le contrat
en fixant le prix sur lequel les parties ne se sont pas expliquées. En
plus la cour de cassation avait donné à cette exception une
extension remarquable en décidant qu'elle s'appliquait à tous les
contrats créant une obligation de faire : « dans les contrats
n'engageant pas une obligation de donner, l'accord préalable sur le
montant exact de la rémunération n'est pas un
élément essentiel de la formation de ces contrats
>>106.
Aussi la cour de cassation a affirmé la décision
de première instance en rappelant « qu'il résulte des
dispositions de l'article 1787107du Code Civil que la commande de
travaux d'ordre intellectuel, qui s'analyse en un contrat d'entreprise, est
présumée conclue à titre onéreux ; qu'à
défaut d'accord entre les parties sur le montant des honoraires dus,
sans incidence sur la validité du contrat, il appartient au tribunal de
les fixer en fonction des éléments de
l'espèce»108.
La cour suprême a sanctionné la cour d'appel qui
dit « faute d'un prix déterminé ou
même déterminable, le contrat de commande n'existait pas
>>109, en rappelant qu'en matière de
102 Cass. 1er civ. 11février 1997, n°
95-11.239, Publication, Bulletin 1997 I N° 54 p. 35. RIDA juillet. 1997,
P. 279.
Cass. 1ère civ, 13 février 2007, PI
avril. 2007, P. 207, n° 23.
103 BECOURT Daniel : Réflexion sur le contrat
d'édition, Gaz. Pal. 11 et 12 août 2000, P.1377. P-Y GOUTIER : P.
553.
104 Ann. propr. ind. 1990. 65. Le contrat d'entreprise n'exige
pas l'accord préalable des parties sur le montant exact de la
rémunération qui n'est pas un élément essentiel de
la validité du contrat. Dans le silence ou l'obscurité des
conventions, il appartient au juge de fixer la rémunération
compte tenu des éléments de la cause.
105 « Le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une
des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un
prix convenu entre elles >>.
106 Cass. 1ère civ, 24 novembre 1993, Bull.civ.
1er n° 339.
107 « Lorsqu'on charge quelqu'un de faire un ouvrage, on
peut convenir qu'il fournira seulement son travail ou son industrie, ou bien
qu'il fournira aussi la matière >>.
108 Cass. 1ère civ. 24 Février 1987,
D.88 p 97. N° 84-14.790 Bulletin 1987 I N° 70 p. 51.
109 CA. Paris, 26 avril 2006 afferme le jugement du TGI
3ème ch, 3ème section, 12 janvier 2005.
Chouchou et Loulou de la Cour. COTTINPERREAU Florence.
louage d'ouvrage, l'indétermination de la
rémunération de l'entrepreneur n'affecte pas la validité
du contrat de commande.
Aussi, la clause dans le contrat qui donne le droit au
commandité de déterminer le prix est nulle, sous le
prétexte, qu'elle est une clause potestative110.
Par contre, le commandité en remplissant les conditions
de l'oeuvre originale, peut bénéficier de la détermination
proportionnelle du prix sur le fondement de l'article L.131-3 du CPI. Cette
solution rend compte au commandité de sa position protégée
par le droit d'auteur.
110 A. BENABENT : P. 114. L'interprétation de la clause
potestative au niveau de la propriété industrielle par la
jurisprudence est plus stricte par rapport de droit d'auteur.
Constats et propositions
Toute d'abord, le droit de divulgation ne serait pas
épuisé par son premier exercice, comme en droit des brevets.
Apparemment le principe de l'épuisement de droit n'a de fondement ni
dans la théorie générale du droit moral, ni dans les
textes. Le droit du commanditaire producteur n'emporte, en droit d'auteur
français, aucun monopole d'exploitation. Dépourvu de fondement
sur le terrain patrimonial, l'épuisement du droit est
déplacé et contre-productif sur le terrain moral, comme nous
avons vu dés l'étude du droit de divulgation.
Puis, le souci de protéger le commandité
gêne la projection dans l'avenir de l'exploitant. Directement parfois,
lorsque la liberté contractuelle est expressément encadrée
par des limites incompressibles. Indirectement sinon, quand, même en
l'absence de précisions légales, l'intérêt de
protection suscite le doute sur la validité de la commande.
Alors, dans les solutions proposées :
1- Il est essentiel d'encourager l'exploitant à faire
de son contrat de commande un véritable outil de gestion de l'avenir. Ce
dernier doit apprendre à se questionner sur les risques inhérents
à la relation contractuelle et à exploiter en conséquence
au maximum l'espace de liberté contractuelle. Un litige né de la
réception d'une oeuvre commandée inutilisable peut être
anticipé dés la rédaction du contrat de commande.
2- La prise en compte forte des usages et renforcer le
pragmatisme de la décision judiciaire. Nous allons observer la
capacité des usages et du juge à dépasser le cadre
strictement entendu de la loi pour protéger de façon
équilibrée les parties des contrats dans l'exigence de
l'écrit ou la détermination de la rémunération en
avance.
3- La protection du commandité, intérêt
fondateur, mais le rapprochement de droit de contrat de commande et du droit
commun des contrats a tout intérêt à puiser dans le droit
commun des contrats des instruments lui permettant d'éviter
l'application pure et dure des règles spéciales. Il le fait
déjà de façon ponctuelle à l'image de
l'applicabilité de l'art. 1135111 du code civil et de la
théorie de l'abus de droit112. L'épuisement du droit
de divulgation, lorsqu'il est affirmé par les juges, aussi l'exigence de
loyauté dans l'univers des contrats d'auteur notamment lorsqu'il est
question de formalisme.
4- La possibilité d'accepter des exceptions non
exhaustives à la prohibition des cessions globales d'oeuvres futures,
avec la détermination de la durée et la quantité des
oeuvres concernées.
111 « Les conventions obligent non seulement à ce qui
y est exprimé, mais encore à toutes les suites que
l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation
d'après sa nature ».
112 VIVANT Michel : Les grands arrêts de la
propriété intellectuelle, Dalloz, 2004, P. 109.
5- L'extension du domaine de l'application de la règle de
l'écrit 131-2,131-3 du CPI à toutes les cessions de
droit113.
6- En effet, la détermination du prix par le
commandité est toujours une source d'insécurité, que les
professionnels chercheront normalement à éviter114.
7- Elargir la possibilité de révision à
l'hypothèse d'une rémunération proportionnelle, en cas de
prévision insuffisante de rémunération.
113 M. VIVANT, B. KHALVADJIAN : P. 145.
114 Cornu MARIE. Mallet-Poujol Nathalie : Droit, oeuvres
d'art et musées protection et valorisation des collections. CNRS.
2006.
Deuxième partie : la logique de
l'investissement.
Historiquement, le créateur de l'art invente en tant
qu'il en croit, en cherchant toujours un intérêt pécuniaire
pour survivre. Dès le début il y a avait coexistence entre
l'oeuvre de l'esprit et le résultat financier, mais il reste un
équilibre entre les deux conceptions. Sous ce constat le
législateur et suivi par la jurisprudence, ils étaient conduits
à édicter des règles spéciales, protégeant
l'auteur ou le créateur dans l'opération contractuelle, sous le
prétexte « l'auteur est la partie faible ». De plus en plus,
il y aura eu un triomphe de nouvelle logique, c'est la logique de
l'investissement, dans laquelle, le créateur est devenu un
commerçant, il a intégré la vie des affaires, il n'invente
plus pour survivre mais pour avoir le plus possible de gain, sous le nouveau
constat du créateur qui devient un entrepreneur avec toutes les
conséquences de cette description, la jurisprudence derrière la
loi seront invitées à limiter la protection prévue
à l'auteur en absence du fondement ayant eu existence auparavant.
On va étudier les positions de la jurisprudence et loi en
deux chapitres suivants : Chapitre 1 : La titularité des droits
patrimoniaux.
Chapitre 2 : l'équilibre des obligations entre
les parties.
Chapitre 1 : La titularité des droits
patrimoniaux.
« En l'absence de toute revendication de la part de
la ou des personnes physiques ayant participé à
l'élaboration de l'oeuvre, les actes d'exploitation commerciale sous le
nom d'une personne morale constitue des actes de possession de nature à
faire présumer, à l'égard des tiers contrefacteurs, que la
personne morale est titulaire sur cette oeuvre, quelle que soit sa
qualification, du droit de propriété incorporelle se l'auteur
»115.
Cette décision de la cour de cassation avec les
articles L.131-2, L131-3, L.113-2 et L.113-5 vont faire une exception au niveau
de l'aspect créateur au profit de l'exigence de l'exploitation et du
marché116. Nous allons les présenter en deux sections
en montrant le rapprochement effectué entre la conception personnaliste
et la propriété industrielle sous toujours l'exigence de la vie
des affaires ou de la fabrication et de la diffusion117.
Section 1 Le fondement juridique. Sous-section 1 -
L'oeuvre collective.
L'article L.113-2, alinéa 3, du code de la
propriété intellectuelle définit l'oeuvre collective dans
les termes suivants : « est dite collective l'oeuvre
créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui
l'édite, la publie et la divulgation sous sa direction et dans laquelle
la contribution personnelle des divers auteurs participant à son
élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est
conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un
droit distinct sur l'ensemble réalisé ».
L'article L.113-5, pour sa part, précise le
régime auquel est soumise cette catégorie d'oeuvre. Il dispose
que : « l'oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la
propriété de la personne physique ou morale sous le nom de
laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de
l'auteur ». Bien que la loi fasse référence à
une personne physique ou morale, les oeuvres collectives naissent, la plupart
du temps, à l'initiative de personnes morales, qui
115 Cass. 1er civ, 24 mars 1993, VIVANT, les grands
arrêts de la PI, Dalloz, 2004, P. 125.
116 Arrêt Aréo, civ. 1er, 11mai 1999,
VIVANT, les grands arrêts de la PI, Dalloz, 2004, P. 132. « La
personne morale bénéficie de la présomption de la
titularité à condition d'exploiter l'oeuvre sous son nom.
L'exploitation s'entende, par exemple, de l'exploitation commerciale
». DE CANDÉ Patrice : Le dessin et modèle
communautaire non enregistré (DMCNE). - Un oublié des praticiens
français. Propriété industrielle n° 10, Octobre 2008,
étude 21.
117 Cass. 1er civ. 13 octobre, 1998. VIVANT, les
grands arrêts de la PI, Dalloz, 2004, P. 132.
s'adressent à plusieurs auteurs - employés ou
commandités - dans la perspective de réunir leurs contributions
diverses au sein d'un ensemble unique.
A- Quelle est la relation entre la qualité de
commandité et le promoteur d'une oeuvre collective?
1) La définition de l'oeuvre collective :
Une des questions les plus épineuses que soulève le
régime de l'oeuvre collective est celle de la détermination de
son critère distinctif. La jurisprudence a connu, en effet, des
évolutions, réservant à l'oeuvre collective une place plus
restreinte << en définissant l'oeuvre collective justement en
contrecoup de l'oeuvre de collaboration >> 118, ou, au
contraire, plus étendue << une communauté d'inspiration et
un concert entre les membres de l'équipe n'excluent pas
nécessairement l'existence d'une oeuvre collective
>>119.
Cette création de la loi du 11 mars 1957, dans la
mesure où elle investit des droits sur l'oeuvre d'une personne autre que
le créateur réel, est avant tout une fiction.
Fiction120, la notion d'oeuvre collective doit avoir une raison
d'être qui justifie que le législateur y ait eu recours. Celle de
l'article L.113-5, plus qu'au souci de reconnaître le travail de la
volonté d'épargner à celle-ci les embarras liés
à l'acquisition des droits patrimoniaux relatifs aux différentes
contributions, nécessaire à l'exploitation de
l'ensemble121.
Le caractère fictif, de l'oeuvre collective se
manifeste par le fait que l'initiateur de celle-ci apparaît comme le
titulaire originaire des droits. L'article L.113-2, alinéa 3, du CPI
définit l'oeuvre collective. Mais ce n'est que l'article L.113-5 qui
précise que la personne physique ou morale sous le nom de laquelle
l'oeuvre collective est divulguée est << investie des droits de
l'auteur >>.
La doctrine reconnaît unanimement que c'est directement
sur la tête de l'initiateur de l'oeuvre collective que naissent les
droits sur celle-ci122. En effet, Cette idée se rapprochait
de la conception américaine du droit d'auteur selon laquelle les
créateurs d'une oeuvre cinématographique, ou, aujourd'hui plus
largement, audiovisuelle, sont des salariés du
118 Cass. 1er civ, 17 mai 1978, D 1978. P. 661.
Noté par Frédéric Pollaud-Dulian OEuvre collective.
Titulaire des droits. Articles L. 111-
1, alinéa 3 et L. 113-2, alinéa 3 du CPI RTD Com.
