INSTITUT DES ETUDES DE LA FAMILLE DE TOULOUSE
LES ACCORDS DE MEDIATION,
construction et devenir
Marie-Caroline DESPAX 2 avril 2009
Diplôme d'Etat de Médiateur Familial
Promotion 2007-2009
Sous la direction de Jean Gréchez
SOMMAIRE
Introduction
I- Champs théoriques autour de la
médiation et des accords écrits
A- Concepts et contextes
1- La médiation familiale, contextes
d'émergence
2- Les accords de médiation
B- Les acteurs concernés par l'écrit de
médiation
1- Les médiés
2- Le médiateur familial
3- Les autres acteurs de la médiation: juges et
avocats
C- Le processus où naissent les accords
écrits
1- Le temps, allié du processus
2- Le cadre : Comment le Médiateur est garant de la
sécurité du processus
3- Les phases du processus
D- La « valeur » des accords de
médiation
1- La valeur juridique des accords
2- Comment la médiation rend les accords durables
II- Méthodologie de la recherche
A- Exploration
B- Enquête à la chambre de la famille de
Toulouse
C- Questionnaire
D- Observation participante
III- Présentation et Analyse des informations
recueillies
A- Sur la durabilité des accords
expérimentée par les médiés
B- Sur la baisse des retours contentieux devant les
juges Conclusion : Au-delà des accords
écrits...
Introduction
J'aime « le vent frais et chaleureux d'un désir
d'entente et de son possible. Le médiateur familial est un «
passeur » entre un présent souvent malheureux, chaotique, et un
futur d'espérance, porteur de sens. » (Claude Lienhard,
Professeur des universités, avocat, médiateur familial)
Au cours de mon stage de formation, je me suis
intéressée à cet écrit que sont les accords de
médiation, mouvant dans sa forme comme dans son contenu, reconnu par la
loi et les magistrats, qui permet aux parents, malgré une
séparation toujours difficile, de poser leur autonomie au sens absolu du
terme1.
J'ai vu en stage des parents soulagés,
gratifiés, d'être parvenus ensemble, au terme d'un long processus,
à élaborer des accords écrits de médiation. Ces
accords concernaient le plus souvent l'exercice en commun de l'autorité
parentale et l'organisation des modalités d'accueil des enfants,
quelquefois un contentieux financier, parfois les deux.
La responsabilisation, leur permettant de mettre
eux-mêmes en place avec le soutien étayant du médiateur
familial les décisions qui les concernent, eux et leurs enfants, a rendu
possible la dissociation de leur conflit de leur rôle de parent.
Les parents médiés rencontrés en stage
étaient confiants, en fin de médiation, sur leur capacité
à utiliser ces accords et à les faire évoluer en fonction
des situations de vie.
Un questionnement de départ m'a conduit à
m'interroger sur ce qui encourage les parents à penser que ces accords
vont être respectés.
En théorie, tout est mis en oeuvre pour que ces accords
soient pérennes et cette autonomie durable. Le travail en
médiation se construit progressivement, au fil des séances, au
long d'un processus. L'accompagnement structurant et sécurisant du
médiateur familial dans sa posture de tiers indépendant,
impartial et contenant, permet, dans le cadre de la médiation, le
croisement des deux vérités jusqu'alors parallèles des
personnes en conflit et favorise le retour entre eux d'une communication
auparavant défaillante et la reconnaissance de l'autre comme
égal
1 i.e. Étym. Qui se gouverne par ses propres lois. Du grec
« nomos » : loi. Dictionnaire encyclopédique
Larousse
et différent de soi. Les accords sont pris pas à
pas.
Le temps consacré à la réflexion, la
possibilité de s'assurer de la défense des intérêts
de chacun par un juriste qui pourra relire les accords rédigés en
fin de médiation, sont également des éléments qui
contribuent à leur solidité. Pour les parents, l'engagement
écrit, solennisé par leurs deux signatures, souvent
homologué par le Juge aux Affaires Familiales, est le socle de
départ de cette nouvelle organisation et a vocation à durer dans
le temps.
J'ai donc fait l'hypothèse que ces accords
écrits rédigés par les parents en médiation sont un
gage de durée de ces accords dans le temps. Qu'ils sont la
matérialité d'une relation nouvelle, du « futur porteur
d'espérance porteur de sens» qu'évoque Claude
Lienhard.
Pour vérifier cette hypothèse, plusieurs outils
de recherche ont été mis en oeuvre : questionnaire aux parents
médiés, enquête dans un Tribunal de Grande Instance,
observation participante en stage.
Même si le champ d'application de la médiation
recouvre une réalité plus large, seront étudiés ici
uniquement des médiés parents, dans le cadre de médiations
ordonnées par des magistrats. En effet, l'observation en stage et
l'enquête permettent d'affirmer que la très grande majorité
d'accords écrits se réalisent entre parents et la transmission de
ces écrits aux juges est tout à fait intéressante. Et ce
sont le plus souvent eux qui disent que la médiation familiale, en
apaisant la relation, permet au volume des retours contentieux (de l'ordre de
3/5 après divorce ou séparation2) de diminuer
significativement.
La première partie de ce mémoire abordera un
large champ théorique autour de la construction des accords
écrits en médiation familiale. Après avoir
préalablement défini la médiation familiale et
rappelé les contextes sociologique, juridique et psychologique qui ont
favorisé son émergence, nous nous s'intéresseront aux
accords écrits eux-mêmes et aux acteurs concernés par ces
écrits : médiés,
2 Marc JUSTON : « Il convient d'avoir à l'esprit
que 3 prononcés de divorce sur 5 reviennent devant le JAF pour une
demande de modification, ces procédures visant très souvent
à permettre aux époux de se revoir pour continuer à se
faire la guerre » In : La médiation dans le contentieux familial :
un changement de culture judiciaire - Colloque du GEMME décembre 2005
Le GEMME est le Groupement européen des Magistrats pour la
Médiation, créé en 2003 sous la présidence de Guy
CANIVET, Président de la cour de cassation.
médiateur familial, magistrats. Sera ensuite
étudié le processus où naissent ces accords. Enfin,
après avoir tenté de cerner la « valeur » juridique de
ces accords, nous essaierons de résumer comment la médiation les
rend théoriquement durables.
Une partie intermédiaire sera consacrée à
la description de la méthodologie de la recherche, qui vise à
évaluer, auprès des parents médiés et par une
enquête dans les archives de la chambre de la famille de Toulouse, la
durabilité concrète des accords écrits de
médiation.
Une troisième partie tentera de répondre
à la question du devenir des accords de médiation. Les
résultats de cette recherche seront développés à
partir des informations recueillies, permettant d'amorcer une réflexion
nouvelle destinée à ouvrir des perspectives sur une future
pratique personnelle du métier de médiateur familial.
I- Champ théorique autour de la
médiation et des accords écrits
A- Contextes et concepts
Les accords écrits de médiation entre des parents
séparés et en conflit, viennent souvent, au terme d'un long
processus, ponctuer la fin de la médiation familiale.
1- La médiation familiale
Une vingtaine d'années après son apparition en
France, la médiation familiale y est encore assez mal connue,
aujourd'hui, en 2009. Elle procède d'un mouvement moderne de
société qui prône le réinvestissement par chacun de
ses propres responsabilités. En ce sens, elle accompagne un processus
général d'individualisation. Est-elle à la fois un mode de
gestion des conflits, une technique de reconstruction du dialogue, une pratique
qui vient soulager l'encombrement judiciaire, un outil de régulation
sociale, une éthique qui s'appuie sur des valeurs humaines, un moyen de
préserver « l'intérêt des enfants », un art au
service duquel
se place un homme médiateur... ?
Pour tenter de clarifier cette notion, il est utile de
rappeler préalablement des contextes sociologique, juridique et
psychologique d'émergence de la médiation familiale en France.
a) Décor sociologique
L'observation des mutations profondes des familles intervenues au
XXème siècle permet de comprendre l'apparition de la
médiation familiale.
La recherche de nouvelles relations entre les individus et la
société, accélérée par la mondialisation des
échanges et des moyens de communication, la remise en question des
valeurs et des cultures ( J.Lévesque3), les mouvements
féministes, ont favorisé le remplacement du modèle
familial unique (« cellule de base ») par des configurations
variées et complexes qui se construisent et se pérennisent :
familles en union libre, recomposées, parents
séparés...
Née aux États-Unis, la médiation familiale
est apparue en France à la fin des années 80 à
l'initiative d'associations de parents, en particulier des pères.
Parallèlement à la montée en
flèche du nombre des divorces, les pères divorcés ont vu
la « garde » de leurs enfants attribuée très
massivement aux mères. Irène Théry, résumant
l'idée dominante, parle alors de la fatalité même de la
rupture conjugale : « l'alternative parentale. On ne voyait pas
comment il pourrait y avoir véritablement deux parents dans la vie de
l'enfant dès lors qu'il n'y avait plus de vie de couple
»4. Dans la formule du Code Civil: « la garde sera
confiée à l'un ou l'autre des parents », le « ou »
signifiait bel et bien que la conséquence de la séparation
était inexorablement de désigner un parent « principal
» (doté de l'exercice de l'autorité parentale et de la
résidence familiale) et un parent « en pointillé »,
dont les responsabilités et les liens aux enfants se résumeraient
au mieux au paiement d'une pension et à l'exercice d'un droit de visite
assez limité.
Quant aux pères non mariés et
séparés, ils se sont vus retirer complètement
l'autorité parentale au bénéfice exclusif des
mères.
Progressivement rassemblés en associations, ces
pères incitèrent les professionnels de l'accompagnement
familial, juristes, psychologues et travailleurs sociaux à se rendre
aux Etats-Unis pour étudier de près une forme nouvelle de «
résolution des
3 Justin LEVESQUE, Méthodologie de la Médiation
Familiale- Erès 1998
4 Irène THERY, Le démariage - Odile Jacob 1993
conflits » : « Family Mediation », puis au
Québec où la pratique de la médiation était
déjà répandue.
En octobre 88, à Genève, ce sont encore les
associations de parents (Parents Forever International) qui ont invités
les politiques et les professionnels de différents pays d'Europe
à réfléchir ensemble aux nouvelles problématiques
familiales et aux nouvelles réponses possibles. Aider à la
gestion des conflits familiaux afin d'en amoindrir les séquelles (en
particulier pour les enfants), trouver des solutions satisfaisantes pour chacun
des membres de la famille en comprenant le sens des conflits et restituer sa
responsabilité à chacun, tels sont les objectifs prioritaires de
la médiation familiale5.
Suit en France pendant les années 1980, un
véritable engouement pour la médiation en général.
C'est à ce titre que Jean François Six a pu parler de «
décennie de la médiation »6.
b) Décor juridique
Autour de l'accroissement du nombre de divorces, de la
généralisation des couples dits co-habitants ou vivant en union
libre7, et de l'essor des familles recomposées, avec
l'apparition de nouvelles préoccupations portées par les acteurs
sociaux et en particulier la poussée des mouvements féministes,
se développe une véritable politique autour de la
parentalité.
- En 1992, pour la première fois, l'Assemblée
nationale se penche sur une première proposition d'introduction de la
médiation familiale dans le Code civil.
Ce projet sera voté en première lecture mais
abandonné par le Sénat.
- En 1995, une enquête est menée auprès
des associations et représentants des professionnels de l'accompagnement
familial par une commission parlementaire qui, au terme d'un travail de
réflexion, va proposer un texte. Malgré la demande émise
par les professionnels d'identifier clairement le cadre de la médiation
dans le champ familial, il est fait une réponse d'ordre
général qui indique :
« Le juge peut, après avoir obtenu l'accord des
parties, désigner une tierce personne
5 Cf. Jocelyne DAHAN, La médiation familiale - Magnard,
coll. Essentialis, 1998
6 Jean François SIX, Le temps des médiateurs -
Seuil, 1990
7 Cf. François de SINGLY, Sociologie de la famille
contemporaine- Nathan, 1993
... pour procéder ... à une
médiation, en tout état de la procédure et y compris en
référé, pour tenter de parvenir à un accord entre
les parties8». Accompagnant l'évolution de la
famille, la médiation profite de ce dispositif général
favorable à la médiation et s'installe donc au carrefour du
judiciaire et du social. En 1997, elle se définit non plus comme un mode
de « résolution » mais plutôt de « gestion ou
régulation » des conflits (source site FENAMEF).La nuance est
importante, posant la visée de la médiation non plus en forme de
négation ou de liquidation nécessaire du conflit qui existe, mais
en termes de limites de ses effets néfastes, en particulier en tentant
d'en dégager les enfants.
- En 1998, une conférence de la famille qui
présente la politique gouvernementale sur ce thème fait
naître le terme de « parentalité ». Le premier ministre
et son ministre de l'emploi et de la solidarité de
l'époque9, avec la délégation
interministérielle de la famille, en donnant la priorité au
rôle des parents dans la construction et la préservation de
l'enfant, mettent en place les conditions du développement de la
médiation familiale.
- En 2001, le ministre de la famille10 institue le
Conseil National Consultatif de la Médiation Familiale, qui va poser les
bases de l'exercice de la médiation familiale et d'un nouveau
métier : celui de médiateur familial.
Deux textes de loi vont ensuite asseoir la
légitimité de la médiation familiale :
- En 2002 (loi du 4 mars), la loi sur l'autorité
parentale. Ce texte tend à généraliser l'exercice conjoint
de l'autorité parentale quel que soit la nature du lien de filiation et
à responsabiliser les pères et mères dans leurs
obligations parentales. Pour la première fois, la loi donne la
possibilité au magistrat à la fois d'enjoindre les personnes pour
un entretien d'information et/ou de leur proposer une médiation
familiale (il doit alors recueillir leur accord et nommer le
médiateur).
Parallèlement en 2002, le Conseil National Consultatif
de la Médiation Familiale nouvellement
créé11 pose avec sa définition, qui reste
aujourd'hui la référence, les
8 Code civil, Loi du 8 février 1995 relative
à l'organisation des juridictions et à la procédure
civile, pénale et administrative, art. 21
9 Lionel JOSPIN, premier ministre, Martine AUBRY, ministre de
l'emploi et de la solidarité
10 Ségolène ROYAL, ministre de la famille
11 CNCMF : Conseil National Consultatif de la Médiation
Familiale créé le 8 octobre 2001 à la demande des
fondements éthiques de la médiation familiale :
« La médiation familiale est un processus de construction ou de
reconstruction du lien familial axé sur l'autonomie et la
responsabilité des personnes concernées par des situations de
rupture ou de séparation dans lequel un tiers impartial,
indépendant, qualifié et sans pouvoir de décision - le
médiateur familial - favorise, à travers l'organisation
d'entretiens confidentiels, leur communication, la gestion de leur conflit dans
le domaine familial entendu dans sa diversité et dans son
évolution » .
Cette définition avait comme objectif initial de
commencer à travailler sur le contexte d'application de la famille dans
la médiation (accompagnement divorces et séparations mais aussi
ruptures intergénérationnelles), puis de pouvoir élargir
à l'ensemble des types de médiations (scolaire, social, de
voisinage, etc.) Le médiateur travaille sur la construction ou la
reconstruction du lien. Il pose son intervention sur la responsabilité
des personnes et sur leur autonomie. Elles sont seules responsables de leurs
décisions. Il n'a pas de pouvoir sur la décision mais il a le
pouvoir et le devoir de la sécurité du cadre dans lequel il
intervient. Enfin, il va travailler sur la gestion de leurs conflits, la
reprise de la communication et la recherche d'accords12.
Le CNCMF précise également les contextes
d'application de la médiation, qui restent ceux investis jusqu'à
aujourd'hui.
Le champ d'intervention de la médiation familiale recouvre
:
- toutes les modalités de l'union, et notamment : mariage,
concubinage, PACS, - la situation des liens intergénérationnels
dans leur diversité,
- toutes les situations de ruptures telles que : deuil,
séparations, questions patrimoniales, incommunication,
- les situations familiales à dimension internationale.
Enfin, cette loi et les travaux du CNCMF aboutissent, par un
décret, à la professionnalisation de la médiation
familiale avec la création du métier de médiateur
familial13.
- En 2004 (loi du 26 mai), est votée la loi sur la
réforme du divorce. Elle vise à « humaniser » les
procédures afin d'encourager les parents à créer une
organisation « post séparation », décidée au
regard des conséquences pour leur(s) enfant(s),
ministères de la justice et de la famille suite au rapport
de Mme Monique SASSIER
12 D'après Jocelyne DAHAN, conférence UDAF du Lot
2007.
13 Décret n° 2003-1166 du 2 décembre 2003
portant création du diplôme d'Etat de médiateur familial
avec la possibilité d'être accompagné dans
les moments de crise.
C'est cette loi qui va confirmer l'inscription de la
médiation familiale au coeur de la procédure et rendre officiel
son exercice.
- Aujourd'hui en 2009, la médiation familiale est au
centre d'une réflexion sur les dispositions légales qui
l'encadrent ; les rapports « Guinchard »14 et «
Magendie »15 demandés par la garde des sceaux contribuent à
la préparation d'une nouvelle réforme de la justice et
préconisent un recours accru à la médiation en amont des
procédures. Tout récemment, le président Sarkozy
annonçait que seront désormais privilégiées les
solutions gracieuses en matière civile16.
Parallèlement, dans son rapport thématique
qu'elle a remis en novembre dernier au président de la
République, la défenseure des enfants recommande, pour
préserver l'intérêt des enfants, de systématiser la
médiation familiale judiciaire17.
c) Décor psychologique
L'émergence de la médiation familiale est donc
liée à un contexte sociologique et légal; elle est
également favorisée par l'apparition des discours, de plus en
plus prégnants dans la société, de la psychologie et de la
psychanalyse.
La médiation familiale intervient dans le cadre de la
séparation. Elle concerne toutes les problématiques de ruptures
familiales mais de façon largement majoritaire, elle concerne les
séparations de couple.
Dans le passé, la continuité temporelle du
couple allait de soi, garante de la stabilité de chacun. Aujourd'hui,
l'évolution psycho socio culturelle de notre modernité a rendu le
couple plus instable, moins durable. Sa construction se fait désormais
sur le choix amoureux, individuel et accompagne l'aspiration croissante et
générale au développement personnel18.
Etymologiquement, le mot couple tire ses origines du latin
« copulare » : unir, de « copula » : lien, ce qui attache
ensemble. La constitution du couple amoureux renvoie à
l'expérience la plus originelle dont nous parle entre autres
Winnicott19: celle
14 Le 30 juin 2008, remise au garde des sceaux du rapport
GUINCHARD sur la nouvelle répartition des contentieux
15 Le 25 juin 2008, remise au garde des sceaux du rapport
MAGENDIE : "Célérité et qualité de la justice
»
16 Le 7 janvier 2009, discours du Président SARKOZY devant
la cour de cassation
17 Dominique VERSINI, défenseure des enfants, rapport
annuel 2008-
www.defenseurdesenfants.fr
18 François de SINGLY, le soi, le couple et la famille -
Armand Colin 2005
19 Donald WINNICOTT, Processus de maturation chez l'enfant -
développement affectif et environnement,
de la dyade mère - nourrisson, dans la fusion, la
nostalgie d'un temps où n'existe ni tension ni conflit.
