REMERCIEMENTS
Je remercie M. Guillot pour avoir accepté
de diriger ce
travail et pour ces conseils qui m'ont beaucoup
apporté.
Faculté de droit, de sciences économiques
et de gestion de ROUEN
Année Universitaire 2007-2008
Mémoire de recherche
Master
1 « D.I.E »
THEME
LA LIBERTE D'EXPRESSION FACE A LA
RELIGION : ANALYSE DE LA JURISPRUDENCE DE LA COUR EUROPEENNE DES DROITS DE
L'HOMME
Farida KORA
Mémoire
préparé sous la direction de :
M. Philippe GUILLOT, MCF à l'Université
de ROUEN
SOMMAIRE
Introduction
Première partie : la liberté d'expression
dans ses relations avec la religion.
Chapitre I: Une transposition restrictive de la
jurisprudence relative à la morale.
Chapitre II : Le privilège des sentiments
religieux.
Deuxième partie : Une jurisprudence
défavorable à l'exercice équitable des deux
libertés.
Chapitre : Une évolution jurisprudentielle
timide.
Chapitre : Les dérives d'une approche
clémente.
Conclusion
Principales abréviations.
R.U. D.H : Revue Universelle des droits de l'homme.
Rev. trim. d. h. : Revue trimestrielle des droits
l'homme.
CEDH : Convention européenne des droits de
l'homme.
Cour eur. d. h. : Cour européenne des droits de
l'homme.
RFDA : Revue Française de Droit Administratif.
R .D.I. Revue de droit international.
Rev. ULB : Revue de l'Université Libre de
Bruxelles.
J.D.I : (Le Clunet) Journal du droit international.
INTRODUCTION
Les manifestations d'intolérance et les actes de
censure et d'autocensure se sont multipliés en Occident au nom du
respect des sensibilités religieuses. «Plusieurs
événements récents montrent la grande
susceptibilité de certains à l'égard du religieux. Il y a
bien sûr l'affaire des caricatures de Mahomet, qui a débuté
(...) avec la publication dans un journal danois de dessins représentant
le Prophète et qui a pris une ampleur immense dans tout le monde
arabo-musulman. Et puis, à l'automne dernier, il y a eu coup sur coup la
déprogrammation d'un opéra de Mozart à Berlin
(Idoménée), parce qu'une scène montrait les
têtes décapitées de Mahomet mais aussi de Jésus et
de Bouddha, et les menaces de mort contre Robert Redeker, un professeur de
philosophie français qui avait publié dans Le Figaro un
article particulièrement virulent à l'égard de l'islam.
Dans ces trois cas, il s'agit de réactions venant de musulmans ou
d'anticipation d'éventuelles réactions de musulmans. Mais, bien
entendu, les extrémistes musulmans ne sont pas les seuls à se
dire offensés. Dans d'autres cas, comme la tentative d'interdiction
d'une affiche représentant la Cène ou un concert de Madonna, ce
sont des catholiques qui se disaient choqués » constate
Isabelle Lauze, rédactrice en chef adjointe à Courrier
international, qui répondait aux questions des internautes le 5
janvier 2007. Autant d'exemples qui attestent de la difficile conciliation
entre la liberté d'expression et la liberté de religion. Cette
confrontation entre ces droits et libertés antinomiques prend une
tonalité particulière car, non seulement, le droit au respect des
croyances exprime la transcendance de la personne humaine mais aussi ce sont
tous deux des droits fondamentaux qui ont une forte assise internationale. La
crise internationale provoquée par l'affaire des caricatures de Mahomet
a relancé le débat sur les limites de la liberté
d'expression au nom des sentiments religieux. Les nations européennes
hésitent entre la protection de la liberté d'expression et le
souci de ne pas blesser autrui. Toute société démocratique
suppose que personne ne soit inquiété pour ses opinions
personnelles, majoritaires, minoritaires ou pour toute manifestation de sa
liberté d'expression. Mais, la liberté d'expression doit- elle
être utilisée comme le droit d'offenser les sentiments religieux
d'autrui ? La liberté d'expression, cela ne veut pas dire autoriser
n'importe qui à dire n'importe quoi, n'importe où et n'importe
quand, souligne l'historien anglais Timothy Garton Ash. On ne pourrait se
permettre de répondre de façon aussi générale et
imprécise car la question de l'atteinte aux sentiments religieux a pris
une ampleur considérable. On ne pourrait, aussi, réduire les
relations entre ces deux libertés à une protection
renforcée de l'une ou de l'autre. Comment concilier alors ces deux
libertés ? Avant toute réflexion, il s'avère
nécessaire de les définir. Que signifie la notion de
« liberté d'expression » ? Garantie par
l'article 10 de la Convention, la liberté d'expression comprend la
liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des
informations ou des idées. C'est une liberté à contenu
plural : elle s'étend à toutes les activités
humaines, politiques, culturelles, scientifiques, ou artistiques. Elle
protège la tolérance, le pluralisme et l'esprit d'ouverture qui
caractérise la démocratie. La liberté d'expression
crée un espace public de libre discussion, elle implique aussi un droit
de critique, des dogmes et des pratiques religieuses. Mais, faut-il autoriser
toute expression même celle qui choque ou heurte autrui dans ses
convictions intimes, personnelles et religieuses ? En effet, la
liberté d'expression n'est pas illimitée. Son exercice
peut-être soumis, aux termes de l'article 10 alinéa 2, à
des restrictions, prévues par la loi, « nécessaires
dans une société démocratique, à la
sécurité nationale, à l'intégrité
territoriale ou à la sûreté publique, à la
défense de l'ordre et à la prévention du crime, à
la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la
réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation
d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et
l'impartialité du pouvoir judiciaire ».Ces restrictions
interdisent-elles les manifestations de l'expression qui choquent ou heurtent
autrui dans ses convictions intimes surtout religieuses ? Afin de
répondre à ces questions, il faudrait combiner l'examen de la
liberté d'expression avec l'article 9 de la Convention. Cet article
institue un droit à la liberté de religion. Sur son fondement, le
droit international des droits de l'homme envisage une protection des
sentiments religieux. Les principes de ces deux articles sont des droits
fondamentaux définis comme des fondements essentiels d'une
société démocratique par la Cour européenne des
droits de l'homme1(*). Quelle place accorde alors le système
européen accorde à ces droits antinomiques ? L'importance
de la liberté d'expression a très tôt été
soulignée par la Cour européenne des droits de l'homme. Aussi,
dès l'affaire Handyside, la Cour affirme-t-elle que « la
liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels de la
société démocratique, l'une des conditions primordiales de
son progrès et de l'épanouissement de chacun. » Cette
phrase a été reprise par la Haute juridiction dans de
nombreuses autres affaires. « Selon RYSSDAL, cette affirmation
constitue «la philosophie de base« de toute la jurisprudence
de la Cour relative à l'article 10 CEDH. Partant la liberté
d'expression n'est pas seulement une garantie contre les ingérences de
l'Etat mais aussi un principe fondamental pour la vie en démocratie. La
liberté d'expression n'est pas une fin en soi, elle est un moyen pour
l'établissement d'une société démocratique. Sa
garantie sert de révélateur à l'existence même d'une
telle société. Donner à cette liberté une fonction
sociale aussi importante a conduit la Cour (...) à interpréter
le champ d'application de l'article 10 de manière libérale et
protectrice pour l'individu.2(*) » Cette affirmation mérite
d'être nuancée dans le cadre de la jurisprudence relative à
la protection des sentiments religieux. Par trois décisions importantes,
les arrêts Otto-Preminger Institut, Wingrove c.
