IMPACT DE LA GESTION PARTICIPATIVE SUR
LES DENSITES ET EFFECTIFS DES
POPULATIONS ANIMALES DANS L'UNITE
TECHNIQUE OPERATIONNELLE DE LA
BENOUE AU NORD-CAMEROUN :
Cas des ZIC N°1 et 4 et du Parc
National.
MENDJEMO MAURICE
MEMOIRE PRESENTE EN VUE DE L'OBTENTION DU DIPLOME
DE
MASTER COMPLEMENTAIRE EN GESTION DES RESSOURCES
ANIMALES ET VEGETALES EN
MILIEUX TROPICAUX
Filière gestion de la faune
ANNEE ACADEMIQUE 2008-2009
(c) Toute reproduction du présent document, par quelque
procédé que ce soit, ne peut être réalisée
qu'avec l'autorisation de l'auteur et du promoteur.
Le présent document n'engage que son auteur.
REMERCIEMENTS
Cette formation n'aurait été possible sans le
financement de la commission universitaire pour le développement (CUD)
à qui je rends un hommage mérité.
Je remercie l'Université de Liège (Faculté
de médecine vétérinaire) et la Faculté
Universitaire des Sciences Agronomiques de Gembloux qui m'ont permis de
réaliser ce travail
Je me dois également de témoigner ma
reconnaissance au Dr. Jean-Luc Hornick qui a bien accepté d'être
le promoteur de ce travail nonobstant ses multiples occupations et pour son
suivi tout au long de cette formation.
Que tous les enseignants du Master complémentaire en
gestion des ressources animales et végétales en milieux tropicaux
trouvent ici l'expression de ma reconnaissance pour leur savoir partagé.
J'en ferai bon usage.
Un merci particulier au Dr. Marie Malice, et à mesdames
Hélène Crahay et Valérie Jaumin pour leur suivi quotidien
tout au long de cette formation.
Merci à tous mes camarades du Master
complémentaire en gestion des ressources animales et
végétales en milieux tropicaux (GRAVMT) et plus
particulièrement à Mathias Affoukou, Ibrahim Madougou, Annabelle
Daburon et Aloys Nijimbéré pour nos précieuses
collaborations.
Je ne peux manquer de témoigner ma reconnaissance à
:
- Samuel C. Tsakem pour toute sa contribution pour ce travail.
Merci Samuel pour ta bonne volonté, ta précieuse collaboration et
ton esprit de partage.
- Charlotte Cheumani Noudjieu pour sa disponibilité, la
relecture et la réorganisation de ce document et pour toute sa
contribution pour mon bien être ; Charlotte, je ne peux assez te
remercier. gros bisou.
- Georges Chekuimo pour toute notre amitié et ses
multiples services rendus pour la recherche de mon bonheur.
- André Monkam, mon premier employeur pour sa confiance
renouvelée depuis de nombreuses années.
- Félix Ngonpa et Adonis Touko pour leur soutient
permanent.
- ma petite famille dont Mendjemo Ngangom Gérard Ledoux,
Mendjemo Gnegueu, Mendjemo
Kameni, Ndouanou Mireine et Cheumani Noudjieu Charlotte pour
avoir pu supporter mon
absence physique tout au long de cette formation. Merci pour le
soutien incommensurable. Que tous ceux qui de près ou de loin ont
mimé un seul instant pour mon épanouissement trouvent ici
l'expression de ma profonde gratitude.
SIGLES ET ACRONYMES
ADMADE: Administrative Management Design for Game Management
Areas
AP : Aires protégées
CAMPFIRE : Communal Area Management Programme for Indigenous
Resource CVF : Comité villageois de la faune
Ha : Hectare
IKA : Indices kilométriques d'abondance
MINDAF : Ministère des domaines et des affaires
foncières.
MINEP : Ministère de l'environnement et de la protection
de la nature
MINFOF : Ministère des forêts et de la faune
Pdf : probability of detection function PN : Parc National
PNBé : Parc National de la Bénoué
PNUD : Programme des nations unies pour le
développement
SNV: Organisation néerlandaise pour le
développement
SODECOTON : Société de développement du
coton
UCVF : Union des comités villageois de la faune
UTO : Unité technique opérationnelle WWF: world
wide fund for nature
ZIC : Zone d'intérêt cynégétique ZUM :
Zone à usage multiple
Sommaire
REMERCIEMENTS II
SIGLES ET ACRONYMES III
SOMMAIRE IV
RESUME VI
ABSTRACT VII
CHAPITRE PREMIER : INTRODUCTION 1
1.1. CONTEXTE 1
1.2. PROBLEMATIQUE 1
1.3. OBJECTIFS DE L'ETUDE 2
1.3.1. Objectif global 2
1.3.2. Objectifs spécifiques 3
CHAPITRE II : PRESENTATION DE LA ZONE D'ETUDE
4
2.1. PRESENTATION GENERALE 4
2.1.1. Localisation géographique et administrative
4
2.1.2. Climat 6
2.1.3. Géomorphologie, formations géologiques
et sols 7
2.1.4. Hydrographie et hydrologie 7
2.1.5. Végétation et flore 8
2.1.6. Faune 8
2.1.7. Historique de l'UTO de la Bénoué
9
2.1.8. Caractéristiques socioculturelles et
démographique de la zone d'étude 10
2.1.9. Caractéristiques économiques de la zone
d'étude 12
CHAPITRE III : REVUE DE LA LITTERATURE 13
3.1. GESTION PARTICIPATIVE DES RESSOURCES NATURELLES : EVOLUTION
DANS LE TEMPS 13
3.2. QUELQUES EXEMPLES DE GESTION PARTICIPATIVE 14
3.2.1. Cas de l'ADMADE en Zambie : Administrative Management
Design 14
3.2.2. Cas du programme CAMPFIRE au Mozambique : Communal
Area Management Programme for
Indigenous Resource 15
3.2.3. Cas de NAZINGA au Burkina Faso 16
3.2.4. Cas du «CONSERVANCY PROGRAMME» en Namibie
17
3.2.5. Cas des Projets Waza Logone et Korup au Cameroun
18
3.3. IMPORTANCE FAUNIQUE DANS L'UTO DE LA BENOUE 18
CHAPITRE IV : MATERIEL ET METHODES 20
4.1. DENOMBREMENT DE LA FAUNE 20
4.1.1. Matériel 20
4.1.2. Approche méthodologique utilisée
20
4.1.3. Matérialisation des transects 22
4.1.3. Données collectées 22
4.2. ANALYSE DES DONNEES 23
4.2.1. Estimation de densité 24
4.2.2 Calcul des indices kilométriques d'abondance
(IKA) 25
4.2.3. Distribution des animaux et activités humaines.
25
4.2.4. Structure d'âge et de sexe des animaux
26
4.3. ANALYSE DES SYSTEMES DE COGESTION DEVELOPPES DANS LES ZIC 1
ET 4 26
4.4. PROPOSITION DES MESURES COMPLEMENTAIRES D'ATTENUATION ET/OU
DE BONIFICATION DU
SYSTEME DE COGESTION MIS EN PLACE. 26
CHAPITRE V : RESULTATS ET DISCUSSIONS 27
5.1. SITUATION ACTUELLE DE LA FAUNE DANS LES ZIC 1 ET 4 27
5.1.1. Effectifs et densités des populations animales
27
5.1.2. Indice kilométrique d'abondance des
espèces observées 29
5.1.3. Evolution des densités, effectifs et de
l'abondance relative des principales espèces depuis 1975 31
5.1.4.
Structure d'âge et sexe des animaux 32
5.2. NOUVELLE GEOMETRIE DE LA GESTION PARTICIPATIVE ET DE
PRESERVATION DE LA FAUNE 33
5.2.1. De la gestion coercitive à la cogestion
33
5.2.2. Faiblesses du système de cogestion mis en place
34
5.2.3. Echelle limite d'implication des communautés
locales à la gestion des ZIC 35
5.3. DEVELOPPEMENT D'ALTERNATIVES AU BRACONNAGE : PROMOTION DE
L'ELEVAGE DU GIBIER 36
5.4. TRANSFORMATION D'UNE DES ZIC EN GAME FARMING POUR UNE
RENTABILITE PLUS ACCRUE 38
5.5. OBSTACLES POSSIBLES A L'ELEVAGE NON CONVENTIONNEL ET AU GAME
RANCHING DANS LA ZONE 38
CONCLUSION 40
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 41
ANNEXES 45
Liste des tableaux
Tableau I : Diversité des espèces animales
observées dans la zone. 27
Tableau II : Densité et effectif des animaux suffisamment
représentés dans le PNBé et les ZIC 1&4 28
Tableau III : Valeur d'IKA pour les espèces de faibles
densités observées dans la zone en comparaison avec celles
obtenues en 2006 dans la même zone 30 Tableau IV : Comparaison des
densités animales et des effectifs de quelques grands mammifères
dans la zone entre 1975 et 2008 31 Tableau V : Structures des groupes, rapport
jeune/adulte et rapports de sexe de quelques mammifères
du PNBé 33
Tableau VI : Développement de l'aulacodiculture au
Cameroun de 2002 à 2007 36
Tableau VII : Bilan de flux d'une aulacodiculture au Burkina-Faso
(Ferme de démonstration de Wédbila) 37
Liste des figures
Figure 1 : Localisation de l'UTO de la Bénoué dans
le réseau d'aires protégées du Nord Cameroun 5
Figure 2 : Localisation du Parc National et des ZIC de l'UTO de
la Bénoué 6
Figure 3 : Exemple simplifié de la méthode de
dénombrement par transect linéaire 21
Figure 4 : Disposition du réseau de transects dans les
quadrats de 5x5km 22
Figure 5 : Courbe de détectabilité des
espèces dans le PNBé et les ZIC 1 & 4 25
Figure 6 : Proportion des animaux suffisamment
représentés dans le PNBé et les ZIC 1&4 29
RESUME
Ce travail s'appuie sur l'hypothèse de recherche selon
laquelle le processus de cogestion doit contribuer à l'accroissement des
effectifs fauniques dans le parc national de la Bénoué et les
zones d'intérêt cynégétique (ZIC) 1 et 4 au Nord
Cameroun. Actuellement, on constate que la diminution voire la disparition de
nombreuses espèces progresse malgré le processus de cogestion
amorcé. La gestion participative est-elle donc réellement un
outil de conservation approprié et a-t-elle un impact sur le maintien ou
l'augmentation des densités et effectifs animales ?
L'impact de la gestion participative des ZIC 1 et 4 sur les
densités des populations animales dans l'unité technique
opérationnelle de la Bénoué a été
évalué par comparaison des données d'inventaires
réalisées les années antérieures avec celles
réalisées en Février 2008 par le Fond Mondial pour la
Nature (WWF) selon la méthode de transect linéaire. Les
densités de 8 espèces suffisamment observées
d'après le programme distance ont seulement pu être
estimées. La richesse spécifique de la zone est estimée
à environ 26 espèces de grands et moyens mammifères et le
Cob de Buffon (Kobus kob kob) représente 36% des effectifs
fauniques dans le parc et les ZIC 1 et 4. Malgré la cogestion, la
disparition des espèces phares de la chasse sportive et du tourisme de
vision demeure encore préoccupante.
Pour atteindre ses objectifs, la cogestion nécessite
que des alternatives au développement du braconnage, cause principale de
la disparition des espèces fauniques, soient identifiées. Ainsi,
le développement de l'aulacodiculture est susceptible de rapporter des
revenus complémentaires substantiels aux populations. D'autre part, la
transformation d'une des zones d'intérêt cynégétique
en game ranching permettrait de réintroduire des espèces
déjà disparues comme le rhinocéros.
Mots clés : Cogestion, Zone
d'intérêt cynégétique, Parc national de la
Bénoué, Densité faunique, Cameroun.
ABSTRACT
This work is based on the hypothesis that the participative
management process should contribute to the wildlife increase in the Benoue
national park and hunting zones 1 and 4 of North Cameroon. Actually, the
reduction or even disappearance of many species keeps on despite the start of
the joint management process. The question is raised whether management is
really an appropriate tool for conservation and if participative management has
impact on maintaining or increasing animal densities.
The impact of participative management of ZIC 1 and 4 on the
densities of animal populations in the Benoue operational technical unit was
assessed by comparing data from inventories carried out in February 2008 by the
World Wide Fund for Nature (WWF) according to the line transect method and data
from previous years. The densities for 8 species only were assessed according
to the «Distance» program. The species richness of the area is
estimated at around 26 species of large and medium mammals, the Cob Buffon
(Kobus kob kob) representing 36% of wildlife in the park and in ZIC 1
and 4. Despite the participative management, the disappearance of flagship
species from games hunting and tourism still remains worrisome.
To achieve its objectives, the joint management requires to
identify alternatives to the development of poaching -which is the major cause
of the disappearance of wildlife species. Thus, the development of the
grasscutter breeding is likely to yield substantial complementary revenues to
people. Moreover, forest administration might transform hunting zones in game
ranching, allowing to reintroduce species already extincted like rhinoceros.
Keywords: Joint management, Hunting, Benoue
National Park, Wildlife, Cameroon
CHAPITRE PREMIER : INTRODUCTION
1.1. Contexte
L'homme, a toujours tiré les ressources dont il a
besoin pour sa subsistance - bois de chauffage, gibier, produits pour la
pharmacopée traditionnelle, ... - du milieu naturel (Barrère,
1992). Leur exploitation était jadis sans danger notoire pour la
conservation de la biodiversité car le taux de prélèvement
était compatible avec leur caractère renouvelable (Faucheux,
1990).
