L'agroforesterie en aquitaine( Télécharger le fichier original )par Benoà®t Gayaud Université Bordeaux IV - Montesquieu - Master forêt et développement durable 2009 |
V. Perspectives :De nombreuses possibilités s'offrent à l'agroforesterie, d'autant plus que beaucoup reste à faire. A la vue de la division entre propriété forestière et propriété agricole il va s'agir de jeter des ponts entre ces deux mondes, en leur permettant de passer des conventions. Il existe déjà ce type de contrat, c'est le fermage ou le métayage. En fermage peu importe les résultats d'exploitation, le bailleur reçoit un loyer fixe. Il faut alors que les parties s'entendent au départ, l'ayant fixé en toute équité. Dans le cas du métayage il y a une part réservée au bailleur sur la récolte. Dans un cas ou dans l'autre il reste à savoir quel serait l'intérêt de l'agriculteur ? Celui du forestier ? Il s'agit pour chacun de savoir s'ils veulent prendre un risque ou non : une part variable ou fixe. On peut aussi envisager des contrats qui porteraient sur des terres uniquement forestières ou agricoles qui seraient converties par l'installation de systèmes agroforestiers. Il pourrait y avoir, à titre d'exemple, des contrats, lorsqu'il s'agirait de terres forestières, qui seraient une mise à disposition pour un emploi agricole en échange de l'entretien des arbres. L'agriculteur récupère les fruits de l'élagage (bois de chauffage, bois raméal fragmentté56, etc.), voire les fruits de la bande enherbée et sa récolte. Et le propriétaire conserve son droit sur la récolte des arbres ainsi valorisés. On peut ajouter un troisième intervenant qui peut être l'apiculteur installant ses ruches en fonction du caractère mellifère des essences et des cultures. Celui-ci pouvant en échange fournir une main-d'oeuvre sur des travaux d'entretien, d'élagage, etc. Une infinité de cas est possible, la difficulté étant d'agencer au mieux les associations des végétaux pour donner un ensemble plus valorisé que la simple somme de ses parties. Il s'agit de profiter et valoriser au maximum les interactions entre les arbres, les cultures et tout ce qui est susceptible de constituer l'écosystème local. Car les systèmes forestiers et agroforestiers remplissent d'autres fonctions environnementales à valoriser. A ce titre se trouvent les aménités, qui peuvent faire l'objet de valorisation des services (culturel, régulation, prélèvement) de la forêt, de contrats de louage, des accords entre agriculteurs et propriétaires, ou des tiers (chasseurs, randonneurs, etc.). Il est un défi important que d'arriver à évaluer les aménités : combien rapportent des arbres au bord d'un ruisseau dans le traitement de l'eau ? Combien pour un gain paysager, un gain d'ombrage pour les poissons, la flore, etc. C'est pourtant ce qu'a commencé à faire le Centre d'analyse stratégique dans le cadre de missions attachées au Grenelle de l'environnement. 56 Cette technique consiste à broyer et disperser au sol les rémanents afin d'offrir une couverture de surface diminuant les besoins en eaux des cultures, de la matière organiqueÉ C. Dupraz précise que les parcelles agroforestières ne sont pas conçues selon ce type d'objectif. Mais il reste à expérimenter. Parmi les autres mesures de cette politique on en trouve une récemment apparue. La taxation sur les émissions de carbone qui appara»t aujourd'hui en France (commission sur la contribution Climat énergie) est un début dans le cadre de nouvelles considérations : à l'avenir il faudra intégrer dans la décision publique l'aspect environnemental en quantifiant et qualifiant les services et coiats générés par toute décision. On se dirige vers une réalité plus globalisante, déjà annoncée par certains il y a près de 40 ans. En 1973, Ivan Illich, dans La convivialité, propose un calcul : Ç L'américain type consacre, pour sa part, plus de 1 500 heures par an à sa voiture : il y est assis, en marche ou à l'arrét, il travaille pour la payer, pour acquitter l'essence, les pneus, les péages, l'assurance, les contraventions et les impôts. Il consacre donc quatre heures par jour à sa voiture, qu'il s'en serve, s'en occupe ou travaille pour elle. Et encore ici ne sont pas prises en compte toutes ses activités orientées par le transport : le temps passé à l'hôpital, au tribunal ou au garage, le temps passé à regarder à la télévision la publicité automobile, le temps passé à gagner l'argent pour voyager pendant les vacances, etc. A cet américain, il faut donc 1 500 heures pour faire 10 000 kilomètres de route ; environ 6 kilomètres lui prennent une heure. È Ce calcul ne permet pas de prendre en compte l'avantage que procure le véhicule pour rejoindre rapidement un endroit, pour se déplacer dans des endroits oü il n'y a pas de transports de substitution, etc. Mais il permet de relativiser l'aspect absolu du gain à avoir une voiture et il mentionne explicitement que beaucoup d'aspect, plus secondaires encore, ne sont pas intégrés dans le calcul. Son effet est double, il place le problème à un niveau individuel, chacun devant déterminer pour lui s'il a un avantage ou non à posséder, pour filer