Royaume-Uni3(*), la Cour européenne opère une
redéfinition des places respectives de la liberté d'expression et
de la liberté de religion. En effet, les premières affaires
concernaient la religion chrétienne. Elles consacrent le droit à
la protection des sentiments religieux c'est-à-dire le droit des
croyants de ne pas être insultés dans leurs convictions
religieuses. Cette jurisprudence est réaffirmée en
20054(*)
à l'occasion d'une affaire où des musulmans considéraient
qu'il a été porté atteinte à leurs sentiments
religieux. Toutes ces affaires sont fondées sur l'octroi aux Etats d'une
large marge d'appréciation, ces décisions se situent en
contradiction par rapport aux affirmations classiques selon lesquelles la
liberté d'expression s'étend aux propos qui « heurtent,
choquent ou inquiètent » tout ou partie de la population, et
comporte le droit de recourir « à une certaine dose
d'exagération voire de provocation. »
En réalité, toutes ces affaires portaient sur
les ingérences étatiques dans l'exercice de la liberté
d'expression des plaignants. Comme, il a été noté
ci-dessus, la liberté d'expression peut-être limitée sur le
fondement de l'alinéa 2 de l'article 10 de la Convention. Afin
d'être admises, ces ingérences doivent remplir trois
conditions : le critère de légalité, celui de
légitimité et enfin celui de nécessité. En ce qui
concerne, la condition de légalité, la Cour européenne se
focalise principalement sur la prévisibilité de la loi et
l'accessibilité aux citoyens. Ceux-ci assurent une meilleure protection
de l'individu en imposant des obligations à l'Etat défendeur. La
poursuite d'un but légitime ou la condition de légitimité
implique que les ingérences des autorités publiques doivent viser
soit l'intérêt général (la sécurité
nationale, l'intégrité territoriale, la sûreté
publique, la défense de l'ordre et la prévention du cime, la
protection de la santé ou de la morale) soit les droits individuels (la
réputation des droits d'autrui et la protection d'informations
confidentielles) soit la sauvegarde de l'autorité et de
l'impartialité du pouvoir judiciaire. Enfin, la condition de
nécessité dans une société démocratique est
en pratique la plus débattue. Elle se laisse difficilement enfermer dans
une définition précise. Cependant, la Cour donna une
précision sur ce critère dès l'arrêt Handyside de
1976, elle estime que cette ingérence doit correspondre à
« un besoin social impérieux » afin d'être
nécessaire dans une société démocratique.
L'interprétation de ce critère joue un rôle
déterminant dans les solutions de la Haute juridiction.
Cependant, avec l'examen de ces trois conditions, la Cour
élabore un raisonnement «osé« qui amène à
réduire la question de la violation de l'article 10 à la
« mise en balance de deux droits fondamentaux ».Elle
recadre le litige sur la liberté d'expression en discussion sur la
liberté religieuse. Cette jurisprudence fut l'objet de vives critiques
même au sein de la Cour. On note donc une grande utilité des
opinions dissidentes dans ce cadre. Néanmoins, cette jurisprudence reste
remarquablement constante et s'est enrichie de nouvelles décisions ces
dernières années. L'importance de cette question dans la
société et sur le plan juridique conduit à mener un examen
plus approfondi de la jurisprudence européenne. Cette étude
consistera en une analyse des relations entre les libertés d'expression
et de religion dans les arrêts de la Cour (première
partie).Ensuite, le propos sera de définir la position jurisprudentielle
de la juridiction européenne face à l'exercice de ces deux
libertés.
PREMIERE PARTIE : La liberté d'expression dans
ses relations avec la religion.
Chapitre I : Une transposition restrictive de la
jurisprudence relative à la morale.
La jurisprudence en matière de protection religieuse
illustre les transferts qui peuvent se produire dans les créations de la
Cour. La Cour reprend donc, dans ce cadre, les principes fixés dans les
affaires Müller et Handyside5(*) .Toutefois, elle écarte le fondement de la
morale pour utiliser la protection des droits d'autrui et la protection de la
liberté religieuse.
Section I : Une approche jurisprudentielle
similaire
La juridiction européenne inaugure sa jurisprudence
relative à la protection de la religion par l'affaire
Otto-Preminger6(*).Celle-ci
fut le socle de cette construction jurisprudentielle car elle fut
confirmée dans d'autres arrêts tels que «Wingrove contre
Royaume-Uni du 25 novembre 1996 et I. A contre Turquie du 13 septembre
2005«3.
La Cour, dans ses arrêts, adopte des principes
similaires à ceux dégagés dans la jurisprudence relative
à la morale.
A.) Une marge d'appréciation étatique
étendue
Avant toute analyse, il s'avère nécessaire de
rappeler les faits de l'arrêt Otto-Preminger. Cette affaire concernait
l'Institut Otto-Preminger, association cherchant à promouvoir la
créativité sous toutes ses formes organisa au Tyrol autrichien
une série de projections du film - interdit au moins de 17 ans
-« Le concile d'amour ». Ce film satirique était
tiré d'une pièce de théâtre présentant le
procès intenté à Oskar Panizza pour blasphème. Il
prenait pour cible « les représentations figuratives
simplistes et les excès de la foi chrétienne ». Il fut
interdit, sur requête du diocèse d'Innsbruck, pour violation de
l'article 118 du code pénal autrichien réprimant « le
dénigrement de doctrines religieuses » et la copie fut
saisie7(*).Après
avoir épuisé sans succès les voies de recours internes,
l'Institut se tourna vers la Cour européenne des droits de l'homme,
arguant que la saisie du film était une violation de son droit à
la liberté d'expression.
La régularité de l'ingérence
étant subordonnée classiquement par la Cour à trois
conditions, la Cour examina les faits à la lumière de celles-ci.
Cependant, l'intérêt se portera à ce niveau sur la
troisième condition8(*): la nécessité de l'ingérence.
C'est en voulant donc vérifier ce critère que la Cour
énonce, au paragraphe 50 de l'arrêt Otto-Preminger que,
« Comme pour la morale il n'est pas possible de discerner à
travers l'Europe une conception uniforme de la signification de la religion
pour la société. Partant, les autorités nationales ont une
large marge d'appréciation pour juger de la nécessité de
l'ingérence ».
Ce raisonnement est une transposition du paragraphe 20 de
l'arrêt Müller relatif à la protection de la morale .En
effet, la marge d'appréciation permet aux autorités nationales de
fixer elles-mêmes, compte tenu du contexte social et culturel propre
à chaque Etat, la nature et le niveau de l'injure qu'elles entendent
sanctionner .La Cour ne donne pas de critères européens qui
s'imposeraient à chaque Etat. Il est donc en particulier, parfaitement
possible et légitime qu'en pratique le niveau de l'injure ou de
l'outrage pris en compte par les autorités nationales soit
différent d'un pays à l'autre. L'attitude de la Cour
défavorise toute harmonisation dans l'application de la Convention de
sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales dans ce
domaine. Elle définit aussi implicitement une lignée
jurisprudentielle réservée. Au motif pris de la diversité
des conceptions nationales en ce domaine, la Cour abandonne dans une large
mesure au décideur national la tâche de fixer le seuil de
protection des convictions religieuses.
Par ailleurs, la Cour souligne, dans l'arrêt
Wingrove9(*),
qu' «une plus grande marge d'appréciation est
généralement laissée aux Etats contractants lorsqu'ils
réglementent la liberté d'expression sur des questions
susceptibles d'offenser des convictions intimes, dans le domaine de la morale
et, spécialement, de la religion ». En jouant sur la
«technique de la marge d'appréciation«, la Cour, par un
étrange effet de balancier, en vient à valoriser à
l'excès dans un cas (Otto-Preminger Institut) la liberté de
religion10(*). Le
rôle de la Cour se limite, par conséquent, à une protection
contre l'arbitraire. La Cour européenne est en mesure d'avaliser des
mesures répressives particulièrement énergiques telles que
l'interdiction totale de diffusion d'un film vidéo ou encore
l'interdiction de production d'un film ainsi que sa confiscation. Une telle
autolimitation semble peu compatible avec sa jurisprudence existante sur la
liberté d'expression. Cependant une logique intrinsèque et
linéaire se dégage de cette jurisprudence : un respect
essentiel du principe de subsidiarité et surtout une marge
d'appréciation qui, trop maladroitement utilisée, a pu conduire
aux justifications les plus confuses. La Cour fonde largement son raisonnement
sur le constat des décisions internes mais on ne peut en déduire,
selon la Haute juridiction, que la marge d'appréciation étatique
soit illimitée11(*). Cette autolimitation emporte des conséquences
sur la portée de son contrôle, y compris sur le test de
proportionnalité.
