Conclusion
Avant de répondre à la problématique de
ce mémoire, je tenais tout d'abord à critiquer la
méthodologie appliquée pour ce projet de recherche. Ce travail
fut passionnant, il m'a appris énormément de choses sur
énormément de domaines en allant bien plus loin que le seul cadre
scolaire. Je pense avoir utilisé les techniques et méthodes
adéquates pour répondre à la problématique.
Tout au long de cette étude je me suis aperçu
que les hypothèses que j'avais formulé n'étaient peut
être pas les plus pertinentes. En effet, avant de savoir en quoi la
concertation favorise les parties sur les modalités du
développement durable, n'était-il pas préférable de
vérifier à la base s'il y a discussion ou pas ? C'est à la
condition que les rencontres suivent ou tendent vers les principes Habermassien
que l'on peut parler de discussion et donc de concertation. Je pense donc qu'il
aurait été préférable que je suppose dès le
départ si la situation peut être qualifiée comme
étant une discussion ou pas.
Ensuite, le degré d'ouverture que je tente de
présenter suivant les réunions est une variable peu
fondée. Pour être pertinente, il faudrait soit une moyenne d'un
nombre conséquent de réunions, or l'échantillon
analysé est trop restrictif. Soit le comparer à partir de
mémes grilles d'analyses à d'autres comités tels que les
CLIC en France ou les PAM en Afrique. Dans ce cas, la comparaison serait
très difficile car ces comités ont souvent une forte
identité locale.
Puis, de part sa taille, l'échantillon d'analyse rend
difficile, voir impossible la généralisation des conclusions.
Cependant, je reste convaincu que les trois postulats que je présente
à la fin de cette conclusion sont indiscutables et nécessaires
à toutes concertations, que ce soit dans l'espace, dans le temps et pour
n'importe quel sujet.
Finalement, ce travail de recherche m'a permis d'avancer
encore plus dans mon questionnement. Je pense avec du recul que ma question de
départ était trop large. Mon sujet a abordé une multitude
de points qui peuvent tous faire l'objet d'un mémoire ou méme de
thèses. Pour la prochaine étude, il faudra que j'aille plus loin
dans l'élaboration de mon projet de recherche.
Ce travail de recherche nous a permis de comprendre
globalement les enjeux de la concertation dans les politiques de
développement durable en nous basant sur l'exemple calédonien.
L'implantation de la société minière Vale Inco en
Nouvelle-Calédonie est un sujet
d'une étonnante richesse qui englobe quasiment tous les
aspects récurrents que l'on peut rencontrer lorsque l'on traite des
questions de gouvernance partagée.
Au début du projet, nous avons constaté un
manque flagrant de confrontations entre les parties liées au projet. Les
divergences d'intérêts particuliers expliquaient l'existence de
cette situation inerte.
Au fur et à mesure de l'avancement du projet, une prise
de conscience est née dans la société civile concernant la
problématique environnementale. La précipitation des
décisions prises, le vide en matière juridique et
l'opacité de l'information ont été des
éléments clés pour réveiller les esprits. En effet
en filtrant les informations, le système économique et le
système politique ont engendré un sentiment de méfiance de
la part de la population vis-à-vis du projet. Face à l'absence de
communication, notamment en matière environnementale, la
société civile s'est mobilisée pour faire intégrer
au coeur du cercle décisionnaire ses inquiétudes concernant les
impacts environnementaux de l'usine.
Le principal élément qui fut discuté fut
le processus de prise de décision. Celui-ci était inadapté
et il comportait des manques importants en termes de participation du public et
de transparence de l'information. Au fil de plusieurs manifestations, de
recours en justices et d'actions plus radicales, le système politique et
le système économique se sont engagés dans un processus
d'amélioration du déroulement des prises de décisions. Les
nombreuses démarches qui ont émergé de ces rapports de
force tendent vers une gouvernance respectant les modalités du
développement durable.
Cependant, notre analyse a mis en exergue le fossé
entre ce qui est dit, c'est-à-dire ce qui est annoncé par les
organisateurs et les résultats sur le terrain, c'est-à-dire les
conséquences effectives de ces démarches.
On a pu constater qu'une structure originale telle que le CICS
ne répond pas de façon optimale aux revendications émises
par la société civile. Plusieurs éléments
expliquent les difficultés que rencontre ce comité pour
être un espace ouvert.
Premièrement, la multitude d'acteurs qu'impliquerait
une ouverture totale du débat, suppose des moyens financiers,
matériels, humains, temporels, etc.... que la Province sud, organisateur
de ces réunions ne peut supporter. Dans le compte rendu n°2, le
Président du comité souligne la nécessité de
restreindre le débat pour être capable de le gérer.
