L'attitude des états de la CEMAC face au conflit de Bakassi et ses effets sur l'institution( Télécharger le fichier original )par Sali Aliyou Université de Dschand - D E A 2008 |
SECTION II : LE SOUCI DE LA SECURITE TRANSFRONTALIEREL'insécurité galopante aux frontières de certains Etats167(*) en Afrique Centrale est devenue une préoccupation majeure des Etats de la CEMAC. Ces Etats ont d'ailleurs compris que la lutte contre l'insécurité transfrontalière dépasse la compétence d'un seul Etat et fait appel à une véritable synergie des forces étatiques et une croisade commune contre un mal qui gangrène l'unité de la CEMAC et charançonne l'élan d'intégration168(*). Les Etats de la sous région ont entrepris des actions communes pour, sinon éradiquer complètement l'insécurité transfrontalière, du moins l'endiguer. Ces actions communes constituent des tentatives (paragraphe 1) à côté desquelles l'on envisagera des perspectives pour améliorer la sécurité transnationale (paragraphe 2). Paragraphe I : Les tentatives des Etats de la CEMAC dans la lutte contre l'insécurité transfrontalière L'insuffisance des efforts individuels dans la lutte contre l'insécurité transfrontalière est comblée par la prise des mesures collectives par les Etats. Ces derniers ont, à cet effet, renforcé la coopération en matière de la sécurité transfrontalière (A). Dans un cadre plus restreint, les Etats ont organisé des rencontres tripartites, sur le sujet de la sécurité (B). A- Le renforcement de la coopération en matière de sécurité transnationale par les Etats de la CEMAC Conscient que la paix et la sécurité conditionnent de manière primordiale la stabilité et le développement des pays membres, les hautes instances de la communauté ont adopté un certain nombre de mesures tendant à restaurer un climat de confiance dans la sous région. En matière de sécurité transnationale, les Etats membres ont entrepris une coopération appropriée en vue de combattre efficacement cette criminalité transfrontalière qui s'exprime de la manière la plus brutale avec le phénomène de coupeurs de route, autrement appelés « Zarguina169(*) ». Le renforcement de la coopération s'effectue sur le plan multilatéral (1) et sur le plan bilatéral (2). 1- Le renforcement de la coopération multilatérale Le renforcement de la coopération dans la lutte contre la criminalité passe par la réaffirmation, des Etats membres de la CEMAC, de leur engagement en faveur de la coopération judiciaire170(*). C'était au cours de la 5ème conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement tenue à Brazzaville au Congo le 24 janvier 2004. Lors de cette rencontre au sommet en effet, deux textes devant régir la coopération judiciaire ont été adoptés. Il s'agit d'abord de l'accord de la coopération judiciaire entre les Etats membres de la CEMAC adopté sur le modèle de traité type d'entraide des Nations Unies171(*). Les mécanismes de coopération judiciaire ont été mis sur pied par les Etats membres de la communauté économique et monétaire d'Afrique centrale pour concilier la nécessité d'intégration et l'exigence de justice et de sécurité172(*). Il s'agit ensuite de l'accord d'extradition lui aussi adopté sur le modèle de traité type d'extradition des Nations Unies173(*). Ces deux accords participent de la volonté exprimée au plus haut niveau des Etats membres de lutter contre l'insécurité transfrontalière afin de favoriser la libre circulation dans la sous région. . La coopération judiciaire a été instituée dans le but de lutter contre la criminalité non seulement dans les Etats mais aussi et surtout la criminalité transnationale. Cette coopération judiciaire est une avancée significative vers l'intégration politique comme le souligne un auteur « the Judiciary cooperation, favours the rapprochement of people and works for a better political cooperation ».174(*) En outre, les Etats de la CEMAC175(*) se sont rencontrés à Yaoundé le 30 et 31 janvier 2006 avec le Nigeria et l'Allemagne dans le cadre de la rencontre préparatoire à la consultation sur le networking pour la paix dans la sous-région Afrique Centrale (CEMAC/Golfe de Guinée). Cette rencontre avait pour objectif de contribuer plus efficacement à la prévention des conflits dans la sous région. Les participants ont fait allusion à plusieurs conflits parmi lesquels le conflit de Bakassi176(*). Cette coopération de la société civile par son objectif se rapproche du but visé par les Etats dans le renforcement de la coopération bilatérale. 