B.) Le contrôle exercé par la Cour
La théorie de la marge d'appréciation est
d'abord destinée à fixer la nature du contrôle du juge
européen par rapport aux décisions nationales. La liberté
d'expression est si fondamentale dans la conception européenne de la
démocratie qu'elle appelle normalement un contrôle strict de la
nécessité et de la proportionnalité des ingérences
dans ce droit. En matière religieuse, néanmoins, la Cour a pris
en compte le fait qu'il n'existe pas en Europe de conception uniforme ou de
concordance de vue sur la place de la religion dans la société.
Elle ne peut donc s'appuyer sur un consensus européen pour
contrôler les décisions nationales à partir de
critères communément acceptés. Elle a ainsi conclu dans
l'affaire Otto-Preminger Institut qu'il était impossible de parvenir
à «une définition exhaustive de ce qui constitue une
atteinte admissible au droit à la liberté d'expression lorsque
celui-ci s'exerce contre les sentiments religieux d'autrui» (§ 50).
La conséquence est que la Cour ne pourra pratiquer qu'un contrôle
allégé de la conventionalité. Pour justifier le
contrôle restreint qu'elle entend exercer sur les mesures de
répression de la diffamation religieuse, la Haute juridiction
établit une analogie avec la protection de la morale. Il appartient donc
aux autorités nationales, mieux placées que le juge
international, d'évaluer la nécessité des mesures de lutte
contre la diffamation religieuse, à la lumière de la situation
qui existe au plan local. C'est le juge national qui est investi du rôle
de garant de la paix religieuse.
En effet, la question qui conduit à un contrôle
de la Cour est la suivante : les mesures étatiques litigieuses
étaient-elles nécessaires dans une société
démocratique ? En d'autres termes, l'ingérence
était-elle nécessaire dans une société
démocratique ? La Cour contrôle la proportionnalité
des sanctions infligées au requérant. Le principe de
proportionnalité est utilisé par la Cour lorsqu'elle a à
juger des droits à protection relative comme les articles 9 et 10 de la
Convention où le droit est tout à la fois garanti par le premier
paragraphe de ces dispositions mais en même temps par le deuxième
paragraphe où les ingérences peuvent être justifiées
aux conditions de légalité, légitimité, et de
nécessité. Dans la jurisprudence de la Cour, il faut constater
que celle-ci s'attache très rarement à examiner de manière
approfondie, les deux premières conditions. La plupart du temps, les
arrêts se limitent à une clause de style et ne
développent aucun argumentaire sur cette base et, a fortiori,
n'en tirent aucune conclusion.
En réalité, la Cour fait un rappel des
principes rassurants12(*)
(les principes énoncés dans l'arrêt Handyside qui
protègent la liberté d'expression) tout en énonçant
juste après de sévères limites à la liberté
d'expression. Toutefois le choix jurisprudentiel est clair : soit la Cour
constate une violation qui aurait des conséquences sur la
législation interne, soit, en raison du caractère subsidiaire de
son rôle, elle limite son contrôle aux raisons invoquées par
les autorités nationales pour justifier la restriction de la
liberté d'expression du requérant. La Cour opte souvent pour la
deuxième solution. De ce choix découle une position
caractéristique du contrôle restreint. D'une manière
générale, la Cour préfère éviter les prises
de position de principe impliquant la condamnation de législations
nationales. Aussi le contrôle de la Cour s'effectue in concreto. En
définitive, la Cour circonscrit son contrôle à une
protection contre l'arbitraire. Elle est en mesure d'avaliser des mesures
répressives particulièrement énergiques, telles que
l'interdiction totale de diffusion d'un film vidéo13(*)ou l'interdiction de projection
d'un film ainsi que sa confiscation14(*).
Toutefois, les arrêts Giniewski et Aydin Tatlav
illustrent la volonté de la Cour de ne pas totalement
déléguer son contrôle aux autorités nationales. Elle
fait une distinction entre les propos portant atteinte aux convictions intimes
des croyants d'une part, et les propos participants d'un débat
historique ou politique impliquant des questions religieuses, d'autre part. La
juridiction strasbourgeoise précise dans le domaine des débats
d'intérêt commun, les restrictions à la liberté
d'expression appellent une interprétation étroite. La marge
d'appréciation des Etats membres doit être réduite.
La ligne jurisprudentielle de la Cour dans la protection de
la religion est analogue à celle de la morale, cependant les fondements
utilisés dans le cas de la religion sont différents.
Section II : Des fondements différents.
Contrairement à sa lignée jurisprudentielle
sur la marge d'appréciation étatique et l'exercice de son
contrôle où elle établit une analogie avec la jurisprudence
sur la morale, la Cour utilise d'autres fondements pour déterminer le
but légitime visé Tout en recadrant un litige à la base
sur la liberté d'expression en discussion sur la liberté
religieuse, elle met en balance les intérêts contradictoires des
deux libertés.
A.)L'incertitude dans le choix du but légitime.
Comme il a été souligné plus haut, la
Cour s'attarde très rarement à l'examen de la condition de
légitimité. Cependant, la détermination de la poursuite
du but légitime influence la logique jurisprudentielle.
Contrairement à la jurisprudence relative à la
morale, la Cour utilise, ici, comme but légitime deux fondements. En
effet, le choix du but légitime est la protection de la liberté
religieuse en combinaison avec la protection des droits d'autrui15(*). Pourquoi choisir plusieurs
buts légitimes ? Est-il impossible de se fonder sur un seul but
légitime dans cette jurisprudence ? Revenons sur l'arrêt
Otto-Preminger encore une fois afin de comprendre les motivations de la
Cour.
« La Cour ouvre son interrogation sur la
légitimité du but visé par les tribunaux autrichiens par
de longs développements sur l'importance de la liberté
religieuse dans une société démocratique, reprenant les
termes de son arrêt du 25 mai 1993, Kokkinakis c. Grèce, où
était en cause une atteinte à cette liberté. La cour en
déduit que les mesures litigieuses « visaient à
protéger le droit pour les citoyens de ne pas être insultés
dans leurs sentiments religieux par l'expression publique des vues d'autres
personnes » et qu'elles se rattachaient donc à la protection
des droits d'autrui. «16(*) Pour la première fois dans une affaire
concernant la liberté d'expression, la détermination du but
légitime visé par l'Etat soulève des difficultés et
conduisent à des flottements et à une légère
contradiction sur ce point entre la Commission et la Cour. Malgré les
longues argumentations de la Cour, la doctrine met en évidence la
faiblesse de son discours. Selon F. RIGAUX, le recours à plusieurs
buts légitimes, pour pouvoir justifier une telle
ingérence, « est un indice de chacun d'eux pris
séparément »17(*) Cependant ce raisonnement fut repris par la Cour dans
les arrêts ultérieurs. Cependant, « l'empreinte,
« J.-C. Geus parle de logique pernicieuse »,
laissée par l'arrêt Otto-Preminger contre Autriche
réapparaît dans l'affaire Wingrove, notamment le choix du but
légitime qui, comme dans l'affaire autrichienne, est fondé sur la
protection des droits d'autrui et de la liberté religieuse. La
bipolarité de ce fondement fait resurgir les mêmes
incertitudes ».18(*) Même si, dans un arrêt récent
« Giniewski »19(*) le second fondement n'est plus exactement la
protection de la religion en elle-même, mais la protection contre la
diffamation d'un groupe de personnes en raison de leur appartenance à
une religion déterminée, la Cour insiste, malgré tout, sur
le fait que cet objectif cadre parfaitement avec la protection de la
liberté religieuse garantie par l'article 9 CEDH.
