THEME :
MOBILISATION DE L'EPARGNE AU SENEGAL : CAS DES SFD
ET DES AREC
INTRODUCTION
1. LES FACTEURS DETERMINANTS DE L'EPARGNE AU
SENEGAL
1.1 Définition
1.1.1 Une finalité
1.1.2 Une attitude volontariste
1.2 Approche théorique
1.3 Description de l'évolution des
variables
1.3.1 L'inflation
1.3.2 Le taux d'intérêt
réel
1.3.3 Le revenu
1.3.4 La variable démographique
1.3.5 L'épargne extérieure
1.3.6 Le taux de change effectif réel
2. La situation de l'épargne
intérieure
3. Les systèmes d'épargne au
Sénégal
3.1 L'épargne formelle
3.1.1 La mobilisation de l'épargne par les
SFD
3.1.1.1 Définition conceptuelle
3.1.1.2 Vocabulaire utilisé
3.1.1.3 Evolution des FSD et cadre
réglementaire
3.1.1.3.1 Evolution des SFD
3.1.1.3.2 Cadre réglementaire
3.1.1.4 Présentation des SFD
3.1.1.4.1 Typologie des SFD au
Sénégal
3.1.1.4.1.1 Les Mutuelles d'Epargne et de
Crédit (MEC)
3.1.1.4.1.2 Les Groupement d'Epargne et de
Crédit
3.1.1.4.1.3 Les Structures ou Organisations sous
convention Cadre
3.1.1.4.2 Activités, produits et services de
l'épargne
3.1.1.4.2.1 Les activités
3.1.1.4.2.2 Les produits et services de
l'épargne
a) L'épargne volontaire
b) L'épargne obligatoire
c) L'épargne liée à un service
donné
3.2 Le système informel de
l'épargne
3.2.1 L'épargne informelle : une
épargne associative
3.2.2 Les limites de l'épargne
informelle
4. Recommandations
4.1 Diversifier les produits de collecte de
l'épargne domestique
4.2 Raffermir la crédibilité et la
sécurité des moyens de paiement
4.3 Dynamiser le marché régional des
capitaux
4.4 Adoption d'une politique d'augmentation des
revenus
4.5 Maîtrise de l'inflation
4.6 Politique de réduction du taux de
dépendance économique
4.7 Politique d'incitation à l'épargne
extérieure
4.8 Réorganisation ou articulation entre le
secteur financier formel et le secteur financier informel
CONCLUSION
INTRODUCTION
La question sur la mobilisation de l'épargne au
Sénégal se pose avec beaucoup d'acuité comme d'ailleurs
dans tous les pays en voie de développement.
Le développement économique suppose un
investissement dans le système productif. L'investissement implique au
préalable l'existence d'une épargne clef de la croissance.
L'épargne continue de financer une bonne partie de l'investissement dans
la plupart des pays en voie de développement. En effet, une
épargne abondante et régulière permet à un pays de
réaliser une croissance équilibrée. L'épargne au
Sénégal est caractérisée par un niveau de
mobilisation très bas donc insuffisante pour alimenter les
investissements.
Cette situation est pour une grande partie due à
plusieurs facteurs liés à un ensemble de variables explicatifs
que nous aborderons dans notre étude.
L'évolution du revenu des populations
sénégalaises est très faible. Le taux de croissance
démographique soutenu a un impact négatif sur le revenu des
ménages.
Dans un environnement macroéconomique très
instable, l'inflation n'est pas maîtrisée. Le taux d'inflation
élevé freine le développement d'une épargne
abondante.
Le taux d'intérêt réel, qui joue un
rôle de contrainte de liquidité lorsqu'il est élevé,
influence largement l'épargne domestique.
L'impact de l'épargne extérieure sur
l'épargne nationale produit un effet de revenu positif. Or, depuis une
longue période, cette épargne extérieure a
été négative au Sénégal. Le taux de change
effectif réel a aussi un impact non moins significatif sur
l'épargne nationale.
Nous avons ensuite introduit dans notre étude la
situation de l'épargne intérieure au Sénégal.
L'insuffisance de l'épargne domestique se traduit par un
déséquilibre significatif de toutes les balances de paiements
courants.
Au Sénégal, malgré la cohabitation du
secteur bancaire classique avec les institutions financières non
bancaires tels les Systèmes Financiers Décentralisés et le
secteur financier informel, le taux d'épargne est
particulièrement faible.
Il sera aussi question de traiter l'évolution de
l'épargne intérieure de 1970 à 2000.
Il est nécessaire de scripter les différentes
formes d'épargne au Sénégal. L'épargne au
Sénégal forme deux sphères structurées selon deux
logiques différentes :
ü Une sphère officielle, légale
régie par une réglementation : l'épargne formelle.
ü Une sphère informelle échappant à
toute contrainte fiscale et réglementaire et touchant une partie
importante des populations, surtout les plus défavorisées :
l'épargne informelle.
Cette situation est caractérisée par un dualisme
financier au sens large comme la juxtaposition des secteurs formel et informel
en matière de financement.
L'épargne formelle concerne les banques, les
institutions financières, les instituions de micro finance et les
sociétés d'assurance.
Nous allons davantage l'accent sur le rôle joué
par les Systèmes Financiers Décentralisés dans la collecte
de l'épargne au Sénégal.
Ces institutions de micro crédit connaissent un essor
fulgurant. Elles sont caractérisées par leur facilité
d'accès au crédit qui, jusque là, était très
difficile avec les banques.
Le système informel regroupe les associations
tontinières, les personnes physiques, les commerçants, les
employeurs et groupements, en développant des réseaux de
solidarité. Le système est régi par des règles
simples et adaptées au pouvoir d'achat de la clientèle.
L'inefficacité du secteur financier formel, due en
grande partie à la sa rigidité de ce secteur et à
l'omniprésence des pouvoirs publics, principalement en matière de
fixation des taux d'intérêt, ont pour conséquence la
présence du secteur informel à côté du secteur
formel.
La naissance des associations rotatives d'épargne et de
crédit est marquée par la manifestation de l'expression de la
volonté d'un groupe pour satisfaire les besoins d'épargne de ses
membres.
Leurs motivations ne sont pas seulement d'ordre
économique mais peuvent être aussi des motivations sociales.
Toutefois, l'épargne informelle présente des
limites liées essentiellement à la nature très
particulière de ces organisations.
Les nombreuses insuffisances du secteur financier
sénégalais empêchant ainsi une grande mobilisation de
l'épargne, nous a poussé à terminer notre étude par
la formulation de recommandations.
Ces recommandations peuvent s'articuler autour des points
suivants :
· La diversification des produits de collecte de
l'épargne domestique ;
· Le raffermissement de la crédibilité et
la sécurité des moyens de paiement ;
· Le dynamisme du marché financier
sous-régional ;
· L'adoption d'une politique d'augmentation des
revenus ;
· La maîtrise de l'inflation ;
· Une politique de réduction du taux de
dépendance économique ;
· Une politique d'incitation à l'épargne
extérieure ;
· Une meilleure articulation entre le secteur formel et
le secteur informel.
1. Déterminants de l'épargne au
Sénégal
1.1. Définition
Le dictionnaire Larousse définit l'épargne comme
« une fraction du revenu individuel ou national qui n'est pas
affectée à la consommation », tandis que pour
le dictionnaire Robert, il s'agit « des dépenses
affectées à un niveau inférieur aux recettes, en vue de
constituer une réserve ».
S'accordant communément à reconnaître que
l'épargne est constituée d'une valeur non affectée
à la consommation, les deux définitions présentées
diffèrent toutefois profondément dans l'objectif qu'elles
attribuent à l'épargne.
La première définition induit une notion de
résidu : l'épargne. C'est ce qui reste quand on a finit de
satisfaire ses besoins ; elles réduit l'épargne
privée à l'équation suivante :
Epargne monétaire = Revenu disponible -
Dépenses
Toutefois, la seconde ne perçoit pas de manière
purement négative l'épargne comme le résultant d'une
soustraction, mais comme une réserve issue d'une action et voulue.
Cette définition conduit donc à une attitude
volontariste dans l'épargne, qui s'inscrit dans un renoncement de
l'acteur économique (qu'il s'agisse d'un ménage, d'une entreprise
ou d'une administration publique) à la consommation immédiate, en
vue d'une finalité.
1.1.1 Une finalité
L'épargne ne se réduit pas à une somme de
monnaie non affectée : elle est ajustée à un but, en
vue duquel l'acteur économique préfère différer sa
consommation immédiate.
On peut même aller plus loin en affirmant qu'une somme
d'argent résultant après consommation ne constitue une
épargne que dans la mesure où elle est clairement et
volontairement affectée à un but à réaliser dans le
futur. Un montant d'argent non orienté n'est pas de l'épargne,
c'est un simple résidu de la consommation.
Les objectifs alloués à la constitution d'une
épargne peuvent bien-sûr différer, selon qu'elle est
accumulée par un ménage, qui cherche principalement à
consommer (biens durables, biens de consommation), une entreprise, dont l'objet
de l'épargne s'effectue surtout en vue d'investissement, ou encore une
administration publique, dont l'épargne est affectée à des
dépenses publiques. A ce titre, l'épargne peut prendre diverses
formes et se baser sur différents supports correspondant aux
finalités spécifiques poursuivies par les acteurs
économiques.
1.1.2 Une attitude volontariste
Différer la consommation, c'est renoncer à
satisfaire un besoin de consommation immédiat, en vue de le satisfaire
plus pleinement ou d'en combler un autre dans un avenir plus ou moins
proche.
L'épargne est en cela un renoncement, un effort
individuel ou collectif et peut ainsi constituer une attitude culturelle
répondant à un rapport particulier au temps. Les
économistes ont d'ailleurs pu identifier pour les ménages une
courbe de l'épargne selon l'age de l'individu où le montant de la
réserve fluctue selon les périodes de la vie.
L'épargne des entreprises connaît
également une certaine régularité, alternant des phases
d'accumulation et de désépargne selon les cycles d'investissement
des entreprises.
Enfin, la gestion de la dette publique incite les
administrations publiques à respecter un cycle régulier
d'épargne.
Globalement, l'épargne brute représente la
différence entre le PIB et les dépenses
de consommation finale (l'ensemble des consommations d'un pays pendant une
période donnée).
D'une manière plus précise, il s'agit du revenu
national disponible qui n'est pas affecté à la consommation
finale, celle des ménages, des entreprises ou des gouvernements.
L'épargne brute correspond aussi à la somme des épargnes
brutes des différents secteurs institutionnels. Cet indicateur a son
utilité du fait qu'il nous renseigne sur la capacité d'un pays
à débloquer ses propres capitaux pour les investissements ;
autrement dit, la non dépendance vis-à-vis des capitaux
étrangers.
Ainsi au Sénégal, le lien entre épargne
et temporalité nous permet d'avancer l'idée d'une
évolution nette de l'épargne. On note une croissance de
l'épargne domestique brut de l'ordre de 39 % en 45 ans (de 1960 à
2005).
1.2. Approche
théorique
« L'épargne domestique peut être
subdivisée en deux parties : l'épargne publique et
l'épargne domestique privée » (Gillis et al., 2001,
p.389). L'épargne domestique privée se présente
principalement sous trois formes : l'épargne forcée,
l'épargne involontaire et l'épargne volontaire (Thirlwall,
2000).
L'épargne forcée provient de la hausse des prix
et de la réduction de la consommation réelle que l'inflation
entraîne lorsque les consommateurs ne sont pas en mesure de se
défendre. La hausse des prix peut réduire la consommation
réelle pour plusieurs raisons :
- l'apparition de l'illusion monétaire ;
- le fait que les individus veuillent conserver intacte la
valeur réelle de la part de revenu qu'ils gardent. Ainsi, ils accumulent
plus d'argent et dépensent moins lorsque les prix augmentent ;
- Le fait que l'inflation pourrait redistribuer le revenu
à ceux qui ont une plus grande propension à épargner.
L'inflation entraînée par l'expansion monétaire devrait
certainement redistribuer le revenu au gouvernement en tant qu'émetteur
de la monnaie. C'est la notion d'impôt, d'inflation dont Keynes disait
que c'est une forme d'impôt à laquelle le public trouve beaucoup
de mal à se soustraire et le plus faible des gouvernements peut imposer
s'il ne peut imposer rien d'autre (Keynes, 1923).
L'épargne involontaire est engendrée par une
réduction involontaire de la consommation des agents
économiques.
L'épargne volontaire concerne le renoncement des
individus à la consommation sur leur revenu et des entreprises sur leurs
bénéfices. Elle dépend de la capacité et de la
volonté d'épargner. Selon Thirlwall (2000), la capacité
d'épargner dépend de trois déterminants principaux :
le niveau du revenu par tête, la croissance du revenu et la distribution
du revenu. La volonté d'épargner dépend du taux
d'intérêt, de l'existence d'institutions financières, de la
variété et de la disponibilité des actifs financiers et du
taux d'inflation.