Ensuite, il faut une volonté du système
politique. Or les entretiens effectués montrent que les participants
sont sélectionnés. Cette pratique traduit une volonté des
organisateurs de contrôler le débat, c'est-à-dire de
contrôler un espace qui devrait être poreux et ouvert à son
environnement pour ainsi stimuler l'innovation autour du projet.
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Puis, il est toujours difficile pour les membres de la
société civile d'intégrer ce type de structure, car au
final la décision ne leur appartient pas. Lorsque les décisions
suivent majoritairement l'avis de la société civile, cette
dernière est plus motivée pour prendre part au débat, mais
concernant les réunions du CICS, les décisions ont souvent
été différentes des avis et propositions des associations,
voir incomprises par celles-ci. Il est donc compréhensible que les
associations environnementales soient réticentes à participer,
d'autant plus que la plupart d'entre elles ne sont pas autorisées
à prendre la parole en réunion.
Finalement, on constate que la structure est principalement
investie lors de situations conflictuelles ou de points importants pour
l'avancement du projet. Dans le cas contraire, seul un groupe « d'expert
» occupe les réunions du comité.
On peut dire que cette structure bien qu'utile reste à
parfaire car elle comporte des lacunes intrinsèques qui restreignent son
efficacité. En effet tous les éléments ne sont pas
réunis pour créer une discussion au sens Habermassien. S'il
n'évolue pas, ce comité va disparaître laissant place aux
autres espaces de discussion qui jouent un rôle grandissant dans la
concertation et la gouvernance du projet.
En synthèse, nous pouvons noter trois points importants ou
trois conditions sine qua non à tout processus de concertation.
Premièrement, le cadre réglementaire et
juridique. Cet élément doit poser les bases de la communication.
Chaque acteur doit trouver sa place dans la communication. Le droit garantit la
liberté et l'égalité des acteurs dans la discussion. Tout
en laissant place à une marge d'adaptation, le cadre
réglementaire doit être assez précis pour éviter des
situations de déséquilibre.
Puis, le temps. Au début de notre analyse nous avons pu
constater les conséquences de prises de décisions
précipitées. Pour être légitime, les
décisions doivent passer par plusieurs écluses. Ces
dernières doivent au préalable avoir été
informées et surtout avoir eu le temps d'assimiler ces informations,
sans quoi la prise de décision est biaisée. Donc, on peut dire
que le temps est un élément crucial pour légitimiser la
décision finale.
Enfin, la confiance. Ce point dépend principalement du
précédent, car il est bien connu que la confiance se gagne au fil
du temps. La confiance est une des bases de toutes relations. Elle un
élément important des processus de concertation, car elle permet
des discussions claires et productives dénuent de tout
intérêts particuliers. D'ailleurs, la tenue de débat en
public est un moyen d'établir une relation de confiance, puisque les
discussions sont soumises à l'avis de tous et donc dépourvues de
stratégie individuelle.
Les trois éléments que nous venons de
présenter sont les principaux points qui sont ressortis de notre
analyse. Cette liste n'est « peut être » pas exhaustive, mais
elle constitue une base essentielle pour toute mise en place de
procédure de concertation.
Au final, nous pouvons dire en réponse à la
problématique que la concertation étant une forme de discussion,
le projet se construit dans un processus de discussion entre ses principaux
acteurs. Le cas calédonien est critiquable à plusieurs titres,
mais on ne peut pas dire qu'il soit exempt de confrontation entre les parties.
On a pu constater que la concertation favorise l'entente entre toutes les
parties sur les modalités du développement durable en
Nouvelle-Calédonie, en confrontant les différents acteurs du
projet. Ces discussions ont souvent eu des retombées positives pour
l'environnement social et naturel en Province sud. En Nouvelle-Calédonie
la concertation n'a pas réussi à résoudre les conflits
entre les différentes parties. D'ailleurs ce n'était pas le but
premier. On peut méme dire qu'au départ, c'est l'effet inverse
qui s'est passé. En effet, la confrontation des partis a engendré
une vive opposition de la part de la société civile. L'ouverture
de l'accès à l'information a provoqué de vives
réactions. Aujourd'hui les relations entre acteurs du projet sont moins
tendues. Toutefois ce calme est relatif car l'accident qui s'est produit
récemment sur le site de l'usine remet en question cette
stabilité fragile.
Ce mémoire a ouvert la porte à plusieurs
questions. Ceci souligne la nouveauté de cette thématique et la
richesse du sujet abordé. Malgré toutes les questions qui peuvent
être soulevées, nous resterons au coeur du sujet et de son
actualité en nous interrogeant sur l'évolution de la situation et
les enjeux de la communication à la suite de l'accident chimique qui est
survenu. Quel avenir existe-t-il pour la gouvernance du projet dans une
situation de méfiance extrême ? Mais aussi, quels seraient les
outils adaptés pour « rétablir la confiance »
nécessaire au processus de communication entre les acteurs du projet
?
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