2005 p. 83.
Cass. Civ 1er 21 mai 2002, RIDA, janvier 2003, P.
358.
119 Cass. 1er civ, 21 octobre 1980, n° 79-12.222,
Publication, Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 1 N.
265.
120 Vivant Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil
d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P. 172.
121 POLLAUD-DULIAN Frédéric. N° 366. DESBOIS
Henie, N° 124
122 M. Gautier écrit, ainsi << la loi prescrit ici
que les droits sur l'oeuvre vont directement naître dans le patrimoine du
cocontractant, sans passer par celui de l'auteur. En effet, il y a fiction de
la loi, forgée dans un souci d'efficacité >>.P.573 Lucas,
André, Henri-Jacques. N° 207. DESBOIS Henri : n° 124. A.
Françon, P. 195.
producteur. Ce dernier devient dès la création de
l'oeuvre l'auteur de celle-ci selon la théorie des « Works made for
hire ».
Si c'est bien cette intention qu'il faut lui prêter, on
peut se demander pourquoi le législateur ne s'est pas borné
à reconnaître à l'initiateur de l'oeuvre collective la
titularité originale des seuls droits patrimoniaux, à l'exclusion
des prérogatives morales d'auteur. Cette solution, outre qu'elle aurait
permis d'éviter l'amalgame entre les droits de l'initiateur de l'oeuvre
collective et ceux d'un véritable créateur, aurait, sans doute,
contribué à faciliter la délimitation de la
catégorie du contrat de commande123.
L'idée d'instituer, au profit de l'initiateur de
l'oeuvre collective, une présomption irréfragable de cession des
droits d'exploitation sur les différentes contributions pourrait, alors,
répondre à cette objection. Simple cessionnaire des
prérogatives patrimoniales des auteurs, l'initiateur de l'oeuvre
collective serait, à l'égard de la définition du contrat
de commande, dans une situation comparable, par exemple, à celle de la
personne morale à laquelle la réalisation d'une oeuvre de
collaboration a été ordonnée124.
2) La notion du promoteur (initiateur) :
Reste alors une difficulté à résoudre. Il
s'agit de déterminer si le statut hybride, élaboré par le
législateur à l'intention de l'initiateur de l'oeuvre collective
rapproche davantage celui-ci d'un auteur ou, au contraire, d'un cessionnaire
direct des droits d'exploitation sur l'oeuvre.
Au stade de la commande stricto sensu, il apparaît que
la situation de l'initiateur de l'oeuvre collective est comparable à
celle de l'auteur. Titulaire des prérogatives morales, cette personne
pourrait, le cas échéant, invoquer son droit de divulgation pour
refuser de livrer l'oeuvre à son cocontractant. Certes, une telle
éventualité est peu probable et l'exercice du droit de
divulgation par une personne morale semble bien théorique, mais il
suffit qu'il soit possible pour que l'on puisse légitimement rapprocher
de l'auteur l'initiateur de l'oeuvre collective et songer à qualifier de
contrat de commande la convention que celui-ci conclut avec un client.
Toutefois, les interrogations et les doutes que suscite
l'application, aux initiateurs d'oeuvres collectives, des règles
destinées à protéger l'auteur, lors de la cession de ses
droits patrimoniaux, sont révélateurs des risques
d'incohérence que contient en germe cette notion. Ils contribuent
à expliquer que le regroupement, au sein de la catégorie du
contrat de
123 GASNIER Jean-Pierre : Présomption cherche fondement
textuel. Propriété industrielle n° 10, Octobre 2008, comm.
81.
124 F. POLLAUD-DULIAN : Droit moral et droit de la
personnalité. JCP 1994,1, 3780, N° 16.
commande, des conventions tendant a la création d'une
oeuvre collective ne s'opère pas sans forçage125.
B- La théorie de DENOIX DE SAINT MARC concernant
l'oeuvre collective.
Une interrogation subsiste, relativement a l'étendue
des prérogatives patrimoniales acquises par l'initiateur de l'oeuvre
collective. L'entreprise est-elle investie de la totalité des droits
patrimoniaux sur l'oeuvre ou bien ne détient-elle que les droits
strictement nécessaires a l'exploitation, telle qu'initialement
prévu ? La considération de la raison d'être des oeuvres
collectives fournit la réponse a cette question. En effet, cette
catégorie a été instituée pour éviter a
l'initiateur de l'oeuvre d'avoir a obtenir des différents contributeurs
la cession de leurs droits : il faut en déduire que la personne morale
qui est a l'origine de la création de l'oeuvre doit
bénéficier des droits les plus étendus sur
celle-ci126.
Tout en adhérant a cette présentation, P-Y
GOUTIER émet cependant une réserve : « l'entrepreneur n'a
pas forcément tous les droits dérivés (ainsi, adaptation
de l'oeuvre littéraire a la télévision, ou inversement),
encore moins de merchandising, ou alors des rémunérations
correspondantes (devront être) prévues dans le contrat initial
»127. Cette précision nous semble équitable pour
les auteurs.
Ainsi, l'auteur, engagé dans les liens d'un contrat de
commande, en vue de l'élaboration d'une oeuvre collective, s'il voit ses
droits tant moraux que patrimoniaux sur l'oeuvre collective amputés,
peut cependant retrouver la jouissance de ses prérogatives, a l'occasion
d'une exploitation indépendante de sa contribution personnelle.
S'il est arrivé que la loi ait ainsi assuré un
arbitrage entre les intérêts de l'auteur et ceux de son
cocontractant, tel n'est pourtant pas toujours le cas. Il peut alors être
utile, notamment lorsque l'auteur ne dispose d'aucune prérogative
déterminée pour assurer sa protection, de rechercher un
équilibre entre les parties au contrat de commande.
125 Si le commandité revêt normalement la
qualité d'auteur et bénéficie, a ce titre, des
dispositions protectrices du droit de la propriété
littéraire et artistique, différentes circonstances viennent
perturber cet ordre naturel des choses. Tout d'abord, le commanditaire, par ses
directives ou ses interventions, peut apporter a l'élaboration de
l'oeuvre une contribution suffisamment précise pour que la
qualité de coauteur doive lui être reconnue. Il arrive, ensuite,
que le commanditaire obtienne du commandité une renonciation a son droit
de paternité. Dans une telle hypothèse, il n'apparaître
comme auteur qu'aux yeux du public et ne pourra pas, pour autant, jouir des
prérogatives qui sont attachées a cette qualité. Enfin, la
personne morale initiatrice d'une oeuvre collective, qui jouit des
prérogatives morales reconnues aux auteurs, paraît devoir
être en mesure, le cas échéant, de revêtir la
qualité de commandité, même si ses intérêts ne
peuvent être pris en considération dans les mêmes termes que
ceux des auteurs, personnes physiques.
126 GASNIER Jean-Pierre : La personne morale
présumée titulaire et l'auteur personne physique : un couple
malheureux. Propriété industrielle, 3 mars 2007.
127 Les contributeurs, quant a eux, qui ont la qualité
d'auteur réel, ne sont nécessairement dépourvus de toutes
prérogatives. Certes, ils sont démunis de leurs droits sur
l'oeuvre dans sa globalité, mais on peut se demander s'ils ne sont pas
autorisés a exploiter séparément leur propre contribution.
Une telle conception découlerait de l'article L.121-8, alinéa 2,
qui offre aux auteurs d'articles de journaux la faculté d'exploiter
séparément leurs contribution, sous réserve de ne pas
faire concurrence au journal. Elle consisterait a reconnaître que cette
faculté, doit être étendue a tous les auteurs qui
participent a l'élaboration d'une oeuvre collective, la même
réserve devant alors leur être appliquée. P-Y GOUTIER: P.
577.
La jurisprudence va aller plus loin dans la logique du
marché, pour qu'elle donne au commanditaire (le promoteur) le droit de
modifier l'oeuvre ou la contribution du commandité dans l'oeuvre
collective de sorte qu'elle soit harmonisée avec la finalité du
contrat et l'exigence de l'exploitation128.
Enfin, la jurisprudence, pour renforcer l'aspect commercial de
l'oeuvre collective, précise également que l'exigence de
l'écrit ne concerne que les rapports entre l'auteur et le cessionnaire.
De sorte que les contrats liant deux auteurs, ceux liant une personne morale
aux auteurs des différentes contributions incorporées à
une oeuvre collective, n'ont pas à être passés par
écrit129.
Sous-section 2 - Les oeuvres de commande pour
publicité. A- Le fondement juridique.
Les articles L132-31 à L 132-32 CPI contiennent des
règles particulières relatives aux oeuvres de commande pour la
publicité.
Dans le cas d'une oeuvre de commande utilisée pour la
publicité, le contrat entre le producteur et l'auteur entraîne,
sauf clause contraire130, cession au producteur des droits
d'exploitation de l'oeuvre, dès lors que ce contrat précise la
rémunération distincte due pour chaque mode d'exploitation de
l'oeuvre en fonction notamment de la zone géographique131, de
la durée de l'exploitation, de l'importance du tirage et de la nature du
support.
Un accord entre les organisations représentatives
d'auteurs et les organisations représentatives des producteurs en
publicité fixe les éléments de base entrant dans la
composition des rémunérations correspondant à
différentes utilisations des oeuvres132.
La durée de l'accord est comprise entre un et cinq ans.
Les stipulations peuvent être rendues obligatoires pour
l'ensemble des intéressés par décret.
128 Paris, 26 juin 1991, GP, 1992. 2. 566
129 Paris, 4 mars 1982, Dalloz 1983, IR, P. 92
130« Permettre à l'auteur de limiter la
portée de la cession prévue au profit du producteur, en
particulier quant aux droit cédés, quant au domaine
d'exploitation et quant aux modes d'exploitation, c'est-à-dire quant aux
procédés de communication au public ». RIDA n° 128,
avril 1986, P. 37.
131 COLLART DUTILLEUL François, DELEBECQUE Philippe :
Contrats civils et commerciaux, 8e édition Dalloz, 2007. P.
721.
132 LUCAS, André, Henri-Jacques :Traité de la
propriété littéraire et
artistique,2eédition Paris : Litec, 1994. P. 541.
A défaut d'accord conclu soit avant le 4 avril
1986133, soit à la date d'exploitation du
précédent accord, les bases des rémunérations
visées au deuxième alinéa de l'article L.132-31 CPI sont
déterminées par une commission présidée par un
magistrat de l'ordre judiciaire désigné par le premier
président de la cour de cassation et composée, en outre, d'un
membre du Conseil d'Etat désignée par le ministre chargé
de la culture et, en nombre égal, d'une part, de membres
désignés par les organisations représentatives des auteurs
et, d'autre part, de membres désignés par les organisations
représentatives des producteurs en publicité.
La question essentielle que fait surgir ce texte est de savoir
s'il est ou non d'ordre public. Certains auteurs 134répondent
par la négative.
B- L'interprétation stricte.
1) Est-ce que la commande pour une publicité
peut contenir les oeuvres destinées à la publicité
?
Dans sa séance du 9 octobre 1986, le conseil
supérieur de la propriété industrielle a émis un
avis selon lequel, notamment, les signes soumis aux dispositions de la loi du
31 décembre 1964 sur les marques de fabrique, de commerce et de service
n'étaient pas concernés par l'article 14 de la loi du 3 juillet
1985.
L'article 132-31 ne concerne donc que les oeuvres de commande
pour la publicité, c'est-à-dire les oeuvres destinées
à la publicité, la définition de cette dernière
étant entendue au sens strict135.
Jugé « que ce texte concerne les oeuvres de
commande utilisées pour la publicité, les éléments
d'identification de l'entreprise voire d'une association tels que la marque, le
sigle, le logo utilisés à des fins de publicité sont
exclus du domaine de l'article 14 »136.
L'article L.132-31 du CPI ne concerne que les oeuvres de
commande pour la publicité et ne peut donc être invoqué
lorsque la création en cause est destinée à constituer un
élément d'identification d'une entreprise et de ses produits.
Dans ce dernier cas, toutefois, l'agence qui a reçu sa
rémunération pour la réalisation de ce signe distinctif
qui a contribué en connaissance de cause à l'obtention du droit
privatif recherché par l'annonceur, n'est pas fondée, nonobstant
la réserve quant aux droits de
133 « En l'absence de la stipulation d'une
rémunération, la présomption de cession des droits ne
pourrait intervenir » DENOIX de SAINT MARC Stéphanie : le contrat
de commande en droit d'auteur français, Litec, 1999. P. 191.
134 A&H-P LUCAS : P. 538 et s.
135 D. COHEN : P. 142
136 TGI Paris, 3ème ch, 2sect, 27 mars 1992
propriété intellectuelle imprimée sur son
papier commercial, à prétendre que l'exploitation de sa
création doit être limitée à la durée des
relations contractuelles la liant à l'annonceur137.