Tout à coup, quand le couple rompt, ce lien « se
brise, nous laissant épouvantés d'avoir cru vivre heureux »
(A. de Musset). Dans cette désillusion, la crise est telle qu'elle
pousse aux excès, aux débordements. Les désétayages
qui se produisent occasionnent dépression, angoisses de perte. Le «
je ne peux pas le souffrir » traduit la transformation des sentiments,
pointant la haine et la souffrance. « La haine « neuve »
n'est que la réactivation de la vieille haine, celle qui était
déjà là avant l'amour, mais que l'amour avait si
euphoriquement fait taire ! » (P.L.Assoun20). La violence
peut alors apparaître, absorbant la libido pour devenir
agressivité.
D'après Sylvie et Yves Morhain qui se sont
interrogés sur ce passage21, deux possibilités
s'offrent au couple en crise :
1' Une cristallisation de la crise avec insultes et parfois
passages à l'acte, violences, manifestations excessives, ces aspects
ayant pour effet d'empêcher tout travail autour d'une issue possible,
1' Une recherche de solution où le sujet, voulant
accélérer le dénouement de la crise, s'accroche à
la moindre proposition d'aménagement, d'organisation par rapport aux
enfants.
La médiation familiale se situe dans cet espace
intermédiaire où la volonté de séparation s'est
déclarée, au moins de la part d'un des conjoints, mais n'est pas
encore psychiquement effectuée. Cet espace disponible, par le temps et
le travail d'expression qu'il suppose, permet aux personnes qui viennent en
médiation «d'amorcer le processus de deuil de l'ancienne
relation. Ce renoncement ne concerne pas seulement le conjoint jadis
aimé mais recouvre tout le système de valeurs, de
représentations, de repères qui sous-tendaient la vie familiale
»(21). Freud parle d'une intériorisation symbolique qui va de
pair avec le désinvestissement de l'objet réel.
Ce préalable est nécessaire pour que puisse se
mettre en place le temps d'ouverture au dialogue, la réflexion et
l'élaboration sur les meilleures conditions d'accueil des
Payot, 1970
20 Pierre Louis ASSOUN, Le vieillissement saisi par la
psychanalyse, in Communications, 37, numéro spécial: "Le
continent gris", 1983
21 Sylvie et Yves MORHAIN, Psychologie de la médiation
familiale et confiance - Bulletin de psychologie, tome XLIX N°426, 1996
enfants et les questions financières et autres.
La médiation peut ainsi créer ainsi un lieu et un
temps nécessaire pour le répit, qui ouvre vers un possible, qui
invite à renouer avec un projet de vie propre.
2- approche du concept d'accords de médiation
a cors = avec le coeur (« Accords »
étymologie latine Encycl.Larousse)
a) Que sont-ils?
En médiation familiale, les accords écrits sont
le document qui peut être établi en fin de médiation, qui
reprend les points d'accord trouvés par les parties tout au long des
séances. Certains médiateurs élaborent des accords
intermédiaires pour jalonner le chemin vers l'accord final et redonner
confiance aux personnes quant à leur capacité à sortir de
cette impasse, dans une période de transition où chacun a perdu
ses repères.
Il est difficile de définir précisément
ce que sont les accords de médiation, il s'agira davantage de cerner ce
concept. Une première observation permet de souligner la
diversité des noms que les acteurs de la société donnent
à ces accords écrits: accords de médiation, protocole
d'accord, projet d'entente, écrit final en médiation, sommaire
des ententes, nouveau règlement familial, rapport de médiation,
et même procès-verbal de médiation...
Ce foisonnement sémantique vient comme en écho
d'une incertitude autour de l'identité de la médiation familiale,
qui, toujours pionnière et encore assez mal connue, n'a pas ses
caractéristiques gravées dans le marbre. Au delà, ce
pourrait être un des signes positifs d'une pratique adaptable, non
institutionnelle, où une large place est laissée à la
créativité.22
Cependant, il semble qu'aujourd'hui un consensus se dégage
autour de l'utilisation de la terminologie « accords de médiation
», formule qui sera employée ici.
Les accords de médiation présentent des
spécificités importantes qui les différencient clairement
des autres formes d'écrits dits « professionnels ».
i Les accords de médiation peuvent être
écrits ou verbaux
L'absence d'exigence quant à la forme des accords met en
évidence la grande
22 La médiation souffre d'une identité floue due
à la trop large utilisation de ce terme de « médiation
» par ceux qui ont voulu bénéficier de son image flatteuse
mais c'est un concept rigoureux qui répond à des règles
précises. Cette thèse est développée par M.
GUILLAUME-HOFNUNG dans son article : Le concept de médiation et
l'urgence théorique- Les cahiers du Cremoc 2001
souplesse de la médiation. Un accord verbal est
parfaitement concevable. Néanmoins, si les accords écrits ne sont
que facultatifs, ils restent malgré tout opportuns et parfois
nécessaires, plus pour des raisons pratiques que des raisons de
validité. «Afin que les accords élaborés
grâce au travail de médiation familiale puissent se maintenir dans
le temps, il convient à un moment donné de les formaliser, de les
écrire » (M.Cevaer-Jourdain)23 .
Pour P. Bonnoure-Aufière, avocate et médiatrice
familiale, l'écrit en médiation familiale est « une
forme valorisant le processus »24 Dans la médiation
judiciaire, l'écrit apparaît indispensable, le magistrat
contrôlant l'accord afin d'en vérifier la légalité
et s'assurant que les intérêts des parties ont bien
été préservés.
i La liberté de forme et de contenu
Une extrême liberté préside à la
rédaction des accords, ce qui ne diminue en rien leur valeur.
Les formes de ces accords sont multiples :
rédigés par le médiateur ou directement par les parents,
dans un style qui peut être administratif voire juridique ou bien au
contraire avec des mots simples, dans une langue concrète et
personnelle.
Les contenus sont également variés : ce sont les
personnes qui viennent en médiation qui décideront ensemble du
contenu de leurs accords. Ceux-ci pourront donc être partiels ou
très complets, laconiques ou extrêmement détaillés.
Pourront y être évoqués les modalités de l'exercice
de l'autorité parentale, la répartition des biens, les pensions
alimentaires, la résidence des enfants, ou tout autre sujet
traité pendant la médiation et jugé nécessaire par
les parties, ce qui sera développé plus loin.
i Les accords appartiennent aux personnes
Les personnes disposent à leur gré des accords
qu'elles et elles seules ont signés (dans le paragraphe consacré
à la valeur juridique des écrits de médiation, nous
reviendrons sur l'importance de la signature). Selon l'article 131-12 du NCPC :
« le juge homologue, à la demande des parties, l'accord
qu'elles lui soumettent. » L'homologation est facultative puisqu'elle
est soumise à la volonté des parties.
23 Marguerite CEVAER-JOURDAIN, La médiation familiale -
thèse doctorat en droit 2000
24 Pierrette BONNOURE AUFIERE, Médiation Familiale,
regards croisés et perspectives, Eres, 1997
L'accord est homologué par le juge selon les principes de
la matière gracieuse. Parallèlement, le médiateur familial
préserve la confidentialité du contenu des accords de
médiation: à aucun moment, il n'en divulgue des
éléments au magistrat. Il lui appartient d'indiquer simplement si
sa mission a été possible et si des accords ont pu être
conclus. Par exemple, si une médiation est interrompue par une des
parties, le juge ne saura pas qui est à l'initiative de l'arrêt de
la médiation.
b) Les écrits : décor historique et sociologique
Seules les traces font rêver (René Char)
En concentrant la recherche sur les accords de
médiation sous leur forme écrite, le champ de prospection touche
à cette fonction symbolique majeure évoquée en
avant-propos : l'écriture.
Avant de venir à la place des accords écrits de
médiation dans le processus, il convient de s'arrêter un peu sur
certains aspects historiques et sociologiques de l'émergence de
l'écrit dans notre société : ils éclairent sur les
enjeux liés à l'écrit au moment de la rédaction des
accords de médiation et sur l'importance que leur accordent les parents,
ce qui sera vérifié lors de l'enquête.
D'où vient ce mot d' « écrit »?
Au commencement est l'étymologie. L'étymologie
du mot « écrit » nous apprend que ce mot vient d'une racine
indo-européenne sker ou ker exprimant l'idée de couper et que
l'on retrouve en sanscrit sous la forme de krnati, blesser et krit : couteau.
Il existe une forme élargie : « squeribh »: inciser,
regroupant à la fois l'idée de scarifier et celle d'écrire
25.
Cette origine étymologique renvoie à la
matérialité originelle de la plupart des écritures,
gravées sur la pierre ou incisées. Elle peut ramener
symboliquement à une problématique de la coupure, de la
séparation. L'écrit est codifié, construit de telle
manière que les hommes aient un patrimoine commun qui leur permette de
communiquer, de se comprendre. Alors qu'il est souvent produit par rapport
à la différence, à l'écart, au manque.
Dans l'histoire humaine, l'écrit servit très
tôt à garder mémoire des dettes et des obligations que
les hommes contractaient entre eux. Pour ne pas oublier, l'homme
25 Cf. Joël HAMM, blog le Monde.fr - Internet 2008
primitif avait recours à d'ingénieux agencements
d'objets symboliques ou à des signes matériels, noeuds,
entailles, dessins. Les écrits furent ensuite de plus en plus
utilisés dans les types de commerce pratiqués dans la
Grèce classique, les négociants grecs devenant des maîtres
en fait de contrat écrit.
A partir du IVème siècle, l'écrit
commence à s'imposer réellement dans la vie juridique, se
généralise au delà des secteurs du commerce et du droit
maritime et caractérise notre civilisation occidentale toute
entière.
Au fil de l'histoire humaine, il apparaît rapidement
comme un instrument de pouvoir aux mains de certaines catégories
spécialisées, « du scribe égyptien au
secrétaire de chancellerie humaniste du XVème siècle et du
conseiller au parlement d'Ancien Régime à l'énarque de
notre temps 26». Il devient dès lors une puissance
crainte et désirée que les autorités de tous temps
cherchent à contrôler. S'il est parfois une limite posée
aux pouvoirs, il en est toujours l'instrument27.
Au delà de reproduire le langage, l'écrit permet
aussi et surtout d'appréhender la pensée et de lui faire
traverser l'espace et le temps ; selon Charles Higounet, loin d'être
seulement un instrument, elle ne garde pas seulement la parole, elle
réalise en outre la pensée ; c'est le fait social qui est la base
même de notre civilisation28. Pour
L. Febvre, c'est un nouveau langage « centuplé
».
Jacques Goody a développé cette thèse.
L'écriture n'est pas le simple enregistrement de la parole : elle
modifie en profondeur la pensée humaine, et jusqu'à la parole
parlée en y introduisant des cadres nouveaux : « La
représentation graphique de la parole est un outil, un amplificateur, un
auxiliaire d'une extrême importance qui transforme la
représentation du monde. L'écriture arrache la parole à
son contexte immédiat, enferme les mots dans de nouveaux cadres
abstraits, où ils seront manipulables, analysables et recomposables
à l'infini ; comme instrument critique et accumulatif, elle est le
fondement de tous les développements majeurs dans les domaines ...
d'accomplissement humain »29.
B- Les acteurs concernés par l'écrit de
médiation
Cette pensée qui émerge avec la parole en
médiation, qui se réalise dans le travail vers l'écrit
tout au long du processus, nous amène à observer les acteurs
26 Henri-Jean MARTIN ; Histoire et pouvoirs de l'écrit,
Albin Michel 1996
27 Cf. Roger CHARTIER, cours au Collège de France. janvier
2008
28 Charles HIGOUNET, L'écriture, Que sais-je, 1955
29 Jacques GOODY, La raison graphique, domestication de la
pensée sauvage - Editions de Minuit 1979
directement concernés : les médiés, le
médiateur familial, les magistrats et avocats. Qu'attendent ils de ces
accords ?
1- Les médiés
a) Qui vient en médiation ?
Les personnes qui viennent en médiation sont en
situation de rupture du lien familial, et dans une crise qui empêche la
communication entre eux. L'impossibilité d'établir un dialogue
aggrave les désaccords qui les opposent. Chacun reste bloqué avec
ses certitudes. L'autre n'est plus un sujet avec qui échanger mais
cristallise le conflit. « Il m'a trahie, c'est un irresponsable »,
« j'ai tant souffert, je n'ai plus confiance ». D'après M.H.
Belluci, les réactions face au conflit varient selon les personnes :
« elles vont de l'évitement à l'affrontement, en passant
par le déni, la fuite, la minimisation, la confrontation, la
continuation. La manière de réagir au conflit permet de sortir de
l'impasse ou, au contraire, accentue la rupture et aggrave le conflit. Les
personnes qui viennent en médiation familiale sont le plus souvent dans
une impasse et sollicitent l'intervention d'un médiateur familial dans
la mesure où elles sont conscientes de leur impossibilité de
sortir de cette situation ainsi que des difficultés dans lesquelles se
retrouve leur entourage»30.
Carl et Isabelle31 viennent en médiation,
après avoir accepté la proposition du juge. Isabelle est
institutrice, Carl professeur de philosophie. Isabelle est partie, après
huit années d'union libre avec Carl. Ils ont un fils, Mathieu, 7 ans,
qui vit chez sa mère, Carl l'accueillant un week-end sur deux et la
moitié des vacances. C'est la demande de Carl d'une résidence
alternée pour son fils qui a relancé une nouvelle
procédure devant le Juge. Ils ne se sont pas vus depuis plusieurs mois.
Ils sont pâles et tendus. Isabelle est tournée vers la
médiatrice et ne s'adresse qu'à elle.
Se retrouver est déjà en soi tout un programme
pour les personnes en conflit, qui ont donc accepté le principe de la
rencontre. « C'est, dit la médiatrice à Carl et Isabelle,
un choix courageux ». C'est déjà reconnaître à
l'autre une place dans le lieu
30 Marie-Hélène BELLUCI, DEMF - Vuibert 2008
31 Les noms, dates et lieux de cette médiation suivie en
stage ont été modifiés pour en préserver la
confidentialité
de médiation. Pour parvenir à exprimer leurs
demandes et leurs désaccords, les parties ont besoin de se sentir en
sécurité et en confiance. Cet espace doit pouvoir accueillir le
conflit, contenir la violence qui peut surgir.
Jacqueline Morineau parle d'un « espace pour
l'imaginaire, d'un réceptacle du désordre
»32 ; rendre présentes la souffrance et la
violence, c'est les réintégrer, leur donner leur place ; cela
permet de passer à une nouvelle étape.
Les médiés acceptent de donner du temps pour
permettre à une nouvelle relation d'émerger de la confusion qui
les habite. Elles vont mettre en marche un processus, pendant les
séances, qui va se continuer dans le temps entre chaque séance.
Chacun prendra la parole et donnera un temps d'écoute à la parole
de l'autre.
Ils vont être totalement acteurs dans la gestion de leur
conflit et non pas s'en remettre à une entité extérieure
qui tranchera à leur place. Comme la sociologue Maryvonne David-Jougneau
le note, elles abandonnent le registre de la plainte pour celui de la
responsabilité ... « Que l'on en soit conscient ou non, la
logique de la médiation se situe dans une logique systémique
d'interaction où chacun est amené à se reconnaître
et à s'assumer comme co-acteur de son présent et de son avenir
»33. Ils se mobilisent vers l'objectif concret de la
construction d'accords qui va redéfinir la place de chaque parent au
quotidien, dans la vie de son enfant, et leur permettre d'exercer, même
dans la séparation, leurs responsabilités de parents.
La responsabilité parentale se situe au niveau de
l'autorité parentale telle que l'indique la loi du 4 mars 2002 :
« L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs
ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant ».
Être responsable, c'est être garant de l'éducation des
enfants et pour ce faire, prendre les décisions qui les concernent. S'en
remettre à autrui pour assumer ces responsabilités ou pour
décider de quelle façon elles seront partagées, c'est
signifier une défaillance par rapport à ce qui était
totalement assumé avant la séparation.
Au premier entretien de médiation, Carl indique
dès le départ cette nécessité d'avancer dans la
réalisation d'accords avec Isabelle sur une nouvelle organisation pour
reprendre le pouvoir sur sa vie avec Mathieu. Avec impatience, il est
prêt à brûler des étapes du processus de
médiation pour inscrire dès le début les points d'entente
qui font avancer sa position. On entend cependant beaucoup de
32 Jacqueline MORINEAU, L'esprit de la médiation -
Erès 1998
33 Maryvonne DAVID-JOUGNEAU, La communication familiale au moment
de la rupture : de la logique de procédure à la logique de
médiation - revue Dialogue n°143 1999
souffrances et d'interrogations autour de la séparation
de Carl et d'Isabelle et de la vie commune qui l'a
précédée. La médiatrice relève des
épisodes confus, assez violents (« il m'a saisie par le cou »,
« elle m'a griffé le visage »), qui devront être
éclaircis : « sommes-nous bien dans le cadre de la médiation
? ». Plus tard dans l'entretien, quand est évoquée la
question des biens, les parents disent que oui, c'est là aussi une
question importante qui devra être abordée.
b) Besoins psychologiques par rapport aux accords
écrits
Verba volant, scripta manent
- L'écrit qui intervient en fin de médiation est
une représentation de la parole, et aussi une parole engagée et
une promesse donnée à quelqu'un. « Il est, par une trace
laissée sur un papier, un supplément aux propos et à la
parole donnée. Ces accords témoignent de nouveaux objets communs:
nouvelles règles, nouvelles distances, nouveaux territoires
»(Claire Denis)34. Les accords sont signés par
chacun. Au plan psychologique (Freud) : « signer, c'est donner
».
Nous avons rappelé que l'usage de l'écriture a,
dans notre histoire occidentale, une relation avec le pouvoir. Dans la
médiation, cet écrit qui va appartenir aux personnes est le signe
du nouvel échange et d'une reprise de pouvoir sur leur vie, une
réappropriation des décisions qui les concernent. Les accords
peuvent même prendre une « dimension d'archive familiale quand
ils prennent en compte les mots des parents, véhicule de
l'identité familiale »...35
- L'écrit est un puissant facteur de mobilisation.
L'occasion de produire un écrit, qui place les
personnes en situation de producteurs, est propice pour éclaircir et
traduire les spécificités des échanges : volonté de
voir reconnaître ses propres demandes, nécessité de prendre
en compte ce que dit l'autre. Écrire peut permettre de favoriser
l'accélération des prises de conscience sur les options choisies
et rédigées.
Dans l'inventaire des biens à partager, Carl et
Isabelle, avant d'en venir à la question essentielle pour eux de
l'organisation de l'accueil de Mathieu, font
34 Claire DENIS, La médiatrice et le conflit dans la
famille - Eres 2001
35 Catherine LE SAMEDI, Lecture d'archive, reflet des
identités, le projet d'entente de médiation familiale -
Mémoire de recherche DHEPS Paris III, 1997
l'expérience de l'entente. Les points d'accord sur la
répartition des biens sont écrits au fur et à mesure
qu'ils sont trouvés. J'ai perçu l'intensité active et
parfois le plaisir des participants à élaborer ces écrits,
à les repréciser par des détails pour eux essentiels. Dans
leur crainte de déraper plus tard sur quelque chose qu'ils auraient
oublié, le moindre objet : tapis de bain, CD de Charles Aznavour, banc
de jardin, est attribué à l'un, à l'autre.