2- Le renforcement de la coopération bilatérale Pour lutter contre l'insécurité dans la sous région, les Etats d'Afrique centrale ont organisé en partenariat avec le comité consultatif permanent des Nations Unies pour les questions de sécurité en Afrique Centrale, un exercice interarmé dénommé « Biyongo 2003 ». Ces exercices militaires regroupaient des troupes des Etats membres de la CEEAC et visaient le raffermissement des liens entre les différentes armées, le perfectionnement des différents pays à faire face aux crises humanitaires nécessitant l'assistance à une population déplacée conformément aux principes de l'ONU, la préparation efficace des armées à la politique de gestion des crises avant le retour à l'ordre constitutionnel et l'entraînement de la FOMAC au rôle qui lui est dévolu177(*). Cette opération bien qu'intervenant dans le cadre de la CEEAC, regroupait en réalité les six Etats de la CEMAC et le Burundi178(*). Elle a vu la participation effective de tous les Etats membres de la CEMAC, contrairement aux rencontres tripartites qui ne regroupent que quelques Etats. B- L'organisation des rencontres tripartites entre les Etats de la CEMACLes Etats voisins les plus concernés par l'insécurité transfrontalière se sont résolus à se pencher sur cette question embarrassante. Ils ont pris l'initiative d'organiser les croisades contre l'insécurité transfrontalière. Déjà le 25 août 2005, le Cameroun, le Tchad et la RCA avaient organisé une rencontre au cours de laquelle les ministres en charge de la sécurité des différents Etats ont fait de nombreuses recommandations : il s'agit entre autres : - Sur le plan national, du renforcement des capacités des forces de défense et de sécurité au niveau des frontières ; - Au niveau bilatéral, de l'intensification des échanges d'informations sécuritaires et de renseignements ; - La reprise des travaux et la réactivation des commissions mixtes bilatérales sur les questions de sécurité179(*) . Dans le même ordre d'idées, sera tenue toujours à Yaoundé le 20 juin 2008, à l'initiative du Bureau des Nations Unies en République Centrafricaine (BONUCA) et de la commission de la CEMAC, une réunion ministérielle de l'initiative tripartite sur l'insécurité transfrontalière, organisée conjointement par les gouvernements du Cameroun, de la République Centrafricaine et du Tchad180(*). Avaient pris part à cette réunion les ministres en charge de la sécurité des trois pays concernés ou leurs représentants, le président de la commission de la CEMAC et le représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en RCA. Lors de cette rencontre181(*), les représentants des Etats ont approfondi leur réflexion sur les causes profondes de l'insécurité transfrontalière, passé, en revue la situation sécuritaire dans leurs pays respectifs et ont fait le point sur la mise en oeuvre des recommandations de l'initiative tripartite d'août 2005182(*). Les rencontres tripartites au sein de la CEMAC traduisent le souci des Etats de la CEMAC de combattre l'insécurité transfrontalière, notamment par l'adoption d'une politique commune de coopération transfrontalière en matière de lutte contre le grand banditisme. Celui-ci sévit de manière endémique de part et d'autre des frontières entre les Etats à l'occurrence le Cameroun et le Tchad et le Cameroun et la RCA183(*). Les rencontres tripartites comme leur nom l'indique, sont des rencontres entre trois Etats, il sera donc préférable afin d'atteindre son objectif de lutte contre l'insécurité transfrontalière, de les étendre aux autres Etats de la CEMAC184(*). Dans ce sens, les participants de la rencontre de Yaoundé ont discuté de l'opportunité d'ouvrir, le mécanisme tripartite non seulement aux autres Etats de la CEMAC mais aussi et surtout de l'élargir à l'ensemble des pays de la CEEAC185(*). Cette initiative d'élargir le mécanisme tripartite aux autres Etats de la sous région est certes louable mais elle est