Centre d'Etudes des Sciences et Techniques de
l'Information
Université Cheikh Anta Diop de Dakar -
UCAD .............................................................
MEMOIRE POUR L'OBTENTION DU DIPLOME D'ETUDES
SUPERIEURES SPECIALISEES En
SCIENCES DE L'INFORMATION ET DE LA
COMMUNICATION
Theme
LA CONFERENCE DE REDACTION
COMME OUTIL D'AUTO-REGULATION ET
ESPACE DE COMMUNICATION ORGANISATIONNELLE
Cas de Radio-Bénin (1990 - 2000)
Préparé et soutenu par
Anicet Laurent QUENUM
Sous la direction de
Oumar DIAGNE Professeur titulaire des
universités Directeur du CESTI
Mes remerciements à
> Oumar Diagne, sociologue, directeur du Centre d'Etudes
des Sciences et Techniques de l'Information (CESTI)
> Jacques Philippe da MATHA, journaliste, ancien
Directeur Général de l'Office de Radiodiffusion et
Télévision du Bénin (ORTB), ancien Directeur
Général du Centre inter-Etats de radio rurale de Ouagadougou
(CIERRO)
> Mahamoudou OUEDRAOGO, journaliste, enseignant des
Sciences et Techniques de l'Information, ancien ministre burkinabè des
Arts et de la Culture
> Serge Mathias TOMONDJI, journaliste, rédacteur en
chef du quotidien burkinabè « 24 heures »
DEDICACE
Cette oeuvre est dédiée a
:
Marie, Raïssa et
Bérénice
Ma défunte mère, en souvenir de ce
jour de novembre 1985 où ton geste a valu son pesant d'or dans ma
destinée professionnelle.
AVANT- PROPOS
Faut-il faire et le faire savoir ou faut-il plutôt faire
et attendre que les contingences le fassent savoir aux autres ? Dans
l'éventail des réponses possibles, Talleyrand nous en propose une
à travers sa formule incitative : « si cela va sans dire, ça
ira encore mieux en le disant ».
Seulement, jusqu'où le professionnel de l'information
doit-il communiquer sans verser dans le travers de ceux qui prétendent
rester à leur fenêtre pour se voir passer. Parallèlement,
jusqu'où peut-il pousser la circonspection sans courir le risque de
laisser les autres reconstituer sa propre mémoire, sa propre histoire ;
sans courir aussi le risque de laisser aux autres le privilège de dire
les choses en son nom, lui qui passe pourtant toute une carrière
à vendre la parole des autres. Va-t-il s'oublier et se laisser prendre
au dépourvu par la fugacité du temps?
Pourquoi et comment les maîtres de la plume ou / et du
micro doivent-ils abdiquer devant le devoir d'écriture qui est
censé leur offrir le moyen de capitaliser tant d'aventures
inédites, tant d'enseignements précieux, tant
d'expériences si édifiantes, mais aussi de démocratiser
tant de savoirs et de savoirs-faire. Une façon, parmi tant d'autres
d'aider les nouveaux venus et les aspirants au journalisme à commettre
moins d'erreurs que leurs aînés, même s'il est bien utile
qu'ils en fassent quelques unes afin de se forger une bonne carapace et
être plus tard de bons témoins.
Mais au-delà du témoignage, ce livre est aussi la
manifestation d'une auto-interpellation et d'une introspection. Un double
exercice qui pourrait déboucher sur une remise en cause
professionnelle des acteurs du métier. Quant à ceux qui n'ont pas
d'autre choix
que de juger la profession de l'extérieur, ce livre
pourrait les aider, un tant soit peu, à démythifier certaines
réalités souterraines de la vie des Rédactions.
A quoi ressemble une journée de travail dans une
Rédaction ? Que se passe-t-il dans le secret des «
services-Information » des organes de presse ? Du fait brut à
l'information traitée et consommable à travers les ondes, quelle
est la partition jouée au quotidien par les hommes des médias,
journalistes et techniciens ? A quelles joies et peines les expose ce
métier à la fois prenant et exaltant ?
Les réponses qu'apporte ce livre ne sont pas
exhaustives encore moins définitives. Elles n'ont pas valeur d'oracle.
Tout au plus, c'est une lucarne ouverte sur un couvent ; celui des
Rédactions de presse. Possiblement, nombre de professionnels de
l'information et de la communication, notamment ceux de la radio, s'y
reconnaîtront peu ou prou. Davantage les professionnels de l'Audiovisuel
public que ceux du privé. D'aucuns -sait-on jamais- pourraient en rougir
ou être tentés d'en faire une affaire personnelle. Mais non! A
ceux-là, nous tenons à donner l'assurance que les
expériences évoquées dans ce document ne sont exclusives
à aucune Rédaction, à aucune direction ou à un
pays. Si les témoignages recueillis auprès de confrères de
la sous-région ouest-africaine, notamment béninois,
burkinabè et sénégalais ne sont pas en tous points
identiques, force est de reconnaître qu'en revanche, ils sont très
voisins voire similaires. Du bien comme du mal, nul n'en a le monopole.
INTRODUCTION
On n'y pense pas et pourtant ! La Rédaction de presse
est une communauté d'hommes et d'intérêts ; c'est une
société en miniature et comme telle, elle est le lieu
d'expression d'intérêts et parfois d'ambitions antagonistes. C'est
alors que son fonctionnement requiert un effort de socialisation, car la
cohabitation entre confrères n'est pas toujours sans histoire. C'est le
potentiel communicationnel et organisationnel de cet ensemble d'acteurs en
interactions et dans leurs stratégies d'auto-détermination qui
retient ici notre attention.
Toute l'activité de la Rédaction de presse
s'exerce à travers un enchaînement de processus d'interactions et
de communications. C'est l'orchestration d'un système complexe
composé d'acteurs exerçant des rôles et des
activités différenciées tout en étant
fonctionnellement reliés autour d'une même obligation de
résultats. Que des conflits surgissent à l'occasion de leurs
rapports professionnels semble relever d'un principe naturel d'affirmation de
l'acteur par rapport au système. Le reste ne serait alors qu'une
question de management de la ressource humaine dans un contexte où les
conflits professionnels ne sont souvent pas si loin des problèmes de
personnes.
En nous intéressant au fonctionnement de la
Rédaction de presse de la Radiodiffusion nationale du Bénin,
c'est pour analyser divers types d'enjeux : enjeux relationnels, enjeux
d'influence et enjeux de positionnement. Plus intéressant, chacun y va
de son éthique, de ses aspirations et ambitions, avouées ou non !
Plus celles-ci sont divergentes et plus les risques de conflits sont
élevés. Mais, cela n'est-il pas plutôt dans la nature des
organisations humaines ? A ce sujet, nous tenterons d'ailleurs de montrer
à quel point les antagonismes, les contradictions sont
pour la Rédaction de presse source de vitalité. C'est à
certains égards une école du vivre ensemble et ce que
Claude JAMEUX dit de l'entreprise à ce sujet reste valable pour la
Rédaction de presse : « les acteurs participant à
l'entreprise ont des traits originaux : leur histoire, leur culture, les
valeurs auxquelles ils aspirent, les intérêts qu'ils
défendent. Ils sont donc porteurs d'objectifs qui ne sont pas
nécessairement convergents... »1
Mais loin de s'en émouvoir, il semble bien que
l'absence de conflits dans une communauté d'hommes est devenue
aujourd'hui trop flatteuse pour être considérée comme un
signe de sérénité et un véritable témoignage
de cohésion et de réussite. Seule la capacité des
Rédactions à dépasser leurs conflits internes pourrait
conférer à celles-ci du mérite. Et de là naît
la plus grosse curiosité de ce travail, disons le plus grand
questionnement de cette oeuvre : comment les journalistes s'y prennent pour
aplanir les conflits professionnels ? De quels outils de médiation et
d'arbitrage disposent-ils pour laver le linge sale en famille ? Quel est le
secret de ces armes qui leur permettent de contenir certains
débordements professionnels ou comportementaux dans les limites des
quatre murs de la Rédaction et de parvenir à dédramatiser
les «gaffes» les plus grossières ? Ont-ils vraiment les moyens
coercitifs ou pédagogiques pour « dompter les appétits de
leurs membres les plus transgressifs et pour mettre à leur place, ceux
d'entre eux qui bafouent le plus ouvertement la morale professionnelle ?
»2
Evidemment, nous ne répondrons pas à ce faisceau
de questions sans avoir préalablement identifié la typologie
et les sources de conflits et des sujets qui fâchent le
1 C. JAMEUX, Sciences de la société -
les organisations au risque de l'information, Presses Universitaires du Mirail,
octobre 1994, p 43
2 C. LEMIEUX, Mauvaise presse, Editions
Métailié, 2000, p.88
plus au sein des Rédactions de presse et en quoi ils
affectent le fonctionnement de ces Rédactions voire l'image du
métier?
Notre intention est justement de révéler ces
Rédactions sous leurs facettes d'espaces de dialogue professionnel, de
solidarité et de fraternisation plutôt que de lieux
d'affrontement. Même si l'intensité des jeux de pouvoir frise
parfois le « sauve qui peut ! ».
Aussi, voudrions-nous mettre en évidence la forte
parenté existant entre la Rédaction de presse et l'espace public
qui se nourrissent tous deux de contradictions, d'intrigues, mais aussi de
rivalités dans l'argumentation et surtout dans la recherche de
l'argument meilleur selon le concept de Jürgen HABERMAS3. Ce
qui finirait de nous convaincre de ce que les Rédactions de presse sont,
quelque part, des écoles de démocratie où se cultivent
aussi bien des valeurs de discipline, de responsabilité, d'amour du
travail, d'émulation, de tolérance voire de citoyenneté. A
cet égard, Radio-Bénin reste un cas intéressant en raison
d'un contexte institutionnel caractérisé par une
libération quasitotale de la parole et de l'initiative. Plutôt que
de confier à un pouvoir, fût-il démocratique, la
réglementation de la pratique journalistique dont on ne sait jamais
à quel point elle sera contraignante, les journalistes n'ont-ils pas
raison de vouloir autoadministrer leur profession, tout au moins en ce qui
concerne l'honneur professionnel ?
Par ailleurs, la perspective d'une capitalisation de toute la
somme d'enseignements et d'outils que la communication organisationnelle peut
apporter au management des Rédactions de presse nous paraît digne
d'intérêt. Notamment, pour celles qui ambitionnent de renforcer
leur potentiel d'autorégulation que nous définissons ici en
rapport avec l'accès des professionnels de l'information à des
niveaux supérieurs de
3 Philosophe allemand, théoricien de l'Espace
public
maturité discursive, professionnelle, intellectuelle et
humaine. Derrière cette exigence, se trouve en filigrane, le souci d'une
autorégulation qui tienne compte des intérêts des tiers,
notamment des consommateurs. Car, si l'on est mieux servi que par
soi-même, l'on est pas toujours suffisamment exigeant envers
soi-même.
Cette approche de l'autorégulation nous paraît
d'autant plus essentielle qu'elle nous met en garde contre toute tentation des
Rédactions de presse à se barricader derrière de nouvelles
déontologies taillées à leur propre mesure. Toutefois, si
l'autorégulation n'autorise pas à être moins
légaliste, il n'est non plus totalement exclu qu'une Rédaction
puisse développer un style moral propre censé influencer ses
choix éditoriaux mais également ses mécanismes /
modèles spécifiques de médiation et de cohésion
interne.
En définitive, cette autorégulation, comment la
définir : un raccourci ? Une alternative? Une chance? Un exutoire ? Une
appropriation de pouvoir ? Une quête d'autonomie ? Une arme
protectionniste ?
Les prochaines lignes nous le diront, peu ou prou !
Clarification de concepts
Conférence de
rédaction
Espace professionnel au sein duquel s'organisent la vie et le
fonctionnement de la Rédaction. A ce titre, la conférence de
rédaction est une instance de débat et de
délibération sur diverses questions professionnelles : menus des
éditions du Journal, appréciation des prestations de ses membres,
organisation d'échéances importantes (couverture
médiatique de grands événements), médiation interne
en cas de différends, rappels à l'ordre face à
d'éventuelles atteintes aux normes déontologiques ou
éthiques, etc. Elle est aussi un lieu d'évaluation et
d'auto-évaluation des prestations des journalistes ; d'où son
allure de cuisine interne.
Conflit
La notion de conflit telle que utilisée dans ce
Mémoire n'a aucun rapport avec l'affrontement physique ou un
éventuel bellicisme. Il ne s'agit nullement dans le contexte des
rédactions de presse d'un « conflit à mort », mais plus
exactement de rivalités d'intérêts, de querelles de
clochers, de tiraillements, ou de stratégies de positionnement. Plus
prosaïquement, on pourrait également entendre ici la notion de
conflit par rapport à tout ce qui est source potentielle de
mésentente, de dysfonctionnement professionnel et de rupture de
cohésion du groupe.
Autorégulation
Entendue dans l'esprit de ce travail comme un ensemble de
dispositions contribuant à un mécanisme de police interne. Il
pourrait s'agir aussi d'un état d'esprit favorable à une gestion
confraternelle des conflits plutôt que toute autre forme de recours aux
procédures judiciaires.
Acteurs
Nous privilégions dans le cadre de ce Mémoire les
catégories d'acteurs ci-après :
- Le rédacteur en chef
- Le secrétaire de rédaction
- Les rédacteurs
- Les « fossoyeurs » de la Rédaction - Le
directeur
Contexte
Le contexte visé est celui de Radio-Bénin
(organe d'Etat) à l'ère du pluralisme, soit au lendemain de la
Conférence Nationale de Février 1990 et couvrant la
première décennie du Renouveau démocratique. On a donc
affaire à des journalistes épris de liberté et
d'indépendance et donc déterminés à tourner la page
de l'autocensure, du bâillonnement, de l'inféodation et à
renouer avec une pratique plus professionnelle du métier. Ils sont
aidés en cela par l'avènement d'un cadre institutionnel plus
démocratique (HAAC4, ODEM5...)
Les caractéristiques de contexte étant, entre
autres :
- le regain de professionnalisme
- la libération des initiatives
- l'innovation ou la tendance à s'affranchir des anciens
schémas de travail - la liberté de ton des journalistes au sein
des Rédactions
- une nouvelle approche (horizontale) des rapports avec
l'autorité
4 Haute autorité de l'audiovisuel et de la
communication
5 Observatoire de l'éthique et de la
déontologie dans les médias. L'ODEM a conduit le processus ayant
abouti à l'adoption, en septembre 1999, d'un Code de déontologie
pour la presse béninoise.
- une quête de transparence dans la gestion des avantages
matériels/ financiers et autres enjeux professionnels, etc.
Question de terminologie
Retenons que « Radio-Bénin » est
utilisée dans l'ensemble du document pour désigner, en plus bref,
la Radiodiffusion nationale du Bénin. Il s'agit donc de termes synonymes
tout comme « service de l'information » et « Rédaction
» désignent la même réalité.
SECTION I
LES ACTEURS
SPECIFICITES ET INTERACTIONS
CHAPITRE 1
I. LE JOURNALISTE DE RADIO-BENIN DANS LA MOUVANCE
PLURALISTE
1.1 Genèse et évolution de
Radio-Bénin
La Radiodiffusion du Bénin (Radio-Dahomey à
l'origine) a vu le jour le 07 mars 1953 dans un local des PTT6 avec
un petit effectif de cinq (05) personnes dont un directeur et sa
secrétaire, un technicien locuteur en langue nationale Fon7.
Le programme quotidien à l'époque était de 75 minutes.
La Radiodiffusion nationale va connaître une
évolution grâce au développement spectaculaire de la radio
rurale. D'une seule langue nationale au départ, elle est passée
progressivement à six (06) langues à douze (12) et enfin à
dix-huit (18) en 1977, année au cours de laquelle le gouvernement
révolutionnaire d'alors a eu recours aux langues nationales pour
populariser la loi fondamentale.
Les programmes de la Radiodiffusion du Bénin tiennent
compte du caractère de service public de l'organe. Avec
l'avènement de la démocratie, la liberté de l'information
y a atteint un niveau appréciable. Beaucoup d'émissions
traduisent dans les faits la pluralité des courants d'opinions et
l'accès équitable des partis politiques, qu'ils soient de la
majorité ou de l'opposition.
Radio-Bénin promeut les valeurs culturelles nationales.
De par son statut de d'organe de service public, elle appartient à tous
et est au service de tous : Etat (gouvernement, institutions
républicaines), partis politiques, société civile,
paysans, éleveurs, pêcheurs, hommes, femmes, enfants, etc. Ce qui
rend indispensable la recherche constante d'un certain équilibre dans le
traitement de l'information.
6 Postes, Téléphone et
Télécommunications
7 Langue la plus parlée au Sud du
Bénin
1.2 Radio - Bénin dans le paysage
radiophonique
Au Bénin, la libéralisation très tardive
de la radio (seulement en 1997) a placé ce média du service
public au coeur du débat politique avec la revendication de
l'accès à ses micros, de toutes les tendances politiques. Au sein
de l'ORTB, Office de radiodiffusion et télévision du
Bénin, réorganisé en décembre 1991, il y a six
directions dont les directions techniques et relations publiques communes et
les deux directions de Radio-Cotonou et Radio Parakou.
Radio-Cotonou8 avec son centre émetteur
d'Abomey-Calavi9, couvre tout le territoire national grâce
à deux émetteurs en ondes courtes, deux en ondes moyennes et deux
en FM.
La station régionale de Parakou10
créée le 1er avril 1983 fonctionne avec deux
émetteurs ondes moyennes et deux émetteurs ondes courtes. Elle a
une section rurale importante qui produit 50% des émissions. Elle
diffuse le journal parlé de 20 h de Radio-Cotonou. Elle émet en
Français et dans différentes langues africaines.
Le vote en juillet 1997 de la loi sur la libéralisation
de l'Audiovisuel a ouvert les vannes du pluralisme radiophonique au
Bénin. En application de cette loi, la HAAC a autorisé
l'implantation de neuf (09) radios commerciales et de dix-sept (17) radios
noncommerciales. C'est donc dans ce contexte d'émulation et pour faire
face à la concurrence que l'ORTB crée en 1995 une station en FM,
Atlantic FM émettant à Cotonou11. Selon une
étude réalisée sur l'état des médias au
Bénin, trente-cinq (35)
8 98.2 Mhz
9 Localité à la périphérie
de Cotonou, située à une vingtaine de kms du centre ville
10 92.5 Mhz
11 92.2 Mhz
stations de radios avaient pignon sur rue en Juin 2001.
Evidemment, depuis lors, ce chiffre est allé crescendo.
C'est aussi dans cet environnement compétitif que la
Rédaction de Radio-Bénin se bat pour garder la tête haute
tant du point de vue de la qualité de ses prestations que de la
préservation de son image d'aînée, respectueuse de la
déontologie et capable de montrer l'exemple. Elle s'emploie à
atteindre cet idéal grâce à un personnel d'une vingtaine de
professionnels dont la moyenne d'âge est de 35 ans. La plupart d'entre
eux côtoient les quinze années d'expériences avec un niveau
de qualification qui oscille entre le Baccalauréat et le Diplôme
d'études approfondies (DEA).
1.3 Le nouvel environnement institutionnel : source de
contraintes professionnelles
Le Bénin est ce petit pays d'Afrique occidentale qui a
inauguré, en février 1990, la valse des Conférences
nationales en Afrique, amorçant du coup une expérience
démocratique qui a fait beaucoup d'émules. En effet, le
Bénin a connu à deux reprises (1991 et 1996) des alternances au
terme d'élections pacifiques (de Kérékou à Soglo,
puis de Soglo à Kérékou). On considère par ailleurs
que « la présence active de la société civile dans le
forum public et les alternances successives à la tête de l'Etat
n'ont permis à aucun gouvernement de contrôler la presse ou de la
soumettre »12. Mieux, ce contexte a favorisé un
bouillonnement médiatique inattendu avec, bien entendu, ses exigences en
termes de savoir-faire et de professionnalisme.
Certes, aujourd'hui comme hier, le journaliste ne cesse pas
d'être un médiateur entre le pouvoir et le peuple, mais le
pluralisme lui commande d'être un observateur loyal et fidèle
de la vie citoyenne et un serviteur impartial de l'opinion publique dans toutes
ses
composantes. Cela appelle de la part du journaliste davantage
de discernement et de dépassement personnel en même temps qu'il
lui faudra se départir des schémas d'appréciation
officiels du fait politique. En conséquence, c'est toute la philosophie
même du traitement de l'information qui est en cause.
Ainsi, le discours officiel prononcé solennellement par
le président de la République ou le président de
l'Assemblée nationale n'est plus forcément applaudi à
l'unisson. Mais au contraire, il était devenu tout à fait
concevable qu'un tel discours puisse faire l'objet de contradictions, de
critiques de la part des médias et des citoyens qui ont le droit d'y
relever des contre-vérités. Cela est même souhaitable pour
la vitalité de la démocratie. Il n'y avait donc plus rien
d'étonnant à ce qu'un journaliste tende son micro à un
leader de l'opposition ou à un syndicaliste qui trouve à redire
sur les déclarations d'un ministre. Fini, le monopole de la
vérité, d'où qu'elle vienne !
1.4 Rapport médias-gouvernants : le temps des
désillusions
C'est par pure illusion que l'on a pu penser dans certains
milieux que c'est le parfait amour qui caractériserait les relations
entre les médias et les gouvernants à l'avènement du
pluralisme et de la démocratie. Les médias béninois,
très jaloux de la liberté retrouvée, n'ont pas
hésité à utiliser cette nouvelle arme contre les
anciensnouveaux maîtres, donnant ainsi l'impression qu'ils n'ont fait que
changer le fusil d'épaule pour dénoncer les abus du pouvoir. Cela
aussi est dans l'ordre normal des choses quand on sait que, même dans un
régime démocratique, qui détient le pouvoir, a une
tendance naturelle à en abuser. D'où le rôle de garde-fou
dévolu à la presse.
Si à l'inverse de la presse privée, la presse
officielle est souvent mal lotie pour assumer
autre pouvoir qui n'est autre que l'exécutif. A preuve,
c'est au niveau de la presse indépendante que ce rôle de
contre-pouvoir a été véritablement assumé avec
courage pendant que la presse officielle voyait se resserrer par moments,
l'étau de la liberté d'expression. Simple désillusion : le
voeu secret de tout pouvoir est d' « apprivoiser » la presse.
Jean-Louis Servan-Schreiber ne le pense pas moins: « dans la plupart des
démocraties, les rapports de force entre l'Etat et la presse sont aussi
feutrés que permanents. Le pouvoir exécutif juge indispensable
l'existence du quatrième pouvoir comme courroie de transmission entre
lui-même et l'opinion. Mais, le droit d'enquête et d'interrogation
que s'attribuent les médias gène et irrite tous les gouvernements
sans exception »13.
Il n'est pas si rare que le pouvoir emprunte la manière
forte contre ses adversaires pour faire triompher ses vues et tenter à
coups d'intimidations et de pressions de faire rentrer dans les rangs certains
journalistes trop frondeurs. A ce propos, on n'oubliera pas les
mésaventures de ce confrère béninois, alors
rédacteur en chef d'un organe de presse officielle autour des
années 1991-1992, qui s'est fait limoger pour avoir osé braver le
pouvoir en s'insurgeant contre les intrusions de l'autorité politique
dans la vie rédactionnelle de cet organe.
A bien y regarder, c'est finalement un leurre que d'avoir cru
que la démocratisation effacerait toutes les servitudes et vicissitudes
du journaliste béninois. Aujourd'hui, avec un peu de recul, bien des
journalistes ont le sentiment que la démocratie, en tant que
système politique ou modèle institutionnel, n'incarne pas un
espoir absolu pour la presse et que, mieux vaudrait travailler continuellement
à l'émergence d'une réelle culture démocratique
à tous les paliers de la vie sociale.
13 SERVAN-SCHREIBER (Jean-Louis), Le pouvoir
d'informer, éditions Robert Laffont, p. 334
A l'évidence, la Rédaction de Radio-Bénin
a fait, à la faveur du Renouveau démocratique, un progrès
notable en matière de gestion plurielle de l'information. Sauf,
qu'à certaines occasions, des relents de censure et d'autocensure,
entretenus par des journalistes trop frileux, zélés ou partisans,
ont eu raison de la recherche de la vérité et du
professionnalisme. Ainsi, à un moment ou à un autre de sa
carrière, tout journaliste est amené à mesurer le
caractère appauvrissant et frustrant de cette forme de censure qui
inhibe toute motivation et étouffe toute initiative professionnelle pour
peu qu'elle soit osée voire innovante. A tout cela, s'ajoute la gestion
pas aisée des communiqués et contre-communiqués
engagés qui « atterrissent » dans les Rédactions des
organes de presse officielle, in extremis, à quelques minutes du journal
parlé ou télévisé et dont la diffusion n'est pas
négociable.
Là réside en effet l'hypocrisie et la
duplicité de régimes dits démocratiques qui, tout en
clamant urbi et orbi leur attachement à la liberté d'expression,
sont foncièrement mus par l'intention inavouée d'avoir la main
haute sur les médias officiels. Juste une manière subtile et
insidieuse de récupérer par la main droite ce qu'ils ont
concédé par la main gauche. Ce qui a pu laisser craindre,
à tort ou à raison, la résurgence d'un certain dirigisme
dont l'une des manifestations les plus courantes est la tendance à
confondre le statut du journaliste exerçant dans un média d'Etat
avec celui de journaliste du gouvernement.