Ce premier accord est un pas qui met à l'épreuve
un début de confiance nouvelle. Dans les accords finaux, Carl et
Isabelle qui auront beaucoup cheminé, se détacheront des
détails pour se mettre d'accord sur les modalités principales de
l'exercice en commun de l'autorité parentale.
- L'écrit peut permettre de concrétiser la
réalité de la rupture, de se désengager du conflit de
couple et de reprendre un nouveau projet de vie. Formalisant les
différentes « pertes », il initie l'acceptation par la
responsabilisation. Écrire, c'est couper, nous dit
l'étymologie.
La psychanalyse évoque en quoi l'écriture
renverrait à la perte et à la mort. Quand on écrit, quand
on synthétise un point d'accord, comment prend-on note ? Qu' est-ce
qu'on garde, qu'est-ce qu'on laisse tomber ?
« A moins que l'écrit ait pour effet de mettre
à distance les cris, lesquels résonnent habituellement à
la maison », interrogent les lacaniens36.
La fonction cathartique37 de l'écrit est
connue. L'expérience en stage confirme le pouvoir libérateur de
l'écrit. Une fois posés, les acquis ne sont pas souvent remis en
question. On attend et on travaille beaucoup avant d'écrire ; on revient
peu en arrière ensuite.
- L'écrit étaye les avancées en
médiation, permet la structuration progressive des avancées, des
acquis. L'expérience des médiateurs montre que les parents
peuvent affronter la complexité de la transcription de leurs accords,
pour autant qu'on les accompagne. Les situations de recherche stimulent
l'implication. La construction de repères de plus en plus
élaborés et le souci permanent de clarté, de
durabilité de ces accords instrumentent un rapport conquérant
face à l'écrit. « L'écrit est bien la
36 C. GHISTELINCK, Considérations sur un usage de
l'écrit - Site
freud-lacan.com -Internet 1992
37 Etym. Du grec ancien katharsis : évacuation du
katharma, du mal. Interprétation classique : purgation des passions-
Wikipedia 2009
marque du pouvoir que possède l'homme de s'inscrire
dans le monde et dans sa réalité » (Liliane
Abensour38).
2- Le médiateur familial:
« Etre extérieure à votre histoire me
permet d'avoir une écoute différente de la vôtre ; je ne
suis pas dans votre relation mais dans ce qui se passe ici, dans le cadre de la
médiation. »
(Jocelyne Dahan, médiatrice familiale, propos
relevés en stage)
Pour mieux comprendre la spécificité de cet
écrit que sont les accords de médiation, on doit étudier
de plus près ce tiers médiateur qui rend possible cette
co-construction de deux personnes qui ne pouvaient s'entendre, et chercher
quelle est son éthique.
a) La posture de tiers du médiateur
La présence d'un tiers fonde le processus de
médiation (Jacques Faget39).
Le médiateur, garant du cadre, a une place
différente des parents médiés : il est à distance
de leur conflit et de la situation. Sa place est particulière,
extérieure au conflit. Il assure aux personnes la possibilité
d'agir à la fois librement et en sécurité. Il marque la
confiance faite à leurs capacités de comprendre et de poursuivre,
hors sa présence, le nouveau cadre de leurs échanges.
La position de tiers du médiateur est un ensemble
complexe qui se définit par la gestion du processus de médiation,
la maîtrise du cadre de la médiation et par une attitude
d'écoute et d'empathie par laquelle il permet aux personnes de
rétablir un dialogue.
Ce n'est « pas un tiers « surplombant », mais
il n'est pas non plus dans une place substituable40 ».
Pendant les premiers entretiens de médiation, Carl et
Isabelle « s'accrochent » à la médiatrice pour
s'exprimer. Ne pouvant se parler directement, voire même regarder l'autre
pour Isabelle, ils utilisent la médiatrice qui s'y prête
activement, pour se dire ce qu'ils n'avaient pas pu se dire depuis longtemps.
Ils se rendent compte avec surprise de malentendus accumulés. La
médiatrice se dit « décodeur » et
38 Liliane ABENSOUR, L'écriture du moi - In
Artéfact n°9 1997
39 Jacques FAGET, Médiation et post-modernité,
conférence à l'Institut Saint-Simon, Toulouse, 7 février
2008
40 Commission éthique de l'APMF : Laurence CORNU, Claire
DENIS, Françoise NERISSON, Emile RICARD Livret : Pratique éthique
de la médiation familiale, 2003
reformule de l'un à l'autre pour s'assurer que les
propos exprimés sont bien entendus par l'autre, mais aussi pensés
par celui qui les dits. Quand l'émotion est trop forte (Carl pleure
souvent vers la fin des entretiens qui sont intenses), la médiatrice
décale l'entretien vers un sujet plus consensuel amené par les
parties, qui permet une respiration.
Le médiateur rend présent le cadre. Il est
à distance à la fois de l'objet de la discussion et de la
solution. Il garde cette juste distance en se situant comme un passeur,
accompagnant le changement d'un état à un autre. Il fait en sorte
que la parole circule, à partir des éléments que les
personnes apportent en médiation.
Il travaille avec elles à la construction d'accords,
qui sont posés pas à pas tout au long du processus. Cette
recherche d'accords est évoquée par Justin Lévesque :
« Que recherche [le médiateur] ? Un projet d'entente
préférablement écrit ou une transformation des individus
par le biais d'une influence thérapeutique ? Les deux ? Le
médiateur doit répondre à cette question pour
lui-même. Ses interventions seront teintées par sa vision de la
médiation. Nous ne suggérons pas que le médiateur devienne
obsédé par l'obtention d'une entente et que celle-ci devienne son
unique préoccupation. Néanmoins, il est clair que le couple se
présente en médiation pour en arriver d'abord à un accord
sur des points litigieux et pour cette raison, il importe de travailler
à la recherche d'une solution »41.
La posture de tiers du médiateur s'entend comme une
position d'autorité et non de pouvoir envers les médiés.
Ceux-ci ont tendance à accorder d'emblée au médiateur le
savoir. « Que doit-on faire ?» ; « Vous allez nous dire
comment.. ». C'est l'éthique de la médiation et les
principes déontologiques du médiateur qui le soutiennent dans sa
mission : être dans le non-pouvoir, et y rester. « La notion de
restitution du pouvoir aux acteurs eux-mêmes est l'axe central sur lequel
reposent les fondements de la médiation. Le médiateur se
définissant essentiellement par son rôle de facilitateur de la
reprise de communication face à une situation de conflit, pour aider
à la recherche de solutions concrètes acceptables pour chacun.
42» Le Conseil National Consultatif souligne en 2004 cette
spécificité du médiateur familial : « dans cette
posture, il n'est plus question de « prendre la famille en charge ».
Le Médiateur Familial n'est pas un acteur social, comme on peut
l'entendre ».
41 Op.cit. note n°3
42 Jocelyne DAHAN, Mireille ALBERHNE-GAIRAUD, Madeleine LEFEBVRE,
Introduction au dossier : médiation familiale et lien social - revue
Empan n°72 février 2009
Les caractéristiques du médiateur familial qui
le différencient des autres professionnels procèdent d'un
positionnement particulier qui s'appuie sur des principes déontologiques
propres.
b) Principes déontologiques du médiateur familial :
les règles de l'art
Tout praticien de la médiation familiale est tenu de
respecter le présent Code de déontologie, ainsi que les
règles de l'art et tous textes en vigueur (APMF, Code de
déontologie de la Médiation Familiale, 1998)
Le médiateur familial applique des principes
éthiques et déontologiques, tels qu'ils ont été
élaborés par le CNCMF. Cette base de travail a permis à
l'APMF43 la réalisation d'un code de déontologie
auxquels peuvent se référer les médiateurs familiaux. Ces
principes protègent les personnes, médiateur et
médiés, et instaurent une relation de confiance indispensable au
travail en médiation. C'est cette confiance qui est la base de la
durabilité des futurs accords.
- Le principe de confidentialité
Comme indiqué précédemment, le
médiateur veille à ce qu'aucun élément concernant
le contenu de la médiation ne sorte et ne soit utilisé hors de
cet espace et en particulier ne figure dans les courriers communiqués au
juge. La loi précise simplement que le médiateur «
informe le juge de ce que les parties sont ou non parvenues à trouver
une solution au conflit qui les oppose » (Loi n°95125 du 2
février 1995). Le nouveau code de procédure civile
complète : « les constatations du médiateur et les
déclarations qu'il recueille ne peuvent être ni produites, ni
invoquées dans la suite de la procédure sans l'accord des
parties, ni en tout état de cause dans le cadre d'une autre instance
». (Art.131-14 du NCPC)
La limite de la confidentialité, qui est
annoncée en préambule de la médiation, et les conditions
de sa levée, sont encadrées par la loi : lorsqu'il y a atteinte
à l'intégrité ou mise en danger de mineurs.
Enfin, le médiateur familial ne peut être
cité comme témoin44.
43 L'APMF (créée en 1988) et la FENAMEF
(créée en 1991) sont les instances nationales
représentatives de la médiation familiale
44 Excepté à être relevé de la
confidentialité par un magistrat, ce qui ne s'est jamais vu à ce
jour.
- Le principe d'impartialité
1' Ne-uter
Le médiateur familial doit s'attacher à ne pas
prendre parti pour l'un ou l'autre. On peut ainsi le dire impartial, «
neutre » au sens étymologique du terme : « Ne-Uter
» (ni l'un ni l'autre). Il laisse les personnes décider des
points qui seront abordés pendant la médiation familiale. Il doit
leur permettre de s'exprimer en mettant de côté ses propres
convictions concernant ces points et éviter absolument de devenir le
porte-parole de l'une d'elle. Le recul du médiateur par rapport au
contenu du conflit permet aux personnes de se sentir en sécurité
et de s'adresser à l'autre et non pas au tiers.
Ce principe d'impartialité a une dimension
d'équilibre à garantir entre les médiés : Carl,
professeur de philosophie, parle beaucoup et part souvent dans des
dérives intellectuelles très éloignées de la
réalité. Il a une élocution compliquée, des
réactions inattendues. Isabelle est plus silencieuse, sceptique,
hostile. La médiatrice équilibre la parole ; elle crée du
vide où Isabelle peut exprimer ses inquiétudes ; et sur des
petites actions concrètes (téléphoner à son enfant
à une heure précise et pendant une durée limitée
définies ensemble), elle offre la possibilité à Carl de
montrer sa capacité à prendre et à respecter des
décisions.
1' La compétence du médiateur
Le médiateur pratique l'impartialité envers les
idéologies et les morales. Ce n'est pas une indifférence mais une
distanciation. Cette exigence est directement liée à l'exigence
de connaissance de soi. Le médiateur, dont la compétence est
validée par un diplôme d'État, effectue tout au long de sa
pratique professionnelle des analyses de pratique, supervisions, formations
complémentaires.
- Le principe d'indépendance
Le médiateur ne rend pas compte. Il n'a pas à
répondre à des objectifs fixés par une autorité
extérieure concernant des résultats attendus. Il n'est pas agent
exécuteur d'une institution. Même s'il est dans un lien de
subordination dans le cadre de son travail, il va s'efforcer d'être
autonome et va respecter les règles confidentielles de la
médiation.
Par ailleurs, le médiateur s'interdit d'intervenir dans
des médiations impliquant ses propres relations et d'exercer, avec les
mêmes personnes, des fonctions autres que celle de médiateur.
Selon la commission éthique de l'APMF45,
poser les principes déontologiques du médiateur familial, c'est
poser les exigences de l'éthique de la médiation : se
démarquer d'une utilisation instrumentale et normalisatrice, et
promouvoir une médiation qui soutienne véritablement la
responsabilité créative des acteurs.
La pratique du médiateur n'est pas solitaire. Elle
s'inscrit dans un maillage de professionnels qui travaillent autour des
situations de ruptures et de séparations familiales. De la même
façon que certains professionnels (assistantes sociales, notaires,
psychologues..), pourront orienter des personnes vers la médiation, les
médiateurs familiaux évaluent les situations qui se
présentent à eux et réorientent éventuellement les
personnes vers un professionnel dont la compétence est plus
adaptée à leur cas. Exemples : vers un conseiller conjugal ou un
thérapeute de couple si n'est pas établie l'intention d'une
séparation définitive ; vers un notaire pour des questions
pointues de fiscalité ou d'emprunts hypothécaires...
Au cours du troisième entretien de médiation,
Carl et Isabelle apparaissent très éprouvés par leurs
rencontres en séances, par l'évocation de choses passées
pesantes, difficiles. La médiatrice interroge : « Pensez-vous l'un
et l'autre que dans l'état de souffrance que vous montrez aujourd'hui,
vous pourriez avoir besoin d'une aide extérieure, celle d'un
professionnel de la relation d'aide ? Cela n'est pas possible dans le cadre de
la médiation ». Elle ajoute : « Pouvez-vous me dire de quoi
vous avez besoin ? Peut-être est-ce trop tôt pour ce face à
face, peut être est-ce préférable de laisser le juge
trancher, de vous permettre d'avoir chacun un espace séparé, de
prendre le temps avec un soutien de professionnel, et peut être de
revenir plus tard en médiation. Il faut vérifier que ce travail
ne rende pas plus insupportables vos blessures ». Carl et Isabelle se
donnent le temps de la réflexion et décident de continuer la
médiation.
Dans des situations délicates de dépression, de
fragilité extrême, le médiateur peut être ainsi
amené à proposer aux personnes de voir un spécialiste.
C'est à elles ensuite de faire, ou pas, cette démarche.
D'autres professionnels sont plus que des partenaires, ce sont
véritablement des acteurs de la médiation :
45 Cf. note n°40
3-Les autres acteurs de la médiation: juges et avocats
La médiation familiale n'est ni la panacée,
ni la recette idéale, ni la solution à tous les conflits. Mais,
l'essayer, c'est l'adopter.
(Marc Juston, Président du Tribunal de Grande Instance de
Tarascon )
Dans les médiations ordonnées par le juge aux
affaires Familiales, le médiateur travaille en lien avec des magistrats
et des avocats. Ce lien n'a pas trait au contenu de la médiation mais
aux relations nécessaires pour mener à bien la mission : envoi de
l'ordonnance, courrier d'acceptation de la mission par le médiateur,
information de celui-ci au juge si la médiation a été
interrompue (sans indiquer du fait de qui), envoi des parties vers leurs
avocats pour vérification de la légalité des
accords,demandes éventuelles de prolongation des délais,
homologation des accords par le juge, permettant à l'accord que les
parents ont élaboré en médiation de devenir un acte ayant
une portée légale et sociale.
L'acte d'écriture est donc aussi, pour la
médiation, la passerelle vers l'extérieur, le point de retour
où les parents vont transporter leur écrit vers le juge, via
l'avocat parfois, pour que cet accord soit homologué, rendu loi.
Dans l'antiquité, le texte était le moyen
magique qui empêchait de revenir sur l'accord et le proclamait de la
façon la plus solennelle possible. Le support des actes de vente
était la pierre, matériau choisi pour garder le plus longtemps
possible souvenir de l'évènement. Enfin, ce texte était
souvent déposé dans un temple.
Aujourd'hui, le contentieux familial concerne 59 % du contentieux
civil.46
Conscients du fait qu'une décision judiciaire n'est pas
toujours le meilleur moyen pour résoudre un conflit, beaucoup de juges
et d'avocats dirigent les familles vers des services de médiation qui
les aident à établir les modalités de leur
séparation. Les magistrats, qui tranchent, indiquent
systématiquement dans leurs jugements : « sauf meilleur accord
», incitant les parents à trouver eux-mêmes leur propre
organisation familiale post-séparation. Les magistrats ont
repéré que celui qui est "condamné" et qui "perd" son
procès est parfois animé d'un esprit de revanche. Le
procès met de l'huile sur le feu : les points de dissension sont
rappelés, des incidents insignifiants prennent des proportions
démesurées et tout ce qui pouvait être positif s'efface en
peu de temps. « Les avocats font parler les pièces remises par
leurs
46 Annuaire statistique de la Justice, 2005
clients. Les sentiments de dévalorisation,
d'injustice et de mauvaise foi se développent. A l'attaque de l'un
succède la contre-attaque de l'autre qui agit "en défense".
Chacun répercute le poids de souffrance qu'il reçoit sur son
entourage »47. Les magistrats ont en vue un plus grand
bien des enfants, la médiation étant reconnue par les pouvoirs
publics et la justice comme un moyen de protection de l'enfance (rapport ONED
200748). Certains font le constat des potentialités de la
médiation par rapport à l'intervention judiciaire. Ils la
présentent comme « le lieu d'un « agir communicationnel
» qui se révèle plus pacificateur et réparateur pour
les plaignants, plus responsabilisant pour les mis en cause »
(Bonafé-Schmitt49).
Un Juge aux affaires familiales écrit pour recommander
la médiation : « pensez aux échecs scolaires, à
l'agressivité, la violence ou la consommation de stups des enfants
déchirés par le conflit de leurs parents ».
Magistrate et médiatrice familiale militante,
Danièle GANANCIA insiste: « dire qu'en incitant fortement à
la médiation, on porte atteinte à la liberté des personnes
est un faux problème : quand on oblige les gens à porter des
ceintures de sécurité, c'est pour protéger des vies
»50.
L'Observatoire de l'Action Sociale Décentralisée
(ODAS) a rendu le 19 Décembre 2006 un rapport sur la question de la
maltraitance et de l'enfance en danger dont s'occupent les juges pour enfants.
Il y est dit notamment que les conflits de couples et les séparations
constituent une problématique très importante; « Le
nombre des enfants victimes des conflits de couple et de séparation
soulève une piste de travail à développer dans les
départements, celle de la nécessaire articulation avec les Juges
aux Affaires Familiales, avec en corollaire la question du développement
de la Médiation Familiale".
Guy Canivet, Premier Président de la Cour de cassation
(2004) parle à propos du travail avec la médiation familiale,
d'une conception moderne de la Justice qui ménage les relations futures
entre les parties et préserve ainsi le tissu social 51.
47 Béatrice BLOHORN- BRENNEUR, Président de Chambre
à la Cour d'Appel de Grenoble , Conférence RC Grenoble-Belledonne
octobre 2007
48 ONED : Observatoire National de l'Enfance en Danger, Rapport
à Xavier Bertrand, Ministre du travail, des relations sociales et de la
solidarité, 2007
49 J.P. BONAFE-SCHMITT, La médiation pénale en
France et aux États-unis - LGDJ, 1998
50 Danièle GANANCIA citée par Marc JUSTON, Colloque
du GEMME - décembre 2005
51 Guy CANIVET, cité dans : Vademecum du Juge aux affaires
Familiales, Danièle GANANCIA - publication du GEMME, mai 2005
Pour les magistrats, deux objectifs essentiels à la
médiation :
~ La réduction des retours après divorce ou
séparation devant le Juge aux
affaires familiales :
En effet, près de 3 prononcés de divorce sur 5
reviennent dans les deux années devant le JAF pour une demande
contentieuse de modification, les retours hors mariages sont tout aussi
importants et contrairement au but poursuivi dans son établissement, le
divorce par consentement mutuel est générateur d'un abondant
contentieux après divorce52.