Le taux d'accroissement annuel moyen de la population humaine,
estimé à 1,9% en 1950, a été évalué
à 2,3% entre 2000-2005 (UNDP, 2008). Avec une telle démographie,
la diminution des ressources naturelles, notamment les ressources fauniques,
s'accentue (Deraime, 1993).
Ainsi, au Cameroun, la population de Rhinocéros noir
(Diceros bicornis longipes) était estimée à 2000
dans les années 1960 et à environ 18 individus en 1998 (Brett,
1998) ; aujourd'hui, cette espèce a déjà disparu dans la
région (WWF, 2007).
En outre, la population d'éléphants
(Loxodonta africana africana) a fortement chuté au cours de la
deuxième moitié du XXième siècle bien
qu'elle connaisse une certaine stabilité depuis 1998 (UICN, 2007). En
1979, le nombre d'éléphants en Afrique était estimé
à 1,3 millions d'individus ; en 1995, l'effectif total n'était
compris qu'entre 300.000 et 600.000 individus (Robinet, 1998). L'effectif
actuel se situe entre 470.000 et 690.000 (UICN, 2007).
Selon Depierre et Vivien (1992), les parcs nationaux (PN) et
autres aires protégées constituent la solution idéale pour
la sauvegarde de la biodiversité. Autour des trois parcs nationaux que
compte la Région du Nord Cameroun à savoir les PN de la
Bénoué, de Bouba Ndjida et du Faro, près de 27 zones
d'intérêt cynégétique (ZIC) y ont été
créées.
Une ZIC, telle que définie par la loi N° 94 / 01 /
du 20 Janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la
pêche, est « une aire protégée, réservée
à la chasse, gérée par l'administration chargée de
la faune, une personne physique ou morale, une collectivité publique ou
locale et dans laquelle toute chasse est subordonnée au payement d'un
taux fixé par la loi de finance ». Trois ZIC (1, 4 et 6)
créées par Arrêté N°0580/A/MINEF/DFAP/SDF/SRC
du 27 août 1998, ont été identifiées comme zones
pilotes où pourront être conduits des essais de gestion
participative ou cogestion de la faune entre les populations locales et
l'administration forestière (Koulagna et al., 1996). Ce n'est
que depuis 2004 que les ZIC 1 et 4 sont en cogestion tandis que la ZIC 6 a
été déclassée du fait de son anthropisation par
décision du MINFOF en 2007.
1.2. Problématique
Des questionnements du genre « pourquoi, pour qui et
comment protéger? » reviennent très souvent dans le milieu
paysan et inhibent tout élan en faveur de la conservation et de la
gestion durable des ressources naturelles.
L'essentiel des problèmes de gestion des ZIC
réside dans leur maîtrise foncière par une population qui
considère le classement des ZIC comme une forme d'expropriation les
mettant écologiquement en danger (De la Mettrie, 1990).
L'unité technique opérationnelle (UTO) de la
Bénoué se caractérise par un écosystème
fragile, une forte densité des populations et une forte pression
foncière. Elle est soumise aux effets néfastes de la
sécheresse, exacerbée notamment par la déforestation et
l'érosion des sols. Sous l'effet des changements climatiques, de
l'augmentation de la pression humaine et des pratiques culturales et
d'élevage extensif, les ressources en eau sont menacées par la
dégradation des berges, la pollution, l'envasement, l'eutrophisation et
les perturbations du régime hydrauliques (MINEP et PNUD, 2006).
Les pratiques de pêche inadaptées, dont notamment
la construction de canaux de pêche et l'utilisation des produits toxiques
(Tsakem, 2006), menacent le potentiel de la faune aquatique et contribuent
à l'assèchement rapide de la plaine inondable avec pour
conséquences des dysfonctionnements hydrologiques, qui influent
directement sur certaines activités socio-économiques qui en
dépendent, à l'instar de la pêche dont la baisse des
rendements est estimée à plus de 90% (Noordji, 1988 ; MINEP et
PNUD, 2006).
Le passage répété des feux de brousse et
la persistance de la pratique des feux de brousse tardifs ont également
un effet néfaste sur la végétation dont la croissance est
fortement affectée avec pour conséquence l'appauvrissement de la
composition floristique et la disparition du couvert végétal et
donc de la faune.
La prise de conscience de l'importance de l'implication des
communautés locales à la gestion de leur patrimoine a conduit
l'administration forestière camerounaise à tester depuis 1998 des
méthodes de cogestion dans les ZIC 1 et 4. C'est l'objet de la
présente étude.
Malgré les efforts fournis par le Gouvernement
camerounais en matière de conservation des ressources naturelles,
à travers la signature des Conventions, des Accords et Traités,
et l'élaboration d'un certain nombre de textes législatifs et
réglementaires, la diminution voire la disparition de nombreuses
espèces continue. N'est-il donc pas temps d'évaluer les effets de
la participation des populations à la gestion des aires
protégées ? La gestion participative est-elle réellement
un outil de conservation approprié ? En somme, la gestion participative
a-t-elle un impact sur le maintien ou l'augmentation des densités
animales ? Les réponses à ces questions doivent être
trouvées de toute urgence afin de décider dans un délai
très proche de la meilleure approche de gestion qui garantit la
sauvegarde de la biodiversité par les populations.
1.3. Objectifs de l'étude 1.3.1. Objectif
global
+ Evaluer l'impact de la gestion participative sur les
densités et effectifs des populations animales dans le parc national de
la Bénoué et les ZIC 1 et 4.
1.3.2. Objectifs spécifiques
+ Faire un diagnostic de l'état actuel des populations
animales (statut des espèces, répartition, importance
quantitative) ;
+ Analyser les systèmes de cogestion
développés dans les ZIC 1 et 4 ;
+ Proposer des mesures complémentaires
d'atténuation des impacts et/ou d'amélioration du système
de cogestion mis en place en vue d'améliorer la gestion durable de la
faune dans la zone.
CHAPITRE II : PRESENTATION DE LA ZONE D'ETUDE
2.1. Présentation générale
2.1.1. Localisation géographique et
administrative
L'UTO de la Bénoué englobe le parc national de
la Bénoué (PNBé) et huit zones d'intérêts
cynégétiques (ZIC) adjacentes (1, 2, 3, 4, 5, 7, 9 et 15) tels
que les montrent les cartes n°1 et 2. Cette UTO se trouve dans la
Région du Nord située entre 8° et 10° de latitude Nord
et entre 12° et 16° de longitude Est. Elle couvre les
départements de la Bénoué, du Rey Bouba, de Mayo Rey.
Le PNBé créé en 1968 couvre une
superficie de 180.000 ha et jouit d'un statut de protection intégrale.
Il est limité au nord par les cours des Mayo Ladé et Laindelaol,
au sud par le cours du Mayo Dzoro, à l'est par le cours du fleuve
Bénoué, et à l'ouest par la route nationale N°1
Ngaoundéré - Garoua, le village Banda et le cours du Mayo Salah
et du Mayo Ladé. Les ZIC N°1 et 4 situées à l'ouest
de l'UTO de la Bénoué couvrent respectivement 39.552
et 40.640 ha. Leurs limites sont définies par
l'arrêté N°0580/A/MINEF/DFAP/SDF/SRC du 27 août
1998.
La ZIC N°1 localisée dans l'arrondissement de Rey
Bouba est limitée au nord par le Mayo Wani, les villages Dogba et Bouk,
à l'est par le village Banda (vers le sud), au sud par les villages
Banda et Nigba, et à l'ouest par le village Nigba et le Mayo Wani. La
ZIC N°4 est localisée dans le département de Mayo Rey et
limitée au nord par le village Gouna et la route nationale N°1
GarouaNgaoundéré, à l'est par l'ancienne piste allemande,
au sud par les villages Banda, Guidjiba et Dogba, et à l'ouest par le
village Gouna.
Figure 1 : Localisation de l'UTO de la
Bénoué dans le réseau d'aires protégées du
Nord Cameroun
Par : Endamana D, Etoga G. WWF Savanes, 2006.
Figure 2 : Localisation du Parc National et des
ZIC de l'UTO de la Bénoué
2.1.2. Climat
L'UTO de la Bénoué et ses environs
bénéficient d'un climat soudano-guinéen. Ce climat se
caractérise par une saison sèche (4,5 mois) allant de novembre
à Mars et une saison de pluie (6,7 mois) allant d'avril à
octobre. La moyenne pluviométrique corroborée par les archives de
la station de Buffle-Noir la plus proche était d'environ 1.400 mm / an
dans les années 1998 ; les mois les plus pluvieux étant
Août et Septembre avec 352,5 et 362,5 mm de pluie respectivement
(Mendjemo, 1998).
L'analyse de la variation des précipitations moyennes
annuelles montre une tendance à la sécheresse. Par ailleurs, les
risques liés à la pluviométrie concernent la grande
variabilité de la pluviométrie dans l'espace et dans le temps et
l'agressivité des pluies. Ces contraintes climatiques contribuent, pour
beaucoup, à l'exacerbation du processus de désertification dans
cette zone (MINEP et PNUD, 2006). Les températures moyennes diurnes sont
voisines de 28°C, avec des écarts thermiques (7,7°C)
très importants.
2.1.3. Géomorphologie, formations géologiques
et sols
La topographie de l'UTO de la Bénoué est
formée d'une succession de collines séparées par de
vallons à fonds évasés, souvent érodés ou
ravinés. Elle est caractérisée par un relief relativement
accidenté comprenant un ensemble de massifs localement appelés
« Hossérés », dont l'altitude minimale est de 220 m et
la maximale de 759 m au niveau de Mbana. Ces hossérés sont
séparés par des plaines plus ou moins vastes (Dirasset et
al., 2000).
Deux principales formations géologiques dominent le
bassin de la Bénoué : il s'agit du socle granito-gneissique et
des alluvions fluviales (Brabant et al., 1985). Les roches grenues
acides prédominent dans la région.
La carte des sols de la Région du Nord
éditée par l'ORSTOM (Brabant et Gavaud, 1985) indique que le
PNBé et ses zones périphériques sont constitués
essentiellement de régosols et de lithosols. On y trouve
également des sols ferrugineux qui constituent environ 60% des sols
cultivés de la Région. Ils ont une faible teneur en argile,
souffrent d'un lessivage important et leur structure est peu
développée en surface avec un horizon sablo-argileux en
profondeur. Ces sols sont acides avec un pH compris entre 5 et 6.
2.1.4. Hydrographie et hydrologie
L'UTO de la Bénoué fait partie du Bassin de la
Bénoué arrosé par le fleuve Bénoué qui
constitue le principal affluent du Bassin du Niger et l'unique cours d'eau
permanent de la zone. Le réseau hydrographique du Bassin de la
Bénoué est de moindre importance et de type saisonnier.
Le régime hydrologique des principaux cours d'eau est
marqué par le climat soudano-guinéen avec comme principales
caractéristiques des débits élevés, des crues
annuelles brutales, des étiages très prolongés et un
écoulement saisonnier localement appelé Mayo ou cours d'eau
saisonniers dont les Mayo Sala, Altou, Wani et Konwa.
Le régime des cours d'eau est davantage lié
à l'importance de la durée de la saison sèche et/ou
à la durée/intensité de la saison des pluies, ainsi
qu'à un ensemble de facteurs variables relatifs à l'état
du sol. La hauteur et la durée des crues sont localement très
importantes pour les cultures de décrue et pour les activités
agro-sylvo-pastorales d'une manière générale. Ces
ressources en eau sont complétées
par des retenues d'eau vitales pour la population, au rang
desquels le barrage de Lagdo, le barrage de Maga et le Lac Tchad.
2.1.5. Végétation et flore
D'après le profil environnemental réalisé
en 2004, la végétation de la zone soudano-sahélienne est
composée des steppes arbustives soudano-sahélienne de la
région de Garoua, des savanes arbustives de la vallée de la
Bénoué, des savanes médio-soudaniennes sur sols plus ou
moins caillouteux (ERE Développement, 2009).
La flore est dominée par les savanes soudanaises avec
une présence de galeries forestières qui jonchent les lits des
cours d'eau (Letouzey, 1968). Ce sont des facteurs qui favorisent l'habitat de
la faune sauvage et qui font de l'UTO de la Bénoué et ses
environs un gîte par excellence pour les animaux.
Les espèces herbacées et ligneuses de la savane
ont de multiples usages : bois de chauffe, matériaux de construction,
outils, meubles, produits de cueillette, pharmacopée, etc. La production
du bois de feu et de charbon constitue dans la région, la plus
importante forme d'exploitation des espèces ligneuses. Cette
exploitation est stimulée par une forte demande au niveau des centres
urbains. Les espèces les plus appréciées sont :
Anogeissus leiocarpus, Dalbergia melanoxylon, Acacia seyal, Dichrostachys
cinerea, Balanites aegyptiaca (Mendjemo, 1998). La surexploitation des
ressources ligneuses a induit une forte dégradation du couvert
végétal, voire leur raréfaction, ainsi que la modification
des écosystèmes et une importante perte en biodiversité.
Les trajectoires naturelles de ces formations suivent désormais une
dynamique régressive.