2) Est-ce que la commande pour une publicité
peut contenir le support matériel ?
Il a été jugé que la réalisation
d'une oeuvre de commande pour la publicité n'emporte pas, sauf preuve
contraire, à la charge du producteur en publicité, transfert de
la propriété de l'objet matériel lorsque la commande ne
porte que sur la cession des droits d'exploitation de l'oeuvre.
C'est en conséquence à tort que pour
débouter une société de sa demande tendant à
l'indemnisation du défaut de restitution des clichés
photographiques originaux réalisés sur commande aux fins de
reproduction pour des travaux de publicité, un arrêt énonce
que des bons de commande ne mentionnent pas l'obligation de restituer les
originaux. En effet, se déterminant ainsi, sans rechercher si la cession
par l'auteur à l'annonceur du droit de reproduction des photographies ne
s'accompagnait pas de celle de la propriété des clichés
originaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à
sa décision138.
On va assurer enfin que l'application de l'article 131-31 du
CPI devient l'exception. Il ne concerne que l'hypothèse où le
cessionnaire entend acquérir tous les droits pour toutes utilisations.
Si les droits acquis sont au contraire limités, ce qui est dans le
domaine de la publicité le cas le plus général, ce sont
alors les règles du droit commun telles qu'elles sont
élaborées par le livre 1du CPI qui pourront être
invoquées et appliquées, l'oeuvre pouvant être alors
cédée définitivement et forfaitairement pour l'utilisation
convenue. En pratique, il est rare sinon exceptionnel qu'une agence ou un
annonceur acquiert tous les droits d'utilisation et c'est une des raisons pour
lesquelles depuis 1985, les tribunaux n'ont eu que de rares occasions de faire
application des dispositions de l'article 131-31.
Section 2 - l'interprétation doctrinale et
jurisprudentielle.
De plus en plus fréquemment, des sociétés
font appel aux services de créateurs indépendants pour concevoir
de nouveaux dessins ou modèles ou une invention qu'ils lanceront sur le
marché. Malheureusement, dans la plupart des cas, le contrat de commande
ne contient aucune clause organisant la cession de droits de
propriété incorporelle, dans ces conditions, une fois le dessin
et modèle réalisé, payé et livré, qui, du
créateur ou de commanditaire, doit être considéré
comme étant investi de ces droits ?
Sous-section 1- La titularité des droits sur le
dessin et modèle. A- Dessins et modèles
communautaire.
L'article 14 du règlement n° 6/2002 dispose en son
premier alinéa que « le droit au dessin ou modèle
communautaire appartient au créateur ou à son ayant droit
>>. Le troisième alinéa de ce même article
prévoit cependant que << lorsqu'un dessin ou modèle est
réalisé par un salarié dans l'exercice de ses obligations
ou suivant les instructions de son employeur, le droit au dessin ou
modèle appartient à l'employeur, sauf convention contraire ou
sauf disposition contraire de la législation nationale applicable
>>. Cette rédaction, en l'état du cumul avec le droit
d'auteur peut soulever quelques interrogations139.
Une demande de décision préjudicielle a
été présentée à propos de cet article par le
juge de Mercantil n° 1 d'Alicante (Espagne) le 28 janvier
2008140. La juridiction commerciale interroge la Cour afin de savoir
si << Les expressions »salarié" et »employeur"
utilisées à l'article 14, paragraphe 3, du règlement
n° 6/2002 doivent (...) être interprétées largement
(par conséquent, dans les relations contractuelles civiles ou
commerciales), une personne (l'auteur) s'oblige à réaliser, pour
une autre, un dessin ou modèle, pour un prix déterminé, et
[si] en conséquence, [on doit] considérer que ce dessin ou
modèle appartient à la personne qui le commande, sauf convention
contraire ? >>141.
J-P GASNIER a noté << La question est importante
et la solution qui sera adoptée ne sera pas sans conséquence. En
effet, pour le cas où le renvoi à la législation nationale
serait jugé pertinent, le droit espagnol prévoit que les dessins
ou modèles créés dans le cadre d'un contrat de travail et
ceux résultant d'un contrat de commande connaissent un sort identique en
l'absence de convention contraire, à savoir que l'oeuvre appartient
à l'employeur ou au commanditaire et non à l'auteur. Mais, dans
cette hypothèse d'une application de la législation nationale par
renvoi de l'article 88, paragraphe 2, n'y aurait-il pas contradiction si la
réponse à la seconde question posée revenait à
juger que les relations nées d'un contrat de travail et celles
nées d'un contrat de commande sont distinctes et doivent être
traitées distinctement ? >>142.
139 V. P. De Candé, L'attribution du droit aux dessins
ou modèles : l'interprétation des dispositions du
règlement communautaire au regard du droit français, intervention
présentée le 19 oct. 2007 lors du colloque La protection du
design en Europe : questions d'actualité : à paraître PUAM
2008.
140 (aff. C-32/08 : JOUE n° C 92, 12 avril. 2008, p.
14)
141 GASNIER Jean-Pierre, MEUNIER-COEUR Isabelle.
Actualités européennes des dessins ou modèles.
Propriété industrielle n° 9, Septembre 2008, alerte 128.
142 J-P GASNIER, I. MEUNIER-COEUR : Actualités
européennes des dessins ou modèles. Propriété
industrielle n° 9, Septembre 2008, alerte 128.
La Commission a jugé utile de prévoir le cumul
du droit d'auteur et du droit spécifique, sans peut-être en
envisager toutes les conséquences. Rappelons en outre que l'adoption du
droit spécifique harmonisé et du titre unitaire des dessins ou
modèles communautaires a été décidée en
raison du constat fait d'une incapacité à harmoniser le droit
d'auteur au sein de l'Union européenne. La réponse à une
question préjudicielle relative au seul titre unitaire pourrait-elle
avoir pour conséquence d'harmoniser incidemment un droit certes
cumulable, mais néanmoins distinct ? La solution adoptée, qui ne
pourra concerner que les seuls dessins ou modèles communautaires,
puisque la directive ne prévoit aucune disposition équivalente,
pourrait-elle avoir des répercussions sur les dessins ou modèles
nationaux ? Voilà des questions qui, à ce jour, demeurent
ouvertes et dont la réponse ne manquera pas
d'intérêt143.
B- Dessins et modèles nationaux.
Poser le problème de la titularité des droits
dans le cadre d'un contrat de commande pourrait a priori sembler
étrange, tant la loi apporte à cette question une réponse
nette. En effet, on a vu qu'en l'absence de stipulations contractuelles
spécifiques, lorsqu'une personne commande à un créateur
indépendant un dessin ou modèle et le rémunère en
conséquence, le commanditaire n'acquiert que la propriété
de l'objet matériel mais ne bénéficie pas des droits
incorporels attachés à cette oeuvre144.
Toutefois, malgré la clarté des articles L
.111-1 et L.111-3, il arrivera aux juges d'estimer que par la délivrance
matérielle du dessin ou modèle, l'auteur avait également
entendu céder son droit de reproduction et de représentation.
1) Le principe (l'exigence d'une cession expresse):
En l'absence de convention
expresse de cession de droits de propriété
incorporelle, les tribunaux n'ont souvent d'autre alternative, dans la rigueur
des principes, que de juger que la transmission de support matériel de
l'oeuvre n'a pas entrainé le transfert du droit de
propriété intellectuelle. La jurisprudence considère ainsi
que la somme versée au créateur ne couvre que le travail de
conception du dessin ou modèle mais n'inclut pas la cession des droits
incorporels attachés à cette oeuvre145.
· << Les honoraires versés au
créateur indépendant correspondent à des honoraires, et
non pas à un droit de reproduction »146 .
· « Il ressort des documents versés aux
débats que les sommes réclamées par J.-P. Raymonde
auraient été nécessairement d'un montant supérieur
si elles avaient inclus la cession du droit de reproduction. J.-P. Raymonde
doit donc être déclaré bien fondé à demander
réparation de préjudice subi du fait que l'exploitation de ses
oeuvres au mépris de ses droits »147
Or, le commanditaire pense souvent de bonne foi avoir acquis
les droits d'auteur sur le dessin ou modèle qu'il a commandé et
payé, alors qu'en réalité il n'a obtenu que sa
propriété matérielle. Les commanditaires qui se trouvent
dans cette situation s'exposent alors à une action en
contrefaçon. Ils risquent d'avoir à payer des dommages et
intérêts pour avoir effectué des actes d'exploitation que
l'auteur n'avait pas préalablement autorisés, ou pour avoir
cédé des droits d'auteur dont ils ne se trouvaient pas
investis.
· << attendu qu'aux termes de l'article L.111-3,
la propriété incorporelle définie par l'article
L .111-1 est indépendant de la
propriété de l'objet matériel, l'acquéreur de cet
objet n'est investi du fait de cette acquisition d'aucun droit ; attendu ainsi
que la société Albatros en achetant les clichés litigieux
à Roger Desreumaux n'a acquis que la propriété de l'objet
matériel ; que elle ne bénéficie donc pas des droits
attachés à l'oeuvre et notamment du droit de reproduction ; que
elle reconnait cependant avoir cédé à la
société N. deux photographies en vue de leur reproduction pour
une compagne publicitaire , ce que elle ne pouvait manifestement pas faire ;
que ce faisant, elle a commis un acte matériel de contrefaçon
»148
145 F. GREFFE et P-B. GREFFE. P. 327.
146 TGI Paris, 11 juillet 1985, Melka, RDPI 1986, n° 3, p.
124
147 CA Paris, 6 février 1989, Dalloz, 19 octobre 1990,
n° 1180/89, CDA 89, n° 16, P. 11.
148 CA Douai 19 septembre 1994, Groupe Albatros c. Roger
Desreumaux. D. COHEN : P. 145 et s.
2) La théorie de la cession implicite
vis-à-vis de la finalité de l'art : La
jurisprudence exposée ci-dessus peut se comprendre pour les oeuvres
d'art pur. Lorsqu'une personne commande à un artiste une peinture ou une
sculpture, il parait raisonnable de considérer qu'en l'absence de
contrat de cession des droits d'auteur, le commanditaire pourra accrocher son
tableau dans sa demeure ou installer la sculpture dans son jardin, mais en
aucun cas se livrer à une exploitation industrielle de l'oeuvre
commandée ou céder des droits de reproduction149.
En revanche, cette solution est beaucoup moins
justifiée lorsque le dessin ou modèle commandé
relève de l'art industriel car le commanditaire n'a pu commander un
dessin ou modèle qu'en vue de l'exploiter et, par voie de
conséquence, le reproduire150.
Par conséquent, dans certains cas, en effet, la
jurisprudence considère que par l'effet du contrat de commande, le
créateur a implicitement mais nécessairement cédé
ses droits d'auteur au commanditaire151.
Cette forme de raisonnement est fondée sur des
considérations simples. On verra ultérieurement qu'un contrat de
cession de droits d'auteur sur un dessin ou modèle ne doit pas
obligatoirement être constaté par écrit (il peut tout aussi
bien s'agir d'un contrat verbal). L'écrit n'étant pas
exigé, les juges peuvent, au vu de l'environnement contractuel liant les
parties, déterminer la commune intention des cocontractants et cette
commune intention deviendra alors un élément du
contrat152.
Dans ces conditions, il arrivera que les juges parviennent
à la conclusion selon laquelle le consentement de l'auteur pour la
reproduction de l'oeuvre résultait nécessairement des relations
commerciales qui existaient entre les parties153. Bien entendu, la
cession implicite des droits d'auteur au profit du commanditaire ne peut
s'appliquer de manière absolue. Tout dépend des circonstances et
des faits propres à chaque cas d'espèce154.
Certes la jurisprudence accepte la théorie de la
cession implicite sous la domination du raisonnement du marché, mais
elle délimite cette cession par des conditions pour reconnaitre
149 GREFFE François : Preuve de la
cession des droits de reproduction et de représentation.
Propriété industrielle n° 4, Avril 2007, comm. 33.
150 Un jugement du 26 juin 1998, le tribunal de grande
instance de Paris (Gaz. Pal. 25-26 nov. 1998) rappelle, en effet, que
dans le domaine des oeuvres des arts appliqués notamment, cette
exigence, celle formulée par l'article L. 131-3 du Code de la
propriété intellectuelle, l'était « ad
probationem » et qu'en « l'absence d'un tel écrit, il
importait de rechercher au vu des écrits échangés entre
les parties, si l'auteur avait entendu procéder à une cession de
tout ou partie de ses droits ».
151 CA Paris, 14 février 2002, 1er ch,
Havilande, G. François et G. Pierre-Baptiste. P. 325.
152 GASNIER Jean-Pierre : La personne morale
présumée titulaire et l'auteur personne physique : un couple
malheureux. Propriété industrielle n° 3, Mars 2007, comm.