En tout état de cause, il n'appartient pas au
journaliste d'étouffer, d'immerger le message du gouvernement dans toute
la rhétorique politique nationale où foisonnent et
s'entrechoquent les discours les plus contradictoires. Dans certains organes,
ce risque est quelque peu pallié par la diffusion hebdomadaire dans les
organes officiels d'un commentaire exposant les vues du gouvernement sur des
aspects brûlants de la vie
sociale et politique nationale. De la même
manière, le pouvoir a tout à fait raison d'être sur le
qui-vive pour veiller à ce que les libertés retrouvées au
sortir des conférences nationales ne soient pas
interprétées comme devant réduire le gouvernement au
silence ou le reléguer à un rôle de figurant sur la
scène politique nationale. Il ne saurait non plus être question
d'ériger, en principe, l'idée déjà
controversée d'une prépondérance de la voix du
gouvernement dans les médias officiels ; ce qui ne ferait qu'aggraver le
caractère suspect de l'information officielle. Rien ne vaut la
vérité qui équivaut ici à une restitution
fidèle des faits, non pas tels qu'on souhaite les voir mais plutôt
comme ils se présentent.
En clair, on ne cesse pas d'être journaliste
crédible lorsqu'on s'applique à rapporter fidèlement les
actions et les performances du gouvernement et que l'on se fait le devoir
d'expliquer à l'opinion publique les intérêts et les
objectifs poursuivis. Honnêteté oblige, à défaut de
l' «impossible» objectivité qui est pourtant perçue
sous certains cieux (Etats-Unis d'Amérique), comme la marque du
journaliste compétent et expérimenté.
Pour avoir oeuvré, parmi tant d'autres acteurs, au
difficile accouchement de la démocratie, l'on comprend que les
journalistes béninois veuillent bien être les témoins de sa
gestion et de sa croissance. Car, dans le processus de démocratisation,
forcément progressif et continu, où rien n'est
définitivement acquis, les journalistes plus exposés que
d'autres, savent qu'ils n'ont pas intérêt à ce que les
choses s'arrêtent en si bon chemin.
Heureusement qu'avec liberté d'expression, la presse ne
se fait pas prier pour forcer la main à un pouvoir qui ne prend
presque jamais tout seul l'initiative du changement, même parfois
lorsqu'il s'agit de prescriptions constitutionnelles. On retiendra par
exemple que l'installation, le 07 juin 1993, au Bénin,
de la Cour constitutionnelle est, dans une certaine mesure, le résultat
d'un battage médiatique auquel s'est livrée la presse,
s'illustrant ainsi dans son rôle de relais et de porte voix de la
volonté populaire. Aussi, s'est-elle impliquée dans la campagne
de harcèlement politique ayant conduit au remaniement du 07 septembre
1993.
Autant de raisons de penser que la presse est un
élément régulateur de la démocratie. De la
qualité de la presse, dépendent la qualité et l'avenir de
la démocratie, qui à son tour est également tributaire de
la liberté d'expression et de la faculté des journalistes
à en jouir de façon responsable.
CHAPITRE II
II. LES ACTEURS ET LEURS SPECIFICITES
2.1 La Rédaction en chef
La Rédaction est dirigée par un rédacteur
en chef, désigné parmi ses pairs selon des critères
objectifs ou non, mais qui varient généralement entre la
confiance, l'ancienneté et l'expérience. Ce dernier est
aidé dans ses oeuvres par un rédacteur en chef adjoint qui peut
aussi assurer concomitamment les charges de secrétaire de
rédaction comme c'est le cas depuis 1996 au niveau de la
Rédaction du Journal Parlé de Radio-Bénin.
A priori, le rédacteur en chef est un homme
censé inspirer respect. A défaut d'avoir de l'autorité, il
doit, ou du moins, il est souhaitable qu'il ait quelque chose de plus que ses
confrères: l'âge par exemple qui, dans la culture africaine, est
source de sagesse et de respectabilité. Et si ce n'est l'âge, au
moins l'expérience, le savoir-faire et un professionnalisme qui en
imposent. Car les jeunes confrères sous ordre ont grandement besoin de
modèles. Plus de modèles que de chantres et de
théoriciens. Il n'y a rien de plus insupportable qu'un chef qui n'est
fort qu'en instructions et qui s'illustre peu en pratique.
Le Journal Parlé de Radio-Bénin a
profité, autour des années 1997-1999, de l'expérience d'un
rédacteur en chef dont le trait dominant était sa grande
sérénité14. Pendant deux années et
demie, on ne l'a presque jamais vu paniquer. A défaut d'être
craint, il était respecté. A défaut d'être
forcément aimé, il était admiré pour sa
maturité, ses propos rassurants, son élocution mûrement
calculée et son self-control désarmant.
14 Ce confrère a poursuivi sa carrière
de 1999 à 2004 à la Haute autorité de l'audiovisuel et de
la communication (HAAC) en qualité de conseiller.
Poste combien stratégique : le rédacteur en chef
a plus de notoriété qu'un directeur. Carrefour où il
reçoit toutes les personnalités du pays, du responsable d'ONG au
chef de l'Etat, en passant par les syndicalistes en colère. Mais, en
est-il toujours conscient ?
Il n'y aurait qu'à faire le compte du nombre de
personnes qui frappent à sa porte en l'espace d'une journée.
C'est à la fois passionnant et ennuyeux. Ce qui est vrai, c'est qu'en
réalité, le rédacteur en chef détient la clé
de nombreuses situations d'ordre professionnel dans un organe de presse. Il est
d'ailleurs très courant que le directeur lui-même s'en remette au
rédacteur en chef en détournant vers son bureau une partie de ses
visiteurs ou interlocuteurs. Pour toutes ces raisons, il est un personnage
très courtisé. Les politiciens et autres leaders d'opinions
savent ce qu'ils gagnent en l'ayant avec eux. Raison de plus pour que la
rédaction en chef soit confiée à une personne
mûre.
2.1.1 Rédacteur en chef: une aspiration
légitime
C'est une aspiration tout à fait légitime que de
« convoiter » le poste de rédacteur en chef lorsqu'on approche
les quinze années d'ancienneté. Cette estimation est purement
arbitraire, car en fait, il n'existe pas de loi écrite en la
matière. Chacun fait son chemin, court pour les uns, long pour d'autres.
Les rédacteurs en chef de Radio - Bénin qui se sont
succédé à ce poste depuis 1990 ont tous entamé la
dernière décennie de leur carrière.
Un avertissement : l'euphorie peut être malheureusement
de courte durée, si l'on se retrouve à la tête d'une troupe
démotivée et si l'on doit se sentir obligé d'entrer en
conflit avec ses pairs pour faire triompher les règles du métier.
De même, si l'on doit consacrer le plus clair de son précieux
temps de rédacteur en chef à régler les
problèmes matériels (acquisition d'outils
informatiques, de bandes, amorces, scotchs, bobines, papier) et à
gérer les humeurs humaines au détriment du travail de
réflexion et de conception, il y a fort à parier que l'entrain
des premiers instants fera long feu. Pis, l'on s'expose à une usure
précoce.
Plutôt qu'une qualité, la rédaction en
chef est une fonction. Généralement, elle intervient comme une
promotion, rarement comme une rétrogradation. Seulement, les
prérogatives afférentes à cette fonction ne sont pas
toujours à la dimension de sa grande notoriété et de son
caractère stratégique. C'est en effet le lieu de signaler que les
perspectives de promotion ne sont pas très étendues dans ce
métier à moins d'emprunter le raccourci de la politique.
Retenons en tout cas que c'est un poste de commandement qui
n'est pas aisé, ni au plan professionnel, ni au plan humain. Il faut
avoir de l'étoffe pour ne pas se laisser ébranler par la
première secousse pouvant venir aussi bien de la confrérie que du
pouvoir. En cela, c'est un excellent poste d'apprentissage de la
responsabilité. Ce que confirme les propos de Mme Magatte Diop, chef de
station de la Radio-télévision sénégalaise (RTS)
à Kaolack15 : « le rédacteur en chef coordonne,
harmonise et réglemente la rédaction, mais chacun est responsable
là où il est ».
2.1.2 La Rédaction en chef: objet de
convoitises
Comme tous les postes de responsabilité, celui de
rédacteur en chef ne laisse pas indifférents les journalistes.
Même s'il ne procure pas beaucoup d'autorité, c'est tout de
même un poste enviable et envié. Pour les besoins d'une
carrière bien remplie, il sied de passer par-là. Le jeu en vaut
la chandelle si l'on ne veut pas terminer trente années
15 Ville du Sénégal, située
à 192 kms de Dakar
d'une carrière de journaliste en pointillés. A
moins d'emprunter d'autres trajectoires moins professionnelles mais dont toutes
ne sont pas « orthodoxes ». Contre toute obsession du poste de
rédacteur en chef, il est bon de rappeler que quelques-uns, sans manquer
totalement de mérite, sont demeurés simples journalistes - dans
les rangs - jusqu'au moment de faire valoir leurs droits à la
retraite.
Dans la corporation, nombreux sont par ailleurs les
journalistes qui ne gardent du poste de rédacteur en chef que le
souvenir d'une responsabilité trop lourde de privations, ingrate et peu
rentable, du moins pour ceux qui s'en sont acquittés avec droiture et
probité. Rien qu'à voir le rédacteur en chef se
démener dans ses multiples responsabilités, ces collègues
le prennent plutôt en pitié et n'hésitent pas, sur un ton
narquois, à lui faire savoir qu'eux autres, préfèrent de
loin, disposer du répit dont le prive cette charge pour monnayer leurs
talents ailleurs. Sont-ils sincères ? Peut-être que oui et
peut-être que non! Et pourtant, pour un seul poste de rédacteur en
chef vacant, le nombre des candidats à la succession est presque
toujours multiplié par cinq ou dix.
Fait inévitable: la rédaction en chef est un
poste éjectable au gré des mouvements de personnel, des
redéploiements techniques et même des remaniements
ministériels qui induisent des bouleversements en chaîne du sommet
à la base. C'est à ce dernier niveau que peuvent jouer les
colorations partisanes. Et cela n'a rien d'inédit dans un contexte
où chacun attend que son soleil brille pour assouvir ses convoitises.
Seulement, ce risque est désormais amoindri dans les organes de presse
du service public du Bénin où, ni le ministre, ni le directeur
Général de l'Office, ni aucun conseiller n'est assez souverain
pour dicter et imposer leur choix au directeur de la radio16.
En cas de profonds désaccords entre ces
différents acteurs, le scandale est vite arrivé. Mais mieux vaut
ne pas être le journaliste par qui ce genre de scandale survient. Car, un
rédacteur en chef mal nommé en portera durablement les
stigmates.
Alors, il ne reste plus qu'à expérimenter la
formule de la désignation du rédacteur en chef par mode
électif. Fait plutôt rarissime ! Auquel cas, le corps
électoral ne serait rien d'autre que le collectif des rédacteurs
constituant l'équipe de la rédaction. Pour parfaire le
système, on y ajouterait le principe de la rotation à
échéance fixe (deux ans par exemple).
A première vue, l'idée peut paraître
démocratique puisque les journalistes pourront déléguer en
toute liberté leur pouvoir à un confrère de leur choix.
Mais elle a la faiblesse de ne pas offrir des garanties suffisantes de
compétence lorsqu'on sait que la loi du plus grand nombre qui
caractérise la démocratie peut, dans ce cas précis, agir
dans le sens du rejet d'un confrère réputé pour sa rigueur
extrême et à qui l'on préférerait un autre plus
conciliant.
Naturellement, les rédacteurs en chef les plus craints
ne sont pas les plus populaires ; mais qu'à cela ne tienne : la
popularité n'est pas la finalité de ce genre de
responsabilité. Mieux, la rançon payée à la rigueur
professionnelle, quelle qu'en soit le prix, a plutôt valeur de
trophée. Néanmoins, rien de tout cela n'empêche de
reconnaître qu'il y a un réel avantage pour un rédacteur en
chef à être désigné par les siens ; le cas
échéant, il tiendrait sa légitimité de ses pairs et
ce n'est pas rien ! Certes, le moment venu, ces mêmes confrères ne
manqueront pas d'arguments pour lui retirer leur confiance. Là au moins,
ce serait de bonne guerre!
2.1.3 Le Rédacteur en chef: le confrère et
l'homme du patronat
Fondamentalement, le rédacteur en chef est un
confrère, un camarade surtout dans cette corporation où l'on
s'accommode très mal du culte de la tutelle et où l'on est
allergique au carcan hiérarchique ou administratif et aux
procédures alambiquées. Personne ne s'imagine qu'un
rédacteur en chef puisse être un homme distant ou outrecuidant
vis-à-vis de ses confrères. Les plus expansifs ne se gênent
pas pour faire quotidiennement les « quatre cents coups» avec leurs
collègues. Mais encore faut-il savoir jusqu'où ne pas aller trop
loin...Trop de familiarité peut nuire à l'autorité du
chef. Cela est d'autant plus vrai que très peu de personnes sont
disposées à faire la démarcation pourtant indispensable
entre les relations de travail et les affinités privées.
Les seuls jours où on le méconnaît, c'est
en période de crise. Cas par exemple d'un mouvement de grève
touchant le personnel de sa Rédaction. Assis entre deux chaises,
tiraillé entre deux pôles d'intérêts, il est avant
tout le prolongement de l'autorité de la direction et doit s'employer
à sauvegarder les intérêts du patronat. Ce faisant, c'est
dans cette posture délicate qu'il devient le suspect numéro 1,
« l'empêcheur de tourner en rond ». Selon qu'il est
futé, zélé ou non, il s'en sort avec tact, sinon qu'il y
laisse luimême des « plumes » et grille sa
crédibilité.
Il tient son honneur de ses collègues, mais tient sa
légitimité de ses supérieurs hiérarchiques qui
l'ont nommé. C'est le cas de le dire: généralement, le
rédacteur en chef est bel et bien nommé et à ce titre,
l'on comprend humainement, qu'il se sente redevable de ceux qui l'on fait
« roi ». Mû par le réflexe de la reconnaissance, il peut
être amené malgré lui à piétiner de
façon passagère quelques intérêts professionnels
voire corporatistes. Preuve justement qu'il ne peut servir, avec une
égale dévotion,
deux maîtres : il aimera l'un et haïra l'autre.
Mais une lecture intelligente de tels enjeux et conflits
d'intérêts démontrerait aisément que si le patronat
fait office de maître par rapport au rédacteur en chef, ses
collègues eux peuvent se réserver le droit d'être son
censeur le moment venu. Et ce n'est pas moins redoutable !
Si devant un débrayage qui dure et qui perdure, il joue
la carte de l'apaisement, ses pairs lui feront un procès de
lâcheté et de trahison. Si à l'inverse, il joue les
frondeurs, il se fera taper sur les doigts par la hiérarchie qui lui
rappellera qu'il est en mission.
En la matière, il n'y a pas un code de conduite
invariable à prescrire. C'est davantage une question de discernement
entre la pertinence du mouvement de ses collègues et le souci de ne pas
jeter en pâture le patronat qui voit en lui un des siens. Le
lâchage en pareille circonstance est une attitude lourde de
conséquences. Mais tout dépend en fait de l'attachement de chacun
à ses convictions et jusqu'où l'on entend les défendre.
Retenons qu'il n'y a vraiment aucun confort à s'asseoir entre deux
chaises étant entendu que l'équilibrisme est un jeu plutôt
périlleux et haïssable.
2.1.4 Rapports entre le red'chef17 et le directeur
: l'arbre et l'écorce
Au-delà des rapports de travail, ils entretiennent bien
souvent des rapports de complicité. Le rédacteur en chef est en
principe l'oreille du directeur qu'il rencontre souvent en fin de
journée. Il est le canal de transmission des directives ou messages
émis au sommet, agissant justement comme une courroie de transmission
entre le directeur et les journalistes qui harcèleront par exemple leur
rédacteur en chef pour faire aboutir une revendication ou pour
s'enquérir des échos d'un conseil de direction.
17 Dimunitif de « Rédacteur en chef
», très usité dans les Rédactions
Au plan professionnel, ils abordent des questions de ligne
éditoriale. Un débat assez complexe, du reste, notamment lorsque
des considérations politiques s'en mêlent. Mais quelles
concessions ne se ferait-on pas entre vieux complices ? La partie est plus
facilement jouable lorsque l'un et l'autre sont des journalistes. Il y a
davantage de chances qu'ils fondent leur raisonnement sur des repères
communs pour rechercher des terrains d'entente.
Mais attention, quand bien même le rédacteur en
chef et le directeur auraient réussi à pousser très loin
leurs rapports de « copinage », cela ne devrait pas pour autant tuer
chez le premier tout esprit critique et aliéner sa faculté
d'objection. Aussi, devrait-il pouvoir, quand cela s'impose, refuser ou
émettre tout au moins des réserves face à une
matière rédactionnelle suspecte ou tendancieuse fournie par la
Direction centrale ou les services éditoriaux. Mais, à la
vérité, cela est bien plus difficile à dire qu'à
faire...
Si au pire, le directeur venait à perdre la confiance
de son collaborateur immédiat qu'est le rédacteur en chef, ce
sera forcément le début d'une crise. Dans le cas inverse, ce sont
les jours du rédacteur en chef, qui sont peut-être comptés
à ce poste. Mais cela est vite dit. En réalité, tout
dépend de l'ouverture d'esprit et de la clairvoyance du patron qui peut
aussi négocier jusqu'au dernier argument ou faire l'option de
ménager le chou et la chèvre. Mais l'idéal voudrait que
ces deux acteurs travaillent en bonne intelligence à travers des
rapports tout à fait respectables. C'est l'image de l'arbre et
l'écorce qui leur conviendrait le mieux pour une gestion harmonieuse des
rédactions et pour le crédit de leur mandat respectif.
2.1.5 Rapports journalistes / techniciens : la dent et la
langue
Ces rapports ne sont pas toujours des meilleurs ! Il y a comme
une sourde rivalité entre ces deux corps qui se haïssent
tendrement. D'un côté comme de l'autre, chaque camp semble
développer un complexe de supériorité ou
d'infériorité. A quelles fins? A des fins de leadership?
Peut-être ! Même si ces deux corps suivent des plans de
carrière assez démarqués ou spécifiques.
Apparemment, à l'origine de ces clivages, il y a
beaucoup de non-dit et c'est à force d'insister que l'on vous
révélera l'existence de conflits d'intérêts
souterrains mais combien sévères entre journalistes et
techniciens. Les seconds accusant souvent les premiers de se prendre pour le
nombril de la presse, et surtout d'être déloyaux et de manquer
d'équité dans le partage de certains « butins de guerre
».
Un fait demeure patent: les relations entre journalistes et
techniciens souffrent trop souvent d'un manque d'esprit de solidarité et
de complémentarité. Difficile de ne pas être choqué
par certains refus catégoriques de coopérer et certaines
obstructions flagrantes au travail du journaliste qui parfois essuie des
rebuffades humiliantes de la part des services techniques. Si l'on veut jouer
les philosophes, l'on se bornerait à imputer ce phénomène
à la complexité de la nature humaine.
Un point de vue largement partagé en revanche, c'est
que les meilleures missions à l'intérieur comme à
l'extérieur sont celles où le journaliste a eu le bonheur d'avoir
à ses côtés, un technicien coopératif, studieux et
sérieux et non pas un technicien capable d'abandonner le journaliste
à son sort à la première épreuve. Cette même
préoccupation vaut pour le journaliste contre qui les techniciens ont
aussi souvent la dent dure.
Ces différents conflits mettent ainsi à nu les
difficultés de gestion collégiale des éditions du journal
parlé entre journalistes et techniciens. C'est le cas notamment lorsque
les uns et les autres tiennent à trouver un bouc émissaire dans
les situations du genre: conducteur décousu ou parvenu en retard
à la régie, mauvais réglage du son, mauvaise coordination
des musiques de transition, excès de « blancs » à
l'antenne, intrusion d'éléments parasites en plein journal,
inversion de l'ordre de passage des éléments sonores, etc. En
pareilles circonstances, l'excitation et la colère sont presque toujours
mauvaises conseillères. Mieux vaut leur préférer
l'humilité, la patience, la sérénité et le
sang-froid. Ces qualités ont parfois un pouvoir désarmant
insoupçonné.
Il reste fondamentalement que les clivages entre ces deux
acteurs peuvent être exacerbés dans les circonstances où
l'un et l'autre ne relèvent pas d'une même autorité
hiérarchique comme ce fut le cas à Radio-Bénin jusqu'en
1999 : le directeur de la radio pour le journaliste et éventuellement,
le directeur technique pour le technicien.
Une situation qui crée non seulement des cloisonnements
administratifs, mais ne favorise pas non plus une bonne coordination des
responsabilités ; chacun agissant un peu comme s'il n'avait qu'à
cultiver son propre jardin. Vivement qu'advienne ce jour où journalistes
et techniciens comprendront qu'ils représentent en fait l'avers et
l'envers d'une même étoffe et qu'ils sont condamnés donc
à cohabiter comme la dent et la langue dans la bouche. Ceci, au nom de
l'esprit d'équipe !
La télévision est justement de loin, la plus
grande illustration de cet esprit d'équipe. Mais, à
l'épreuve du terrain, l'on se rend bien compte que cet esprit
d'équipe n'est qu'une réalité de façade puisque
l'harmonie n'est pas toujours au rendez-vous dans la coordination des
tâches entres les acteurs en présence. Ainsi, pour un cordon
égaré ou pour une cassette introuvable, l'un des intervenants de
la chaîne impose son régime à
toute l'équipe. Si à cela, l'on ajoute
l'indisponibilité des moyens roulants et les caprices de quelques
chauffeurs, la cause est entendue...
Si le travail en équipe est une stratégie
à encourager, il a cependant, comme toutes les médailles, son
revers, notamment lorsque la discipline de groupe, la conscience
professionnelle et le sens des responsabilités ne sont pas les
qualités premières des co-équipiers. Là-dessus, les
confrères de la Presse Ecrite sont, semble-t-il, les mieux lotis avec
leurs équipes légères et leur arsenal de travail plus
léger et plus discret.
2.1.6 Le red'chef : une poubelle ?
Tout ce qui va mal dans une Rédaction lui est
imputé, sinon qu'il en est tenu responsable. On pourrait dire que cela
est normal puisqu'il répond du fonctionnement de la rédaction.
Mais sa responsabilité va bien au-delà et il doit pour cela avoir
le dos large. Il subit tous les procès imaginables pour des motifs tout
aussi imprévisibles pouvant aller de la mauvaise couverture en direct
des manifestations commémoratives de la fête de
l'indépendance aux dérapages d'un stagiaire programmé trop
tôt à l'antenne pour la présentation du journal, en passant
par un retard dans le démarrage des éditions du JP ou encore une
pénurie de fongibles à la Rédaction.
C'est en effet là le lot quotidien du rédacteur
en chef et son adjoint contraints à gérer, à temps et
à contre-temps, le dénuement matériel qui se
caractérise par des ruptures chroniques de stocks de fongibles (bandes
magnétiques, bobinots, amorces, skothes) qui affectent la qualité
des prestations et sapent le moral des éléments les plus
consciencieux de la troupe. Quant aux autres, partisans du moindre effort,
l'échappatoire est tout trouvée : «point de mission et de
résultats sans moyens ». Et c'est derrière cet argument que
se réfugient la plupart des rédacteurs chaque fois que
la Rédaction, pour des raisons qui tiennent
tantôt aux finances, tantôt à la technique, n'est plus
desservie en dépêches. Plus d'une fois, le Journal Parlé
même de la Radiodiffusion Nationale s'est retrouvé dans ce type de
conjoncture. Le cas échéant, les plus volontaristes alimentent la
page <<inter» de leurs éditions en << scriptant »
des nouvelles glanées sur des chaînes de radios
étrangères. D'autres par contre, sans état d'âme
face à ce genre de situation, n'éprouvent aucune gêne
à produire un journal réduit à sa plus simple expression
et amputé de l'actualité internationale. En réponse
à d'éventuels reproches, ils réussissent sans grand mal
à se dédouaner grâce à la formule toute faite :
<< à l'impossible, nul n'est tenu ».
Certes, tous ces griefs ne manquent pas de fondement sauf
qu'il se ferait lui-même encore plus de tort s'il est frileux pour un
rien ou s'il se comporte comme le chauffeur trop préoccupé
à regarder dans le rétroviseur de son véhicule.
Rédacteur en chef et rédacteur en chef adjoint,
eux aussi, peuvent et doivent être aussi complices que des larrons en
foire et aussi soudés que l'arbre et l'écorce. Auquel cas, la
cohésion au sommet de la rédaction fonctionne comme un rempart
contre toute velléité subversive ou destructrice. N'oublions pas
que la moindre fissure dans le mur de la Rédaction en chef sert
plutôt les intérêts des détracteurs à
l'affût d'une éventuelle crise pour pêcher en eau trouble.
Ainsi, pour rien au monde, la Rédaction en chef n'a intérêt
à étaler au grand jour ses dissensions internes.
Pourtant, cette poubelle remplit une fonction de
régulation : les journalistes administrés en ont besoin pour se
<< soulager », se décharger ou encore pour se
défouler. D'aucuns iront jusqu'à mettre à prix le <<
strapontin » du rédacteur en chef pour de banales questions tel le
sous-équipement informatique de la Rédaction, une suspicion de
corruption fondée ou non ou tout simplement pour des
émoluments que tarde à verser l'administration.
2.2 Le secrétaire de rédaction
Pratiquement, tous les journaux du monde utilisent les
services d'un secrétaire de rédaction. Dans la
presse audiovisuelle, le terme consacré est celui de chef
d'édition qui joue presque le même rôle que le
secrétaire de rédaction. Il assure la collecte et le planning,
l'examen critique et le traitement des informations, le classement et la
hiérarchisation desdites informations. La principale différence,
selon Louis Guéry18, réside dans le fait qu' « au
lieu de faire tenir l'ensemble des informations dans un espace comme son
confrère de la presse écrite, il aura à les contenir et
à les organiser dans un temps donné. Alors que le premier mesure
en centimètres/colonnes, le second va compter en minutes et en
secondes... Le chef d'édition doit avoir, lui aussi, comme son
confrère secrétaire de rédaction de la presse
écrite, une très bonne connaissance des techniques et moyens
matériels propres aux médias audiovisuels ».