Pour les économistes de l'école classique, Adam
Smith, David Ricardo, mais aussi Léon Walras, l'épargne, dans le
cas d'une économie fermée, est nécessairement investie
sous forme de consommation ou d'investissement. L'agent ne conserve jamais
d'encaisses oisives. Il n'y a pas trace de préférence pour la
liquidité. Toute épargne étant nécessairement
transformée en investissement, le taux d'intérêt est la
variable qui permet l'égalisation de ces deux grandeurs. L'offre
d'épargne est une fonction croissante du taux d'intérêt et
la demande de fonds, c'est-à-dire l'investissement, en est une fonction
décroissante.
Dans les années 1930, Keynes critiquait avec ironie les
classiques selon lesquels le consommateur réduit sa dépense pour
augmenter son épargne lorsque le taux d'intérêt
augmente.
Keynes se distingue principalement des classiques en ce qu'il
considère que, la plupart du temps, l'épargne et l'investissement
sont le fait d'agents économiques différents, dont le
comportement s'explique par des variables différentes (le revenu pour
l'épargne, l'efficacité marginale du capital et le taux
d'intérêt pour l'investissement). Les projets d'investissement
sont ainsi largement indépendants de l'épargne existante et leur
égalisation à l'épargne existante n'est pas
réalisée automatiquement par l'intermédiaire du taux
d'intérêt, comme le pensaient les classiques, mais par la
variation du revenu. Par ailleurs, c'est l'investissement qui exerce un
rôle moteur sur l'activité économique.
Keynes en 1963 a fait une importante innovation en liant pour
la première fois la consommation - par conséquent
l'épargne - au revenu à travers la fonction de consommation (ou
fonction d'épargne). De façon plus explicite, il stipulait que la
fonction de consommation ou d'épargne est non proportionnelle,
c'est-à-dire que les riches consomment proportionnellement moins et
épargnent proportionnellement plus de leur revenu que les pauvres
(propension marginale à consommer décroissante, loi psychologique
fondamentale).
Pour Keynes, l'épargne dépendait directement du
revenu courant disponible, c'est-à-dire du revenu après paiement
des impôts directs, et la propension à épargner une partie
du revenu courant disponible augmentait avec le revenu. Cette thèse,
dénommée hypothèse keynésienne sur le revenu
absolu, établit la relation suivante entre l'épargne et le
revenu :
S = a + sYd (1)
Avec :
S = épargne ;
Yd = revenu courant
disponible ;
a = constante (a<0) ;
s = propension marginale à épargner (0
< s < 1)
Le signe négatif affecté à la constante
« a », entraîne une épargne négative
lorsque le revenu est faible. Selon cette équation, lorsque dans un pays
donné le revenu est croissant, les taux d'épargne devraient
également croître sur une longue période.
Cependant, les études temporelles de long terme de
Kuznets (1948) menées sur les Etats-Unis entre 1869 et 1939 font
apparaître une propension marginale à consommer constante dans le
temps, qui ne décroît pas quand le revenu augmente, contrairement
à la théorie de Keynes. Ainsi, la théorie de Keynes serait
valable sur courte période mais pas sur longue période. Il va en
résulter une abondante littérature.
Duesenberry (1949) tente de réconcilier la loi
psychologique fondamentale avec les résultats empiriques. Pour cela, il
lève l'hypothèse d'indépendance de la consommation d'un
agent par rapport à celle des autres. Il met alors en évidence
l'effet de démonstration.
L'effet de démonstration y est défini comme un
effet de contagion, de contact ou de relations sociales. Plus
précisément, au-dessus d'un revenu minimum, la fréquence
et la force des incitations à augmenter ses dépenses
dépendent entièrement, pour un individu, du rapport de ses
dépenses avec celles des individus avec lesquels il est en relation. Son
modèle repose sur une théorie du revenu relatif, avec laquelle il
montre que la propension à consommer des groupes inférieurs est
plus forte car ils cherchent à imiter la consommation des groupes
supérieurs. Il est représenté par la relation
suivante :
C1 = a + (1-s) Yd 1 + b
Ch (2)
Avec :
C1 = consommation pendant la
période 1 ;
Yd 1 = revenu pendant la période
1 ;
Ch = haut niveau de consommation
antérieur ;
a = constante (a<0) ;
s = propension marginale à épargner (0
< s < 1) et 0 < b < 1.
La tendance à la baisse de la propension marginale
à consommer observée à court terme ne serait plus
contradictoire avec sa stabilité à long terme. Quand le revenu
augmente, chaque groupe augmente sa consommation dans les mêmes
proportions pour aligner ses dépenses sur celles de ses voisins plus
fortunés de sorte que la propension marginale à consommer
à long terme soit constante.
L'hypothèse de Duesenberry (1949) a été
formulée pour expliquer le comportement en matière de
consommation et d'épargne aux Etats-Unis. Par la suite, son application
aux pays en développement a montré que, dans ces pays, les
groupes disposant de revenus élevés, mobiles sur le plan
international, se conforment aux schémas de forte consommation de leurs
homologues les plus prospères des pays avancés ; à
leur tour, les groupes titulaires de revenus inférieurs tendent à
imiter le comportement des groupes aux revenus plus élevés. Cette
forte consommation inhibe à long terme la hausse de l'épargne qui
aurait dû être consécutive à l'augmentation des
revenus.
Les travaux de Kuznets (1948) et Duesenberry (1949) permettent
de nuancer la théorie de Keynes qui stipule que le taux d'épargne
augment sur une longue période lorsque le revenu est croissant. Cette
assertion peut se vérifier sur le court terme mais n'est pas
forcément valable à long terme.
Un autre déterminant majeur de l'épargne
domestique est la croissance du revenu comme indiqué par
l'hypothèse du cycle de vie (Ando et Modigliani, 1963). Selon Ando et
Modigliani (1963), les comportements réels de consommation seraient
différents selon les phases de la vie des individus puisque le profil
temporel des revenus varie en fonction des trois grands âges de la vie
(enfance, activité, retraite). Par le recours à l'emprunt et par
la pratique de l'épargne, la consommation peut être mieux
répartie dans le temps que le revenu.
En adoptant l'hypothèse que l'agent essaie de maintenir
un niveau de consommation constant ou relativement croissant au cours de sa
vie, il est possible de mettre en lumière un cycle comportant trois
phases :
- La première phase correspond à la
période de jeunesse au cours de laquelle l'agent est
emprunteur ;
- Dans la seconde phase, à l'âge mûr,
l'agent devient épargnant net ;
- Avec le départ à la retraite, dans la
troisième, il devient désépargnant pour se retrouver au
« point mort » à son décès en
supposant qu'il n'y a pas de legs.
1.3. Description des variables de
l'épargne
Le choix des différentes variables est basé sur
l'ensemble des études qui traitent de l'épargne nationale.
1.3.1 L'inflation
Pour essayer de cerner l'effet de l'épargne
créée à cause de l'incertitude macro-économique,
certains auteurs dont Hadjimichael et Ghura (1995) ont inclus dans leur
modèle le taux d'inflation comme variable explicative. Dans leur
étude, le taux d'inflation affecte négativement le taux
d'épargne.
D'autres auteurs comme Houziot, C. et al. (2000) affirment
plutôt que l'ajout de cette variable dans leur modèle permet de
tenir compte de la dévalorisation de l'encours de richesse
financière. Dans un environnement macro-économique très
instable, l'incertitude accrue résultant des variations des prix peut
réduire l'épargne nationale par son effet des taux de rendement.
La réaction du taux d'épargne suite à une variation du
taux d'inflation est donc ambiguë. Au Sénégal, durant
l'année de la dévaluation en janvier 1994, le taux d'inflation
était de 32,1 %. Un an après la dévaluation, le taux
d'inflation est ramené à 8 % (1995), 1,8 % en 1997 et 2 % en
1998.
La phase qui correspond à la période 1970-1974
est marquée par une évolution du taux d'inflation. Après
avoir atteint 31,7 % en 1975, suite à la crise pétrolière
et à la sécheresse, l'inflation est confinée à 1,1
%. Ceci peut-être expliqué par l'essor de l'agriculture.
De 1976 à 1985, on peut identifier sur ce graphique une
augmentation de l'inflation, sauf en 1978 et 1981 où elle diminue. A
partir de 1982, l'inflation décroît jusqu'en 1987 et est
maîtrisée jusqu'en 1993. Mais, pour la période 1994-1995,
on observe une augmentation importante de l'inflation marquée par la
dévaluation. A partir de cette période, l'inflation est
maîtrisée de nouveau. En effet, cette influence négative du
taux d'inflation sur l'épargne nationale peut être perçue
à travers le graphique ci-dessous.
Graphique n° 1 : Evolution du taux
d'inflation au Sénégal de 1970 à 1998
Source : Direction de la Prévision et de la
Statistique
1.3.2 Le taux
d'intérêt réel
Le taux d'intérêt réel a été
utilisé dans l'étude car il peut avoir une influence importante
sur les décisions d'épargne. Lorsqu'il est à la hausse, il
peut jouer le rôle de contrainte de liquidité. L'arbitrage entre
les diverses opportunités de placement offertes aux épargnants
dépend des rendements réels escomptés (fonctions du taux
d'intérêt réel et des anticipations inflationnistes) et des
attitudes à l'égard du risque. L'effet du taux
d'intérêt réel est cependant aussi ambigu.
De 1970 à 1974, le taux d'intérêt
réel décroît faiblement et est globalement négatif
pour cette période. Mais entre 1974 et 1975, ce taux est marqué
par une décroissance forte. Ceci peut être expliqué par la
crise pétrolière en 1973, la sécheresse et une forte
augmentation de l'inflation en 1975. En 1976 ce taux est positif et est aussi
lié à un faible taux d'inflation (1.1 pour cent) pour la
période considérée.
De 1977 à 1985 le taux d'intérêt
réel est globalement négatif sauf en 1978 et 1981 où il
est positif. De 1986 à 1993, on observe une augmentation du taux
d'intérêt réel. Ce dernier est positif et est lié
à l'inflation négative - voire nulle - pendant cette
période. Toutefois, en 1994-1995, le taux d'intérêt est
négatif. Cette diminution est importante et est due au taux
élevé de l'inflation après l'année de la
dévaluation. A partir de 1995, le Sénégal renoue avec sa
stabilité macro-économique et le taux d'intérêt
réel commence à croître jusqu'en 1998. Le graphique
ci-dessous montre l'évolution du taux d'intérêt
réel.
Graphique n° 2 : Evolution du taux
d'intérêt réel au Sénégal de 1970 à
1998
Source : Direction de la Prévision et de la
Statistique
1.3.3 Le revenu
Deaton and Paxson (2000) ont montré que l'effet du taux
de croissance du revenu sur le taux d'épargne dépend du taux de
croissance de la population. Lorsque ce dernier est élevé, la
portion d'enfants dans la population est relativement élevée.
Cependant, lorsque le taux de la population est bas, l'augmentation du revenu
est distribuée vers les gens qui sont dans une phase où ils
épargnent, ce qui entraîne une augmentation du taux
d'épargne nationale. Il est pertinent de lier l'évolution du taux
d'épargne au niveau macro-économique avec l'accroissement de
l'inégalité des revenus. Le graphique suivant montre
l'évolution du revenu.
Graphique n° 3 : Evolution du PIB au
Sénégal de 1970 à 1998
Source : Direction de la Prévision et de la
Statistique
Nous remarquons une évolution faible du revenu sur la
période comprise entre 1970 et 1973. L'année 1973 est
marquée au Sénégal par une sécheresse et les chocs
pétroliers. De 1974 à 1977, on observe une croissance au niveau
de l'agriculture ; ce qui explique l'augmentation de revenu de 1978
à 1982. Ceci peut être expliqué par l'application des
programmes d'ajustement structurel (PAS).
De même, l'année 1982 est marquée par la
crise mexicaine. Toutefois, de 1982 à 1992, le revenu croît mais
cette croissance sera stoppée en 1993. Cette période est
marquée par l'application du plan d'urgence. A partir de 1994,
l'inflation vite maîtrisée, le Sénégal renoue ave sa
stabilité macro-économique. C'est pourquoi à partir de
cette période il y a évolution positive du revenu. Le
Sénégal a enregistré un taux de croissance remarquable de
5,3 % dû à une hausse de la production agricole, suite à
des précipitations favorables, à de bons résultats dans
les secteurs du tourisme et des échanges et un accroissement des
investissements publics. Cependant la reprise de la croissance
enregistrée après la dévaluation du franc CFA a eu des
effets limités sur le niveau de vie de la population.