« Les parties, par la médiation ont appris ou
réappris à dialoguer, à se respecter, à penser
à l'intérêt de leurs enfants, et sont en capacité de
faire évoluer leurs accords sans forcément faire appel au JAF.
Dans notre ressort, nous avons pu constater ainsi, grâce à mon
avis à une forte application de la Médiation Familiale, une
baisse très sensible des procédures d'après divorce ou
d'après enfants naturels » (Marc Juston, juge aux affaires
familiales de Tarascon, correspondance par mail sur le sujet de ce
mémoire).
~ La défense des intérêts de l'enfant (avec
en particulier le fait que cette mesure
permet de tester la capacité des parents à
s'entendre et à coopérer et donc la viabilité d'une
résidence alternée).
C'est, selon Marc Juston, « Le but principal de la
médiation familiale : Amener les parents à bien séparer le
conjugal du parental, tenter de s'expliquer pour reconnaître l'autre en
tant qu'individu et en tant que parent, se respecter mutuellement, et
réfléchir ensemble aux meilleures solutions à prendre dans
leur intérêt et celui des enfants.
A partir du moment où les parties dialoguent, se
respectent, même si elles n'ont pas trouvé de solutions parfaite :
par la médiation, « un grand pas est fait pour trouver des
solutions satisfaisantes pour tous, ou à tout le moins, pour que les
décisions prises par le JAF soient mieux respectées, mieux
acceptées et mieux vécues, et ce dans l'intérêt des
enfants et des parents...Le dialogue et la
52 Procès-verbal de séance du
Sénat « Le divorce par consentement mutuel représente 60%
des cas de divorce. Les époux optent pour cette formule rapide et peu
onéreuse mais elle les oblige à des compromissions notamment en
matière de garde d'enfants, que l'un des deux finit par regretter. Dans
plus d'un cas sur deux, les époux reviennent ultérieurement
devant le juge pour régler des litiges non résolus ou
étouffés pendant l'instance ».
MC. DESPAX Mémoire DEMF Les accords de médiation,
construction et devenir
communication sont les bases d'une séparation
réussie et d'accords durables. 53» Il conclut :
« La Médiation familiale permet pour le JAF,
l'avocat et le notaire de recentrer le débat autour de la question
principale que doivent se poser tous les acteurs judiciaires dans le cadre
d'une séparation conflictuelle : L'intérêt de l'enfant,
l'intérêt supérieur de l'enfant qui est le fil rouge des
droits de l'enfant. ».
Des magistrats, persuadés de ces
bénéfices de la médiation en matière familiale,
mettent en place des dispositifs pour favoriser son développement ;
Alain Girod, alors Président du TGI de Carcassonne, a par exemple
instauré la pratique d'une lettre d'information jointe à toutes
les convocations devant le JAF, incitant les parties à se rendre devant
un médiateur avant la date de comparution devant le juge (A. Girod est
aujourd'hui Président du TGI de Castres où il met en place des
dispositions favorables à la médiation : permanences,
sélection de dossiers « difficiles » avec entretien
d'information sur la médiation familiale obligatoire avant de passer
devant le juge54).
Entre l'ordonnance du juge et l'homologation éventuelle
d'accords par ce même juge, s'inscrit le chemin de la médiation
que vont suivre les médiés accompagnés du médiateur
familial. On nomme ce chemin « processus de médiation ».
C- Le processus où naissent les accords
écrits
«La médiation est une démarche et une
série d'activités structurées qui s'enchaînent les
unes eu autres en vue d'un résultat final... [et]... si les parties
demeurent les architectes et les propriétaires de l'entente,
le médiateur est en charge du processus »
(Justin Lévesque, Méthodologie de la
Médiation Familiale, 1993)
Le « processus » implique le temps. « C'est
le terme qu'on utilise pour décrire des changements de forme,
insensibles ou par sauts, des transformations, des étapes d'un devenir
»55. Le mot de processus entre dans la définition
de la médiation familiale ; c'est, entre autres, ce qui la
caractérise par rapport à d'autres modes de résolution des
conflits. C'est ce temps nécessaire qui est le garant que les
écrits seront réalisés »en connaissance de cause
», qu'ils seront le reflet du processus.
53 Marc JUSTON, colloque du GEMME 2005
54 Cf. Alain GIROD, Réflexions sur la médiation
familiale - In revue Le Médiateur Familial (FENAMEF), n°61
décembre 2008
55 Laurence CORNU, In revue Les cahiers de la médiation
familiale citée par R. EDELMAN - Site PEM 2008
1- Le temps : allié du processus
La réalisation d'accords entre les parents est donc
l'aboutissement d'un processus qui, tout en étant limité dans le
temps, s'étend dans la durée. «C'est un temps hors du
danger pour dire le danger et se donner le temps pour penser, mieux comprendre
le conflit et le reformuler» (Claire Denis56), C'est un
temps de passage, de transition, nécessaire pour la réalisation
d'un projet (C. Denis évoque un «rite de passage»).
Concrètement, les entretiens de médiation, qui durent chacun
généralement entre une heure et demie et deux heures, peuvent
s'interrompre au bout d'une séance et peuvent aussi s'étaler sur
plusieurs semaines, voire quelques mois. Les ordonnances judiciaires accordent
trois mois, en général renouvelables une fois. Il y a un
commencement et un terme qui séparent un avant et un après,
ouvrent et ferment une rencontre, réunissent et séparent des
êtres: début et fin sont aussi des limites potentiellement
libératrices et sont donc importants. D'où la puissance
symbolique des accords écrits qui peuvent signifier le point d'orgue de
la médiation. Le temps est un allié de la médiation, un
agent actif du processus, qui permet de venir à bout de blocages, de se
remettre en question, de faire mûrir des décisions, de
réaménager les relations entre les personnes. «Lorsque
ces réaménagements se produisent, elles peuvent devenir à
même d'envisager et d'élaborer des accords signifiants. La
médiation peut alors se concrétiser dans un accord sur ce qui
était l'objet du désaccord initial. L'écriture vient ici
inscrire la capacité de s'accorder dans la visibilité et dans la
durée, et signifier l'engagement personnel par la signature des
acteurs.» (AMPF 2003 57)
Dans la pratique et dans le cas d'accords écrits, le
médiateur va noter les points d'accord des parents à partir des
discussions et au fil des entretiens (en général sur le
paper-board de la salle de médiation). Le médiateur commence en
général la négociation sur les points les plus faciles
à résoudre, les points sur lesquels le consensus est plus facile
à obtenir. Cela permet de démontrer aux parties en litige qu'il
existe un terrain d'entente et un espoir d'en arriver à une entente
globale ; Accord sur des points parfois acquis au départ :
décision de se séparer, valeurs communes. Puis les accords vont
s'étendre progressivement à des points qui
56 Op.cit. note n°34
57 Op.cit. note n°40
peuvent être plus délicats concernant les
modalités d'exercice de l'autorité parentale avec les choix
d'éducation des enfants (religion, école, activités...) et
les choix sur la résidence des enfants (avec parfois une
résidence alternée). Seront aussi abordés les choix
financiers et la répartition entre les parents (pension alimentaire),
les questions de logement,...Il s'agit de prendre le temps nécessaire
pour ne pas omettre des éléments importants. « Il faut
éviter un accord prématuré, un accord qui ne couvrirait
pas toutes les composantes du litige » (Justin
Lévesque58).
Le temps est un allié essentiel du processus de
médiation. Un autre allié, indispensable pour avancer, car il
protège tous les acteurs de la médiation, c'est le cadre.
2- Le cadre : Comment le Médiateur est garant de la
sécurité du processus
Pour être durables, les écrits doivent
également être construits en sécurité grâce au
cadre de la médiation qui protège les parties et garantit la
liberté de leur expression.
a) Le sens du cadre
Le dispositif est porteur d'un sens : de l'idée qu'il
faut un cadre pour mieux se parler. Ce n'est pas n'importe quel cadre mais un
cadre qui permette ces échanges : un cadre sécurisant.
Le cadre est un ensemble de limites à la fois
spatiales, temporelles et psychologiques, dont les acteurs font
l'expérience. Le but de ces limites n'est pas la diminution de la
liberté mais au contraire sa protection, ouvrant un espace sans risque
pour les personnes.
Ainsi, dans cette bulle, du fait de la présence du
médiateur, les personnes sont mises en situation de pouvoir faire une
expérience de l'altérité : reconnaître l'autre comme
interlocuteur, sortir d'un fonctionnement binaire à travers ce qui fait
tiers, et qui est fait de limites (de présence et de parole), à
propos d'objets communs.
La tâche du médiateur est d'aménager un
espace suffisamment sécurisant qui ne soit vécu « ni
comme un espace vide qui pourrait être angoissant, ni comme un espace
trop plein c'est à dire directif ou trop contrôlé. Il doit
donc mettre en place un cadre pour que puisse se vivre l'expérience
d'une rencontre ». (Claire Denis)
58 Op.cit. note n°3
L'observation en stage permet de valider le besoin des
personnes de ce cadre dont chacun défend le respect. Quand le cadre est
bousculé par une personne, le médiateur, dans son rappel,
ramène à l'application des principes de la médiation;
4 Au cours du processus, on découvre que Carl a
gardé en sa possession depuis des mois un document bancaire d'Isabelle.
Elle l'a réclamé plusieurs fois, il a refusé de le lui
rendre. Il indique que son intention première était de s'en
servir éventuellement contre elle. Cela est évoqué au
moment de la réalisation d'accords partiels sur le partage des biens. La
médiatrice rappelle le cadre : la transparence, le respect de l'autre.
Cela permet que ce document soit simplement et naturellement restitué
à la séance suivante.
b) Les limites que pose le cadre
- La limite dans l'espace et le temps:
Le médiateur reçoit les personnes dans un lieu
neutre et séparé d'autres pratiques professionnelles. Il y a une
pièce, des portes, et des sièges pour chacun disposés
à une certaine distance.
Le temps est également défini: il y a un
début et une fin à chaque médiation, quel que soit le
nombre des séances. L'idée d'un terme permet de ne pas la
prolonger au delà de ce qui est nécessaire. Comme la
médiation a eu un commencement, elle doit être
clôturée, même si elle est arrêtée.
Les séances sont elles-mêmes des temps
limités, d'une durée fixe indiquée par le
médiateur, permettant d'aménager le temps d'expression et de
trouver le rythme de l'échange. Le médiateur ne déroge
jamais à cette limite nécessaire.
4 Carl, qui s'attarde systématiquement à la fin
des entretiens après le départ d'Isabelle et tente de se confier
seul, est à chaque fois gentiment mais fermement éconduit par la
médiatrice qui lui rappelle le cadre.
- L'exigence de confidentialité,
Le cadre apporte une protection par rapport à toute
intrusion quand les questions abordées sont personnelles, intimes. Le
médiateur est garant de ce qu'aucune personne extérieure n'a
à connaître du contenu de ce qui se dit en médiation.
- Une parenthèse dans la procédure
Ce passage prend le sens d'une transition, c'est à dire
d'une rupture dans la continuité. Dans cet espace décalé,
dans cette parenthèse, les actions litigieuses : dépôt de
plainte, enquête sociale, courriers recommandés, n'ont pas droit
de cité.
Les procédures contentieuses qui augmentent le litige,
introduisent de nouvelles demandes agressives sont suspendues, voire
retirées.
- Un cadre à l'expression des émotions
Le médiateur doit pouvoir à la fois accueillir
et contenir les émotions: colère, souffrance. Ces émotions
s'expriment parfois dans des « débordements »qui peuvent aller
jusqu'à mettre en danger l'intégrité physique et psychique
des personnes. Disqualification, blâme, injure et agressivité
physique sont interdits en médiation. Le médiateur rappelle alors
le cadre avec fermeté : on ne transige pas avec les règles; cela
peut aller jusqu'à l'arrêt de la médiation.
Cette nécessité de protection à
l'intérieur de la médiation elle-même est explicitée
en début de médiation : « pas de violence physique ou
verbale, respect de l'écoute de l'autre », et le médiateur
garde cette fonction « contenante » tout au long du processus.
3- Les phases du processus «Occupez-vous du
processus, ils pourront
s'occuper du contenu »
Guy Ausloos, la compétence des familles
Grâce à la fonction contenante du cadre et la
position de tiers du médiateur, les contenus vont pouvoir être
élaborés par les acteurs de la médiation au long du
processus à travers différentes phases qui ne sont pas
linéaires mais nécessaires et qu'on retrouve dans la plupart des
travaux des chercheurs et théoriciens de la médiation.
- Justin Lévesque en a repéré six,
«dans un ordre qui n'est ni rigide, ni linéaire... :
Introduction au principe de médiation, vérification de la
décision de se séparer, négociation des
responsabilités parentales, négociation du partage des biens,
négociation des responsabilités financières et
rédaction du projet d'entente »59.
- Thomas Fiutak60, professeur américain,
développe quatre étapes plus transversales et théoriques;
Il parle de :
- la mise en place du cadre de la médiation,
- l'écoute de chacun en présence de l'autre (Qui
parle, de quoi à qui),
- la recherche de construction de l'histoire commune,
59 Op. cit. note n°3
60 Théorie de Thomas FIUTAK décrite dans La
Médiation familiale, ouvrage collectif pour Eres, chapitre IV Jocelyne
DAHAN1997
intercompréhension (qui parle, de qui?),
- la gestion des possibles et le changement de perspectives avec
l'accord mutuel.
- Jean Grechez, Médiateur familial, a dégagé
dans son article « Enjeux et limites de la médiation familiale
»61, quatre phases caractéristiques du processus.
Me paraissant être le socle commun aux pratiques de
médiation familiale, j'ai choisi de les reprendre largement ici dans
leur substance :
a) Verbalisation de la demande :
« Le premier entretien est une étape
fondamentale car il va permettre de prendre connaissance de la situation...Le
souci est ici de faire verbaliser par chacun la demande de médiation. De
même, ce premier contact permettra aussi de poser le cadre de la
médiation, d'en vérifier l'acceptation par chacun ...»
(61). Les personnes s'engagent, et aussi le médiateur : dans cette
phase, il évalue si la médiation familiale est une réponse
adéquate à la situation et s'assure de la garantie du
consentement de chacun.
Une pratique courante propose de faire signer aux personnes,
dès ce premier entretien quand les conditions de la médiation
sont réunies, une convention de médiation : « Ce
document est important à plusieurs titres. Tout d'abord, par sa valeur
symbolique. Il marque le début de la trêve, la volonté de
mettre fin aux hostilités...Il est également important car il
définit l'implication, les devoirs des chacun, médiateurs et
parents... » 62(Jocelyne Dahan).
Entre Carl et Isabelle, il faudra attendre la fin de la
troisième rencontre avant que la médiatrice leur propose de
signer cette convention, ce qui sera accueilli comme un soulagement, avec une
forte adhésion. Les échanges apportaient en effet jusqu'alors des
éléments préoccupants (évocation par Isabelle d'un
« inceste » entre Carl et sa mère, « violences physiques
» dans la vie passée du couple). A la demande de la
médiatrice, Carl et Isabelle ont dû faire l'effort
d'éclaircir ces points, de les remettre à leur juste mesure, et
vérifier ainsi ensemble que leur démarche s'inscrivait bien dans
le cadre d'une médiation.
61 Jean GRECHEZ, Enjeux et limites de la médiation
familiale - dans revue Dialogue 170- 2005
62 Jocelyne DAHAN, se séparer sans se déchirer -
Laffont 2001
b) Élaboration de la demande
Il s'agit là véritablement de la « mise
au travail » (étymologie d' « élaboration »)
des personnes venues en médiation. « Les
éléments apportés, vécus comme faisant conflit,
sont souvent concrets et peuvent toucher tous les aspects pratiques d'une
séparation. Les biens, les questions éducatives, les pensions
alimentaires et l'exercice de l'autorité parentale sont sujets à
empoignades et affrontements... Ici se situe sans doute l'une des
difficultés majeures de la médiation, à savoir : prendre
en compte le conflit... » (61).
Des techniques d'écoute, de négociation, de
reformulation, acquises par le médiateur familial lors de sa formation
initiale, de sa formation continue et son expérience pratique sont mises
en oeuvre pour rendre possible ce travail difficile : il faut veiller en effet
à ce que les remarques soient entendues par celui qui à qui elles
sont destinées comme par celui qui les dit.
L'objectif est « de [lui] permettre (à
chacun) de prendre conscience de ce qui l'a mis en souffrance...Ces prises
de conscience successives en présence de l'autre sont,...la condition
essentielle pour accéder à ce que le conflit prenne sens, peu
à peu, pour chaque personne (61) ». C'est dans cette
étape que le médiateur met en place les conditions d'expression
de chacun dans une sécurité maximale assurée par le cadre
et le maintien du cadre dont dépend la suite du processus de
médiation. Ce « travail » en médiation avec Carl et
Isabelle est complexe. Le temps d'échange sur les attentes et les
besoins qu'avait chacun laisse apparaître qu'au long de la vie commune,
ils n'ont jamais été exprimés de façon claire,
explicite et que chacun pensait que l'autre pouvait comprendre, « sans
avoir à dire ». Carl indique : « Je voulais fonder une famille
»; Isabelle : « Je voulais réparer ses souffrances ».
Carl reproche à Isabelle son manque d'amour, de ne pas lui avoir
laissé de place, ni comme homme, ni comme père. Isabelle dit
qu'elle n'a pas retrouvé dans la vie commune l'homme qu'elle avait
rencontré et qu'elle s'est sentie dévalorisée en tant que
femme : « je pense avoir trinqué pour la mère de Carl
».
Les manques, les souffrances sont racontés. Souvent
l'indignation jaillit : « tu mens, ce n'est pas vrai ! », «
c'est monstrueux, comment peux-tu dire cela ? ». La médiatrice
interroge : « Aviez-vous l'un et l'autre mesuré la souffrance que
vous éprouvez tous les deux ? Je vous propose que chacun puisse accepter
ce qui est dit par l'autre : c'est sa vérité, sans porter de
jugement, est-ce possible ? Nous allons travailler à votre rythme.
»
c) Phase charnière
J'ai assisté en stage à cet entretien, un peu
« magique », où les choses ont été dites,
explicitées et où chacun a pu se sentir entendu. Une porte
s'ouvre, c'est à ce moment là que les éléments de
l'accord peuvent commencer à se mettre en place. Les personnes
commencent à poser un regard différent sur le conflit; elles
reconnaissent l'autre comme différent d'elle-même et se
reconnaissent comme ayant des besoins propres. A partir de là, la
communication s'installe à partir des besoins de chacun. Les personnes
peuvent alors, à partir de ces besoins exprimés et entendus,
faire des propositions qui amèneront à une entente.
