RESUME
Classé dans la catégorie des ressources
naturelles non renouvelables, le gaz naturel est une ressource naturelle
épuisable tout comme le pétrole et le charbon. La
possibilité de produire de l'énergie thermique à partir du
gaz naturel a permis à cette ressource de trouver une place de choix
dans la politique énergétique du gouvernement ivoirien dans les
années 90. Ainsi, de 1997 à 2003, l'on a enregistré un
taux de croissance annuelle moyen de production de 13,72%. Face à cette
croissance alarmante du niveau de production pouvant conduire à terme
à un épuisement précoce de la ressource et partant
l'interruption également précoce de la production
énergétique thermique, nous nous sommes attelés à
déterminer le délai d'épuisement de cette ressource. Cette
démarche nous a invité à développer la
méthode d'analyses de Laherrere et Bauquis ; celle-ci nous a permis de
déterminer 25 ans et 19 ans comme délais d'épuisement du
gaz naturel en Côte d'Ivoire respectivement sans et avec prise en compte
des fuites de gaz naturel dans l'analyse. Face à ces délais assez
courts, qui nous contraignent d'exploiter la ressource de façon optimale
et durable, nous avons donc choisir d'utiliser le modèle de Stiglitz
sous-tendu par le contrôle optimal.
Il ressort de cette étude que l'augmentation du
coût unitaire de production et l'usage d'un niveau élevé
des cours d'indexation au pétrole suivis d'une hausse de la production
optimale du gaz naturel favoriseront son exploitation abusive et partant son
corollaire d'épuisement précoce de la ressource.
Au regard de ces résultats et malgré les
insuffisances que nous avons pu relever, il nous est apparu opportun de
recommander les actions suivantes :
- l'application d'un niveau adéquat d'indexation des
cours du pétrole afin de freiner toute volonté d'accroître
inexorablement et de façon exponentielle la production de gaz
naturel,
- le renforcement du niveau de technologie de production dans
l'optique de réduire les coûts de production et les fuites pendant
la production,
- l'établissement de contrats de production plus
contraignants et la limitation du nombre d'exploitants afin de
décourager la concurrence dans le secteur gazier,
- la promotion des travaux d'exploration gazière dans
une perspective d'accroître les réserves prouvées
disponibles.
INTRODUCTION GENERALE
Considéré comme le combustible fossile du
21e siècle tout comme le pétrole l'était le
siècle précédent et le charbon il y a deux siècles
(Energie Information Administration : E.I.A (2000)), le gaz naturel
représente la deuxième source d'énergie la plus
utilisée après le pétrole. Sa part dans la production
énergétique mondiale était de 23% en 1999 (E.I.A) et les
perspectives de développement de sa demande sont excellentes.
Aujourd'hui (2005), le gaz naturel représente 24,7% de la consommation
mondiale d'énergie avec une réserve mondiale prouvée de
plus de 150 Tm3 (Trillions de m3)1.
Selon la Commission Energie-Environnement du Canada (2002), le
gaz naturel est considéré comme le principal moyen après
les économies d'énergie, de limiter les émissions de gaz
à effet de serre liées à la consommation d'énergie.
Il est en effet très bien placé parce qu'il peut se substituer
à toutes les autres énergies primaires (pétrole,
charbon...), tant pour la production d'électricité que pour le
fonctionnement des véhicules, et parce qu'il rejette en gros deux fois
moins de Co2 que le pétrole ou le charbon par unité
d'énergie consommée.
Depuis les crises pétrolières des années
70, les gouvernements incluent progressivement le gaz naturel à l'ordre
du jour de leur politique énergétique. Dans cette optique la
fourniture d'énergie à partir du gaz naturel est devenu l'un des
axes prioritaires de la politique énergétique du gouvernement
ivoirien avec pour objectif :
· D'assurer l'autonomie énergétique du pays
et alimenter la sous région en électricité, en gaz butane
et en gaz naturel ;
· De renforcer la compétitivité de
l'économie en réduisant à moyen terme grâce à
la mise en valeur des ressources gazières, le coût de
l'énergie (Mission Economique d'Abidjan, 2001).