2.1.6. Faune
L'UTO de la Bénoué constitue une région
représentative de la diversité animale des savanes d'Afrique
Centrale. Elle abrite de nombreuses espèces et populations de
mammifères, d'oiseaux et de poissons. Plus de 26 espèces
appartenant à 11 familles ont été recensées dans le
PNBé (WWF et FAC, 1998). Les mammifères grands et moyens sont les
plus représentés et comprennent principalement : les bubales
(Alcelaphus buselaphus major), les élands de Derby
(Taurotragus derbianus), les hippotragues (Hippotragus
equinus), les buffles (Syncerus caffer caffer), les reduncas
(Redunca redunca), les cobes Defassa (Kobus defassa), les
cobes de Buffon (Kobus kob kob), les guibs harnachés
(Tragelaphus scriptus), les ourébis (Ourebia ourebi),
les céphalophes à flancs roux (Cephalophus rufilatus),
les phacochères (Phacochoerus africanus), les hippopotames
(Hippopotamus amphibus), les éléphants (Loxodonta
africana africana), les lions (Panthera leo), les hyènes
tachetées (Crocuta crocuta), les patas (Erythrocebus
patas), les cynocéphales (Papio anubis), les colobes
à manteau blanc (Colobus guereza) et les singes verts
(Cercopithecus aethiops). Certaines espèces de
carnivores telles que les lycaons (Lycaon pictus) et
les panthères (Panthera pardus) sont en voie de
raréfaction tandis que le rhinocéros noir (Diceros bicornis
longipes) a été éliminé du PNBé et
l'élan de Derby menacé.
L'avifaune comprend plus de 306 espèces
(Dowsett-Lemaire et Dowsett, 1999). Les principales sont : le touraco
(Tauraco leucolophus), l'oie de Gambie (Plectropterus
gambensis), le busard des roseaux (Circus aeruginosus), le coucal
du Sénégal (Centropus senegalensis), le héron
garde-boeufs (Bubulcus ibis), le héron goliath (Ardea
goliath), les tourterelles (Streptopelia sp.), l'ombrette
(Scopus umbretta), le francolin (Francolinus bicalcaratus) et
la pintade commune (Numida meleagris). Par ailleurs les espèces
telles que la cicogne (Ciconia sp.), le jabiru d'Afrique
(Ephippiorhynchus senegalensis) et l'ibis sacré
(Threskiornis aethiopicus) sont en voie de disparition de la
région.
La faune aquatique de la zone est riche et diversifiée
mais reste sous la dépendance de l'unique fleuve Bénoué.
Ce fleuve offre aux populations toute une gamme de variétés de
poissons : le hareng (Pellonula miri), l'hétérotis
(Heterotis niloticus), le clarias (Clarias albopunctatus, C.
anguillaris, C. gariepinus), le tilapia (Tilapia rendalli, T.
zillii), le tetraodon (Tetraodon lineatus), le barbeau
(Barbus spp.), les poissons-chats (Auchenoglanis biscutatus, A.
occidentalis), le binga (Hydrocinus vittatus, H. brevis, H.
forskalli) (Tsakem, 2006). Malgré la grande diversité des
poissons qu'on y trouve (Vivien, 1991), deux espèces seulement (le binga
et le capitaine) sont très prisées des touristes pour la
pêche sportive.
Les activités de développement menées par
les populations locales (agriculture, chasse, etc.) ont des conséquences
non négligeables sur la biodiversité de la région. Elles
contribuent à la diminution des habitats des animaux et à la
dégradation de la forêt. Ces impacts négatifs pourraient
s'accentuer avec l'exploitation du bois de chauffe et le développement
des routes.
En effet, si la biodiversité de la zone n'est pas
exploitée de façon durable et rationnelle, elle risque de
compromettre leur équilibre et leur pérennité dans un
avenir proche, à moins que des mesures appropriées soient
prises.
2.1.7. Historique de l'UTO de la Bénoué
A l'époque précoloniale, la zone actuellement
occupée par le PNBé et sa périphérie était
utilisée par le Lamido (autorité traditionnelle suprême) de
Rey-Bouba comme son domaine privé de chasse. Sous l'impulsion de
l'administrateur colonial Pierre Flizot, une partie de ce domaine fut
classée "réserve de la faune de la Bénoué" suivant
l'arrêté N° 341/32 du 11 novembre 1932 du haut commissaire de
la république française au Cameroun. Afin de limiter la pression
sur les ressources naturelles, l'arrêté N° 120/SEDR du 5
décembre 1968 érigea ce domaine en "Parc National de la
Bénoué". L'UNESCO classa en 1981, le PNBé dans la liste
des réserves de la Biosphère en raison de la présence
humaine autour du parc et son premier plan d'aménagement fut
élaboré en 2002 (Tsakem, 2006). Les zones d'intérêt
cynégétique 1 et 4 comme toutes les autres ZIC de la province ont
été
créées autour du parc par l'arrêté
N° 86/SEDR/DEFC du 21 octobre 1969. Ce sont les zones vouées
à la protection et à l'exploitation de la faune par la chasse
moyennant paiement de droits et taxes tels que prévus par la
réglementation en vigueur.
L'unité technique opérationnelle (UTO) de la
Bénoué est l'unique aire protégée de
première catégorie dans la région septentrionale du
Cameroun. Bien qu'elle soit classée parmi les plus riches du pays en
termes de diversité biologique, cette aire protégée, tout
comme les zones banales environnantes, sont exposées à la chasse
illégale ou braconnage; les populations locales appréciant bien
le gibier (WWF, 2004).
2.1.8. Caractéristiques socioculturelles et
démographique de la zone d'étude
· Groupes ethniques et migrations des
populations
Plusieurs ethnies composent la population vivant dans l'UTO
de la Bénoué. Les groupes autochtones sont composés des
Haoussas essentiellement commerçants, des Foulbés
particulièrement éleveurs, des Fali, Kangou, Mboum, Laka, Dourou,
Veré, Tchamba, Bata qui sont des agriculteurs. L'ethnie majoritaire est
constituée par les Dourou pour la plupart des agriculteurs.
Les allogènes sont représentés par les
immigrants venus de l'Extrême-Nord et du Tchad: il s'agit des Toupouris,
Massa, Matakam, Moundang, Guiziga, Laka, Mada qui pratiquent pour la plupart la
culture du coton (WWF et al, 2002). Ils sont fortement
impliqués dans l'exploitation et la vente de bois de chauffage ;
activités qui contribuent substantiellement à la destruction du
couvert végétal, et donc de l'habitat pour la faune.
La population de la région du Nord est à la
fois moins dense et moins bien repartie (73% de la population y occupe
seulement 26% de la superficie) (DNSC, 2007). L'UTO s'étend sur un seul
département et est peuplée d'environ 176708 habitants (Endamana
et al., 2006).
· Organisation sociale et régime foncier
La société dans la Région du Nord
Cameroun est organisée autour de la chefferie localement appelée
Lamidat à la tête duquel se trouve un Lamido qui constitue
l'autorité traditionnelle ; celui-ci est le véritable gardien des
traditions ancestrales. Les ZIC 1 et 4 comptent prêt de 9 villages tous
sous l'autorité du Lamidat du Rey-Bouba. Les Lawans sont les chefs de
quartiers tandis que les djaoros sont les chefs du village. Ceux-ci constituent
les relais du Lamido au niveau des villages et des quartiers.
Le système politique traditionnel y est de type
féodal où le Lamido est considérée comme
l'intermédiaire entre Dieu et les hommes ; cette autorité est
décentralisée au niveau des relais locaux; ainsi le lamido confie
une partie de la gestion du territoire aux lawans et aux djaoros qui ont
respectivement le statut de chef de deuxième et
troisième degré. Les régimes fonciers traditionnels en
vigueur valorisent soit une gestion collective, soit une gestion
individuelle des terres (Nanko, 2009) :
- Chez les populations non islamisées ou Kirdi de la
plaine (Koma, Moundang, Toupouri, Massa) et des montagnes (Mafa, Mofou), le
régime foncier privilégie les droits de l'individu par rapport
à la collectivité ; chaque chef de famille dispose d'une portion
de terre sur laquelle il exerce des droits (agriculture, élevage, etc.).
La notion de propriété collective ne s'applique qu'à des
pâturages communs forts limités. Dans ces communautés,
chaque paysan peut louer, vendre ou acheter des terres sans en
référer à une autorité supérieure, à
la seule condition de ne pas vendre au profit d'un étranger au
village.
- Chez les peuples musulmans des plaines de la
Bénoué, du Diamaré et du Logone, le Lamido est le
maître des terres. La gestion et l'administration effective et
quotidienne du territoire incombent aux autorités vassales. Le
rôle et les prérogatives coutumières des chefs de village
(Lawan, Djaoro, Ardo, Boualma) sur les terres se sont accrus du fait de
l'installation des migrants kirdi dans les plaines, dans le cadre des projets
de développement ou des périmètres de colonisation. Le
droit d'usage des terres ne peut être qu'une concession du Lamido ou de
ses suzerains moyennant certaines redevances, notamment la zakkat ou
aumône légale. Les étrangers notamment les éleveurs
nomades et les cultivateurs kirdi sont soumis à une taxe d'utilisation
de la terre ou du pâturage.
D'après le droit coutumier « Peuhl », toutes
les terres, y compris celles des habitations, appartiennent au « Lamido
». A ce titre, la création d'un nouveau champ est
subordonnée à l'autorisation préalable et inconditionnelle
du « Lamido » au demandeur. La pratique dans les ZIC N°1 et 4
semble s'écarter de ce principe général, sans doute en
raison de sa situation excentrique par rapport au « Lamidat ». En
effet, l'acquisition d'un terrain de culture varie du libre accès
(défrichement d'un terrain vierge ou cession d'un champ familial) pour
la population locale à l'autorisation préalable du « Djaoro
» (chef de village) pour le demandeur.
Les conflits dans l'UTO de la Bénoué sont nombreux
et de plusieurs types :
- Conflits agriculteurs- éleveurs nomades dans les zones
de pâturages et sur les pistes à bétail ; - Conflits
pêcheurs - éleveurs sur les zones de pêche ;
- Conflits agriculteurs - éleveurs autour des points
d'eau (mares, AEP, etc.) ;
- Conflits entre les populations musulmanes qui veulent
conserver leur hégémonie sur les terres et les migrants animistes
ou chrétiens en conquête permanente des surfaces cultivables.
La gestion de ces conflits est assurée en premier
ressort par les chefs traditionnels et, en cas de
persistance, par diverses instances d'arbitrage
créées par le gouvernement au niveau local.
· Genre et groupes à risques ou
marginaux
La situation sociale de la femme dans tous les groupes sociaux
dans cette région est caractérisée par les mariages
précoces et la sous-scolarisation. Les femmes sont
généralement défavorisées par
rapport à l'accès à la
propriété foncière, aux facteurs de production et aux
postes de responsabilités dans les groupes d'initiatives communes (GIC)
de producteurs de coton et de riz, surtout dans les sociétés
islamisées. Cependant elles sont les actrices principales dans les
systèmes de production vivrière dont elles gèrent
l'essentiel des revenus. Par ailleurs elles disposent de leurs propres
groupements (Cheumani, 2009).
Malgré leur forte implication dans les
activités agricoles (production vivrière) et dans les travaux
ménagers, les femmes restent défavorisées dans le
processus de prises de décision et de participation à la vie
publique. Elles participent de façon très discrète aux
prises de décision au sein du ménage. C'est l'homme qui prend les
décisions tant au niveau familial qu'au sein de la communauté. On
note de plus en plus une évolution des mentalités avec un
élan d'émancipation chez les femmes qui commencent
déjà à développer des attitudes d'autonomie et se
montrent assez dynamiques dans le mouvement associatif où elles mettent
en exergue leur leadership.
Les Bororos constituent un autre groupe marginal à
cause de leur genre de vie nomade et de leur instabilité sur plusieurs
terroirs. Quant aux jeunes, ils participent à tous les systèmes
de production sans avoir accès aux revenus qui sont gérés
par les chefs de famille. Le travail des enfants est
généralisé dans tous les secteurs de production et
principalement dans les communautés d'éleveurs ; ce qui est un
facteur limitant à leur scolarisation.
Les groupes à risques sont représentés
par les migrants lors de leur arrivée dans les zones d'installation et
par des ménages pauvres contraints de vendre à bas prix leurs
céréales à la récolte et qui ne peuvent plus
ensuite satisfaire leurs besoins alimentaires au moment de la soudure.
La gestion des faibles revenus familiaux est mal
assurée par la plupart des chefs de famille et les périodes de
soudure sont souvent très difficiles pour la majorité des
agriculteurs. Une partie non négligeable des revenus est
prélevée par les autorités traditionnelles sous forme de
Zakkat ou de loyer des terres souvent affermées pour une période
déterminée.
2.1.9. Caractéristiques économiques de la zone
d'étude
Les principales activités économiques des
populations de l'UTO sont l'agriculture, l'élevage, la pêche, le
petit commerce, l'artisanat. Les principaux produits de l'agriculture sont le
sorgho, le mil, le coton, le maïs, le riz, l'arachide, le
niébé et les cultures maraîchères. Les principaux
produits d'élevage sont les bovins, les caprins, et la volaille. La
pêche est pratiquée dans la Bénoué et dans les mayo
(cours d'eaux saisonniers dans la région). Le petit commerce se
résume à la petite restauration, à la vente des produits
manufacturés.
CHAPITRE III : REVUE DE LA LITTERATURE
3.1. Gestion participative des ressources naturelles :
évolution dans le temps
Depuis la nuit des temps, les forêts étaient
exploitées par les communautés locales pour leur subsistance.
Depuis l'avènement de la colonisation, l'exploitation des ressources
n'est plus le seul apanage des populations riveraines mais aussi des personnes
vivant hors du milieu de production. Metcalfe (1990) rapporte que la vieille
politique attribuait la gestion de la faune aux administrations coloniales et
post-coloniales. La faune était donc la propriété
inviolable de l'Etat ; ce qui aliénait la population locale et
créait l'hostilité à l'égard des ressources et des
autorités.