Les juges européens s'accrochent in extremis
à la notion de protection des droits d'autrui. Leur volonté de
joindre l'objectif de la protection des convictions religieuses à celui
de la protection des droits d'autrui montre que le premier ne suffit pas
à lui seul pour justifier cette ingérence étatique.
La faiblesse du raisonnement juridique de la Cour est aussi
mise en évidence par la mise en balance des deux libertés.
B.) La mise en balance de la liberté d'expression
et de la liberté religieuse.
Tout d'abord, qu'est- ce que la méthode de la mise en
balance des intérêts ?
Les restrictions apportées au droit ou à la
liberté en cause résultent du conflit entre des droits et
libertés concurrents garantis tous deux par la Convention. Plutôt
que de devoir justifier la dérogation à une liberté
garantie par la Convention, la mesure de l'Etat trouve sa justification dans le
devoir de donner exécution à une autre disposition qui a le
même rang que l'article avec lequel elle entre en conflit. La Cour
utilise la balance des intérêts afin de vérifier si un
juste point d'équilibre a été atteint entre deux
libertés ou droits en conflit. Dès lors, lorsqu'un droit entre
en conflit avec un autre droit, il importerait de trouver un équilibre
raisonnable. Autrement dit, on n'est donc plus en présence d'une
liberté et de ses exceptions mais d'une dialectique
interprétative qui doit tendre à la conciliation des
libertés. Où situer le point d'équilibre entre la
liberté d'expression et la liberté de pensée, de
conscience et de religion ? C'est vrai que ces droits et libertés ne
sont pas toujours convergents. La Cour va établir une balance
entre les droits et intérêts en présence, dans les
circonstances de chaque affaire, le résultat dépendant d'un
examen étroit des faits et d'une distinction avec les affaires
précédentes, ce qui a pour effet de construire
progressivement une jurisprudence hautement contextuelle.
La Cour rappelle régulièrement dans ses
arrêts que la liberté d'expression s'étend aux propos
qui « heurtent, choquent, ou inquiètent » tout
ou partie de la population, et comporte le droit de recourir
« à une certaine dose d'exagération voire de
provocation ». Elle exprime aussi, dans l'arrêt Kokkinakis c.
Grèce, que les croyants doivent tolérer le rejet par autrui de
leurs croyances religieuses, voire même la propagation de croyances
hostiles à leur foi. Or dans les affaires en cause, il s'agit de films
jugés blasphématoires, de représentations d'objet de
vénération religieuse, de publications ou de livres
considérés comme insultant pour les croyants. Quant aux
requérants, ils considéraient que leur liberté
d'expression a été violée. En effet, l'article 10
paragraphe 2 mentionne comme buts légitimes de restriction la
sûreté publique, la défense de l'ordre et de la
prévention du crime et de la protection des droits d'autrui. Aussi
assure-t-il largement à la liberté de religion cette
nécessaire protection. Mais dans l'affaire Otto-Preminger, la
juridiction strasbourgeoise affirme qu' « on peut
légitimement estimer que le respect des sentiments religieux des
croyants tel qu'il est garanti à l'article 9 a été
violé par des représentations provocatrices d'objets de
vénération religieuse ; de telles représentations
peuvent passer pour une violation malveillante de l'esprit de tolérance,
qui doit aussi caractériser une société
démocratique. La Convention doit se lire comme un tout et, par
conséquent, l'interprétation et l'application de l'article 10 en
l'espèce doivent s'harmoniser avec la logique de la
Convention ». Comme le souligne P. Wachsmann « il ne
s'agit plus ici, en effet de prévenir ou de réprimer des troubles
matériels à l'exercice de la liberté de religion, mais de
combattre des critiques de la religion qui, dans l'esprit de leurs auteurs
comme en réalité, ne visent nullement à perturber
l'exercice du culte visé ».
Cette démarche de la Cour avait été
rejetée dans l'affaire Open Door et Dublin Well Woman contre Irlande.
Cette mise en balance des articles 9 et 10 de la Convention est
étonnante puisqu'elle revient à étendre le champ,
déjà relativement large, des buts légitimes permettant de
faire obstacle à l'application du principe contenu dans le premier
alinéa de l'article 10. Elle revient à
déséquilibrer la logique interne de l'article 10, en
relativisant la protection dont bénéficie la liberté
d'expression dans une mesure supérieure à celle qui
résultait du texte lui-même. Malgré tous ces
inconvénients, la mise en balance des deux libertés a
été appliquée à plusieurs arrêts
postérieurs à l'arrêt Otto-Preminger tels les affaires I.
A. contre Turquie et Aydin Tatlav contre Turquie. 20(*) Selon la Cour, il lui
appartiendrait de faire « une mise en balance des
intérêts contradictoires tenant à l'exercice des deux
libertés fondamentales : d'une part, le droit, pour le
requérant, de communiquer au public ses idées sur la doctrine
religieuse, et, d'autre part, le droit le droit d'autres personnes au respect
de leur liberté de pensée, de conscience et de
religion ». Toutefois, même si la Cour essaie d'adapter cette
méthode en fonction des circonstances les conséquences restent
les mêmes.
Cette méthode constitue l'un des facteurs
jurisprudentiels permettant de privilégier les sentiments religieux.
CHAPITRE II LE PRIVILEGE DES SENTIMENTS RELIGIEUX
La Cour de Strasbourg affirmait explicitement, avec
l'arrêt Kokkinakis c. Grèce, que les croyants doivent
tolérer le rejet par autrui de leurs croyances religieuses, voire
même la propagation de croyances hostiles à leur foi. Mais est-ce
vraiment un principe effectif dans les solutions jurisprudentielles relatives
aux affaires où la liberté d'expression est en cause face
à la protection de la religion ?
Section I: La protection amoindrie de la liberté
d'expression face à l'extension de la liberté d'expression.
A.)La protection du sentiment religieux
La protection des sentiments religieux se rattache à
la protection des droits d'autrui tirés de l'article 10-2 de la
Convention. Se livrant à une lecture de l'article 10 de la Convention,
à la lumière de l'article 9, la Cour est amenée à
considérer que la défense des sentiments religieux est couverte
par la protection des droits d'autrui. »21(*)
Dans ses arrêts Otto-Preminger-Institut, Wingrove, la
Cour avait admis la censure de films jugés offensants pour la religion
catholique. En septembre 2005, cette jurisprudence a été
réaffirmée, cette fois, à l'occasion de la publication
d'un livre comportant des passages considérés comme injurieux
pour les musulmans22(*).
Elle recadre également les litiges sur la liberté religieuse en
discussion sur la liberté religieuse. « La Cour
reconnaît désormais que des oeuvres critiques vis-à-vis de
la religion, mais qui ne s'analysent pas en aucun cas comme des obstacles
à l'exercice de la liberté de religion qui ne perturbent aucun
culte, ne sont plus protégées par l'article 10 de la
Convention ». Il y a donc là une extension du champ
d'application de la liberté religieuse.