En effet, ayant longtemps importé de
l'électricité du Ghana, le gouvernement ivoirien au regard de ses
importantes réserves de gaz naturel a jugé utile de
développer la production d'électricité à partir du
gaz naturel. Dès 1990, la Côte d'Ivoire lança donc un
projet de développement d'électricité à partir des
turbines à gaz. Ainsi, depuis 1994, elle exporte de
l'électricité produite par les centrales thermiques en direction
du Ghana, du Togo et du Bénin.
1 1 trillion de m3 est égal
1018 m3.
Face à un taux annuel de déforestation
élevé du territoire (5 à 6%), et dans une perspective de
réduire les besoins en bois de chauffe et en charbon de bois, le
gouvernement ivoirien a mis en oeuvre dès 1995, une action de promotion
tendant à généraliser l'utilisation du gaz butane
auprès des ménages ivoiriens. Grâce à ces efforts de
politique, la consommation de ce type de gaz est passée de 18.674 tonnes
à 70.000 tonnes entre 1995 et 2004 (la S.I.R, 2004). L'on a
enregistré en 1997 qu'environ 87% des ménages ivoiriens
utilisaient du bois de chauffe ou du charbon de bois à raison de 2 Kg de
charbon ou 4,6 Kg de bois de chauffe par jour. La réduction de la
consommation de charbon de bois et de bois de chauffe pourrait devenir
effective grâce à la source inestimable d'énergie que
représente le gaz naturel et à la politique de "butanisation"
populaire engagée par le gouvernement ivoirien. Il ressort de ce constat
que le gaz naturel est une source d'énergie qui a un impact
déterminant dans la lutte contre la déforestation du
territoire.
Après plus de trente ans d'exploration
pétrolière, les sociétés pétrolières
ont mis à jour plusieurs découvertes d'hydrocarbures en
Côte d'Ivoire, notamment le pétrole et le gaz naturel. La
découverte du champ gazier "Panthère" en novembre 1993, le
développement du champ Foxtrot, fin 98 et l'exploitation des blocs CI 01
et CI 02, annonçaient l'intensification de la production du gaz naturel.
Ainsi, en 1998, on a enregistré une hausse de la production qui a
atteint 33351,3 milliards de BTU (British Thermal Unit) correspondant à
une progression de 23,2% par rapport au niveau de 1997. Sur la période
2000-2003, on a enregistré une croissance moyenne de production de 4,2%.
En 2003, la réserve prouvée2 totale a
été évaluée à 33,52 Gm3 (giga
mètre cube) avec une production annuelle de 1,35 Gm3. Le gaz
naturel produit, permet l'alimentation des turbines à gaz de la CIPREL
(Compagnie Ivoirienne de Production Electrique), d'Azito (Société
Ivoirienne Exportatrice d'Electricité) tout en couvrant les besoins de
la SIR (Société Ivoirienne de Raffinage) et pourra à
l'évidence, satisfaire une consommation nationale estimée en 2003
à 100 milliards de pieds cubes par jour. Le gaz naturel appartenant
à la catégorie des ressources non renouvelables
épuisables, il est impérieux de s'intéresser à son
délai d'épuisement.
Selon le rapport Commission-Environnement (2002), l'on a
évalué la durée des ressources de pétrole ou de gaz
en rapportant les réserves prouvées disponibles au cours d'une
période sur la production de la ressource au cours de cette même
période. Ainsi, le ratio mondial relatif au gaz naturel situe la
durée de cette ressource entre 60 et 70 ans. Ceci
2 Stock de gaz naturel localisé, mesuré
et récupérable avec les technologies existantes disponibles.
représente le temps restant avant l'épuisement
des réserves en supposant que les taux actuels de production soient
maintenus constants.