22.
153 CA Paris, 4ème cha, 11ocrobre 2006, SA
Albin Michel c/ De Jouvenel des Ursins.
154 Caron, Droit d'auteur et droits voisins : Litec 2006,
n° 198, p. 148.
la cession implicite des droits de propriété
incorporelle sur le dessin et modèle commandé
155 :
1°) la nécessité d'un commencement de
preuve
Pour interpréter la volonté des parties sur la
cession des droits d'exploitation du dessin ou modèle commandé,
encore faut-il que les juges aient à leur disposition certains documents
qu'ils pourront analyser, et qui leur permettront ainsi de déceler la
commune intention des parties. Cela pourra découler :
- De l'économie du contrat de commande lui même
;
- De la production de commencement de preuve donc les documents
les plus variés pourront tenir lieu, tels que factures156,
correspondances ou bons de commandes.
2°) la connaissance par le créateur de l'usage qui
serait fait du dessin et modèle commandé
Il est jugé que « les logos et maquettes
litigieux ont été créés sur commande et pour le
compte de la société, des factures ayant été
émises pour le travail de création et de recherches, l'auteur
ayant eu connaissance de ce que ces logos et maquettes étaient
utilisés à des fins commerciales, s'agissant de l'utilisation du
nom de la société déclinée avec des adjonctions et
déposées à titre de marque. Il est ainsi établi
d'une part, que les travaux ont été effectués pour le
compte de la société et d'autre part, que l'auteur avait
connaissance de l'usage qui en était fait ; il se déduit de ces
observations que contrairement à ce qu'il prétend, l'auteur a
consenti à la cession de ses droits dans les termes de l'article L.
131-3 du Code de la propriété intellectuelle s'agissant d'une
exploitation à des fins commerciales pour la durée de protection
de marques »157.
Confirmant le jugement entrepris, la cour relève,
d'une part, qu'il est établi que les travaux avaient été
effectués pour le compte de la société Latitude
et, d'autre part, que l'appelante avait connaissance de l'usage commercial,
notamment à titre de marques, qui en était fait. Elle en
déduit, de façon surprenante, que l'appelante a « consenti
à la cession de ses droits dans les termes de l'article L. 131-3
s'agissant d'une exploitation à des fins commerciales pour la
durée de protection des marques158.
155 ss Cons. const., déc. n° 2006-540 DC, 27 juill.
2006 : RTD civ. 2006, p. 791 et s. GASNIER Jean-Pierre : La personne morale
présumée titulaire et l'auteur personne physique : un couple
malheureux. Propriété industrielle, 3 mars 2007.
156 CA Paris, 18 mars 1987, RIDA 87, n° 134, P. 208. D.
COHEN : P. 145 et s
Il doit apparaitre clairement que l'auteur savait, des
l'origine, que le dessin ou modèle n'avait été
commandé que pour être reproduit, de sorte que, dans ce cas, la
facturation de la création emportera nécessairement cession de
droit de reproduction. Le principe en a été posé par un
arrêt de la cour de cassation de 27 mai 1986 qui opposait M. CASADAMONT,
créateur indépendant, à la Regie nationale des usines
Renault :
· « par une convention de louage d'ouvrage qui
a été exécutée , la Régie a confié
à M. Casadamont moyennant rémunération de son temps de
travail, la réalisation de dessin dont elle avait besoin pour
l'instruction de ses techniciens, et dont l'auteur savait ainsi, dès
l'origine, par cette convention elle-même, qu'ils ne lui étaient
commandés que être reproduits ; que la cour en a exactement
déduit que, dans une telle espèce, la facturation des objets
livrés emporte nécessairement cession de droit de reproduction et
que elle vaut manifestation expresse et écrite de la volonté du
cessionnaire »159
Et la jurisprudence postérieure a confirmé cette
solution160.
D'une manière générale, la jurisprudence
retiendra la cession implicite du droit d'auteur par le seul effet du contrat
de commande dès lors qu'il sera établi que l'oeuvre de commande a
été exécutée afin d'être reproduite
industriellement, et que l'auteur a effectué sa création en
pleine connaissance de cause.
· « interprétant l'intention des parties
et appréciant les éléments de preuve versés aux
débats (en l'espèce des factures), les juges du fond n'ont fait
qu'user de leur pouvoir souverain en retenant qu'Aschler avait
cédé à la société Addor ses droits sur la
reproduction du dessin que elle lui avait commandé et
réglé »161
Cette jurisprudence s'explique également par la notion
de cause du contrat de commande, c'est-a-dire le but poursuivi par les parties.
Le contrat de commande serait sans cause si l'on ne pouvait déceler
aucune raison ayant conduit le commanditaire à agir de la sorte,
c'est-àdire à disposer pour les besoins de son entreprise du
dessin ou modèle qu'il a commandé et payé.
159 Cass. civ. 27 mai 1986, D, n° 83-17.106, Publication,
Bulletin 1986 I N° 143 p. 143.
160 « attendu que l'absence d'écrit comportant
une clause expresse de cession des droits de reproduction ne saurait permettre
à la société Bradeford de prétendre que la
société Dupré n'était pas titulaire d'un tel droit
; qu'en effet, aux termes d'une jurisprudence constante, lorsque l'oeuvre
commandé est destinée, dans la commune intention des parties,
à être reproduite en nombre, il y a nécessairement cession
implicite du droit de reproduction, par dérogation des articles L.111-1
et 111-3. Qu'en l'espèce, l'acquisition par la
société Dupré de l'aquarelle « la vieille ferme
normande « était manifestement destinée à la
reproduction sur des assiettes ; elle a emporté transfert du droit de
reproduction en faveur de la société Dupré ».TGI
Bordeaux, 11 décembre 1995, SA Henri Dupré c. Sa Matthey
161 CA Paris, 4e ch., sect. B, 27 oct. 2006, Sté
André SA c/ Sté de droit espagnol Diseno Magoblan, Sté
Bruno Frisoni SAS et B. Frisoni : Juris-Data n° 2006-316776 ; PIBD 2007,
n° 843, III, p. 35.
Cette jurisprudence est en outre conforme avec l'article 1157
du code civil disposant qu'un contrat doit s'entendre dans le sens où il
produit effet, et non dans celui où il n'en aurait aucun. Ainsi,
<< lorsque l'oeuvre a été commandée pour
être reproduite à de nombreux exemplaires, la cession ne se
comprend pas sans cette reproduction multiple, l'article 1157 du code civil
disposant qu'un contrat doit s'entendre dans le sens oil il produit effet
»162
Enfin, la cession implicite du droit d'exploitation
résultant d'un contrat de commande doit être limitée
à la seule utilisation de l'oeuvre qui faisait l'objet de la commune
intention des parties au moment de la conclusion du contrat. L'auteur peut
ainsi s'opposer à toute utilisation de sa création qui n'est pas
conforme à la destination spéciale que les parties avaient
entendu lui donner163.
· « attendu que l'association n'apporte pas
la preuve que D. Broc lui a cédé ses droits sur cette affiche
pour l'utiliser à d'autres fins que pour son exposition ; que elle ne
pouvait donc pas l'utiliser en dehors de l'opération pour laquelle elle
avait été commandé »164.
Sous-section 2 - La titularité de droit sur de
brevet.
La présomption de la titularité de droit
concernant le brevet est toujours au profit de celui qui fait le
dépôt165, et le déposant peut être
désigné dans différents types de contrat dont les
principaux sont le contrat de commande et le contrat de sous-traitance. Ce qui
nous concerne dans cette étude est le contrat de commande.
A- L'invention de commande.
Elle est réalisée en exécution d'un
contrat aux termes duquel une personne a demandé à une autre de
concevoir l'invention pour son compte, contrat généralement
appelé << contrat de recherche ».
Ce contrat apparaît toujours comme une
variété de contrat de louage d'ouvrage ou d'<< entreprise
» par lequel une personne, le client, confie à une autre personne,
l'entrepreneur, l'exécution de travaux scientifiques ou techniques dont
le résultat est indéterminé ou déterminable mais
incertain parce qu'il n'est pas compris dans l'état des
connaissances166.
162
Tribunal. Com. Seine, 21
février 1976. D. COHEN : P. 145 et s
163 D. COHEN : L nouveau droit des dessins et modèles 2002
ED. ECONOMICA
164 CA Paris, 8 décembre 1980, RIDA 81, n°108, p.
175
165 RAYNARD Jacques : LE TIERS AU PAYS DU DROIT D'AUTEUR.
Publicité et opposabilité de la propriété
littéraire et artistique, La Semaine Juridique Edition
Générale n° 21, 26 Mai 1999, I 138
166 CAYRON Jocelyne : cours de la création
immatérielle pour les étudiants de M2 PI et NT, 2008.
B- Les résultats de la recherche.
Qu'il vise une prestation unilatérale de recherche ou
la collaboration scientifique entre les parties, le contrat inscrit toujours
à la charge du ou des entrepreneurs, l'obligation de mettre les
résultats issus des travaux à la disposition du
bénéficiaire. Deux situations peuvent se présenter :
Celles où le contrat prévoit le recours au brevet et celles
où le contrat ne prévoit pas un tel recours au profit du
bénéficiaire. Les parties au contrat peuvent parfaitement
prévoir que le droit au brevet sera attribué au
bénéficiaire des résultats, et si le débiteur de
cette obligation ne s'exécute pas, il commet une faute de nature
à engager sa responsabilité contractuelle167.
Le créancier du droit contractuel au brevet pourra
aussi, invoquant L.611-8 al.1, exercer l'action en revendication du brevet dont
il a été dépossédé en violation d'une
obligation contractuelle168.
L'entrepreneur a tout d'abord une obligation de faire : c'est
l'obligation de communiquer les connaissances qui ont été
obtenues par l'exécution des travaux commandés. Cette obligation
couvre, en principe, tous les résultats issus de la recherche objet du
contrat. Parfois des clauses particulières viennent aménager
l'engagement de l'entrepreneur soit dans un sens restrictif, soit le plus
souvent dans un sens extensif. Ainsi en est-il de l'obligation d'assistance
technique qui accompagne l'obligation de communication.
Chapitre 2 : l'équilibre des obligations entre
les parties.
Le dynamisme du marché reposant sur l'idée de
circulation, la propriété ne doit pas être figée. On
perçoit donc l'opposition fondamentale entre la conception juridique
créatrice de la propriété considérée comme
absolue et la conception économique, la première reposant
essentiellement sur la liberté de la non-exploitation et le droit direct
sur l'oeuvre de la propriété, la seconde exigeant l'obligation
d'utilisation de ce droit, ce qui diminue l'aspect protecteur du droit moral
sur le terrain d'un contrat portant une cession explicite ou
implicite169.
L'idée du marché va limiter la liberté du
commandité sous l'influence de l'idée du marché, aussi
elle va demander des conditions renforçant la logique de
l'investissement et assurer l'équilibre des intérêts entre
les deux partie dans le contrat.
Section 1 La restriction du droit absolu du
créateur.
En ce qui concerne la propriété industrielle, le
créateur n'ayant pas la qualité d'auteur, il n'a pas les
caractéristiques uniques du droit moral170. Il est soumis
dans ses relations contractuelles aux règles du contrat d'entreprise,
ces règles obligent l'entrepreneur en vertu du contrat à faire ou
à ne pas faire sous la contrainte de l'exécution forcée ou
l'astreinte.
Pour cette raison, et compte tenu de notre étude
concernant la spécificité du contrat de commande dans la
propriété intellectuelle, nous allons à présent
discuter les contraintes relatives au contrat de commande dans sa
spécificité, en laissant de côté les cas dans
laquelle nous appliquons les règles du contrat
d'entreprise171.
Sous-section 1 - la restriction conventionnelle.
Le commanditaire exprime de façon plus ou moins
précise ce qu'il attend du contrat. Jusqu'à quel point admettre
qu'il dicte ses volontés ? On s'est demandé si, en son principe,
l'intervention d'un tiers, serait-il cocontractant, n'était pas
incompatible avec le droit d'auteur dans la mesure où l'activité
du créateur postule l'indépendance et la maîtrise du choix
créateur. A l'appui de cette thèse, l'argument du droit moral de
l'auteur avait notamment été
169 ABELLO Alexandra, FRISON-ROCHE Marie-Anne : Droit et
économie de la propriété intellectuelle, L.G.D.J,
2005. P. 4.
170 Ce droit donne l'auteur la possibilité de refuser
l'exécution de contrat sans contrainte de l'exécution
forcé
171 L'obligation essentielle de l'entrepreneur
d'exécuter la prestation qui lui a été demandée en
respectant les modalités convenues. Alors les parties dans le contrat
peuvent préciser le délai de l'exécution, source
fréquence de litiges et la nature de l'obligation, de moyen ou de
résultat. Par conséquent, le commandité est invité
à respecter les clauses de contrat.
mis en avant. Mais, comme l'a rappelé la cour de
cassation, cette prérogative ne préexiste pas à
l'oeuvre172, car le code de la propriété
intellectuelle investit l'auteur de droits du fait de sa création. C'est
donc lorsqu'elle prend forme, même si elle n'est pas définitive,
que naît le droit moral173.