1.3.4 La variable
démographique
C'est l'une des variables importantes qui influencent
l'évolution du comportement de l'épargne comme souligné
avec les travaux de Hadjimichael et Ghura (1995) et Loayza, Schmidt-Hebbel and
Serven (2000). L'accroissement de la population ainsi que la modification de la
structure ont des effets sur le niveau d'épargne nationale.
En reprenant l'hypothèse des marchés des
capitaux parfaits sur lesquels les agents peuvent librement emprunter ou
prêter, la théorie du cycle de vie améliorée loayza,
Schmidt-Hebbel and Serven (2000) a permis de construire le profil de
l'épargne au cours de la vie d'un agent représentatif :
désépargne en début de carrière puis épargne
durant la période active en vue de la retraite et enfin,
désépargne durant la retraite. Un accroissement de la population
d'après le modèle de Hammer (1986) a un effet négatif sur
la constitution d'épargne.
On remarque graphiquement que le taux de dépendance
évolue en s'améliorant surtout après 1975. L'accroissement
du taux tend à évoluer jusqu'en 1985. A partir de cette
période on observe une diminution du taux de dépendance jusqu'en
1993. En 1994 on peut identifier sur ce graphique une légère
augmentation de la population. A partir de cette période, le taux de
dépendance ne cesse de décroître jusqu'en 1998. Le
graphique n° 5 ci-dessous nous montre comment évolue le taux de
dépendance pour la période considérée.
Graphique n° 4 : Evolution du taux de
dépendance au Sénégal de 1970 à
1998
Source : Banque mondiale
1.3.5 L'épargne
extérieure
L'impact de l'épargne extérieure sur
l'épargne nationale produit un effet de revenu positif. La suppression
de la contrainte extérieure stimule l'activité économique
et un effet négatif est essentiellement dû au sentiment de
richesse provoqué par l'appréciation des actifs physiques et
financiers, la baisse des prix et des biens échangeables
consécutive à l'appréciation du taux de change, et
l'augmentation des liquidités et du crédit intérieur
disponibles.
L'inclusion de l'épargne extérieure dans notre
étude est justifiée selon la théorie de Molho (1986) de
l'éviction de l'épargne domestique, permettant aux
résidents de consommer plus ou la théorie de Griffin and Enos
(1970) de la substituabilité de l'épargne extérieure
à l'épargne nationale.
L'épargne extérieure est globalement
négative pour la période considérée. De 1970
à 1971 l'épargne extérieure diminue faiblement. Entre 1978
à 1985 on observe une diminution plus forte de l'épargne
extérieure. A partir de 1985 elle commence à augmenter et
jusqu'en 1990. De 1990 à 1998 on peut remarquer sur ce graphique une
diminution et une augmentation alternative de l'épargne
extérieure. Si on considère que l'épargne est une fonction
du revenu et si l'aide pousse à la croissance, en dynamique elle
contribue à la croissance de l'épargne. Ce qui veut dire que les
apports extérieurs conduisent à une amélioration
qualitative du revenu. Ceci confirme la théorie de la
substituabilité ou complémentarité entre l'épargne
extérieure et l'épargne nationale.
La Banque Mondiale considère que l'aide doit favoriser
le développement des économies en comblant les déficits de
l'épargne, et des devises. De ce fait l'aide doit participer à
l'accumulation de capital. L'aide est une source nécessaire pour
contribuer à la croissance économique et au recul de la
pauvreté dans les pays les moins avancés (Banque Mondiale,
1999).
Toutefois, J. Pollak (1989) a critiqué la
possibilité même d'une approche économétrique de la
question en soulignant à quel point le sens de causalité
était douteux, et le fait qu'en accroissant le PIB les flux
extérieurs ont tendance à réduire le taux
d'épargne, du moins à court terme sans que ce
phénomène ait une signification économique. Le graphique
ci-dessous montre l'évolution de l'épargne extérieure.
Graphique n° 5 : Evolution de
l'épargne extérieure au Sénégal de 1970 à
1998
Source : Banque mondiale
1.3.6 Le taux de change
effectif réel
Les termes de l'échange et le taux de change ont un
impact sur l'épargne nationale. Le taux de change effectif réel
est le taux de change effectif nominal déflaté par un indice
pondéré de disparité de pouvoir d'achat. Il prend en
compte la seule variation du cours du change non expliquée par les
différentiels de prix ou d'expansion monétaires,
c'est-à-dire la variation des prix extérieurs relatifs, la
modification susceptible d'infléchir la situation extérieure du
pays.
Dans ce graphique, on peut remarquer que de 1970 à
1977, le taux de change diminue sauf pour l'année 1974 où il y a
une légère augmentation. Cette diminution est liée au choc
pétrolier de 1973, à une dépréciation du taux de
change effectif nominal et à un différentiel de prix
vis-à-vis des pays de la CEE (Communauté Economique
Européenne) qui représentent environ plus de la moitié de
nos échanges.
On observe une augmentation du taux de change effectif
réel de 1977 à 1979. Ce résultat est obtenu grâce
à des gains de compétitivité que l'économie
sénégalaise a acquis durant cette période. En effet, le
taux de change effectif réel a légèrement fléchi
entre 1979 et 1991 tandis qu'il augmente légèrement à
partir de 1993. Le graphique ci-dessous nous montre l'évolution du taux
de change effectif réel.
Graphique n° 6 : Evolution du taux de
change effectif réel au Sénégal
Source : Banque mondiale
2 La Situation de l'Epargne Intérieure
Dans la plupart des pays en voie de développement,
l'épargne domestique est aujourd'hui insuffisante pour financer
l'ensemble des investissements ; ce qui se traduit par un
déséquilibre significatif de toutes les balances de paiements
courants.
Au Sénégal, malgré un système
financier où cohabitent le système bancaire classique, les
institutions financières non bancaires, les systèmes financiers
décentralisés et les circuits financiers informels très
dynamiques, le taux d'épargne intérieure est
particulièrement faible. Il est égal à 9,6 % en 1970,
devient négatif dans les années 80 avant de s'établir
à 11,8 % en 2000.
La situation n'est guère meilleure dans la plupart des
pays de la sous région et même globalement en Afrique
Sub-Saharienne et dans les autres pays en développement d'Asie et
d'Amérique Latine. (Figure 4)
Graphique n° 8 : Taux
d'épargne 1997 comparés (%)
Source : Données de la Banque Mondiale
En pratique, l'épargne est mesurée comme un
résidu et est confrontée aux problèmes de classification,
d'évaluation et de mesure. Ainsi, de nombreuses études
économétriques, cherchant à identifier les
déterminants de l'épargne reposent sur les données de la
comptabilité nationale. L'utilisation des données issues
d'enquêtes sur les ménages est difficile car ces dernières
sont souvent incohérentes ou même inexistantes.
L'épargne privée constitue l'essentiel de
l'épargne intérieure dans les pays en développement. Or,
la désagrégation de l'épargne intérieure entre
épargne privée et épargne publique est absente des
statistiques des comptes nationaux. L'épargne intérieure
intègre l'épargne des entreprises, l'épargne des
ménages et l'épargne publique.
En ce qui concerne les entreprises, l'augmentation de leur
épargne brute sous la forme de dividendes non distribués, fait
accroître parallèlement la richesse financière des
ménages détenant le capital de ces entreprises. Mais cet effet de
richesse peut également se traduire par la diminution de leur
épargne autonome, notamment dans l'hypothèse où il serait
pleinement anticipé. A l'inverse, si l'épargne des entreprises
diminue, les ménages détenant le capital de ces entreprises
peuvent être forcés d'augmenter les autres sources
d'épargne afin de maintenir constante leur richesse
financière.
En ce qui concerne l'Etat, les ménages épargnant
en vue de la retraite peuvent utiliser le système public de financement
des retraites comme substitut à leur effort d'épargne retraite.
Dans ces conditions, l'augmentation de l'épargne publique correspond au
financement des retraites des administrés s'accompagne de la baisse de
l'épargne des ménages concernés.
L'évolution de l'épargne intérieure au
Sénégal, au vu de la période d'étude choisie, se
décompose en quatre phases :
· La première phase se situant de 1970 à
1974 est marquée par une évolution en dent de scie mais
globalement positive de l'épargne jusqu'en 1973-74, date à partir
de laquelle elle décroît.
· La seconde phase est comprise entre la période
de 1974 et 1979. On observe une baisse continue de l'épargne durant
cette période. Ces deux phases sont marquées par la
sécheresse et la crise pétrolière.
· La troisième phase correspond à la
période qui va de 1980 à 1985. Durant cette période
correspondant à l'application des réformes économiques et
l'adoption des nouvelles politiques agricole et industrielle, l'épargne
est négative, sauf en 1984 ou elle est positive. Ces réformes et
les nouvelles politiques agricole et industrielle n'ont pas abouti aux
résultats escomptés quant à l'amorce d'un processus de
croissance soutenue et durable en vue d'un développement
réel ;
· Lors de la quatrième phase, de 1985 et 2000,
l'épargne est globalement croissante. Nous notons même un pic en
1994. La forte évolution de cette année pourrait s'expliquer par
l'augmentation des exportations et l'augmentation de la valeur de
l'épargne des Sénégalais vivant à l'étranger
engendrées par la dévaluation du Francs CFA. La figure
numéro 5 montre cette évolution.
Graphique n° 9 : Evolution de
l'épargne intérieure du Sénégal de 1970 à
2000
Source : Direction de la Prévision et de la
Statistique, comptes nationaux du Sénégal 1960-2000
3. Les systèmes d'épargne au
Sénégal
Les différentes formes de crédit et
d'épargne existant au Sénégal sont classées selon
le système formel ou informel. Nous caractérisons le dualisme
financier au sens large, comme la juxtaposition des secteurs formel et informel
en matière de financement. Nous montrons cependant
l'interdépendance entre les deux secteurs en matière de
comportements, de détention d'actifs.
L'analyse des secteurs financiers débouche sur la
question de la politique à adopter, notamment au Sénégal
où ils tiennent une large place dans les comportements d'épargne
et de crédit. « L'épargne dans les pays en voie de
développement est caractérisée par la dualité
financière. Une partie passe par des institutions : c'est
l'épargne institutionnelle. L'autre partie passe par les individus qui
s'organisent eux-mêmes pour faire face en même temps et ensemble,
à l'avenir : c'est l'épargne informelle qui repose sur des
relations personnelles et qui se développe au grès de pratiques
jamais codifiées » (Lelart, 1990).
3.1 L'épargne formelle
Le système formel concerne les banques et les autres
institutions financières, les coopératives et les
sociétés d'assurances. A ce niveau, l'accès au
crédit est très difficile car le système
d'intermédiation financière est basé sur un cadre
législatif et réglementaire qui protège l'épargnant
et doit respecter certaines contraintes dues à la politique
monétaire et du crédit édicté par les pouvoirs
publics.
Sur le plan micro-économique, l'arbitrage entre les
diverses opportunités de placements offerts aux épargnants
dépend des rendements réels escomptés (fonction du taux
d'intérêt et des anticipations inflationnistes) et des attitudes
à l'égard du risque. Les politiques de plafonnement du taux
d'intérêt, qui ont longtemps prévalu et qui visaient
à limiter les revenus de la propriété (et donc à
modifier la répartition des revenus) et surtout à encourager
l'investissement, avaient donc pour conséquence de décourager la
formation de l'épargne financière mise à la disposition
des opérateurs.
L'épargne des individus et des ménages est
indispensable à la croissance économique d'un pays. Elle
détermine, en grande partie, le taux de croissance de la capacité
productive et des revenus. Dans les zones rurales, les gens ont toujours
été peu enclins à déposer leur argent à la
banque. Certains préfèrent l'investir dans le bétail,
d'autres cachent leurs espèces dans des endroits à risque, comme
des jarres ou sous des matelas ou pire encore, les portent sur eux. Les banques
souvent situées dans des villes éloignées et peu
accessibles, n'inspirent guère confiance aux investisseurs ruraux qui
les jugent froides, peu accueillantes et destinées principalement aux
« citadins ». Pourtant, le potentiel inexploité de
l'épargne rurale pourrait donner un élan vigoureux aux
économies locales des pays en développement.
Une grande partie de la population sénégalaise
(plus de 70 %) vit en milieu rural (NEPAD, 2001). L'épargne
mobilisée par des établissements financiers locaux efficaces
pourrait financer des niveaux accrus d'investissement dans le
développement en milieu rural. Les femmes rurales qui produisent
l'essentiel de la nourriture du monde en développement, sont des
clientes particulièrement importantes des banques. Sauvegarder les
épargnants expose les principes généraux de la
sécurité des dépôts, décrit les
problèmes spécifiques aux banques rurales et présente
d'édifiantes études de cas de réussite de petites banques
au sein des communautés rurales.
