3- Les spécificités du système
comptable Tunisien
Dans le cadre comptable tunisien, plusieurs explications de
l'évolution du système comptable peuvent être
avancées dont principalement l'emprunt culturel acquis à travers
le Plan comptable français qui a imprimé une dynamique
d'évolution. Ainsi, Bernard
COLASSE15 (1997) a
précisé que « Depuis 1968, la pratique comptable des
entreprises tunisiennes était normalisée par un plan comptable
dérivé du plan français 1947-57 et inspiré de
préoccupation macroéconomiques caractéristiques de
l'orientation collectiviste choisie dans les années soixante par la
Tunisie. Ce plan 1968... s 'est trouvé dans les années quatre-
vingt en décalage avec leur évolution et celle de leur
environnement économique et financier... ». En effet, depuis
le début de l'année 97, le système comptable a
été changé par la loi 96-112 du
30 décembre 1996 relative au nouveau système
comptable des entreprises tunisiennes pour mettre en place un nouveau cadre
comptable qui répond aux nouveaux besoins de l'économie
tunisienne.
Le nouveau système comptable constitue une «
référence cadre » dont le plan d'architecture repose sur les
grandes parties suivantes 16:
~ Le cadre conceptuel constitue la première innovation
de la réforme et fixe les contours théoriques du système.
On dit qu'il est « la norme des normes ».
Son objectif est de définir les bases conceptuelles de la
comptabilité financière et d'apporter des réponses aux
questions suivantes :
> A quoi servent les états financiers et quels en sont
les utilisateurs ?
> Quelles sont les règles devant être
respectées pour la prise en compte des éléments composant
les états financiers ?
· Les normes comptables qui sont elles-mêmes
structurées de la manière suivante :
> Une norme de présentation des états
financiers, d'organisation comptable et des normes techniques (traitant de
thème) intéressant l'ensemble des entreprises ; > Des normes
sectorielles traitant de problèmes spécifiques propres à
certains secteurs d'activité (assurances, banques, etc.).
L'évolution des systèmes comptables est en fait
le résultat de plusieurs facteurs socioculturels, politiques et
économiques qui influencent de près ou de loin sur les
caractéristiques de la comptabilité, ses utilisateurs et surtout
ses objectifs.
En effet, les nouveaux systèmes comptables apparaissent
pour résoudre une situation problématique de comptabilité
dans un contexte économique cadre et une époque bien
15 COLASSE.B, 1997, « Du nouveau système
comptable des entreprises de la Tunisie : Alignement sur ou adaptation aux
normes comptables internationales ? », colloque international « La
mondialisation à l'heure de la mondialisation, du 27 mars 19997
co-organisé à Tunis par le cabinet « Audit et Systems »
et la revue tunisienne « L'expert », p1.»
16 Guide de pratique du droit comptable, collection
FIDUNION TUNISIE, p23.
déterminée. D'où la justification de cette
apparition peut être présentée à travers le triangle
suivant:
Figure 1 : Processus d'évolution du système
comptable des entreprises tunisiennes
Situation problématique de
comptabilité
Nouveau système comptable
des entreprises
Contexte tunisien Stade d'évolution de
l'économie tunisienne
Ce nouveau système comptable représente «
Le référentiel » neutre qui réglemente le
comportement des comptables devant une situation
problématique de comptabilité (un constat de
divergence entre les normes comptables existantes et la réalité
économique des flux à comptabiliser, conflits
d'intérêt, etc.) dans un contexte
(légal, économique, politique et socioculturel,
etc.) bien déterminé et dans un stade
d'évolution de l'économie tunisienne.
Nous pouvons ainsi par référence aux
affirmations de Hoarau17 (1999) confirmer une telle
proposition pour le contexte tunisien dans lequel le cadre de
comptabilité et d'informations financières permet aux entreprises
l'utilisation des normes comptables internationales (I.A.S)
lorsque celles-ci peuvent améliorer la qualité de l'information
financière publiée.