A- Les obligations acceptables par rapport de sa
nature.
Le contrat peut-il faire naître des contraintes de
nature à brider l'élan et l'inspiration créatrice du
commandité ? La cour de cassation l'a admis à propos d'une
commande d'oeuvre audiovisuelle pour laquelle l'auteur peut « au
préalable librement consentir par convention à limiter sa
liberté de création et s'engager en particulier à
obéir aux impératifs d'une commande » 174.
Alors, les obligations vont-elles à l'encontre de
l'activité créatrice et de la nécessaire
indépendance qui doit y présider ?
La réponse mérite d'être nuancée car
Il existe une variété de clauses définissant la commande
à créer.
Des clauses générales peuvent laisser au
commandité une liberté totale de création en ne
précisant que le type d'oeuvre à créer.
Des clauses précises limiteront en revanche la
liberté de création du commandité. Le commanditaire peut
en effet imposer au commandité un certain nombre de contraintes. Outre
le type, le format, le sujet ainsi que la manière de le traiter peuvent
être imposés au commanditaire au moment de la conclusion du
contrat.
Le contrat détermine donc le degré de la
liberté de création et d'immixtion du commanditaire dans
l'exécution de l'oeuvre.
C'était reconnaître que la création peut
exister quoique réalisée dans un cadre contraint. Il est,
dès lors, naturel que le commandité qui accepte la commande en
respecte les obligations. Sa position d'auteur ne le soustrait pas à la
règle de la force obligatoire des contrats175.
Point de vue jurisprudentiel.
Les directives ne doivent pas entraver de façon
significative le créateur, car alors la convention pourrait être
frappée de nullité. De quelle façon apprécier cet
excès ?
172 Cass. 1er civ, D, 8 novembre 1989, n°
87-10.440.
173 S DENOIX DE SAINT MARC: P. 199.
174 Cass, 1er civ, D, 7avril 1987, n°
85-12.101, Bulletin 1987 I N° 124 p 93 (En l'espèce, l'état
Gabonais avait passé commande à une société de
télévision d'un film sur le Gabon destiné à en
assurer la promotion et publicité. Une clause du commanditaire. Les
auteurs avaient négligé de le consulter. Le fait était
compréhensible, car leur reportage était assez critique sur le
Gabon. Reprochant une constante volonté de dénigrement et des
images tendancieuses, l'état gabonais soutenait que l'oeuvre
était sans rapport avec ce qui avait été convenu).
175 S DENOIX DE SAINT MARC : P. 204.
Le degré de précision de l'oeuvre imposé
au commandité par le commanditaire peut-il être
considéré comme abusif ? Certaines conventions déterminent
avec soin l'oeuvre à créer, jusque dans les formes, proportions,
volumes, matériaux. La validité de ces accordes ne semble pas
remise en doute, le commandité y ayant consenti librement176.
Dans l'affaire de la sculpture commandée à l'artiste SCRIVE, le
contrat indiquait « la hauteur, la dimension et l'espacement de ses
divers éléments, le tout devant être exécuté
en plastique armé coloré »177.
Souvent, ces précisions ne font que reprendre des éléments
tirés des projets ou propositions émanant exclusivement du
commandité, au moment de la conclusion du contrat, auxquels le
commanditaire donne son aval178. Mais quand bien même celui-ci
interviendrait dans la description de l'oeuvre future, le contrat ne serait pas
pour autant ébranlé.
Tout au contraire, la contrainte pèse de façon
manifestement abusive lorsque le commandité est soumis à des
rythmes de production insupportables. Les juges ont estimé
qu'une convention imposant une cadence de production excessive était
frappée de nullité absolue179.
M. SAVATIER souligne à quel point le contrat
reflétait jusque dans ses termes et son langage le mépris pour
l'art que pouvait avoir le marchand. << Il est inadmissible que, dans les
obligations d'un artiste, l'esprit soit expressément réduit
à une valeur marchande. Négliger le reste, c'est oublier que la
loi y voit le principal du contrat »180. Dans une autre
affaire, les juges ont décidé que « la cession des
oeuvres futures par un peintre est licite dès lors qu'elle est
limitée dans le temps et qu'elle ne s'accompagne pas d'exigences
incompatibles avec le droit moral de l'artiste »181. C'est
donc au cas par cas que le juge se penchera sur l'équilibre entre
liberté de création et attentes du commanditaire, sachant que la
jurisprudence n'est pas très abondante en la matière. Le fait
peut être mis sur le compte de l'absence de réel conflit. Il
arrive aussi que ce genre d'incidents trouve une issue à l'écart
de la voie contentieuse, sur le terrain de la transaction.
B- Les obligations acceptables par rapport de sa
qualification.
La considération que Le logiciel, spécifique et
développé par un prestataire pour être utilisé par
un client, est juridiquement un contrat d'entreprise. Même
l'étendue des obligations devra être définie dans les
clauses du contrat, et toutes les prestations associées au logiciel,
telles que maintenance, formation, conseil, etc. peuvent être
analysées comme des contrats
176 CA Paris, 11 juin 1997, RIDA, n°174, octobre 1997, P.
255.
177 TGI Paris, 14 mai 1974, RIDA, 1975 P. 219.
178 S. STROMHOLM : P. 320, n° 178.
179 << Comme contraire aux principes qui régissent
la propriété intellectuelle, une telle convention entravant ainsi
la liberté créatrice du commandité, tenu à
respecter un rendement déterminé, ce qui est de nature à
compromettre gravement la qualité de son oeuvre, sa réputation et
son avenir ».CA Aix, 23 février 1965, D. 1966, P. 166. SAVATIER.
RTD com. 1965.
180 SAVATIE René : Le droit de l'art et des lettres. R.
Pichon et R. Durand-Auzias1953. N°. 168. P. 122
181 Cass. 1er civ, 19 janvier 1970, D. 1970. J.
483.
d'entreprise. Une telle qualification nous dit que le contrat
peut comporter des clauses prévoyant l'étendue des droits
accordés : soit la totalité des droits au profit du client, ce
qui correspondra à une cession de droits incorporels ; soit une partie
des droits accordés au profit du client, ce qui pourra correspondre
à une concession de droits incorporels assimilable à un
louage.
Le législateur a diminué la protection du
commandité en soumettant le contrat de commande de logiciel aux droits
communs, tant que nous somme sur le terrain du contrat d'entreprise,
l'entrepreneur dans ce contrat doit respecter les conditions du contrat sans
aucune liberté de création.
Sous-section 2 - La restriction extérieure de
la volonté des parties.
Un certain nombre d'autres éléments peuvent
éventuellement peser sur le créateur dans l'exercice de son
travail et qui, cette fois, trouvent leur source en dehors du contrat de
commande. L'oeuvre doit parfois se plier à des exigences diverses,
respecter les règles d'urbanisme ou le délai de création
ou livraison de l'oeuvre. Elle est parfois prohibée des
prérogatives en raison de sa finalité.
A- Liberté de création et règles
d'urbanisme en général.
L'oeuvre considérée en tant qu'objet
matériel appartient à d'autres catégories juridiques plus
générales. C'est un bien mobilier (pour les tableaux) ou
immobilier (sculpture fixées au sol, création architecturale).
S'agissant d'oeuvres d'art ayant une implantation fixe, il faut se demander si
les règles d'urbanisme ont vocation à s'appliquer. S'agit-il
d'une construction soumise en tant que telle aux règles du permis de
construire ?
L'article L421-1 du code de l'urbanisme prescrit que :
« quiconque désire entreprendre ou implanter une construction
à usage d'habitation ou non, même ne comportant pas de fondations,
doit, au préalable, obtenir un permis de construire ».
B- Liberté de créer et temps de
création.
Si il y a un délai pour réaliser une oeuvre d'art,
si ce délai est raisonnable, le commandité devra
le respecter, sauf arrangement avec son cocontractant, ce qui arrive
fréquemment.
D'une part la jurisprudence dit « est délicat
d'imposer à un artiste de faire une oeuvre dans un temps
déterminé car il n'est pas toujours maître de son
inspiration »182.
182 Trib, civ, Charolles, 4 mars 1949, Gaz. Pal. 1949. 2. 176.
D'autre part la cour d'appel en examinant la clause du
délai dans un contrat de commande a souligné « est
licite le contrat par lequel le créateur s'engage à fournir
périodiquement un nombre déterminé d'oeuvres pendant une
certaine durée »183.
Si le principe d'une obligation contractuelle de créer
dans un certain délai est admis, le procédé de l'astreinte
consistant à impartir un délai sous contrainte pécuniaire
est en revanche exclu184.
Par conséquent, ce n'est pas la volonté des parties
qui détermine le délai ou sa correspondance avec l'inspiration du
créateur, mais c'est le juge de fonds et selon les faits, cas par
cas.
C- La délimitation de l'application du droit de
suite.
L'article L.122-8 al 2 « on entend par oeuvres
originales au sens du présent article, les oeuvres créées
par l'artiste lui-même et les exemplaires exécutés en
quantités limitées par l'artiste lui-même ou sous sa
responsabilité ».
La cour d'appel a définit l'oeuvre originale qui
bénéficie du droit de suite comme « qui a
été créée de la main même de l'artiste, qui
est sa reproduction personnelle ou qui est la reprise par un
procédé technique spécial d'une oeuvre
préalablement et matériellement conçue par l'artiste
lui-même » 185.
La cour rappelle que « dans la mesure où la
loi institue un droit exorbitant de droit commun contraignant la
propriété légitime d'un objet à payer à
l'auteur ou à ses héritiers un droit lorsqu'il l'aliène,
ce droit devrait être interprété strictement
».
Un avis doctrinal après le rejet de cette
décision par la cour de cassation186 va élargir la
définition de l'oeuvre originale « l'oeuvre qui aura
été réalisée à partir des dessins de
l'artiste ou de ses marquettes, selon ses instructions et sous son
contrôle, de telle sorte que dans son exécution même,
l'oeuvre porte l'empreinte de sa personnalité et se distingue par
là d'une simple reproduction »187.
Il est nécessaire de dire que vis-à-vis de
contrat de commande concernant la propriété industrielle,
où le droit moral de créateur ne donne au commandité la
même position protectrice de l'auteur, l'idée du marché
domine ce domaine de la propriété pour qu'elle laisse à la
liberté des parties, le choix de déterminer la nature du contrat
et les obligations
183 CA Paris, 15 novembre 1966, D.1967.483.
184 CA Paris, 4 juillet 1865, DP, 1865. 2. 201.
185 CA Paris, 28 janvier. 1991, RIDA, 1991, P. 141.
186 Cass. 1er civ. 13 octobre 1993, D 1994, jurispr. P. 138.
187 F.GREFFE, P-B GREFFE: P. 373.
conventionnelles conformément au droit commun, sans prise
en compte, de la qualité de créateur.
Par conséquent le contrat de commande, selon sa
finalité, va s'encadrer en deux manières :
1. la commande d'oeuvre qualifié comme une oeuvre
originale, donc le commandité a la qualité d'auteur, on applique
les règles de contrat de commande en droit d'auteur.
2. l'oeuvre n'est pas originale, en ce cas on applique les
règles communes des contrats.
Section 2 L'obligation d'exploitation à la
charge du commanditaire.
Il est une particularité de la cession, en
propriété intellectuelle, exorbitante du droit commun, qui doit
être marquée et que l'on retrouvera dans l'étude du contrat
de commande : ce n'est pas parce que le commanditaire acquiert
régulièrement les droits qu'il pourra en faire ce qu'il voudra,
en premier en n'exploitant pas et s'assoupissant : il devra mettre l'oeuvre en
valeur : le contrat de commande étant consentie avec charge
d'exploitation pour le partenaire économique188.
A la vérité, les transferts de droit, en
propriété intellectuelle, sont pour la plupart d'essence
fiduciaire, le commandité conservant un intérêt fondamental
à la mise en valeur de la chose189.
Ce qui a de nombreuses conséquences, notamment quant
à l'obligation d'exploitation, la détermination du prix
d'accès à l'oeuvre par le public.
L'art. L.131-3 al. 4 dispose que le cessionnaire exploitera
l'oeuvre « conformément aux usages de la profession >> et
versera une rémunération proportionnelle aux recettes.
Sous-section 1- Le droit d'auteur.