Fisher (1995) corrobore l'idée selon laquelle beaucoup
d'aires protégées (AP) dans le monde ont par le passé
été établies avec l'intention d'interdire toute
activité économique des populations locales en leur sein. Cette
approche a fréquemment eu des effets catastrophiques sur les conditions
de vie des populations ainsi exclues et n'a pas toujours été
efficace au plan de la conservation. Dans de nombreux pays, les efforts se sont
concentrés et orientés vers la recherche d'une approche
différente moins impulsive et plus conservatoire. C'est alors que
différentes approches de gestion participative ont vu le jour. Elles
sont expérimentées dans différents pays de nos jours pour
la conservation et la gestion durable des espèces de flore et de faune
en voie d'extinction, accordant bien plus de respect que par le passé
aux droits et usages traditionnels.
Bigombe (1997), face à la montée vertigineuse
des conflits entre les populations et l'Etat pour la gestion des ressources
forestières, trouve qu'il faut nécessairement réduire le
monopole de l'Etat sur la gestion de ces dernières et procéder
à la décentralisation de la gestion forestière au
Cameroun. Il affirme que les populations demeurées pendant longtemps
exclues du processus de gestion des ressources forestières sous la
colonisation et dans l'Etat post-colonial, profitent des espaces actuels de
liberté pour exprimer leur mécontentement et revendiquer la prise
en compte de leurs intérêts dans la gestion des ressources
forestières.
Ryan (1997) estime qu'un mouvement de protection de la
forêt qui part de la population locale, a plus de chances de maintenir la
souplesse nécessaire. Toute intervention extérieure qui
chercherait à restreindre l'utilisation des forêts contre la
volonté de ceux qui y vivent serait vouée à l'échec
comme le montre la dégradation des parcs nationaux sous les tropiques.
Pour que la forêt reste écologiquement stable, il est
indispensable de respecter les volontés de ses habitants. Par le
passé, de nombreuses communautés ont su gérer avec
succès leurs propres ressources forestières (Mahat et al.,
1987 in Ryan, 1997). Dans de nombreuses communautés, la forêt
était entretenue, le système fonctionnait efficacement, et la
forêt n'était pas détruite (Shepherd, 1994).
Desloges (1996) affirme que l'amélioration des
conditions de vie du paysan et la conservation de l'environnement forestier
sont des problématiques interdépendantes et on ne saurait
résoudre l'une au détriment de l'autre, d'où la
nécessité d'établir, dans les faits, un véritable
partenariat entre l'Etat et les populations locales et d'associer celle-ci
à toutes les décisions les concernant.
3.2. Quelques exemples de gestion participative
Face aux échecs cumulés de la politique de
conservation fermée, les pays africains au Sud du Sahara sont toujours
à la recherche d'approches appropriées pour gérer
rationnellement leurs ressources en faune sauvage. Plusieurs Etats ont
opté pour la poursuite de la conservation fermée et d'autres ont
entamé une approche novatrice basée sur la gestion participative
ou l'utilisation rationnelle des ressources biologiques. Cette nouvelle
approche, jadis rare en Afrique Francophone, fait déjà ses
preuves en Afrique anglophone : C'est le cas de l'ADMADE en Zambie (1985), du
programme CAMPFIRE au Zimbabwe (1990), du « the Conservancy programme
» en Namibie (1998), et de l'Afrique de l'Ouest Francophone avec le projet
NAZINGA au Burkina Faso (1995). La cogestion des forêts a
déjà contribué de manière significative aux efforts
de conservation dans de nombreux pays dont l'Inde, le Népal et les
Philippines (Fisher, 1995). En Inde par exemple, on estimait qu'en 1992,
près de 50.000 ha de zones dégradées étaient
placées sous une quelconque forme de protection communautaire. La
cogestion des forêts a montré qu'elle pouvait apporter des
avantages aux populations locales d'une manière qui avait parfois
échappé aux projets en place dans les aires
protégées (Fisher, 1995).
3.2.1. Cas de l'ADMADE en Zambie : Administrative Management
Design
Depuis plus de deux décennies, la Zambie s'est
attachée à l'aménagement de la faune et plus
précisément à la lutte contre le braconnage ; lequel avait
atteint des proportions alarmantes (Lewis et Kaweche, 1985). De grandes
campagnes de répression ont été lancées dans
certaines zones du pays avec des financements considérables.
Malgré les efforts de répression contre le braconnage
déployés dans le cadre du Projet, la destruction de la faune se
poursuivait voire s'aggravait dans certains cas (LEWIS, 1986). Les pertes ont
été considérables notamment la quasi-extinction du
rhinocéros noir, la réduction de plus de 50% de la population
d'éléphants. Des tendances analogues ont été
observées en Tanzanie, en Ouganda, en Namibie et au Kenya.
L'ADMADE repose sur la participation populaire et s'est
révélée extrêmement efficace en Zambie (LEWIS et al,
1989). Dans une zone où la participation populaire a été
active, le braconnage des éléphants a été
réduit de 90% en 3 ans (Lewis, Kaweche, et Mwenya, 1989) et aucun
Rhinocéros noir n'a été abattu. Ces résultats ont
été obtenus pour un coût au kilomètre carré
inférieur à ce que beaucoup d'experts estiment nécessaire
pour assurer une bonne protection de la faune en Afrique (Parker et al.,
1984).
L'ADMADE a réussi à constituer une
véritable association entre les chefs traditionnels (ou coutumiers) et
le Gouvernement en créant des comités de la faune dans chaque
zone d'aménagement constitués des chefs coutumiers locaux et de
fonctionnaires spécialistes de la faune. Ils se réunissent
périodiquement pour faire des échanges de vue et adopter des
politiques d'aménagement pour la zone concernée (Lewis et
al., 1998). Dans la zone de Chikwa-Luelo, dans la vallée du
Luangwa, l'influence
des deux chefs en collaboration avec l'ADMADE a permis de
diminuer considérablement le braconnage. Dans la plupart des zones
visées par l'ADMADE, les comités de la faune ont ouvert des
comptes de développement communautaire où est versée la
part de recettes qui revient à la communauté. En 1988, cette part
a été de 230 000 dollars US pour un total de 10 unités de
l'ADMADE (LEWIS et al., 1988). Entre 1987 et 1988, 260 000 dollars US,
représentant 40% des recettes totales provenant de la faune dans 10
unités de l'ADMADE (en plus de l'allocation de base de 230.000 dollars
précédents) ont été réservés pour
financer les budgets de fonctionnement et d'équipement prouvés
par les comités de la faune de ces 10 unités : exploitation et
entretien de 7 véhicules de l'ADMADE, traitements et indemnités
des gardes villageois et des ouvriers, forces publiques, jetons de
présence des membres des comités, construction de 10 nouveaux
campements et de 150 cases pour les gardes villageois, rénovation de 3
maisons pour des cadres, construction d'un bureau d'unité et mise en
chantier de 3 autres (Lewis et al., 1991).
L'ADMADE a permis d'une part de renforcer la collaboration
entre les chefs traditionnels, renforçant ainsi l'implication effective
des populations riveraines dans la gestion des ressources fauniques des zones
d'intervention du Programme tout en assurant le développement, et
d'autre part de réduire considérablement le braconnage notamment
des espèces protégées (éléphant,
rhinocéros, etc.). Toutefois, l'ADMADE comme la plupart des programme de
conservation visant l'intégration des communautés locales, fait
face à beaucoup de contraintes ; la plupart des suivis
écologiques se caractérisent par des techniques d'inventaires
sophistiquées et onéreuses, un personnel de collecte
qualifié, et des conditions de traitement informatiques des
données (Vermeulen, 2004) ; Or toutes ces conditions en font de prime
abord un monde inaccessible aux villageois et conduisent au
désintérêt des acteurs locaux tout en limitant leur
participation à leurs qualifications de pisteurs.
3.2.2. Cas du programme CAMPFIRE au Mozambique : Communal
Area Management Programme for Indigenous Resource
Le programme CAMPFIRE porte sur la gestion des ressources
naturelles présentes sur les terres communales, et associe la
conservation au développement. Les concepts de participation, de
propriété et d'équité en ce qui concerne la base
des ressources fauniques sont cruciaux pour le CAMPFIRE. La
délégation de l'autorité de l'échelon central
à l'échelon local est la clé de CAMPFIRE et de la gestion
des biens communaux. CAMPFIRE s'occupe des relations de propriété
de la faune et de la flore sauvage mais aussi du problème de
l'équité (Metcalfe, 1990). Depuis son lancement, force est de
constater que la gestion de la faune peut rivaliser en tant que mode
d'utilisation des terres (Metcalfe, 1990). CAMPFIRE, en tant que concept
basé sur une utilisation durable, estime qu'en dehors des aires
protégées dont la gestion coûte chère, c'est la
valeur de la faune sauvage équitablement partagée qui permettra
de la conserver. Durant la première année de gestion
communautaire de la forêt de Nyaminyami (dans le district de Kariba), un
bénéfice de 200.000 dollars US a été
enregistré grâce à la chasse sportive uniquement. Ces
recettes ont permis au district de financer sa propre gestion,
d'indemniser les dommages causés aux cultures par les
éléphants, de garantir le remplacement du capital et de payer de
bénéfices directement à la communauté. CAMPFIRE
estime à environ 4 millions de dollars US le revenu total des safaris de
chasse dans les 13 districts couverts par le programme dont environ la
moitié va directement aux districts. Le système de fonctionnement
de CAMPFIRE se rapproche du système de distribution des taxes relatives
à l'affermage des zones cynégétiques au Cameroun. En
effet, dans ce dernier système, 50% de la taxe est reversée
à l'Etat dont 27,5% au trésor public et 22,5% au fonds
spécial, puis 50% aux communes qui bénéficient 40% et
communautés villageoises qui en reçoivent 10% (MINEF, 1999).
3.2.3. Cas de NAZINGA au Burkina Faso
Le Burkina Faso reste le seul pays d'Afrique occidentale
à posséder une législation dans laquelle la gestion
cynégétique de la faune sauvage par les populations locales est
devenue une réalité (Vermeulen, 2004). Les idées de base
du projet NAZINGA se sont fondées d'une part, sur la grande
capacité d'adaptation de la faune sauvage à la sécheresse
et d'autre part, sur le constat de l'échec de la politique de la
conservation fermée partout où elle prévalait en Afrique
de l'Ouest. En effet, les conséquences de cette politique non
supportée par un financement public adéquat sont, entre autres,
l'exacerbation des tensions entre populations riveraines et gestionnaires des
aires protégées et la diminution dangereuse des ressources
(Belemsobgo, 1995).
Le projet s'était fixé comme ambition
d'expérimenter une nouvelle approche de conservation des ressources
vivantes dont le pilier fondamental est d'une part leur accès direct par
les populations, et d'autre part le développement local. Le projet a
officiellement démarré ses activités en 1979, ses
objectifs étant de reconstituer et conserver la diversité
biologique de la zone, de promouvoir une utilisation rationnelle et durable des
ressources faunique au bénéfice des populations riveraines et du
développement local. Les premières tentatives d'implication des
populations riveraines ont été la légalisation de
certaines de leurs pratiques coutumières à l'intérieur des
limites du ranch. Ce sont notamment le ramassage du bois mort, le fauchage de
l'herbe pour les toitures et les balais, la cueillette de certains fruits,
fleurs, feuilles et tubercules pour l'alimentation humaine, la recherche des
plantes médicales, la récolte du miel.
La seconde approche de l'implication des populations
riveraines à la gestion du ranch a été l'application du
principe de l'emploi massif de la main d'oeuvre local dans le cadre de tous les
programmes d'activité du ranch.
L'un des résultats les plus significatifs de
l'expérience du ranch de gibier de Nazinga est l'importante
remontée biologique de la zone, acquise en moins de 15 ans de gestion
(Sera, 1993), grâce à un important travail de surveillance (500
heures/an/garde) et à l'amélioration de l'habitat de la faune
sauvage (10 retenues d'eau permanentes furent créées). Entre 1988
et 1989, une importante campagne d'abattage sélectif a été
opérée sur l'ensemble des espèces sur la base d'un quota
annuel en vue de produire de la viande pour la commercialisation. La tendance
à la remontée des effectifs au
cours des années 1991 et 1992 serait une
réponse des espèces aux opérations d'aménagement.
La biomasse actuelle du ranch en grande faune est d'environ 2000
kg/km2. La biomasse potentielle peut atteindre 2500
kg/km2 (Frame et al., 1990). Le projet Nazinga a pu
organiser le tourisme de vision par la mise en place de circuits touristiques
à l'intérieur du ranch selon les différents pôles
d'intérêts. Le ranch dispose d'infrastructures
hôtelières d'une capacité de 40 lits. Le site est ouvert au
tourisme de vision de décembre à juin. Depuis 1989, le ranch
accueille entre 2500 et 3000 visiteurs par saison (Belemsobgo, 1995).
En dépit de tous ces succès, le modèle
Nazinga présente quelques limites :
- les collectivités locales ne sont pas reconnues
comme personnes morales légalement habilitées à
gérer ou à cogérer les ressources naturelles de leur
terroir ; la main mise de l'Etat sur le projet est toujours très forte
;
- la zone du projet constitue une destination d'importants
mouvements migratoires non maîtrisés des agro-pasteurs venant des
régions arides du pays ;
- le concept d'un terroir villageois « infini »
(espace en terme de superficie mais dont les ressources sont jugées
d'origine divine et donc infiniment renouvelables) est un frein à la
réalisation d'actions d'intensification à long terme.
3.2.4. Cas du «CONSERVANCY PROGRAMME» en
Namibie
« The conservancy programme », lancé en 1998
en Namibie, a démontré que la faune pouvait contribuer de
façon significative au bien être des populations locales si elle
est durablement exploitée notamment si les prélèvements
annuels n'affectent pas l'effectif de la population dans le long terme
(Vermeulen, 2009). Ce programme englobe environs 60 communautés,
impliquant près de 200000 personnes, soit près de 10% de la
population namibienne ou 20% de la population rurale (Jaap et al.,
2007). Le programme couvre une superficie d'environ 7 millions d'hectares.