« S'appuyant sur l'absence de conception
européenne uniforme en ce qui concerne « la signification de
le religion dans la société », la haute juridiction des
droits de l'homme considère que les autorités autrichiennes ont
pu, sans excéder leur marge d'appréciation, interdire la
projection du film afin de protéger la sensibilité de la
majorité catholique de la population du Tyrol. De la même
manière, la Cour considéra, dans l'arrêt Wingrove,
que l'interdiction du film « Visions of Ecstasy », dans
lequel Sainte Thérèse était dépeinte comme en proie
à une extase plus sexuelle que religieuse, était une mesure que
les autorités nationales pouvaient prendre pour protéger les
sentiments religieux de la population chrétienne. »23(*) Ce raisonnement fut
confirmé dans les arrêts I.A c. Turquie de 2005, Giniewski c.
France de 2006. Cependant, la Cour, fidèle à l'expression de
l'idéal démocratique, rappelle que les « croyants
doivent tolérer et accepter le rejet par autrui de leurs croyances
religieuses et même la propagation par autrui de doctrines hostiles
à leur foi »24(*). Elle opère une distinction entre d'une part
des propos critiques, fussent-ils provocateurs, et de l'autre des injures
contre les objets de vénération religieuse.25(*) Toutefois, elle n'en
réaffirme pas moins l'autorisation laissée aux autorités
nationales de censurer les manifestations de la liberté d'expression
qu'une communauté religieuse estimerait blasphématoire. Ce qui
constitue de sérieuses limites à la liberté de critiquer
la religion.
B.)Un recul considérable dans la protection de la
liberté d'expression.
La protection de la liberté d'expression, « l'un
des fondements essentiels d'une société démocratique,
l'une des conditions primordiales de son progrès et de
l'épanouissement de chacun »26(*), paraît s'assouplir considérablement
face à la protection du sentiment religieux. Or les juges
européens énonçaient que la liberté d'expression
vaut non seulement « pour les informations et les idées
accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou
indifférentes mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou
inquiètent l'Etat ou une fraction de la population »27(*) Dans les affaires
tranchées par la Cour, le matériel jugé offensant n'avait
reçu qu'une diffusion restreinte et pouvait aisément être
évité (il suffisait, en somme, de ne pas lire un livre, de ne pas
aller voir un film). La Cour ne tient pas compte des précautions prises
par les requérants pour prendre ses décisions. Son souci
principal sera d'assurer la protection des sentiments religieux, on pourrait
dire et ceci, au détriment de la liberté d'expression. Ainsi,
note -t-elle que « «la liberté de pensée, de
conscience, et de religion, qui se trouve consacrée par l'article 9 de
la Convention, représente l'une des assises d'une société
démocratique, au sens de la Convention. Elle est dans sa dimension
religieuse, l'un des éléments les plus vitaux contribuant
à former l'identité des croyants et leur conception de la
vie ». Il est donc clair, par ces mots, que la Cour attache une
importance particulière à la croyance religieuse. Si elle admet
au demeurant que la critique est admise (n'est-ce-pas la moindre des choses
dans une société dite démocratique ?), elle ne manque
pas d'insister sur le fait que « la manière dont les
croyances et doctrines religieuses font l'objet d'une opposition ou d'une
dénégation est une question qui peut engager la
responsabilité de l'Etat, notamment celle d'assurer ceux qui professent
ces croyances et doctrines, la paisible jouissance du droit garanti par
l'article 9 (§47 de l'arrêt
Otto-Preminger) » »28(*) On est dans une idéologie
d'hiérarchisation des principes proclamés par la Convention.
En outre, cette limitation à l'égard de la
liberté de critique de la religion est confortée par l'extension
de la marge d'appréciation étendue, la mise en balance des
libertés d'expression et de religion et le renforcement de la protection
du sentiment religieux. Toutefois, le recul de la protection de la
liberté d'expression est aussi effectué par l'admission du
blasphème et de la diffamation religieuse par la Cour européenne
des droits de l'homme.
Section II : L'interdiction du blasphème et de
« la diffamation religieuse » admise par la Cour
européenne des droits de l'homme.
Historiquement, les premières
législations « civiles » de répression
du blasphème sont étroitement reliées à la loi
religieuse. La répression des actes blasphématoires
revêtait un aspect social essentiel. Présentement, de nombreux
pays possèdent encore une législation pénale
réprimant la diffamation religieuse ou/et le blasphème. Ces
législations ne sont pas remises en cause par la jurisprudence de la
Cour. Elles sont même admises dans une jurisprudence européenne
constante.
A.)Une construction jurisprudentielle constante.
Le blasphème est défini comme une parole, un
discours outrageant à l'égard de la divinité, de la
religion, de tout ce qui est considéré comme sacré. Quant
à la diffamation, elle désigne l'action de chercher à
porter atteinte à la réputation ou à l'honneur de
quelqu'un par des écrits ou des paroles. Les auteurs ont, longtemps,
employé le seul terme de blasphème. La doctrine était
donc attachée, « à tout le moins conceptuellement,
à une vision conservatrice (au sens technique) des atteintes aux
sentiments religieux des croyants. Peut-être cette réticence
terminologique s'explique-t-elle, pour partie, par le caractère
relativement attrape-tout susceptible d'être prêté à
la notion de diffamation religieuse.» 29(*)Malgré le caractère religieux de ces
notions, elles sont admises par la Cour européenne des droits de
l'homme. Dans l'arrêt Wingrove, la Cour ne remet pas en cause la
législation anglaise sur le blasphème, bien que celle-ci ne
traite pas sur pied d'égalité les différentes religions
pratiquées au Royaume-Uni. Celle-ci ne concernait en
réalité que la foi chrétienne. En effet, dans une
jurisprudence largement critiquée, y compris par une minorité
active au sein même de la Cour,la Cour des droits de l'homme refuse
pratiquement toujours de condamner les Etats lorsque ceux-ci préviennent
le blasphème par la censure ou le sanctionnent. En d'autres termes,
«dans l'état actuel de cette jurisprudence, il ne peut être
affirmé qu'il existe, en Europe, un «droit de blasphémer
garanti au titre de la liberté d'expression. A l'inverse, c'est la
liberté de religion et de culte qui est mise en avant et
réinterprétée, de manière assez stupéfiante,
comme incluant un droit pour les fidèles à ne pas être
heurtés dans leurs convictions religieuses. On est dès lors bien
obligé de mesurer ici et de prendre acte de la distance qui
sépare actuellement les déclarations de principe sur la
défense de la laïcité et de la liberté de la presse
de la réalité du droit européen des droits de l'homme, tel
qu'il se révèle à l'analyse des décisions
nationales qui sanctionnent les blasphémateurs et de la jurisprudence
européenne qui entérine celles-ci. »30(*)
Cette jurisprudence européenne fut confirmée
à maintes reprises. Aussi, plus récemment, l'arrêt
Giniewski s'inscrit-t-il dans la continuité de la jurisprudence
antérieure en matière de blasphème. Elle reprend le
paragraphe 26 de l'arrêt I. A. c. Turquie et affirme que les
autorités publiques peuvent « légitimement estimer
nécessaire de prendre des mesures visant à réprimer
certaines formes de comportement, y compris la communication d'informations et
d'idées jugées incompatibles avec le respect de la liberté
de pensée, de conscience, et de religion d'autrui. » Les juges
ont donc élaboré une jurisprudence constante qui admet
même la répression pénale de la diffamation religieuse.
B.) La licéité de la pénalisation de
la répression de la diffamation religieuse et du blasphème.