Dans une région de la Tanzanie, les villageois ont
décidé d'ouvrir leur propre banque locale au lieu de garder leur
argent à la maison. Les épargnants de la Marangu West Savings and
Credit Co-operative (FAO, 2000) sont non seulement les clients de la banque
mais aussi ses propriétaires et ses administrateurs. Les membres qui
étaient au départ de 600, sont désormais près de
2000.
Selon la même source, à Madagascar, une banque
ambitieuse de la ville côtière animée de Toamasina a
ciblé le marché local en offrant un service unique à sa
clientèle : elle emploie un des vendeurs du marché pour
recueillir les dépôts des autres vendeurs, ce qui leur
évite un voyage à la banque. Le service inspire confiance
grâce à une comptabilisation rigoureuse des dépôts.
Par ailleurs, il faut souligner aussi l'importance des mutuelles
d'épargne et de crédit et les mutuelles de santé.
Au Sénégal, plus particulièrement dans la
région de Thiès, des mutuelles de crédit sont
créées en vue de participer au développement des zones
rurales. C'est le cas des mutuelles d'épargne et de crédit des
artisans ruraux de Thiès (MECARTH). Dans la région de
Thiès, l'ONG Plan International a créé des mutuelles
d'épargne et de crédit dans les villages de Notto, Tassette et
Ngoudiane. Le village de Fandène est l'exemple réussi des
mutuelles d'épargne et de crédit. L'épargne formelle est
essentiellement collectée par les banques et les caisses
d'épargne. Au Sénégal, l'épargne monétaire
du secteur privé était, en 1997, de 209,4 milliards de FCFA. Ceci
constituait une hausse de 2 % par rapport à l'année
précédente. Cette évolution était liée
à l'accroissement de 8,8 % des dépôts dans les comptes
à régime spécial, les dépôts à terme
ayant régressé de 4,7 milliards. La part de cette épargne
dans la liquidité globale a représenté 36 % contre 36,7 %
en 1996 et 33 % en 1994 au lendemain de la dévaluation du franc CFA. En
2001, l'épargne monétaire du secteur privé s'est
fixée à 368,2 milliards, soit une hausse de 38,6 milliards par
rapport à l'année 2000. Cette situation est essentiellement
liée à l'accroissement des dépôts en banque. La part
de l'épargne privée dans la masse monétaire s'est
contractée, passant de 41,7 % en 2000 à 41,0 %.
Graphique n° 10 : Dépôts
à terme des particuliers et entreprises privées au
Sénégal
Source : BCEAO, Rapport annuel (différents
numéros)
Les dépôts à terme des
Sociétés d'Etat et des Etablissements publics à
caractère industriel et commercial (EPIC) au niveau du système
bancaire étaient de 6,7 milliards de FCFA en 1994. Ils passent à
une valeur de 28,2 milliards en 1997 avant de retomber à 7,2 milliards
en 2001.
Graphique n° 11 : Dépôts
à terme des Société d'Etat et EPIC au
Sénégal
Source : BCEAO, Rapport annuel (différents
numéros)
Les dépôts de l'Etat quant à eux, de 139,2
milliards de FCFA en 1994, passent à 161,7 milliards en 1996. Ils
atteignent leur plus bas niveau de la période en 1999 avec un montant de
97,5 milliards pour remonter à 143,7 milliards en 2001.
Graphique n° 12 : Dépôts
à terme d'Etat au Sénégal
Source : BCEAO, Rapport annuel (différents
numéros)
L'épargne formelle est aussi mobilisée par les
systèmes financiers décentralisés (SFD) qui regroupent les
institutions de micro finance. Les SFD, à présent plus
structurés et plus professionnels, semblent proposer des solutions
efficaces de mobilisation de l'épargne intérieure, si bien qu'ils
sont devenus aujourd'hui des acteurs incontournables du développement.
Cependant, les SFD n'apportent pas des réponses efficaces au
problème du financement des investissements productifs des micro et
petits entrepreneurs car force est de constater la rareté des programmes
adressés à cette population. La faible part qu'ils consacrent au
financement des investissements productifs des micro entrepreneurs limite leurs
perspectives de développement.
3.1.1 La mobilisation de l'épargne par les
FSD
3.1.1.1 Définition conceptuelle
La micro finance regroupe une diversité d'acteurs
financiers également appelés Systèmes Financiers
Décentralisés (SFD) qui mettent à la disposition des
populations généralement exclues du système bancaire, des
services d'épargne et/ou de crédit.
Elle consiste à créer et diffuser des services
financiers de proximité en faveur des personnes qui n'ont pas
accès aux services bancaires traditionnels et ceux, principalement avec
un objectif de renforcement du micro entreprenariat.
La micro finance englobe un large éventail de services
financiers tels que les dépôts, les emprunts/crédits, les
services de paiements et depuis peu, les transferts d'argent, l'offre
d'assurance aux ménages pauvres et à bas revenus ainsi
qu'à leurs micro-entreprises.
La micro finance est un outil de développement parmi
d'autres, de lutte contre la pauvreté et l'exclusion de population
défavorisée. Elle vise à favoriser la création et
le développement de petites activités économiques
rentables par l'accès au financement extérieur et à la
mobilisation de l'épargne. Ces entités économiques
appartenant au secteur informel sont appelées micro entreprise.
3.1.1.2
Vocabulaire utilisé
Il existe plusieurs termes pour dénommer les
institutions qui font de la micro finance, ainsi la littérature
utilisé indifférent :
· Les systèmes d'épargne et de
crédit, les institutions financières spécialisées
(IFS), les institutions de micro financement (IFM ou MFI en anglais).
· Les systèmes financiers
décentralisés (SFD, surtout la littérature
française)
Ces différentes appellations se recoupent largement,
même si chacune met l'accent particulier sur un aspect spécifique
de la problématique.
Néanmoins, ces différentes institutions, quelque
soit leur appellation, peuvent avoir des formes juridiques très
distinctes. Certaines ont des statuts temporaires (Projets), d'autres rentrent
dans la loi bancaire en vigueur au niveau national voir régional
(Afrique de l'Ouest) : la loi PARMEC, d'autres encore font l'objet de lois
spécifiques.
3.1.1.3
Evolution des SFD et cadre réglementaire
3.1.1.3.1 Evolution des SFD
Initialement destinées à appuyer le financement
du développement à la base dans le milieu rural, les structures
de micro finance vont gagner les villes très tôt à la
faveur d'une grande adhésion de la population.
En effet, la micro finance s'est développée en
tant qu'approche du développement économique qui
s'intéresse spécifiquement aux populations à faible revenu
exerçant un travail indépendant. Elle est née en
réponse aux « interrogations et aux conclusions d'études
concernant l'offre publique de crédits subventionnés
destinés aux paysans pauvres ». C'est ainsi que dans les
années 1970, le secteur financier a été utilisé
comme instrument de financement de politiques interventionnistes avec la mise
en place des banques de développement, ce qui se traduisait dans les
projets, par un crédit considéré avant tout comme un
intrant ; ceci, suite à la décision des gouvernements
africains et de leurs partenaires de lancer des programmes de
développement, qui incluaient la distribution d'intrants et
d'équipement, à crédit et d'appuyer les banques de
développement.
Seulement, dans cette première approche d'aide au
développement, on a noté une inexistence d'effet de levier
économique des pratiques traditionnelles de services financiers qui
relevaient plus de petites aides d'urgence et étaient peu
disposées à faciliter l'enrichissement des
bénéficiaires. Leur ciblage technique sur des programmes de
vulgarisation agricole peu soucieux des aléas climatiques ou de la
commercialisation des produits, a condamné ces programmes à subir
de lourds impayés ». À cela s'ajoute une gestion
gabégique qui a conduit à la fermeture de la majorité des
banques de développement.
Dans sa démarche, ce programme alliait une politique de
diffusion des innovations ou de création d'entreprises. Cependant, il
enregistrait un faible intérêt pour le remboursement de la part
des populations. Dans ce contexte d'aide au développement,
l'intervention d'organisations d'appui et d'ONG a facilité le transfert
à la fois d'innovations et de fonds destinés aux financements. Ce
modèle d'aide supervisé par des « agents de
développement » ne prenait guère en
considération le bénéficiaire et a comporté
beaucoup de dysfonctionnements. Il faut remarquer que la majeure partie de ces
interventions était axée sur le monde rural. La conviction
était faite que la pauvreté était essentiellement rurale.
De nouvelles approches d'épargne et de financement
allaient être fondées sur une implication des
bénéficiaires dans une certaine auto-gestion et un suivi de
proximité. Ce fut le cas des caisses villageoises, des
coopératives ou mutuelles d'épargne et de crédit qui, avec
l'aide d'ONGs, chercheront à affiner leur profil organisationnel et
institutionnel.
C'est en vu de tous cela que la micro finance
s'est développée au Sénégal dès la fin des
années 1990 et compte de nos jours 848 SFD répertoriés
à la cellule AT/CPEC comprenant des Groupements d'Epargne et de
Crédit (GEC) 404, Mutuelles d'Epargne et de Crédit (MEC) 426,
Unions 06, Fédérations 01, Confédérations 01,
structures sous convention 10.
Le nombre total de bénéficières
touchés au 31/12/2004 estimé à 718.887, l'encours de
crédit au 31/12/2004 est de 68,675 milliards de FCFA, l'encours de
l'épargne au 31/12/2004 est de 57,254 milliards de FCFA.
Ces systèmes financiers décentralisés
(SFD) ont été le produit d'un partenariat entre l'Etat, les
opérateurs, certaines banques nationales de développement et les
bailleurs de fonds. Globalement, le rôle de l'État a
été plutôt en retrait, les bailleurs de fonds n'entendant
pas qu'il s'implique dans la gestion ou dans la stratégie des
institutions.
La micro finance s'inscrivait de plus en plus sur la loi du
marché, en se déployant sous diverses formes. Ainsi, en faisant
partie intégrante du système financier, elle rendait caduque le
dualisme secteur financier formel - secteur financier informel, longtemps
présent au Sénégal.
De façon générale, l'émergence des
SFD (Systèmes financiers décentralisés) au
Sénégal, intervient dans un contexte national marqué par
le désengagement de l'État, la responsabilisation des acteurs
privés ruraux et par l'encouragement du financement du
développement par les ressources internes mobilisées par les
associations de base.
Ainsi, la mise en place des SFD entre dans le cadre de la
politique volontariste de l'État, appuyée par l'aide
extérieure. Le développement des SFD est aussi lié
à l'exclusion des banques et à la précarité des
systèmes financiers informels.
Les SFD concernent le secteur dynamique exclu des
systèmes bancaires, le secteur informel et les PME/PMI. Ils cherchent la
rentabilité, tout en oeuvrant à la satisfaction de leurs membres,
tant sur le plan économique que social, contribuant ainsi à leur
bien-être. L'apparition des SFD ne s'est pas faite de façon
spontanée, mais découle de la prise en compte d'une
réalité. En effet, leur cible demeure les populations à
revenu modeste, tant rurales qu'urbaines, qui ont un difficile accès aux
services bancaires formalisés.
Aujourd'hui, la réalité du système
financier reflète l'existence d'au moins trois secteurs : bancaire,
intermédiaire et autonome (ou informel). Des hypothèses
politiques, axées sur la diminution du rôle de l'État et la
déréglementation présageaient une unification du
marché financier et la suppression du secteur informel à travers
le rôle central du taux d'intérêt comme facteur
d'équilibre entre l'offre et la demande financière. Ces
représentations ne semblent guère se vérifier.
3.1.1.3.2
Cadre réglementaire de la micro finance
Nés dans le contexte de la réforme bancaire, les
Systèmes Financiers de Décentralisés (SFD) ont connu un
essor fulgurant, tout d'abord par l'alternative qu'ils représentent pour
les opérateurs économiquement faibles, mais aussi par un appui
constant des autorités monétaires et financières.
En engageant un programme de restauration bancaire, les
autorités monétaires cherchaient, au-delà d'un
assainissement en profondeur des institutions en difficulté, à
améliorer le système d'intermédiation financière
dans son ensemble, en offrant la possibilité d'avoir, à
côté d'un système bancaire plus solide et plus viable, un
mécanisme complémentaire par la promotion du secteur de la micro
finance.
Au Sénégal, le Projet d'Assistance Technique aux
Opérations Bancaires Mutualistes du Sénégal (ATOBMS)
appuyé par l'ACDI et la Banque Mondiale s'inscrivait dans cette
perspective. Le point central des travaux de l' ATOBMS créé en
avril 1990 a été durant deux années le tracé des
contours d'un cadre juridique spécifique à ce secteur.