En ce qui concerne le problème de l'existence d'une
obligation d'exploitation de l'oeuvre commandée, à la charge du
commanditaire, il semble qu'il soit lié aux préoccupations
qu'inspirent les intérêts moraux et patrimoniaux des auteurs. Il
est constaté, que le souci dont peut être animé le
commandité. Un point de vue économique dit : « si la
rémunération qui constitue la contrepartie de la cession est
assise sur les recettes, l'absence d'exploitation prive l'auteur de sa
rémunération et son engagement perd sa cause
>>190.
188 P-Y GOUTIER. P. 542.
189V.HASSLER: RTD com, 1984. 581. P-Y GOUTIER : P.
542. 190 A. HUGUET. F.POLLAUD-DULIAN : P.593.
A- L'obligation d'exploitation dans le cadre du contrat
de commande.
Les situations imposant une obligation d'exploitation au
cessionnaire des droits patrimoniaux sont limitées au contrat de
production audiovisuelle et au contrat d'édition191. Elles
ont donc une portée, certes étendue mais qui n'est pas pour
autant absolument générale, car elle est limitée à
ces deux catégories de contrats. A ce sujet. S. STROMHOLM écrit :
<< dans le texte français, l'obligation de publier est un
élément de la définition du contrat d'édition, ce
qui fait échapper à l'application directe des dispositions
susnommées >>192. Donc, toutes les conventions qui ne
contiennent pas de stipulations explicites sur un tel devoir ou ne comportent
pas d'éléments permettant d'y voir une promesse implicite, elles
ne seront pas concernées par cette obligation.
Si l'auteur a, généralement, un
intérêt, à la diffusion de son oeuvre, cet
intérêt n'est protégé par aucune des
prérogatives d'ordre moral dont il dispose. Ainsi, le droit de
divulgation, qui permet à l'auteur de rester maître du moment
où il se sépare de son oeuvre pour la diffuser dans le public, ne
l'autorise pas pour autant à exiger du cessionnaire des droits
patrimoniaux qu'il exploite l'oeuvre193.
S.STROMHOLM écrit : << le créateur
intellectuel qui exécute une commande s'est mis au service d'un but
précis, poursuivi par son cocontractant et connu, normalement, de
l'auteur. S'il est possible de dire qu'il est, à la publication d'un
ouvrage, en quelque sorte le serviteur de l'oeuvre -....- la situation, dans
les cas qui nous occupent, est inverse : c'est l'auteur qui a accepté la
servitude du but, intellectuel ou strictement utilitaire, fixé par son
cocontractant >>194.
Concernant la cession pure et simple, si une cession pure et
simple n'est pas possible, l'obligation d'exploiter du cocontractant de
l'auteur apparaît certaine. Le seul doute susceptible de subsister
concernerait alors le contenu et l'étendue de cette obligation.
Juridiquement : ni la nature du droit
d'auteur français, ni aucune disposition législative expresse
n'exclut tout à fait la conclusion de cessions pures et simples. Or, on
peut penser que si le législateur avait souhaité prohiber ce type
de convention, qui laisse au cessionnaire la même latitude qu'à
l'auteur quant à l'exploitation des droits, il lui aurait
été facile de le faire
191 ALLEAUME Christophe : Conditions requises pour que
l'exploitation d'une oeuvre au sein d'une compilation soit de nature à
porter atteinte au droit moral de l'auteur. La Semaine Juridique Entreprise et
Affaires n° 3, 18 Janvier 2007, 1085.
192 S. STROMHOLM. P. 277,
193 S.STROMHOLM. P. 281.
194 S. STROMHOLM: P. 401.
en établissant une règle générale
dans ce sens195. Toutefois, une telle stipulation contractuelle
n'est acceptable que si la cession fait l'objet d'une
rémunération forfaitaire, et non proportionnelle.
Constaté aussi qu'il est difficile d'apprécier
de manière exacte le domaine des cessions pures et simples et de savoir
dans quelle mesure et dans quelles circonstances l'auteur pourrait les
consentir. Le cas échéant, les juges seront souvent tentés
de sanctionner de telles conventions pour infraction aux règles d'ordre
public qui s'appliquent aux modèles contractuels voisins comme, par
exemple, le contrat d'édition196.
De ces diverses constatations. S. DENOIX DE SAINT
MARC197 a avancé un point de vue vis-à-vis du contrat
de commande : << Si la cession qui accompagne le contrat de commande
stricto sensu n'entrait ni dans le moule du contrat d'édition, ni dans
celui du contrat de production audiovisuelle, et ne comportait aucune
stipulation relative à l'obligation d'exploitation du commanditaire, il
faudrait, nous semble-t-il, en déduire que celle-ci est implicitement
prévue par les parties ».
B- La justification de l'obligation
d'exploitation.
Le contrat de commande comme un contrat d'exploitation a une
nature assez particulière, car l'auteur reste, en principe,
intéressé au sort de son oeuvre, car il conserve toujours au
moins son droit moral, puisqu'il contracte pour que son oeuvre soit
communiquée au public et que sa rémunération dépend
généralement de l'exploitation.
Ainsi, l'article L.131-4, alinéa 1er pose en
principe que l'auteur doit être rémunéré
proportionnellement aux recettes d'exploitation. A et H-J Lucas
198écrivent qu'il est << dans la ligne » de la
législation sur le droit d'auteur << qu'en principe les
cessionnaires assument, comme tels, l'obligation de mettre en valeur les droits
qui leur sont transmis : ils sont des agents de diffusion et ont le devoir de
ne pas sacrifier les intérêts des créateurs aux leurs. (
.....) La cession au sens de la loi du 11 mars 1957, est essentiellement une
modalité des contrats d'exploitation, un moyen de réaliser la
diffusion, à laquelle sont vouées les oeuvres, qui portent toutes
un message (.....) Il demeure que le cessionnaire, comme tel, ne peut pas en
principe se réclamer de la faculté discrétionnaire
d'exploiter ou non l'oeuvre ».
195 A. Lucas et H.J. Lucas P. 432. N° 520
196 A. Lucas et H.-J. Lucas, Traité de la
propriété littéraire et artistique : 3e éd., 2006,
n° 678 et s.
197 S. DENOIX DE SAINT MARC : P. 242.
198 A. Lucas et H.-J. Lucas, Traité de la
propriété littéraire et artistique : 3e éd., 2006,
n° 678.
Par conséquent, chaque fois que le cocontractant
dispose d'une cession exclusive, il lui incombe une obligation d'exploitation,
nonobstant toute clause contraire. Dans les autres cas, l'obligation
d'exploiter s'impose aussi, chaque fois que la
rémunération est proportionnelle aux recettes199,
faute de quoi l'engagement de l'exploitant est purement potestatif.
Rien n'interdit par ailleurs, d'assortir le contrat qui prévoit une
rémunération forfaitaire, d'une stipulation d'obligation
d'exploiter. Compte tenu des discussions existant sur cette question, l'auteur
a tout intérêt à faire insérer une clause
précisant ou rappelant l'obligation d'exploiter à la charge de
son cocontractant.
Aussi une nouvelle interprétation relève de la
distinction qui est faite entre les éléments essentiels, naturels
et accidentels du contrat. C'est alors la qualification d'élément
naturel qui semble devoir s'imposer, au sujet de l'obligation du commanditaire
d'exploiter l'oeuvre. Ainsi, qualifier l'obligation d'exploiter l'oeuvre
d'élément naturel du contrat de commande lato sensu, conduit
à dire que, sauf manifestation de volonté contraire des parties,
le contrat emporte cette obligation, à la charge du commanditaire,
cessionnaire des droits200.
Qu'il s'agisse de la question de l'obligation d'exploitation,
des clauses de rétraction ou de celles par lesquelles le commanditaire
se réserve la faculté de demander à l'auteur de modifier
l'oeuvre qu'il a créée, un équilibre doit être
recherché entre les intérêts des contractants. Pour sa
part, l'abandon de la liberté de création, à laquelle le
contrat de commande contraint l'auteur, trouve sa contrepartie dans la
nécessité, pour le commanditaire, de respecter cette
prérogative. Dans toutes ces hypothèses, les
intérêts du créateur sont mis en balance avec ceux de son
cocontractant.
Enfin, une partie de la doctrine propose d'ailleurs
d'étendre l'obligation d'exploitation à l'ensemble des contrats
d'auteur dans la loi201.
Sous-section 2 - Le droit de propriété
industrielle. A- La définition de l'obligation
d'exploitation.
Il faut ici distinguer entre l'élément
patrimonial du droit d'auteur et le droit des brevets car
ils n'entretiennent pas la même relation quant à l'obligation
d'exploiter qui se situe à des degrés divers. Dans ces deux
cas, le droit est temporaire, mais la différence est fondée sur
le fait que
199 F. POLLAUD-DULIAN : P. 594.
200 Une telle manifestation de volonté pourrait tout
simplement prendre la forme suivante : « le commanditaire n'endosse aucune
obligation d'exploiter l'oeuvre commandé » S. DENOIX DE SAINT MARC
: P. 243.
201 Ch. Caron, Droit d'auteur et droits voisins : LexisNexis
Litec, 2006, n° 397 ; P.-Y. Gautier, Propriété
littéraire et artistique : PUF, 2007, n° 459
l'on n'est pas obligé d'exploiter son droit de la
même façon. En ce sens, les droits d'auteur seraient une
propriété plus personnaliste que le droit des brevets qui serait
une propriété plus utile.
Il résulte de l'article 2262 du code civil que le droit
de propriété ne disparait pas par la non-exploitation : il est
imprescriptible, alors que les droits de propriété
intellectuelle, et particulièrement les droits de
propriété industrielle, sont soumis à la prescription
extinctive qui suppose la disparition du droit du fait de la non-exploitation
prolongée d'une marque peut mener à la déchéance de
la marque, l'inventeur ou le cessionnaire qui n'exploite pas son invention, il
est aussi menacé par la licence obligatoire, sous certaines
conditions.
B- L'application sur le contrat de commande :
En ce qui concerne le contrat de commande : Normalement le
commanditaire enfin est un cessionnaire ; donc il ne contracte à
l'égard du cédant, aucune obligation d'exploiter. Devenu
propriétaire du brevet, il exploite ou n'exploite pas sous
réserve du risque d'une licence obligatoire.
Il existe cependant des cas où le cessionnaire est tenu
d'exploiter en vertu d'une obligation contractuelle souscrite à
l'égard du cédant. Il en est ainsi lorsque le prix de la cession
est fixé sous la forme d'une redevance proportionnelle au volume de
production. Si le cessionnaire n'exploite pas, alors le contrat de commande
doit être résolu à ses torts.
Mais en l'absence d'une clause de minimum d'exploitation,
l'obligation d'exploiter est une obligation de moyen ; c'est donc au
cédant de prouver la faute du cessionnaire en cas de non exploitation
par ce dernier.
Section 3 L'indemnisation du commanditaire s'il n'y a
pas de livraison.
Si l'auteur a le droit de divulguer l'oeuvre, ainsi que celui
de retirer l'oeuvre après sa divulgation, par conséquent, il
n'est pas obligé de verser une indemnisation dans ces deux cas, car il
utilise son droit. Par contre, ce mécanisme est au contraire du principe
d'équité de l'opération contractuelle. Nous allons exposer
les deux hypothèses dans le droit d'auteur d'une part, et le droit de
propriété industrielle d'autre part.
Sous-section 1 - Le droit d'auteur.
Si, à une certaine époque, une partie de la
doctrine a pu mettre en doute la nécessité d'imposer, en toutes
circonstances, une obligation d'indemnisation à la charge de
l'auteur202, il semble que la jurisprudence n'ait jamais
manifesté de véritable hésitation à ce sujet et que
la doctrine contemporaine se soit jointe à ce point de vue. Ainsi,
l'auteur, outre la restitution du prix qui aura pu lui être payé,
est tenu de verser des dommages et intérêts au commanditaire.
Pourtant, il peut paraître paradoxal que le commandité qui ne fait
qu'exercer son droit de divulgation, lorsqu'il refuse de livrer l'oeuvre, soit
tenu de verser des dommages et intérêts à son
cocontractant. En effet, l'existence de cette obligation n'est pas
subordonnée à la négligence ou à la mauvaise foi de
l'auteur, dans l'exercice de son droit ; son refus seul suffit. Ceci est,
d'ailleurs, de nature à alléger de manière significative
la charge probatoire qui pèse sur le commanditaire : celui-ci n'a
qu'à établir l'inexécution de l'obligation de livraison de
l'auteur, sans devoir apporter la preuve délicate d'un comportement
défectueux. Cette particularité de l'obligation d'indemnisation
qui pèse sur l'auteur a été à l'origine de la
diversité des analyses qui ont été proposées pour
déterminer son fondement. Certaines de ces analyses n'emportent pas la
convention. D'autres, au contraire, paraissent à même de fonder
l'obligation du commandité d'indemniser le commanditaire
déçu.