Ainsi, « une telle stratégie qui prend en
considération la culture et les besoins des utilisateurs et
préparateurs des états financiers semble pertinente au contexte
tunisien. Celle-ci permettra de réduire les coûts de production et
de mise en place des normes comptables, suivre l'harmonisation internationale
et faciliter la croissance des investissements étrangers et enfin
éliminer certaines obligations qui peuvent peser lourd
17 HOARAU.C (1999), « Un bilan pour un
vingtième Anniversaire », in numéro spécial, les
vingt ans de AFC, Comptabilité, Contrôle, Audit, pp. 5-12.
pour les PME tunisiennes »18.
Toutefois, le tissu économique tunisien est
caractérisé par une majorité des PME ou plus
précisément des TPE (très petites entreprises) qui ne
peuvent pas appliquées des normes comptables complexes tel est le cas
des I.A.S. Ceci a ramené les normalisateurs comptables
tunisiens à prendre en considération cette diversité des
situations problématiques, du contexte et du stade d'évolution de
l'économie tunisienne. On assiste ainsi, à une genèse des
normes comptables « tunisiennes » adaptables pour les entreprises
nationales inspirées des normes comptables internationales.
Bernard COLASSE (1997)19 a
évoqué le problème d' « Alignement sur ou
adaptation aux normes comptables internationales ? » du nouveau
système comptables des entreprises de la Tunisie. Il a
démontré que « Dans la mesure où aucun pays ne
peut prétendre vivre en complète autarcie sur moyenne et longue
période... Aussi, peut-on considérer qu'il n'y a
véritablement que deux stratégies possibles pour un pays face aux
normes comptables internationales : l'alignement sur ces normes ou leur
adaptation à ses caractéristiques ». Il aussi
ajouté que « Ce nouveau système comptable des
entreprises tunisiennes est donc suffisamment flexible pour donner naissance
pendant une période plus au moins longue (et dont la longueur
dépendra du succès de la politique de la Tunisie) à une
pratique comptable à deux secteurs ; comme si le normalisateur tunisien
avait sagement « mis deux fers au feu », considérant sans
doute que le futur n'est jamais certain et le passé jamais mort
»20.
En effet, nous verrons que « l'emprunt culturel
permet à certains systèmes comptables d'en féconder
d'autres et de leurs imprimer une dynamique d'évolution. L'emprunt
culturel est son nom l'indique une adaptation culturelle provenant d'une autre
culture »21.
Ainsi, « Contrairement au P.C.G 1968 dont
l'application obligatoire était limitée aux entreprises
publiques, le nouveau système comptable s'est érigé en une
branche de droit et constitue de ce fait un référentiel
s'appuyant sur des fondements juridiques lui conférant tous les
attributs du droit »22.
18 CHOUCHANE.Besma, (2005), « Vers un cadre de
comptabilité et d'informations financières différentielles
pour les PME tunisiennes, 3ème conférence
Internationale de Finance, IFC3 3-5 Mars 2005 Hammamet, Tunisie.
19 COLASSE.Bernard, (1997), « Du nouveau
système comptable des entreprises de la Tunisie : Alignement sur ou
adaptation aux normes comptables internationales, Colloque international «
La normalisation à l'heure de la mondialisation » du 27 mars 1997
co-organisé à Tunis par le cabinet « Audit et Systems »
et la revue tunisienne « l'expert ».
20 Idem
21 AZAN.Wilfrid, Systèmes comptables,
évolution et déterminants : le renforcement du contrôle
externe en Allemagne par le biais de la KontraG.
22 Guide Pratique du Droit Comptable, FIDUNION
TUNISIE.
De ce fait, le processus de la normalisation comptable
diffère d'une situation problématique de comptabilité
à une autre, d'un contexte à un autre et d'un stade
d'évolution de l'économie à un autre et ce afin de
satisfaire les besoins des économies à travers le renforcement de
la transparence de l'information comptable, outil de décision, dans le
temps et dans l'espace.
Toutefois, la spécificité du cadre
institutionnel des économies émergentes a fait que les pratiques
comptables restent figées devant ce phénomène
d'harmonisation internationale vu l'effet d'une culture de réticence au
changement d'une part et la spécificité des besoins des agents
économiques nationaux d'autre part. Par conséquent,
l'étude de la diversité des systèmes comptables nous
permettra de comprendre les spécificités du cadre comptable
tunisien et derrière lequel les facteurs fédérateurs de
changement et d'évolution dans le temps.
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