Pour Carl et Isabelle, qui ont préalablement, au cours
d'éprouvantes séances, longuement évoqué les
malentendus entre eux, c'est le travail écrit autour de la
répartition de leurs biens qui révèle leur nouvelle
écoute. Dans cette négociation sur les biens, chacun assouplit sa
position, montre un début de confiance, lâche prise. Pour la
première fois, les parents expriment la nécessité de
préserver Mathieu, en décidant de lui permettre de prendre les
jouets, les objets qu'il voudra chez chacun de ses parents pour les emmener
chez l'autre.
d) Protocole d'accord (ou accords de médiation)
Les personnes se sont acheminées ainsi, « pas
à pas », vers des accords de médiation qui vont reprendre
les points d'entente construits ensemble, avec le soutien étayant du
médiateur. « Ici, nul besoin de précipiter la signature
d'un document qui va engager la seule responsabilité de son
signataire. « Reformulations » et modifications font partie du
temps d'élaboration et sont nécessaires afin que les parties
s'approprient l'évolution de leur situation. (53) »
Encore une fois, les pratiques concrètes
diffèrent d'un médiateur à l'autre, et même certains
médiateurs changent de pratique au cours de leur vie professionnelle :
«J'ai évolué dans la mise en forme d'accords
écrits : il y a treize ans, je les rédigeais et je les frappais
à la machine; ils étaient ensuite remis aux personnes et
signés. Il m'arrivait également d'employer des termes juridiques.
J'ai ensuite éliminé des projets d'accord tout terme juridique et
j'ai proposé aux acteurs de réaliser euxmêmes des
écrits qu'ils formulaient ensemble, écrivaient et signaient.
Aujourd'hui, je remets à chaque participant une feuille blanche à
en-tête et chaque personne y
consigne le contenu des accords (et éventuellement
des désaccords) rédigés avec leurs propres mots...Chaque
projet d'accord, signé par tous les participants, est remis à son
auteur et à chaque partenaire de la négociation finale
»63 (Claire Denis), Comme le processus de médiation
lui-même, la forme écrite des accords est diverse, variée,
créative.
L'important reste la durée, la complétude du
processus, ce que souligne encore Grechez : « Si le temps est
escamoté, le risque est important que les personnes...aient le sentiment
de s'être fait piéger... Le conflit a alors toutes les chances de
resurgir à plus ou moins long terme... » (61).
Bien souvent, le médiateur familial laissera le temps
à l'élaboration des accords écrits, permettant des
navettes et des moments de réflexion entre les entretiens, afin que
l'adhésion à l'écrit finalisé soit entière
et sans réserve. La plupart des médiateurs encouragent
positivement une relecture par les avocats des parties, chacune s'assurant
ainsi que ses intérêts restent préservés, que rien
d'illégal n'est inscrit dans les accords, ce temps permettant de tester
avec précaution une confiance neuve et fragile.
Carl et Isabelle, au 7ème entretien,
même s'ils sont encore blessés par leur séparation, ont
abandonné leurs griefs passés. Ils se sont rendus compte qu'ils
avaient surmonté leurs difficultés sur des accords mineurs, le
partage des biens, l'organisation provisoire des vacances... Ils ont
découvert ensemble leur capacité à prendre ensemble une
décision. Cela a favorisé la mise au point rapide et
acceptée d'accords écrits sur le point essentiel de l'accueil de
Mathieu.
D- La « valeur » des accords écrits de
médiation
Concernant la valeur symbolique des accords écrits, je
vous renvoie à la partie consacrée aux besoins psychologiques des
personnes par rapport à l'écrit (p.20).
La valeur juridique est plus objective même si elle est
mouvante, accompagnant l'évolution de la société en
fonction des priorités du temps.
63 Op.cit note n°34
1- La valeur juridique des accords
Pour être durables, les accords doivent avoir une
valeur. Au-delà de la valeur que leur accorde chaque personne
après avoir travaillé à leur élaboration dans le
cadre de la médiation, il y a leur valeur juridique qui est importante
selon que les accords sont simplement rédigés, et/ou
signés et/ou homologués.
a) Portée juridique des accords de médiation
Les accords de médiation ne lient pas juridiquement les
personnes. Ce simple engagement mutuel n'est doté d'aucune valeur
légale et n'a aucune force obligatoire. L'exécution des accords
de médiation dépend uniquement du bon vouloir des parties.
Dans son mémoire juridique sur la
médiation64, Laurent Benoiton souligne « l'incidence
que la signature des parties peut avoir sur la nature juridique de l'acte.
Quand les accords de médiation sont signés, ils peuvent
être qualifiés d'acte sousseing privé et sont alors soumis
au droit commun des contrats ». On relèvera que dans la
pratique, les accords rédigés sont presque toujours signés
par les parties et par elles seules.
L'intervention du Juge Aux Affaires Familiales est
indispensable pour leur donner force exécutoire, c'est-à-dire la
force d'un jugement. Le juge n'exerce qu'un contrôle à posteriori
et ne peut ni en modifier un terme, ni le valider partiellement. Il
contrôle si les principes de la médiation tels que la libre
adhésion des personnes ou l'impartialité du médiateur
familial ont été respectés. Il s'assure que l'acte ne
lèse pas les intérêts des parties et qu'il préserve
l'intérêt de l'enfant dont il est le gardien65.
L'homologation des accords est elle indispensable ? Pour les
magistrats comme pour les parents médiés, il semble que oui :
afin que les accords de médiation soient revêtus de
l'autorité de la chose jugée. Les juges manifestent clairement
leur besoin d'un « retour », si ce n'est sur le contenu de la
médiation, au moins sur des accords rédigés qui leur sont
soumis pour contrôle. Pour les parents, dont la confiance mutuelle a
été souvent terriblement mise à mal pendant le conflit,
l'homologation est un gage que les accords seront protégés.
L'homologation représente également pour eux la fin judiciaire au
processus de médiation.
64 Laurent BENOITON, La médiation familiale, DEA
Théorie juridique, Aix-Marseille III 2001-2002
65 Code civil : art.247 alinéa 2
b) Un débat sur la responsabilité du
médiateur, « rédacteur d'acte juridique »66 Un
débat a été lancé autour de la
responsabilité du médiateur, professionnel qui est engagé
en tant que « rédacteur d'acte juridique sous seing privé
» .
En effet, selon P. Bonnoure-Aufière, avocate, c'est le
médiateur qui établit le document, inscrivant les accords de
médiation familiale, pendant ou à la fin du processus. Il est
garant du cadre et intervient donc pour ne pas permettre n'importe quelles
options si elles ne défendent pas l'intérêt commun des
personnes et soutient les participants dans leurs choix
rédactionnels67.
Pour cette auteure, ce statut de rédacteur d'acte
juridique entraînerait sa responsabilité au-delà de ses
compétences (« ce n'est pas le rôle d'un médiateur
d'être rédacteur d'un contrat faisant la loi des parties »),
avec pour lui d'éventuelles conséquences juridiques
problématiques.
Elle suggère, afin que le médiateur soit
protégé de ce risque, que soient rédigées seulement
des options potentielles envisagées, « laissant les suites
spécifiques, juridiques ou autres, s'instaurer dans l'après
médiation ». L'écrit resterait alors au stade de
l'engagement intentionnel, se référant à la conception
juridique de l'intention de faire. Il s'agirait non plus d'accords de
médiation ou de protocole d'accord mais d' « accords d'intention
» qui seraient remis à un professionnel compétent pour le
finaliser.
Selon Séverine Garat, médiatrice familiale, ces
précautions conditionnelles paraissent « difficilement
conciliables avec l'esprit du travail de médiation ». Le
médiateur est certes « incontestablement lié à la
rédaction des accords qui sont écrits dans le cadre du processus
et sous sa responsabilité professionnelle » et il est donc
bien rédacteur d'acte juridique.
Cependant, renvoyer les parties vers leurs conseils respectifs
pour un contrôle des accords, permet d'éviter les
difficultés. « Cela va dans le sens d'une responsabilisation
des personnes et du développement d'une complémentarité
efficace entre le médiateur et les différents acteurs de la
médiation, notamment dans le monde judiciaire ». Cela est
complété dans la pratique par des mentions à la fin des
accords qui indiquent : les transmettre aux conseils respectifs « seuls
habilités à
66 Cette partie est largement inspirée de l'article de
Séverine GARAT, Les écrits en médiation familiale, pour
qui ?comment ?quels effets ?- revue Empan n°72 février 2009
67 D'après Pierrette BONNOURE-AUFIERE dans son article :
« L'écrit des accords en médiation familiale :
de l'intention à l'action » - AJ Famille 2003, repris dans Guide
de la médiation familiale - Eres édition 2006
les mettre en forme juridiquement »(pour les
médiations judiciaires) ou s'engager à des démarches de
faire contrôler les accords par un spécialiste du droit si les
personnes décident de les faire homologuer (pour les médiations
conventionnelles).
2- Comment la médiation rend les accords
durables
Au fur et à mesure qu'ils ont avancé dans le
processus de médiation, les médiés en ont perçu
progressivement l'essence et sont rendus compte :
. Que ce n'est pas un espace de conciliation où une
solution sur un seul aspect des problèmes doit à tout prix
être dégagée,
. Que ce n'est pas qu'un espace de négociation fait de
compromis mutuels,
. Que le médiateur n'est pas un arbitre qui tranche
équitablement.
« L'enjeu de la médiation n'est certainement
pas d'uniquement trouver des solutions aux conflits. (Il ne s'agit pas non
plus seulement de trouver une réponse pratique à la demande
qu'ils amènent). Il s'agit pour les acteurs sociaux d'apprendre
à les vivre, d'être capables d'affronter les problèmes
futurs qui se présenteront et de pouvoir créer eux-mêmes
des dispositifs de construction d'accords »
(M.E.Volckrik)68.
Le médiateur a conscience des limites de son rôle
dans l'élaboration des écrits et a accepté la perte de
pouvoir que cela implique.
Qu'il ait agi directement sur la forme des écrits ou
pas, il n'a pas influé sur le contenu. Il a aidé les participants
à ne pas chercher à produire un discours de vérité
mais à produire un texte plus sensible et non
stéréotypé qui laisse à chacun une place
entière et responsable. Il les a encouragés à s'assurer
auprès d'un spécialiste que leurs intérêts
étaient bien préservés.
Il s'est assuré qu'un champ potentiel de litige n'avait
pas été laissé de côté.
Dans le temps, le cheminement de la médiation a permis
la mise à distance des émotions et les excès du conflit.
Par la position de tiers du médiateur, protégé par cet
espace de médiation et par son cadre, le participant a pu s'exprimer et
a pu ainsi retrouver confiance en lui-même. Cette confiance lui a permis,
à son tour, d'écouter l'autre, de l'entendre, de l'accepter dans
ses différences. Certaines occasions ont été
créées pendant la médiation, qui ont mis à
l'épreuve, positivement, cette confiance nouvelle, cette
reconnaissance.
68 Marie-Elisabeth VOLCKRICK, Intervenir en tiers aujourd'hui -
Conférence à l'Université catholique de Louvain 2007
Le texte (du latin textus : tissu), qui désigne
l'oeuvre écrite dans sa clôture et dans l'ensemble de son
organisation et de ses déterminations sociologiques, imaginaires,
biographiques, discursives, système second par rapport aux productions
verbales, en est inséparable et distinct dans la mesure même
où il se saisit du discours premier. 69
Ce texte des accords de médiation est le tissu fait des
mailles croisées des questions et des valeurs des participants, qui se
sont tissées tout au long du processus. Pouvoir s'entendre
(s'écouter) a été le préalable à leur
entente (s'accorder). C'est sur cette trame que va s'inscrire la nouvelle
organisation familiale, permettant à chacun de se projeter dans le temps
et donnant à chacun les outils pour les futurs
réaménagements nécessaires.
« Bonjour,
La dernière audience s'est passée très
rapidement. Le texte de nos accords a été simplement
entériné....
La situation était tellement difficile et
embrouillée... cette médiation nous a permis d'être
entendus, ce qui ne va pas de soi. J'espère que cela aura permis de
pacifier à long terme cette relation passionnelle ! Dans tous les cas,
je me sens plus sereine et «Mathieu» va bien... »
«Isabelle». (Courriel septembre 2008)
A la suite de l'expérimentation en stage, la question
s'est posée pour moi de savoir pourquoi les parents pensaient que les
accords écrits seraient durables.
En théorie, nous venons de voir que tout est mis en
place pour que les accords rédigés soient pérennes : la
médiation est constituée d'un dispositif complexe qui associe les
techniques de communication, d'écoute et de parole, un cadre-outil
règlementant les échanges, des principes déontologiques
qui favorisent la confiance en assurant la confidentialité de l'espace
et la compétence professionnelle du médiateur familial.
Construits au fur et à mesure du processus, avec l'aide
contenante et sécurisante du médiateur, les accords de
médiation reflètent les dispositions nouvelles des parties par
rapport à leur relation, entendue comme la nécessité de
s'entendre sur les conséquences de leur séparation, qui
s'étendent bien au-delà de la période de rupture.
Des chiffres circulent. On entend que plus de la moitié
des personnes envoyées par
69 « Texte » : Extrait de définition : Grand
Larousse Universel, 1997
le magistrat en médiation concrétisent des
accords, que les retours contentieux après médiation sont bien
moins nombreux. Qu'en est-il réellement sur le terrain, dans le temps ?
Que deviennent les accords ? Sont-ils durablement appliqués dans les
nouvelles organisations familiales ?
J'émets l'hypothèse que c'est la construction des
accords qui permet le devenir des accords :
Que c'est le temps, le rétablissement du dialogue, la
position de tiers du médiateur, le cadre contenant et rassurant de la
médiation,
-qui permet aux personnes de retrouver une certaine confiance en
eux et entre eux ;
-qui leur permet de penser que les accords vont durer,
c'est-à-dire qu'ils seront capables de prendre ensemble les
décisions qui les concernent, eux et leurs enfants.
C'est ce que je vais tenter d'évaluer par la recherche de
ce mémoire.
II- Méthodologie de la recherche
Rappel de l'hypothèse :
Grâce à l'accompagnement du
médiateur familial au long du processus de médiation, la
rédaction d'accords écrits en médiation familiale est un
gage de durée de ces accords dans le temps.
La première partie attachée à recouvrir
les champs théoriques autour de cette question a montré de quelle
façon la médiation permet en effet de construire des accords
entre les parents. Il m'apparaît que la recherche doit
s'intéresser à l'intérêt réel qu'ont les
acteurs concernés de tenter de mesurer concrètement l'impact d'un
accord écrit sur les suites d'une séparation.
- Pour les magistrats, un intérêt émerge
fortement ; ils s'interrogent : la médiation permet-elle aux personnes
de redevenir responsables de leurs choix et parviennent elles à
décider seules de leurs choix familiaux ? La médiation
permet-elle de limiter les retours procéduraux ? Ils en ont l'intuition
mais pas de chiffres puisque aucune étude n'est encore entreprise.
- Pour les médiés eux-mêmes, qui ont
demandé plein d'inquiétudes et d'espoirs à un tiers de les
aider à sortir de leur incommunication et sont, souvent douloureusement,
parvenus à des accords ; ont-ils pu mesurer la solidité de ces
accords dans la pratique et dans le temps ?
- Et aussi, celui des médiateurs, encore que leur
destin professionnel (et c'est encore là leur éthique), les voue
à ignorer presque toujours quelles seront les suites de la
médiation.
Mon travail s'est appuyé sur trois outils de
prospection: la recherche de données quantitatives par une enquête
dans une chambre de la famille, des informations plus qualitatives avec un
questionnaire adressé à des parents médiés et
l'observation participante par laquelle il a été possible de
suivre des médiateurs accompagnant ce travail jusqu'aux
écrits.
A- Exploration
En amont de la recherche proprement dite, J'ai pu suivre en
stage plusieurs médiations et assister à des colloques, des
conférences et des débats autour de la médiation
familiale. J'ai rencontré également des personnes «
ressources » qui m'ont soutenue et éclairée pour
élaborer ma réflexion.
1- Formation
Ma formation de plus de deux années m'a permis,
à travers les cours dispensés en droit, sociologie, psychologie
et en unité de médiation de me forger une vision
générale de la médiation familiale, de son histoire, de
ses champs d'application. J'ai parallèlement complété cet
enseignement par de multiples lectures, tant d'ouvrages recommandés par
nos formateurs que de lectures personnelles, livres témoignages ou
essais et également recherche de documents variés sur
internet.
Ces apports divers m'ont permis progressivement de me forger
ma réflexion personnelle et de cette réflexion ont
émergé des questions. Parmi elles, celle que je pose ici est
apparue et bien que je m'en sois plusieurs fois défendue pour aller vers
d'autres centres d'intérêt, elle est revenue et s'est
imposée à moi.
Je suis alors allée vers des lectures autour des
écrits en général, leur histoire et leur symbolique qui
m'ont permis de m'imprégner de références très
diverses sur le sujet.
J'ai ensuite concentré et filtré par l'objet de
mon mémoire des informations plus précisément axées
vers la pratique de l'écrit en médiation familiale, et encore
plus spécifiquement au final vers les accords écrits de
médiation. Cette bibliographie est présentée à la
fin du mémoire.
2- Stages
L'intérêt et le positionnement des acteurs de la
médiation autour des écrits me sont apparus rapidement. En tant
que stagiaire médiateur en observation, j'ai suivi le travail de
magistrats (juges aux affaires familiales) en immersion pendant une semaine
à la chambre de la famille de Toulouse. Des échanges avec les
magistrats autour de l'homologation des accords ont amorcé ma
réflexion.
Puis, au cours du stage de formation qui se pratique pour
l'apprenti médiateur dans un service de médiation familiale, j'ai
pu observer, chercher à comprendre, participer dans le sens où le
stage que j'ai effectué s'est déroulé pendant plus de huit
mois avec une implication croissante. J'ai pu ainsi avoir une vision des
pratiques, des échanges et des discussions autour du thème des
accords écrits qui m'a permis d'en préciser les contours et d'en
percevoir les limites.
Les colloques et conférences autour du thème de
la médiation auxquels j'ai pu assister70 ont également
apporté de multiples éclairages à mon questionnement en
m'aidant à l'ancrer dans la réalité sociale
d'aujourd'hui.
3- Personnes « ressources »
Au delà de l'apport important de mes formateurs et de
mes « guidants » de recherche qui m'ont soutenue dans
l'évolution de ma problématique, j'ai eu des entretiens
décisifs avec Jocelyne DAHAN qui m'a encouragée dès le
début de ma recherche, m'indiquant que « ce travail relatif aux
écrits permet un travail d'analyse
70 - Colloque UDAF « Familles en mouvement, Professionnels
en action » (Cahors novembre 2007)
- Journée d'information sur la médiation familiale,
film et débat APMF (Tournefeuille, novembre 2007) - Conférence
« Médiation et Post-modernité », Jacques FAGET
février 2008 (St Simon février 2008)
- Conférence « Le tiers pesant » Edith GOLBETER
(Toulouse, février 2008)
- Conférence CAF, présentation de la
médiation familiale à des professionnels (Colomiers avril
2008)
- Conférence «La résidence alternée,
comment, pour qui, à quel âge», Gérard POUSSIN(Tlse,
mai 2008) - Conférence « L'enfant et la séparation de ses
parents », Jocelyne DAHAN (Toulouse, octobre 2008)
- Colloque « Crises de couple » M. ELKAIM, R.NEUBERGER,
E TRAPPENIERS (Toulouse, nov. 2008) - Conférence «Autour de
l'enfant victime », Boris Cyrulnik, Roland Coutanceau (Toulouse, janvier
2009)
qui s'articule bien entre théorie et pratique ». La
richesse du stage réalisé au C.ER.ME m'a donné une vision
concrète et un matériau précieux d'expériences.