Redouté des uns, flatté par les autres,
carrément boudé ailleurs, le secrétaire de
rédaction est inconnu du public et pourtant son rôle est capital
dans la confection du journal. Il s'agit donc d'une activité hautement
créatrice qui exige à la fois des qualités
professionnelles et une certaine fibre artistique. On le saura à travers
l'originalité de ses maquettes et le "look" du journal dans son
ensemble. Car, de bons journaux, ce ne sont pas seulement de bons articles.
Certes, ce sont d'abord des articles à la portée du lecteur, mais
ce sont aussi - et c'est important - des supports bien présentés
et
agréablement illustrés. Un minimum de sens de
l'esthétique est donc nécessaire au journaliste pour être
un bon secrétaire de rédaction.
Si l'on compare la publication a un orchestre, le rôle
du secrétaire de rédaction s'apparente a celui du chef
d'orchestre ou a celui d'un metteur en scène si on la compare a une
pièce de théâtre ou a un film. Professionnellement, il est
donc supposé être un journaliste complet dont le
profil n'a rien a voir avec celui d'un(e) secrétaire de direction. Pas
d'amalgame possible. Sans les opposer, il n'est pas superflu d'insister ici sur
l'énorme fossé qui sépare ces deux fonctions que certains
esprits, de bonne ou mauvaise foi, ont tenté de loger a la même
enseigne. Erreur, sous-information ou méprise ? Quoi qu'il puisse en
être, il apparaît en tout cas plus simple de donner a César
ce qui est a César et a Dieu...
2.2.1 Le métronome
Si l'on est d'accord sur ce qu'il n'est pas, il convient a
présent d'aller plus franchement a la découverte de cet acteur de
l'ombre. En somme, le secrétaire de rédaction a pour fonction
d'animer et de coordonner les services de rédaction suivant les
directives du rédacteur en chef. Il assure la production et la
réalisation du journal. Il est responsable du montage (la mise en page)
et du respect du deadline (délai butoir de remise des copies).
Mieux, le secrétaire de rédaction est
présent sur l'ensemble du processus conduisant de la conférence
de rédaction a la parution du journal ; ce qui fait de lui un
interlocuteur privilégié de l'imprimerie qu'il arpente a longueur
de journée et où il lui arrive de s'attarder parfois a des heures
très avancées de la nuit. Aussi longtemps que le journal n'a pas
paru, il est condamné a rester au front ou a défaut sur le
qui-vive : un coup de fil
peut à tout moment l'arracher des bras de
Morphée pour une multitude de raisons : un communiqué officiel de
dernière minute, une information sensationnelle à
vérifier, un « blanc » à combler, une illustration
indécente à remplacer, une panne technique devant entraîner
des retards de diffusion ou tout autre imprévu, etc.
Toutes ces responsabilités font de lui un acteur
central de la Rédaction et lui confèrent en principe un pouvoir
de choix et de décision. Et c'est justement fort de ce pouvoir qu'il
peut balancer à la poubelle un article décousu qui ne
répondrait pas à un minimum de normes professionnelles. En
réalité, rares sont les secrétaires de rédaction
qui adoptent ce genre de méthodes cavalières si ce n'est,
à la limite, vis-à-vis des stagiaires. Autrement, le
secrétaire de rédaction est généralement un
confrère écouté de ses pairs et qui en retour a
lui-même de réelles capacités d'écoute.
Ainsi, devant le "chef-d'oeuvre le plus minable", face encore
à un article ou à un extrait sonore exagérément
long (audiovisuel), il alliera délicatesse et fermeté pour
convaincre son collègue à remettre la main sur l'ouvrage. La
pilule passera dix fois mieux que s'il se mettait sur de grands chevaux tel un
redresseur de torts. Les secrétaires de rédaction qui ne sont
généralement pas les derniers venus dans les Rédactions,
sont bien placés pour savoir qu'ils ont à charge le commandement
d'une troupe foncièrement réfractaire au dirigisme et au discours
impératif. Ils sont alors fort bien avisés de ce qu'il faut
savoir alterner le chaud et le froid. Pour la paix confraternelle, on leur
suggère généralement de préférer le scalpel
aux ciseaux. Ce qui n'empêche pas qu'ils soient souvent à couteaux
tirés avec leurs collègues lors du calibrage d'un dossier ou du
réaménagement d'un article. C'est ainsi qu'il est arrivé
en 1996 qu'un journaliste de Radio-Bénin désappointé et
frustré par la sévérité avec laquelle son reportage
avait été « charcuté », n'a pas trouvé
mieux à faire que d'exiger l'effacement pur et simple de
sa signature par laquelle on pouvait identifier l'auteur de
l'oeuvre enregistrée. C'était pour ce journaliste, une
manière de signifier qu'il ne se reconnaissait plus dans ce qui restait
de son reportage.
L'admiration que l'on peut avoir pour ce journaliste dit
complet, manager incontournable des Rédactions, n'est pas sans rapport
avec le caractère ingrat de ce poste. Que d'abnégation ! Alors
qu'il se décarcasse pour donner au journal écrit ou parlé
une allure professionnelle, alors qu'il se déploie corps et âme et
se dépense comme un beau diable pour minorer voire réparer les
lacunes de ses collègues, il n'en récolte qu'adversités,
ennuis et inimitiés. Or, l'expérience a prouvé que les
partisans du moindre effort s'acquitteraient de leurs devoirs à la
légère dans l'intention que le secrétaire de
rédaction est là pour endosser et pour assumer. Ainsi, sans le
vouloir, une trop grande serviabilité du secrétaire de
rédaction pourrait encourager des fuites de responsabilité chez
les partisans du moindre effort.
Par ailleurs, il lui faut souvent se battre pour changer son
statut de sédentaire qui le prive des joies mais surtout des
expériences des missions « fructueuses » sur le terrain. Mais,
il est clair que ce sont les contraintes de sa responsabilité qui
hélas peuvent faire oublier à certains moments qu'il est aussi et
avant tout journaliste. Et même un journaliste complet ! C'est d'ailleurs
de sa compétence qu'il tire son autorité.
La fonction a sûrement son côté exaltant.
Mais attention : il faut s'attendre à être mal remercié
plutôt que d'espérer se voir tresser une couronne de
félicitations ou de gratitude.
2.2.2 Les « dinosaures » : l'usure
Si ce n'est une simple question de terminologie, la nuance
n'est pas fondamentale entre ceux que l'on a coutume de désigner sous
les diverses appellations de «doyens », «anciens »,
«vétérans » ou «dinosaures ». Ce sont des
mines d'expériences, des recours sûrs pour reconstituer certains
pans de l'histoire des services de l'information. On gagne beaucoup à
les écouter et les jeunes ont bien tort de penser qu'ils n'ont plus rien
à apprendre d'eux. Mais au-delà de toute complaisance, c'est
selon qu'ils inspirent respect ou mépris qu'on les traitera, en bien ou
en mal, en modèles ou en contre-modèles.
Une grosse tare les guette tout de même : la tendance au
dilettantisme, conséquence d'une certaine usure pour les uns et d'un
manque de perspectives pour d'autres. Vraisemblablement, l'administration
semble avoir trop longtemps abusé de leur zèle et de leur
serviabilité des premières années de travail qu'ils
donnent souvent l'impression d'avoir tout vu et de ne plus rien avoir à
prouver. Blasés et démotivés, ils sont aussi difficiles
à bousculer qu'un cocotier. Il faut autant de délicatesse que de
bravoure pour les manager. Certains cachent à peine leur aigreur devant
l'autorité incarnée par la jeune génération.
Et pourtant, l'exception faisant la règle, quelques-uns
sont restés fidèles au poste jusqu'à leur retraite. Leur
engagement et leur sens du devoir sont demeurés intacts jusqu'en fin de
carrière. Evidemment, ils constituent une espèce rarissime et
même en voie de disparition.
Toujours est-il que, moins il y en a dans une Rédaction,
mieux cela vaut étant donné
certaines urgences. Mais, sans être forcément des
empêcheurs de tourner en rond, c'est le rédacteur en chef
lui-même qui se gêne et qui éprouve des scrupules à
les soumettre au régime général.
Curieusement, cette politique du « deux poids, deux
mesures » est souvent mal comprise et mal vue par les plus jeunes qui en
font tout un grief au rédacteur en chef, soi-disant que le bon exemple
doit venir des aînés. Mais à quelque chose près, ce
genre de dualité fait plutôt penser à l'histoire de la
truie et du porcin19 ou plus pudiquement encore, celle de la cendre
et du charbon.
Qu'on le veuille ou non, le dynamisme des Rédactions
est assuré par les jeunes. Ce sont eux, par leur fraîcheur et leur
entrain débordant mais aussi leur anticonformisme qui donnent de la
vitalité aux Rédactions. Ils ont tout à prouver et ne
reculent devant rien. Cette réserve d'énergies aurait juste
besoin de la bénédiction et de l'accompagnement des anciens pour
produire les meilleurs résultats.
2.3 Les « fossoyeurs » de la Rédaction
2.3.1 Les absentéistes
L'éventail des motifs d'absence est très large.
Les unes sont justifiées, d'autres non ou carrément fantaisistes.
Il arrive que ce soient les mêmes qui s'abonnent aux absences. Ce qui
devient intrigant ! Leur comportement produit l'effet désagréable
de perturber la programmation des reportages et des présentations des
journaux parlés. Ils laissent le plus gros du boulot à leurs
collègues qui s'épuisent et s'échinent à faire le
travail à leur place, déplore Maurice Mahounon de
Radio-Bénin. Et puisqu'il faut leur trouver des remplaçants
coûte que coûte, il arrive qu'en désespoir de cause, le
rédacteur en chef
ou/et son adjoint aillent eux-mêmes au charbon au milieu
de mille et une sollicitations. Incontestablement, ils donnent du fil à
retordre à la rédaction en chef et n'oeuvrent donc pas pour la
paix des Rédactions.
2.3.2 Les abonnés aux retards
Dans une Rédaction, à l'instar de toute
communauté, il n'est pas possible de réunir chez un même
confrère toutes les qualités du bon journaliste. Il faut
plusieurs mondes pour faire un monde. Ce ne sont pas forcément les plus
compétents qui sont des exemples de ponctualité. De même,
ce ne sont pas les plus ponctuels qui offrent les meilleures prestations. Il
faut faire avec ce que l'on a, sauf à stigmatiser la mauvaise foi et
cette tendance au sophisme qui consistent à justifier le retard par
l'inadaptation des conditions de travail. Quoiqu'il puisse en être, il
n'y a aucune gloire à porter l'étiquette d'un éternel
retardataire. Autant l'on peut être tolérant dans certains cas
passagers, autant le retard poussé à l'extrême, même
chez le journaliste le plus compétent est finalement perçu comme
une infirmité professionnelle. D'ailleurs, aux yeux de certains
confrères, les abonnés au retard sont logés à la
même enseigne que les absentéistes : ils constituent tous des
sources de stress pour les secrétaires de rédaction et les
rédacteurs en chef.
2.3.3 Les partisans du moindre effort
Ils sont légion et regimbent devant la charge de
travail. Leur attitude a été stigmatisée d'une
façon virulente par le professeur Roger Gbégnonvi à
l'occasion des états généraux de la presse
béninoise tenus à Cotonou du 18 au 23 novembre 2002 : «
la
paresse qui mène à l'appât du gain, du gain
facile et illicite, est à la base de toute dépravation, y compris
dans la presse »20.
Allergiques à la notion d'heure supplémentaire
(sans rémunération), les partisans du moindre effort
disparaissent sitôt fini leur travail. Il est ainsi difficile de
négocier avec eux un compromis sur leur calendrier de travail. C'est
oublier que la vie d'une rédaction est aussi faite
d'impondérables et que le rédacteur en chef et son adjoint ne
peuvent tout faire. Leur attitude plaide en faveur de la
nécessité de congratuler les plus dévoués et les
plus serviables à qui l'on oublie souvent de témoigner sa
gratitude. D'où le bienfondé de cette notion de <<sanction
positive» qui devrait permettre de rétablir une certaine
équité. Et quant aux partisans du moindre effort, il ne serait
peut-être pas si injuste de les rémunérer à la
mesure de leurs maigres rendements...
2.3.4 Les taupes et les courtisans : oreilles des officines
politiques
L'expression <<taupe » est entrée dans le
vocabulaire de la Rédaction de Radio-Bénin à un moment
où les journalistes ont eu le sentiment que les
délibérations de la conférence de rédaction
transpiraient au travers des quatre murs du service de l'Information. Certaines
immixtions de l'autorité paraissaient trop directes pour ne pas
éveiller des soupçons sur ce qu'elles sont en
réalité : des répliques à des prises de positions
internes de la Rédaction.
Les taupes, puisqu'il faut les appeler ainsi, ont cette
redoutable manie de vendre le contenu du journal avant sa diffusion. En le
faisant, ils travaillent en réalité pour leur propre compte :
celui d'entrer et de demeurer dans les bonnes grâces du patron. La
délation demeure leur sport favori et il faut une bonne hauteur de vue
pour ne pas se laisser prendre à un leur piège. Plus grave, les
taupes, de part leur accointances avec
les officines politiques, permettent à ces
dernières de régenter à distance la vie
rédactionnelle et de mettre certains journalistes dans leur ligne de
mire.
Quant aux courtisans, ils ne prospèrent que par la
volonté de ceux qui prêtent flanc à leurs manèges.
Dans les rédactions, on les tient généralement à
rebrousse poil.
2.3.5 Les alcooliques
Il semble que le phénomène soit assez marginal
du point de vue du nombre mais redoutable dans ses effets sur la vie des
Rédactions. Les chers confrères atteints par ce vice ne sont pas
forcément les plus nuls sauf que l'étiquette d'alcoolique est
très nuisible à leur image de professionnel de l'information. De
quoi battre en brèche toute prescription de l'alcool comme palliatif
à l'émotion et au trac.
S'il fallait les baptiser, on les ferait appeler, par
euphémisme, les « incontrôlables » tellement il est
risqué de miser sur eux pour la couverture d'un reportage. A son corps
défendant, le rédacteur en chef a plutôt
intérêt à les ignorer, surtout lorsqu'il s'agit d'un
reportage politiquement sensible pour lequel il aurait à rendre des
comptes.
Curieusement, c'est dans le métier-même que
certains ont appris à « pinter ». En effet, les occasions de
beuveries ne manquent pas dans la pratique professionnelle. Ainsi, les
spécialistes de dîners de presse et autres publi-reportages ne
chôment pas longtemps. Entre deux clôtures de séminaires,
deux célébrations d'anniversaires ou encore deux
opérations-marketing, un cocktail est généralement au
rendez-vous. Cela fait évidemment partie du métier. Seulement,
rien n'oblige le journaliste à faire comme tout le monde. Plus que
d'autres, il a un devoir de retenue afin de ne pas se laisser aller à un
verre de trop. Il se réservera encore plus si, dans les heures qui
suivent un cocktail,
il doit assurer la présentation du journal parlé.
Un présentateur saoul court, dans deux cas sur trois, le risque de
« dérailler » et de toutes les façons, l'auditeur saura
et jugera.
Certes, les « alcoolo » ne sont pas nombreux, mais
dans leur individualité, ils causent un tort souvent irréparable
à leur Rédaction et à leurs confrères, ne serait-ce
que par les excès de langage et les écarts de comportement, les
accès de violence qui les caractérisent. Sous l'effet de
l'alcool, ils n'ont pas froid aux yeux et sont capables de confondre un
supérieur hiérarchique à un essuie-pieds et de mêler
vie privée et vie professionnelle. L'un d'eux a eu un jour assez de
toupet en allant, au moyen d'un insoutenable rôt, vider les effluves de
ses beuveries au visage de son rédacteur en chef. Ecoeurant ! Mais,
à l'égard de cette espèce de confrères,
plutôt que de les prendre en aversion, ils doivent plus exactement
inspirer pitié et commisération. On se gardera donc de
désespérer trop vite des confrères alcooliques et mieux
vaut croire et espérer en leur perfectibilité, d'autant que,
heureusement, ils sont un certain nombre à se distinguer par une double
qualité : le remords facile et le courage du pardon.
Manifestement, cette catégorie d'acteurs font figure de
« parias » et leurs propres collègues sont ces mieux
placés pour mesurer à quel point ils sont la cause de nombreux
ratages dans la couverture des événements ». Le
réquisitoire est sans complaisance chez Serge Mathias
Tomondji21 qui accuse: «les absentéistes et les
retardataires font perdre un temps fou à la production journalistique.
Fossoyeurs du dead-line22, ils tuent plus sûrement qu'une
hache la dynamique de groupe et la célérité obligatoire
qui rythme le quotidien des Rédactions de presse ».
22 journaliste au quotidien béninois « Adjinakou
» paraissant à Porto-Novo
22 dernier délai de remise des articles ou des productions
audiovisuelles. Il peut vouloir dire aussi dernier de bouclage.
2.4 Les acteurs externes
Ils sont légion et se bousculent dans l'espace public
sous les étiquettes très à la mode de «chefs de
partis politiques » et d' « acteurs de la société
civile ». A la faveur de la liberté retrouvée en 1990, ils
ont appris à connaître et à user des modes de sollicitation
et de revendication de leur droit d'accès aux médias.
Sans être membres de la Rédaction, ils exercent
de l'extérieur une forte influence sur le fonctionnement de la
Rédaction en ce qui concerne notamment certains choix
rédactionnels. Ils déterminent, de par leurs activités et
leurs sollicitations quotidiennes, la programmation, l'objet et le contenu des
débats internes à la Rédaction. Ils interfèrent
bien souvent dans la vie de la Rédaction par le biais de leurs
accointances avec le pouvoir ou autres réseaux relationnels pour faire
passer des messages, des opinions, pour réclamer des droits de
réponse, ou encore, pour revendiquer plus de visibilité ou
d'écho pour leurs formations politiques ou structures associatives.
Tel un mal nécessaire, certains acteurs externes aux
profils de techniciens se sont rendus indispensables de part leur
disponibilité de tous les instants. En s'acquittant à merveille
de leur fonction de « personnes-ressources », ils parviennent
à gagner la confiance de la Rédaction qui, à
l'épreuve, se passe difficilement de leurs services de techniciens tout
en sachant qu'au-delà des apparences, tous ne sont pas si neutres,
politiquement. La seule consigne qui vaille, le cas échéant, est
finalement celle d'une impartialité sans complaisance afin que ces
derniers n'aient pas à revendiquer un jour un statut de «
privilégiés » de la Rédaction.
Quant au journaliste, qu'il ne s'y trompe pas; à vouloir
pousser trop loin ses
financières, il en fera fatalement les frais au risque
même de devenir l'otage voire l'objet d'un système...
SECTION II
DYSFONCTIONNEMENTS, SOURCES DE CONFLITS
ET
MANAGEMENT ORGANISATIONNEL
L'exercice de recensement des sujets qui fâchent, des
facteurs de mésentente et des sources potentielles de conflits au sein
des Rédactions s'est révélé très
éloquent et édifiant, apportant ainsi la preuve qu'au-delà
des apparences, le ciel des relations professionnelles n'est jamais totalement
bleu. La cohésion affichée semble être bien souvent le
produit d'un effort de tolérance et surtout d'un apprentissage de la
démocratie qui pend ici tout son sens de gestion des tensions. Cela dit,
examinons maintenant de plus près les facteurs qui perturbent la paix
d'une Rédaction comme celle de Radio-Bénin où, il sied de
le rappeler, l'on cultive allègrement la liberté de ton et une
inclination à la critique à l'image même de la
température de l'espace public national.
Après recoupement d'une dizaine de réactions et
commentaires recueillis auprès des journalistes de Radio-Bénin et
de quelques uns de la Presse Ecrite, ces facteurs de mésentente et
sources potentielles de conflits se déclinent globalement comme suit:
- programmation du service de travail
- la programmation des reportages au détriment des
critères de compétence et sur la base des accointances politiques
ou du copinage
- complaisance dans la nomination du rédacteur en chef
ou de son adjoint (exemple : nomination d'un cadre jeune et non
expérimenté en lieu et place des aînés pétris
d'expériences et de savoir-faire
- les promotions fantaisistes : nomination de journalistes
à des postes de responsabilité en raison de leur coloration
politique
- les censures non justifiées ou abusives (embargo sur
certains sujets sensibles) de la part du Rédacteur en chef
- les prises de décisions autoritaires par la
Rédaction en chef
- Les sanctions injustifiées
- L'absence d'équité dans la gestion des
intérêts de la Rédaction
- La politique de deux poids deux mesures dans la gestion de la
ressource humaine et la gestion des avantages
- Désignation des mêmes journalistes pour assurer la
couverture des reportages les plus prestigieux aussi bien à
l'intérieur qu'à l'extérieur
- La gestion autocratique des conflits nés au sein de la
rédaction
- le refus d'acceptation des critiques
- les intérêts pécuniaires et la question des
perdiems
- la question des attachés de presse (cumul avec les
fonctions de journaliste) - les « guerres » d'écoles de
formation
Dans cet éventail de facteurs porteurs de
mésentente et de conflits, on retrouve aussi des problèmes
d'ordre organisationnel que déontologique sans compter que certaines
situations décrites s'apparentent tout simplement à un
déficit de management, de probité et d'équité.
CHAPITRE I
I. LES SOURCES DE CONFLITS D'ORDRE
ORGANISATIONNEL
1.1 La censure et le stress des ciseaux
L'un des usages malencontreux du son est de s'en servir comme
un moyen de remplissage pour allonger un reportage pauvre en texte. Cette
solution de facilité propre aux reporters peu inspirés ou un peu
<<pompés » explique pour une large part les problèmes
de longueur et de calibrage que gèrent au quotidien les
secrétaires de rédaction dont certains finissent par
développer une sorte de << stress des ciseaux ».
Certes, il est de leur devoir, chaque fois que cela s'impose,
de ramener des éléments sonores trop longs à des
proportions raisonnables en référence à des
critères professionnels de clarté, de concision et de pertinence.
Mais c'est aussi une responsabilité qui exige un certain sens de la
mesure et de la perspicacité au risque de verser dans une gestion trop
mécanique du calibrage qui ne saurait se résumer à un
simple exercice de << compression » de bandes.
En principe, le montage va bien au-delà pour prendre en
compte des éléments de fond qui recommandent une écoute
intelligente des bandes proposées à la diffusion pour en retenir
l'essentiel. Car, une lecture linéaire et trop sommaire d'une bande peut
entraîner une mauvaise évaluation de l'intérêt de
certains propos ou une mauvaise identification des passages inutiles à
expurger. Le contraire est aussi possible.
Autrement, il va de soi qu'au terme de ce nettoyage, les
longueurs, les redites, les circonlocutions soient passées à
la trappe, mais - et c'est là l'enjeu - sans que le produit issu de
ce montage ne perde sa cohérence. Il s'agit de le contracter sans le
dénaturer,
de le rendre plus intelligible sans le biaiser. Une
performance que ne pourra atteindre un secrétaire de rédaction
obnubilé par le seul souci de faire respecter la durée
affectée à chaque reportage en conférence de
rédaction.
Il faut autant que faire se peut respecter le style et le
"feeling" du reporter. Le secrétaire de rédaction et le
rédacteur en chef doivent se comporter comme des arrangeurs et non comme
des destructeurs. Pour minorer les risques de tensions inhérents
à leurs fonctions de relecture, de correction et de calibrage, ils
éviteront d'être trop royalistes et rigoristes sur certaines
questions qui relèvent davantage de la sensibilité personnelle
que des principes professionnels. Du moins, il y a un équilibre à
rechercher entre les deux.
Seulement, il est bon de souligner que le secrétaire de
rédaction, dans ses oeuvres, n'est souvent pas aidé par le temps.
Ainsi, il faut admettre que la pression du temps et autres déterminants
subjectifs peuvent avoir raison de ses facultés de discernement. Lequel
discernement voudrait que la «loi des ciseaux » ne soit pas
appliquée indifféremment et à l'aveuglette au motif
d'avoir à résoudre le genre d'équation qui consiste, par
exemple, à ramener à 30 secondes un élément de deux
minutes. La manoeuvre est toujours possible mais ce qui est moins garanti,
c'est la qualité du résultat. Autant, il peut être
merveilleux en termes de concision et de pertinence, autant il peut être
désagréable comme cela arrive par moments avec certains types
d'extraits sonores sans tête ni queue. Le cas échéant, on a
tôt fait de frustrer l'auteur du reportage ainsi massacré qui n'y
va pas par quatre chemins pour affronter la rédaction en chef.
Peut-être devra-t-on se faire à l'idée que le reportage
radiophonique est un genre frustrant. La consolation aurait pu venir de la
Production qui est de nature à favoriser une plus large
possibilité d'expression du journaliste ; mais hélas, le
dénuement matériel et la détresse
psychologique et qui y règnent, sont plus que dissuasifs pour les
potentiels candidats.
1.2 Le management du personnel
Homme de tous sans être l'homme de personne, le
rédacteur en chef doit se comporter comme une mère de jumeaux, le
rédacteur en chef doit se distinguer dans l'art de se coucher sur le
dos. Les bons, les moins bons, les mauvais attendent de lui un traitement
égal qu'il ne peut d'ailleurs pas leur concéder au nom de
l'équité.
Les éléments les plus dévoués se
plaignent d'être logés à la même enseigne que les
paresseux, les tireurs au flanc et les improductifs. Seulement là, le
problème devient très délicat lorsque, les premiers trop
conscients de leur force de nuisance en arrivent à menacer de paralysie
le fonctionnement de la rédaction. Leur menace est loin d'être
banale ou virtuelle, dans la mesure où, au regard de leur
disponibilité, de leur efficacité, de leur
générosité dans l'effort et de leur conscience
professionnelle, l'on est tenu de reconnaître qu'ils constituent ce qu'il
convient d'appeler les « indispensables » de la rédaction.