A la fin du projet ATOMBS, la Cellule d'Assistance Technique
aux Caisses Populaires d'Épargne et de Crédit AT/CPEC fut
créée par arrêté N°13773/MEF, du 05/11/92, pour
assurer la tutelle du ministère de l'Économie et des Finances sur
les Mutuelles d'Épargne et de Crédit (MEC).
Aussi, fut pris l'arrêté N° 001702 du 23
février 1993, portant fixation des dispositions transitoires relatives
à l'organisation, aux conditions d'agrément et de fonctionnement
des Structures Mutualistes d'Épargne et de Crédit (SMEC). Il fut
abrogé avec l'avènement de la loi cadre UEMOA qui fut
adoptée au Sénégal sous le no°95-03 du 05 janvier
1995 et complétée par son décret d'application n°
97-1106 du 11 novembre 1997, par les institutions du Gouverneur de la BCEAO du
10 mars 1998, et par la Convention cadre du 4 juillet 1996. Cette nouvelle loi
vise les objectifs suivants : la protection des épargnants, la
sécurité des opérations et l'autonomie des réseaux.
Des réflexions ont été engagées
dans le cadre du Programme d'Appui à la Réglementation des
Mutuelles d'Épargne et de Crédit (PARMEC), initiées par la
BCEAO et la coopération canadienne. La loi PARMEC permettra d'agrandir
le champ des institutions mutualistes en intégrant les
coopératives. Cette loi allait mettre en place des mécanismes
d'intermédiation entre les institutions bancaires et les multiples
formes d'associations d'épargne et de crédit. Ces SDF constituent
une alternative au système bancaire classique parce qu'adaptées
au contexte socio - culturel et aux aspirations des populations dans la
recherche de moyens efficaces de lutte contre la pauvreté et de
financement d'activités productives.
Pour être reconnue par la loi, une institution,
exerçant des activités de collecte d'épargne et d'octroi
de crédit, doit être régie par les principes de la
mutualité ou de la coopération. Cette dernière doit
être préalablement reconnue ou agréée (art. 13, 46).
Les institutions régies par le principe de la mutualité ou de la
coopération sont tenues de respecter les règles d'actions
mutualistes ou coopératives suivantes :
· L'adhésion des membres doit être libre et
volontaire (art.11) ;
· Le nombre de membre n'est pas limité ;
· La démocratie doit régir le
fonctionnement des institutions de base selon le principe un homme/une voix, et
quelque soit le nombre de parts sociales détenues par chacun ;
· Le vote par procuration doit être exceptionnel ;
· Limitation de rémunération des parts
sociales ;
· Constitution obligatoire d'une réserve, les
sommes ainsi réservées peuvent être partagées par
les membres.
· Sont privilégiées des actions visant
l'éducation des membres (art. 5).
L'innovation majeure qu'apporte la loi est le primat qu'elle
accorde d'une part à l'intermédiation de proximité et
d'autre part au lien de confiance qui doit exister entre les membres.
Cette confiance se situe aussi au niveau des rapports entre clients et
institutions financières. Celle du créditeur est calculée
et elle s'établit sur des sûretés que le débiteur
doit offrir, qu'elles soient personnelles, réelles ou fondées sur
la propriété réservée.
Le cadre juridique de la micro finance au
Sénégal a fait l'objet d'adaptations successives reflétant
la volonté des autorités de doter ce secteur d'une
réglementation appropriée.
Ainsi de 1993 à ce jour plusieurs textes légaux
et réglementaires ont régi ce secteur : il s'agit de
l'arrêt n° 017032/MEFP du 23 février 1993 portant fixation de
dispositions transitoires relatives à l'organisation, aux conditions
d'agrément et de fonctionnement des structures mutualistes
d'épargne et de crédit, la loi n° 95-05 du 5 janvier 1995
portant réglementation des institutions mutualistes ou
coopératives d'épargne et de crédit, de la loi n°
98-33 du 17 avril 1998 relative à la répression des
opérations usuraires et aux taux d'intérêt, du
décret d'application n°97-1106 du 11 novembre 1997 de la loi 95-03,
de la convention cadre adoptée le 3 juillet 1996 par le conseil de
Ministres de l'UEMOA et applicable aux institutions non constituées de
la Banque Centrale et des Actes Uniformes de l'OHADA.
Les SFD sont nés dans le contexte de la réforme
bancaire, décentralisés ils ont connu un essor fulgurant, tout
d'abord par l'alternative qu'ils représentent pour les opérateurs
économiquement faibles, mais aussi par un appui constant des
autorités monétaires et financières.
En engageant un programme de restauration bancaire, les
autorités monétaires cherchaient, au-delà d'un
assainissement en profondeur des institutions en difficulté, à
améliorer le système d'intermédiation financière
dans son ensemble, en offrant la possibilité d'avoir, à
côté d'un système bancaire plus solide et plus viable, un
mécanisme complémentaire par la promotion du secteur de la micro
finance.
Les SFD constituent une alternative au système bancaire
classique parce qu'adaptées au contexte socio-culturel et aux
aspirations des populations dans la recherche de moyens efficaces de lutte
contre la pauvreté et de financement d'activités productives.
A un niveau sous régional, l'objectif de la loi PARMEC
est, entre autres, d'organiser ces structures, de les réglementer, afin
d'éviter les abus et surtout de protéger les déposants
(art. 7). La loi a aussi pour objectif de faciliter l'intégration
économique avec la mise en place d'un espace financier régional.
C'est ce qui explique son adoption par les parlements des pays membres de
l'UEMOA : Mali, Burkina en 1984, Sénégal, Bénin, Togo en
1985. La loi a enfin pour objectif implicite de drainer l'épargne
informelle vers les circuits officiels. Cette épargne une fois
recyclée pourrait assurer le financement du développement que ne
peuvent garantir les circuits informels d'épargne et de
crédit.
3.1.1.4 Présentation des
SFD
Depuis son émergence à la fin des années
80, le secteur de la micro finance au Sénégal est en pleine
croissance. Aujourd'hui, on compte plus de 800 structures financières
décentralisées reconnues (mutuelles de base, groupements
d'épargne et de crédit et structures signataires de convention).
Ces structures offrent des services et produits financiers à des
populations actives à divers niveaux et secteurs de l'économie
nationale contribuant ainsi à la croissance économique et
à la lutte contre la pauvreté.
En effet ce secteur connaît une expansion, au cours de
cette phase, l'accent est mis sur le développement des activités
de crédit et d'épargne et sur des démarches des IMF en vue
de la mobilisation des ressources pour financer la croissance. Les octrois de
crédit ont connu une progression notable au cours de ces
dernières années se maintenant à un rythme de plus de 28
% l'an.
Les systèmes de financiers décentralisés
(SFD) ou institutions de micro finance regroupent une variété
d'expériences d'épargne et/ou de crédit, diverses par la
taille, le degré de structuration et la philosophie. Dans les Etats
membres de L'UEMOA, les SFD peuvent être classés en trois grandes
catégories : les mutuelles d'épargne et de crédits, les
groupements d'épargne et de crédits, et les structures sous
convention cadre.
3.1.1.4.1 Typologie
des SFD au Sénégal
La référence aux modèles traditionnels
(le mouvement Desjardins, le modèle Raiffeisen, le modèle de la
Gramen Bank, et les Caisses d'Epargne et de Crédit
Autogérées) et la concertation avec les différents
intervenants a permis de mettre en place un cadre juridique servant de support
à l'activité de micro finance. C'est ainsi que la loi 9503 du 05
janvier 1995 a établi son champ d'application dans les articles 3
à 8, en donnant la typologie des SFD pouvant opérer
régulièrement au Sénégal, à savoir :
les Mutuelle d'Epargne et de Crédit (MEC), les Groupement d'Epargne et
de crédit et crédit et les Organisations et Structures
signataires de la convention cadre (structures mutualistes).
3.1.1.4.1.1 Les
Mutuelles d'Epargne et de Crédits (MEC)
Au sens de la loi, une mutuelle d'épargne et de
crédit est un groupement de personne doté de la
personnalité morale, sans but lucratif et à capitale variable,
reposant sur les principes d'union, de solidarité et d'entraide mutuelle
et ayant principalement pour objet de collecter l'épargne de ses membres
et de leur consentir du crédit (Article 2 de la loi).
Ici l'épargne constituée devient
l'élément essentiel qui sert à alimenter le crédit.
On y trouve les organisations mutualistes et coopératives de
crédit inspiré de modèles de Centre International de
crédit mutuel et du mouvement Desjardins.
Avec l'appui de la cellule AT/CPEC du Ministère des
Finances, et celui de différents partenaires au développement,
beaucoup du MEC ont vu le jour. Les MEC au Sénégal trouvent leur
force à travers leur regroupement en structures faîtières.
Le tableau ci-dessous donne l'évolution des MEC et des
structures faîtières ayant reçu l'agrément du
Ministre des Finances de 1993 à 2005.
Tableau n° 1 : Nombre de MEC
agrées par année de 1993 à 2005
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
total
|
MEC
|
18
|
56
|
6
|
19
|
21
|
30
|
23
|
43
|
20
|
24
|
53
|
42
|
71
|
426
|
Structures faîtières
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
2
|
2
|
0
|
0
|
2
|
1
|
0
|
7
|
Ce tableau met en évidence un dynamisme des acteurs
dans la mise en place des MEC, mais surtout leur volonté dans
l'insertion au cadre juridique et institutionnel. Plusieurs MEC sont
agréées et le nombre total d'institutions mutualistes
agréées s'élève à 426 en 2005.
Ces MEC sont regroupées dans sept structures
faîtières dont les plus importantes sont : le Crédit
Mutuel du Sénégal (CMS), l'Alliance de Crédit et d'Epargne
pour la production (ACEP) et le Partenariat pour la Mobilisation de l'Epargne
et du Crédit au Sénégal (PAMECAS).
Cependant, même si beaucoup de MEC renforcent leurs
capacités d'autres en conservent à peine leur
crédibilité vis-à-vis de la Cellule AT/CPEC, soit du fait
d'une mauvaise gestion ou de multiples contraintes compromettant leur survie,
leur viabilité.
3.1.1.4.1.2 Les
Groupements d'Epargne et de Crédit (GEC)
Au terme de la loi, « un groupement d'épargne
et de crédit » ou « groupement » est
un regroupement de personnes qui, sans remplir les conditions exigées
pour être reconnu comme institution de base, effectue des
activités d'épargne et/ou de crédit en s'inspirant des
règles d'action de la mutualité.
L'institution de base est une institution principalement
constituée de personnes physiques et obéissant aux règles
d'actions précitées. Pour ces structures, ayant comme
référence le modèle de la Grameen Bank
développé par le professeur Mohamed YUNUS, l'épargne n'est
pas préalable. Le crédit est alimenté par des capitaux en
provenance, pour la plupart, de l'extérieur. L'évolution des GEC
est donnée par le tableau n°2 ci après.
Tableau n° 2 : Nombre de GEC reconnus
par année entre 1993 à mai 2004
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
Mai 04
|
total
|
Nbre de GEC
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
39
|
109
|
130
|
53
|
53
|
17
|
3
|
404
|
L'agrément des GEC a commencé au
Sénégal en 1998, avec 39 GEC agréés. Mais les deux
(2) années qui suivent sont marquées par une forte progression du
nombre de GEC, avec 109 agréments octroyés en 1999 puis 130 en
2000. Ce bon exprime non seulement l'importance des financements reçus,
principalement de l'extérieur, mais il matérialise aussi les
fortes lancées politiques dans la promotion des couches
défavorisées, et particulièrement celle des femmes.
Toutefois, le nombre de GEC va rapidement se stabiliser, du
fait de la chute du rythme de progression des attributions d'agréments
par la cellule AT/CPEC du Ministère des Finances. En effet, le nombre de
GEC est passé aussitôt à 53 en 2001 et en 2002, puis
à 17 en 2003. Et de 1993 à mai 2004, le nombre total de GEC
agréés s'élève à 404.
Mais ce nombre ne tient pas compte des restructurations
correspondant à l'adaptation des statuts des GEC à leur
environnement et à leur niveau de croissance. En effet, 42 GEC ont connu
des mutations pour passer du statut de GEC à celui de MEC. Ceci
ramène le nombre de GEC agrées à 362.
3.1.1.4.1.3 Les Structures ou Organisations sous
convention Cadre
La structure au terme de la loi est « une
organisation sans but lucratif et a pour objet d'effectuer sur le territoire du
Sénégal, la collecte de l'épargne et /ou des
opérations de crédits ». En outre, la structure
favorise la formation et l'éducation de ses dirigeants ainsi que ses
membres. L'évolution du nombre d'Organisations sous Convention Cadre est
retracé dans le tableau ci-dessous.