En raison de leur effort de gestion, la population locale reçoit les
avantages de toutes natures générés par la faune. Les
avantages financiers et non financiers issus de la conservation de la faune et
du tourisme cynégétique ont presque annuellement doublé
depuis 1998 (Jaap et al., 2007). En 2003, le tourisme et la
conservation de la biodiversité ont rapporté environ 2.430.000
Dollars US au « Conservancy programme ». Succès admirable mais
peut-on répandre l'exemple namibien ? Est-ce un exemple à imiter
? L'atout de la Namibie, quoiqu'aride, est sa faible densité de
population. Une population totale de 1.826.854 habitants1 se partage
un vaste territoire de 823.988 km2.
1 CENSUS OFFICE OF THE NATIONAL PLANNING COMMISSION, 2002
3.2.5. Cas des Projets Waza Logone et Korup au
Cameroun
Au Cameroun, les avancées significatives sont faites
dans l'élaboration des textes juridiques en matière de gestion et
de conservation des ressources naturelles en général et des
ressources fauniques en particulier, et dans l'implication des
communautés riveraines à la gestion durable du patrimoine
forestier et faunique.
Des projets en cours comme celui de Waza-Logone tentent
d'intégrer la population locale à la gestion des ressources
naturelles. Ce projet a oeuvré pour la mise sur pied des structures de
gestion aux niveaux local, régional et national. A l'échelle des
populations locales, elles ont contribué à la collecte des
données lors des études de base, notamment les études ou
diagnostic socio-économique ; l'utilisation de la méthode
accélérée de recherche participative (MARP) a permis de
tirer le maximum du savoir-faire local en matière d'exploitation et de
gestion des ressources naturelles ; l'écologie a utilisé les
connaissances traditionnelles pour comprendre le rythme saisonnier de
déplacement des éleveurs dans la zone, leur appréciation
des différentes espèces végétales, les
caractéristiques écologiques de ces espèces, l'importance
des feux de brousse comme outils de gestion des pâturages (Kouokam,
1995). Le même auteur signale cependant qu'aucun effort n'est
ménagé pour obtenir la participation effective de toutes les
parties impliquées dans les activités du Projet Waza-Logone.
Le projet Korup au Sud-ouest tente d'associer les populations
environnantes à la gestion des ressources naturelles. Les campagnes
d'éducation environnementale sont organisées
régulièrement dans les 14 villages exerçant une influence
sur le parc. Les efforts du projet tendent à créer une bonne
atmosphère de travail entre les communautés rurales par la
sensibilisation (Sanga, 1995).
3.3. Importance faunique dans l'UTO de la
Bénoué
Le Cameroun, parce que regorgeant de ressources de tout un
continent dans un seul pays, est reconnus par le slogan « Afrique en
miniature ». Grâce à une situation géographique
exceptionnelle, le Cameroun possède l'une des faunes les plus riches et
les plus variées d'Afrique. Avec ses onze parcs nationaux, le Cameroun
se présente comme une véritable terre providentielle pour les
animaux. Pour le touriste, c'est une aubaine que de pouvoir les visiter,
observer et photographier la faune en toute liberté et dans son milieu
naturel. Le Nord Cameroun en particulier, est une zone clé pour la
conservation de la grande faune sauvage car, il abrite encore des populations
de grands mammifères suffisamment importantes pour être
considérées au niveau international (Stuart et Adams, 1990,
Brugière, 1995).
La zone de la Bénoué est la plus grande zone de
gestion de la faune d'Afrique Centrale et de l'Ouest (Hugues & Hugues,
1992). Le Parc national de la Bénoué, au centre de la
région Nord, est le lieu de prédilection des plus grandes
antilopes connues, les élands de Derby, les bubales, les cobes, mais
également des hippopotames, hyènes, panthères, buffles,
etc. La Bénoué peut être considérée comme une
zone paradisiaque pour l'écotourisme. La grande faune est encore
présente et attire
toujours de nombreux visiteurs. A l'exception faite du
Rhinocéros qui a totalement disparu, la plupart des grands
mammifères de la région sahélo-soudanienne sont
représentés dans l'UTO de la Bénoué. Cette richesse
spécifique de l'UTO en grands mammifères lui confère une
importance capitale pour la conservation au Cameroun. Une telle
biodiversité constitue un potentiel pour le développement du
tourisme de vision, qu'il faut entretenir et promouvoir.
La faune est d'autant plus importante dans la
Bénoué qu'elle constitue l'essentiel des sources de
protéine des populations locales qui s'y trouvent. Elle permet
également de valoriser la plupart des terres marginales de la zone. La
contribution de la faune pour l'économie camerounaise est non
négligeable. Pour l'année 2007, d'après le
Ministère des Forêts et de la Faune (MINFOF), la faune a
généré sur l'ensemble du territoire national
648.330.109 Fcfa (soit environs 988.373
€). De cette somme, la province du nord seule en a
généré 481.504.092 Fcfa
soit 734.048 € (Confère annexe 2). Il va sans dire
que la faune au Cameroun repose sur les parcs du Nord et les zones
d'intérêts cynégétiques qui leurs sont
contiguës. La chasse dans le nord Cameroun est une source de revenu
certaine pour l'Etat et les populations. Elle ne demande qu'à être
mieux aménagée pour une production plus accrue et durable. Ces
zones de chasse constituent les zones tampons de transition pour la protection
des parcs nationaux, la mise en valeurs des terres marginales (reculées
et peu habitées), le développement d'un mode d'utilisation de la
faune très conservateur (car le nombre d'animaux prélevés
légalement par la chasse sportive est faible).
CHAPITRE IV : MATERIEL ET METHODES
4.1. Dénombrement de la faune
Les données d'inventaires de la faune exploitées
dans le cadre de la présente étude sont celles collectées
par le WWF en Février 2008 dans le parc national de la
Bénoué et les ZIC 1 et 4 adjacentes. Les plans de tir dans les
différentes zones de chasse ont été également
exploités.
4.1.1. Matériel
Le matériel utilisé pour le dénombrement
était constitué :
· de la carte de la zone au 1/200.000e
utilisée pour la matérialisation des transects ;
· de la boussole pour la navigation ;
· d'un GPS pour les prises de position (AZIMUT) ;
· d'un véhicule Hilux 4x4 utilisé pour les
déplacements de longue distance sur les pistes praticables ;
· des fiches de collecte des données ;
· d'un podomètre ou topofil par équipe pour
la mesure de la distance parcourue ;
· d'un télémètre pour mesurer les
distances entre l'animal et l'observateur ;
· d'une paire de jumelles ;
· d'un poste radio émetteur-récepteur
(Talking-Walking) ;
· de scotches de materialisation.
4.1.2. Approche méthodologique
utilisée
La « méthode de transects linéaires »
encore dite de « visibilité moyenne » (Lamprey, 1964) a
été celle utilisée pour le dénombrement dans notre
zone d'étude. En effet, c'est celle régulièrement
utilisée pour les inventaires de la faune à la
Bénoué et dans les environs. Elle a été longuement
testée avec succès dans les écosystèmes de savane
(WWF & FAC, 1998; Gomsé et Mahop, 2000 et 2002, Tsakem et Donfack,
2004, Tsakem, 2006).
Théoriquement, cette méthode consiste à
établir des transects de longueurs variables (li) et
quidoivent être régulièrement parcourus. Des
lignes établies dans une parcelle sont alors parcourues et,
lorsqu'un animal est détecté, la distance entre
la ligne et l'objet est mesurée ou estimée. En
général, plusieurs lignes de longueurs l1, l2, ..., lk sont
parcourues pour une longueur totale L connue (Burnham et al., 1980 ;
Buckland et al., 1993).
En principe, les points de départ des transects dans
des quadrats de 5X5 Km sont identifiés sur le terrain à l'aide du
GPS. A chaque fois qu'un objet ou un groupe d'objet est identifié,
l'équipe s'arrête et fait des observations, et la distance
perpendiculaire entre l'objet et la ligne de marche est mesurée. En
pratique, il est plus facile d'estimer la distance de l'observateur à
l'objet (Ri) et l'angle de vue (ai), que la distance perpendiculaire (Xi) pour
chacun des (n) objets détectés (figure 3). La distance
perpendiculaire Xi est égale à Ri*sin (ai). La probabilité
de détection est fonction de cette distance et décroît avec
son augmentation (Eberhardt, 1968). Le mérite de cette méthode
est qu'un animal non compté n'introduit pas systématiquement de
sous estimation de la densité s'il se trouve en dehors de l'axe de
marche de l'observateur (Burnham et al., 1985). Ceci confère
à la méthode du transect linéaire une meilleure
efficacité et moins de biais. Lors de notre déplacement,
lorsqu'un animal ou un troupeau était aperçu, l'équipe
s'arrêtait, et faisait des observations directes qui étaient
portées sur une fiche de collecte des données (Cf. annexe 1). Les
distances parcourues ont été lues sur un podomètre.
a1
R1
X1
a2
R2
X2
a3
R3
X3
Ligne de marche (li)
Positions successives d'observation
Animaux dénombrés
Ri = Distance observateur objet
Xi = Distance perpendiculaire à l'objet ai = Angle
observateur objet
Figure 3 : Exemple simplifié de la
méthode de dénombrement par transect linéaire.
4.1.3. Matérialisation des transects
A partir des feuilles NC-33-II de la carte topographique du
Cameroun au 1/200.000e, la zone a été systématiquement
subdivisée en 96 quadrats géographiques de 5x5 km chacun. A
l'intérieur de chaque quadrat a été disposé un
transect de 5 km de long pour un effort de collecte de données de 463,46
km. Ces transects étaient parcourus selon le circuit
présenté sur la figure 4. Les points de départ de chaque
transect et leurs coordonnées ont été
déterminés sur la carte de manière aléatoire et
repérés avec précision sur le terrain à l'aide d'un
GPS. L'orientation des transects était perpendiculaire au cours d'eau,
de façon à échantillonner chaque type d'habitat.
Figure 4 : Disposition du réseau de
transects dans les quadrats de 5x5km
4.1.3. Données collectées
La collecte des données a été
assurée par quatre équipes d'au moins 4 membres chacune (dont 1
boussolier/pisteur, 1 releveur, 1 porteur et 1 garde chasse pour la
sécurité). Ces membres recrutés en général
dans les villages riverains du parc et des ZIC 1&4, ont été
formés au préalable par le WWF sur les techniques de
dénombrement pédestre des grands et moyens mammifères. Ces
équipes ont été appuyées sur le terrain par quatre
encadreurs du WWF. Les recensements des animaux proprement dits
commençaient entre 6h30 et 8h00 et se terminaient au plus tard à
17 heures, avec une vitesse
moyenne de progression de 2 km/h. Dès le
repérage sur le terrain du point de départ à l'aide d'un
GPS, le boussolier orientait l'équipe dans la bonne direction. Les
membres de l'équipe se déplaçaient dans la direction
indiquée l'un derrière l'autre en perturbant le moins possible
l'habitat. Le boussolier surveillait la constance de l'azimut afin que
l'équipe conserve la direction de marche jusqu'à la fin du
transect. L'équipe parcourait le transect le plus silencieusement
possible, en scrutant de part et d'autre l'axe de marche pour détecter
d'éventuels animaux afin de s'assurer qu'une bonne largeur de la bande
soit effectivement couverte. Quand un animal ou un groupe d'animaux
était vu, les informations suivantes étaient notées sur
des fiches de données préétablies (annexe 1) :
· l'heure d'observation ;
· l'espèce ;
· le nombre d'individus ;
· la répartition par sexe et par classe d'âge
;
· la distance entre l'observateur et l'animal (ou le lieu
où l'animal a été vu avant tout mouvement) ;
· l'angle d'observation ;
· les positions GPS des différents points
d'observations.
Photo 1 : Parcours du transect.
4.2. Analyse des données
Les logiciels Excel et Distance ont été
respectivement utilisés pour enregistrer et analyser les données
collectées. Un filtre de données à Excel a permis par la
suite d'obtenir la richesse spécifique animale de la zone.
4.2.1. Estimation de densité
Les estimations des densités et des effectifs
d'animaux ont été faites à l'aide du programme Distance
4.1 (Laake et al., 1994). Ce programme exige une grande
précision dans les mesures de distance et analyse les données
pour les espèces suffisamment observées. Les valeurs des
différentes distances perpendiculaires de toutes les observations
situées à une distance inférieure à celle du point
où les données ont été tronquées (Buckland
et al., 1993) étaient utilisées par le programme
Distance pour estimer la fonction de détection g(x). Cette fonction est
la probabilité de détecter un animal situé à une
distance x de la ligne du transect. La fonction g(x) permet ainsi d'estimer la
probabilité de densité (pdf, probability of detection function)
f(x) des données de transect. Tous ces modèles de fonctions sont
intégrés dans l'outil Distance. C'est à partir de la pdf
que le programme Distance calcule f(0), qui est une estimation de la
fréquence avec laquelle les animaux sont détectés sur la
ligne de transect (Barnes & Jensen, 1987), ainsi que l'intervalle de
confiance à 95 %. La fonction de détection g(x) n'est pas connue
d'avance, elle varie avec les facteurs tels que l'environnement et
l'expérience de l'observateur à détecter les animaux.
Plusieurs modèles de g(x) sont intégrés dans le programme
Distance. Le modèle de la fonction de détection est défini
par une fonction «clé» («key function») et par un
développement en séries («Series expansion»). Les 4
modèles les plus utilisés intégrés dans la fonction
distance sont :
· Fonction uniforme à expansion polynôme
simple ;
· Fonction uniforme à expansion cosinus ;
· Fonction semi-normale à expansion polynôme
de Hermite ;
· Fonction semi-normale à expansion cosinus.
