Chapitre 4
RESULTATS : PRESENTATION, ANALYSE ET
DISCUSSION
4.1- DESCRIPTION DE L'ECHANTILLON DES RÉPONDANTS
RIVERAINS DU PIPELINE
L'un des critères de classification des riverains qui
nous a paru plus pertinent est l'âge des personnes dont les parcelles ont
été détruites. Comme nous le verrons plus loin, la
reconquête des superficies détruites par le pipeline sera fonction
de la force de travail des riverains. Ainsi, plus la victime sera jeune, plus
elle sera disposée à replanter.
La répartition des répondants par tranches
d'âge a révélé que peu de répondants (4%)
étaient dans la tranche d'âge de 30-39 ans. 66% des
répondants avaient un âge compris entre 40 et 59 ans. Les
personnes de plus de 60 ans (environ 30% de l'échantillon) pourraient ne
plus replanter leurs parcelles par manque de la force de travail.
4.2 : PRESENTATION DES RESULTATS
L'objectif global de cette étude est d'identifier et de
décrire les impacts socio économiques du projet pipeline
Tchad-Cameroun sur les populations riveraines. Pour atteindre cet objectif
global, il s'agit plus spécifiquement d'identifier et de décrire
l'impact du projet pipeline sur :
1- les surfaces agricoles le long du corridor du
pipeline ;
2- la production agricole le long du corridor du
pipeline ;
3- le revenu des riverains du pipeline;
4- l'emploi et la formation des populations riveraines du
pipeline;
5- les infrastructures d'éducation et de
santé le long du corridor du pipeline;
6- la prévalence des maladies au sein des populations
riveraines du pipeline.
4.2.1- Impact du projet pipeline sur les surfaces
agricoles
Du fait des activités de construction et de
l'installation de l'oléoduc du projet pétrole tchadien, certaines
personnes ont perdu leurs terres et plantations. Le plan de compensation
prévoyait une compensation en espèce et/ou en nature pour la
perte des terres, des cultures et autres ressources ou mises en valeur. Les
compensations devaient permettre aux bénéficiaires d'aller
coloniser d'autres espaces et y installer de nouvelles plantations semblables
à celles détruites.
L'excavation pour enterrer l'oléoduc devait
nécessiter l'enlèvement de la couche arable, réduisant
ainsi la capacité de développement de la
végétation. Pour atténuer cet impact, le terrain devait en
principe être restauré après les travaux du pipeline pour
le rendre disponible à une utilisation future par les riverains.
Toutefois les cultures à enracinement profond étaient proscrites
sur le corridor du pipeline. Les riverains ne pouvaient planter sur cette
partie de l'emprise du pipeline que des cultures à enracinement peu
profond et à cycle de production court. Toutes ces mesures devaient
concourir à réduire l'impact du projet pipeline sur les surfaces
agricoles cultivées.
L'objectif spécifique 1 de cette étude
était d'identifier et de décrire l'impact du projet pipeline sur
les surfaces agricoles. Les résultats obtenus révèlent que
le projet pipeline a détruit dans la province du Centre une superficie
de 63 Ha du verger cacaoyer, principale culture de rente des populations
rurales dans cette province. Au niveau des cultures vivrières, une
superficie de 34 Ha a été détruite. Le tableau 3 illustre
les variations observées après l'exécution du projet
pipeline Tchad-Cameroun.
Tableau 3 : Variations observées
sur les surfaces agricoles
Nature des cultures
|
Surfaces totales détruites par le projet
pipeline (Ha)
|
Surfaces totales refaites par les riverains du
pipeline (Ha)
|
Changement absolu
|
Pourcentage
|
Plantation de cacao
Cultures vivrières
|
63
34
|
27
18,4
|
- 36
- 15,6
|
- 57
- 46
|
Dans ce tableau, il ressort que les riverains du pipeline
n'ont pas replanté en totalité les parcelles
cacaoyères détruites. Sur 63 Ha détruits
le long du corridor dans la province du Centre, seulement 27 Ha ont
été refaits. Il en est de même avec les cultures
vivrières où 34 Ha ont été détruits et 18,4
Ha ont été replantés par les riverains. Le tableau 4
indique la replantation des parcelles détruites par groupe
d'âge.