La recommandation 1805 (2007) de l'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe énonce en son point 4
qu' « en ce qui concerne le blasphème, les insultes
à caractère religieux et les discours de haine contre des
personnes au motif de leur religion, il incombe à l'Etat de
déterminer ce qui est à considérer comme infraction
pénale dans les limites imposées par la jurisprudence de la Cour
européenne des Droits de l'Homme. A cet égard, l'Assemblée
considère que le blasphème, en tant qu'insulte à une
religion, ne devrait pas être érigé en infraction
pénale. Il convient, en effet, de distinguer les questions relevant de
la conscience morale et celles relevant de la légalité, celles
relevant de la sphère publique de celles relevant de la sphère
privée. Même si, de nos jours, les poursuites à ce titre
sont rares dans les Etats membres, elles sont encore légion dans
d'autres pays du monde. » La pénalisation de la
répression de la diffamation religieuse, à tout le moins du
blasphème, constitue une pratique répandue. La répression
pénale de la diffamation religieuse, de propos blasphématoires
est reconnue comme une restriction légitime au droit à la libre
expression garantie par l'article 10. La défense des droits d'autrui,
dans le cadre de l'article 10-2, constitue une justification d'une
pénalisation de la répression de la diffamation religieuse. Comme
le souligne J.-F. Flauss dans son ouvrage « La protection
internationale de la liberté religieuse », « la
Convention européenne des droits de l'homme, tolère, dans
certaines limites, la dite pénalisation. Cette solution ne doit pas
surprendre à partir du moment où la jurisprudence de Strasbourg
n'a pas écarté le principe même d'une pénalisation
de la répression du prosélytisme religieux se manifestant de
façon abusive.31(*)
Les instances de contrôle de la CEDH auraient sans doute
été davantage gênées pour admettre la
conventionalité du principe même de la pénalisation de la
répression de la diffamation religieuse, si elles avaient opiné
en faveur du caractère laïque de la « société
démocratique ». La Commission européenne fut la
première à admettre la répression pénale comme non
contraire au droit à la libre expression garanti par l'article 10
paragraphe 1 de la Convention. C'était dans l'affaire Gay News Ltd et
Lemon c. le Royaume-Uni.
DEUXIEME PARTIE : Une jurisprudence
défavorable à l'exercice équitable des deux
libertés.
La jurisprudence européenne en matière de
protection de la religion est restée remarquablement constante.
Malgré le contexte assez particulier 32(*) dans lequel ont
été rendues les décisions de 200633(*), la Cour confirme
implicitement sa jurisprudence antérieure même si quelques
efforts sont faits pour rendre moins incertaine. Cependant, les
conséquences déplorables de cette jurisprudence restent
d'actualité. Toutefois, on pourrait noter que les opinions dissidentes
servent mieux la protection de la liberté d'expression contrairement
à la Cour.
Chapitre I : Une évolution
jurisprudentielle timide
Les arrêts Giniewski c. France et Aydin Tatlav c.
Turquie ne procèdent pas un revirement de jurisprudence. En effet,
l'exercice de la liberté d'expression reste toujours subordonné
au respect des « convictions
religieuses ».Néanmoins, quelques précisions sont
apportées afin réduire, quelque peu, ce privilège des
sentiments religieux contre la liberté d'expression.
Section I : L'exercice de la liberté
d'expression subordonné au respect des « convictions
religieuses ».
Les principes des arrêts Otto-Preminger-Institut et I.A.
c. Turquie sont repris implicitement dans la jurisprudence de 2006.
A.)La confirmation implicite des arrêts
ultérieurs.
L'arrêt Giniewski soulève la délicate
question des limites de la liberté d'expression lorsque l'exercice de
celle-ci « heurte, choque ou inquiète l'Etat ou une fraction
quelconque de la population ». Quels sont les fiats à
l'origine de cette affaire ?
M. Giniewski - journaliste, sociologue et historien- avait
écrit en 1994 un article dans le journal Le quotidien de Paris
sur l'encyclique papale « Splendeur de la
vérité » où il dénonçait la
position du Pape, l'antisémitisme des écritures et
élaborait une thèse sur des liens obscurs et historiquement
débattus entre l'Eglise catholique et l'Holocauste.
L'association «Alliance générale contre le racisme et
pour le respect de l'identité française et
chrétienne » (AGRIF), porta plainte contre le requérant
et le directeur du journal pour diffamation raciale envers la communauté
chrétienne. Reconnus coupables du délit de diffamation en
première instance, les prévenus furent relaxés en appel.
Statuant sur l'action civile, la cour d'appel d'Orléans condamna M.
Giniewski à verser 1 franc symbolique à l'AGRIF et ordonna la
publication à ses frais de la condamnation dans un journal d'audience
nationale. Selon la Cour d'appel, M. Giniewski ne se contentait pas de discuter
des liens historiques entre l'antisémitisme et l'Eglise catholique, il
attribuait la perpétration des crimes d'Auschwitz aux chrétiens.
Le requérant se pourvut vainement en cassation. Il s'est donc
tourné avec succès vers la Cour européenne des droits de
l'homme.
Dans cet arrêt, la Cour note que « l'article
rédigé par le requérant n'avait d'ailleurs aucun
caractère gratuitement offensant (arrêt Otto-Preminger §49),
ni injurieux (a contrario, l'arrêt I. A. c Turquie).Comme dans les
arrêts précédents, la Cour ne tient pas compte des
circonstances de l'espèce, ainsi, la circonstance que e propos litigieux
a été diffusé dans un quotidien n'intervient pas dans le
raisonnement de la haute juridiction. La faiblesse du raisonnement juridique
est aussi retrouvée dans cet arrêt : la Cour affirme
simplement que la «diffamation d'un groupe de personnes à raison
de leur appartenance à une religion déterminée...
correspond [au but légitime] de la protection «de la
réputation ou de droits d'autrui»... Il cadre aussi parfaitement
avec l'objectif de protection de la liberté religieuse offerte par
l'article 9...» « La protection de la réputation ou
des droits d'autrui concerne les individus, et il faut au moins fournir de
«bonnes raisons», comme aurait dit Perelman, pour pouvoir affirmer de
façon plausible que la diffamation d'un groupe (ce que les Anglo-Saxons
appellent le group libel) y «correspond». Quant à la
référence à l'article 9, elle apparaît encore plus
problématique (l'arrêt Otto-Preminger avait fait l'objet de
critiques très vives à ce propos), et pourtant, la diffamation
collective «cadre parfaitement», dit la Cour, avec la protection de
la liberté religieuse. »34(*) Cette jurisprudence s'inscrit donc dans une certaine
mesure dans la lignée jurisprudentielle antérieure. Elle fut
confirmée par l'arrêt Aydin Tatlav c. Turquie du 2 mai 2006
où la Cour reprend l'idée de la « mise en
balance » des intérêts contradictoires tenant
à n'exercice des deux libertés : d'une part, le droit, pour
le requérant, de communiquer au public ses idées sur la doctrine
religieuse, et, d'autre part, le droit d'autre personnes au respect de leur
liberté de pensée, de conscience et de religion ».
Cependant, la Cour va au-delà de la confirmation
implicite de la jurisprudence antérieure.
B.)La réaffirmation de l'élargissement de la
marge nationale d'appréciation.
La Cour, comme à son habitude, vérifia les
trois conditions de légalité, légitimité et de
nécessité afin de contrôler si l'ingérence
était justifiée. Tout se joua donc au stade du contrôle de
la nécessité de l'ingérence. Le paragraphe 44 de
l'affaire Giniewski reprend l'idée de l'élargissement de la
marge nationale d'appréciation en matière « des
exigences afférentes à la protection des droits d'autrui
s'agissant d'attaques contre des convictions religieuses ».Tout
d'abord, est bien rappelé le « jeu » de la marge
manoeuvre nationale en matière de liberté d'expression. En clair,
la marge de manoeuvre s'exerce sur le point de savoir si l'ingérence
dans la liberté d'expression est bien
« nécessaire » dans une société
démocratique, et le seuil de cette nécessité varie selon
la nature des objets auxquels s'adresse la liberté d'expression :
les objets religieux (ou moraux) méritent une considération
particulière, ce qui justifie des ingérences accrues dans la
liberté d'expression, et de surcroît, compte tenu de l'absence de
standards européens, la marge de manoeuvre nationale se trouve accrue
« même si elle n'est pas illimitée ».35(*) La Cour se base sur
l'absence de caractère « gratuitement offensant »
dans les affaires Giniewski et Aydin Tatlav où elle illustre sa
volonté de ne pas totalement déléguer son contrôle
aux autorités nationales. Il faudrait souligner que ces affaires
mettaient en cause la liberté de la presse, celle-ci étant
considérée par la Cour comme le « chien de garde de la
société démocratique » il est logique que la
marge de manoeuvre nationale soit réduite ici et que le contrôle
exercé par la Cour soit plus strict.