1.3 L'affectation des reportages
Voilà un exercice bien difficile qui démontre
toute la complexité de la gestion des hommes et de leurs
intérêts dans une rédaction de presse. Trop de calculs sont
échafaudés dans le dos du « patron ». Mais, qu'on ne
s'y trompe pas ; ces calculs sont sous-tendus par des motivations que l'on
qualifierait pudiquement de pécuniaires mais qui n'en sont pas moins
alimentaires. Surprise : des groupes de pression se constituent
autour de cet enjeu pour revendiquer un accès
égalitaire de tous aux reportages et autres missions.
L'enjeu, puisqu'il faut appeler un chat par son nom, est moins
l'amour du travail que le souci de tirer profit des nombreux
«communiqués finaux » qui sanctionnent les séminaires
et congrès d'ONG ou meetings de partis politiques. Nul ne s'en prive et
ne souhaite en être privé. A vouloir régir ce genre de
pratiques, on y laisse forcément quelques plumes. Ces per-diems sont de
réels compléments de revenus pour le journaliste qui mise
énormément sur cette rentrée financière pour
gérer le quotidien et pouvoir terminer le mois avec moins de douleur. Un
reporter consciencieux ayant le sens de l'épargne serait capable de
tirer de l'accumulation mensuelle de ces per-diems un revenu égal
à 75 % de son salaire. Ce n'est pas rien !
D'ailleurs, ceci explique en partie les ennuis du
rédacteur en chef dont l'impartialité est mise en cause; lui qui
est pourtant animé par un souci d'efficacité dans la
programmation et l'affectation des reportages. S'il cède aux pressions
ou si simplement, il se montre très accommodant sur cette question, il
finira par être l'otage du clan des courtisans avec le risque dans ce cas
d'affronter en permanence le groupe des mécontents qui
généralement ne s'en font pas conter. Le moins qu'on puisse dire
est que l'arbitrage n'est pas aisé.
1.4 Les candidats aux commentaires
Les journalistes ne se bousculent pas pour ce genre
journalistique. Parmi eux, se trouvent quelques esprits critiques qui tournent
en dérision cet exercice au prétexte que la somme des
commentaires faits en plusieurs années sont restés sans impact
sur le comportement des dirigeants, des pouvoirs publics. Un peu comme de l'eau
versée sur
le dos du canard. Tout bien pensé, ils ont raison. Mais
l'on ne peut pour autant étouffer la passion que quelques rares
collègues ont pour ce genre. Et, n'oublions pas que c'est aussi une
affaire de mérite, car, en plus d'être un réservoir
d'idées, le commentateur est censé avoir une bonne maîtrise
de la langue française et de ses divers artifices et
sinuosités.
Heureusement, les détracteurs du commentaire n'en sont
pas moins friands. En tout cas, il est établi que la côte de la
Rédaction et même de la radio est souvent proportionnelle à
la fréquence et à la qualité des commentaires
proposés aux auditeurs qui affectionnent bien ce genre. Mais la
rédaction la plus généreuse du monde ne saurait donner
plus qu'elle n'en a. A défaut de servir à son auditoire un
commentaire par jour, pourquoi ne ferait-on pas en revanche l'option des
commentaires épisodiques dictés par certains
événements hors du commun. Hélas, à
l'épreuve, le décalage est souvent déroutant entre la
fréquence de tels événements et la disponibilité
des commentateurs.
1.5 La revue de presse : parent pauvre
Exercice difficile pour un genre journalistique pourtant
très valorisant. A tort ou à raison, une frange non
négligeable des rédacteurs, les débutants notamment, en
ont une peur bleue. Il est trop exigeant en termes de temps. Beaucoup y voient
une corvée qui vous prive d'une partie de votre week-end s'il s'agit de
la revue de presse hebdomadaire. Rappelons ici la réaction de ce
confrère, d'une certaine ancienneté dans le métier, que
l'on venait de soulager de la « corvée » de la revue de presse
et qui s'est empressé de déclarer « cela ne m'arrivera plus
jamais... ».
Cela en rajoute forcément au mérite des
Rédactions et des rédacteurs qui en assurent une animation
quotidienne grâce à un système de rotation qui permet de
démocratiser l'exercice. Bon an mal an, de gré ou de force,
chacun se met à l'épreuve et se perfectionne, à l'image du
forgeron qui ne s'affirme qu'en forgeant et du vin qui ne se bonifie qu'en
vieillissant. Ainsi, la leçon est bien connue : la revue de presse est
davantage l'affaire des journalistes épris de culture et
d'intellectualisme que celle des mordus des chiens écrasés ou des
routiniers des reportages classiques. Tout comme le commentaire, il est clair
que la revue de presse a un effet dopant incontestable sur l'audimat. Mieux,
elle représente un atout différentiel dans un paysage
médiatique pluriel.
L'expérience a par ailleurs prouvé que les
réalisateurs de revues de presse sont très courtisés par
les directeurs de publication de journaux. A chaque fin de semaine, ces
derniers entrent en pourparlers avec les animateurs de revues de presse pour
négocier l'exploitation ou la citation de leurs articles ou signatures.
Venant des confrères, ce genre de sollicitations mettent le
réalisateur de la revue de presse dans une situation embarrassante.
Généralement, l'esprit de confraternité l'incite, à
son corps défendant, à prendre les choses au sentiment
plutôt qu'à opposer à ses courtisans une fin de non
recevoir.
Puisqu'il ne peut faire plaisir à tous, le
réalisateur de la revue de presse s'époumone parfois à
vouloir démontrer à ses vis-à-vis qu'il ne suffit pas
qu'un article soit publié dans un journal pour être exploitable
dans une revue de presse. Ainsi, il n'y a aucun intérêt à
faire écho des chrysanthèmes dans une revue de presse. Une
appréciation valable également pour toute information qui
n'alimente pas un débat d'actualité (de
préférence contradictoire) ou une réflexion
d'une certaine portée politique, économique, culturelle, etc.
L'affirmation de ce principe est souvent très mal
comprise, mais vaille que vaille, le journaliste doit tenir bon, quitte
à être taxé de « vendu ». Qu'importe, si tel est
vraiment le prix à payer pour ne pas dé-professionnaliser ou
prostituer sa revue de presse.
On n'aura pas tout dit de la revue de presse tant qu'on n'aura
pas souligné qu'il s'agit d'un genre particulièrement sensible.
Il requiert de son réalisateur beaucoup de doigté et un sens
élevé de la responsabilité sociale. Certes, la
sélection des faits qu'il rapporte dans sa revue de presse ne sera
jamais neutre et totalement désincarnée, mais tout au moins, il
devra pratiquer le culte de la vérité. Aussi doit-il se garder de
servir de boucs émissaires à des querelles de clochers par
médias interposés.
A l'évidence, il y a là un gros risque de
dérapage qui fonde d'ailleurs la décision de certaines instances
africaines de régulation de la presse de suspendre la diffusion de la
revue de presse en période électorale. Une mesure ponctuelle
d'assainissement destinée à ne pas en rajouter à la
surenchère politique et d'assurer une équité des
médias vis-à-vis de toutes les sensibilités politiques
nationales.
1.6 Les audiences..., corvée de toutes les
corvées
La couverture des audiences présidentielles. Faites-en
l'objet d'un sondage et à l'unanimité, l'on vous dira combien cet
exercice est cassant, déprimant. A la limite, on peut s'en servir comme
punition envers journalistes paresseux et grincheux. C'est aussi le lot souvent
réservé aux stagiaires. On y perd énormément de
temps sans y apprendre grand-chose avec deux gros désagréments au
bout du rouleau : la fatigue et la faim. Professionnellement, c'est un
gâchis et les Rédactions gagneraient à
réorganiser le mode de couverture de cette
activité assez spécifique. Déjà, l'idée de
faire assurer cette tranche par les attachés de presse fait son chemin.
Et ceci, pour la bonne raison, qu'il est plus juste que celui qui
s'échine à la tâche, ne soit pas différent de celui
qui poussera le cri de la victoire.
1.7 La préparation des éditions du
journal
On ne saura jamais quelle est la durée moyenne requise
pour préparer un bon journal. La gestion du temps reste la chose la
moins bien partagée dans les rédactions. De la conférence
de rédaction tenue généralement entre 8h30 et 9h, à
la présentation du journal en studio autour de 13 h, le temps
paraît a priori serré pour sélectionner les
dépêches du jour, les traiter, faire certains enregistrements
(interviews, commentaires ou revues de presse), vérifier quelques
informations au téléphone ou sur le terrain, assurer le montage
des duplex, discours et autres déclarations recueillis à
l'occasion des séminaires, relire les reportages, calibrer l'ensemble du
journal, établir le conducteur, rédiger et fignoler les
titres.
Cet enchaînement d'étapes laisse penser à
une masse énorme de travail. Et c'est bien le cas de le dire. Ce qui en
principe ne devrait laisser le moindre répit aux équipes du
journal. Mais c'est mal connaître les journalistes que de vouloir les
astreindre à un régime ou à une posture de bureaucrate.
C'est dans leurs va-et-vient intempestifs, dans leurs chahuts intermittents et
dans leur fébrilité contagieuse qu'ils confectionnent leurs
journaux. Une aventure où le temps n'est souvent pas leur ami.
N'empêche, dans une bonne rédaction, il y aura toujours dans la
tranche de préparation du journal, assez de place pour l'animation, la
rigolade, l'évasion et la bouffe.
Les uns, rodés par l'expérience s'y prennent
très tard et s'en sortent à merveille sans que l'auditeur n'ait
à douter de quoi que ce soit. Par contre, il arrive bien souvent que la
qualité ne soit pas au rendez-vous, faute d'un travail soigné
imputable à une mauvaise gestion du temps. Les esprits avisés et
peut-être pas seulement eux, peuvent s'apercevoir par moments de certains
problèmes de finition du journal à travers des démarrages
difficiles à l'antenne, des cafouillages, des pédalages
répétés, des inversions dans l'ordre de passage des
extraits sonores, des lancements incohérents ou sans suite logique, etc.
Mais l'étape la plus sacrifiée semble être celle des
titres. Là aussi, les titres sans relief, écrits à main
levée et restitués sans conviction ne trompent pas et renseignent
presque toujours sur les conditions de préparation du produit.
En fait, deux journaux parlés ne se ressemblent jamais
et chaque directeur de journal y va de son tempo et y imprime aussi bien sa
personnalité que son savoir-faire. Alors, autant ne pas succomber vaille
que vaille au charme des modèles ou des idoles. A chacun son rythme ! A
chacun son style! Il est plutôt normal que se côtoient dans une
même rédaction, ceux qui, d'un côté aiment marcher
comme sur des oeufs et de l'autre, les adeptes des sensations fortes : des
journalistes pour qui la pression de l'urgence est un facteur d'incitation. Ils
ne sont inspirés que lorsque le temps presse et qu'ils ont le feu aux
fesses. A la Rédaction de Radio-Bénin, quelques uns
éprouvaient un réel plaisir à défier le temps parce
que capables de commencer et de boucler une revue de presse à 30 minutes
du journal. En plus de leur compétence, ils avaient un grand atout : la
sérénité et un sang-froid olympien. Quand, ils sont aux
commandes du journal, eh bien, ils font figure d'artistes !
En règle générale, les cinq
dernières minutes précédant le journal sont infernales
et
fermeture de ses guichets. Autrement dit, de tous les
médias, la radio est celui où la dictature de l'urgence est la
plus insupportable. Et il y a bien de quoi prendre peur pour les cardiaques et
les hypertendus. Une réalité que confirme l'enseignant et
chercheur en sociologie Alain Accardo : « les journalistes de radio sont
des gens pressés car ils ont pour obligation de produire à des
échéances fixes et impératives, souvent très
courtes »23 Raison de plus pour apprendre à compter avec
les surprises qui savent être désagréables envers ceux qui
se plaisent à jouer avec le temps et à ruser avec les principes.
Une confusion qui s'installe dans les dossiers à l'antenne, un journal
qui s'emballe, des éléments sonores qui ne répondent pas
à l'appel, un montage approximatif, un dossier mal paginé, un
invité parachuté in extremis dans le journal comme un cheveu sur
la soupe, des titres égarés...
Voilà autant de situations aussi imprévisibles
que chaotiques susceptibles d'ébranler un directeur de journal et de
conduire l'édition en cours à la catastrophe. Le cas
échéant, on en sort tout petit, tout déprimé et
même prêt à s'autoflageller pour la bonne raison qu'en
radio, une erreur commise à l'antenne est multipliée par
n millions de paires d'oreilles d'auditeurs.
La leçon ? Eh bien, un journal, mieux vaut y consacrer
du temps, y mettre du coeur et de la rigueur. Plutôt s'abstenir si l'on
n'est pas fait pour ou encore si cela devait devenir un forcing.
L'expérience aura prouvé que la présentation du journal,
un exercice très passionnant et très exaltant en début de
carrière peut devenir au fil des ans lassant et peu engageant à
force de répéter les mêmes gestes et de reproduire les
mêmes réflexes. Il n'est donc pas exclu, si cela s'impose, de
rompre momentanément la monotonie quitte à rebondir plus tard.
23 A. ACCARDO, les journalistes au quotidien,
Le Mascaret, Bordeaux, 1995, p.199
Par conséquent, la créativité et le sens
de l'initiative sont des qualités que doivent s'approprier et renouveler
chaque jour, toute Rédaction de presse afin de ne pas s'enliser dans les
sentiers battus et les lieux communs. A la presse écrite comme dans
l'audiovisuel, les meilleures parutions ou éditions sont celles
où l'initiative, le punch de journalistes motivés et le
réflexe de l'investigation ont pris le pas sur l' «officialite
» avec son cortège de chrysanthèmes et autres
séminaires-ateliers et colloques sur des thèmes tout aussi
éculés et mille fois ressassés. Mais, à
l'évidence, ce n'est pas avec des disques aussi rayés que les
Rédactions de presse peuvent prétendre doper leur audimat ; ce
n'est non plus avec des articles rédigés dans un style
stéréotypé et écrits à main levée
qu'elles pourront soutenir la concurrence et décrocher
éventuellement des palmes de professionnalisme.
1.8 Les éditions dites extrêmes
On rencontre dans les rédactions de la région ouest
africaine une organisation quasi identique des éditions du journal
parlé. En dehors des flashes d'information, la Rédaction de
Radio-Bénin a quatre principaux rendez-vous quotidiens avec le public.
Ceux de 13 heures et de 20 heures considérés comme des
éditions-phares dépassent en importance et en audience les «
extrêmes » (7 heures et 22 heures) en raison même des heures
de diffusion et des contenus. En réalité, de toutes ces
éditions, il y en a une qui ravit généralement la vedette
aux trois autres. Immanquablement, il s'agit de celle de la mi-journée
(12h30 ou 13 h selon les organes) et dont la préparation mobilise le
maximum d'énergies physiques et de ressources intellectuelles. Chose
d'autant plus normale qu'elle alimente toutes les éditions suivantes de
la journée jusqu'à celle du lendemain à 7h ou 7h 30 selon
les cas.
Traditionnellement, le << 13 heures » est la
mère nourricière de tout ce qui suit dans la journée comme
bulletins d'informations. Mais dans la pratique, il arrive que le << 20
heures » prenne admirablement sa revanche sur le << 13 heures »
chaque fois que les contingences de l'actualité inscrivent au programme
de l'après-midi, des événements aussi croustillants
qu'exceptionnels tels qu'une escale dans la capitale du Souverain Pontife,
l'ouverture d'un sommet régional ou international, une conférence
de presse du collectif de l'opposition, une déclaration de candidature
aux élections présidentielles, une annonce de démissions
en cascade au sein de l'Exécutif ou encore un remaniement-surprise, etc.
Le cas échéant, il est nécessaire qu'une conférence
de rédaction soit convoquée en début d'après-midi
pour fixer quelques attributions essentielles pour la réussite de
l'édition de 20 heures pour laquelle tout un peuple aura pris
rendez-vous. C'est dire à quel point une inversion des priorités
est toujours possible au gré des événements pour faire
passer le << 20 heures » du statut d'édition secondaire
à celui d'édition-phare. Et seules les capacités
d'organisation interne et le degré de souplesse dans la gestion des
équipes permettent à une Rédaction de s'en tirer à
bon compte. Autrement, bonjour les tensions!
En fait, à bien y regarder, c'est au niveau du contenu
que s'arrête la concurrence entre le << 13 » heures et le
<< 20 heures » dans la mesure où les équipes de
présentation sont souvent partiellement voire entièrement
reconduites en ce qui concerne ces deux tranches d'actualité. Il faut
attendre les extrêmes à 22 heures et 7 heures pour observer une
variation de style et de ton. Et de ce point de vue, on a souvent eu tort de
vouloir faire de ces extrêmes de simples éditions de rattrapage.
Car, il s'agit moins de réchauffer des informations refroidies que de
relancer l'intérêt de l'auditoire à travers un style plus
captivant.
Là réside le plus grand défi pour le
présentateur des éditions dites extrêmes qui doit faire
peau neuve en renouvelant la forme et en enrichissant, au besoin, le fond. A
condition, bien entendu, que l'évolution de l'actualité lui en
donne l'opportunité. En revanche, par rapport à
l'actualité internationale, il y arrivera plus aisément en
gardant un oeil rivé sur le téléscripteur ou le serveur de
dépêches. En clair, tout nouveau présentateur des
extrêmes doit aborder sa nouvelle responsabilité dans une
dynamique qui devrait apporter un démenti à tous ces
préjugés défavorables qui véhiculent, à tort
ou à raison, le sentiment hélas largement partagé que les
extrêmes n'ont pas d'identité propre et ne seraient qu'une
pâle copie des éditions précédentes. L'argument qui
consiste à présenter ces éditions extrêmes comme des
synthèses ou des résumés ne résiste pas à
l'accusation.
L'autre responsabilité que sont amenés à
assumer les présentateurs des extrêmes, c'est de se retrouver
parfois confronté à des dilemmes, c'est-à-dire à
des prises de décision qui ne relèvent pas en temps ordinaire de
leurs compétences. Exemple, pour ne citer que celui-là, d'un
groupe parlementaire qui, sans crier gare, se pointe à dix (10) minutes
de l'édition de 22 heures au motif d'avoir un communiqué urgent
à y présenter en direct. La gestion d'une telle contingence
requiert à la fois, du métier, du tact, de la jugeote et beaucoup
d'autorité pour trancher.
1.9 Les missions: monopole ou démocratisation
?
Pour une question d'équité, il convient de
donner à chacun sa chance. Le principal critère de
désignation à une mission devrait se rapporter à
l'aptitude professionnelle à répondre aux attentes de sa
rédaction en termes de collecte et de diffusion de l'information la plus
pertinente. A cette condition de bonne tenue professionnelle,
pourraient s'ajouter des considérations d'ordre moral.
Une tête bien pleine n'est pas toujours bien faite et c'est un drame que
de ne s'en apercevoir qu'une fois en mission, en territoire étranger.
Pour une mission avec le chef de l'Etat, il est plutôt normal que le
rédacteur en chef soit assez regardant sur le profil du reporter
pressenti.
Les missions à l'étranger constituent l'une des
rares sollicitations pour lesquelles les journalistes se font le moins prier.
Sinon, presque pas. En effet, ce sont des occasions rêvées de
sortir du train-train habituel et d'aller à la découverte de
nouveaux horizons, de nouer des relations tous azimuts et de se remettre en
cause. Professionnellement, les missions à l'étranger sont dignes
d'intérêt. C'est une autre dimension du métier au moyen de
laquelle le journaliste acquiert ou aiguise ses réflexes de
célérité, de curiosité et d'ouverture.
Autant le dire, les retombées d'une mission à
l'étranger ne sont pas que professionnelles. Si les candidats à
ces missions font des coudes et des mains, rivalisent d'intrigues et de
grenouillages pour être positionnés à la bonne heure et sur
la meilleure opportunité, ce n'est évidemment pas pour les beaux
yeux du ministre ou du chef de l'Etat. Le journaliste sait qu'il y trouvera son
compte, financièrement parlant. Et pour cause: les frais de mission d'un
seul séjour de dix jours de voyage en Amérique ou aux Emirats
arabes sont parfois sans commune mesure avec l'équivalent de trois mois
de salaires au pays. De quoi faire pâlir de jalousie ceux qui n'y ont pas
droit. Or, chacun sait que la sédentarité est l'une des choses
dont s'accommode très mal un journaliste.
On comprend dès lors pourquoi la course aux missions a
toujours eu de nombreux adeptes, chacun attendant son tour, calendrier et
calculette à la main. D'où la nécessité pour la
rédaction en chef de tenir à jour un agenda des sorties. Un
agenda qu'il
respectera dans la mesure du possible. Seulement dans la
mesure du possible si l'on sait que l'affectation des missions est l'une des
prérogatives que la rédaction en chef préfère
gérer souverainement. Ce faisant, il s'attire bien des foudres et
inimitiés.
1.10 A qui le tour ?
Ainsi, pour diverses raisons objectives ou subjectives, on
pourra constater que dans l'intervalle d'une même année, tel
collègue vient de s'envoler dans une délégation
présidentielle pour sa troisième mission à
l'étranger pendant que tel autre en est encore à négocier
son premier voyage. Devant cette politique de « deux poids, deux mesures
», la réaction naturelle des journalistes lésés est
de crier à l'injustice et à l'exclusion et sont de ce fait peu
disposés à comprendre, comme s'efforce de l'expliquer le
rédacteur en chef, que les choix portés sur certains reporters
sont dictés par des critères de compétence,
d'expérience et d'efficacité.
Face à de telles exigences, il va de soi que le
principe de la rotation mécanique a ses limites. A quoi bon confier la
couverture d'un périple économiquement stratégique du chef
de l'Etat à un collaborateur si l'on sait qu'il ne sera pas à la
hauteur de la tâche ? Si l'on sait par exemple qu'il ne sera pas en
mesure de câbler sa rédaction pour un minimum d'une retransmission
par jour. En clair, l'obligation de résultats que l'on a
vis-à-vis de sa rédaction et encore plus le devoir d'information
vis-à-vis du public priment de loin sur le plaisir d'aller en mission.
Il reste toutefois qu'un effort mérite d'être fait dans la
recherche du meilleur équilibre possible entre les abonnés aux
missions et ceux qui ne demandent qu'à faire leur preuve, sinon leur
coup d'essai. Ne faut-il pas leur donner une chance?
De toutes les façons, le jeune journaliste ne tardera pas
à comprendre que les missions
pleinement rempli que lorsqu'il a pu marquer sa
présence dans les principaux rendezvous d'information de sa
rédaction, et ceci, de façon régulière. Or, cet
objectif parfois difficile à atteindre est sujet à une
série d'aléas : accès au téléphone,
fonctionnalité des liaisons téléphoniques,
décalages horaires, etc. Et quand bien même toutes ces conditions
seraient réunies, l'envoyé spécial devrait en plus avoir
la chance de pouvoir faire enregistrer ses duplex (correspondances) par sa
rédaction ou les services techniques de son organe. Car, en la
matière, la célérité relève
généralement de l'exception.
Rien n'est donc gagné d'avance dans cette
épreuve de nerf où il arrive malheureusement que le journaliste
soit maintenu en ligne depuis l'Europe, par exemple, pendant quinze bonnes
minutes. Un délai que ses collègues, de l'autre côté
passent presque entièrement à rechercher dans un premier temps,
un bobinot, un bout de bande magnétique, à courir ensuite
après la clé d'un studio ou un studio disponible et à
faire décoller enfin un technicien pour l'enregistrement proprement
dit.
De nombreux journalistes ouest-africains interrogés sur
ces moments de leur carrière, gardent un très mauvais souvenir de
ce genre d'expériences aussi stressantes que démotivantes.
Toutefois, ces dernières années, le niveau d'équipement de
la Rédaction de Radio-Bénin permet désormais d'enregistrer
directement ses envoyés spéciaux à partir de
matériels adéquats installés dans l'environnement
immédiat des journalistes pour plus d'autonomie. Pour
Radio-Bénin, le meilleur est à venir !
1.11 La gestion des compétences
La compétence du journaliste se mesure moins à son
profil intellectuel qu'à son savoir-
titulaire du diplôme le plus élevé en
Droit qui verrait automatiquement sa candidature validée pour la
couverture au quotidien des travaux de la Cour d'Assises. Ainsi, il n'est pas
étonnant qu'un excellent théoricien de la Communication soit un
piètre reporter.
Heureusement, dans ce métier, la compétence est
l'une des rares choses qu'on ne peut décréter ; elle intervient
généralement au bout d'une pratique continue, soutenue, assidue
et rigoureuse. Il reste que les critères d'appréciation de la
compétence ne sont pas standards. Dans une rédaction, on
frustrerait facilement un collaborateur en l'excluant de certaines
activités au motif qu'il n'est pas compétent. Par contre, on
édulcorerait la sentence en précisant qu'il est compétent
pour une telle prestation de service ou dans tel genre journalistique et qu'il
l'est moins ou pas du tout dans tel autre.
Chose d'autant plus normale qu'aucun rédacteur en chef
ou directeur d'organe ne s'attend à voir un même rédacteur
traiter tous les dossiers de la rédaction avec une égale
perfection. Une Rédaction n'a pas de compétences en dehors de la
somme et surtout de la diversité des compétences de ses
animateurs. C'est d'ailleurs dans un tel esprit qu'il devient possible de
suppléer les compétences des uns aux limites des autres. S'il est
vrai comme nous l'enseigne l'Ecriture Sainte que tout homme est pourvu d'un
talent, on devrait être en droit d'en déduire que toute
Rédaction est un concentré ou une mosaïque de
compétences.