Tableau n° 3 : Nombre d'organisation
sous convention cadre
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
Mai 04
|
total
|
Org. Ss conv. cadre
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
6
|
2
|
0
|
2
|
0
|
0
|
10
|
A la lumière de ce tableau, les Organisations sous
Convention Cadre ont connu une faible expansion au Sénégal. C'est
seulement en 1999 que les premières attributions d'agrément sont
effectuées au niveau de la Cellule AT/CPEC du Ministère de
l'Economie et des Finances. Il n'y a eu par la suite que quatre (4) autres
agréments, en 2000 puis en 2002 avec un nombre de deux agréments
pour chaque année. Ainsi, de 1993 en mai 2004, dix (10) Organisations
sous Convention Cadre sont agréées au Sénégal.
Toutefois ces organisations sous convention n'échappent
pas au contrôle de la cellule AT\CPEC qui a même retire son
agrément à l'une d'entre elle, parce qu'elle ne pouvait plus se
doter d'une situation, financière et organisationnelle, acceptable.
A la lumière de ce qui précède, nous
pouvons noter une bonne insertion des structures de micro finance dans le cadre
juridique et institutionnel. De plus il y a un dynamisme des structures de
suivi et de contrôle, contribuant ainsi à une culture du
perfectionnisme dans le secteur. A ce titre, nous ne manquerons pas de
souligner les efforts notoires déployés par la BCEAO, le
Ministère de tutelle et les cabinets spécialisés dans
l'encadrement des structures de micro finance.
3.1.1.4.2
Activités, les Produits et les Services de l'Epargne
3.1.1.4.2.1 Les Activités
L'activité des SFD consiste essentiellement en des
opérations de collecte d'épargne et d'octroi de crédit
à des populations non bancarisées pour des montants modestes,
voire infimes. Cette activité, que l'on appelle usuellement la micro
finance, peut englober des activités annexes : opérations
d'assurance liées au crédit, activités de conseil en
comptabilité ou en gestion, actions d'éducation sanitaire ou
sociale elles aussi liées au crédit.
D'autres produits financiers sont parfois
développés, par les SFD eux-mêmes ou en relation avec des
banques implantées dans l'UEMOA : il s'agit principalement des
opérations de transfert de fonds internationaux, impliquant souvent une
opération de change, et de mise à disposition de chéquiers
en faveur de la clientèle la plus aisée.
Ces activités sont, chacune en ce qui la concerne,
soumises à une réglementation plus ou moins parcellaire, qui a
vocation à régir tout ou partie de l'activité
exercée. Elles demeurent cependant marginales au regard de
l'activité centrale, qui est l'octroi du crédit et, pour une
partie des SFD, la collecte de l'épargne.
3.1.1.4.2.2 Les Produits et les Services de
l'Epargne
La diversité des réseaux de micro finance selon
leur méthodologie et la place qu'ils attribuent à
l'épargne (épargne préalable et exclusive ou concomitante
et secondaire) entraîne une diversité dans les produits et
services d'épargne. Ceux-ci peuvent être appréhendés
sous trois catégories : l'épargne volontaire, l'épargne
obligatoire et l'épargne liée à un service.
a) L'épargne
volontaire
L'épargne volontaire est constituée de deux
types de produits :
v Les dépôts à vue constituent la
catégorie la plus utilisée des produits d'épargne. Ils
sont caractérisés par la souplesse des conditions d'accès
: faible montant exigé pour l'ouverture d'un compte, proximité et
accessibilité des caisses, possibilité d'effectuer de petits
versements et liberté de retraits à tout moment, facilité
d'exécution des opérations. Les dépôts à vue
permettent aux populations de garder leurs économies en lieux
sûrs, à l'abri des pressions familiales. Le livret de compte remis
au déposant lui permet de vérifier les opérations
effectuées et le solde disponible dans le compte ;
v Les dépôts à terme sont des
dépôts bloqués pendant une période minimum de trois
mois et qui sont rémunérés par un taux
prédéterminé. Les dépôts à vue sont
très peu développés pour au moins deux raisons. D'abord,
les populations ont des revenus très faibles. Ensuite il s'avère
que la motivation essentielle de l'épargne demeure l'accès au
crédit, même si d'autres motivations comme la
sécurité et la précaution existent.
b) L'épargne
obligatoire
L'épargne obligatoire est en relation directe avec le
crédit. On trouve deux types d'épargne obligatoire :
® L'épargne préalable suit le postulat
selon lequel un demandeur de crédit doit fournir un effort financier
minimum consistant à épargner régulièrement une
certaine somme pendant une période d'au moins trois mois. Ce qui devra
prouver qu'il est capable d'apporter au moment de sa demande de crédit
une part des besoins de financement (au minimum 10 %). Cette épargne est
bloquée et parfois non rémunérée ;
® L'épargne de garantie sert à garantir le
crédit consenti généralement à un individu ou
à un groupe. L'épargne de garantie est parfois utilisée en
combinaison avec d'autres formes de garanties (cautions solidaires de groupe).
La mobilisation de l'épargne de garantie (ou selon les appellations :
fonds de garantie, fonds de groupe, épargne nantie) se fait selon trois
procédés différents :
Ø Une constitution préalable de l'épargne
par les moyens propres des demandeurs ;
Ø Un prélèvement sur le montant du
crédit au moment de la mise en place du prêt. Ce montant
prélevé est bloqué comme garantie ;
Ø Une constitution de l'épargne au fur et
à mesure que l'on rembourse le prêt. Ceci ne constitue plus une
garantie mais suppose une incitation à l'épargne.
c) L'épargne liée
à un service donné
Ce service n'est pas très répandu mais tend de
plus en plus à être intégré par les SFD. On peut en
citer l'épargne investissement ou l'épargne vieillesse. Par
contre, au Sénégal le service le plus répandu est
aujourd'hui l'assurance-maladie. Des produits micro assurance santé sont
de plus en plus offerts par des mutuelles d'épargne et de crédit.
PAMECAS en a fait l'expérience avec la mutuelle d'épargne et de
crédit Icotaf boubess (MECIB) en installant un dispositif contractuel
entre ses clients et des structures sanitaires (Sine 2003, p. 68).
En somme, il faut remarquer que l'incitation à
épargner dépend du type de service offert. Dans certains
réseaux, par exemple les fonctionnaires ne sont pas éligibles
pour avoir des prêts. La structure ne leur offre que des services
d'épargne, faisant une priorité aux populations à faible
revenu. Cependant, dans un souci de rechercher des moyens, les SFD font preuve
d'innovation en matière de services et de produits offerts aux clients.
L'ACEP propose des types de comptes d'épargne en dehors de ceux
classiques : les comptes d'épargne entrepreneur, d'épargne projet
ou spécial mettent un procédé beaucoup plus complexe et
ciblent une clientèle donnée.
L'organisation de l'épargne et sa capitalisation plus
que l'octroi de crédit aux pauvres et aux exclus était un
défi que le Sénégal devait relever. Aussi, la mobilisation
de ressources internes, par l'épargne nationale, est apparue comme la
base indispensable de financement de la croissance et du développement
face aux contraintes et aux limites de l'endettement extérieur. Du coup,
le financement décentralisé, contrairement au système
financier institutionnel (banque centrale, banque de développement,
banque commerciale) touche la majeure partie de la population non
bancarisée. Il est caractérisé par la souplesse de son
organisation et porte l'empreinte de la population pauvre par sa contribution
à son propre financement ou à celui des autres. Il devient
dès lors un réflexe.
Seulement, un niveau d'élaboration de politiques
nationales, reconnaissant leur place dans l'économie, susceptibles de
stimuler leurs actions par des mesures appropriées, des
réglementations bancaires prenant en compte leur
spécificité reste à achever. La petitesse de la taille et
l'impact encore faible de ces systèmes financiers, même s'ils sont
aujourd'hui reconnus, ne leur permet pas encore d'influer sur la
définition des politiques nationales. Cette faiblesse de l'impact est
surtout caractérisée par sa non organisation en union ou en
fédération, mais aussi par une mauvaise capitalisation des
informations au niveau de certaines SFD. Les mutuelles qui sont parvenues
à se créer en union sont devenues les plus performantes, c'est le
cas de l'UNACOIS, du PAMECAS et du CMS.
Les structures financières décentralisées
constituent dès lors une alternative au système bancaire
classique parce que adaptées au contexte socio culturel et aux
aspirations des populations dans la recherche de moyens efficaces de lutte
contre la pauvreté et du financement d'activités productives. La
micro finance constitue ainsi un outil transversal qui peut avoir des impacts
sur différents aspects du développement et pas seulement sur les
activités économiques. En effet, les créations d'emplois
et de revenus, la capacité d'épargner peuvent induire des
changements dans les comportements de ceux qui en bénéficient.
Ces changements peuvent s'opérer dans le sens d'une amélioration
des conditions sanitaires, d'une augmentation du niveau d'éducation,
d'une meilleure gestion de l'environnement, etc.
Ce constat de la micro finance comme pouvant avoir des effets
directs et indirects, s'exerçant à différents niveaux
(individuel, ménager, etc.) et à champs (impacts sociaux,
économiques, etc.) soutenant les réflexions sur sa pertinence
comme outil de développement.
Seulement, tout comme les données de la BCEAO sur le
Sénégal, ceux de l'UEMOA sont à relativiser. Ces
différentes progressions s'accompagnent d'un certain nombre de
dysfonctionnement, notamment au niveau des systèmes d'informations de
gestion et de contrôle interne des SFD. D'abord, parmi les SFD, qui sont
reconnues par la loi, beaucoup ne parviennent pas à fournir
l'information sur leurs états financiers. Ensuite, il existe au
Sénégal des structures qui fonctionnent sans reconnaissances
juridiques et qui ne sont, par conséquent, pas pris en compte.
L'une des recommandations en micro finance consiste à
vérifier la gestion financière d'une institution par des
contrôles internes efficaces avant de lui permettre de mobiliser
l'épargne des populations Elle ne nous semble pas pertinente.
Au Sénégal, on se rend compte qu'une institution
peut, dès sa constitution, commencer à collecter des
dépôts. Il revient à la cellule d'assistance technique de
se donner les moyens de les contrôler. Les dysfonctionnements que pose la
collecte de l'épargne sont de deux ordres :
· Le problème de la sécurisation des
dépôts qui demeure un des handicaps du fait d'un manque de
contrôle à la fois interne et externe ;
· Le coût de l'épargne. Modeste pour les
bénéficiaires, les coûts de l'épargne peuvent
être parfois très élevés, ce qui peut constituer un
frein à la collecte.
3.2. Le système informel
de l'épargne
Le secteur informel est l'ensemble des activités
économiques qui se réalisent en marge de la législation
pénale, sociale et fiscale ou qui échappent à la
comptabilité nationale, à toute régulation de l'Etat. Le
secteur dit « informel » se développe en dehors de
toute réglementation ; il échappe au contrôle de
l'Etat. Cette activité témoigne du dynamisme et de la
créativité des populations. Le secteur informel joue un
rôle d'adoption et d'accueil des agents économiques exclus du
secteur officiel. C'est une zone de tampon entre le secteur traditionnel rural
et le secteur moderne. L'informel regroupe les associations tontinières,
les personnes physiques, les commerçants, les employeurs et les
groupements développant des réseaux de solidarité.
Contrairement à la première catégorie,
cet ensemble est régi par des règles souples et adaptées
aux pouvoirs financiers de la clientèle. La présence d'un secteur
informel aux côtés du secteur formel serait la conséquence
de l'inefficacité du secteur financier formel, inefficacité due
en grande partie à la rigidité du secteur formel et
l'omniprésence des pouvoirs publics, principalement en matière de
fixation des taux d'intérêt.
L'insuffisance de la couverture des besoins essentiels, les
pertes d'emploi résultant des restrictions budgétaires publiques,
la restructuration des entreprises et la réorganisation administrative,
combinés avec l'arrivée des nouvelles classes, notamment les
jeunes diplômés, sur le marché du travail, rendent la
recherche d'un travail de plus en plus difficile et poussent à la
réalisation de petits métiers, à l'auto-emploi et à
la création de petites entreprises. Le secteur informel permet de
trouver de nouvelles sources de revenus.
Dans ce domaine, les femmes jouent un rôle de premier
plan puisqu'on les trouve de façon majoritaire dans un certain nombre de
secteurs comme le commerce et la restauration. Les traits communs des divers
circuits informels sont les suivants :
· l'absence de réglementation ;
· un fonctionnement sans garanties formelles, mais sur
des relations personnelles et / ou des solidarités communautaires. Il
convient de noter la présence active des femmes dans la plupart des
formules associatives non institutionnelles d'épargne et de
crédit ;
· l'absence de barrières à
l'entrée ; la prédominance des opérations en
numéraire ;
· l'échelle restreinte des fonds collectés
et des crédits accordés ;
· la faiblesse des coûts de transaction due
à la proximité des prêteurs et des emprunteurs.