Tableau 4 : Replantation des parcelles
détruites par groupe d'âge
|
30-39 ans
|
40-49 ans
|
50-59 ans
|
60-69 ans
|
+ de 70 ans
|
Effectif total
Ont refait un champ
Pourcentage
|
5
5
100
|
32
19
59
|
47
23
49
|
26
9
35
|
10
3
30
|
On peut constater que le pourcentage de replantation de
nouvelles parcelles est inversement proportionnel aux classes d'âge. La
courbe serait donc descendante de 100% à 30%. Au fur et à mesure
qu'on tend vers le troisième âge, le pourcentage de personnes qui
ont refait une nouvelle plantation diminue. Cette situation se justifierait par
le fait que les hommes du troisième âge n'ont plus assez de force
pour cultiver un champ.
Près de 90 % des ménages riverains font des
cultures maraîchères et vivrières sur l'emprise du pipeline
et cela se justifierait principalement parce qu'ils n'ont plus de nouveaux
espaces pour coloniser. Cependant 85% se plaignent de mauvais rendements sur le
corridor du pipeline et la mort des cultures pérennes qui y sont
proches. La principale cause des mauvais rendements est la mauvaise
qualité de l'horizon de surface, selon 60 % de ces ménages. La
restauration du sol a été très mal faite après que
l'on ait enfoui le sous-sol. La terre arable a été
déstabilisée et doit prendre du temps pour se reconstituer. 10%
affirment avoir abandonné la culture sur l'emprise à cause de
cette baisse de rendement.
Les champs des riverains du pipeline ont été
détruits sans qu'aucune politique d'accompagnement des agriculteurs pour
la mise en place de nouveaux champs n'ait véritablement
été conçue. Le résultat palpable aujourd'hui est la
réduction des surfaces agricoles, et surtout la perte pour de nombreux
agriculteurs des plantations créées avec une assistance
extérieure (Projets étatiques de développement agricole).
Ces plantations perdues leur assuraient un revenu permanent.
4.2.2- Impact du projet pipeline sur la production
agricole
La production agricole est la principale source de revenu des
ruraux d'une part et d'autre part elle est utilisée pour
l'autoconsommation. Une baisse ou une hausse de celle-ci a respectivement des
conséquences négatives ou positives sur leur niveau de vie.
L'objectif spécifique 2 de cette étude
était d'identifier et de décrire l'impact du projet pipeline sur
la production agricole. Le tableau 5 illustre la perception de
l'évolution de la production agricole des riverains :
Tableau 5 : Perception de
l'évolution de la production par des riverains du pipeline
|
Augmentée
|
Inchangée
|
Diminuée
|
TOTAL
|
Effectif
Pourcentage
|
4
3
|
43
36
|
73
61
|
120
100
|
Dans le tableau ci-dessus, la majorité de riverains
disent que leur production est en baisse. Parmi ceux-ci, 82% de riverains du
pipeline estiment que leur production a baissé parce qu'ils n'ont pas
refait de nouvelles parcelles, 7% à cause des inondations dues aux eaux
que COTCO a canalisées dans leurs plantations et 10% parce que les
plantations qu'ils ont mises en place sont encore jeunes.
Ce résultat confirme celui obtenu à l'objectif
spécifique 1. Ceci dans la mesure où les populations riveraines
du pipeline n'ont pas refait la totalité de leurs parcelles
détruites. Il va donc de soi qu'aujourd'hui, une baisse de la production
soit observée. Il est identique à celui que Simery (2007) a
obtenu au Nigeria dans la région d'Ogoni Land. Il rejoint
également celui de Petry (2004) au Tchad dans la région de Doba.
Petry et Simery ont chacun constaté la baisse de la production dans les
deux régions pétrolières ci-dessus citées.
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