Seulement, une chose est d'être nanti de
compétences ou d'en avoir à sa disposition de par sa
qualité de chef de service ou de responsable et une autre est de savoir
en faire bon usage. Une manière de dire que la gestion des
compétences dans une Rédaction requiert aussi des
compétences, du moins un certain sens de l'équilibre
doublé d'une réelle capacité d'évaluation des
prédispositions, des qualités professionnelles, des centres
d'intérêt mais aussi des points faibles des individualités
qui composent la
rédaction. Pour la méthode, il serait
indiqué d'envisager la tenue d'un fichier individuel de suivi des
rédacteurs. Pourvu qu'il soit utilisé comme un réel outil
de travail et géré sans complaisance.
Sans complaisance, cela signifie qu'il n'y ait aucune place
pour les combines et les grenouillages que multiplient les courtisans à
l'endroit du rédacteur en chef pour se faire programmer sur certains
types de reportages convoités pour leur caractère prestigieux ou
juteux en termes de retombées financières.
Tel journaliste n'ayant jamais manifesté ni de
près ni de loin le moindre intérêt pour les questions
environnementales affiche subitement sa volonté d'assurer la couverture
à l'étranger, d'un Forum mondial des ONG engagées dans la
lutte contre le réchauffement de la planète. De même, il
est inconséquent qu'un journaliste qui ne s'est jamais
intéressé aux questions économiques se mette à
battre campagne pour se voir affecter la couverture, à Seattle, d'un
sommet de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sur la mondialisation des
échanges commerciaux. On peut en dire autant d'un journaliste qui serait
réputé pour être un tireur au flanc et qui en veut à
son rédacteur en chef de l'avoir tenu à l'écart de
l'équipe des envoyés spéciaux devant assurer la couverture
des élections présidentielles.
Ce sont là autant de domaines de souveraineté du
rédacteur en chef qui ne doivent pas lui échapper même si
dans certains cas, son intransigeance peut l'exposer à des campagnes de
sabotage et à des pressions multiformes. L'essentiel est qu'il soit
convaincu de la pertinence de ses choix qui doivent concourir à
maximiser les rendements de sa Rédaction.
CHAPITRE II
II. SOURCES DE CONFLITS / DYSFONCTIONNEMENTS
D'ORDRE
DEONTOLOGIQUE
2.1 L'attaché de presse en question
2.1.1 Attaché de presse du ministre ou du
ministère ?
L'exercice de la fonction d'attaché de presse donne
parfois lieu à des dérapages dommageables à l'image du
journaliste lui-même et à sa profession. Hormis le fait que
l'opinion au sein de sa propre corporation lui est largement
défavorable, l'attaché de presse doit aussi affronter et
démentir par son comportement professionnel, les nombreuses idées
reçues qui font de lui un banal valet du ministre. C'est dire à
quel point l'on ne vend pas cher l'étoffe de l'attaché de presse
dans l'environnement des médias africains. Et il y a bien une cause
à cela...
En réalité, le mal provient de ce que, un
certain goût immodéré de l'affairisme, l'arrivisme, la
vénalité, l'immaturité, la légèreté,
la faiblesse de caractère, le manque de personnalité, ont
contribué à dévoyer une fonction qui, comme toutes les
autres, ne vaut que ce que valent ceux qui l'exercent.
Alors, il est évident qu'un excès de
servilité et de courbettes ne peuvent qu'à terme, fragiliser et
crétiniser l'attaché de presse. Le cas échéant, le
journaliste y perd toute autonomie de pensée et d'action, à la
limite prêt à s'effacer devant la volonté de son
maître. C'est cette déviance poussée à
l'extrême qui a engendré au sein de la corporation, la race des
attachés de presse -coursiers et porteurs de valisettes. Bref, des
journalistes à tout faire qui poussent si loin leur degré de
soumission à leur ministre
ou président (d'institution) au point que l'on en vient
à se demander s'ils sont « attachés à la personne
» de ce dernier ou s'ils sont au service du ministère qui les
emploie. Dans certains cas, la nuance n'est pas évidente ; il y a comme
une confusion délibérément entretenue par quelques
attachés de presse qui y trouvent leur compte.
Curieusement, dans l'euphorie de la jouissance des avantages,
les AP ont tendance à oublier que leur prospérité est
éphémère est surtout tributaire de la
longévité ou non du patron. Qu'il s'agisse d'un ministre ou de
tout autre haut fonctionnaire de l'Etat, rien n'est éternel et son
fauteuil éjectable peut basculer le temps d'un revers électoral,
et du jour au lendemain, l'AP pourrait se retrouver sans attache. Et justement,
cette incertitude du lendemain, cette angoisse de l'infortune peut faire de
l'AP, un homme trop pressé ou carrément arriviste selon les
cas.
De cela peuvent découler les pires excès qui
donnent à penser que les chances d'exercer honnêtement, en toute
droiture et dans les règles de l'art, la fonction d'attaché de
presse relève d'une gageure. Seulement, la tendance un peu facile
à fulminer sans discernement contre les AP et à les loger tous
à la même enseigne est préjudiciable à ceux qui ont
peut-être encore la faiblesse de croire à la pureté de
cette fonction qui relève fondamentalement des relations publiques. Sa
pratique éveille moins de polémiques, de suspicions et de
malaises lorsqu'elle est exercée en dehors du cadre des
rédactions de presse.
2.1.2 Ce qu'on y gagne : les privilèges, l'ouverture
au monde...
Il est clair que le journaliste qui accepte la
responsabilité d'attaché de presse ne le fait pas pour les
beaux yeux de son maître. Toute peine mérite salaire dit-on. Mais
c'est moins le salaire que les faveurs et les largesses d'un patron
généreux qui font les
beaux jours d'un attaché de presse. Selon l'humeur du
ministre ou du président, l'attaché de presse est gratifié
de divers biens, à commencer par les fameux ticketsvaleur ou bons
d'essence et Dieu sait que ça dépanne !
Autres avantages : les missions et les voyages qui
représentent le moyen par lequel un journaliste devenu attaché de
presse, peut multiplier par dix ou vingt ses chances de visiter les cinq
continents de la planète. Alors, ce serait à peine
exagérer que de percevoir la fonction d'attaché de presse comme
une porte d'entrée du journaliste dans la mondialisation. Car,
par-delà les considérations matérielles, il y a le niveau
de culture qui s'en porte mieux pour peu que l'on sache s'ouvrir à
l'essentiel. Un attaché de presse passionné de best-sellers sur
la littérature moderne ou friand de bouquins scientifiques rares saura
faire de ces voyages une aubaine pour étoffer et garnir à l'envi
sa bibliothèque. Pour un journaliste, cela a du prix!
Par ailleurs, à force d'arpenter les couloirs des
grands centres de décision, mais aussi à force de tutoyer les
hommes politiques, l'attaché de presse devient le témoin d'une
foule de situations qui lui permettent de mieux appréhender la
réalité du pouvoir et se faire une opinion sur ceux qui nous
gouvernent. Autant de choses qui peuvent contribuer à son
mûrissement personnel. Aussi, faut-il ajouter que l'attaché de
presse, à travers ses pérégrinations, a la latitude
d'enrichir admirablement son carnet d'adresses et même de pouvoir serrer
la main à quelques « grands » de ce monde. C'est une belle
manière de faire oeuvre utile : entretenir un réseau de
relations, précieuse richesse qui peut servir au-delà de la
carrière.
2.1.3 Ce qu'on y perd : la dignité
L'attaché de presse est en principe un acteur
incontournable dans l'action promotionnelle des ministères et
institutions. Son utilité devient plus visible à l'occasion des
tournées et missions de son patron mais aussi chaque fois que ce dernier
doit intervenir dans les médias. L'attaché de presse joue les
médiateurs en période de crise en négociant l'accès
de son patron aux médias. Les moins chanceux ou les plus
zélés sont en plus appelés à rédiger des
communiqués, contre-communiqués et droits de réponse et
même à rédiger et à proposer au ministre, une revue
de presse quotidienne. Ainsi, les périodes d'effervescence politique ou
de crise sociale sont très éprouvantes pour l'attaché de
presse qui n'a droit au répit que lorsque l'orage est passé. En
attendant que son ministre se décide à sortir de sa
réserve pour répondre officiellement aux éventuelles
attaques de la presse, l'attaché de presse est parfois contraint d'aller
au charbon avec ce que cela implique comme risques de compromission pour un
journaliste.
Bon an mal an, il est du ressort de l'attaché de presse
de rechercher en permanence les moyens par lesquels il doit réussir
à projeter l'image la plus reluisante possible du ministère ou de
l'institution qu'il sert. Et c'est malheureusement cette « obsession de
l'enjoliver » qui l'éloigne des principes éthiques du
journalisme. Car, dans un dossier qui engage la crédibilité de
« son » ministère, il est plutôt rare qu'un
attaché de presse se démène particulièrement pour
rechercher l'équilibre entre plusieurs vérités.
Généralement, c'est celle de son ministre qui fait foi et
autorité. Il est donc clair qu'un attaché de presse ne pourra
jamais avoir la confiance de son rédacteur en chef quand il s'agira du
traitement d'un dossier dans lequel son ministre est trempé.
Les risques de manipulation et de partialité sont
immenses et apportent de l'eau au moulin des partisans de la thèse de
l'incompatibilité entre journalisme et fonction d'attaché de
presse. Et si, le souci d'un traitement équitable de l'information a
amené par exemple, la Haute Autorité de l'Information et de la
Communication du Bénin (HAAC)24 à exclure les
attachés de presse de la couverture médiatique des campagnes
électorales de 1999 et 2001, ces derniers ne devraient pas en rougir.
Bien au contraire, cette précaution les préserve d'une occasion
de chute professionnelle. A signaler d'ailleurs que la mesure concernait
notamment les attachés de presse dont les ministres ou patrons
étaient candidats à la députation ou à la
magistrature suprême.
En vérité, la difficulté, c'est moins la
connaissance de la loi que son respect. Et de ce point de vue, combien
d'attachés de presse se sont fixé des limites dans la
défense des intérêts de leurs maîtres ? Combien
d'entre eux ont assez de maturité et de témérité
pour dire non à un ministre ou un responsable d'institution qui
tenterait de faire d'eux les boucs émissaires d'un montage de
contre-vérités à des fins de manipulation de l'opinion
publique ? Certes, il y en a, mais trop peu nombreux pour justifier
l'exception, pour donner de la voix et faire école. Et pourtant, il
suffira au moins une fois, si cela s'impose, de pouvoir et d'oser dire ce
« non» catégorique qui valorisera sa propre personne et son
métier et bien plus, pour s'offrir l'occasion de donner à un
responsable politique, une leçon d'honneur et de dignité.
Mieux, c'est encore à l'attaché de presse
lui-même de faire comprendre à ses employeurs que son
rôle ne saurait se limiter à déambuler dans les
allées des séminaires pour la gestion des perdiems, encore
moins pour n'assurer que le suivi des
24 La Haute autorité de l'audiovisuel et de la
communication instituée par les articles24, 142 et 143 de la
Constitution du 11 décembre 1990 veille au respect des libertés.
Elle a pour mission de garantir et d'assurer la liberté et la protection
de la presse, ainsi que tous les moyens de communication de masse dans le
respect de la loi. Elle veille au respect de la déontologie en
matière d'information et d'accès équitable des partis
politiques, des associations et des citoyens aux moyens officiels d'information
et de communication
photocopies de documents et la ventilation des discours. Ce
n'est point valorisant pour un journaliste. N'empêche, beaucoup de doyens
sont passés par-là et ne le regrettent pas forcément en
faisant la balance entre les servitudes subies et les intérêts
engrangés. C'est à croire que la fonction semble toujours avoir
de longs jours devant elle. Surtout que - et il est bon de le savoir- ce n'est
pas sous tous les cieux que l'attaché de presse est perçu comme
un suspect et traité comme la cinquième roue du carrosse.
2.2 L'attaché de presse et sa
Rédaction
Les Rédactions de la radio et de la
télévision nationales sont les principales pourvoyeuses
d'attachés de presse. C'est dans ce vivier que viennent puiser la
quasitotalité des institutions, les ministères et même la
présidence de la République. Cela suffit à donner de la
légitimité aux attachés de presse qui sont surtout
conscients d'être, après tout, en mission pour l'Etat. Cette
tutelle qui ne dit pas son nom n'en constitue pas moins un bouclier contre les
offensives peu amènes de ceux qui brandissent la menace de
dégager les « AP » de l'effectif des organes de presse pour
les reverser à l'administration à laquelle ils sont «
attachés ». C'est dire à quel point la controverse est vive
entre partisans et adversaires du cumul des genres; la tension se ravive
lorsqu'en période électorale, interdiction est faite aux «
AP » d'en assurer la couverture.
Dans de nombreux cas, la mise à exécution d'une
telle menace enlèverait à ces AP leur pouvoir d'action, leur
opérationnalité, leur efficacité, voire leur raison
d'être. Car, n'oublions pas que c'est leur appartenance aux
Rédactions, leur capacité à influencer certains choix,
leur capacité à tirer profit du pouvoir d'information des
médias auxquels ils appartiennent, qui justifient leur utilité et
déterminent la portée de leurs prestations.
Seulement, plus une Rédaction réunit
d'attachés de presse, plus ces derniers sont en mauvaise posture. Il ne
se passera pas un seul jour sans que le rédacteur en chef n'ait à
se plaindre de leur extrême mobilité dans la mesure où ils
sont appelés presque quotidiennement à répondre à
l'appel sur deux fronts: la Rédaction et le ministère. Deux
obligations qui se concurrencent au détriment des Rédactions
déjà mal loties du point de vue des effectifs. Plus des deux
tiers des journalistes officiant à la Rédaction de la Radio
nationale portent cette casquette d'attaché de presse cumulativement
avec leurs activités de journaliste. Et si l'on en croit Godefroy Chabi,
« cette situation est source de piétinements faits de partis pris
et de coloration dans le travail des intéressés ».
Manifestement, leur situation ambivalente donne du fil
à retordre à la rédaction en chef qui se trouve contrainte
d'assumer les défaillances qui en découlent et de gérer
les perturbations que cette même situation engendre au niveau de la
programmation. Evidemment, dans cette gestion des impondérables, il ne
manquera pas de battre campagne pour trouver un remplaçant ou un
suppléant. Mais en cas d'échec, il assumera lui-même et
cela est monnaie courante dans les rédactions à effectif
réduit.
Tel attaché de presse, initialement programmé
à la présentation du journal se retrouve en mission avec son
ministre, tel autre en position de reportage est finalement retenu dans une
session à l'Assemblée Nationale...Voilà autant
d'équations à résoudre de la meilleure façon par la
rédaction en chef, qui, il faut le dire, éprouve beaucoup de
peine à maîtriser cette catégorie de collaborateurs. Et
pourtant, les mêmes rédacteurs en chefs savent que ces
attachés de presse ne sont pas capables que du pire. Ils sont capables
d'user de leurs relations au sommet de l'Etat pour aider les Rédactions
à ouvrir des portes qui se ferment habituellement sous le nez des
journalistes. Ils sont
capables de donner un coup de main à un collègue
qui se plante dans une enquête politiquement sensible. Ils sont en outre
capables de mettre la puce à l'oreille à leurs confrères
dans une situation de rétention de l'information. Alors, est-ce possible
que tout cela n'ait pas un prix?
Nuance tout de même, car si ce mode de fonctionnement de
l'attaché de presse ainsi décrit est très proche de la
réalité béninoise par exemple, il en va autrement dans
d'autres pays de la sous-région comme le Burkina Faso et le
Sénégal où l'attaché de presse n'a pas toujours
pour cadre de travail la Rédaction. Telle semble d'ailleurs la meilleure
formule pour éviter le piège de la duplicité.
Quoiqu'il en soit, on remarque le souci de plus en plus
manifeste chez les confrères de Radio-Bénin de ne pas laisser
confondre le journalisme avec les métiers de la communication et que
Alain ACCARDO dans son ouvrage journalistes au quotidien 25 qualifie
de « nébuleuse allant des attachés de presse aux
publicitaires en passant par les dircom26 et les
journalistes d'entreprise ».
2.3 Le journaliste, la politique et la carte du
parti
Peut-on servir deux maîtres avec une égale
fidélité ? Non, nous répond l'Evangile arguant que l'un
sera aimé et l'autre haï (Mt. 6 / 24). Il en va également
ainsi du journalisme et de la politique qui constituent deux univers
inconciliables. Mieux, nos maîtres nous ont enseigné que les deux
options étaient incompatibles. Mais, ça c'est pour les
théories d'école. Nos organes de presse nous font
découvrir chaque jour d'autres réalités.
L'expérience du terrain n'arrête pas de contrarier cette
leçon des
25 Accardo (Alain), les journalistes au
quotidien, Editions Le Mascaret, Bordeaux, 1995, p.29
26 Dimunitif de « directeur de la
communication»
puristes de la profession. Est-ce pour autant qu'elle n'a pas
été assimilée ? Non, apparemment, la raison ou les raisons
seraient ailleurs.
La sagesse recommande que le détenteur de la carte d'un
parti n'en fasse pas un secret, un jeu de cache-cache au point d'abuser de la
bonne foi de sa Rédaction et de ses confrères. C'est une
responsabilité qu'il faut plutôt assumer avec toutes les
implications professionnelles qui en découlent, à commencer par
l'incapacité temporaire à couvrir les activités du parti
politique dont on est membre. Il serait en tout cas plus responsable de prendre
de la distance par rapport aux événements auxquels se trouve
mêlé son parti politique. Godefroy Chabi de Radio-Bénin ne
le pense pas moins lorsqu'il suggère une alternative qui consisterait
à « isoler momentanément tout journaliste reconnu sous
l'influence des milieux politiques en le destinant à une autre
tâche au sein de la Rédaction de presse ».
Abondant dans le même sens, Serge Tomondji,
précédemment commentateur à Radio Pulsar de Ouagadougou,
propose ce qui lui semble être la solution de sagesse : « mieux vaut
ne confier à cette catégorie de journalistes que des
comptes-rendus qui n'ont pas de grandes conséquences sur la ligne
éditoriale de l'organe ».
Loin de jeter l'anathème sur le journaliste militant
politique, les journalistes interrogés sur cette question
conçoivent qu'au nom de la liberté d'association reconnue
à tout citoyen, le journaliste, lui aussi, puisse s'en prévaloir
pour s'affilier à un courant politique. « Chacun est libre de
militer où il veut, mais que cela ne se reflète pas dans le
traitement de l'information » concède Mme Magatte Diop, chef de
station de la Radiotélévision sénégalaise à
Kaolack, comme pour dire que le cas de la presse béninoise n'est pas
isolé.
Mais, là où le bât blesse et là
où naissent les conflits, regrette Emmanuel Sotinkon, c'est que < le
journaliste membre d'un parti politique est souvent enclin à prendre
parti dans ses analyses, commentaires, reportages, ce qui altère son
obligation de neutralité et d'objectivité ». Et à
Claude Agossou de Radio-Bénin d'ajouter que le vice vient de ce qu' <
il confond l'information et la voix de son maître ». Or, ce genre de
situations, très inconfortables pour l'image des Rédactions,
finissent toujours par mettre le journalistemilitant à mal avec ses
confrères et sa Rédaction qui ne lui pardonnent pas de leur faire
endosser des opinions et des commentaires partisans. Et c'est peut-être
ce genre de déconvenues qui justifient la fermeté de Jacques
Philippe da Matha qui n'y va pas du dos de la cuillère pour trancher le
sort des journalistes-militants-partisans : < ils trahissent la profession.
Ils sont en porte à faux avec la déontologie et l'éthique
de la profession et n'ont pas leur place au sein des Rédactions
».
Une chose paraît désormais sûre, c'est que
<face à l'essor des radios privées, la direction des radios
d'Etat a besoin de professionnels de valeur plus que de militants politiques
»27.
En revanche, s'il doit y avoir pour le journaliste, un
défi encore plus grand que la < neutralité » politique,
cela résiderait certainement dans sa capacité de réaction
professionnelle sous l'emprise des sollicitations partisanes. Ce qui nous
conduirait à partager avec la Société Radio Canada cette
réflexion selon laquelle < ... Le professionnalisme, pour un
journaliste, ce n'est pas tant l'absence d'opinions ou d'émotions que la
capacité de les reconnaître et de s'en distancier, pour
présenter l'information objective» (Société Radio
Canada / Normes et pratiques journalistiques). Et comme pour dire
que le débat sur l'objectivité n'est pas si simple, Henri Assogba
de
27 A.J. TUDESQ, l'Afrique parle, l'Afrique
écoute - Les radios en Afrique subsaharienne, Karthala 20002,
p.90
Radio-Bénin interpelle en ces termes : qui nous dit que le
journaliste qui n'affiche pas ouvertement son appartenance politique traite
« objectivement > l'information ?
2.4 Les journalistes partisans : taupes des
Rédactions
Cette étiquette de «taupe> n'est
malheureusement pas un produit de l'imagination ou une simple boutade pour
enquiquiner les journalistes partisans. Dans la corporation, certains ont fait
de la délation un fond de commerce dans l'unique dessein de gravir au
plus vite les marches de la hiérarchie. Et la condition pour y arriver,
c'est d'être nécessairement à la solde de quelques patrons
influents. Ce qui pourrait laisser croire, à tort ou à raison,
qu'ils n'ont aucun autre atout de réussite, aucune chance
d'émergence professionnelle en dehors de l'allégeance ou du
militantisme politique.
Cette réalité n'est pas propre au journaliste.
On la rencontre dans toute l'administration, mais dans une rédaction de
presse, le phénomène prend une autre dimension. Car, hormis le
fait d'être de véritables empêcheurs de tourner en rond, ils
contribuent à rétrécir le champ d'expression, de critique
et d'action de leurs collègues au sein de la rédaction. Mais il
en sera ainsi aussi longtemps que l'on comptera dans l'effectif des
rédactions des « protégés> ou des «valets>
de ministres, de leaders politiques ou de responsables d'institutions.
Entre deux maux, le bon sens recommande de choisir le moindre.
Ainsi, les journalistes auraient de loin préféré une
menace à leur liberté d'expression venant de forces
exogènes plutôt que cela soit en sous-main l'oeuvre de
délateurs tapis dans leurs rangs. C'est hélas la preuve que l'on
n'est trahi que par les siens. Et en fait de trahison, c'est en
réalité un sacrilège quand on sait à quel point les
journalistes, par essence, sont jaloux du secret de certaines de leurs
conférences de rédaction qui prennent des
allures de conclave. Alors qu'ils tiennent leurs
conférences de rédaction pour un couvent, on comprend que toute
fuite de décision stratégique de ce forum soit de nature à
fragiliser leur pouvoir. Raison pour laquelle les visiteurs et autres
allogènes qui ont tendance à confondre Rédaction et salle
des pas perdus sont vigoureusement rappelés à l'ordre.
En clair, les journalistes ont encore un long chemin à
parcourir pour atteindre l'idéal d'unité et de solidarité
capable de résister à l'épreuve des tentations
pécuniaires, des querelles de clochers, et des rivalités
partisanes avouées ou non. Mais au fond, il s'agit aussi bien d'une
question d'éthique que de maturité et là il convient de ne
pas loger à la même enseigne tous les journalistes partisans.
2.5 La course aux cabinets
ministériels
Les lendemains de scrutins présidentiels ou de
remaniements ministériels sont souvent pénibles pour les
rédactions. En effet, c'est le moment où il faut s'attendre
à une hémorragie du fait de la course aux nominations dans les
cabinets ministériels. Le phénomène est
général et s'observe avec la même acuité dans la
plupart des pays de la sous-région. Les journalistes sont à
l'affût, prêts à mettre en branle leurs réseaux de
relations politiques et d'affinités ethniques pour se faire hisser
à la tête d'un service de communication au sein d'une
entreprise.
C'est aussi la période où la chasse au poste
d'attachés de presse devient très féroce. Mais,
l'alternance à ces postes se fait souvent dans le ressentiment et
l'inimitié lorsque tel confrère doit succéder à un
autre dans un ministère. Cela est perçu comme une manière
de torpiller ses intérêts. Il n'est d'ailleurs pas si rare
d'entendre dire que tel a suscité l'éviction d'un collègue
dans le dessein de pouvoir accéder lui aussi à sa part de
délices ». Il n'en faut pas plus pour se
convaincre de l'immense enjeu que constitue pour les journalistes,
l'accès aux cabinets ministériels. Mais en réalité,
le phénomène est diversement apprécié d'un pays
à un autre. Il est plus dramatisé et décrié au
Bénin qu'au Burkina Faso par exemple où le secteur de la
communication dans la plupart des ministères, est érigé en
direction, à la charge d'un journaliste officiellement nommé en
Conseil des ministres.
2.6 La désaffection des Rédactions et le
rétrécissement des effectifs
Dans l'ensemble des structures qui composent les organes de
presse, les Rédactions passent souvent pour des lieux
stratégiques en raison du pouvoir qui s'y exerce : celui de
l'information. De l'extérieur, ces Rédactions jouissent d'une
auréole de prestige. Mais rares sont les journalistes d'une certaine
ancienneté qui se déclarent volontaires pour y servir. On y
consent trop de sacrifices; on est trop exposé à la sanction
professionnelle et publique. D'où la tentation de passer de l'autre
côté de la rive, non pas seulement par souci
d'altérité mais aussi pour échapper à l'emprise de
la rigueur de fer des rédactions. D'où cette hémorragie
qui caractérise de façon cyclique les services de l'information
et où l'on assiste à la « fuite des doyens ».
Lorsqu'on a traîné sa « bosse » pendant
vingt (20) ans dans une ou plusieurs Rédactions, il y a un fort risque
de saturation et de démotivation. Pis, la sclérose est là,
ce mal qui affecte les finissants, condamnés à ronger leurs
freins dans un environnement peu incitatif. Cette situation provient de
l'inexistence d'un réel plan de carrière pour les journalistes
dans les administrations qui les emploient. Ainsi, la peur de finir comme l'on
a commencé amène la plupart des anciens à se frayer une
porte de sortie au soir de leur carrière.