Trois différents tests statistiques existent pour la
sélection du meilleur modèle pour l'analyse spécifique.
Cependant, seul le « akaike's information Criterion (AIC)» test ou
critère d'information d'Akaike qui permet de tester tous les
modèles intégrés dans le programme Distance au même
moment à été utilisé pour l'analyse des
données. Le meilleur modèle est celui qui possède la plus
petite AIC.
Buckland et al. (1993) conseillent l'utilisation du
test AIC parce que, contrairement aux autres, il donne les bonnes informations.
Seules ont été considérées pour cette analyse les
espèces suffisamment observées. Il s'agit du Cobe de Buffon
(Kobus kob kob), du Phacochère (Phacochoerus
africanus), de l'Hippotrague (Hippotragus equinus), du
Céphalophe de Grimm (Sylvicapra grimmia), du Bubale
(Alcelaphus buselaphus major) et du Babouin (Papio
anubis).
La figure ci-contre présente la fonction de
détection qui a permis d'estimer la densité des espèces
avec le programme « Distance ». La probabilité de
détection des espèces est une fonction décroissante de la
distance perpendiculaire. Cette probabilité est au pic dans l'intervalle
de 20 m et commence à décroître quand la distance
perpendiculaire augmente ; elle tend à s'annuler au-delà de 90
à 100 m.
Figure 5 : Courbe de détectabilité
des espèces dans le PNBé et les ZIC 1 & 4
4.2.2 Calcul des indices kilométriques d'abondance
(IKA)
Pour certaines espèces animales dont le nombre
d'observations a été insuffisante (moins de 40 observations), le
calcul des indices kilométrique d'abondance (IKA) a été
fait. C'est le rapport du nombre d'individus observés sur le nombre de
kilomètre de distance parcourus. Il se calcule pour une espèce ou
pour l'ensemble des espèces dans une zone. Effectué chaque
année dans les mêmes conditions, cet indicateur permet de savoir
si la population augmente, diminue ou stagne. C'est aussi la densité
relative et sa formule est la suivante :
Nombre de contact avec une espèce IKA = Distance
totale parcourue
|
|
4.2.3. Distribution des animaux et activités
humaines.
Afin de déterminer la distribution spatiale des
animaux ou des activités humaines, l'ensemble des données
collectées sur la faune (directe et indirecte) a été
réorganisé dans chaque quadrat et le taux de rencontre ou IKA de
chaque espèce (Bousquet, 1996) a été calculé. Le
logiciel Arcview 3.2 a généré les cartes de distribution
géo-spatiale à partir de ces informations
géo-référencées, travail qui a été
déjà réalisé par le WWF (2004) et que nous
exploitons dans le cadre de notre étude. Trois classes ont
été considérées pour la détermination des
zones de concentration de la faune et d'activités humaines à
savoir : faible (IKA< 0.2), moyenne (0.2<IKA<0.5) et forte
concentration (IKA>0.5). Cette méthode d'IKA est un moyen rapide et
pratique pour connaître la distribution spatio-temporelle de la faune
quand le nombre d'observations est bas.
4.2.4. Structure d'âge et de sexe des animaux
Les rapports d'âge constituent des paramètres
écologiques importants pour analyser la dynamique des populations
animales. La détermination de ces paramètres sur le terrain n'est
pas toujours aisée, elle nécessite une longue expérience.
On procède le plus souvent par une classification qui tient compte de
l'intervalle de naissance chez l'espèce considérée. Dans
le cadre de ce travail, cette classification a été
simplifiée en adulte, sub-adulte et juvénile en se basant sur le
dimorphisme sexuel. Lorsqu'un individu n'avait pas pu être classé
dans l'une des trois catégories, il était mis
systématiquement dans la classe "Indéterminée". Le rapport
de sexe est celui du nombre de mâles sur celui des femelles. C'est un
paramètre écologique mesurable et d'importance pour la
compréhension de la dynamique d'une population animale donnée.
4.3. Analyse des systèmes de cogestion
développés dans les ZIC 1 et 4
Cette analyse s'est faite au moyen des résultats des
entretiens menés auprès des diverses parties prenantes
impliquées dans la gestion. Il s'agit des autorités
administratives (préfets, sous-préfet ou leurs
représentants), des autorités traditionnelles (lamido, lawans,
djaoro), des responsables des services techniques (MINFOF, MINEP, MINDAF), des
organismes intervenant dans la zone (WWF, SNV, etc.), des populations
locales.
Les entretiens ont été faits à travers un
guide d'entretien spécifique à chaque groupe d'acteurs. Les
informations recherchées portaient globalement sur :
· l'utilisation des ressources naturelles ;
· le foncier (mode d'acquisition des terres) ;
· le système d'élevage; les facteurs limitant
de la production du bétail ;
· les attitudes et perceptions des populations locales
envers les aires protégées et la législation sur la faune
;
· les conflits faunes et populations locales.
4.4. Proposition des mesures complémentaires
d'atténuation et/ou de bonification du système de
cogestion mis en place.
Sur la base des leçons tirées des
expériences de cogestion réalisées en Namibie, en Zambie,
au Mozambique et au Burkina Faso d'une part, et partant des propositions faites
par les parties prenantes consultées, la cogestion des ZIC
nécessite, pour être efficace, que certains leviers d'intervention
soient pris en compte : les préoccupations des populations environnantes
doivent être au centre de la gestion et l'éradication de la
pauvreté doit être la clé de voûte de toute action de
conservation.
CHAPITRE V : RESULTATS ET DISCUSSIONS 5.1.
Situation actuelle de la faune dans les ZIC 1 et 4
5.1.1. Effectifs et densités des populations
animales
Le tableau ci-dessous nous donne une idée de la richesse
spécifique du PNBé et des ZIC 1 et 4. Tableau I :
Diversité des espèces animales observées dans la
zone.
Ordre
|
Famille
|
Nom Scientifique
|
Nom commun
|
Statut au Cameroun
|
Primates
|
Cercopithecidae
|
Papio anubis
|
Babouin doguera
|
C
|
Cercopithecus aethiops
|
Singe vert
|
C
|
Colobidae
|
Colobus guereza
|
Colobe guéréza
|
A
|
Artiodactyles
|
Bovidae
|
Alcelaphus buselaphus major
|
Bubale
|
B
|
Hippotragus equinus
|
Hippotrague
|
B
|
Kobus defassa
|
Cobe defassa
|
B
|
Kobus kob kob
|
Cobe de Buffon
|
B
|
Ourebia ourebi
|
Ourébi
|
C
|
Sylvicapra grimmia
|
Céphalophe de Grimm
|
C
|
Cephalophus rufilatus
|
Céphalophe à flanc roux
|
C
|
Syncerus caffer caffer
|
Buffle
|
B
|
Redunca redunca
|
Redunca
|
B
|
Hippopotamus amphibus
|
Hippopotame
|
B
|
Tragelaphus scriptus
|
Guib harnaché
|
B
|
|
Taurotragus derbianus gigas
|
Elan de Derby
|
B
|
Giraffidae
|
Giraffa camelopardalis
|
Girafe
|
B
|
Suidae
|
Phacochoerus africanus
|
Phacochère
|
B
|
Lagomorphes
|
Leporidae
|
Lepus crawshayi
|
Lièvre d'Afrique
|
C
|
Proboscidiens
|
Eléphantidae
|
Loxodonta africana africana
|
Eléphant
|
A&B
|
Tubulidente
|
Orycterpidae
|
Orycteropus afer
|
Oryctérope
|
A
|
Carnivores
|
Felidae
|
Panthera leo
|
Lion
|
A
|
Panthera pardus
|
Panthère
|
A
|
Hyaenidae
|
Crocuta crocuta
|
Hyène tachetée
|
B
|
Canidae
|
Canis aureus
|
Chacal commun
|
|
+ catégorie A : espèces intégralement
protégées
+ catégorie B : espèce partiellement
protégées
+ catégorie C : espèces particulièrement
protégées. Leur capture et leur abattage sont
réglementés suivant des modalités fixées par
arrêté du ministre chargé de la Faune.
D'une manière générale, la richesse
spécifique du PNBé et des ZIC 1 et 4, est évaluée
à vingt six (26) espèces de grands et moyens mammifères
répartis en six (6) ordres qui sont : les primates, les
artiodactyles, les lagomorphes, les proboscidiens, les
tubulidentés et les carnivores. Donfack et al, (2004) signalent
la présence de 39 espèces de mammifères dans la zone, y
compris les mammifères de petite taille comme le rat de Gambie
(Cricetomys gambianus) et le lièvre d'Afrique (Lepus crawshayi).
Certaines espèces à moeurs particulières (hippopotame,
oryctérope et la plupart des carnivores) sont difficilement
rencontrées lors des dénombrements car ils sont journaliers et
certaines espèces nécessitent des méthodes d'inventaire
spécifiques.
Parmi les espèces dénombrées, sept
(Colobe guéréza, Lion, Panthère, Oryctérope,
Girafe, Eléphant et Hippopotame) sont classées au Cameroun dans
la classe A (Loi N° 94/01 Du 20 Janvier 1994, portant régime des
forêts, de la faune et de la pêche), c'est-à-dire parmi les
espèces rares ou en voie d'extinction. Elles bénéficient
par conséquent d'une protection intégrale, tandis que onze autres
espèces sont de la classe B et sont à cet effet partiellement
protégées et peuvent par conséquent être
chassées. Parmi cette dernière classe se recrutent l'élan
de derby et le buffle qui sont des espèces phares pour la chasse
sportive.
L'estimation de la densité et de l'effectif a
été possible pour huit espèces suffisamment
observées. Le tableau II ci-dessous présente les densités
et les effectifs estimés à un seuil de confiance de 95% au moyen
du Programme Distance.
Tableau II : Densité et effectif des
animaux suffisamment représentés dans le PNBé et les ZIC
1&4
Espèce
|
Valeur estimée
|
Coefficient de variation (%)
|
Degré de liberté (df)
|
Intervalle de confiance (95%)
|
Cobe de Buffon
|
Densité (D)
|
4,8235
|
20,13
|
229,74
|
3,2570 - 7,1434
|
Effectif (N)
|
12548
|
20,13
|
229,74
|
8473 - 18584
|
Guib harnaché
|
Densité (D)
|
0,60535
|
28,47
|
132
|
0,34847 - 1,0516
|
Effectif (N)
|
1575
|
28,47
|
132
|
907 - 2736
|
Céphalophe de grimm
|
Densité (D)
|
1,3221
|
25,47
|
146,15
|
0,80559 - 2,1698
|
Effectif (N)
|
3440
|
25,47
|
146,15
|
2096 - 5645
|
Céphalophe à flanc roux
|
Densité (D)
|
0,87454
|
24,46
|
124,56
|
0,54273 - 1,4092
|
Effectif (N)
|
2275
|
24,46
|
124,56
|
1412 - 3666
|
Phacochère
|
Densité (D)
|
1,0628
|
35,81
|
107,06
|
0,53384 - 2,1157
|
Effectif (N)
|
2765
|
35,81
|
107,06
|
1389 - 5504
|
Hippotrague
|
Densité (D)
|
1,3551
|
34,02
|
83,67
|
0,70170 - 2,6169
|
Effectif (N)
|
3525
|
34,02
|
83,67
|
1825 - 6808
|
Bubale
|
Densité (D)
|
0,97388
|
38,93
|
66,81
|
0,46011 - 2,0613
|
Effectif (N)
|
2534
|
38,93
|
66,81
|
1197 - 5363
|
Babouin
|
Densité (D)
|
2,3178
|
31,38
|
72,08
|
1,2584 - 4,2694
|
Effectif (N)
|
6030
|
31,38
|
72,08
|
3274 - 11107
|
Il ressort clairement de la figure 6 que le Cobe de Buffon est
l'espèce la plus représentée dans le parc et les ZIC 1 et
4 avec 36% des effectifs observés. Il est suivi du Babouin qui est de
moindre importance pour la chasse sportive et le tourisme de vision. Cette
prolifération du Babouin serait favorisée par la culture
musulmane qui interdit la consommation de la viande des primates.
Phacochère
8%
Hippotrague
10%
Bubale
7%
Céphalophe à flanc
roux
7%
Babouin
17%
Céphalophe de grimm
10%
Cobe de Buffon
36%
Guib harnaché
5%
Figure 6 : Proportion des animaux suffisamment
représentés dans le PNBé et les ZIC 1&4
Les espèces telles que le Guib harnaché, le
Céphalophe à flanc roux, et le bubale ont une faible
densité : ceci serait dû au fait qu'elles subissent une forte
pression humaine (chasse sportive, chasse villageoise, braconnage, destruction
de la végétation) ou que leur dynamique de population
(reproduction) est différente. Leur format plus petit les rend
vulnérables à la chasse villageoise car ils sont facilement
transportables et dissimulables par les petits chasseurs.
5.1.2. Indice kilométrique d'abondance des
espèces observées
Le programme Distance ne peut fournir des estimations que pour
des espèces fortement représentées. Pour celles
insuffisamment dénombrées, nous avons utilisé les indices
kilométriques d'abondance. Le tableau III donne à cet effet les
indices kilométriques d'abondance pour les espèces dont les
observations n'ont pas permis une analyse sur Distance.