J'ai également rencontré et
échangé avec des magistrats, qui, très demandeurs de
données sur ce thème, m'ont fait part de leurs interrogations et
m'ont concrètement ouvert la porte de leurs archives à la chambre
de la famille de Toulouse, pour que j'y trouve mon matériel. Marc
Juston, Président du tribunal de Tarascon, à qui j'avais
écrit sur le sujet, a manifesté son intérêt pour une
recherche autour du volume de retours contentieux après
médiation, indiquant que dans sa propre juridiction, cette recherche
paraissait difficile à mettre en oeuvre en pratique.
B- Enquête au Tribunal de Grande Instance,
chambre de la famille de Toulouse
1- Observer quoi :
L'idée de départ de cet outil de recherche est
d'évaluer si la durabilité des accords de médiation permet
de limiter les retours contentieux. Cette enquête me paraît
apporter des données nouvelles avec un objet de recherche
inédit.
En effet, un article du GEMME (2004 ) intitulé « Les
résultats dramatiques de la justice familiale » rapporte que :
- un enfant sur deux ne voit plus ou presque plus le parent dont
il ne partage pas le quotidien
- 43% des pensions alimentaires ne sont plus payées ou
très mal payées
- 3 prononcés de divorces sur 5 (idem pour les
jugements concernant les parents avec enfants naturels) reviennent devant le
JAF pour demande de modifications contentieuses. » On retrouve ces
chiffres éloquents dans le rapport statistique d'octobre 2007 du
Ministère de la Justice71.
Après moult échanges avec les magistrats de la
Chambre de la Famille de Toulouse, l'autorisation m'est donnée par la
vice-présidente d' investiguer dans les archives avec l'assistance du
greffier en chef. L'enquête est menée sur les dossiers
envoyés en médiation par les JAF de Toulouse en 2006.
71 Chiffres-clés de la Justice- octobre 2007-
Ministère de la justice, Direction de l'administration
générale, Sous-Direction de la statistique, des Etudes et de la
Documentation (chiffres nationaux pour l'année 2006) 139 147 Divorces
prononcés (Dont 76 794 Consentements mutuels)
57 359 Demandes postérieures au divorce (autorité
parentale, contribution à l'entretien, droit de visite)
126 111 Demandes relatives aux enfants naturels (autorité
parentale, obligations alimentaires, droit de visite)
2- Observer qui?
L'enquête porte sur les personnes envoyées en
médiation par les juges aux affaires familiales, sur une période
de un an. Le plus souvent il s'agit de parents séparés ou
divorcés qui n'arrivent pas à s'entendre sur les modalités
d'accueil de leurs enfants ou qui ont un différend
financier72.
Grâce au logiciel WINCI qui équipe depuis 2001
tous les TGI de France (formation accélérée par Monsieur
le Greffier en chef lui-même !), j'ai pu d'accéder aux dossiers
traités à la chambre de la famille de Toulouse.
En sélectionnant plusieurs critères,
Registre : JAF (contentieux
divorces/séparations)
Etat du dossier : « terminé
Date audiences : du 1er janvier 2006 au 31
décembre 2006
Type d'audience : prononcé
Décision : envoi en médiation,
il m'a été possible de sélectionner les
106 dossiers qui ont fait l'objet d'une mesure de médiation en 2006.
Parmi ceux-ci, l'étude a porté sur les 99 qui étaient
clos. L'objectif étant de concentrer la recherche sur les
médiations qui sont parvenues à des accords homologués
afin de voir si, postérieurement à ces accords, il y a de
nouvelles procédures contentieuses ou pas. La période 2006 est la
plus favorable, la médiation commençant à entrer dans les
pratiques des magistrats et le délai postérieur jusqu'à
aujourd'hui permettant d'avoir un recul73.
3- Comment ?
Trois étapes ont été nécessaires pour
mener cette recherche:
1' Il a fallu dans un premier temps étudier un par un sur
le logiciel WINCI les 99
dossiers sélectionnés pour relever le jugement
rendu sur chacun d'eux et
noter les références (n°de minute)
permettant de le s retrouver aux archives. 1' Une deuxième
étape de la recherche a consisté à étudier les
dossiers réels
(papiers) archivés dans les caves du tribunal
après une nouvelle sélection des
72 Cf. annexe n°3 p.66 : J'ai découvert
par cette enquête que près des trois quarts des personnes
envoyées en médiation par les juges aux affaires familiales sont
des couples séparés qui n'étaient pas mariés,
près d'un quart sont des divorcés et 2% des grands-parents.
73 Cf. annexe n°3 p.66 : Evolution des mesures de
médiation entre 2003 et 2008
(Recherche sur les mesures de médiation à la
chambre de la famille du TGI de Toulouse, MC DESPAX Mémoire de formation
au DEMF)
items « divorces/séparation » ou «
contentieux », ces dossiers n'étant pas archivés dans le
même lieu. Cette recherche aux archives a permis de relever des
informations indispensables et complémentaires au sujet des accords
homologués et des autres jugements.
1' La 3ème étape a été
celle de la mesure des retours contentieux des personnes envoyées en
médiation. Afin d'évaluer la quantité de retours
contentieux effectués par les personnes après le jugement rendu
postérieurement à un envoi en médiation, il a fallu
prendre les noms de chacune des 198 personnes concernées (99 dossiers)
et faire une recherche individuelle.74
4 - Les limites de cet outil
L'ambition de cette recherche se heurte à ses limites ;
1' la principale étant d'abord que l'étude de la
pratique de la chambre de la famille du tribunal de Grande Instance de Toulouse
ne peut préjuger des pratiques des autres juridictions en France.
En effet, la médiation familiale, d'utilisation assez
récente dans la justice française, est prescrite sur des
critères qui appartiennent à chaque juge aux affaires familiales.
Cette limite a été compensée, quand cela était
possible, par des comparaisons au niveau national, grâce à la
publication sur Internet de l'annuaire statistique de la Justice (2007).
Cependant, avec peu de chiffres nationaux comparables, on considèrera
simplement ces résultats comme une indication.
1' Pour des raisons pratiques, la recherche se limite à la
zone géographique de la région toulousaine, ce qui en circonscrit
nécessairement les résultats.
Par ailleurs, mon propre statut de médiateur en
formation qui m'a aidé dans mon accès au terrain et aux personnes
ressources, limite également la distance et la neutralité
nécessaire du chercheur envers son objet, même si comme
l'écrit Anne Gotman: « le chercheur n'est jamais
extérieur à son objet, mais toujours impliqué dans sa
recherche, et productif car impliqué75 ».
J'ai cependant tenté de poser cette distance tout au long
de ma recherche, dans sa construction comme dans son analyse.
74 Sélection des critères sur le logiciel Winci
: Recherche- Personnes physiques- Tous cabinets concernés- type
d'affaire : JAF contentieux- prénom + nom de la personne (qui
avaient été relevés lors de la 1ère
étape de la recherche).
75 A.GOTMAN, et A.BLANCHET., L'Enquête et
ses méthodes »- Editions Armand Colin 2007
1' Une autre limite est le mode d'intervention:
il a fallu déranger à maintes reprises des
professionnels au travail, prendre un bureau équipé d'un PC, se
faire ouvrir les portes des caves d'archives, tout cela en plein
déménagement du tribunal, ce qui a hélas limité
l'accès à certaines données...
C- Le questionnaire
1- Quoi?
Le questionnaire est un outil qui permet de poser à un
ensemble de répondants représentatifs d'une population une
série de questions, ici en l'occurrence relatives à leurs
attentes et leur vécu par rapport à une pratique ou un fait
social.76 La pratique en question est ici l'accord écrit de
médiation que tous ont élaboré à l'issue du
processus qu'ils ont suivi avec un médiateur familial. Ce questionnaire
est direct, dans la mesure où les répondants l'ont
eux-mêmes rempli.
Seuls ceux qui ont suivi une médiation, qui ont
échangé, travaillé sur leurs conflits,
élaboré des ententes peuvent dire ce qu'il en est, quelques mois
après la médiation, de leur nouvelle communication.
2- Sur qui ?
Pour rendre utile ma recherche, j'ai tenté de
réaliser un échantillonnage pertinent : Pour pouvoir parler de
leurs accords écrits, les parents doivent déjà, c'est une
évidence, être parvenus jusque là. Il serait toutefois
très intéressant d'examiner pourquoi au contraire certains ont
interrompu la médiation, mais cela élargirait trop le champ de la
recherche et poserait des problèmes de faisabilité.
A partir de l'observation en stage, j'ai choisi d'interroger
des personnes envoyées en médiation par le juge, les accords
écrits réalisés étant plus nombreux dans ce cadre.
J'ai voulu également profiter de la présence de plusieurs
professionnels dans le centre de médiation d'où est parti le
questionnaire afin de profiter de la diversité de leurs pratiques.
76 Raymond QUIVY et Luc VAN CAMPENHOUDT, Manuel de
recherches en sciences sociales- Dunod 2006
J'ai donc demandé à accéder à des
personnes :
i Dont les médiations ont été
ordonnées par un JAF, i Qui sont des parents,
i Qui ont abouti à des accords écrits,
i Avec différents médiateurs,
i Si possible depuis plus de deux ans.
3- Comment ?
Pour des raisons déontologiques de respect du
caractère confidentiel de la médiation, il m'a été
impossible de rencontrer en entretien ces personnes. Le questionnaire,
envoyé avec une enveloppe timbrée jointe et renvoyé de
façon anonyme, s'est donc imposé pour accéder à
elles.
Pour des raisons pratiques, le questionnaire, fermé,
est volontairement limité à un nombre « raisonnable »
de questions afin de favoriser un meilleur retour possible (ne pas indisposer
les personnes par un interrogatoire interminable) et permettre un traitement
précis et clair des réponses77.
Quinze questions fermées rassemblées sur une
page sont proposées aux personnes, avec des réponses à
entourer. Une question complémentaire facultative permet aux personnes
de s'exprimer librement ; presque toutes les personnes interrogées ont
inscrit un commentaire, toujours éclairant.
Cette enquête par questionnaire anonyme auprès
des médiés permet de mesurer essentiellement si les accords
rédigés reflétaient bien leurs décisions
élaborées au long de la médiation et combien de temps pour
eux cet accord a été valable dans la nouvelle organisation
familiale.
20 questionnaires ont été envoyés à
des personnes qui ont suivi une médiation ordonnée au Centre de
Médiation d'où est partie l'enquête.
77 Le questionnaire est joint en annexe n°1(p.64) .Avec
le recul, un regret sur une échelle de réponses plus
nuancée (un peu, beaucoup, pas du tout etc. Mais peut être la
concision du questionnaire a-t-elle permis un taux élevé de
retours : 12/20)
Trois médiateurs y travaillent ; Les
médiés interrogés sont venus en médiation
indifféremment avec les trois, ce qui, en élargissant les
expériences de pratiques des différents médiateurs,
accroît l'intérêt des résultats.
Sur les 20 questionnaires, 12 ont été
complétés et renvoyés78.
4- Limites :
· Pour des questions d'organisation, le champ de
prospection a été limité à une vingtaine de
personnes. Ces 20 personnes ont constitué 10 couples venus ensemble. Une
partie des réponses est donc à évaluer en
complément d'autres pour une même médiation, ce qui
réduit le champ de prospection.
· Sur les 20 personnes, seul un couple de parents n'a
pas finalisé les accords, Monsieur n'ayant pas signé le protocole
(La réponse à ce questionnaire par Madame étant par
ailleurs significative et intéressante).
· Les archives conservées sur place étant
relativement récentes, les médiations réalisées par
les personnes interrogées datent de un à deux ans maximum.
Idéalement, les médiations auraient dû toutes avoisiner
deux ans pour tester une plus longue durée d'entente après
médiation.
D- L'observation participante
1- Quoi
Le travail en stage dans un centre de médiation permet la
confrontation d'apports théoriques à une réalité de
terrain riche d'informations et d'expériences.
La perspective d'élaborer un mémoire sur le
thème des écrits a guidé une observation directe
orientée sur la construction des accords écrits au long de
plusieurs processus suivis en stage. Comme pour Carl et Isabelle, (dont la
longue médiation évoquée en fil rouge dans ce
mémoire a abouti à des accords d'abord sur les biens, puis sur
l'organisation essentielle pour eux des modalités d'accueil de leur fils
Mathieu), j'ai pu être attentive et suivre l'élaboration d'accords
d'autres parents, pas à pas, au long de processus qui n'étaient
jamais linéaires.
78 En annexe n° 2, les résultats
chiffrés du questionnaire (p.65)
2- Sur qui
L'immersion initiale proposée à mon
début de stage m'a permis de connaître les pratiques de trois
médiateurs différents, chacun travaillant en fonction de son
expérience, de sa culture, de son histoire, de son
tempérament.
J'ai pu discuter avec ces trois professionnels autour de la
notion d'accords écrits. Même si les objectifs restent les
mêmes, l'un sera davantage dans l'action, ramenant au cadre, utilisant
l'écrit comme support des avancées du processus, afin que les
parents se mobilisent vers une concrétisation de leurs accords, dans
leur intérêt et celui de leurs enfants ;
Un autre médiateur utilise peu l'écrit, il est
davantage dans l'écoute et exprime la crainte que de poser les accords
par écrit ne limite les parents dans leur engagement.
3- Comment
En observateur d'abord, j'ai pu dégager des
éléments qui ont été utiles à la
construction de mon hypothèse et de ma problématique:
Exemples:
*Les parents sont souvent en demande d'écrits :
« ça il faut l'écrire, on est d'accord ». « On
signe quand ? ». La médiatrice fait avancer les accords pas
à pas sur le tableau qu'on reprend au fil des séances.
*« Les accords écrits, toi tu veux les lire
aux enfants, pas moi, c'est personnel». La médiatrice rappelle
la nature des accords écrits entre les parents. C'est eux qui les ont
rédigés avec son soutien, ils leur appartiennent. Un parent ne
peut pas les produire sans l'accord de l'autre parent.
* « Allez-vous envoyer ces accords écrits au
juge ? » Le médiateur indique que non, que ces accords
appartiennent aux parents ; que si `ils le souhaitent, ils peuvent le faire
homologuer par le juge ; qu'il est important de les faire relire par leurs
avocats. * Quand les parents ne sont pas d'accord sur tout et souhaitent
même inscrire également leurs points de désaccords, il est
possible de rédiger ensemble des accords partiels ou «
synthèse de médiation ».
Au fur et à mesure du déroulement du stage, j'ai
pu m'impliquer davantage et accompagner, en tiers actif, les parents dans
leur élaboration d'accords. J'ai senti et
expérimenté l'importance du cadre posé par
le médiateur, qui sécurise les personnes et libère leur
expression.
4- Limites
Je n'ai pu observer les pratiques que de trois
médiateurs, et seulement d'un seul pour des processus de
médiation complets. Cet aspect a été compensé par
la lecture d'ouvrages de médiateurs qui évoquent tous leur
rapport à l'écrit dans leurs récits de pratiques.
L'interruption d'une médiation et le travail personnel
nécessaire qu'elle a initié a été également
une expérience riche d'enseignements.
III- PRESENTATION ET ANALYSE DES INFORMATIONS
RECUEILLIES
Pour mener ce travail d'évaluation, j'ai donc
tenté de définir une méthodologie alliant à la fois
des méthodes quantitatives et qualitatives (questionnaire aux
personnes), quantitatives (enquête auprès du
tribunal)79, qualitatives (suivis de processus en stage avec des
médiateurs) afin de tenter de cerner le plus précisément
possible la réalité de la durée des accords
réalisés en médiation.
Outre les limites déjà énoncées,
spécifiques pour chaque outil de prospection, il faut ajouter que les
réponses doivent être relativisées proportionnellement
à l'échelle d'un travail certes enthousiaste mais limité
à un seul enquêteur, quelques semaines de recherche, un champ
géographique étroit et un mémoire d'une soixantaine de
pages.
Cependant, les réponses concrètes
apportées peuvent être un point de départ de
réflexion, pour une future pratique et des échanges avec les
acteurs concernés, sur les conséquences des séparations
accompagnées d'une médiation familiale.
Autour de mon hypothèse et à partir des
résultats de la recherche, émergent trois idées-forces
: la réalité de la durée des accords de médiation,
la baisse des retours
79 Les résultats de l'enquête à la chambre de
la famille du TGI de Toulouse sur une centaine de dossiers sont
présentés dans leur intégralité en annexe n°3
(p.66).
contentieux devant les juges, et, au delà, un
bénéfice pour les personnes qui passent en médiation, qui
dépasse largement l'accord écrit.
A- La durabilité des accords
expérimentée par les médiés
L'observation participante en stage permet de confirmer
qu'effectivement, le médiateur familial met en place un accompagnement
soutenant, qui crée les conditions de durabilité de l'accord. Les
personnes arrivent avec une demande, en général précise,
qui est arrivée à un point d'impasse dans un conflit. Le travail
en médiation part de cette demande mais la solution ne pouvant
émerger des positions bloquées de chacune des parties, un long
processus est nécessaire pour aborder tous les champs liés au
conflit des personnes et permettre un changement.
Dans le questionnaire, à la question du nombre
d'entretiens nécessaires pour parvenir à un accord (question
6):
1à 3 entretiens : 0
4 à 7 entretiens : 6
Plus de 7 entretiens : 6.
Il est notable qu'au moins quatre entretiens sont
nécessaires pour parvenir à un accord. Les cas ou la
médiation s'étend au-delà de sept entretiens
représentent également la moitié des réponses. Cela
vient confirmer la nécessité pour un accord de s'inscrire dans le
temps, au long d'un processus complet. J'ai observé en stage que non
seulement, grâce à l'expression des parents en médiation,
leurs positions changeaient, mais qu'également, dans le temps hors
séances, des évolutions significatives avaient lieu.
Les personnes valident l'adéquation entre leurs choix
et le contenu des accords : A la question 7: Avez-vous eu le sentiment que
cet accord reflétait vos décisions et vos choix que vous avez
exprimés pendant la médiation?
Les personnes interrogées ont répondu :
Oui pour 8 d'entre elles
Plus ou moins : 2
Non : 2,
ce qui vient confirmer pour une nette majorité que ce qui
a été écrit a été pesé.
En stage, cette adhésion nécessaire est
vérifiée sans cesse. En reformulant, en amenant les
médiés à réfléchir sur les
conséquences de leurs engagements, le médiateur familial fait en
sorte que les accords écrits reflètent le plus fidèlement
possible les décisions des personnes.