Certes, il y en a qui ont fait toute leur carrière dans
les Rédactions mais il est difficile de dire s'ils l'ont fait par amour
du métier, par passion, par résignation ou à défaut
d'un exutoire prometteur. Toujours est-il qu'il est devenu un fait rarissime de
voir des têtes grisonnantes présenter assidûment les
journaux parlés et télévisés. D'aucuns
préfèrent se retirer dans le cadre plus douillet des cabinets
ministériels en attendant que la retraite vienne les y trouver. Les plus
chanceux peuvent avoir comme point de chute des institutions plus honorables
telles que les instances de régulation de la presse, les commissions
électorales, les représentations d'agences non
gouvernementales.
A certains égards, leurs aspirations paraissent bien
légitimes et leur démarche tout à fait
compréhensible dans la mesure où il n'est pas aisé de
demeurer sous ordre jusqu'en fin de carrière. A cette situation, les
doyens préfèrent de loin le refuge ou la consolation d'un poste
de direction parfois même sans aucune visibilité. L'essentiel
étant de trouver l'échappatoire qui permette de tirer son
épingle du jeu. Et entre autres schémas possibles, cela peut
passer par la nomination à un poste de conseiller technique qui
donnerait enfin l'occasion de faire valoir ses expériences et où
l'on peut également espérer détenir tout au moins, un
pouvoir de proposition. De là à rebondir pour un portefeuille
ministériel, ce n'est pas loin tant il est vrai que le journalisme
mène à tout: directeur de cabinet, ministre de la défense,
homme d'affaires... Et peut-être prochainement, chef d'Etat. Pourquoi
pas? Mais, attention à l'arrivisme : l'expérience des ascensions
trop fulgurantes n'est pas toujours enthousiasmante quand l'on songe à
certains retours de manivelles très fâcheux. Evidemment, c'est le
prix à payer par tous ceux qui affectionnent les hauteurs; ils ne
peuvent indéfiniment échapper au risque de se brûler les
ailes.
Seulement, de plus en plus, la tendance évolue dans le
sens de l'auto-valorisation à travers des prestations parallèles.
Ainsi, dans les Rédactions, plus grand'monde ne vit de l'exercice
exclusif du métier de journaliste. Au moins 70% des journalistes,
surtout ceux ayant acquis une certaine ancienneté, monnayent, à
coeur joie, leurs talents à travers des consultations privées,
des activités de formation ou de relations publiques. On n'y gagne pas
une fortune, mais tout au moins, de quoi atténuer la
précarité et le malaise des fins de mois difficiles Mieux, ces
activités parallèles ont eu chez certains, un effet
thérapeutique et psychologique salutaire en les mettant à l'abri
du désoeuvrement et d'une mise en quarantaine professionnelle
très nocifs à la santé psychologique d'un journaliste.
Bref, c'est une alternative pour journalistes en mal de valorisation
professionnelle. Mais, bien évidement, un tel filon n'est porteur et
profitable qu'à ceux qui, professionnellement, ont véritablement
quelque chose (des compétences) à vendre.
2.7 Les pressions et tentations politiques
«Toute forme de censure, directe ou indirecte, est
inacceptable. Toute loi ou pratique limitant la liberté des organes de
presse dans la collecte et la diffusion de l'information doit donc être
abolie. Les autorités gouvernementales, nationales ou locales, ne
doivent pas intervenir dans le contenu des journaux, écrits ou
audiovisuels, ni restreindre l'accès aux sources d'information
».
Cette disposition de l'article 4 de la Charte pour une Presse
Libre approuvée en janvier 1987 à Londres à l'occasion de
la Conférence mondiale sur la censure démontre assez clairement
à quel point la liberté de presse est partout en danger. Et cela
est vrai sous toutes les latitudes, tropicales et occidentales où le
voeu secret de tout pouvoir est de contrôler la presse et d'exercer une
emprise sur ceux qui font et défont l'opinion.
Certes, dans la plupart des pays de la sous-région, les
espaces de libertés se sont élargis à la faveur du courant
démocratique des années 90. Même les organes d'Etat jadis
inféodés, dociles et entièrement dévoués
à la cause de leurs maîtres, ont acquis une liberté de ton
enviable. Evidemment, les conférences nationales qui ont fait le deuil
du dirigisme de l'information sont passées par-là.
Résultat heureux : au Bénin comme au Burkina Faso et au Mali, on
a tourné la page des commentaires dithyrambiques et des pamphlets
révolutionnaires à la gloire des partis uniques et des «
leaders bien aimés ». Le parachutage entre les mains d'un
journaliste d'un réquisitoire politique rédigé dans le
salon du ministère de l'information est aussi une pratique
désormais éculée.
Il n'y a qu'à observer ce regain de professionnalisme
qui permet aujourd'hui à des reporters de résumer voire de
réduire à leur plus simple expression, certaines interventions
« fleuves » du chef de l'Etat. De la même manière, le
mythe qui entourait les audiences du président de la République
est progressivement tombé dans quelques rédactions de la
sous-région ouest-africaine où l'on se contente parfois de
légers commentaires sur images. Ce qui, il y a quelques années,
serait passé pour un délit de lèse-majesté et
blâmé en conséquence. Mais attention, prenons garde de
pavoiser et de tenir pour acquis définitifs ces demi-victoires qui sont
trompeuses et qui cachent souvent la vraie nature de ceux qui goûtent
à l'élixir du pouvoir.
La démocratie a incontestablement rendu à la
presse une part appréciable de liberté. Mais, l'on ne saurait en
conclure que pour autant, le réflexe de la tutelle d'un
côté et le complexe de l'obédience de l'autre ont disparu.
A défaut d'avoir disparu, les pressions politiques se sont faites plus
feutrées mais non moins vicieuses. Les plus flagrantes sont celles qui
émanent de la présidence de la République via le
ministère de
l'Information, la Direction générale et les
directions techniques des organes de presse pour terminer leur course et
s'abattre telle une épée de Damoclès, sur la tête du
rédacteur en chef. Il en va de même de certains ordres pressants
mais anonymes - on en connaît rarement les véritables instigateurs
- que le rédacteur en chef se doit de faire respecter sans protocole. Et
que dire de ces nombreuses injonctions on ne peut plus officielles qui prennent
parfois l'allure de véritables mises en demeure d'embargo sur la
diffusion de telle déclaration d'opposant gênante pour le pouvoir
ou de telle autre révélation de malversations économiques
mettant à mal son image.
Plusieurs journalistes rencontrés ces dernières
années déclarent avoir été fortement marqués
par un certain type de censure édictée du sommet et
appliquée sans concession pour surseoir impérativement à
la diffusion d'une interview obtenue de haute lutte ou d'un reportage / une
enquête sur laquelle le reporter s'est échiné plusieurs
jours durant. Dans de telles situations, on peut facilement imaginer la
frustration du journaliste ; elle est d'autant plus grande qu'il n'a droit
à la moindre explication.
Certains confrères ne sont pas près d'oublier le
coup de fil qu'ils ont reçu de la part de hautes autorités
politiques à la fin du journal. Non pas pour les congratuler mais
plutôt pour les tancer à propos d'un commentaire osé. Ce
qui n'est pas plus anodin que l'abus de pouvoir ou la frilosité qui
poussent certains ministres ou hauts responsables politiques à exiger
d'un directeur d'organe la disqualification d'un journaliste au profit d'un
autre pour la couverture d'un événement lié à leurs
intérêts.
La pression politique, c'est aussi lorsque le directeur, sous
la pression du ministre, cherche à connaître les noms des
invités au débat contradictoire que s'apprête
à animer un journaliste. Le comble est qu'il arrive que cette forme
d'immixtion dans la vie
des rédactions se solde par une modification in extremis
et sans fondement objectif, de la configuration du plateau des
invités.
Chaque journaliste sait que toutes ces pratiques sont
contraires aux normes professionnelles. Mais en fait, que peut-il bien rester
du professionnalisme lorsque la raison d'Etat s'introduit dans une
Rédaction par la grande porte ?
Dans ce métier où l'on a facilement la chance de
voir la même chose et son contraire, le journaliste doit s'attendre
à rencontrer des hommes politiques qui se dédisent du jour au
lendemain. Une interview enregistrée aujourd'hui dans l'euphorie peut
devenir caduque le lendemain simplement parce que l'interviewé, pour des
raisons souvent inavouées, aura décidé de se rebiffer et
parfois prêt à tout donner pour obtenir du journaliste et de sa
Rédaction un embargo sur ladite interview.
En pareille circonstance, que faire? S'accrocher mordicus au
devoir d'informer au nom de l'intérêt public ou faut-il consentir
à faire la volonté de son invité d'infortune. A
l'épreuve, ce genre de dilemme conduit à une double
interrogation. Que gagne-t-on en diffusant et que perd-on en ne diffusant pas
une émission dans de telles conditions? , La plupart des journalistes
Interpellés sur ce cas de conscience ont concédé que
« si les risques de la non diffusion ne sont pas supérieurs au
préjudice causé à l'opinion publique et aux ennuis qui
pourraient en découler pour le journaliste lui-même, autant faire,
la mort dans l'âme, le choix de l'embargo ». Seulement, de ce point
de vue, chaque situation sera traitée comme un cas spécifique. Au
besoin, cet embargo pourrait s'assimiler à une mise au frigo en
attendant une circonstance plus propice. Preuve que dans ce métier,
c'est parfois une qualité que de savoir attendre.
En réalité, cette situation n'est pas
différente du comportement de certains interlocuteurs (hommes
politiques, hommes d'affaires, responsables d'institutions) qui se sont
laissés interviewer allègrement, qui se sont exprimés
passionnément pour ensuite revenir quelques instants après
harceler de coups de fils le journaliste ou son rédacteur en chef en vue
de négocier des arrangements au sujet du contenu de leurs
déclarations. En fait d'arrangements, il s'agit souvent de « sucrer
» quelques extrapolations malheureuses, quelques excès ou encore
certains passages où la langue serait peut-être allée plus
loin que le coeur.
Il est évident que si le journaliste veut à tout
prix servir l'intérêt public, il s'entêtera à
diffuser ou à publier cette interview. Mais si en revanche, il choisit
de jouer les « PoncePilatistes », il n'en fera pas davantage que de
hausser les épaules en signe de résignation tout en sachant qu'il
pourrait subir le procès de la compromission. Mais il ne faudra non plus
écarter l'hypothèse du soulagement et de la
sécurité que pourrait lui procurer l'option de la non-diffusion
si tant est son souci de faire l'économie d'une inimitié ou d'une
adversité dont les répercussions sont souvent
insoupçonnées ; les politiciens, dit-on ont la rancune tenace.
Mais alors, on peut comprendre sans forcément cautionner, que le
journaliste, citoyen comme tout autre, père de famille
éventuellement, ait lui aussi parfois envie de mener une vie tranquille,
à l'abri de toute entourloupette.
Dans un tel cas de figure, les choses paraissent bien plus
faciles à gérer que si l'on a affaire à un journaliste
frondeur sur les bords et réfractaire à toute forme de pression
politique d'où qu'elle vienne. Il en existe, heureusement pour la
sauvegarde et l'avancée des libertés chèrement conquises !
Seulement, il n'est pas évident que dans de tels bras de fer avec la
hiérarchie ou le pouvoir, les rapports de force soient à
l'avantage du journaliste résistant. S'il parvient
à faire triompher les intérêts du métier et obtenir
gain de cause avec ou sans le soutien de ses pairs, sa victoire sera
saluée comme un acte de courage et d'affirmation de
l'indépendance du quatrième pouvoir. Mais côté
carrière, l'expérience a prouvé que ce genre de victoires
sont aussi éclatantes que lourdes de conséquences. Autrement dit,
c'est une médaille qui a son revers en termes de représailles
directes ou indirectes, immédiates ou ajournées, brutales ou
assénées à froid, frontales ou insidieuses.
Ces représailles sont multiformes mais faciles à
répertorier : affectations, rétrogradations, mise en quarantaine,
etc. Mais la plus courante prend souvent la forme de ce qui est
désigné dans le jargon journalistique sous le terme de «
mise au placard ». Jean-Marc CHARDON et Olivier SAMAIN, auteurs du livre
le journaliste de radio ont réussi à décrire le
phénomène dans ses implications administratives : « ... Il
est alors très facile de prendre prétexte d'une expression
malheureuse dans un journal, ou d'une vérité inopportune, pour
neutraliser, le moment venu, n'importe quel journaliste. Dans le service
public, où les organisations syndicales dénoncent
périodiquement ces pratiques, les journalistes concernés ont vu
parfois leur mises au placard s'accompagner de l'octroi d'un titre
ronflant, à l'image d'un cache-misère, voire d'une augmentation
pécuniaire pour compenser le préjudice. Dans le pire des cas, il
n'y a ni l'un ni l'autre. Du coup, la rétrogradation qui s'ensuit n'est
pas forcément visible.
En revanche, le journaliste qui en est victime voit bien la
différence. Il est toujours, soit évincé de l'antenne,
soit remisé dans une plage horaire à faible écoute... A
lui de se soumettre, de se démettre ou d'attendre des jours meilleurs...
».
2.8 Les pressions et tentations
financières
En conquérant à la faveur de l'ouverture
démocratique de réels espaces de liberté et une certaine
indépendance vis-à-vis du pouvoir politique, les médias
africains n'ont fait que remporter une bataille. La guerre d'affranchissement
vis-à-vis des lobbies financiers, elle, est plus actuelle que jamais et
risque d'être plus longue à gagner. Et voilà remise en
selle toute la question des pressions financières. Elles sont
insidieuses et émanent généralement des pouvoirs d'argent,
intellectuels ou non. Dans l'un et l'autre des cas, ceux-ci s'en servent
à des fins de marchandage, de domination et d'asservissement. Mais il
n'est pas rare non plus que ces pressions financières soient aussi le
fait de parfaits illettrés, en mal de considération qui n'ont
pour tout moyen de pression que leur fortune pour en imposer à des
journalistes, même les plus respectables et les plus huppés.
Quels que soient leur origine et leurs auteurs ou
protagonistes, les pressions financières sont condamnables au regard de
l'éthique journalistique. Elles ne sont pas plus tolérables que
les pressions politiques. Bien au contraire, il est établi que la
dépendance économique est la pire des dépendances. Car,
qui vous tient par le ventre, contrôle votre souffle et vous
régentera à loisir.
2.8.1 Le perdiem ou « communiqué final
»
Dans la pratique courante des journalistes ouest-africains
rencontrés, la forme de libéralités la plus connue est le
perdiem, désigné sous les noms de «communiqué
final» au Bénin et de « gombo » au Burkina Faso. Il est
rentré dans le quotidien de 90 % de journalistes et techniciens qui
n'ont aucune gêne à émarger sur un bout de papier à
la fin d'un reportage pour se faire gratifier de quelques coupures. La pratique
a fini par
légaliser un comportement pourtant contraire à
l'éthique journalistique. Mais gare à vous si, par manque de
tact, vous les affrontez sur ce terrain en donneur de leçon ; les plus
sages vous répondront tout bonnement, à la suite de
Saint-Augustin, qu'il faut un minimum de bien-être pour pratiquer la
vertu.
D'aucuns considèrent le per-diem comme un dû
dès lors qu'ils se rendent compte que l'événement dont ils
assurent la couverture est financé à travers une rubrique dite
«communication ». Par nature, les journalistes et les techniciens
sont réfractaires à l'idée qu'on se joue d'eux. Ils se
battront becs et ongles pour se faire restituer un droit injustement
confisqué. La conviction que quelques uns, dans la chaîne de
l'organisation, se sont sucrés sur le dos de la presse renchérit
chez cette dernière le sentiment qu'elle a aussi droit à sa part.
Mais, malgré tout, cette presse doit encore parfois revendiquer,
tempêter pour rentrer dans ses supposés « droits ».
D'où cette formule empruntée à un confrère qui
demeure convaincu que « la bouche de celui qui ne parle pas, sentira
». Une manière de rappeler que, celui qui ne risque rien n'a rien
et qu'il suffit simplement parfois d'oser demander pour être servi.
Bref, il n'est pas conseiller de gruger les techniciens et les
journalistes. D'ailleurs, les attachés de presse et autres organisateurs
de séminaires ou de tournées qui se sont risqués à
ce genre d'escroquerie l'ont appris à leurs dépens.
Ce qui est moins compréhensible et franchement
détestable, c'est de tendre la main ou de faire du per-diem un objet de
chantage en brandissant la menace d'un compte-rendu sommaire ou
bâclé. Malheureusement, cette pratique existe et c'est en
connaissance de cause que le code de déontologie de la presse
béninoise en fait mention à travers son article 5 :
« En dehors de la rémunération qui lui est due par son
employeur dans le cadre de ses services professionnels, le journaliste doit
refuser de toucher de l'argent
ou tout avantage en nature des mains des
bénéficiaires ou des personnes concernées par ses
services, quelle qu'en soit la valeur et pour quelque cause que ce soit. Il ne
cède à aucune pression et n'accepte de directive
rédactionnelle que des responsables de la rédaction. Le
journaliste s'interdit tout chantage par la publication ou la non-publication
d'une information contre rémunération. ».
Au-delà du principe ainsi joliment libellé, mais
qui n'émeut pas grand monde, force est de reconnaître que la
pratique des per-diems a encore de vieux jours devant elle, non pas seulement
par la volonté des journalistes, photographes et techniciens mais aussi
par le souci des demandeurs de services (ONG, partis politiques, institutions
officielles et privées, etc.) de structurer et de fidéliser leurs
relations avec ceux-là qui sont capables de faire et de défaire
leur image. Une ONG, un ministère qui n'a pas de bonnes relations avec
les organes de presse en souffrira car, entre deux demandeurs de services qui
sollicitent la presse dans une même tranche horaire, le critère de
préséance ou même de choix risque fort d'être
guidé par l'intérêt. Et là-dessus, les journalistes
et techniciens ne se trompent pas. Si vous les privez de per-diems, ils
finiront par vous coller l'étiquette de « radins » et vous
faire de la mauvaise publicité. Si vous mégotez sur le montant
des per-diems, ils vous déclasseront régulièrement au
profit des partenaires les plus généreux.
Il en découle d'ailleurs que ce ne sont pas toujours
les entreprises les plus performantes, les gestionnaires les plus orthodoxes ou
les hommes d'affaires les plus irréprochables encore moins les hommes
politiques les plus éclairés ou les plus probes qui ont les
faveurs des échos de la presse, mais plutôt ceux qui, simplement,
connaissent le mode d'emploi du pouvoir de la presse.
Chose humaine, le reportage le plus bref ou le plus banal qui
s'est soldé par une distribution d'enveloppes portera ombrage au
tournage le plus pressant qui n'aurait pas eu de retombées
pécuniaires. De même, il est à peine exagéré
de dire qu'avec un budget communication imposant, il est possible pour le plus
impopulaire des dictateurs de mieux faire médiatiser sa
cérémonie d'investiture que celle du démocrate le plus
authentique. Ainsi vont les relations avec la presse et la meilleure des
solutions ne consiste pas forcément à jouer les Saints. Il s'agit
dans bien des cas de jouer utile.
Mais quelle que soit la bouée de sauvetage
financière qu'il apporte, on ne peut occulter le fait que le perdiem
dévalorise énormément le journaliste. Les acteurs de la
vie politique et même ceux de la société civile s'en
servent comme instrument de domination et d'assujettissement du journaliste. Et
quand l'on réalise qu'en fait, ces per-diems ne représentent
parfois que des sommes ridicules, on comprend que la profession ne soit pas
respectée. Mais hélas, tout se passe comme dirait l'autre :
« qui a bu boira ».
2.8.2 Les dons et libéralités : faut-il prendre
?
Question combien sensible! Elle recommande beaucoup de
discernement et de sérénité de la part de ceux qui ont le
courage de l'aborder. Or, j'ai plutôt souvent eu le sentiment qu'on
l'abordait avec hypocrisie et cela ne fait nullement avancer le
débat.
L'argent, les cadeaux et les dons en nature sont les plus
grandes sources de suspicion pour un journaliste. Ils constituent de graves
entraves au professionnalisme et à l'impartialité et
représentent très souvent la porte d'entrée du
discrédit et de toutes les crises de confiance au sein des
Rédactions.
C'est un leurre et une fausse manière de se faire bonne
conscience que de penser qu'accepter les cadeaux constitue un moindre mal par
rapport à l'argent que l'on reçoit. Dans l'un et l'autre des cas,
l'éthique est en cause et rien ne fonde le raisonnement qui voudrait que
si la compromission par l'argent conduit en enfer, celle par les cadeaux et
autres libéralités conduise au purgatoire. La question de fond
étant celui du risque d'aliénation de la liberté
d'expression et de la marge de manoeuvre du journaliste qui se sent redevable
de son bienfaiteur, fut-il de circonstance. A ce sujet, le Code éthique
des Etats-Unis, adopté en 1926 est sans appel, en son article 1 :
«les cadeaux, les voyages gratuits, privilèges ou les traitements
de faveur peuvent compromettre l'intégrité des journalistes et de
leurs employeurs. Il ne faut accepter aucun cadeau de valeur »
Mais, en pratique, combien de journalistes seraient en mesure
de faire fi du devoir de reconnaissance vis-à-vis du politicien ou de
l'homme d'affaires qui l'aura aidé à obtenir une bourse
d'études, à acquérir un véhicule ou à
construire sa villa.
Ces exemples peuvent paraître extrêmes, mais ont
l'avantage de nous transposer du terrain de l'abstrait vers celui du
vécu. En clair, et à moins de vouloir nier l'évidence,
l'argent et les libéralités ont fait leur preuve en tant
qu'instruments « efficaces » d'inféodation, de manipulation et
d'achat des consciences. Et combien de journalistes ne recenserait-on pas ici
comme ailleurs qui doivent leur réussite sociale à ce genre de
compromissions dont ils se sont rendus complices non sans savoir qu'ils
foulaient aux pieds les règles cardinales du métier.
A l'occasion d'échanges informels, nombreux sont les
confrères ayant avoué, qu'en certaines circonstances, il faut
être un homme de caractère pour renifler l'odeur de l'argent et
reculer devant certains appâts de gains faciles. Il n'est pas
donné à tous les
journalistes de tenir bon et de pouvoir raison garder devant
l'argent frais qui vient jusqu'à vous, vous agresser. « Il n'est
pas bon de cracher sur l'argent ; c'est un sacrilège» vous
dira-t-on dans certains milieux et le prétexte est tout trouvé.
C'est dire aussi à quel point notre société africaine
n'est pas entièrement favorable à tout ce qui peut s'apparenter
à une attitude de suffisance ou de mépris vis-à-vis de
l'argent et de celui qui le donne de bonne foi. Malgré tout, la bonne
foi affichée par le donateur n'exclut pas la prudence.
Retenons encore que le procès de la
vénalité est l'un des plus mauvais que l'on puisse intenter
à un journaliste. L'obsession du lucre ne fait pas bon ménage
avec l'éthique journalistique ou du moins, il constitue un versant
très glissant, un objet de chute pour le journaliste. L'argent a la
mauvaise réputation de diviser et il divise en effet les
Rédactions.
On a beau dire que la dépendance financière est
la pire des dépendances, mais faut-il croire que c'est parce qu'ils
ignorent ce catéchisme journalistique que les professionnels des
médias succombent à la tentation de l'argent et autres
libéralités ? Apparemment, non. Pour les uns, l'état de
besoin constitue un handicap objectif à une pratique rigoureuse de
l'éthique professionnelle. Pour d'autres, plus cupides, l'argent n'a pas
d'odeur. D'autres encore défendent des positions plus nuancées du
genre : « je n'ai rien à me reprocher face à un don gracieux
que je n'ai ni suscité ni réclamé ».
En effet, quelle sera la condamnation de ceux-là qui
sont assez scrupuleux pour ne jamais tendre la main mais qui ne font jamais
à leur donateur l'affront du refus ? Eh bien, ils ne sont pas à
l'abri des surprises et doivent s'attendre un jour ou un autre à payer
un lourd tribut, celui de l'amitié intéressée, à
leur liberté d'expression et d'action. A moins de démontrer qu'un
homme politique ou un homme d'affaires puisse offrir des
libéralités à un journaliste sans
arrière-pensée. Possible, mais dans 75 % des cas, cela risque
d'être une condamnation sinon un conditionnement pour l'avenir.
Dans son édition du 27 novembre 2002 (n° 9748), le
quotidien sénégalais Le Soleil, a fait état d'un
cas digne de servir de leçon aux journalistes friands de
libéralités. A l'issue d'une conférence publique, rapporte
le journal, un homme politique sénégalais aurait offert un
million de FCFA aux journalistes chargés de la couverture de
l'événement et certains d'entre eux se seraient partagés
ladite somme.
Face à ce manquement à la déontologie
journalistique, la réaction du SYNPICS (Syndicat des professionnels de
l'information et de la communication) n'a pas tardé. Celle-ci, contenue
dans un même communiqué, a été d'autant plus
intéressante qu'elle paraissait instructive pour chacune des deux
parties.
A l'attention des journalistes, le SYNPICS déclare :
« les faits portant gravement atteinte à la
dignité et à la crédibilité de la presse, quelles
que soient les considérations liées aux moyens, montants,
intentions et circonstances de cette affaire ».
A l'adresse des hommes politiques et organisateurs de
manifestations, le SYNPICS indique :
« qu'il n'est pas une obligation pour eux
d'intéresser, sous quelque forme que ce soit, les journalistes
chargés de la couverture médiatique. Une telle charge revient aux
différentes Rédactions qui se doivent de mettre leurs
employés dans les meilleures conditions d'accomplissement de leur
mission ».