insuffisante. Il faut envisager de nouvelles perspectives dans le but de rendre plus efficace la lutte contre l'insécurité transfrontalière. Paragraphe II : Les perspectives en faveur de l'amélioration de la sécurité transfrontalière Le souci pour la sécurité transfrontalière a poussé les Etats à prendre plusieurs initiatives pour essayer d'endiguer les actes qui la compromettent. Il faut ajouter à cela le renforcement de l'engagement politique des Etats membres (A) et de créer une coopération multilatérale sous régionale (B) pour davantage rendre plus efficace la lutte contre ce mal. A- Le renforcement de l'engagement politique en matière de sécurité transfrontalière La tiédeur de l'engagement politique des Etats membres de la CEMAC est un handicap pour l'intégration communautaire en général et de la lutte contre l'insécurité en particulier. Il est donc nécessaire, pour lutter contre l'insécurité transfrontalière, d'un engagement politique réel et soutenu des autorités de la CEMAC. La volonté politique demeure la pierre angulaire de tout processus régional d'intégration et de coopération, sans laquelle rien de solide ne peut être entrepris. Il est par conséquent impérieux de maintenir un engagement politique ferme, réel et soutenu à l'égard des actions entreprises pour la lutte contre l'insécurité dans la zone CEMAC. Cet engagement doit se traduire sur le terrain par la détermination et la matérialisation des frontières, la mise en oeuvre des recommandations arrêtées dans le cadre de la coopération et des différentes rencontres tripartites. Allant plus loin, les Etats doivent renforcer les contacts au plus haut niveau entre les autorités politiques voire créer une coopération avec d'autres organisations voisines. * 167 Tel le Cameroun, la RCA et Tchad. * 168 Taguem Fah (G.L) et Mamoudou : Op.cit p.117. * 169 Ce terme désigne en Fufuldé, langue peul, le bleu de linge. Les bandits appliquaient ce produit sur leurs visages avant de perpétrer leurs forfaits afin de ne pas être identifiés. Aujourd'hui, ils utilisent rarement le bleu et opèrent à visage découvert. Ils gardent cependant ce nom de « zarguina ». * 170 Le premier texte spécifique régissant la coopération judiciaire entre la majorité des Etats membres de la CEMAC fut la convention multilatérale de justice de Tananarive adoptée le 21 septembre 1961. * 171 Adopté au cours de la 78ème séance plénière, lors de la 45ème session de l'Assemblée générale de l'organisation des Nations Unies du 14 décembre 1990 et modifié par la résolution n°53/112 de l'Assemblée générale en 1998. * 172 Ngapa (T), La coopération judiciaire pénale dans la zone CEMAC, Mémoire DEA, 2005-2006, p.2. * 173 Ces deux textes ne sont pas encore entrés en vigueur faute de ratification par l'ensemble des Etats membres. * 174 Djeukou (J), « La CEMAC rétrospective et perspective : réflexion sur l'évolution récente du droit communautaire de l'Afrique Centrale », in Juridis périodique n° 47, 2001.p.107, cité par Moye Bongyu (G) Op. Cit. p.36. * 175 Le Cameroun, le Congo Brazzaville et le Tchad. * 176 V. peace news, n°60, février 2006. * 177 Ondoa Mbazoa, (T.D), Construction d'un espace de sécurité en Afrique centrale post-guerre froide entre actions des Nations Unies et interventions des puissances étrangères, Mémoire 3ème cycle, IRIC, juin 2005 pp 108-109. * 178 Awoumou Côme (DG) Op.Cit p.12. * 179 V. Cameroun Tribune du Lundi 23 juin, 2008 p.3. * 180 La réunion a été présidée par le ministre des relations extérieures du Cameroun M. Henri Eyebe Ayissi. * 181 Cette rencontre de Yaoundé a reçu l'encouragement et l'appui du département des affaires politiques des Nations Unies à New York. * 182 Communiqué final de la rencontre tripartite Cameroun-Tchad - RCA du 20 juin 2008 à Yaoundé. * 183 Taguem Fah (G.C) et Mamadou Op.Cit p. 117. * 184 Le Congo Brazzaville, le Gabon et la Guinée Equatoriale. * 185 CEEAC Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale. Elle a été créée le 18 octobre 1983 et comprend en dehors des Etats de la CEMAC ceux de la Communauté Economique des Pays de Grands Lacs (CEPGL) à savoir le Burundi, le Rwanda, et la RDC ainsi que Sao Tomé et Principe. |
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