Tableau III : Valeur d'IKA pour les espèces
de faibles densités observées dans la zone en comparaison avec
celles obtenues en 2006 dans la même zone
Espèces
|
IKA2 (2006)
|
|
IKA3(2008)
|
Buffle
|
|
0,0083
|
|
0,066
|
Chacal
|
|
0,0041
|
*
|
|
Civette
|
|
|
|
0,002
|
Cobe defassa
|
|
0,0334
|
|
0,053
|
Colobe guereza
|
|
0,0251
|
|
0,025
|
Elan de Derby
|
*
|
|
|
0,017
|
Eléphant
|
|
0,0041
|
|
0,069
|
Girafe
|
|
0,0083
|
|
0,004
|
Guib harnaché
|
|
0,0669
|
|
0,058
|
Hyène tachetée
|
|
0,0083
|
*
|
|
Lièvre d'Afrique
|
|
0,0083
|
|
0,002
|
Redunca
|
|
0,0836
|
|
0,034
|
Singe vert
|
*
|
|
|
0,012
|
* Aucune donnée
Les valeurs d'IKA varient selon les espèces mais ces
IKA sont assez importantes (1 à 7 individus pour 100 km de transects
parcourus) pour certaines espèces telles que le Redunca, l'élan
de derby, le buffle et même l'éléphant. D'autres
espèces par contre, ont un IKA très faible, environ 0,2 contacts
pour 100 km de distance parcourue. Cependant, lorsqu'on considère les
ZIC et le parc pris individuellement, et vu la surveillance du parc, ce dernier
semble avoir des valeurs d'IKA plus élevées car, les ZIC sont les
aires protégées habitées et les activités humaines
évoluent au détriment de l'habitat de la faune. D'autre part, la
chasse sportive occasionne le déplacement des animaux vers les zones les
plus sécurisées, ce qui emmène les animaux à se
réfugier davantage dans le parc où ils trouvent plus de
sécurité.
2 Valeurs obtenues par Tsakem en 2006
3 Inventaire PNBé et ZIC 1&4, 2008
5.1.3. Evolution des densités, effectifs et de
l'abondance relative des principales espèces depuis 1975
Le tableau IV présente l'évolution des
densités et des effectifs entre 1975 et 2008.
Tableau IV : Comparaison des densités
animales et des effectifs de quelques grands mammifères dans la zone
entre 1975 et 2008
Espèce
|
Densité (individus/km2)
|
Effectifs
|
1975
|
1998
|
2000
|
2004
|
2008
|
19754
|
19985
|
20006
|
20047
|
20088
|
Bubale
|
1,66
|
1,88
|
15,23
|
*
|
0,97
|
3000
|
3384
|
27418
|
*
|
2534
|
Hippotrague
|
0,18
|
0,66
|
*
|
*
|
1,35
|
325
|
1188
|
*
|
*
|
3525
|
Cobe defassa
|
0,75
|
0,55
|
*
|
*
|
*
|
1350
|
990
|
*
|
*
|
*
|
Cobe de Buffon
|
1,58
|
3,89
|
6,79
|
1,9
|
4,8
|
2850
|
7002
|
12229
|
5113
|
12548
|
Ourébi
|
0,4
|
0,91
|
1,64
|
2,1
|
*
|
73
|
1638
|
2077
|
5687
|
*
|
Céphalophe de Grimm
|
0,91
|
0,46
|
1,14
|
0,89
|
1,3
|
1650
|
828
|
2055
|
2322
|
3440
|
Céphalophe à flanc roux
|
0,55
|
*
|
*
|
0,62
|
0,8
|
1000
|
*
|
*
|
1616
|
2275
|
Buffle
|
1,14
|
0,1
|
*
|
*
|
*
|
2060
|
180
|
*
|
*
|
*
|
Babouin
|
2,06
|
*
|
*
|
*
|
2,31
|
*
|
3708
|
*
|
*
|
6030
|
Redunca
|
0,008
|
0,54
|
0,79
|
1,4
|
*
|
15
|
972
|
1435
|
3877
|
*
|
Hippopotame
|
0,13
|
*
|
*
|
*
|
*
|
325
|
*
|
*
|
*
|
*
|
Guib harnaché
|
0,36
|
0,39
|
0,55
|
1,2
|
0,6
|
650
|
702
|
281
|
3241
|
1575
|
Eland de Derby
|
0,2
|
0,07
|
*
|
*
|
*
|
375
|
126
|
*
|
*
|
*
|
Girafe
|
0,009
|
*
|
*
|
*
|
*
|
17
|
*
|
*
|
*
|
*
|
Phacochère
|
0,66
|
0,48
|
1,9
|
|
1,06
|
1200
|
864
|
|
4959
|
2765
|
Potamochère
|
*
|
*
|
*
|
*
|
*
|
*
|
*
|
*
|
*
|
*
|
Lapin d'Afrique
|
*
|
*
|
*
|
*
|
*
|
*
|
*
|
*
|
*
|
*
|
Rhinocéros noir
|
0,004
|
*
|
*
|
*
|
*
|
8
|
*
|
*
|
*
|
*
|
* Observations insuffisantes.
La connaissance des différentes techniques de
recensement utilisées est nécessaire pour une meilleure analyse
de ce tableau. En effet, tous ces dénombrements ont utilisé la
technique des transects linéaires, mais cette technique a
évolué suite à une maîtrise de son application sur
le terrain et le strict respect de ses règles. Il est aussi
impérieux de savoir que ces différents dénombrements ont
eu des taux d'échantillonnage différents. Les trois derniers
dénombrements ont été faits aussi bien dans le parc que
dans les ZIC 1 et 4 (soit 2601,92 km2 de superficie totale) alors
que les deux premiers n'ont couvert que le parc uniquement (1800 km2
de superficie). Le biais réside ici dans le fait que le parc et les ZIC
ayant des statuts et vocations différents, ne devraient pas constituer
une même entité dans les analyses et interprétation des
résultats. Le second obstacle est la difficulté d'utilisation du
programme Distance.
4 Stark, 1977
5 WWF & FAC, 1998
6 Gomsé & Mahop, 2000
7 Tsakem S., 2006
8 Résultats présent inventaire
Le tableau IV montre que les populations des bubales et des
Cobes de Buffon sont les plus importantes. Il apparaît très
clairement sur ce tableau que les effectifs des populations animales ont
considérablement baissé entre 1975 et 2008. Toutefois, le Cobe de
Buffon fait exception car sa population s'est accrue entre 1975 et 2000 passant
de 2850 à 12229 individus, puis a connu une baisse drastique (5113
individus) entre cette période et 2004 avant de connaître de
nouveau une augmentation de plus de 200% en 2008. Ceci s'expliquerait soit par
les apports des mesures de cogestion soit par les biais des observations faites
dans les années antérieures. La population des bubales a
également connu une croissance spectaculaire de 1975 à 2000,
passant de 3000 à 27418 individus en 2000 avant de connaître une
chute entre 2004 et 2008. Le danger d'extinction des espèces phares de
la chasse sportive semble réel. Leurs observations toujours faibles ne
permettent pas au logiciel Distance d'estimer leur densité.
L'hypothèse d'accroissement des espèces en voix
d'extinction dans la zone de la Bénoué comme fruit de la
gestion participative semble donc infirmée pour le moment. Les pressions
de braconnage et les extensions des surfaces cultivables demeurent toujours
problématiques. Les effectifs du Phacochère, malgré son
caractère grégaire, et du Guib harnaché sont en baisse
sensible. Dépendante, la population des Babouins a presque doublé
en 10 ans (1998 à 2008). Cette croissance serait non pas le fruit de la
gestion participative, mais plutôt celui des habitudes culturelles des
populations de la zone d'étude pour qui la consommation de la viande des
primates est prohibée. Ce qui veut dire que l'exploitation des
caractères culturels peut être un atout pour la conservation de
certaines espèces de faune sauvage.
En référence aux travaux antérieurs dans
la zone d'étude, la tendance des IKA est en général
à la décroissance pour la plupart des espèces, à
l'exception des primates et de quelques petites antilopes de moindre importance
pour la chasse sportive. Il est toujours démontré que la pression
de chasse sportive (dans les ZIC) et du braconnage (Hassan, 1998 ; Kirda, 2000
; Roulet, 2004) constituent toujours un danger pour la conservation du
PNBé et des ZIC adjacentes. Les effectifs de l'Elan de Derby,
espèce phare pour la chasse sportive dans la zone, ne cessent de
décroître au fil des ans. La régression arithmétique
est la même pour le buffle, laissant craindre une disparition rapide,
à l'instar du rhinocéros, dans la zone de la
Bénoué.
5.1.4. Structure d'âge et sexe des animaux
Le tableau V présente les structures des groupes - rapport
jeune/adulte et rapports de sexe - de quelques mammifères du PNBé
et des environs.
Tableau V : Structures des groupes, rapport
jeune/adulte et rapports de sexe de quelques mammifères du
PNBé
Espèce
|
Effectifs observés
|
Taille moyenne du groupe
|
Intervalle de groupe
|
Adulte
|
Jeune
|
Indéterminé
|
Sex-ratio et rapport jeune/adulte
|
?
|
?
|
?/?
|
J/A
|
Cobe de Buffon
|
348
|
4
|
[1-25]
|
66
|
161
|
55
|
66
|
0,41
|
0,34
|
Bubale
|
104
|
6
|
[1-21]
|
12
|
7
|
29
|
56
|
1,71
|
4,14
|
Ourébi
|
86
|
2
|
[1-4]
|
40
|
40
|
5
|
1
|
1,00
|
0,13
|
Phacochère
|
50
|
4
|
[1-6]
|
11
|
14
|
20
|
5
|
0,79
|
1,42
|
Hippotrague
|
81
|
4
|
[1-15]
|
25
|
7
|
12
|
37
|
3,57
|
1,71
|
Guib harnaché
|
27
|
1
|
[1-3]
|
13
|
10
|
2
|
2
|
1,30
|
0,20
|
Céphalophe à Flanc Roux
|
26
|
1
|
[1-2]
|
17
|
3
|
|
6
|
5,66
|
|
Céphalophe de Grimm
|
46
|
1
|
[1-4]
|
26
|
11
|
1
|
8
|
2,36
|
0,09
|
Il ressort de ce tableau que les animaux grégaires
(Cobe de Buffon, Bubale, phacochère, etc.) ont une population
relativement jeune contrairement aux espèces solitaires
(Céphalophe, Guib harnaché). Le grégarisme est important
pour la multiplication de l'espèce car elle favorise le contact
mâle et femelle lors des chaleurs.
Les femelles constituent le socle de renouvellement d'une
population pérenne. Les effectifs du Cobe de Buffon reflètent le
dynamisme de sa population : 41 mâles pour 100 femelles, ce qui est
encourageant sur l'évolution positive future de la population. Le cas de
l'Ourébi est plus incertain dans la mesure où le sexe ratio est
de 1. Cependant, le fait que la structure de la population soit relativement
jeune, témoigne probablement de l'insuffisance des observations et
confirme le biais des résultats. Si les observations sont proches de la
réalité, il s'en suit que l'Ourébi est également
sur la voie de l'extinction. L'analyse est la même pour le Guib
Harnaché, l'hippotrague, le céphalophe à flanc roux et le
céphalophe de Grimm qui présentent une structure à
dominance mâle.
Ces ratios corroborent une fois de plus les menaces d'extinction
qui pèsent sur la faune du PNBé et de ses environs.
5.2. Nouvelle géométrie de la gestion
participative et de préservation de la faune
5.2.1. De la gestion coercitive à la cogestion
Par le passé, les ZIC 1 et 4 étaient
gérées en régie par le ministère en charge des
forêts et de la faune, représenté sur le terrain par le
conservateur du parc. Cette forme de gestion était coercitive et la
relation entre conservateur et populations riveraines était
conflictuelle. Les populations locales étaient exclues du processus et
n'avaient que des obligations : conserver la faune et la biodiversité.
Elles étaient les gardiens des ressources naturelles mais privées
d'exploitation du moins sur le plan de la
législation forestière. Cette forme de gestion
n'a fait que contribuer à la dégradation des ressources
naturelles. L'Etat, pour pallier à cette situation, a pensé
à une forme nouvelle de gestion des ressources qui associe les
populations riveraines : l'Arrêté N°0580/A/MINEF/DFAP/SDF/SRC
du 27 août 1998, a fait des ZIC 1 et 4 des zones d'essais de gestion
participative ou cogestion9 de la faune entre les populations
locales et l'administration forestière.
Ce processus de cogestion a démarré timidement
en 1998 par la collecte des données bioécologiques et
socio-économiques. Il prendra une ampleur particulière entre 2000
et 2002 avec la multiplication des contacts et des réunions explicatives
sur le terrain, les négociations et l'apprentissage par l'action.
Cependant cette cogestion est effective sur le terrain depuis 2004. Une
structure ultra villageoise par ZIC a été créée,
avec l'accord de tous les partenaires (Etat, population locale, SNV, WWF, ...)
: le comité villageois de la faune (CVF) constitué de cinq
représentants de chaque village des ZIC 1 et 4. L'ensemble des
comités villageois de la faune de chaque ZIC (4 villages pour la ZIC 1
et 5 villages pour la ZIC 4) se regroupe au sein d'une union des comités
villageois de la faune (UCVF). Les deux membres de l'UCVF siègent dans
le comité de gestion (COZIC) avec les responsables du MINFOF. Ces
structures locales de gestion ont élaboré un statut et un
règlement intérieur et se sont légalisées comme
association au niveau de l'administration. Une Assemblée
Générale, tenue annuellement, est l'organe décisif de ces
structures. Chacune des deux comprend un bureau exécutif de cinq membres
nommés pour deux ans et qui gèrent quotidiennement l'association.
L'UCVF est le premier responsable de la gestion des retombées
financières de la chasse sportive pour les activités de
développement dans la zone (50% des taxes de location et 50% des taxes
d'abattage proposées). Elle devrait s'occuper également de la
répartition de la rétrocession de la viande de chasse sportive,
de l'accueil des chasseurs sportifs dans les ZIC, de la désignation des
pisteurs et porteurs aux chasseurs sportifs de la zone. Dans le cadre de cette
cogestion, en a résulté la subdivision de la ZIC 1 et 4 en trois
zones distinctes : des zones de conservation de la biodiversité, des
zones à usage multiple (ZUM) pour les activités
agro-sylvo-pastorales des populations et des couloirs de transhumance pour
réguler l'élevage dans la zone.