L'argent, à prendre ou à laisser ? En
vérité, c'est davantage une question d'éthique que de
déontologie. Toujours est-il que les confrères ont leur petite
idée sur les mesures préventives à initier pour limiter
les dégâts. Il s'agirait par exemple, selon Claude Agossou, de
doter la Rédaction d'un service financier capable de payer les primes
aux équipes de reportages avant leur départ sur le terrain. Cela
pourrait bien produire quelques effets sur ceux qui ne sont pas d'une
cupidité sans bornes.
L'organisation d'une communauté et les règles
qu'elle se donne, acceptées et consenties librement par ses
membres, permettent parfois de résoudre plus facilement les
conflits que ne le sont les seules lois officielles
» Juristes Solidarités, Programme 2000 - 2003,
p.7
Section III
LES MODES D'AUTOREGULATION
CHAPITRE I
I. LA CONFERENCE DE REDACTION
1.1 La conférence de rédaction : espace de
confraternité et de vérité
La conférence de rédaction est une instance
professionnelle des journalistes appartenant à un même service de
l'Information. Elle constitue l'une des marques distinctives des
rédactions qui utilisent justement cette instance professionnelle
à des fins de structuration, de cohésion et de gestion des
ressources intellectuelles et humaines. La conférence de
rédaction offre, en outre, le moyen à toute Rédaction de
tester sa capacité d'organisation et de dialogue internes.
Lieu d'échanges, arbre à palabres, espace de
prise de décisions, forum de retrouvailles, de communion et de
défoulement. La conférence de rédaction est tout cela
à la fois ! Autant on y discute de sujets sérieux et graves,
autant on s'attarde sur des vétilles. Autant on y prononce des
sentences, autant on y décerne des satisfecits. Ainsi, rares sont les
conférences de rédaction qui se terminent sur une note grave. Les
journalistes ayant eux-mêmes l'art de ces pirouettes qui leur permettent
de se frayer des portes de sorties heureuses même au terme des
conférences de rédaction les plus houleuses et les plus
heurtées.
En fait, à bien y regarder, la conférence de
rédaction est à la fois un espace de confraternité, de
convivialité et de vérité. Là-dessus, les avis sont
convergents à en juger par les propos de Henri Assogba de
Radio-Bénin, qui souligne le partage de joies et de peines à
travers le contact permanent et les exigences du travail en équipe. Ce
que ne dément pas son confrère Serge Mathias Tomondji,
rédacteur en chef technique du quotidien Adjinakou lui aussi
très sensible au fait qu'on y passe beaucoup de temps
ensemble et qui souligne : « dans une rédaction de
presse, il n'y a pas de barrière étanche entre les diverses
sections. Le rédacteur en chef n'est pas et ne se comporte pas comme le
chef d'un Bureau ou d'une Division administrative qui traiterait ses
collègues avec une certaine distance. Dans la presse, on peut
très bien avoir des débats houleux en conférence de
rédaction et se retrouver l'instant d'après, autour d'un
café ou d'une bière».
Supposée être la chose la mieux partagée
dans le monde des médias, la tenue régulière des
conférences de rédaction se révèle moins
évidente à l'épreuve. Tenir une conférence de
rédaction relève parfois de la croix et la bannière. S'ils
sont assez nombreux à en admettre le principe, c'est dans la pratique,
hélas, que s'observent les plus grandes défaillances.
La conférence de rédaction est en principe
quotidienne. Elle peut prendre une dimension plus élaborée, plus
solennelle dans certaines circonstances particulières : lendemain d'un
remaniement ministériel, paralysie de l'administration publique et
privée pour fait de grève, rencontre internationale d'importance
ou conférence au sommet, en période électorale où
une répartition plus rigoureuse des tâches est indispensable. Des
consignes professionnelles plus fermes sont données aux
différents reporters envoyés sur le terrain. Mais plutôt
que d'en faire une exigence ponctuelle ou événementielle, les
rédactions gagneraient à systématiser ce rituel dont les
effets ne se mesurent qu'en termes d'avantages. Et cela confirme tout le bien
que Henri Assogba, journaliste à la Radiodiffusion nationale du
Bénin, pense de la conférence de rédaction : « la
crainte de se faire remonter les bretelles par des collègues ou
d'être toujours indexé comme celui qui collectionne les fautes
professionnelles amène à faire plus attention dans l'exercice
quotidien de la profession. A terme, on obtient une plus-value de
qualité des prestations »
De même, c'est à l'occasion des
conférences de rédaction que le journal prend forme aussi bien
dans son contenu que dans sa forme. Le calibrage du journal est aussi l'un des
objectifs de la conférence de rédaction. Toutes ces étapes
assurent une appropriation collective des éditions du journal qui
devient ainsi l'oeuvre de chacun et de tous. Mais, paradoxalement, les
conférences de rédaction ne font pas toujours le plein des
effectifs en position de travail. Elles n'ont pas beaucoup de succès
malgré toute la peine que se donne la Rédaction en chef pour
rallier le maximum de confrères à sa cause, allant parfois
jusqu'à recourir à des méthodes coercitives.
Manifestement, les conférences de rédaction sont
boudées par certains journalistes pour diverses raisons objectives ou
subjectives. C'est en effet l'un des rares lieux où le journaliste subit
la sanction de ses pairs; un moindre mal par rapport à une
décision de justice qui peut marquer à jamais la carrière
!
En décrivant la typologie des questions mises en
débat à la conférence de rédaction, Claude Agossou,
journaliste de Radio-Bénin, cite des cas qui en réalité
sont es plus courants :
- un du confrère qui rate un reportage en ignorant les
faits les plus marquants ; - un confrère qui, lors d'une interview se
laisse écraser par son interlocuteur.
En effet, un reportage mal écrit, un commentaire
partial, une interview fade ou encore un magazine
déséquilibré n'échappe pas à la critique
voire à la sentence de la conférence de rédaction. C'est
donc une instance redoutée par tous ceux-là qui sont allergiques
à la contradiction, mais aussi par ceux qui estiment avoir d'autres
chats à
fouetter, quoique son pouvoir ne dépasse guère
celui d'un <<tribunal d'honneur », plus apte à honnir
qu'à punir. C'est ce caractère symbolique du pouvoir de sanction
de la conférence de rédaction que Godefroy Chabi, journaliste
à Radio-Bénin, tente de restituer en indiquant qu' << on y
formule des critiques touchant au contenu professionnel. Ces critiques sont
formulées par des journalistes en direction de journalistes et ne sont
accompagnées d'aucune purge au sens classique du terme mais fonctionnent
plutôt comme des dispositifs visant à améliorer le travail
dans sa globalité au sein de la Rédaction ».
Seulement, cette notion de <<tribunal d'honneur »
ne semble pas du tout convenir à certains confrères. Jacques
Philipe da Matha, ancien directeur général de l'ORTB, est de
ceux-là et il s'en explique : << ...ce n'est que le cadre
où se conçoit le journal; le cadre où les journalistes
d'une Rédaction discutent du contenu du journal de la veille et
arrêtent les grandes lignes du journal du jour. Il ne s'agit nullement
d'un tribunal qui prononce des arrêts ».
Hélas, aussi longtemps que des confrères se
complairont dans une attitude de boycott, ce serait un leurre d'espérer
améliorer la qualité des conférences de rédaction.
Car, ainsi que cela se doit, la conférence de rédaction est
l'affaire des vivants et non des fantômes. D'où cette relation
évidente entre l'absentéisme obstiné de la majorité
et la banalisation des conférences de rédaction et leur
déclin tant dans le principe que dans leur teneur.
Le rédacteur en chef le plus doué et le plus
ingénieux du monde ne parviendra jamais tout seul, à faire
rayonner une conférence de rédaction si autour de lui, se
trouvent des collaborateurs plutôt décidés à
déserter le forum et pire, à battre campagne contre cette
instance. Question de bonne foi: la meilleure attitude à recommander
à tous ces
« ennemis » et autres fuyards de la
conférence de rédaction, c'est la sagesse et le retour à
la raison. Entre la nécessité pour eux de se convertir aux bonnes
habitudes et la perspective trop illusoire de réussir à faire
décréter le caractère facultatif de la conférence
de rédaction, la cause est pratiquement entendue. Bien au contraire, la
conférence de rédaction à Radio-Bénin a
plutôt de beaux jours devant elle. Du moins, si cela ne tenait
qu'à la volonté de Jacques Philippe da Matha, ancien directeur
général de l'ORTB qui trouve de nombreuses vertus à cette
instance professionnelle en indiquant notamment que « la conférence
de rédaction favorise une ouverture d'esprit, élargit l'horizon
des connaissances, crée la convivialité, favorise la modestie,
l'humilité, l'affirmation de soi et la reconnaissance des autres
».
1.2 La conférence de rédaction pour y laver
le linge sale
Invariablement, l'ensemble des confrères sondés
ont été unanimes à citer la conférence de
rédaction comme meilleure approche en matière
d'autorégulation au sein des Rédactions. Et ce n'est point
exagéré de l'assimiler à une machine à laver le
linge sale en famille. Le témoignage de ce confrère de
Radio-Bénin, Maurice Mahounon, ne fait que corroborer cette
thèse: « Un jour, j'ai demandé à un collègue
d'enregistrer son reportage pour l'édition du soir. Il a refusé
et il s'est ensuivi une vive discussion entre nous. Le différend a
été porté devant la conférence de rédaction
qui a arbitré et tranché le contentieux après avoir permis
à chaque collègue d'émettre son avis sur la
question». Dans cette même veine, il ajoute : « un autre jour,
deux collègues voulant coûte que coûte faire le même
reportage se sont retrouvés nez à nez sur le terrain et cela a
dégénéré. C'est en conférence de
rédaction qu'un terrain d'entente a été trouvé et
les deux collègues se sont mutuellement présenté des
excuses ».
En clair, laver le linge sale en famille, c'est aussi
permettre aux journalistes de faire leur cuisine interne, de se flageller, de
s'auto-flageller et de s'amender entre les quatre murs de la Rédaction,
un peu comme dans un couvent. Cette manière de faire a ceci
d'élégant qu'elle permet de ne pas exposer le collègue en
faute à un blâme extérieur ou à la risée de
l'opinion publique ; mieux, elle permet de faire l'économie d'un recours
aux instances classiques et officielles de régulation telles que
l'Observatoire de la déontologie et de l'éthique dans les
médias (ODEM) et la Haute autorité de l'audiovisuel et de la
communication (HAAC). A titre d'illustration, voici un témoignage
rapporté par un confrère de Radio-Bénin: « il s'agit
d'un collègue qui a perçu les frais de mission pour une
enquête de terrain et qui s'est contenté de pondre son reportage
dans les quatre murs de sa chambre. L'impair a été
découvert in extremis avant diffusion. Certes, le public n'a pas
été informé de ce bidonnage mais l'intéressé
a été sermonné et s'est vu obligé d'aller
réellement sur le terrain ».
Il n'y a donc aucun doute là-dessus, la
conférence de rédaction est un puissant moyen
d'autorégulation même si la coopération attendue des
journalistes n'est pas toujours au rendez-vous, notamment de la part de
ceux-là qui sont allergiques à la critique. Question
d'humilité ou de sociabilité ? Question de bonne foi ? Voici en
tout cas l'interprétation qu'en fait Serge Mathias Tomondji,
rédacteur en chef technique au quotidien Adjinakou : «
certains n'acceptent que du bout des lèvres le fait que le linge qui
était sali, est finalement lavé et propre. Mais cela
relève tout à la fois de l'éducation de chacun, de sa
capacité à transcender la situation qui a sali le linge pour ne
considérer désormais plus que le linge ».
Pour démontrer que tout n'est pas toujours rose en
matière d'autorégulation, Serge
rédaction, un des rédacteurs en chef a
essuyé un acte caractérisé d'insubordination. L'un des
journalistes de la Rédaction s'emporta de façon
véhémente contre le rédacteur en chef qui s'insurgeait
contre le fait que les papiers28 ne tombaient pas à temps et
critiquait la propension des membres de la Rédaction à ne faire
du zèle que sur les reportages perdiemisés29.
Malgré les injonctions d'un autre des rédacteurs en chef du
journal qui dirigeait du reste la conférence de rédaction, le
journaliste refusa de présenter ses excuses à son
supérieur. Il aura fallu 24 heures et une autre conférence de
rédaction ainsi que l'ultimatum de se séparer de ce journaliste
s'il n'obtempérait pas, pour que celui-ci daigne enfin se plier. Mais,
à la vérité, il n'a fait que sacrifier à une
formalité d'excuses, sans conviction, puisqu'il n'avait pas
arrêté de s'interroger sur le tort qu'il avait commis ».
Résultat des opérations, poursuit le confrère: « le
linge a été lavé, mais sera-t-il jamais encore propre,
notamment entre ces deux principaux acteurs de l'épisode ? Rien n'est
moins sûr. Mais, pour positiver l'autorégulation, on pourrait
simplement penser comme Magatte DIOP de la RTS-Kaolack30 qu'en la
matière, il n'y a pas mieux que le dialogue, la discussion franche et
sans détours et le débat sincère.
1.3 Sursaut de professionnalisme sous régime de
concurrence
Qu'on ne s'y méprenne pas, les années de
monopole de la presse d'Etat sont révolues ; ces années de
tranquillité où les journalistes n'avaient pas à se fouler
la rate pour meubler leurs éditions: les séminaires et autres
communiqués officiels suffisaient à organiser l'hypertrophie de
la page nationale, laquelle pouvait être complétée par
quelques nouvelles étrangères triées sur le volet. Mais
depuis la fin des années 80, force est de reconnaître que, la
concurrence aidant, les conférences de rédaction sont
rentrées dans une nouvelle dynamique de professionnalisme et
d'émulation à Radio-
28 entendre par « papiers » les articles,
selon un jargon très journalistique
29 c'est une allusion aux reportages juteux, dont la
couverture donne lieu à des enveloppes ou autres largesses
30 station régionale de la
Radio-télévision du Sénégal à Kaolack
Bénin. Ainsi, la logique ancienne où le
journaliste attendait que l'information vienne jusqu'à lui a
cédé la place à une quête plus offensive de
l'actualité dans un espace où l'audience est à la fois
fonction de célérité, d'exhaustivité et de la
fiabilité.
Bref, il aura fallu ce nouvel environnement concurrentiel pour
relancer le sens de l'imagination et de l'investigation des journalistes de la
presse officielle qui ont dû réapprendre à se servir de la
conférence de rédaction comme cadre d'expression, de
réflexion et de gestion collective des défis. Elle permet de
sauver une édition dépourvue de tout compte-rendu de
séminaire et autres activités officielles, de la banalité
et de la platitude. C'est souvent grâce aux conférences de
rédaction que, parties de rien du tout, des équipes en position
de journal ont réussi à donner de l'éclat et un
écho spectaculaire à certaines éditions. Il en va de
même pour les éditions dominicales où, a priori,
l'actualité est réduite à sa plus simple expression. La
solution : une conférence de rédaction sérieusement
animée, une équipe volontariste, quelques idées
lumineuses, un peu de perspicacité, des moyens techniques
adéquats et le « miracle» devient possible!
Dans ces conditions, pourquoi ferait-on de la participation
aux conférences de rédaction, un devoir facultatif ? Le
préjudice pour les rédactions en serait incommensurable en termes
de laisser-aller et de légèreté professionnelle. Chacun y
viendrait le jour et à l'heure de son choix et donnerait à chaque
édition du journal parlé un contenu intéressé au
mépris, il faut s'y attendre, de toute déontologie.
Autrement dit, on ne fera jamais assez confiance à un
directeur de journal en lui laissant un blanc-seing en ce qui concerne la
gestion du contenu d'une édition. Du moins, si le sérieux, la
bonne foi et la conscience professionnelle d'un confrère le permettent,
il sera possible de lui faire confiance de façon incidente sans
cependant
jamais ériger ce type de dérogation en
système de gestion des journaux écrits ou parlés.
1.3.1 La gestion du temps
Les conférences de rédaction les plus
réussies ne sont pas les plus longues. La qualité d'une
conférence de rédaction ne se mesure pas à sa durée
et est encore moins fonction du nombre d'interventions enregistrées.
L'interminable est la spécialité des indécis, selon le mot
de Emil Michel Cioran. Nuance tout de même : il est arrivé que
certaines conférences de rédaction aient duré plus de
trois heures sans que cela n'ait été particulièrement
lassant. Mais en vérité, il s'agit plutôt là de
l'exception. Les allées et venues intempestives suivies des craquements
des portes sont un baromètre assez fiable de la chute de
l'intérêt et des facultés de concentration des
participants. Pour des raisons d'efficacité, on gagnerait à faire
court. Pour l'ensemble des confrères à qui il a été
demandé de fixer la durée raisonnable d'une conférence de
rédaction, les réponses s'inscrivent toutes dans cette tendance :
« trente minutes! Mais s'il y a suffisamment de choses à dire et si
l'actualité est vraiment dense, elle peut aller rigoureusement à
quarante cinq minutes et pas plus ».
Autant le dire : certaines conférences de
rédaction censées être passionnantes au regard par exemple
de l'ordre du jour deviennent désespérément insipides et
sans relief de par la volonté délibérée des
participants eux-mêmes qui, pour divers motifs, se braquent
délibérément dans une politique du mutisme. Cette pratique
est monnaie courante dans une Rédaction où prévaut un
malaise avoué ou inavoué et qui se traduit par une attitude quasi
généralisée de collègues qui déclinent les
uns après les autres toute offre de parole de la Rédaction en
chef. Ainsi, point de discussion, point
d'opinions à émettre et le débat se meurt
faute de "débatteurs". Au rédacteur en chef de comprendre et
d'aviser...
Les plus diseurs ne sont pas les grands faiseurs. Ceux qui ont
tenu le plus longtemps le crachoir ne seront pas forcément les plus
entreprenants au moment de la répartition des articles à produire
pour l'édition de 13 heures. Hélas, un journal ne peut pas
bâtir son audience sur la capacité à remuer des
idées ou sur la loquacité in vitro de ses animateurs ou
rédacteurs. Certes, les papiers de fond (analyses et commentaires) qui
sont les plats de résistance à servir aux auditeurs sont
supposés faire l'objet d'échanges internes à l'occasion de
la conférence de rédaction. Mais là ne s'arrête pas
le processus. Le plus dur reste à faire tant qu'on n'a pas trouvé
la plume rare qui accoucherait du commentaire tant attendu qui ferait
mouche...
A défaut de candidats volontaires, il revient au
rédacteur en chef de désigner et dans le pire des cas, de
s'offrir pour assumer la charge et bien souvent pour donner l'exemple.
Moralement, il a quelque part le devoir de ne jamais baisser la garde là
où les confrères adoptent un profil bas ou se débinent.
Mieux, en pareille conjoncture, il a plutôt un défi à
relever : réussir là où les autres ont
échoué. Cela en rajouterait à son « grade ».
Heureusement, il y en a qui ont réussi à jouer très
honorablement cette partition ; tel ce rédacteur en chef qui, pour
enseigner par l'exemple, a pris l'initiative d'assurer lui-même le
reportage à chaud du braquage d'une banque de la place et la prestation
fut digne de celle d'un chef.
En somme, la conférence de rédaction reste un
concentré de la vie de la rédaction. Elle est encore plus un
lieu de ralliement, un creuset professionnel quant on sait que certains
confrères, pour cause de programmation non concordante, pourraient
passer
deux semaines sans se rencontrer. La Rédaction en chef
profite de ces occasions pour redécouvrir et réévaluer les
performances mais aussi le moral de la troupe.
Par ailleurs, l'on ne saurait oublier que la Rédaction
est une mini cité avec tout son kaléidoscope de
tempéraments, de comportements, de sensibilité et d'aspirations.
Chacun y vient avec son histoire personnelle. Sont alors condamnés
à y cohabiter des modérés et des extrémistes, des
médiateurs et des pyromanes, des indécis et des convaincus, des
conseillers et des moralisateurs, des « raseurs de murs » et des
vedettes, des taciturnes et des trublions, des légalistes et des
arrivistes, etc.
Preuve qu'il faut un peu de tout pour faire une
Rédaction de presse où la race des mégalomanes ne passe
non plus inaperçue. Ces derniers veulent à tout prix tirer une
gloire personnelle de la présentation des éditions-phares du
Journal parlé ou télévisé dont ils finissent par
faire un monopole. Ainsi, dans une Rédaction de presse au Bénin,
tout le monde s'est étonné de l'obsession avec laquelle un «
doyen » ayant toujours marqué une indifférence pour la
présentation du journal, ait un beau jour, exercé une sorte de
pression sur ses jeunes confrères pour se voir céder les
commandes de l'édition principale. En fait, ce jour n'était pas
très ordinaire pour la presse, puisque le nouveau président
élu prêtait serment. Eh bien et comme cela crève l'oeil,
chacun aura compris que l'édition de ce jour-là devrait avoir un
écho exceptionnel et conférer à son directeur, plus de
gloriole et de mérite que d'habitude. Seulement, à vrai dire, la
gêne voire le dépit de ses confrères est venu de ce que,
derrière l'acte de ce doyen, il y avait en réalité moins
le souci de bien faire que la prétention de se mettre en valeur et de
marquer un grand coup pour lui-même et pour ses « galons ».
1.4 Les sanctions
1.4.1 La fameuse demande d'explication : l'épouvantail
!
Dans bien des cas, son effet ne va pas plus loin qu'une simple
formalité vis-à-vis d'un fautif qui sait a priori qui ne court
aucun risque. La rapidité et la désinvolture avec lesquelles on
la remplit, indique bien que cet instrument a perdu sa valeur coercitive.
Et si l'on vous la jetait au visage ? Ce serait
évidemment un affront. Et après, qui lavera cet affront ? Autant
ne pas trop se fier à l'autorité supérieure qui peut
louvoyer pour une raison que vous ne cernerez peut-être jamais. De
là proviennent toutes les désillusions du rédacteur en
chef qui finit par réaliser qu'en fait, il ne pèse pas bien lourd
dans la machine de répression ou le « conseil de discipline »
des organes de presse.
Le manque de réaction appropriée de la part de
la hiérarchie affaiblit dangereusement celui qui inflige la demande
d'explication et érode son autorité qui déjà ne
tient qu'à peu de choses. Alors, mieux vaut se garder d'abuser de cette
sanction au risque de se ridiculiser. Car, le fétiche que l'on a
l'habitude de sortir tous les jours finit par perdre son caractère
mystique. Ainsi en est-il de la demande d'explication qui pose en fait tout le
problème d'un fouet qui, à défaut de faire mal, amuse et
va jusqu'à annuler l'obligation de contrition chez le fautif.
1.4.2 La Rédaction en chef: quel pouvoir de sanction ?
Quelle autorité en définitive ?
Souvent condamnée à jouer sur l'esprit de
confraternité et de conciliation pour maintenir la barque et sauver son
« strapontin », la Rédaction en chef joue son autorité.
Laquelle autorité est d'autant plus limitée que celle-ci ne peut
exécuter aucune initiative de sanction sans s'en référer
elle-même à ses supérieurs hiérarchiques. Mais
là n'est pas
le drame si l'on sait que toute administration fonctionne
selon le principe des sanctions graduées suivant le niveau de
hiérarchie. Ce sont plutôt les risques de disgrâce et de
désaveu de la part de l'autorité supérieure qui sont
« mortels » pour une Rédaction en chef. Et n'allez pas croire
que le pire désaveu soit forcément verbal ou public. Loin de
là ! Chaque fois qu'un rapport de la Rédaction en chef concernant
l'un de ses administrés est classé sans suite, cela
équivaut à une humiliation pour qui croyait sévir mais qui
en réalité n'en détient pas le pouvoir.
Parallèlement, il est tout aussi évident que la
bonhomie, l'esprit de compromis poussés à l'excès peuvent
rendre une Rédaction ingouvernable. Et c'est justement là
où le serpent se mord la queue, puisque le cas échéant,
l'autorité hiérarchique sera la première à lui
demander des comptes. Or, la fermeté sans les moyens de la
fermeté ne peut finalement conduire qu'à une impasse. Ainsi
devient-on, à s'y méprendre, le dindon d'une farce tranquille.
Interrogés sur l'autorité dévolue
à leur rédacteur en chef, les confrères de
Radio-Bénin se rangent dans deux camps distincts. Pour les uns, «
cette autorité est insuffisante et mérite d'être
renforcée surtout lorsqu'il arrive que le rédacteur a affaire
à un collaborateur qui se trouve être le protégé
politique d'une autorité ou d'un supérieur hiérarchique
». Dans l'autre camp, par contre, l'on estime qu'il faut se garder de tout
autoritarisme et pour cause: « trop d'autorité inhibe voire tue
l'initiative. Ce qu'on attend d'un rédacteur en chef, c'est qu'il soit
un leader; qu'il ait de l'entregent pour faire faire les travaux par les
collègues, avec enthousiasme et volonté ».
Abordant la question d'un point de vue plus
général, Emmanuel Sotinkon, rédacteur en chef
Enquêtes et Dossiers du journal Adjinakou, adhère
plutôt à l'idée que « le rédacteur en chef
est le personnage clé de toute Rédaction. C'est le commandant
en
chef qui a sous sa tutelle une troupe. A ce titre, il faut lui
obéir, parfois sans discussion. Quant à son autorité, la
question n'est pas de la renforcer ou pas, puisqu'il revient au
rédacteur en chef de savoir en user sans abuser ».
CHAPITRE II
II. QUELQUES FONDEMENTS ETHIQUES DE
L'AUTOREGULATION
La pratique professionnelle fait appel à un certain
nombre de règles morales. Ce métier, écrit Gérard
Ponthieu, ne saurait se justifier en dehors d'une éthique. Le
développement d'une presse responsable et de qualité accompagne
la vie démocratique ; l'une et l'autre cheminent de pair; elles ne
peuvent grandir l'une sans l'autre »31 Raison pour laquelle, la
plupart des confrères sont d'accord pour que soit intégré
à tout projet d'assainissement de la profession, une action de
réhabilitation de quelques valeurs cardinales que sont : la promotion de
la rigueur et de l'honnêteté par l'exemple,
l'équité, la probité intellectuelle, l'objectivité,
la responsabilité sociale, l'esprit d'équipe, la juste
motivation, etc.