l'exemple, une voiture. Et il fait rentrer dans le champ de la décision des éléments directement liés à celle-ci mais jamais comptabilisés. Cet exemple peut s'appliquer sur toute sorte d'action, d'entreprise personnelle et devenir une logique de décision, mais qui ne saurait pour autant tomber dans l'excès et pousser à l'inaction comme dans le cas du paradoxe d'Olson57, bien qu'on puisse opposer à celui-ci qu'il oublie beaucoup de dimensions qui rendent son expérience simpliste, notamment sur les aspects d'interaction avec le groupeÉ En matière forestière des changements commencent à se manifester par le regard porté sur les services que produisent les arbres et qui pour l'instant ne rentrent pas dans le jeu politique : les aménités. En avril 2009 le Centre d'analyse stratégique remettait au Premier ministre un rapport dans lequel sont données les premières évaluations concernant ces aménités. Leur chiffrement permet d'envisager une revalorisation des forêts avec la prise en compte de différents services (page suivante). 57 Selon son image du passager clandestin (free-rider) qui aurait individuellement intérêt à l'inaction dans le cadre d'action collective. Mancur Olson, Logique de l'action collective, PUF, 1978. Figure 13 : Valeurs de référence proposées pour les différents services écosystémiques de la forêt française (en euros par hectare et par an). Centre d'analyse stratégique. La valeur à l'hectare sera alors mesurée avec ces nouveaux facteurs. Le rapport fournit également un tableau équivalent pour les prairies. Elles offrent des services moindres et de moindres valeurs mais on peut alors envisager que l'on pourrait chiffrer les parcelles agroforestières. On peut estimer qu'elles se situeraient entre ces ceux valeurs en raison de la présence des arbres mais à faible densité. Ces mesures sont très incomplètes mais offrent une première ébauche qui montre que la tendance va être à l'augmentation de la valeur des forêts. Ces services pourraient être monétisés ou compensés. Mais ce ne sera pas le cas de tous, les auteurs du rapport précisent : Ç Sur un plan pratique, on peut tout d'abord
souligner le caractère irréaliste d'une
rémunération éventuelle de fournissent un ordre de grandeur montrant que toute la richesse mondiale n'y suffirait sans doute pas. Iiconvient donc de se concentrer sur les services clés et susceptibles d'être menacés dans un lieu donné. »58 Ainsi même si l'on peut penser que la valeur à l'hectare devrait augmenter par l'effet d'affichage de telles données, certains évaluant et intégrant ces éléments lors de ventes des terrains, pour prendre un exemple courant, il faut considérer qu'il y aura un nombre limité d'opportunités dont la forêt devrait bénéficier. Les rémunérations ne devraient toucher que des lieux remarquables et porteurs d'enjeux. Dans un temps proche la taxation sur le carbone devrait revaloriser les forêts et leur pouvoir captateur. De même que l'on soutiendra l'investissement dans des sources d'énergies non polluantes (le solaire, l'éolien, l'hydroélectrique, la biomasse, etc.) on pourra favoriser la production forestière, les actions comportant des arbres destinés à absorber du carbone et à être valorisés comme matériau, de la construction au papier. On peut facilement imaginer des mesures de type fiscal : des exonérations pour les déclarants ayant un solde carbone positif, déterminé par le patrimoine forestier, les sources d'énergie, le bilan carbone, que chacun peut dès aujourd'hui établir59. On peut avoir le développement de tout un système de conversion à la réduction des émissions de CO2. Et les forêts peuvent y prendre un rTMle majeur, les pratiques culturales et les règles qui les façonnent étant déjà dans cette logique d'un intérêt bien compris car la production n'est pas seulement dirigée par la rentabilité et la productivité mais aussi par les aspects seconds qui vont découler de la coupe : équilibres environnementaux, faune, flore, air, eau. Les forêts sont des puits de carbone faciles à mettre en place, dans le même temps elles produisent un matériau, ainsi que les nombreux services énumérés. Leur multi-fonctionnalité n'est pas pleinement prise en compte et c'est en travaillant à la mettre en évidence que les forêts retrouveront une place centrale et une image au sein des représentations collectives plus en adéquation avec leur réalité. 58 Centre d'analyse stratégique, p. 331 59 On trouve des outils pour faire sa Ç comptabilité carbone È en ligne : L'ADEME propose de le calculer à partir de son site ademe.fr/climat/ mais aussi du site calculateurcarbone.org Bibliographic : ALBA Benjamin, Étude d'impact de l'élevage de poulets en liberté sous le pin maritime, Mémoire de BTS, 2000-2002 BASSOU Delphine, Quel statut cadastral pour l'agroforesterie ? sous la direction de Fabien Liagre, Université Montesquieu Bordeaux IV, 2004 CAILLEZ Francis, LECOMTE Éric et alii, Bois et forêts des agriculteurs : colloque de restitution finale de l'action incitative programmée AGRIFOR 1995-1999, Clermont-Ferrand 20 et 21 octobre 1999, éd. 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