Un médié indique en commentaire libre à
la fin du questionnaire que la médiation familiale «
nécessite la complète adhésion de la personne en
médiation et le professionnalisme du médiateur »
Les personnes reconnaissent s'appuyer sur leurs écrits,
qui règlementent leur nouvelle organisation familiale. A la question 8 :
Selon vous combien de temps cet accord a-t-il été valable
pour votre nouvelle organisation familiale?
9 personnes ont répondu : « jusqu'à
aujourd'hui » (après plus de 18 mois)
1 personne a indiqué une durée limitée
80:
2 personnes ont indiqué que les accords n'avaient pas
été respectés
Il est intéressant de relever que parmi les personnes
qui ont répondu «accords non respectés», l'une d'elle
indique en justification que « L'accord n'a pas été
signé par Monsieur.»
La question 9, qui est corollaire de cette question 8, apporte
des résultats logiques. Après la médiation, avez-vous
pu régler directement avec l'autre parent les aménagements qui
étaient nécessaires ?
Les personnes pour qui les accords sont encore valables
aujourd'hui ont répondu par l'affirmative, les 3 autres ont
répondu non pour 2 d'entre elles, « pas tout à fait »
pour la troisième. Q11F ajoute : «les accords qui ont
été formulés verbalement n'ont pas été
respectés par la suite. »
Le questionnaire a enfin permis d'adresser directement la
question aux personnes concernées : diriez-vous que la
rédaction d'accords écrits en médiation familiale a
été un gage de durée de ces accords dans le temps ?
(Question 15)
9 personnes ont répondu oui
2 personnes ont répondu non
1 personne n'a pas coché de réponse
80 Q10F : « 1 an » expliquant : mon mari
n'applique plus les accords qui ont été mis en place. Nous avons
divorcé avec les accords de médiation comme base du divorce
à l'amiable. Cela m'a beaucoup aidé. Lui a refusé de le
voir comme une aide. Aujourd'hui, il est dans le ressentiment et refuse le
dialogue, c'est pourquoi il m'a été impossible de l'obliger
à revenir en médiation. Nous passons par avocats
interposés et je le regrette. »
Q3F qui rappelle que les accords n'ont pas été
signés par Monsieur, ajoute : « le protocole est excellent et
sa mise en place a été très attentive, malheureusement, il
est fait avec des êtres humains et ces données n'ont jamais
été changées par un quelconque texte. »
Cette personne, par cette remarque pertinente, nous permet de
relativiser les résultats positifs en rappelant que les conditions
réunies pour favoriser la pérennité des accords ne
constituent certainement pas une garantie totale de leur application sur le
long terme.
On peut tout de même conclure que pour la
majorité de ces personnes qui ont suivi une médiation, l'outil
écrit a été étayant dans la suite de leurs
relations et a permis en général une entente durable sur les
décisions prises en médiation.
Au delà, pour les nouvelles décisions à
prendre, il apparaît que le fait d'avoir établi un accord
écrit permet aux parents de s'entendre puisqu'ils ont moins recours au
juge pour trancher.
B- La baisse des retours contentieux devant les
juges
La durabilité des accords est mise à
l'épreuve dans le cadre du possible recours à la justice,
dès que les parents séparés ou divorcés doivent
prendre de nouvelles décisions, dès qu'un nouveau conflit
apparaît.
Les magistrats rappellent régulièrement que les
affaires familiales sont souvent lourdes, complexes et que leurs
développements conflictuels encombrent le système judiciaire.
Nous avons vu que les retours pour une demande de modification après
divorce ou séparations sont évalués à plus de la
moitié des personnes.
Outre le surcoût financier direct lié à la
surcharge des tribunaux, les magistrats mettent l'accent sur les
conséquences non seulement pour les parties mais aussi et surtout pour
les enfants qui peuvent subir des traumatismes dans le conflit,
émaillé de procès, que se livrent parfois leurs
parents.
- Dans le questionnaire, à propos des retours devant le
juge:
8 personnes ne sont pas revenues devant le juge (Q12F
précise : « la médiation nous a permis de sortir d'un
conflit vieux de plus de 5 ans, avec 4
passages devant le juge »)
3 personnes sont revenues (1 fois pour un désaccord
lié à l'accueil des
enfants pour 2 d'entre eux et à un désaccord
financier pour 1 personne)
1 personne indique être revenue plusieurs fois devant le
juge (Q3F, dont les accords n'avaient pas été signés par
Monsieur. Ces procès ont des raisons financières).
Ceci est une première indication que
l'établissement d'accords permet de limiter les retours contentieux.
- Dans l'enquête à la chambre de la famille de
Toulouse :
Les résultats de l'enquête ont permis
d'établir que, sur les 99 dossiers (terminés, envoyés en
médiation en 2006), 15 seulement sont revenus en contentieux
après jugement (l'enquête a été faite nominativement
sur les 196 personnes concernées, et s'est terminée le 3
décembre 2008).
Les résultats paraissent valables au niveau des
délais car les derniers jugements sélectionnés ont
été rendus début mi-2007 soit près de 18 mois avant
l'enquête, les délais habituels des recours étant bien
souvent inférieurs).
Parmi ces 99 dossiers, étudiés, 15 avaient fait
l'objet d'une homologation des accords de médiation. Après
l'homologation de leurs accords, 2 dossiers seulement sont revenus en recours
contentieux.
Ces taux de retours contentieux sont effectivement très
faibles; il aurait été intéressant mais malheureusement
impossible en pratique de les comparer à un échantillon
équivalent, qui n'aurait pas été envoyé en
médiation.
A défaut, on se réfèrera à la
pratique des magistrats qui indiquent qu'une majorité de personnes
reviennent à nouveau devant le juge après un divorce ou une
séparation pour régler un différend lié à
cette séparation, ainsi qu'aux chiffres publiés par le
ministère de la justice (Cf. note n°46).
Malgré des chiffres des résultats de
l'enquête qui s'applique à une trop petite échelle pour
dégager des généralités, on peut en conclure que
nous avons une indication concordante permettant de valider le fait que la
mesure de médiation entraîne des effets limitant les recours
contentieux post divorce ou séparation.
Bien entendu, cette limitation sous-entend que les parents ont
désormais la possibilité de prendre, autrement qu'en saisissant
le juge, les décisions qui les concernent eux et leurs enfants.
Conclusion : Au delà des accord
écrits...
1- Rappel de la démarche
La recherche de ce mémoire a été
initiée par un questionnement sur l'observation faite en stage que les
parents, parvenus en fin de médiation à la rédaction
d'accords, pensent que ces accords vont durer dans le temps.
Je me suis donc interrogée à la fois sur ce qui
conditionne cette croyance et également à sa
réalité : la rédactions d'accords écrits est-elle
effectivement un gage de durée de ces accords ? J'ai émis
l'hypothèse que c'était le cadre contenant de la médiation
et la posture de tiers du médiateur familial qui permettaient aux
accords rédigés par les parents d'être respectés
dans le temps.
Pour les raisons exposées dans ce mémoire, j'ai
concentré ma recherche sur des parents engagés dans des
médiations ordonnées par les Juges aux Affaires Familiales.
Les moyens mis en oeuvre pour évaluer la
durabilité des accords et ses conditions ont été :
· L'observation participante, qui a permis
d'appréhender le travail du médiateur
· L'enquête dans un tribunal de Grande Instance pour
la mesure des retours contentieux après divorce ou séparation
· Le questionnaire à des parents
médiés afin de les entendre sur les suites de leur
médiation ponctuée par des accords écrits.
La recherche, dans les limites exprimées, a
validé l'hypothèse selon laquelle, avec l'étayage du
médiateur familial, la rédaction d'accords écrits est un
gage de durée de ces accords dans le temps :
> Près de 2 ans après un jugement
d'homologation de leurs accords, seulement 2 personnes sur 15 dossiers (sur 30
personnes) reviennent en demande contentieuse devant le Juge aux affaires
Familiales (enquête chambre de la famille).
> Sur 12 personnes ayant conclu des accords écrits
au terme d'une médiation, 8 à 9 personnes ont répondu que
l'accord écrit reflétait leurs choix en médiation, que
leur accord était encore valable aujourd'hui, qu'ils avaient pu
régler avec l'autre parent les nouveaux
aménagements nécessaires, qu'ils n'étaient pas
retournés devant le juge (questionnaire).
Pour les acteurs de la médiation, les accords
écrits semblent donc utiles et favorisent l'application des
décisions que les parents ont prises ensemble.
L'accord de médiation peut être donc un outil
efficace qui se place au service des personnes quand il est le reflet du
processus et qu'elles y ont pleinement adhéré.
2- Nouveaux apports
Ma recherche m'a permis d'élargir aujourd'hui mon
propos:
En effet, dans l'enquête à la chambre de la famille
de Toulouse, une première exploration sur informatique amenait les
résultats suivants :
Jugements rendus sur 99 dossiers terminés envoyés
en médiation en 2006 : . accords homologués : 15
. fait droit au demandeur : 27
. fait droit à une partie des demandes : 29
. débouté et autres : 18
Perplexe en découvrant seulement 15 accords
homologués sur 99 envois en médiation, j'ai investigué
dans les dossiers des archives du tribunal pour tenter de découvrir la
réalité des autres jugements.
J'ai eu accès à une trentaine de dossiers que j'ai
pu étudier et pour lesquels :
. La médiation n'a pas pu être mise en place =>
5
. Confusion avec envois en visites médiatisées
=> 2
. Médiation interrompue et le juge a dû trancher
=> 1081
. Médiations ayant abouti à des accords repris par
le juge => 13
Dont : accords homologués et joints au jugement : 6
Accords partiels homologués annexés au jugement :
3
Accords oraux des parents repris dans le jugement par le
magistrat : 4
Si l'on exclut les envois en médiations à la
suite desquels il n'y a même pas eu un premier entretien (car un des
parent ou les deux ont refusé de se rendre en
81 Sur ces dix médiations, le dossier fait état de
2 enquêtes sociales parallèles + 1 situation de violences
conjugales + 1 dépression : contre-indications formelles à la
médiation.
médiation) et l'envoi en visites
médiatisées qui n'est pas un envoi en médiation, on
constate que pour 23 envois en médiation :
· 10 ont « échoué 82»
puisque le juge a dû trancher sur tous les aspects de leur litige.
· 13 ont « réussi »puisque des accords,
même partiels, pris entre les parents, ont été pris en
compte par le juge.
Recherche dans dossiers papier archivés (hors
dossiers accords homologués) - Total 30 dossiers
confusion avec vistes médiation n'a pas pu juge a
tranché juge a pris en compte les
médiatisées démarrer accords
Sur 30 dossiers, on constate donc qu'une majorité de
dossiers qui indiquaient dans la première étape de la recherche
« fait droit au demandeur » ou « fait droit à une partie
des demande» sont en réalité des accords retenus par le
juge.
En extrapolant prudemment, on peut conclure que près
de la moitié des dossiers envoyés en médiation, qui ne se
sont pas conclus dans le jugement par la mention « accords
homologués », représentent une réalité
d'accords soit complets, soit partiels, soit oraux et repris par le magistrat
dans son jugement.
Cela vient confirmer l'intuition de magistrats
rencontrés en entretiens qui pensent que la médiation
amène les parents à se responsabiliser et à prendre
ensemble, au moins en partie, les décisions qui les concernent.
Selon les magistrats rencontrés, le décalage
remarqué entre les 15 accords homologués et la
réalité d'une majorité d'accords dans les dossiers
s'explique par le
82 Les termes d'« échec » et de «
réussite » de la médiation que j'ai repris ici sont ceux
utilisés par un magistrat de la chambre de la famille de Toulouse
rencontré en entretien
fait que l'accord, pour pouvoir être homologué,
doit être écrit et complet, respecter la légalité et
l'équilibre des parties.
Les juges n'homologuent pas les accords incomplets ou oraux
qui leur font « perdre beaucoup de temps » puisqu'ils doivent revoir
avec les parties tous les aspects de la séparation point par point. (Un
juge aux affaires familiales me dit en entretien : »Je ne peux pas
homologuer des accords incomplets et qui ne reprennent pas très
précisément les modalités d'accueil des enfants ou le
montant exact de la pension. Je suis en demande d'accords aboutis. D'ailleurs,
quand des parents qui ont besoin de changer quelque chose se sont mis d'accord
une première fois, je leur demande de refaire des accords entre eux et
de me les soumettre pour homologation s'ils le souhaitent. »)
Dans le questionnaire, certaines remarques viennent renforcer
l'idée qu'avec ou sans accord écrit, le passage en
médiation contribue à l'apaisement et à la
responsabilisation des personnes.
A la question 13 : êtes-vous convaincu(e) que la
médiation vous a été utile ?
11 personnes répondent par l'affirmative même
deux d'entre elles qui n'ont pas pu mettre en place les accords. Elles
indiquent que la médiation a été un soutien moral pour
elles (Q11F et Q9F) :
QF11, pour qui les accords n'ont pas pu durer dans le temps,
écrit par exemple : « il m'a été cependant
très utile d'un point de vue moral de parler devant une personne
neutre». Q9F fait ce commentaire : « Très difficile
comme expérience mais nécessaire et utile ».
Une seule personne (Q10F) répond par la
négative à la question sur l'utilité de la
médiation, tout en indiquant en fin de questionnaire : « Il y a
des lois contre le vol, le meurtre et différents excès, ça
n'empêche pas certains de les commettre. Heureusement, ce n'est pas une
raison suffisante pour se décourager. Continuez ! Vous êtes dans
le vrai ! »
3- Perspectives pour une future pratique
Les accords écrits sont à la fois le point
final symbolique de la médiation et le contrat de départ de la
nouvelle relation. Leur importance m'apparaît clairement dans une future
pratique professionnelle où je devrai mettre en place les
éléments repérés favorables à leur
pérennité.
Cependant, la recherche permet d'établir que,
au-delà des accords écrits, c'est plus largement le passage en
médiation qui a été utile aux parents. Ceci est plus
particulièrement révélé par l'enquête
à la chambre de la famille où l'on s'aperçoit que des
jugements présentés sous une forme « classique »
recouvrent une réalité importante d'accords entre les personnes :
dans de nombreuses situations où la médiation a été
interrompue sans que des accords écrits n'aient pu être mis en
place, sont nés des accords partiels, parfois incomplets ou oraux mais
toujours pris en compte par le juge.
Au delà de la médiation et de la
rédaction d'accords cette recherche me permet de repérer qu'en
réalité, la durée de la médiation s'étend
bien au-delà du temps du processus lui-même.
Ce qu'initie cette pratique déborde le cadre des
entretiens de la médiation. Le temps entre les entretiens, le temps qui
suit la médiation, qu'elle ait abouti ou pas, sont ferments de
changement qui mettent en marche une évolution positive sur le long
terme. Le médiateur familial est alors réellement et simplement
le « passeur » entre un présent souvent chaotique, et le futur
d'espérance, porteur de sens dont parlait Claude
Lienhard83.
Cette posture implique un souci dans mon futur exercice
professionnel de prendre en compte les acteurs de la médiation bien
au-delà du cadre des entretiens de médiation. Le dialogue avec
les magistrats m'apparaît indispensable. L'information des personnes sur
la médiation familiale, sans militantisme manichéen, est utile
car encore trop déficiente aujourd'hui. La relation avec d'autres
professionnels doit être activée, en
complémentarité, pour saisir tous les aspects de la
problématique des personnes.
Egalement, l'interruption prématurée d'une
médiation, si elle pousse à s'interroger et à se remettre
en question, doit être respectée à la fois parce qu'elle
peut être un signe que les parents ne sont pas prêts à
dialoguer mais aussi parce que le fait de la rencontre qui a eu lieu a pu
amener des données nouvelles.
83 Cité en introduction
Cette vision apporte une double prise de conscience :
> Qu'une indispensable relativisation de l'influence de la
médiation s'impose :
Le travail en médiation n'est qu'un passage, un
étayage proposé à un moment difficile, une étape
dans le long processus que les personnes ont engagé au moment où
ils ont décidé de se séparer, et ses effets profonds,
personnels et collatéraux, restent presque impossibles à
mesurer.
> Que les efforts consentis :
- par les parents en conflit pour se rencontrer, pour
échanger, pour élaborer ensemble, parfois jusqu'à la
concrétisation d'accords écrits,
- par le médiateur pour maintenir un cadre
sécurisant, pour rester à sa place de tiers, pour accompagner
sans prendre le pouvoir sur les décisions,
- par le magistrat pour accepter de ne pas savoir ce qui se passe
au coeur de la médiation, pour favoriser la responsabilisation des
personnes,
donnent à la médiation ses lettres de noblesse et
l'inscrivent dans le difficile changement en cours de notre
société toute entière84.