Comment la Cour réduit-elle cette marge de
manoeuvre ?
Section II : Un régime spécial
accordé aux contributions d'intérêt
général.
La qualification du texte litigieux a joué un
rôle déterminant dans les solutions de 2006. Elle permet à
la Cour d'essayer de rendre plus claire sa jurisprudence antérieure
quelque peu floue.
A.)Une interprétation étroite des
restrictions à la liberté d'expression.
La Cour note premièrement qu'elle ne saurait
apprécier la représentativité de l'AGRIF et sa vocation
à défendre les catholiques et plus largement les
chrétiens, surtout que l'auteur s'était engagé dans un
débat doctrinal visant à estimer l'impact des doctrines
catholiques dans la réalisation de l'Holocauste. Les juges
strasbourgeois estiment qu'un tel débat sur les racines de ce crime
contre l'humanité est d'intérêt général et ne
concerne pas seulement la religion. Surtout, bien que les propos tenus puissent
heurter ou choquer, ceux-ci ne sont pas perçus ni comme relevant de la
provocation gratuite ou de l'injure, ni comme mettant en cause une
vérité historique établie. Ainsi, la Cour protège
fortement la recherche historique sur le rôle des religions sans offrir
aux États la large marge nationale d'appréciation accordée
habituellement à la régulation des questions religieuses. On peut
donc en déduire que dans le domaine des discussions sur des
thèmes d'intérêt général, la jurisprudence
constante, ici confirmée, veut que « les restrictions
à la liberté d'expression appellent une interprétation
étroite »36(*)
En reprenant les idées des paragraphes 41 et 42 de
l'arrêt Lingens c. Autriche37(*), la Cour a affirmé, dans l'arrêt
Giniewski, que la protection de la liberté d'expression
revêt « une importance particulière pour la
presse », à qui il appartient de « communiquer des
informations et des idées sur les questions débattues dans
l'arène politique, tout comme sur celles qui concernent d'autres
secteurs d'intérêt public », ce qui entraîne que
« la marge d'appréciation des autorités nationales se
trouve ainsi circonscrite par l'intérêt d'une
société démocratique à permettre à la presse
de jouer son rôle indispensable de « chien de garde«.38(*)
En plus de la marge de manoeuvre réduite, la Cour
élabore un concept de » critique
légitime ».
B.)L'idée de « critique
légitime ».39(*)
« Le requérant a (...) apporté une
contribution, par définition discutable, à un très vaste
débat d'idées déjà engagé (...), sans
ouvrir une polémique gratuite ou éloignée de la
réalité des réflexions contemporaines ». Cette
affirmation de la Cour, dans l'arrêt Giniewski, établit une
distinction entre cette affaire et les précédents
Otto-Preminger et Wingrove. Néanmoins, la Cour ne fait que rappeler une
distinction existant dans une jurisprudence antérieure40(*) entre les contestations
« gratuites et offensantes » d'opinions religieuses, et
celles qui participent à un débat d'intérêt
général : « dans le contexte des opinions et
croyances religieuses - peut légitimement être comprise une
obligation d'éviter des expressions qui sont gratuitement offensantes
pour autrui et constituent donc une atteinte à ses droits et qui,
dès lors, ne contribuent à aucune forme de débat public
capable de favoriser le progrès dans les affaires du genre
humain » (§ 43 de l'arrêt) Elle considère qu'il est
donc important dans une société démocratique que le
débat engagé, relatif à l'origine des faits d'une
particulière gravité constituant des crimes pour
l'humanité, puisse se dérouler librement. Il n'y avait donc aucun
« besoin social impérieux « à agir dans ce cas
précis. Pour la Cour, l'ingérence n'est pas justifiée
dans le droit du requérant à la liberté
d'expression. Il en découle que la mesure adoptée à
l'égard du requérant était
disproportionnée «compte tenu de l'importance du débat
auquel le requérant a voulu légitimement participer et sur
l'intérêt duquel il est inutile de revenir »
Contrairement aux arrêts Otto-Preminger, Wingrove, I. A. c. Turquie,
pour la première fois, la Cour conclut à la violation de
l'article 10 CEDH.
Cette logique de critique légitime qui se dessine
dans l'arrêt Giniewski est confirmée dans l'arrêt Aydin
Tatlav. En l'espèce, « la Cour conclut que la critique, certes
caustique, de la religion musulmane opérée par l'auteur
n'utilisait pas « un ton insultant visant directement la
personne des croyants, ni une attaque injurieuse pour des symboles
sacrés, notamment des musulmans, même si, à la lecture du
livre, ceux-là pourront certes se sentir offusqués par ce
commentaire quelque peu caustique de leur religion ». Cette
idée de «critique légitime«(...) ne peut donc donner
lieu à une limitation de la liberté d'expression au nom de la
protection due aux sentiments religieux des
fidèles. »41(*)
Malgré les précisions des arrêts
Giniewski et Aydin, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l'homme comporte des dérives.
Chapitre II Les dérives d'une approche
clémente
La jurisprudence sur la protection de la religion comporte
des conséquences sociales importantes.
Section I : Les dangers contenus dans la jurisprudence
relative à la protection de la religion.
La jurisprudence européenne pourrait engendre des
pressions tant sur les individus que sur les pouvoirs publics.
A.)La notion du « chilling
effect ».
Dans nos sociétés souvent
présentées comme libérales, une pression croissante
s'exerce sur le débat public autour des objets religieux. A mesure que
s'étend le champ et le nombre des discours considérés
comme sacrilèges, intolérables ou criminels, le droit est
sollicité toujours davantage pour faire taire leurs auteurs, les punir
ou les intimider. Les interventions des législateurs et surtout des
juges, dont on prétend faire, souvent avec leur consentement, les
arbitres du débat public, se multiplient.
Paradoxalement, la Cour européenne rappelait à
chaque fois l'importance primordiale de la liberté d'expression, alors
que ses solutions n'obéissaient vraiment à cette règle.
On est dans le cadre du « politiquement correct » qui ne
s'avère pas juridiquement satisfaisant. De telles décisions
conduisent à l'appauvrissement du débat public, la crainte de la
sanction incitant les auteurs 42(*)à une prudence excessive. C'est ce qu'on
appelle en anglais le « chilling effect ». Ce
«chilling effect« pourrait être compensé par
l'effervescence communicationnelle, provoquée par l'évolution
technologique et les nouveaux modes d'expression, qui ont littéralement
fait exploser la quantité et la vitesse de circulation des informations,
rendant la tâche des censeurs sinon impossible, du moins beaucoup plus
difficile. Toutefois, sur le plan juridique, force est de constater que cette
évolution se heurte encore à des difficultés et à
des résistances.
En effet cette évolution technologique ne saurait
remplacer les autres moyens de communication. Le «chilling
effect » pourrait donc avoir un fort effet dissuasif sur le
débat public. Il a été plusieurs fois
dénoncé par les opinions dissidentes des juges européens
dans le cadre de cette jurisprudence.
Cependant, la pression ne serait pas que sur les individus
mais aussi sur les pouvoirs publics.
B.)Un encouragement déplorable aux
sensibilités religieuses radicales.