Le secteur financier formel ou institutionnel, qui se
caractérise par des structures calquées sur les modèles
occidentaux, est, le plus souvent, bien analysé, connu et mesuré.
Tel n'est pas le cas du secteur financier informel ou non
institutionnalisé qui, moins immédiatement perceptible, reste
méconnu. Son rôle reste largement sous-estimé, bien que de
très nombreux auteurs reconnaissent qu'il constitue, du point de vue de
l'épargne, une potentialité très importante dans la mesure
où il existe généralement une capacité
d'épargne non nulle chez les ménages à revenus moyens ou
faibles.
Cette catégorie de ménages peut
représenter une très forte proportion de la population totale :
ainsi, au Sénégal, le ministère de l'Urbanisme estime
cette proportion à 89 % de l'ensemble des ménages
sénégalais. Il est fort probable que ces ménages, n'ayant
pas accès aux circuits financiers modernes, dont ils se méfient
par ailleurs fortement, se tournent vers les circuits informels pour satisfaire
des besoins réels d'épargne et de crédit.
L'épargne informelle pourrait donc représenter
l'une des solutions au problème de l'épargne interne, clef de
l'investissement et de la croissance.
Toutefois, l'utilisation des « gisements d'épargne
» que représentent les structures financières informelles ou
traditionnelles reste très largement conditionnée par une
meilleure connaissance de ces structures et des agents qui y interviennent.
Malgré les travaux de chercheurs isolés, qui ont fait prendre
conscience de l'inadaptation des analyses classiques en la matière, la
recherche se caractérise encore par une absence prononcée de
connaissances sur le fonctionnement actuel des pratiques financières
informelles au Sénégal. Cela est dû à une
pénurie de chercheurs, en particulier autochtones, ainsi qu'à un
manque de compréhension de la nécessité de réaliser
ces recherches. Cette attitude est sans doute renforcée par le fait que
l'épargne informelle, qui n'adopte pas les formes connues, suit des
canaux très divers et complexes qui rendent difficile une étude
exhaustive en l'état actuel des choses.
De cette diversité émergent cependant les
Associations Rotatives d'Epargne et de Crédit (AREC) ou tontines, dont
les mécanismes sont très répandus au Sénégal
et qui se sont développées à l'heure actuelle.
Au-delà des études encore fragmentaires qui les concernent,
l'ampleur du phénomène tontinier reste une impression dominante;
il n'est donc pas étonnant que les tontines polarisent aujourd'hui
l'attention des chercheurs.
Les AREC n'ont fait l'objet que d'un très faible nombre
d études analytiques, même si leurs principes de fonctionnement
sont à peu près cernés et si, par ailleurs, de très
nombreux articles leur ont été consacrés.
Dès lors, la quasi absence, dans la littérature,
d'exemples concrets d'enquêtes quantitatives sur le terrain a
constitué l'un des principaux obstacles à la mise sur pied
d'études,
En effet, il est difficile de cerner les AREC qui n'ont
souvent pas d'existence physique et qui, de plus, peuvent avoir un
caractère plus ou moins secret. Cette caractéristique a deux
conséquences immédiates :
#177; D'une part, la quasi impossibilité d'effectuer un
recensement exhaustif et systématique des tontines dans une zone
géographique déterminée ;
#177; D'autre part, l'impossibilité de les
étudier directement. Pour observer ces institutions, il est absolument
nécessaire de transiter par une tierce personne, le responsable du
groupement ou un participant. Ce n'est donc que par l'utilisation de contacts
personnels qu'il est possible de mener des investigations au niveau d'une
tontine.
Il existe cependant de nombreux liens entre les secteurs
financiers formels et les secteurs informels. Par exemple, les sommes
attribuées par les tontines à leurs membres sont souvent
déposées en banque, de même que les réserves qui ont
été constituées. Le secteur financier informel est
constitué d'un ensemble très varié de techniques,
d'associations de toutes sortes, de pratiques d'épargne et de
crédit. Les tontines (associations rotatives d'épargne et de
crédit) sont comme la partie immergée d'un vaste secteur. Elles
sont perçues comme un moyen d'épargne. Les tontines servent de
capacité de financement des uns pour satisfaire les besoins des autres.
La tontine ou structure de solidarité apparaît comme un
système d'incitation à l'épargne. Elle constitue un
réservoir d'épargne important pour les pays en voie de
développement. Ces tontines se caractérisent par des relations
personnelles très étroites entre les membres, et leurs
mécanismes sont d'une réelle originalité et d'une grande
souplesse. Elles se sont développées, ont évolué
pour s'adapter à leur environnement et le rôle est d'autant plus
important aujourd'hui qu'elles semblent avoir réussi là où
les banques ont échoué, à savoir mobiliser
l'épargne domestique.
D'après le BIT (1993), la production du secteur
informel au Sénégal intervient pour 52 pour-cent dans la
production intérieure brute totale, dont 95 pour-cent dans
l'agriculture, 35 pour-cent dans l'industrie et 50 pour-cent dans les services.
L'emploi dans le secteur informel urbain est passé en 10 ans (1980/1990)
de 58 pour-cent à 77 pour-cent de l'emploi total.
Au total, le secteur informel occupe une grande place et joue
un rôle important dans l'économie du Sénégal. Ce
secteur permet d'avoir l'accès au crédit. Il se
caractérise essentiellement par une grande souplesse au niveau
organisationnel, de faibles coûts. La rapidité de traitement des
demandes de prêts et, la volonté de traiter les petites sommes qui
correspondent aux besoins et à la capacité de la majorité
de la population font que les mécanismes informels sont mieux
adaptés que les mécanismes formels aux besoins du milieu rural et
urbain, dans lequel ils opèrent. Toutefois, ce système
recèle certaines défaillances. On distingue en
général trois problèmes auxquels se heurte le secteur
financier informel :
· Absence de réelle intermédiation
financière dans le secteur financier informel.
Les organisations informelles ne sont pas en mesure de remplir
en même temps les deux fonctions qui caractérisent un
intermédiaire financier, c'est-à-dire collecter des ressources
courtes et transformer celles-ci en emplois longs pour des besoins de
financement.
En effet, si le secteur financier informel semble pouvoir
acquérir de l'information sur les emprunteurs à moindre
coût et maintenir la confiance des déposants, principalement pour
les zones rurales, il ne semble pas pouvoir supporter le coût lié
à la défaillance éventuelle des emprunteurs.
· La finance informelle ne finance que très peu
l'acquisition de biens d'investissement. Le fait que les prêts fournis
dans le secteur financier informel soient de courte durée et souvent de
faibles montants est un handicap pour les opérations de long terme.
· Le caractère usuraire des taux
d'intérêt pratiqués. Le fort taux d'intérêt
pratiqué dans le secteur financier informel proviendrait de ce que le
risque pris par les prêteurs est plus élevé par rapport au
risque pris dans le secteur formel. Il pourrait également venir du fait
d'une disponibilité quasi immédiate des fonds dans le secteur
informel. Mais d'autres facteurs semblent pouvoir expliquer le
phénomène (mobilité géographique des emprunteurs et
des prêteurs, répression financière, renforcement de la
concurrence de la part des institutions informelles, etc....).
3.2.1 L'épargne informelle : Une
épargne associative
Les tontines manifestent l'expression de la volonté
d'un groupe pour satisfaire les besoins d'épargne des participants, dont
les comportements, en Afrique, ne réagissent pas seulement à de
pures motivations économiques, mais relèvent aussi de motivations
sociales.
Cette dépendance reconnue des comportements
d'épargne envers de multiples variables psychosociologiques conduit
à s'interroger sur la validité de la transposition aux pays en
développement des catégories couramment utilisées pour
l'analyse de ces comportements dans les pays développés. En
particulier, peut-on véritablement parler de << l'épargne
des ménages » dans le contexte sénégalais ?
La réponse à cette question apparaît
déterminante dans la mesure où existe une contradiction flagrante
entre la faiblesse, voire la quasi nullité, de l'épargne des
ménages telle qu'elle ressort des comptes nationaux ou des
enquêtes « budgets-consommation », et l'importance que l'on
reconnaît généralement à l'épargne
informelle.
Cette contradiction ne serait cependant qu'apparente si une
unité de comportement autre que le ménage était
utilisée, notamment l'individu.
D'autre part, il ne faut pas perdre de vue que l'AREC est
aussi l'expression d'une volonté collective ou communautaire pour faire
face aux problèmes rencontrés. L'AREC, en tant qu'agrégat
d'individus, est donc certainement plus complexe que la simple addition de
ressources.
De même qu'il est erroné de penser que la
monétarisation des sociétés engendre nécessairement
l'essor d'une épargne formellement institutionnalisée, il est
faux d'affirmer pour les mêmes raisons une individualisation
immédiate des formes de l'épargne. Les associations et tontines
peuvent constituer en la matière des formes transitionnelles, permettant
de concilier les contraintes nées de la salarisation et de la
marchandisation et celles de sociétés très largement
holistes.
Les formes d'épargne associative, auxquelles
l'adhésion est obligatoire pour les originaires d'un même village,
caractérisent bien évidemment avec force ces logiques sociales
collectives. Mais les formes tontinières constituées sur la base
d'une adhésion volontaire n'y sont pas étrangères. La
participation à une tontine s'oppose à priori aux tendances
holistes, puisqu'elle permet très largement, en faisant valoir
l'obligation de verser sa part, d'échapper à ce que certains
désignent comme parasitisme familial. En cela les tontines favorisent
des pratiques individualisantes qui pourraient aussi illustrer l'inventaire des
biens de consommation acquis grâce aux tontines.
Toutefois, n'est-il pas singulier que cette
échappée du solidarisme traditionnel doive se réaliser
à travers des formes nouvelles de vie collective qui, par le jeu des
tours de rôle, peuvent constituer les pratiques mutualistes
indispensables à la survie dans un cadre urbain ?
En cela les tontines sont des formes en transition. Elles ne
sont pas pour autant des formes bancaires primitives.
Il serait erroné de confondre banques et tontines.
Celles-ci ont par rapport à celles-là une
supériorité relative :
· Les tontines étant fondées sur des
relations personnelles excluent gage, nantissement ou hypothèque ;
· La procédure pour faire un dépôt ou
pour obtenir un prêt dans une tontine est assez simple ;
· En l'absence même de contraintes légales,
du fait de contraintes sociales et morales, la capacité de recouvrer ces
créances est très grande ;
· Le coût de gestion d'une tontine est faible ;
· La confiance dans une organisation totalement
indépendante de I'Etat et du fisc est très grande.
Pourtant, cette supériorité des tontines par
rapport aux banques n'est pas absolue. Les opérations dans une tontine
ne sont pas toutes discrètes et anonymes: le voisinage a des chances de
connaître dettes et créances.
De plus, la périodicité préétablie
des réunions limite la possibilité d'obtenir immédiatement
dans une tontine un prêt. Enfin, les taux d'intérêt (lorsque
ceux-ci sont pratiqués) sont généralement beaucoup plus
élevés dans une tontine que dans une banque.
Toutefois ce qui constitue un coût très
élevé pour les débiteurs (que les institutions bancaires
rejettent) est un revenu pour les créanciers !
3.2.2 Les limites de
l'épargne informelle
La limite essentielle des tontines tient à la nature
très particulière de ces organisations financières.
En premier lieu, les banques reçoivent des
dépôts et font crédit; elles peuvent en se fondant sur la
proportion et la périodicité des retraits créer de la
monnaie en consentant à l'ensemble de leurs clients un montant de
crédits supérieurs a la somme de leurs dépôts. En
second lieu, les tontines redistribuent les apports de chacun; les
créances et les dettes sont strictement équivalentes puisque le
support monétaire est constitué de pièces et de billets.
Si les tontines sont à même de mobiliser des encaisses qui
seraient autrement oisives (ce que font aussi les banques pour les seuls
dépôts), ces organisations sont incapables d'injecter des
liquidités nouvelles dans l'économie. Et l'absence d'une
reconnaissance légale des statuts de ces organisations les rend
précaires et limite la possibilité pour certaines d'entre elles
de croître et de devenir des institutions originales, adaptées et
directement concurrentes des banques.