A- L'interprétation protectrice de l'auteur de
l'article 32 de la loi 1957.
S. STROMHOLM dit « Dans les cas où une commande a
été passée d'une oeuvre. Si l'écrivant ou l'artiste
refuse d'achever l'oeuvre commandée ou de livrer l'oeuvre
achevée, il faut rechercher s'il a de justes motifs pour son refus ;
dans ce cas, il ne devra payer à l'acheteur que l'équivalent des
dépenses faites par celui-ci, c'est-à-dire l'indemniser pour le
tort réel »203.
R. SAVATIER et H. DESBOIS considéraient que les
hypothèses dans lesquelles le commandité refuse de divulguer
l'oeuvre, s'inséraient, au moins pour certaines d'entre elles, dans le
champ de l'article 32, actuel article L.121-4 du CPI. Ce texte, qui
prévoit le principe et les modalités d'application du droit de
retrait et de repentir, dispose, notamment : « nonobstant la cession
de son droit d'exploitation, l'auteur, même postérieurement
à la publication de son oeuvre, jouit d'un droit de repentir ou de
retrait vis-à-vis du cessionnaire ».
H. DESBOIS estimait que le commandité qui refuse de se
séparer d'une oeuvre qu'il s'est engagé à créer, et
dont il a cédé les droits d'exploitation au commanditaire, exerce
son droit de repentir. Pour asseoir sa conviction, il s'appuyait sur les termes
mêmes de l'article 32, dont il jugeait qu'ils imposaient cette
interprétation. L'application de l'article 32 au contrat de commande se
limitait donc, dans la conception de Desbois, aux cas dans lesquels le
commandité, qui refuse de divulguer l'oeuvre, a cédé au
commanditaire les droits d'exploitation.
R. SAVATIER, dans son commentaire de la loi de 1957, puisqu'il
suggérait d'inclure dans le champ de ce texte jusqu'aux
hypothèses dans lesquelles l'auteur ne cède au commanditaire que
le support matériel de l'oeuvre, à l'exclusion de tout droit
d'exploitation204. Il citait, à titre d'exemple, l'affaire
Whistler205. Toutefois, ce faisant, M. SAVATIER semblait davantage
exprimer un souhait que prétendre décrire le champ de l'article
32, tel qu'il découle de la définition légale qui en est
donnée206.
Toutefois, ces opinions ne peuvent être retenues. En
effet, le commandité, ayant cédé ses droits patrimoniaux
d'auteur, serait tenu à l'obligation d'indemniser son cocontractant
préalablement à l'exercice de sa prérogative, comme
l'exige l'article L.121-4, au titre du droit de retrait et de repentir. Un tel
résultat serait inéquitable autant qu'injustifiable.
B- La nouvelle interprétation
doctrinale.
Sur le problème du fondement de l'obligation de l'auteur
d'indemniser son cocontractant, on a plusieurs justifications doctrinales :
Tout d'abord, il ne faut pas négliger une
considération qui en est sans doute la justification principale.
L'équité et le principe de bonne foi dans l'exécution des
contrats, prévus par les articles 1134, alinéa 3, et 1135 du code
civil, imposent que le dommage infligé au commanditaire par le refus de
livraison soit réparé, que la perte qu'il subit soit
compensée, même si celle-ci ne trouve pas source dans un
comportement illicite de la part de l'auteur207. A. TOUBOUL invoque,
ainsi, un argument d'équité ou, en tout cas, de modération
et d'équilibre. Elle écrit : « Le commanditaire n'a ni
à souffrir des scrupules de l'artiste ni à subir les aléas
de la création. Il est alors communément admis que l'artiste doit
rembourser les sommes qui auraient déjà été
versées, et réparer le préjudice subi par le commanditaire
du fait
204 Il écrivait, en effet : « à la
vérité, l'article32 a tort de ne viser que « l'exploitant
». Tout bénéficier d'une promesse faite sur l'oeuvre peut
souffrir, même lorsqu'il n'a en rien la qualité d'exploitant, du
droit de repentir ».
205 L'affaire Whistler : mentionnée ci-dessus P. 7.
206 S. DENOIX DE SAINT MARC : P. 165.
207 A. BENABENT : P. 263. N° 283.
du non livraison de l'oeuvre. Le refus de divulguer, bien qu'il
ne soit pas constitutif d'une faute contractuelle, oblige donc l'artiste
à verser des dommages et intérêts
>>208.
Aussi, le fait que le seul défaut de livraison soit
suffisant à contraindre l'auteur à verser des dommages et
intérêts au commanditaire, a éveillé l'idée
que le commandité était peut-être titulaire d'une
obligation de résultat. En effet, quelle que soit la
légitimité de ses scrupules moraux, celui-ci, dès lors que
l'inexécution de l'obligation de livraison est avérée, est
tenu au versement d'indemnités, sauf, le cas échéant,
à établir le cas fortuit ou la force majeure. Une telle
conception, a priori, peut surprendre, dans la mesure où le
commandité, qui refuse de livrer la commande, ne fait qu'exercer un
droit que lui reconnaît la loi et paraît, dès lors, ne
pouvoir être en faute. A l'égard de la loi, le commandité
ne fait qu'exercer une prérogative qui lui est attribuée, en sa
qualité d'auteur. Mais il reste que vis-à-vis de son
cocontractant, il défaille dans l'obligation qu'il devait assumer, il
commet une faute qui consiste en l'inexécution de son engagement, et,
à ce titre, il doit réparation.
En tout état de cause, la qualification d'obligation de
résultat, en la matière, doit être retenue car elle est
évocatrice de la vigueur de l'obligation d'indemnisation de l'auteur.
Dès lors qu'il invoque son droit de divulgation pour refuser de livrer
l'oeuvre, le commandité est, en effet, tenu de verser des dommages et
intérêts à son cocontractant209.
Cette qualification répond aussi à l'idée
de répartition des risques. En effet, de même que l'auteur ne
pouvait se refuser à exécuter ou à achever l'oeuvre, sauf
à être tenu de dommages et intérêts à
l'égard de son cocontractant, de même ne peut-il s'opposer
à la livraison de l'objet commandé, sans indemniser le
commanditaire de son préjudice.
M.VIVANT dit « l'exercice du droit de retrait pourrait
donner lieu au jeu d'une peine contractuelle >>210.
Sous-section 2 - Le droit de propriété
industrielle.
En ce qui concerne le contrat de commande dans le domaine de
la propriété industrielle, le commandité, sur le fondement
de propriété industrielle, ne bénéficie pas du
droit de divulgation ou du droit de repentir. Sauf, si le commandité
dans le cas où, celui-ci confie à créer un dessin ou
modèle industriel, bénéficiant de la théorie du
cumul de droit, remplissant la condition de l'originalité de l'oeuvre et
par conséquent ayant la qualité d'auteur. En ce cas, le
commandité peut utiliser son droit de divulgation en cas de
non-livraison, son droit de
repentir en cas de livraison. En l'espèce, on peut
poser la question de l'indemnisation211. Sinon il est soumis dans
ses relations avec le commanditaire au droit commun des obligations et aux
règles de contrat d'entreprise, l'absence de précision de la
situation juridique du créateur de l'oeuvre industrielle dans les textes
du code de la propriété intellectuelle.
Par conséquent, en cas d'inexécution, un reflexe
naturel conduit à envisager la responsabilité civile de
l'entrepreneur212, la voie de la restitution et les
dommages-intérêts est chronologiquement la sanction la plus
appropriée.
En dépit de la formulation de l'article 1142 du code
civil : « toute obligation de faire ou ne pas faire résout en
dommages et intérêts, en cas d'inexécution d'une obligation
de la parte du débiteur ».
La sanction de principe de l'inexécution d'une
obligation -selon un courant de la doctrine- ne s'exprime pas dans l'allocation
de dommages-intérêts, mais dans l'exécution forcée,
ce que nous ne trouvons pas en cas de contrat de commande d'oeuvre
d'esprit213.
Ainsi, il faut déterminer le contenu du contrat afin de
savoir la nature de l'obligation de l'entrepreneur, si c'est une obligation de
résultat ou de moyen.
Alors qu'en présence d'une obligation de
résultat, l'entrepreneur défaillant peut s'exonérer qu'en
invoquant un cas de force majeure. La jurisprudence autorise l'entrepreneur
à se libérer par la preuve de son absence de faute. Il s'agit
alors d'une obligation de résultat
atténuée214.
Par contre P-H. ANTONMATTIE et J. RAYNARDE proposent une
distinction fondée sur la nature de la prestation. L'obligation est de
moyen en présence d'une prestation intellectuelle. Il en est ainsi pour
les professionnels et les créateurs215.
Par conséquent, le commandité selon ce point de
vue est toujours sous la présomption de l'obligation de moyen dans le
domaine de la propriété industrielle, il peut éviter la
responsabilité par la preuve de l'absence de sa faute.
211 TGI. Arrêt No-rôle : 05/0314,02/02/2006.
« Attendu que le contrat de designer textile conclu entre les parties
est un contrat de commande de créations de modèles par Madame
X... en vue de leur exploitation par la société VIASTEL, ce qui
suppose que ces créations soient originales et ne constituent pas qu'une
déclinaison des créations antérieurement
cédées par l'auteur comme le soutient la défenderesse
».
212 Puisque nous somme sur le terrain de l'application des
règles spéciales de contrat d'entreprise, alors le
commandité devient l'entrepreneur confié à exécuter
l'obligation.
213 COLLART DUTILLEUL François, DELEBECQUE Philipe : Les
contrats civils et commerciaux. Dalloz 2000. p. 72.
214 Cass. 1er civ. 20 juin 1995 : Bull. civ. 1.
N° 263. V. Cass. 1er civ. 2 février 1994. Bull. civ. 1.
N° 41.
215 P-H. ANTONMATTIE et J. RAYNARDE : P. 323.
La conclusion de la deuxième
partie
En ce qui concerne l'oeuvre collective B. KHALVADJIAN
216 constate que le législateur n'a pas pris parti plus nettement
pour l'une des deux branches suivantes : recourir à la technique de la
fiction et assimiler l'initiateur de l'oeuvre collective à un
véritable créateur ou rejeter tout risque de rapprochement
aventureux et se borner à établir une présomption
irréfragable de cession des droits patrimoniaux au profit de la personne
visée aux articles L.113-2, alinéa3 et L.113-5 du code de la
propriété intellectuelle.
S. DENOIX DE SAINT MARC217 a dit « Nous
retrouvons ici la question, de la mise en oeuvre des dispositions
générales du code de la propriété intellectuelle
relative à l'exploitation des droits, dans les rapports entre la
personne morale, cessionnaire directe des droits patrimoniaux, et le
sous-cessionnaire de ceux-ci ».
Généralement, l'examen de la nature du droit de
propriété intellectuelle français révèle que
celle-ci n'impose pas une obligation d'exploitation au cessionnaire des droits
patrimoniaux du créateur. Certes, l'analyse des dispositions
législatives autant que la consultation de la doctrine contemporaine des
textes du code de la propriété intellectuelle font
apparaître l'existence d'un courant favorable à la
consécration d'une telle obligation. Cependant tous les arguments
avancés au soutien de cette thèse ne semblent pas
également pertinents. C'est pourquoi, sous réserve de limiter
cette solution aux hypothèses dans lesquelles la
rémunération du commandité est forfaitaire, il
paraît possible de proposer qu'une stipulation contractuelle expresse en
ce sens puisse autoriser le commanditaire, cessionnaire des droits
patrimoniaux, à ne pas exploiter l'oeuvre.
Constats et propositions
générales
- En effet, la propriété
intellectuelle est bien un droit de propriété, même si elle
apporte un autre éclairage sur la propriété ordinaire, un
droit par ailleurs lui-même en pleine mutation. Ce qui est le plus
remarquable est l'irruption de la pensée économique dans une
matière que l'on veut encore << romantique ». Il faut
aujourd'hui se détacher de la conception postrévolutionnaire de
la propriété : la propriété n'est plus ce qu'elle
était, elle n'est plus le droit absolu permettant de se soustraire aux
autres et de les exclure. L'absolutisme ne correspond plus à une
définition économique, ni même juridique de la
propriété, car aujourd'hui, force est de constater que le
développement de la pensée utilitariste nous conduit vers une
vision plus fonctionnaliste du droit de propriété qui correspond,
dans une certaine mesure, à une propriété
partagée.
Cette vision plus fonctionnaliste et plus économique de
la propriété correspond bien à la propriété
intellectuelle aujourd'hui, puisque la propriété intellectuelle
peut être envisagée comme une propriété de
marché, qui ne se pense pas seulement dans l'intérêt de son
titulaire, mais aussi dans l'intérêt des tiers. Il y a donc bien
un enjeu de régulation qui pose un problème moins libéral
que ce que l'on pense traditionnellement.