84 Jacques FAGET : « Considérer que
chacun est en mesure de devenir son propre législateur représente
naturellement une subjectivisation de la norme et constitue une entorse au
modèle jupitérien d'une loi toutepuissante fondée sur la
Raison. (Revue Empan n°72, février 2009)
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
· BELLUCI Marie-Hélène, DEMF -
Vuibert 2008
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médiation familiale - Eres édition 2006
· DAHAN Jocelyne, La médiation familiale -
Magnard, coll. Essentialis, 1998
· DAHAN Jocelyne, Se séparer sans se
déchirer - Laffont 2001
· DENIS Claire, La médiatrice et le conflit dans
la famille - Eres 2001
· GOODY Jacques, La raison graphique, domestication de
la pensée sauvage - Editions de Minuit 1979
· GOTMAN A. et BLANCHET.A, L'Enquête et ses
méthodes »- Editions Armand Colin 2007
· HIGOUNET Charles, L'Ecriture, Que sais-je,
1955
· LEVESQUE Justin, Méthodologie de la
Médiation Familiale- Erès 1998
· MARTIN Henri Jean; Histoire et pouvoirs de
l'écrit, Albin Michel 1996
· QUIVY Raymond et VAN CAMPENHOUDT Luc, Manuel de
recherches en sciences sociales- Dunod 2006
· SINGLY (de) François, Sociologie de la famille
contemporaine- Nathan 1996
· SINGLY (de) François, le soi, le couple et la
famille - Armand Colin 2005
· SIX Jean François, Le temps des
médiateurs - Seuil, 1990
· THERY Irène, Le démariage - Odile
Jacob 1993
· WINNICOTT Donald, Processus de maturation chez
l'enfant - développement affectif et environnement, Payot, 1970
Articles
· ABENSOUR Liliane, L'écriture du moi -
Artéfact n°9 1997
· BONNOURE-AUFIERE Pierrette, L'écrit des accords en
médiation familiale : de l'intention à l'action - AJ Famille
2003
· DAHAN Jocelyne Dir. Introduction au dossier
médiation familiale et lien social revue Empan n°72 février
2009
· DAVID-JOUGNEAU Maryvonne, La communication familiale
au moment de la rupture : de la logique de procédure à la logique
de médiation - revue Dialogue n143 1999
· GANANCIA Danièle, Vademecum du Juge aux affaires
Familiales- publication du GEMME, mai 2005
· GARAT Séverine, Les écrits en
médiation familiale, pour qui ?comment ?quels effets ?- revue Empan
n°72 février 2009
· GIROD Alain, Réflexions sur la médiation
familiale - revue Le Médiateur Familial (FENAMEF), n°61
décembre 2008
· GRECHEZ Jean, Enjeux et limites de la médiation
familiale - revue Dialogue 170- 2005
· GUILLAUME-HOFNUNG Michèle, Le concept de
médiation et l'urgence théorique - les cahiers du Cremoc 2001
· JUSTON Marc, La médiation dans le contentieux
familial : un changement de culture judiciaire - publication du GEMME
décembre 2005
· MORHAIN, Sylvie et Yves Psychologie de la
médiation familiale et confiance - bulletin de psychologie, tome XLIX
N°426, 1996
Thèses et travaux de recherche
· BENOITON Laurent, La médiation familiale, DEA
Théorie juridique, Aix-Marseille III 2001-2002
· CEVAER-JOURDAIN Marguerite, La médiation familiale
- thèse doctorat en droit 2000
· LE SAMEDI Catherine, Lecture d'archive, reflet des
identités, le projet d'entente de médiation familiale -
Mémoire de recherche DHEPS Paris III, 1997
TABLE DES ANNEXES
· Annexe n1 : questionnaire
· Annexe n°2 : résultats chiffrés du
questionnaire
· Annexe n°3 : Recherche sur les mesures de
médiatio n à la chambre de la famille de Toulouse
TABLE DES MATIERES
Introduction p.1
I- Champs théoriques autour de la
médiation et des accords écrits p.3
A- Concepts et contextes p.3
1- La médiation familiale, contextes d'émergence
p.3
a) Sociétal
b) Juridique
c) Psychologique
2- Approche du concept d'accords de médiation
p.10
a) Que sont-ils ?
b) Décor historique et sociologique
B- Les acteurs concernés par l'écrit de
médiation p.13
1- Les médiés p.14
a) Qui vient en médiation?
b) Besoins psychologiques par rapport à ces
écrits
2- Le médiateur familial p.18
a) Posture de tiers
b) Principes déontologiques
3- Les autres acteurs de la médiation: juges et avocats
p.23
C- Le processus où naissent les accords
écrits p.26
1- Le temps, allié du processus
p.27
2- Le cadre : Comment le Médiateur est garant de la
sécurité du processus p.28
a) Le sens du cadre
b) Les limites posées par le cadre
3- Les phases du processus p.30
a) Verbalisation de la demande
b) Élaboration de la demande
c) Phase charnière
d) Protocole d'accord
D- La « valeur » des accords de
médiation p.34
3- La valeur juridique des accords
p.35
4- Comment la médiation rend les accords durables
p.37
II- Méthodologie de la recherche
p.39
A- Exploration p.40
1- formation
2- Stages
3- Personnes ressources
B- Enquête à la chambre de la famille de
Toulouse p.42
1-Pour quoi
2- Pour qui
3- Comment
4- Limites
C- Questionnaire p.45
1-Pour quoi
2- Pour qui
3- Comment
4- Limites
D- Observation participante p.47
1-Pour quoi
2- Pour qui
3- Comment
4- Limites
III- Présentation et Analyse des informations
recueillies p.49
A- Sur la durabilité des accords
expérimentée par les médiés
p.50
B- Sur la baisse des retours contentieux devant les
juges p.52
Conclusion : Au-delà des accords
écrits... p.54
1- Rappel de la démarche
2- Nouveaux apports
3- Perspectives pour une future pratique
Bibliographie p.60
Table des annexes p.61
Annexe ni Questionnaire p.64
Annexe n°2 Résultats chiffrés du questionnaire
p.65
Annexe n°3 Recherche sur les mesures de médiation
à la chambre de la famille de Toulouse
p.66
Annexe n°1 : QUESTIONNAIRE ADRESSE
AUX MEDIES
Annexe n°2 : RESULTATS
|
CHIFFRES DU QUESTIONNAIRE
|
|
·
|
Question 1 :
|
2006 : 5 2007 : 7
|
|
·
|
Question 2 :
|
Hommes : 5 Femmes : 7
|
|
·
|
Question 3 :
|
Union libre : 5 Pacsés : 0
|
Mariés : 7
|
·
|
Questions 4 et 5 :
|
Conflit lié à l'accueil des enfants :
|
8
|
|
|
Conflit lié à un désaccord financier :
|
1
|
|
|
Les deux :
|
3
|
· Question 6 : 1à 3 entretiens :
0
4 à 7 entretiens : 6
Plus de 7 entretiens : 6
· Question 7 : oui : 8
non : 2
plus ou moins (case rajoutée manuscritement par les
répondants) : 2
· Question 8 : encore aujourd'hui : 9
pendant un an : 1
accords n'ont pas été signé : 1
accords non respectés : 1
· Question 9 : oui : 9
oui, pas tout à fait : 1 (mention manuscrite)
non : 2
· Question 10 et 11 :
oui 1 fois : 3
(2 désaccords sur accueil enfants et1 désaccord
financier)
Oui, plusieurs fois : 1
Non : 8
· Question 12 : oui : 0
non : 12
· Question 13 : oui : 11
non : 1
· Question 14 : oui : 9
non : 3
· Question 15 : oui : 9
non : 2 pas de réponse : 1
Annexe n°3 : RECHERCHE SUR LES
MESURES DE MEDIATION
A LA CHAMBRE DE LA FAMILLE DE TOULOUSE MC DESPAX
Mémoire de formation au DEMF
A - 1ère étape : sélection des
dossiers envoyés en médiation
- Evolution des mesures de médiation entre
2003 et 2008
Mesures de médiation ordonnées à la
chambre de la famille de Toulouse depuis l'année 2003.
180 160 140 120 100 80 60 40 20
0
2003 2004 2005 2006 2007 2008
Mesures de Médiations
Les chiffres de l'année 2008 sont
arrêtés au 3 décembre, date de la fin de l'enquête.
La médiation est inscrite dans la loi depuis 1995.
Cependant elle n'est entrée dans les pratiques judiciaires en
matière familiale qu'à partir de la loi du 4 mars 2002 relative
à l'autorité parentale.
Pour la première fois, la loi donne la
possibilité au magistrat à la fois d'enjoindre les personnes pour
un entretien d'information et de leur proposer une médiation familiale :
il doit recueillir leur accord et nommer le médiateur.
En 2004 (26 mai), la loi sur la réforme du divorce vise
à encourager les parents à créer une organisation «
post séparation. C'est cette loi qui va confirmer l'inscription de la
médiation familiale au coeur de la procédure et rendre officiel
son exercice. Chiffres nationaux : en 2004, 2 683 mesures judiciaires
ont été confiées à des associations, et en 2006, 4
234 ; soit une augmentation de près de 58 %.
95 % de ces mesures sont prescrites par les juges aux
affaires familiales. Les demandes directes des particuliers connaissent une
progression moindre : 2 943 médiations ont été
menées à la demande des familles en 2004, pour 3 300 en 2006
(source : site de l'Assemblée Nationale ; Questions
au gouvernement).
1- A qui le magistrat propose t'il la
médiation ?
Sur l'année 2006 : 106 mesures de médiation.
99 dossiers terminés sur lesquels porte l'enquête
(+ 7 dossiers encore en cours au 3 décembre 2008, non
évaluables).
Après divorce
|
23
|
Non mariés
|
74
|
Grands-parents
|
2
|
|
Près des 3/4 des personnes qui se voient proposer par le
JAF une mesure de médiation sont non mariées.
Cela se retrouve sur un plan général puisque
dans le nombre total d'affaires soumises au JAF au niveau national,
près des 3/4 des demandes liées à l'exercice de
l'autorité parentale, à la résidence des enfants et au
droit de visite concernent
effectivement des personnes non mariées (source :
annuaire statistique de la justice 2007 ; chiffres de l'année 2005 :
environ 29 000 demandes pour les personnes divorcées et 76 000 pour les
personnes non mariées.)
Comment interpréter cela ? On peut émettre
l'hypothèse qu'un grand nombre de personnes divorcées ont
déjà eu la possibilité de régler ces questions
entre eux, grâce au travail avec leur avocat et parfois parce qu'ils ont
établi une convention entre eux en optant pour le divorce par
consentement mutuel.
Les personnes qui, n'ayant pas été
mariées n'ont pas à divorcer quand elles se séparent,
n'ont peut être pas pu dire, parler et organiser l'ensemble des
conséquences de la séparation.
2- Les demandes
Les demandeurs sont les personnes qui saisissent le juge aux
affaires familiales.
a) Femmes et hommes
Les demandeurs sont répartis ainsi : Femmes
: 54 (dont 2 grands-mères) Hommes : 45 (dont 1
grand-père)
Ce chiffre est à comparer avec celui de l'ensemble des
demandes contentieux introduites vers le JAF.
Si, dans des demandes de divorces, les femmes sont à
l'origine de plus de 75% des requêtes (Source « annuaire
statistique de la justice » 2007), il semble que le ratio soit plus
équilibré dans le procédures contentieuses après
divorce et séparation.
b) Contenu des demandes
· Les demandes portent principalement sur une demande
« classique » liée à l'exercice de l'autorité
parentale, droit d'hébergement et droit de visite 61
· Secondairement, sur la fixation ou la modification de la
contribution alimentaire pour les enfants : contentieux financier 20
- Enfin, d'autres demandes :
Requalification divorce (passerelles vers demande
acceptée,
consentement mutuel, faute) 8
Effectivement sur un plan plus général, les
questions relevant de l'autorité parentale, de résidence
d'enfants et de droit de visite soumises au JAF sont beaucoup importantes : de
108 581 demandes en 2005 contre 51 542 demandes liées au contentieux
financier (source annuaire statistique de la justice 2007).
On retrouve à l'échelle nationale pratiquement
la même répartition des demandes
que pour nos dossiers envoyés en médiation
Répartition des demandes chambre famille Toulouse
Contentieux financier
Autorité parentale, Residence enfants
Autres
Répartition des demandes soumises au JAF en France
en 2005
51542
14692
108581
autorité parentale, résidence
enfants contentieux
financier
autres (hors divorce )
3- Les jugements
a) Les jugements rendus sur une demande concernant l'exercice
de l'autorité parentale le droit d'hébergement et le droit de
visite (total 61) se répartissent ainsi :
|
accords homologués
|
|
Fait droit à la demande
|
|
Fait droit à 1 partie des demandes
|
|
Envoi en médiation
|
|
Débouté
|
|
Accords homologués 11
Fait droit aux demandes 19
Fait droit à une partie des demandes 22
Envoi en médiation 3
Débouté 6
Demandes autour de l'autorité parentale, la
résidence des enfants, le droit de visite
b) Les jugements rendus sur une demande de révision ou
fixation de la pension alimentaire des enfants (total 20) se
répartissent ainsi :
|
Accords homologués Fait droit à la demande
Fait droit une partie des demandes envoi en médiation
|
|
Accords homologués 4
Fait droit aux demandes 8
Fait droit à une partie des demandes 7
Envoi en médiation 1
Débouté 0
Demandes autour de la fixation ou de la modification
de la pension alimentaire
4- Les accords homologués :
L'objet de notre étude : les accords de
médiation, qui sont homologués par le Juge au affaires
Familiales, sont donc au nombre de 15 sur 99 dossiers clôturés
envoyés en médiation en 2006 (soit près de 15%).
Le ratio paraît faible. Magistrats, médiateurs
et observateurs en général soutiennent en effet que les 2/3 des
mesures de médiation ordonnées débouchent sur des accords
entre les parties. Il conviendra donc de vérifier dans les archives
papier si la mention sur dossier informatique : « Fait droit aux demandes
», recouvre une réalité d'accords de médiation
réalisés par les parties ou pas.
B- 2ème étape : recherche des dossiers
« papiers » aux archives
Cette étape a présenté un certain nombre
d'obstacles pratiques dont le fait que les dossiers sont archivés dans
des lieux différents en fonction des cabinets des juges qui les ont
traités et sont parfois inaccessibles (la chambre de la famille de
Toulouse doit par ailleurs déménager très prochainement
dans de nouveaux locaux). Apparaissant irréalisable de faire une
recherche exhaustive sur les 84 dossiers restants (99 dossiers moins les 15
conclus avec homologation d'accords), ce que j'ai beaucoup regretté,
j'ai choisi d'en prendre au hasard une trentaine parmi les dossiers accessibles
de ma recherche, qui me permettraient d'avoir des renseignements sur le contenu
des jugements.
Résultats
Nombre dossiers étudiés : 30 (choisis au hasard
parmi les 84 dossiers envoyés en 2006 en médiation, dont le
jugement n'a pas été l'homologation des accords).
- La médiation n'a pas pu être mise en place =>
5
- Confusion avec visites médiatisées => 2
- Médiation interrompue et le juge a dû trancher
=> 10 (Sur ces dix médiations, le dossier fait état de 2
enquêtes sociales parallèles + 1 situation de violences
conjugales + 1 dépression : contre-indications formelles
à la médiation).
- Médiations ayant abouti à des accords repris par
le juge => 13
Dont :
o Accords homologués et joints au jugement : 6
o Accords partiels homologués annexés au
jugement : 3 (les accords partiels étaient réalisés sur
les modalités d'accueil ; le magistrat a tranché sur le
contentieux financier
o Accords oraux des parents repris dans le jugement par le
magistrat : 4
Conclusion : si on exclut les envois en
médiations à la suite desquels il n'y a même pas eu un
premier entretien (car un des parent ou les deux ont refusé de se rendre
en médiation) et l'envoi en visites médiatisées qui n'est
pas un envoi en médiation, on constate que pour 23 envois en
médiation :
· 10 ont « échoué » puisque le juge
a dû trancher sur tous les aspects de leur litige.
· 13 ont « réussi »puisque des accords,
même partiels, pris entre les parents, ont été pris en
compte par le juge.
14
12
10
4
8
6
2
0
confusion avec vistes médiatisées
Recherche dans dossiers papier archivés (hors
dossiers accords homologués) - Total 30 dossiers
médiation n'a pas pu démarrer
juge a tranché juge a pris en compte les
accords
Sur 30 dossiers, on constate donc qu'une majorité de
dossiers qui indiquaient dans la première étape de la recherche
« fait droit aux demandes » ou « fait droit à une demande
des parties » sont en réalité des accords retenus par le
juge.
En extrapolant prudemment, on peut conclure qu'un peu plus de
la moitié des dossiers envoyés en médiation, qui ne se
sont pas conclus dans le jugement par la mention « accords
homologués », représentent une réalité
d'accords soit complets, soit partiels, soit oraux et repris par le magistrat
dans son jugement.
Cela vient confirmer l'intuition des magistrats qui pensent
que la médiation amène les parents à se responsabiliser et
à prendre ensemble, au moins en partie, les décisions qui les
concernent
Propos explicatifs Jaf Toulouse /notes
Selon les magistrats rencontrés, l'accord, pour
pouvoir être homologué, doit être écrit et complet,
respecter la légalité et l'équilibre des parties. Les
juges stigmatisent les accords incomplets ou oraux qui leur font « perdre
beaucoup de temps » puisqu'ils doivent revoir avec les parties tous les
aspects de la séparation point par point.
En effet, le juge ne peut pas homologuer des accords
incomplets et qui ne reprennent pas très précisément les
modalités d'accueil des enfants ou le montant exact de la pension par
exemple.
(C'est ainsi que pour tout changement ultérieur,
une magistrate m'indique qu'elle demande aux parents qui se sont mis d'accord
une première fois, de refaire des accords entre eux et de les soumettre
à son homologation s'ils le souhaitent.)
C- 3ème étape : mesure des
retours contentieux des personnes envoyées en
médiation
Afin d'évaluer la quantité de retours
contentieux effectués par les personnes après le jugement rendu
postérieurement à un envoi en médiation, il a fallu
prendre les noms de chacune des 188 personnes concernées (99 dossiers)
et faire une recherche informatique individuelle.
Sélection des critères sur le logiciel Winci
: Recherche- Personnes physiques- Tous cabinets concernés- type
d'affaire : JAF contentieux- prénom + nom de la personne (qui
avaient été relevés lors de la 1ère
étape de la recherche).
Les résultats paraissent valables au niveau des
délais car les derniers jugements sélectionnés ont
été rendus début mi-2007 soit près de 18 mois avant
l'enquête (une recherche antérieure est difficile du fait du
caractère récent de la médiation familiale dans les
pratiques judiciaires) .
Sur les 99 dossiers (envoyés en médiation en
2006), 15 sont revenus en contentieux après jugement essentiellement
pour des litiges liés aux modalités d'accueil des enfants.
Nota : Certains ex-conjoints ont fait plusieurs
démarches contentieux postérieures
Observations :
· On est frappé d'entrée par la faiblesse
du volume de retours contentieux après jugement de ces personnes
envoyées en médiation (15 dossiers sur 99).
· Encore une fois, on remarque qu'une grande
majorité du contentieux est lié aux modalités d'accueil
des enfants
· Parmi les personnes qui ont fait homologuer leurs
accords de médiation, (rappel : 15 accords officiellement
homologués sur les 99 dossiers) : 2 sont revenus en recours
contentieux.
· Les retours contentieux sont réalisés
indifféremment par l'une ou l'autre des personnes en conflit (demandeur
ou défendeur) ; on constate que pour la majorité des personnes
qui retournent devant le juge, des contentieux antérieurs existaient
(des « habitués ?).
Par contre beaucoup d'autres personnes (près de la
moitié), qui avaient eu également plusieurs contentieux
antérieurs, ne sont plus revenus devant le JAF
(M X et Mme Y. par exemple, qui avaient fait 6 actions
contentieuses avant d'être envoyés en médiation).
DESPAX MARIE-CAROLINE
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FORMATION PREPARATOIRE AU DIPLOME D'ETAT DE MEDIATEUR
FAMILIAL
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PROMOTION 2007- 2009
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LES ECRITS DE MEDIATION, CONSTRUCTION ET
DEVENIR
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RESUME
Des accords écrits entre des parents séparés
et en conflit, viennent souvent, au terme d'un long processus, ponctuer la fin
de la médiation.
Qu'attendent les médiateurs, les magistrats et surtout les
parents de ces accords ? Comment les accords écrits se construisent-ils,
pas à pas, tout au long du travail en médiation ? Cette
construction prépare t'elle dans la réalité leur devenir
durable ?
Ce travail de recherche, s'appuyant sur des enquêtes
dans une chambre de la famille, auprès de parents médiés
et sur l'observation du travail des médiateurs familiaux en stage, va
tenter de répondre à ces questions, en partant de
l'hypothèse que c'est la construction des accords qui permet leur
devenir.
Ainsi, c'est le temps, le rétablissement du dialogue,
la position de tiers du médiateur familial, le cadre contenant et
rassurant de la médiation, qui permet aux parents de retrouver confiance
en eux et entre eux et de penser que leurs accords, reflet du processus, vont
durer.
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MOTS-CLEFS
Accords de médiation ; Processus ; Construction et
devenir ; Position de tiers du médiateur ; Reflet du processus ;
Confiance ; Durée
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