Ainsi, si fonctionnellement les organisations informelles
d'épargne et de prêt rotatifs peuvent correspondre à des
modalités de mobilisation de l'épargne à des fins
productives, si certaines d'entre elles participent à ce mouvement, le
plus grand nombre d'entre elles échappent à ce devenir, en raison
même de la logique de leur constitution. Les impératifs
économiques et financiers ne doivent pas masquer leurs aspects ludiques
et sociétales et les déterminismes socioculturels qui sont les
racines profondes d'un grand nombre d'entre elles.
Nous formulons les
recommandations suivantes avant de conclure notre étude.
4. Recommandations
De ce qui ressort de notre étude nous estimons que les
nombreuses insuffisances du système financier sénégalais
empêchent une grande mobilisation de l'épargne au
Sénégal. Afin de renverser cette tendance, les institutions
financières et l'Etat doivent, chacun en ce qui le concerne, pousser un
peu plus loin en adoptant les recommandations suivantes :
4.1 Diversifier les produits de collecte
de l'épargne domestique
Il s'agira pour les institutions bancaires et
financières, d'adopter une démarche de type classique dans le but
de la collecte de l'épargne. Elles peuvent identifier les trois
principales motivations de l'épargne (la précaution,
l'investissement et le placement) qui donnent respectivement, l'épargne
de précaution, l'épargne projet et l'épargne en vue de
rendement. Elles pourront ainsi concevoir des instruments de collecte à
la mesure de chaque type d'épargne à savoir,
respectivement :
· Un plan d'épargne santé permettant aux
agents économiques de faire face à leurs dépenses de
santé et à celles de leurs familles, un plan d'épargne
éducation pour les parents désireux de prévoir le
financement des futures études supérieures de leurs enfants, un
plan d'épargne équipement pour les jeunes et même les moins
jeunes ;
· Un plan d'épargne investissement pouvant
permettre aux entreprises de financer leurs investissements en moyen de
production et aux promoteurs de financer leur projet d'entreprise ;
· Un plan d'épargne titre que les banques se
chargeront de placer au niveau du marché financier régional, ce
qui contribuera à son essor.
Cette diversification, pour être efficace, devra reposer
sur des réseaux de distribution adéquats qui offriront des
instruments de collecte, des politiques de communication et des politiques
commerciales plus attrayantes.
4.2 Raffermir la crédibilité et la
sécurité des moyens de paiement
Cela pourrait encourager encore plus l'utilisation des
chèques et cartes bancaires et éviter une trop grande circulation
de la monnaie fiduciaire.
4.3 Dynamiser le marché régional
des capitaux
La bourse régionale des valeurs mobilières
(BRVM) est, à ce stade, peu dynamique tant du coté de l'offre que
de la demande de titres. Dans un premier temps, des privatisations
d'entreprises publiques pourraient contribuer à alimenter l'offre. La
demande pourrait être améliorée par une plus grande
implication des investissements institutionnels et des organismes de
prévoyance sociale.
4.4 Adoption d'une politique
d'augmentation des revenus
Définie le plus souvent à partir du revenu, la
mobilisation de l'épargne passe impérativement par la mise en
oeuvre d'une politique efficace de création d'emplois.
L'inadéquation entre la formation et le marché de l'emploi ne
cesse de se rétrécir. L'enquête sur les priorités
nous apprend que le taux de chômage affecte 27 pour-cent des actifs
à Dakar. En créant de l'emploi, l'Etat augmente le revenu et
diminue la dépendance économique. L'Etat doit recruter les jeunes
diplômés et créer des emplois pour les chômeurs.
L'Etat doit aussi créer des centres de formation professionnelle pour
les femmes et les jeunes qui n'ont pas de métiers afin de faciliter leur
insertion dans le tissu économique.
On a observé qu'une augmentation du revenu influence
positivement l'épargne nationale au Sénégal. Ainsi, il est
nécessaire d'accroître la production. Une grande partie de la
population vit de l'agriculture et possède des revenus faibles ou
proches du revenu de subsistance (NEPAD, 2001 ; FAO, 2002). Les niveaux
insuffisants du revenu et la faible variation du PIB constituent l'explication
la plus importante du faible niveau de l'épargne nationale. La meilleure
façon d'augmenter l'épargne est de créer un cercle
vertueux de croissance et de jouer sur des variations du revenu et de son taux
de croissance.
L'agriculture est source de nourriture et de matières
premières pour les industries. L'agriculture est aussi source d'emploi
et de devises à travers les exportations. Il faudra promouvoir l'emploi
en assurant l'égalité entre les femmes et les hommes. Il est
aussi nécessaire d'encourager le financement de micro-entreprises, la
micro-finance et l'accord de prêts réservés aux pauvres par
la mise en place de structures d'épargne et de crédit. Ceci
constitue des leviers sur lesquels on peut s'appuyer pour financer le monde
rural. Il convient de mettre une stratégie de développement qui
faciliterait l'acquisition des compétences et le développement
d'une base technologique locale. Une telle stratégie doit créer
la capacité d'adapter de manière significative les technologies
importées et de promouvoir un lien actif entre le développement
agricole et le développement industriel. En définitive, si le
monde rural est doté de matériels technologiques importants,
associés à un financement, il pourra développer
l'agriculture et générer des revenus.
4.5 Maîtrise de
l'inflation
La maîtrise de l'inflation constatée après
l'année de la dévaluation est nécessaire pour
éviter son effet néfaste sur l'épargne nationale. Le taux
d'inflation mesuré par l'indice des prix à la consommation (IPC)
est évalué à 1.6 pour-cent en 1999. En effet, la rigueur
dans les dépenses publiques, soutenue notamment par un contrôle du
crédit a permis au Sénégal de respecter les
critères de convergence au sein de l'Union Economique et
Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) en consolidant les performances en
matières d'inflation. Au Sénégal, la réduction
observée du taux d'inflation depuis 1995 (8 pour-cent en 1995, 5.3
pour-cent en 1996, 1.8 pour-cent en 1997 et 1.6 pour-cent en 1999) masque
cependant de fortes variations saisonnières qui traduisent des tensions
occasionnelles sur les prix de certains biens.
Ces tensions ont parfois entraîné des
poussées inflationnistes, particulièrement durant les
périodes de soudure entre deux récoltes. Elles traduisent les
carences du système de production et de distribution plutôt qu'un
relâchement de la politique économique. Il convient donc de mettre
en oeuvre une politique d'offre efficace, notamment pour le secteur agricole et
promouvoir l'offre de produits alimentaires, qui reste largement soumise aux
aléas climatiques et à en améliorer la distribution, les
pénuries constituant, à ce titre, un des principaux ressorts de
l'inflation.
4.6 Politique de réduction
du taux de dépendance économique
Le taux de dépendance et l'épargne étant
fortement corrélés, les études empiriques
démontrent qu'une forte proportion de jeunes de la population
dépendante affecte négativement l'épargne nationale. Le
planning familial reste au premier rang de priorités : des
progrès considérables sont nécessaires dans ce domaine, en
particuliers dans les zones rurales. Par ailleurs, l'Etat doit créer des
emplois pour les chômeurs afin de réduire la dépendance car
si l'on sait qu'à Dakar le taux de chômage affecte 27 pour-cent
des actifs (ESP, 1991 ; EPPS, 2001).
Toutefois, nous ne négligeons pas le capital humain car
Oladeji, S. I and Ogunrinola, I. O. (2001) ont analysé les
déterminants de l'épargne non institutionnelle dans le Sud-ouest
du Nigéria et leurs résultats empiriques ont montré que le
niveau de l'éducation est un facteur déterminant de
l'épargne. Par ailleurs, Kelly (1980) a étudié l'effet du
nombre d'enfants dans les villes du Kenya. Il en conclut que le coût de
l'éducation et le souci d'éduquer ses enfants incitent les
ménages à épargner. Ainsi, l'investissement
éducatif est d'autant plus rentable que la vie est longue qu'il s'agisse
de sa propre éducation ou de celle de ses enfants.
4.7 Politique d'incitation
à l'épargne extérieure
L'épargne extérieure est un complément
fort utile de l'épargne domestique, à la condition que la
politique économique soit soutenable, le système monétaire
et financier bien réglementé et les garanties gouvernementales
aux emprunts étrangers limitées.
Le Sénégal a donc l'urgence de réduire
les déséquilibres budgétaires ainsi que les
déséquilibres persistants de balance de paiements à
l'origine de l'accroissement de l'endettement extérieur source
d'incertitude économique.
Considérant l'effet positif de l'épargne
extérieure sur l'épargne nationale, il est donc nécessaire
que les décideurs orientent les dépenses publiques vers des
infrastructures de base, à savoir les domaines de la santé, de
l'éducation, des moyens de transport, de
télécommunications, d'électricité, d'adduction
d'eau, etc.... Une mobilisation des ressources externes afin de les orienter
vers les utilisations les plus productives permettra de soutenir et de
renforcer la croissance et la productivité de l'investissement du
secteur privé : on peut citer par exemple l'Aide publique au
développement (APD) et l'Investissement direct étranger (IDE). En
effet, dans les études sur les pays en développement l'on a
constaté que l'investissement public réalisé dans les
domaines suscités a une grande influence positive sur la
productivité et la formation du capital privé.
4.8 Réorganisation ou articulation entre
secteur financier formel et secteur
financier informel
Le secteur financier informel ou non institutionnalisé
constitue du point de vue de l'épargne une potentialité
très importante dans la mesure où existe
généralement une capacité d'épargne non
négligeable chez les ménages à revenus moyens ou faibles.
Cette catégorie de ménages peut représenter une
très forte proportion de la population totale. La majeure partie de la
population rurale et urbaine est exclue de l'accès au crédit
institutionnel, et aussi parce que les institutions de prévoyance et
d'assurances sont absentes.
L'épargne informelle pourrait donc représenter
l'une des solutions au problème de l'épargne interne, clef de
l'investissement et de la croissance. C'est pourquoi Lelart (1991), Soyibo
(1996) estiment que le secteur informel se développe et joue un
rôle de régulateur en se substituant aux défaillances des
institutions du secteur formel.
Une articulation entre secteur financier informel et secteur
financier formel est nécessaire : ici, un certain degré de
dualisme doit être toléré. Le but est essentiellement de
réduire l'écart entre les deux secteurs par le
développement de liens plus étroits entre les intervenants
formels et informels. Lier la finance formelle à l'informelle en
utilisant les ONG : une expérience Gambienne. A plus long terme,
cette articulation doit permettre de préserver les aspects positifs du
secteur informel tout en réformant les institutions financières
formelles.
Il est nécessaire d'encourager l'essor des banques
commerciales comme une banque centrale autonome capable de contrôler et
de réguler efficacement les activités des institutions de
crédit et les institutions bancaires. L'Etat doit
réfléchir sur les normes et une réglementation plus souple
pour favoriser le développement des villages-banques, des caisses
villageoises et des mutuelles de crédit : on peut citer comme
exemple la création des mutuelles de crédit dans les villages de
Ngoudiane, Notto et Tassette dans la région de Thiès par l'ONG
Plan International. Pour ce faire, les institutions de crédit et les
institutions bancaires doivent rendre l'accès au crédit plus
facile avec des conditions mieux adaptées aux activités des
professionnels (ligne de crédit, mutualisation). L'Etat doit
créer des banques qui seront gérées par les clients
eux-mêmes, instaurer des banques dans les zones rurales les plus
reculées pour pallier l'éloignement géographique de
certaines institutions monétaires.
Conclusion
L'épargne, préalable à tout
investissement, constitue un enjeu crucial pour l'essor économique des
pays en voie de développement. Aujourd'hui, la mobilisation de
l'épargne passe par la mise en place d'un système financier
moderne et performant. Le Sénégal, dans le cadre de la politique
financière concertée en vigueur au sein de l'UEMOA, a
amorcé à partir de 1989 des réformes visant à
moderniser le secteur financier.
Nous avons dans notre étude passer en revue
l'évolution des variables de l'épargne, la situation de
l'épargne intérieure et cerner les systèmes
d'épargne au Sénégal.
Il s'avère, au terme de l'étude que le revenu a
un impact capital, très positif et significatif sur l'épargne. Le
taux d'intérêt réel, influence, à long terme, de
façon négative et significative l'épargne domestique.
L'épargne extérieure évince significativement
l'épargne domestique aussi bien à court qu'à long terme,
tandis que l'épargne domestique décalée, à long
terme, a une influence positive.
Le processus de modernisation du secteur financier a permis
l'émergence d'un type nouveau d'intermédiaires financiers, en
l'occurrence les Systèmes Financiers Décentralisés. Ces
Systèmes Financiers Décentralisés sont très actifs
dans la collecte de proximité de l'épargne des petits
épargnants. De nouveaux sentiers de recherche pourraient mener à
l'étude de la relation liant le système bancaire et ces
systèmes financiers décentralisés afin de
déterminer si c'est une relation de concurrence ou de
complémentarité.
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