5.2.2. Faiblesses du système de cogestion mis en
place
Malgré la bonne volonté des parties prenantes
(MINFOF, populations locales, communautés et collectivités
locales, SNV, WWF), le processus de négociation à
été très perturbé par l'instabilité de
certains membres de l'équipe chargée de son élaboration,
ce qui a créé un climat de méfiance entre ces parties
prenantes. Il y a eu baisse de motivation des populations rurales. Cette
lenteur a installé le doute et les opposants en ont profité pour
mettre en cause le travail en cours ou celui déjà abattu, de
même que les résultats déjà obtenus. A cette
lenteur, s'est ajoutée l'indisponibilité des agents du
9 Forme de gestion participative, où la
population riveraine d'une zone de chasse protégée collabore avec
le conservateur de cette zone afin de trouver une gestion durable des
ressources naturelles de la zone qui est avantageuse pour tous les deux
partenaires. (Stellingwerf, 2002)
Ministère des forêts et de la faune (MINFOF)
à certains moments et même leur affectation. Hors, chaque fois
qu'un maillon important (délégué provincial ou
conservateur) est affecté le processus est ralenti. Du côté
des paysans, il est à noter qu'ils mènent une vie sociale non
planifiée (deuils, visites au chef...). Entre mai et janvier,
consacrés aux travaux champêtres, la participation aux
réunions est faible, ce qui engendre les mêmes effets que les
affectations des agents du MINFOF à savoir une répétition
des discussions et une réinstauration difficile de la confiance.
Les migrations continues dans la zone constituent
également de véritables obstacles au processus de gestion mis en
place. Chaque année, la zone connaît des migrations importantes
favorisées le plus souvent par les chefs du village et la SODECOTON. De
plus, chaque processus qui touche les intérêts de certains acteurs
crée des oppositions. Les braconniers ne trouvent pas de sources de
revenus complémentaires, les chefferies voient leurs taxes
traditionnelles diminuer.
Après que les négociations soient
achevées, l'application des mesures de cogestion convenues n'a pas
été respectée. Les safaris ont été
organisés sans impliquer les UCVF. La viande issue de cette chasse
n'arrivait pas au niveau des UCVF comme prévu. En effet, cette
proposition était utopique car le chasseur est libre de la gestion de
son produit de chasse. Il s'agit là d'une limite de cette approche qui
consiste à faire des propositions pour attirer la sympathie des
populations, sans toutefois s'assurer de l'efficacité de ces
propositions. La construction concrète du campement de Bel Elan
n'avançait pas au rythme souhaité par la population. Après
l'achèvement de sa construction et son équipement par la SNV, le
campement a été pillé par la population. La coupe de bois
augmentait sans que les UCVF ou le personnel du MINEF interviennent. Il y avait
des permis illégaux de collecte de viande de chasse et de bois
signés qui circulaient dans les ZIC 1 et 4. L'immigration dans la zone
s'intensifiait encore et la plupart des corridors ont été
violés. La case de santé prévue à Sakdjé n'a
jamais été équipée, ce qui a contribué
à nourrir davantage la résistance.
L'autre faiblesse de cette cogestion relève du cadre
institutionnel et juridique en matière des forêts et de la faune
au Cameroun. Certes les lois et les textes concernant la gestion participative
des ressources naturelles sont très avancés. Toutefois, il est
clair que la loi et les textes actuels n'ont pas prévu ou tenu compte de
plusieurs aspects du terrain. D'un autre côté, ils sont
basés sur la situation de la forêt humide au Sud du Cameroun. Les
mesures de cogestion qui ont été convenues pendant le processus
dans les ZIC 1 et 4 ont le plus souvent été
négociées en tenant compte de ces aspects. Vu le statut
expérimental du projet et du processus de cogestion dans les deux zones,
certaines mesures ont introduit des règles non décrites dans les
lois en vigueur (Partage des redevances des ZIC en régie). D'autres
dépassent les limites légales en vigueur. Deux choses introduites
sont la redevance des taxes de location et les taxes d'abattage aux UCVF. Or,
la chasse communautaire proposée n'existe pas dans les textes et est
strictement interdite dans les ZIC.
5.2.3. Echelle limite d'implication des communautés
locales à la gestion des ZIC
Vu la persistance du braconnage malgré l'implication des
communautés riveraines à la gestion des aires
protégées, il est urgent que de nouvelles manières de
penser se mettent en place. Des mesures
doivent être envisagées pour sortir les
populations riveraines des aires protégées de la pauvreté.
La satisfaction des besoins du futur est en effet secondaire pour une
population non auto-suffisante sur le plan alimentaire.
Des alternatives au développement du braconnage doivent
être envisagées pour améliorer l'autosuffisance alimentaire
des populations locales. Il ne peut en effet y avoir de gestion saine de
l'environnement tropical sans prise en compte des êtres humains qui en
vivent et sans leur assurer un avenir décent (Bahuchet et al.,
2000).
5.3. Développement d'alternatives au braconnage :
promotion de l'élevage du gibier
Quel schéma durable proposer face au constat que
même la participation des populations locales ne freine pas le braconnage
? La participation répond-t-elle à une demande ? Pour lutter
contre le braconnage, il est impérieux de proposer aux populations
locales des sources de revenus viables et durables qui peuvent compenser les
revenus tirés de cette activité.
Au Cameroun, le ministère en charge des forêts et
de la faune, celui en charge de l'élevage et les organisations non
gouvernementales concernées admettent que la sauvegarde de la faune
sauvage passe par le développement des alternatives au braconnage.
L'aulacodiculture est notamment encouragée dans ce contexte. Elle est
pratiquée aujourd'hui dans 9 régions sur dix (Engamba, 2007) et
suscite un réel enthousiasme au sein des populations camerounaises, au
vu de l'évolution des effectifs depuis 2002.
Tableau VI : Développement de
l'aulacodiculture au Cameroun de 2002 à 2007
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
2007
|
Régions couvertes
|
2
|
5
|
8
|
9
|
9
|
9
|
Stations de multiplications de
géniteurs
|
2
|
2
|
3
|
4
|
5
|
5
|
Eleveurs formés
|
48
|
79
|
300
|
500
|
600
|
900
|
Eleveurs/formateurs formés
|
0
|
12
|
0
|
0
|
43
|
0
|
Cheptel total estimé
|
720
|
1200
|
4500
|
6000
|
7000
|
10800
|
Source : Engamba, 2007
L'aulacodiculture, si elle est bien gérée, peut
en effet être économiquement plus rentable que l'élevage de
beaucoup d'espèces conventionnelles. Le schéma ci-dessous indique
la production possible d'une aulacodine par an.
Mois 1
Mois 6
Mois 12
4 kg 0,65 kg x 4 3 kg x 4 = 14 kg de viande environs par
aulacodine par an, soit
un indice de productivité
pondérale (kg de jeune par kg de femelle) d'environ
3,65 par an.
Le tableau ci-dessous donne des résultats
déjà enregistrés au niveau de la ferme de
démonstration de Wédbila au Burkina-Faso
Tableau VII : Bilan de flux d'une aulacodiculture
au Burkina-Faso (Ferme de démonstration de Wédbila)
Paramètres de l'élevage
|
|
Aulacode
|
|
Nombre de géniteur départ
|
|
2 groupes, 1m:5f
|
Nombre de géniteur plafonné
|
|
30 groupes, 1m:5f
|
Taux de mortalité annuel adultes
|
|
|
5%
|
Taux de reproduction annuel
|
|
|
90%
|
Nombre de mise bas par femelle
|
|
|
1,8
|
Nombre moyen petits/portée
|
|
|
4
|
Taux de mortalité annuel des jeunes
|
|
|
10%
|
Prix achat/vente (Fcfa)
|
|
Prix géniteur
|
|
15
|
000
|
Prix viande
|
|
2
|
500
|
Salaire manoeuvre/soigneur
|
|
30000F/mois
|
Coût moyen/animal/jour (Fcfa)
|
|
|
8,9
|
Aspects financiers
|
|
Investissements an 1
|
|
|
Géniteurs
|
|
180
|
000
|
Bâtiments
|
|
1 300
|
000
|
Cages/enclos
|
|
2 135
|
000
|
Total
|
|
3 615
|
000
|
Bilan fonctionnement
|
|
An 1
|
|
-1 464
|
850
|
An 2
|
|
346
|
830
|
An 3
|
|
1 152
|
520
|
An 4
|
|
8 234
|
850
|
An 5
|
|
8 243
|
850
|
Bilan fonctionnement 5 ans
|
|
16 513
|
200
|
|
Solde Annuel
|
|
An 1
|
|
-5 079
|
850
|
An 2
|
|
346
|
830
|
An 3
|
|
1 152
|
520
|
An 4
|
|
8 234
|
850
|
An 5
|
|
8 243
|
850
|
Solde cumulé sur 5 ans
|
|
12 898
|
200
|
TRI sur 5 premières années
|
|
47,7%
|
Source : (
http://www.bf.refer.org/faune/chapitre6.html#aulacodiculture)
La motivation des populations pour un tel élevage ne
peut découler que d'un exemple réussi initié par les ONG
de conservation comme le WWF et la SNV dans la région car le
succès constitue une source de motivation pour les populations. En
créant une ferme de démonstration, ils réduiront le
désoeuvrement des jeunes et par conséquent, réduiront la
pression sur les ressources car cette pression ne naît que du besoin de
survie. Les projets de développement devraient par ailleurs financer en
guise d'encouragement les jeunes qui aimeraient se lancer dans une telle
activité en leur apportant une assistance technique et en leur octroyant
des géniteurs au début.
5.4. Transformation d'une des ZIC en game ranching pour une
rentabilité plus accrue
En plus de l'élevage d'aulacodes, des espèces
menacées d'extinction peuvent être élevées dans la
Bénoué comme c'est fait dans beaucoup de régions au monde.
Le rhinocéros aujourd'hui disparu pourrait être réintroduit
dans une ZIC de l'unité technique opérationnelle (UTO) de la
Bénoué, et mieux contrôlé afin de favoriser sa
reproduction. Pour ce faire, une population de rhinocéros doit
impérativement être importée là où il y en a
(Botswana, Afrique du Sud, Namibie, Kenya et Tanzanie). Cette population sera
multipliée et suivie en captivité d'abord puis progressivement
relâchée dans le parc et les ZIC. Cette réintroduction est
d'autant plus réaliste que la zone de l'UTO de la Bénoué
constitue l'aire de répartition naturelle du rhinocéros et que
ses conditions de reproduction sont aujourd'hui maîtrisées. Les
enjeux multiples de réintroduction d'une telle espèce justifient
son élevage. Le rhinocéros fait partie des « Big 5
»10 africains et ses trophées sont recherchés. Le
développement du game ranching pourrait ainsi contribuer de façon
significative au développement du tourisme de vision.
5.5. Obstacles possibles à l'élevage non
conventionnel et au game ranching dans la zone
Dans les ZIC 1 et 4, les populations ont pendant longtemps
été habituées à la consommation de la viande de
gibier. Elles sont convaincues que la faune sauvage sera toujours là et
que les vastes aires protégées qui les entourent disposent des
potentialités illimitées. La principale interrogation est celle
de savoir si ces populations auront un intérêt à
réduire le temps alloué aux activités agricoles pour se
consacrer à l'élevage du gibier qui nécessite des moyens
financiers assez important, alors que la nature leur offre déjà
cette ressource. L'élevage des petits ruminants pourrait ne pas
intéresser le braconnier, car il préfère le gros gibier
qui lui donne beaucoup de viande. Cependant, pour une population qui vit au
seuil de la pauvreté comme celle riveraines de la Bénoué,
la rentabilité financière de l'activité, si elle est
substantielle, pourrait être une motivation. Les ONG et les autres
partenaires ne doivent pas
10 Expression utilisée dans le passé par
les chasseurs pour indiquer les animaux les plus dangereux d'Afrique (Lion,
Léopard, Eléphant, Rhinocéros et Buffle). Aujourd'hui le
terme indique la faune sauvage et passionnante qu'on puisse voir pendant un
safari en Afrique
seulement les aider à élever, mais aussi à
écouler les produits issus de cet élevage dans les grands centres
urbains.
Enfin, la réintroduction du rhinocéros n'offre
pas de garantie pour sa conservation. Vu les enjeux multiples pour cet animal
et la demande énorme de ses cornes, le rhinocéros
élevé tout d'abord en enclos pourrait être braconné
après sa libération dans le parc si la surveillance est
inadéquate.
CONCLUSION
Cette étude suggère que la gestion participative
appliquée dans l'UTO de la Bénoué est actuellement
inefficace car encore insuffisamment sujette à concertation. Elle ne
pourrait avoir d'effet véritable que si le niveau de vie des populations
environnantes des aires protégées est amélioré et
si elles disposent de revenus substantiels comparables à ceux qu'elles
tirent des activités de braconnage. Les ONG de conservation devraient
axer davantage leurs actions sur le développement d'activités
génératrices de revenus, telles que l'élevage non
conventionnel. Le game-ranching, quant à lui, pourrait accentuer le
tourisme de vision et, moyennant une redistribution plus équitable des
revenus touristiques, réduire également les activités de
braconnage.
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ANNEXES
Annexe 1 : Fiche de dénombrement des grands et
moyens mammifères dans le PNBé et les ZIC 1&4
Annexe 2 : Recette faune 2007 au Cameroun
Annexe 3 : Quelques paramètres obtenus dans
Distance