Dans un souci de préservation de l'environnement et de
ressources non renouvelables telle que le gaz naturel dont la vertu
intrinsèque fait accroître de façon considérable le
besoin de son usage, la question fondamentale de notre recherche est comment le
gaz naturel de la Côte d'Ivoire doit-il être exploité pour
éviter un épuisement précoce ?
La recherche de solution à cette question nous
amène à tenter d'atteindre l'objectif général
suivant :
Exploiter de façon optimale et durable les
réserves disponibles de gaz naturel.
De façon spécifique, il s'agit de :
· déterminer à priori le délai
d'épuisement du gaz naturel de la Côte d'Ivoire ;
· déterminer une production optimale durable de
cette ressource.
Le souci d'atteindre ces objectifs nous amène à
axer notre étude autour de deux grandes parties :
La première partie intitulée les fondements
théoriques de la gestion et de l'exploitation des ressources naturelles
non renouvelables, sera consacrée au développement des
différentes approches relatives à l'utilisation optimale des
ressources naturelles épuisables et à l'étude d'une
ressource naturelle épuisable spécifique : le gaz naturel.
Dans la deuxième partie, il sera question de
présenter le secteur gazier en Côte d'Ivoire avant de
présenter puis développer un modèle d'exploitation
optimale durable du gaz naturel en Côte d'Ivoire.
LES FONDEMENTS
THEORIQUES DE LA GESTION
ET DE L'EXPLOITATION DES
RESSOURCES NATURELLES
NON RENOUVELABLES
PREMIERE PARTIE
CHAPITRE 1 :
REGULATION DE L'EXPLOITATION DES RESSOURCES NATURELLES ET EXPLOITATION
OPTIMALE DES RESSOURCES NATURELLES NON RENOUVELABLES
Dans ce chapitre, il s'agit de développer les
différentes approches relatives à l'utilisation optimale des
ressources naturelles non renouvelables. Bien avant, nous nous attelons
à rappeler brièvement certaines généralités
sur les ressources naturelles.
SECTION 1 : QUELQUES GENERALITES SUR
LES RESSOURCES NATURELLES ET LEUR UTILISATION.
Les ressources naturelles n'ont véritablement
constitué une préoccupation pour les économistes que dans
ces trois dernières décennies. Pendant longtemps, les biens et
services de la nature étaient considérés comme
inépuisables nonobstant les problèmes de la disponibilité
des terres fertiles que soulevaient les classiques comme David Ricardo et
Malthus rapportés par Barde (1991). Il fallait attendre les
décennies 70, 80 et 90 pour voir émerger l'Economie des
ressources naturelles qui a pour champ d'intérêt les actifs
environnementaux, dorénavant reconnus comme rares par une large
communauté scientifique qui se reconnaît comme liée
à ce thème. Cette branche de la Science Economique s'affirme de
nos jours en tant que discipline à part entière avec ses
références théoriques, ses outils, ses supports de
publication propres3. Elle permet à l'agent économique
de gérer la nature de manière rationnelle pour ses besoins de
production et / ou de consommation.
Pour Njongang (2004), les ressources naturelles, en
première approximation, sont des moyens de production qui se trouvent
dans le milieu naturel et dont l'homme dispose pour son usage.
L'évolution fondamentale du statut des ressources naturelles,
considère ces ressources comme un don de la nature (Physiocrates), des
ressources rares : rareté physique (Malthus) et économique
(Ricardo), un patrimoine commun de l'humanité dont l'exploitation
abusive recèle une menace pour l'environnement et le bien-être des
générations présentes et futures (Rapport Brundtland
(1987), Conférences des Nations Unies sur l'Environnement et le
Développement à Rio en 1992)4.
3 On observe l'apparition d'un nombre croissant de
revues consacrées exclusivement à ce domaine.
4 Voir Njongang, C. (2004).
A. Typologie des ressources naturelles
Point (2004), classe les ressources naturelles en deux grands
groupes : classification selon les caractères biophysiques et selon le
type de relation entretenu avec les ressources.
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