- De plus en plus, nous constatons la
diminution de l'aspect créateur du commandité avec
l'intégration de ce dernier dans la vie des affaires. Il n'y a plus de
droit absolu sur la commande intellectuelle, le commanditaire peut modifier
l'oeuvre pour qu'elle convienne à l'exigence de commerce sans
l'autorisation de l'auteur. Au début nous avons accepté cette
situation comme une exception vis-à-vis de l'oeuvre collective, puis
l'extension de l'exception concernant la distinction entre oeuvre d'art pure et
autre appliqué (l'application de cette distinction est codifiée
dans le droit belge218). Enfin, la jurisprudence suivie par la
doctrine évoque que << en présence d'un contrat de
création de site web portant sur une prestation unique visant à
réaliser un site web (qui serait exploité ensuite de
manière autonome par le
218 La loi générale du 30 juin 1994
réglemente assez strictement les contrats relatifs au droit d'auteur.
Les articles 3 à 5 prescrivent des règles générales
applicables à l'ensemble des conventions portant sur l'exploitation des
droits patrimoniaux. Il est ainsi précisé qu'à
l'égard de l'auteur, tous les contrats se prouvent par écrit
(art. 3, § 1er, al. 2) et que les dispositions contractuelles relatives au
droit d'auteur ou à ses modes d'exploitation sont de stricte
interprétation (art. 3, § 1er, al. 3). La cession des droits ne se
présume pas. Elle ne peut pas être déduite d'un contrat de
commande en exécution desquels l'oeuvre serait créée (art.
3, § 3). En règle générale, le contrat doit en outre
préciser, pour chaque mode d'exploitation, la rémunération
de l'auteur, l'étendue et la durée de la cession (art. 3, §
1er, al. 4) et, s'il peut emporter cession des droits relatifs à des
oeuvres futures pour un temps limité et des genres d'oeuvres
déterminés (art. 3, § 2), il ne peut prévoir la
cession des droits concernant des modes d'exploitation encore inconnus (art. 3,
§ 1er, al. 5). Ces trois dernières dispositions, et les
restrictions qu'elles impliquent, ne s'appliquent toutefois pas lorsque
l'oeuvre est créée en exécution d'un contrat de commande
relevant de l'industrie non culturelle ou de la publicité (art. 3,
§ 3, al. 3). Des dispositions particulières régissent
complémentairement le contrat d'édition (art. 25 à 30) et
le contrat d'exploitation (art. 31 à 32). Léon Ingber,
Marie-Françoise Dubuffet, Alain Renard : Chronique de droit civil belge.
RTD Civ. 1996 p. 739
commanditaire), sans préciser le sort des droits
d'auteur. Dans ce cas, la nature de l'oeuvre commandée aurait pu, faute
de précision contractuelle, être retenue comme un
élément indicatif d'une autorisation de reproduire et modifier le
site web afin de permettre son utilisation conformément aux besoins du
commanditaire. Dans ce même schéma contractuel, la présence
d'une clause de réservation de droits dans les conditions
générales n'aurait, selon la jurisprudence219, pu
suffire à écarter la possibilité de reproduire ou modifier
le site, car cela reviendrait à empêcher l'usage de l'oeuvre
commandée conformément à sa destination bien connue des
parties »220.
- Le contrat de commande peut être un
véritable outil de l'exploitation dans la vie des affaires, et ceci sans
pour autant sacrifier l'intérêt de protection du
commandité. Le législateur lui-même encourage la
thèse, ayant préservé l'application, hors les cas
spécialement réglés, du droit commun des obligations et en
facilitant parfois la remontée des droits du commandité vers
l'exploitant ; comme nous allons voir dans la deuxième partie.
La question posée était celle de savoir si le
contrat de commande est apte ou non à remplir une des fonctions
communément attendues du contrat : maîtriser l'avenir. Au terme de
nos développements, la réponse demande plusieurs solutions.
- la prise en compte de l'aspect commercial
au niveau du contrat de commande, qui va le faire relever de la
propriété intellectuelle dans sa conception étroite comme
propriété absolue pour être une propriété de
marché.
- La prise en compte forte des usages et
renforcer le pragmatisme de la décision judiciaire. Nous allons observer
la capacité des usages et du juge à dépasser le cadre
strictement entendu de la loi pour protéger de façon
équilibrée les parties des contrats dans la présomption de
la titularité de droit à l'égard des tiers, qui affirme
l'équilibre entre la protection du commandité et les exigences de
l'exploitation.
- Nécessité de préciser et
conforter par voie législative ce qui est constaté et jugé
par la jurisprudence.
- La sortie automatique d'une relation
contractuelle suite à l'exécution du contrat, la
détermination préalable du montant de l'indemnisation en cas de
non-exécution. L'éventuel allégement de sa
responsabilité, le recours obligatoire aux modes de règlement
amiable des litiges.
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Lexisnexis & JurisClasseur :
http://www.lexisnexis.com/
Lois et règlements en France :
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Institut de recherche en propriété intellectuelle :
http://www.irpi.ccip.fr/ Le doctrinal plus :
http://www.doctrinal.fr/
Revue internationale du droit d'auteur :
http://www.la-rida.com/ Le site des avocats :
www.avocats.com
Index
Introduction 1
La nature juridique du contrat de commande. 9
A - Contrat d'entreprise ou vente de choses futures : 9
B - contrat d'entreprise et contrat de travail 9
C- Le contrat de commande : contrat administratif ou de droit
privé 10
Première partie : la logique de la création.
11
Chapitre 1 : la lecture juridique de l'aspect créateur.
12
Section 1 - Le droit absolu du créateur sur l'invention.
13
Sous-section 1 - le droit de divulgation. 13
A- La conception restrictive du droit de divulgation. 13
B- Le rejet de la conception restrictive du droit de
divulgation. 14
C- L'épuisement du droit de divulgation. 15
Sous-section 2 - le droit à la paternité : 16
A- Le fondement 16
B- Pour la question de la renonciation du droit de
paternité : 17
C- La paternité d'une oeuvre, un signe distinctif ?
17
Sous-section 3 - Le droit de repentir et le droit de suit :
18
A- Le droit de repentir 18
B- Le droit de suite. 20
· Le taux applicable au droit de suite 20
Section 2 - La prohibition des cessions globales d'oeuvres
futures. 20
Sous-section 1 - la définition classique de l'article
L.131-1. 21
A- La notion de la cession globale. 21
B- La notion d'oeuvres futures. 22
C- L'incidence de la définition sur la validité
des contrats de commande. 22
Sous-section 2 - la définition moderne de l'article
L.131-1. 23
A- La thèse de l'indétermination des oeuvres.
24
B- L'application jurisprudentielle vis-à-vis du contrat
de commande. 24
La question des oeuvres futures concernant le dessin et
modèle : 26
Chapitre 2 : la lecture jurisprudentielle et doctrinale de
l'aspect créateur. 27
Section 1- L'exigence de l'écrit. 27
Sous-section 1 - L'aspect d'oeuvre pure et simple. 27
A- Le principe. 27
B- Le débat de la doctrine. 28
Sous-section 2- L'aspect d'oeuvre d'art appliqué. 31
Section 2 - La détermination de la
rémunération du commandité. 33
Sous-section 1- la commande d'oeuvre d'art pure. 33
A- Le prix fixé dès la formation du contrat. 33
Sur la question de la possibilité de modifier le prix par
les parties de contrat ? 34
B- Le rôle du juge en cas d'absence de précision de
prix dès la formation. 34
1) En cas d'absence de détermination : 34
2) En cas d'excessivité du prix : 35
Sous-section 2- la commande d'oeuvre d'art appliqué.
37
A- Le fondement 37
1) La rigidité du droit français 37
2) La critique : 37
B- Les exceptions (Possibilités d'opter pour le forfait).
38
C- Le défaut de rémunération
proportionnelle. 38
Sous-section 3 - La commande de recherche. 39
Constats et propositions 41
Deuxième partie : la logique de l'investissement 43
Chapitre 1 : La titularité des droits patrimoniaux.
44
Section 1- Le fondement juridique. 44
Sous-section 1 - L'oeuvre collective. 44
A- Quelle est la relation entre la qualité de
commandité et le promoteur d'une oeuvre collective ? 45
1) La définition de l'oeuvre collective : 45
2) La notion du promoteur (initiateur) : 46
B- La théorie de DENOIX DE SAINT MARC concernant l'oeuvre
collective. 47
Sous-section 2 - Les oeuvres de commande pour publicité.
48
A- Le fondement juridique. 48
B- L'interprétation stricte. 49
1) Est-ce que la commande pour une publicité peut
contenir les oeuvres destinées à la publicité ? 49
2) Est-ce que la commande pour une publicité peut
contenir le support matériel ? 50
Section 2 - l'interprétation doctrinale et
jurisprudentielle. 50
Sous-section 1- La titularité des droits sur le dessin et
modèle. 51
A- Dessins et modèles communautaire. 51
B- Dessins et modèles nationaux. 52
1) Le principe (l'exigence d'une cession expresse): 53
2) La théorie de la cession implicite vis-à-vis de
la finalité de l'art : 54
Sous-section 2 - La titularité de droit sur de brevet.
57
A- L'invention de commande. 57
B- Les résultats de la recherche. 58
Chapitre 2 : l'équilibre des obligations entre les
parties. 59
Section 1- La restriction du droit absolu du créateur.
59
Sous-section 1 - la restriction conventionnelle. 59
A- Les obligations acceptables par rapport de sa nature. 60
Point de vue jurisprudentiel. 60
B- Les obligations acceptables par rapport de sa qualification.
61
Sous-section 2 - La restriction extérieure de la
volonté des parties. 62
A- Liberté de création et règles
d'urbanisme en général. 62
B- Liberté de créer et temps de création
62
C- La délimitation de l'application du droit de suite.
63
Section 2- L'obligation d'exploitation à la charge du
commanditaire. 64
Sous-section 1- Le droit d'auteur. 64
A- L'obligation d'exploitation dans le cadre du contrat de
commande. 65
B- La justification de l'obligation d'exploitation. 66
Sous-section 2 - Le droit de propriété
industrielle. 67
A- La définition de l'obligation d'exploitation. 67
B- L'application sur le contrat de commande : 68
Section 3 - L'indemnisation du commanditaire s'il n'y a pas de
livraison. 68
Sous-section 1 - Le droit d'auteur. 69
A- L'interprétation protectrice de l'auteur de l'article
32 de la loi 1957. 69
B- La nouvelle interprétation doctrinale. 70
Sous-section 2 - Le droit de propriété
industrielle. 71
La conclusion de la deuxième partie 73
Constats et propositions générales 74
Bibliographie 76
Index 81
Le contrat de commande dans les propriétés
intellectuelles
Résumé en Français
Le contrat de commande dans les propriétés
intellectuelles, qui consacrait la logique de la création par le
passé, aujourd'hui en raison, des exceptions par le législateur
ou de l'interprétation jurisprudentielle, influencé par le grand
courant de la doctrine, a délimité la marge de la protection du
commandité. On constate au fur et à mesure, l'augmentation de la
conception économique dans le contrat sous prétexte que le
créateur n'est plus la partie présumée faible qui demande
toujours l'intervention du législateur afin de le protéger. Le
créateur s'est intégré dans la vie des affaires, il a
investi les transactions commerciales dans le domaine des dessins,
modèles ou marques, rendant son travail plus proche de celui de
commerçant que de partie civile. Par conséquent on constate une
coexistence entre deux aspects - économique et créateur -, par
exemple le droit de divulgation ou de repentir sont affrontés par
l'obligation de l'indemnisation par le commandité, l'exigence de
l'écrit par la théorie de la cession implicite, la
délimitation du droit de suite sur l'oeuvre originale, la
présomption de la titularité du droit et le droit de
commanditaire de modifier l'oeuvre collective ou le logiciel pour être
convenue à sa finalité commerciale.
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Resume in English
Commissioning Contract in intellectual property that had
scarified the logic of the creation for a period of time. Today, because
exceptions by the legislature or the judicial interpretation, influenced by the
doctrine, it has decrease the margin of protection requested. We observe as the
increase of the economic conception in the contract on the ground that the
creator is no longer the part civil presumed weak, and he demand always the
intervention by the legislature to protect hire. The entrepreneur has included
in the course of trade, it made the transactions in the field of Designs or
Marques, and his work is closer to trader for part civil. Therefore there is a
coexistence between two aspects, example the Right Of Disclosure or Repentance
are faced with the obligation of compensation by the entrepreneur, the writing
requirement by the doctrine of implicit transfer, the delimitation of The
Resale Right on the original work, The presumption of authorship of the right
and the right of entrepreneur to amend the work or the software to be agreed at
its commercial purposes.
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