2.1 La ponctualité
L'adage bien connu nous apprend que la ponctualité est
la politesse des rois. Qui donnera le bon exemple ? Les ministres
chargés de prononcer les discours d'ouverture des nombreux
séminaires qui se succèdent au quotidien ? Et pourquoi pas le
chef de l'Etat attendu à la cérémonie d'ouverture d'un
colloque international ? Serait-ce trop lui demander? A force d'être des
témoins de la ponctualité au sommet, il est possible que les
journalistes qui sont tributaires du programme des officiels finissent eux
aussi par prendre le bon pli dans l'hypothèse que la ponctualité
puisse être aussi contagieuse que le retard. Mais, entre-temps,
peut-être faudra-t-il penser à instituer dans les
Rédactions, des primes à la ponctualité.
31 G. PONTHIEU, Le métier de journaliste en
30 questions-réponses, GRET, 1998, p. 17
2.2 L'honnêteté
Pouvoir dire les choses telles qu'elles sont. Tel est le
minimum à exiger d'un journaliste. Si l'objectivité est un
idéal hors de portée comme l'on semble l'admettre
désormais sous tous les cieux, les journalistes devraient en revanche
tenir l'honnêteté pour une valeur élevée dans leur
pratique professionnelle. A certains égards, elle paraît
d'ailleurs moins abstraite que l'objectivité et pourrait dans
l'entendement d'un professionnel de l'Information, correspondre au respect du
principe du caractère sacré des faits. Restituer les faits sans
état d'âme, sans parti pris et ne pas chercher à donner
à un événement plus ou moins de valeur qu'il n'en a,
constituerait en tout cas de bonnes prémices pour la pratique de
l'honnêteté.
Ainsi, l'honnêteté dans le métier voudrait
qu'un journaliste chargé d'assurer la couverture médiatique d'un
meeting politique ne soit jamais tenté de faire croire à
l'opinion publique le contraire de ce dont il a été témoin
parce qu'il serait d'un bord politique adverse. S'il a découvert une
salle comble, qu'il ne tente pas de faire croire à l'opinion publique
que cette salle en question a eu du mal à se remplir.
L'honnêteté lui recommande en pareille circonstance, de ne pas
faire des omissions volontaires sur des détails significatifs et de ne
pas occulter à dessein des déclarations supposées
contraires à ses intérêts ou convictions à lui tout
seul.
De même, s'il arrive que pour une raison ou pour une
autre, un journaliste nourrisse quelque antipathie à l'endroit d'un
acteur de la vie politique nationale, il se doit de ne pas en faire porter le
préjudice à ce dernier à travers le traitement qu'il fera
de l'information recueillie.
S'il se trouve aussi que le reportage qu'est appelé
à couvrir un journaliste est commandité par un personnage avec
qui il a des relations conflictuelles, il est hors de question qu'il veuille se
servir de cette contingence comme une occasion de vengeance.
L'honnêteté, entre autres exemples, serait aussi la faculté
qu'aurait un journaliste de reproduire un réquisitoire fait à
l'occasion d'une conférence de presse contre sa corporation. Il laissera
le soin à ses confrères et à ses auditeurs de s'en faire
une opinion. Cette dimension de l'honnêteté renvoie le journaliste
à son code de déontologie qui lui interdit d'user de sa plume, de
son micro ou encore de sa position de faiseur d'opinions pour régler des
comptes ou pour se faire justice.
Toujours en vertu de l'honnêteté, un
élément d'archives ne sera pas présenté comme un
élément d'actualité. De même, un journaliste
honnête ne passera pas outre la volonté d'un interviewé en
restituant dans les colonnes de son journal ou dans une émission
radiotélévisée, une information obtenue « off the
record » (hors micro).
2.3 Le sens de la responsabilité
sociale
Cette notion de la responsabilité sociale du
journaliste semble avoir été bien campée par le
journaliste sénégalais Mame Less Camara à qui nous
empruntons la métaphore que voici: «les médias sont
comparables à des routes et peuvent, à ce titre, servir aussi
bien de lieux de passage à des bus d'écoliers qu'à des
chars de combat. En clair, les médias incarnent une neutralité
telle que leur usage appelle de la part des journalistes une bonne dose de
conscience morale» 32De cette métaphore, on peut retenir
cette vérité bien établie selon laquelle les médias
ne sont bons ou mauvais que par rapport à l'usage qu'on en fait et par
rapport aussi à la conscience de ceux qui les manipulent.
Raison pour laquelle, l'autorégulation est une option
pleine de risques si l'on n'est pas sûr d'avoir affaire à des
journalistes mûrs et pénétrés d'une certaine
éthique de la communication qui préserve les meurs, la
dignité, les droits humains, la stabilité sociale, le droit
à la différence, la paix collective, etc. Car, si la
communication a pour vocation première d'informer, il est important que
cette information puisse permettre à chacun de conserver et de faire
agir sa liberté d'appréciation par rapport à une
situation. Le cas de la Radio « mille collines » lors du
génocide rwandais est encore frais dans nos mémoires pour nous
convaincre de la nécessité d'une démarcation radicale
à opérer entre l'information tout court et l'information à
des fins de mobilisation, de manipulation ou de subversion.
Et c'est justement à ce sens du discernement qu'invite
le professeur Oumar DIAGNE, directeur du CESTI, qui plaide pour un journalisme
qui donne du sens à l'activité informationnelle : « quand
une information, bien que vraie, vérifiée et vérifiable,
risque de déstabiliser la nation au sens profond du terme, ou de
compromettre fatalement l'ordre républicain, il serait inintelligent de
la livrer en toute légèreté... »33. De
même que toute connaissance n'est pas profitable, toute
vérité n'est également pas bonne à dire. Il y a
d'abord la façon dont elle est dite et ensuite l'intentionnalité
de la personne qui l'a dit par rapport au bien de la société. A
ce sujet, Communio et progressio signale que « la bonne
volonté et les intentions pures, bien qu'indispensables à la
morale journalistique, ne suffisent pas. Les communicateurs sociaux doivent
traiter l'information en se préoccupant avec la même rigueur de
son contenu que de la manière dont elle est transmise au public. Les
différences de cultures, de traditions, de sensibilités
33 Article sur « Journalisme et Développement
» in Quaderni, n° 36, 1998, p.39
doivent être respectées.» 34 Car, en
définitive, à quoi servirait l'information la plus croustillante
si elle doit finalement mettre en péril la République?
C'est sûrement là l'un des plus gros défis
de l'autorégulation qui, a priori, se fonde sur le principe que les
journalistes, au sein de leurs Rédactions, seront assez sages et
perspicaces pour choisir et décider ce qui est bon à savoir par
l'opinion publique et qui, par ailleurs, protège les équilibres
institutionnels et sociaux ainsi que les intérêts de la
République et du citoyen.
2.4 Quid de l'intégrité morale?
C'est sûrement la solution la plus simple que de faire
comme tout le monde pour ne pas avoir à trop déranger les autres.
Du moins, cela est tentant. Mais, heureusement, les modèles
d'intégrité, même s'ils sont assez rares existent encore et
l'on peut citer l'exemple de cet ancien rédacteur en chef de
Radio-Bénin (1998) qui a su retourner à l'envoyeur un billet de
5000 FCFA qui accompagnait un communiqué de presse dans le but d'en
faciliter la diffusion. Il l'aurait accepté qu'il aurait non seulement
trahi son code d'éthique mais il aurait également
créé un manque à gagner à l'Office de Radio et
Télévision du Bénin (ORTB) qui dispose d'un service de
Relations Publiques chargé de facturer et d'encaisser les
bénéfices générés par certaines prestations
de Radio-Bénin.
Seulement, à un moment où tous les
repères sont en péril, il est difficile de prêcher la
vertu, même si les esprits les plus sages enseignent qu'il n'y a du
mérite que dans ce qui est hors du commun. Alors, refuser un perdiem sur
le lieu d'un reportage doit-il entraîner pour son auteur railleries,
inimitiés et menaces? Si oui, faut-il aller vers la solution
conventionnelle qui consiste à faire comme tout le monde? Autrement,
que
34 UCIP, Pour une société de
communication, Editions Cana, 1981, p.55
faire si le droit à la différence heurte trop de
sensibilités et vous met en quarantaine dans votre propre corporation ?
A ces questions, il ne saurait avoir de réponses écrites. A
chacun selon sa conscience!
CONCLUSION
« Les loups ne se mangent pas entre eux » a-t-on
coutume de dire pour illustrer un certain réflexe d'auto-défense
propre à des êtres semblables ou à des catégories
d'acteurs liés par des intérêts communs. Curiosité :
y aurait-il une quelconque similitude entre cette loi de la jungle et
l'autorégulation journalistique ?
En principe, non ! Sauf que, vis-à-vis de l'opinion
publique, les journalistes ont la lourde responsabilité de
démontrer, par l'exemple, que l'autorégulation qu'ils
prônent ne relève ni d'un protectionnisme frileux ni d'une
stratégie de parade systématique contre la critique
extérieure. Car, il ne sera pas superflu de convaincre les usagers des
médias et partenaires de la presse qu'il ne s'agit pas pour les
professionnels de l'information de chercher à se dérober à
la mise à l'épreuve publique de leurs actions. Et pourtant, c'est
bien ce risque que soupçonne Cyril Lemieux lorqu'il écrit :
« l'impératif de communication, rappelons-le, est ce principe
apparu avec la crise de la modernité organisée, en vertu duquel
nul n'est censé pouvoir se retrancher derrière les
prérogatives attachées à son statut, pour imposer
unilatéralement ses vues ou se dérober à un examen public
de sa compétence ou de son action »35
Cyril Lemieux qui semble plutôt se réjouir du
retournement de ce principe contre les journalistes y voit en plus un principe
régulateur du travail journalistique et renchérit : « il est
demandé aux journalistes dont l'activité ébranle les
statuts et les sécurités de leurs concitoyens, d'expliquer
à leur tour publiquement les ressorts et les conditions de leur action
et de justifier leurs choix »36.
35 LEMIEUX (Cyril), Mauvaise presse, Editions
Métailié, 2000, p. 94
36 LEMIEUX (Cyril), Mauvaise presse, Editions
Métailié, p. 94
Loin d'être isolé ou marginal, ce point de vue
semble être partagé par nombre d'intellectuels, comme c'est le cas
de la sociologue sénégalaise Fatou Sarr qui estime qu'« il
est nécessaire pour le citoyen de contrôler les professionnels de
la communication parce que la presse participe à la transformation de la
société, soit en l'améliorant, soit en la
régressant »37.
Preuve que, loin d'être une esquive, un effet de ruse ou
encore une échappatoire à la sanction, l'autorégulation,
telle que nous en rêvons pour Radio-Bénin, est plus exactement une
école de la responsabilité et le signe que cette
responsabilité est arrivée à maturité. Et c'est
bien cette maturité dans l'approche et la gestion des conflits internes
à la Rédaction qui autorise à penser et donne à
espérer que, devant la sanction de ses pairs, le journaliste fera amende
honorable. Et pourtant, bien que ce principe soit clamé haut et fort par
les journalistes, on s'aperçoit dans le fonctionnement des
Rédactions de presse qu'il n'est pas toujours aisé pour le groupe
de faire entendre raison à l'individu ; il n'a pas toujours
été évident pour le système de s'imposer à
l'acteur. Ceci, pour la simple raison que les ambitions et les motivations des
uns sont souvent très éloignées de celles des autres et
que les jeux de pouvoir, les stratégies de positionnement et les
quêtes d'autonomie et mêmes les discours sont très
différenciés.
Tant mieux pour cet espace public en miniature où, du
reste, une éthique de la compétition reste à inventer si
l'on sait que, dans leurs interactions, les journalistes d'une même
Rédaction ont autant la capacité de s'épauler, de
solidariser et de se liguer contre l'adversaire commun que celle de s'inhiber
face à certains enjeux de carrière (promotion et positionnement).
Ainsi, les convoitises autour des postes d'attaché de presse, de
rédacteur en chef, de directeur , la course vers les cabinets
ministériels, les appétits de pouvoir, la chasse aux missions
« juteuses » et aux reportages
37 cf Interview accordée à Sud-Quotidien
à l'occasion de la Journée mondiale de la presse (03 mai 2004)
« perdiemisés »38...sont parfois si
féroces que les protagonistes ne s'embarrassent guère de l'esprit
de confraternité.
De même, le projet de faire de la conférence de
rédaction, un espace courtois et civilisé de communication
organisationnelle fait appel à toute une éthique de la discussion
où la recherche de l'argument meilleur, au sens où l'entend
Jürgen Habermas, s'imposerait comme seul critère de
délibération des débats. Le mérite pour les
Rédactions de presse serait de donner de la hauteur, du charme, de
l'élégance et du sens à leurs joutes oratoires.
Aussi, faudra-t-il pousser le plus loin possible le sens de la
responsabilité en impliquant chaque journaliste de la Rédaction
dans la réflexion, la conception et l'adoption d'un Code de bonne
conduite de sa Rédaction. A vrai dire, l'enjeu serait moins le code
luimême que l'obligation morale qu'il devra inspirer à ses propres
auteurs et co-auteurs. Car, s'il est vrai que l'on est naturellement plus
enclin à valoriser et à défendre l'oeuvre de son propre
génie, il est alors hors de tout entendement que des journalistes en
viennent à trahir les principes qu'ils se seraient librement
donnés.
Autant pour Radio-Bénin que pour d'autres organes de
presse, les Rédactions ne sont homogènes qu'en apparence puisque,
de nombreuses alliances ou expériences de coopération ne reposent
que sur des intérêts du moment, les exigences de rendement par la
collaboration et les contraintes d'une cohabitation professionnelle. Sans plus
! Or, à bien y réfléchir, l'harmonie des Rédactions
ne se fera que par un accroissement du sentiment d'identification des
journalistes à leur Rédaction. Ce qui implique que les
rédacteurs en chefs et les directeurs d'organes soient plus attentifs
à des facteurs tels que : le niveau de partage des objectifs de la
Rédaction, le niveau de satisfaction des
38 Des reportages ayant pour enjeux le perdiem ou
toute autre forme de rétribution
attentes, la fréquence des interactions, la
multiplicité ou non des compétitions internes, les sources de
motivations qui, (attention!) ne sont pas que d'ordre matériel et
pécuniaire, mais peuvent, sait-on jamais, simplement s'exprimer en
termes de passion, d'idéal, de besoin de valorisation personnelle, de
quête de légitimité, d'écoute, de reconnaissance,
etc.
En somme, et pour y revenir, l'autorégulation
empruntera quelque chose à chacune et à l'ensemble de ces
variables. Mais fondamentalement, l'on retiendra pour de bon qu'elle est tout
sauf une tour d'ivoire pour journalistes réfractaires à la mise
à l'épreuve critique du citoyen. Plutôt que d'être
perçue et vécue comme la garantie d'une quelconque
immunité professionnelle, l'autorégulation doit absolument se
fonder sur la responsabilité et l'aptitude à
l'auto-évaluation pour devenir ce qu'on attend véritablement
d'elle : une chance pour le management participatif et dynamisant des
Rédactions de presse.
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PERSONNES RESSOURCES
AGOSSOU Claude, journaliste à la
Radiodiffusion nationale du Bénin, actuellement en service à
INADES-Formation à Abidjan (Côte d'Ivoire)
ASSOGBA Henri, journaliste à la
Radiodiffusion nationale du Bénin
AZOKPOTA Fernand, journaliste, ancien Conseiller
à la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication
(HAAC)
CHABI Godefroy, journaliste à la
Radiodiffusion nationale du Bénin
Da MATHA Jacques Philippe, journaliste à
la retraite, ancien Directeur Général de l'Office de
Radiodiffusion et Télévision du Bénin (ORTB)
DIAGNE Oumar, professeur titulaire des
universités, directeur du Centre d'Etudes des Sciences et Techniques de
l'Information (CESTI) - UCAD
DIOP Magatte, journaliste, chef de station de la
Radio-Télévision du Sénégal (RTS) à
Kaolack
MAHOUNON Maurice, journaliste à la
Radiodiffusion nationale du Bénin
TOMONDJI Serge, journaliste, rédacteur en
chef technique du quotidien béninois « Adjinakou », paraissant
à Porto-Novo
SOTINKON Emmanuel, journaliste, Rédacteur
en chef Enquêtes au quotidien béninois « Adjinakou »,
paraissant à Porto-Novo
DIOGO Christophe Pelu, ancien directeur de
Radio-Bénin, de 1996 à 2001
A N N E X E S
ANNEXE 1
CODE DE LA PRESSE BENINOISE
Déclaration des devoirs
Dans la recherche et le traitement de l'information ainsi que le
commentaire des événements, les devoirs essentiels du journaliste
sont :
Article 1
Le journaliste est tenu de respecter les faits, quoique cela
puisse lui coûter personnellement, et ce en raison du droit que le public
a de connaître la vérité.
Article 2
Le journaliste publie uniquement les informations dont l'origine,
la véracité et l'exactitude sont établies.
Le moindre doute oblige à s'abstenir ou à
émettre les réserves nécessaires dans les formes
professionnelles requises.
Le traitement des informations susceptibles de mettre en
péril la société, requiert du journaliste, une grande
rigueur professionnelle et, au besoin, une certaine circonspection.
Article 3
Les fausses nouvelles et les informations inexactes
publiées doivent être spontanément rectifiées.
Le droit de réponse et le droit de réplique sont
garantis aux individus et aux organisations dans les conditions prévues
par la loi. Le droit de réponse et le droit de réplique ne
peuvent s'exercer que dans l'organe qui a publié l'information
contestée.
Article 4
Le journaliste respecte les droits de l'individu à la vie
privée et à la dignité.
La publication des informations qui touchent à la vie
privée de l'individu ne peut être justifiée que par
l'intérêt public.
Article 5
En dehors de la rémunération qui lui est due par
son employeur dans le cadre de ses services professionnels, le journaliste doit
refuser de toucher de l'argent ou tout avantage en nature des mains des
bénéficiaires ou des personnes concernées par ses
services, quelle qu'en soit la valeur et pour quelque cause que ce soit.
Il ne cède à aucune pression et n'accepte de
directive rédactionnelle que des responsables de la rédaction.
Le journaliste s'interdit tout chantage par la publication ou la
non-publication d'une information contre rémunération.
Article 6
Le journaliste s'interdit le plagiat, la calomnie, la
diffamation, l'injure et les accusations sans fondement.
Article 7
Le journaliste garde le secret professionnel et ne divulgue pas
la source des informations obtenues confidentiellement.
Article 8
Le journaliste est libre de prendre position sur n'importe quelle
question.
Il a l'obligation de séparer le commentaire des faits.
Dans le commentaire, il doit tenir scrupule et le souci de l'équilibre
pour règles premières dans la publication de ses informations.
Article 9
L'information et la publicité doivent être
séparées.
Article 10
Le journaliste se refuse à toute publication incitant
à la haine tribale, raciale et religieuse.
Il doit proscrire toute forme de discrimination.
Il s'interdit l'apologie du crime.
Article 11
Le journaliste s'interdit les titres sensationnels sans commune
mesure avec le contenu des publications.
Article 12
Aucune information ne doit être altérée ni
supprimée tant qu'elle ne porte pas atteinte à la
sécurité de l'Etat.
Article 13
Le journaliste est responsable de ses publications, du choix
des photographies, des extraits sonores, des images et de son commentaire, et
ceci en accord avec ses supérieurs hiérarchiques.
Il signale, de façon explicite, un reportage qui n'a pu
être filmé mais qui a été soit reconstitué,
soit scénarisé.
Il avertit s'il s'agit d'images d'archives, d'un
<<faux-direct» ou d'un <<direct »,
d'éléments d'information ou de publicité.
Article 14
Le journaliste évite d'utiliser des méthodes
déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des
illustrations.
Article 15
Le journaliste respecte et protège les droits des mineurs
en s'abstenant de publier leurs photographies et de révéler leur
identité.
Article 16
Le journaliste doit s'abstenir, autant que possible, de publier
des scènes de violence, des images macabres et obscènes.
Article 17
Le journaliste doit rechercher la confraternité.
Il s'interdit d'utiliser les colonnes des journaux ou les
antennes, à des fins de règlement de compte avec ses
confrères.
Le journaliste ne sollicite pas la place d'un confrère, ni
ne provoque son licenciement en offrant de travailler à des conditions
inférieures.
Article 18
La fonction d'attaché de presse, de chargé de
relations publiques et autres fonctions assimilées, est incompatible
avec l'exercice cumulé de la profession de journaliste. Article 19
Avant de produire un article ou une émission, le
journaliste doit tenir compte des limites de ses aptitudes et ses
connaissances.
Le journaliste n'aborde ses sujets qu'après avoir fait un
minimum d'effort de recherche ou d'enquête.
Le journaliste doit constamment améliorer ses talents
et ses pratiques professionnelles en se cultivant et en participant aux
activités de formation permanent organisées par les diverses
associations professionnelles.
Article 20
Tout manquement aux dispositions du présent code de
déontologie expose son auteur à des sanctions disciplinaires qui
pourront lui être infligées par les instances
d'autorégulation des médias et les associations
professionnelles.
Le journaliste accepter la juridiction de ses pairs, ainsi que
les décisions issues des délibérations des instances
ci-dessus mentionnées.
Le journaliste s'oblige à reconnaître la
législation en matière de presse.
Déclaration des droits
Tout journaliste doit, dans l'exercice de sa profession,
revendiquer les droits suivants : Article 21
Le journaliste, dans l'exercice de sa profession, a
accès à toutes les sources d'information et a le droit
d'enquêter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie
publique.
Article 22
Le journaliste a le droit de refuser toute subordination
contraire à la ligne éditoriale de son organe de presse
Article 23
Le journaliste, dans l'exercice de sa profession, peut
invoquer la clause de conscience. Il peut refuser d'écrire ou de lire
des commentaires ou éditoriaux politiques contraires aux règles
de déontologie de la profession ou d'être le censure des articles,
oeuvres radiophoniques et télévisuelles de ses pairs, sur des
bases autres que professionnelles.
En cas de conflit lié à la clause de conscience,
le journalise peut se libérer de ses engagements contractuels à
l'égard de son entreprise, dans les mêmes droits qu'un
licenciement.
Article 24
Le journaliste doit, sur toute l'étendue du territoire
national, et ce sans condition restriction à la sécurité
de sa personne, de son matériel de travail, à la protection
légale et au respect de sa dignité.
Article 25
L'équipe rédactionnelle doit être
obligatoirement informée de toute décision importante de nature
à affecter la vie de l'entreprise. Elle doit être au moins
consultée, avant décision définitive, sur toute mesure
intéressant la composition de la rédaction: embauche,
licenciement, mutation et promotion de journalistes.
Article 26
En considération de sa fonction et de ses
responsabilités, le journaliste a droit non seulement au
bénéfice des conventions collectives, mais aussi à un
contrat individuel assurant la sécurité matérielle et
morale ainsi qu'à une rémunération correspondant au
rôle social qui est le sien et qui garantisse son indépendance
économique.
Fait à Cotonou, le 24 septembre 1999
ANNEXE 2
CODE DE CONDUITE DES JOURNALISTES DE L'AUDIOVISUEL
PUBLIC39
> Considérer les publics auxquels l'on s'adresse comme
des citoyens et non comme des consommateurs ;
> Respecter les droits démocratiques des citoyens en
imposant l'égal accès à l'information des composantes
représentatives de la société civile ;
> Appliquer la règle des trois tiers en faisant en
sorte que le gouvernement use de son droit de parole sur son action publique,
que la majorité parlementaire s'exprime sur son soutien au gouvernement
et que l'opposition parlementaire puisse donner son opinion sur l'action
gouvernementale ;
> S'obliger à la vigilance et à l'exactitude des
faits dans leurs reportages, à
l'équilibre dans le traitement de l'information et dans la
programmation :
interdiction formelle de privilégier
unilatéralement des intérêts spécifiques ;
> Le journaliste du service public ne peut être membre
actif d'un parti politique ;
> La couverture d'un événement doit être
du seul ressort de la rédaction et des
journalistes et non de l'injonction des pouvoirs politiques ;
> Les journalistes doivent mettre l'accent sur la lutte
contre la violence et la prostitution et pour la promotion des informations
adaptées au besoin du monde rural, de la jeunesse, de la femme et des
couches défavorisées ;
> Garantir à tous les citoyens la possibilité de
s'exprimer sur les questions d'intérêt général;
39 S.T. BALIMA, portefeuille de lecture:
principes et pratiques du journalisme, DESS 2005-2006 Option Journalisme,
Centre d'Expertise et de Recherche Africain sur les Médias et la
Communication (CERAM), Ouagadougou, pp. 10-11.
> Séparer le fait du commentaire et rechercher en tout
temps la vérité et l'objectivité ;
> La sélection des nouvelles doit être
dictée par l'intérêt exclusif des citoyens et par le droit
d'accès à l'information, ce qui requiert honnêteté,
discernement et impartialité.
ANNEXE 3
MISSION DE L'OBSERVATOIRE DE LA DEONTOLOGIE ET DE
L'ETHIQUE DANS LES MEDIAS (ODEM)
L'ODEM qui a démarré ses activités le 3 mai
1999 a pour mission de :
s Faire respecter les règles de déontologie dans
les médias
s Protéger le droit du public à une information
libre, complète, honnête et exacte s Défendre la
liberté de presse
s Veiller à la sécurité des journalistes
dans l'exercice de leur fonction et de garantir
leur droit d'enquêter librement sur tous les faits
concernant la vie publique s Mener des recherches et des réflexions sur
l'évolution des médias.
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