La plupart des arrêts précités ont
été prononcé dans des contextes assez particuliers, mais
cela n'a pas empêché la Cour de garder sa lignée
jurisprudentielle. En effet, la violence des réactions à la
publication de caricatures de Mahomet dans la presse danoise a suscité
une réaffirmation déterminée de la liberté
d'expression dans le monde occidental. Cependant, l'arrêt Giniewski rendu
à cette période ne cadrait pas avec ces affirmations. On pourrait
dire qu'elle sert plutôt les fanatiques religieux car
« comment ne pas voir qu'une association islamiste aurait sans doute
pu obtenir, sous un système tel que celui mis en place par les
juridictions françaises dans l'affaire Giniewski la condamnation des
dessinateurs ? »43(*)
Les bases de cet encouragement à la radicalisation ont
été posées comme pour toute cette lignée
jurisprudentielle dans l'arrêt Otto-Preminger-Institut. Dans son article
sur l'arrêt Otto-Preminger, P. Wachsmann se pose la question
suivante : « l'arrêt Otto-Preminger-Institut ne
risque-t-il pas de faciliter les pressions sur les pouvoirs publics, afin que
ceux-ci interdisent des oeuvres jugées attentatoires aux sentiments
religieux des croyants ? « La pesée sur la liberté
d'expression que la Cour permet à la religion d'exercer, revient (...)
à autoriser aux autorités publiques à imposer une
conception de la morale religieuse. Cette question pourrait être
appliquée à l'ensemble de la jurisprudence européenne. En
outre, admettre la licéité de la pénalisation du
blasphème dans une société démocratique conforte
cette pression sur les autorités publiques. Il y aurait une
inévitable multiplication des revendications émanant des groupes
variés cherchant chacun à évincer de l'espace public des
propos qui lui déplaisent.
La tolérance devrait être plus cultivée
pour éviter cette pression croissante sur les pouvoirs publics qui ne
fera qu'entraîner une transformation de nos sociétés
démocratiques en sociétés théocratiques. Pour
reprendre les termes de P-F Docquir « l'interdiction ou la
répression de discours qui paraissent blasphématoires ou
sacrilèges à une communauté - c'est-à-dire les
propos qui portent atteinte à des éléments de son
identité tels que la religion, les croyances ou convictions de tous
ordres, voire à sa réputation ou son honneur - doit être
radicalement dénoncée.
Contrairement à la jurisprudence, on peut dire que les
opinions dissidentes servent mieux, ici, la protection de la liberté
d'expression.
Section II : L'utilité des opinions
dissidentes.
Les opinions dissidentes ont apporté des
précisions à la jurisprudence et qui permettent de renforcer
un temps soit peu la jurisprudence de la Cour européenne.
L'étude portera ici sur les opinions dissidentes jointes aux
arrêts Otto-Preminger et I. A. c. Turquie. En effet, les opinions
dissidentes sont à prendre en considération aussi car les
arrêts, pour la plupart, ont été adoptés à
faible majorité.
A.)Une recherche plus équilibrée des deux
libertés.
«La Convention ne garantit pas explicitement un droit
à la protection des sentiments religieux. Plus
précisément, semblable droit ne peut être
dérivé du droit à la liberté de religion qui, en
réalité, inclut un droit d'exprimer des vues critiquant les
opinions religieuses d'autrui. » Il ne s'agit pas pour les juges
dissidents de remettre en cause toute protection des sentiments religieux mais
de mettre en évidence la prééminence accordée
à un droit qui n'est pas énoncé clairement par la
Convention . En effet, les juges sont censés assurer la protection des
libertés énoncées dans la Convention et interpréter
les articles de celle-ci. Il n'est pas donc logique d'accorder la
primauté à un droit non garanti clairement par la Convention,
mais dérivé d'une liberté qui a la même protection
que celle qui se retrouve restreinte. Certes, les juges dissidents
admettent « qu'il peut être légitime, aux fins de
l'article 10, de protéger les sentiments religieux de certains membres
de la société contre les critiques et insultes d'une certaine
gravité ». Néanmoins, ils rejettent le fait de
sacraliser la religion dans sa totalité, de la sanctuarisée et,
en quelque sorte l'exemptée de toute critique, de toute
représentation ou utilisation par d'autres. La formule de
l'arrêt Handyside citée par la Cour dans ses arrêts doit
avoir plein effet. Elle ne doit pas servir juste de « formule
incantatoire » Pour ces juges , il est donc nécessaire de se
rappeler que la liberté d'expression reste le principe et les
restrictions contenues dans l'alinéa 2 de l'article 10 les exceptions.
En outre, pour assurer une protection équitable de
ces deux libertés, il faut aussi prendre en compte les circonstances de
l'espèce afin d'avoir une application objective des règles
énoncées dans la Convention. Les juges mettent aussi en
évidence les valeurs démocratiques dans l'exposé de leurs
idées.
B.)La mise en évidence des valeurs
démocratiques.
La notion de société démocratique a
été citée plusieurs fois par la Cour mais les aspects
essentiels de celle-ci nécessaires à cette jurisprudence ont-ils
été pris en compte ?
Tout d'abord, l'esprit de tolérance doit
caractériser une société démocratique. En effet, la
Cour demande à ce que les auteurs des oeuvres litigieuses aient une
attitude tolérante, mais la tolérance est-elle à sens
unique dans une société démocratique ? Les juges
Palm, Pekkanen et Makarczyk ont eu à souligner dans leur opinion
dissidente depuis 1994 que « la tolérance est à double
sens et le caractère démocratique d'une société se
trouvera affecté si des attaques violentes et injurieuses contre la
réputation d'un groupe religieux sont autorisées. En
conséquence, il faut aussi admettre qu'il peut être
« nécessaire dans une société
démocratique » de fixer des limites à l'expression
publique de telles critiques ou insultes. (...) Le devoir et la
responsabilité d'une personne cherchant à user de sa
liberté d'expression doivent être de limiter, autant que l'on
peut raisonnablement attendre d'elle qu'elle la limite, l'offense que sa
déclaration peut causer à autrui. Ce n'est que si elle omet de
prendre des mesures nécessaires, ou si elles -ci s'avèrent
insuffisantes, que l'Etat peut intervenir. »
En outre, le « chilling effect » est
également dénoncé par les opinions dissidentes car il
conduit à l'appauvrissement du débat par son effet dissuasif. Les
trois juges dissidents soulignent que « la liberté de la presse
touche à des questions de principe, et toute condamnation pénale
a ce qu'on appelle en anglais un chilling effect, propre à dissuader les
éditeurs de publier des livres qui ne soient pas strictement
conformistes, ou `politiquement (ou religieusement) corrects'. Un tel risque
d'auto-censure est très dangereux pour cette liberté, essentielle
en démocratie, sans parler de l'encouragement implicite à la mise
à l'index ou aux fatwas.44(*) » Dans cette perspective, estiment-ils, il
aurait été « temps de `revisiter' cette jurisprudence, qui
nous semble faire la part trop belle au conformisme ou à la
pensée unique, et traduire une conception frileuse et timorée de
la liberté de la presse. »45(*)
Par ailleurs, « Dans son opinion dissidente jointe
à l'arrêt Leyla Sahin c. Turquie, la juge Tulkens conclut
« qu'il faut rappeler, encore et toujours, que ce sont les droits de
l'homme qui sont les meilleurs moyens de prévenir et de combattre le
fanatisme et l'extrémisme. » Dans cette direction, je pense
que seule une protection forte tant de la liberté de manifester
pacifiquement l'appartenance à une religion que de la liberté de
critiquer les doctrines religieuses, fût-ce avec exagération et
provocation, pourrait contribuer à enraciner la tolérance dans le
droit, ce qui sans nul doute ce dont ont besoin nos
sociétés plurielles secouées par des crispations
identitaires autour d'objets religieux. »46(*)
CONcLUSION.
« - Le réalisateur du film
« Thérèse » qui demande en
référé l'interdiction de la diffusion de son film sur une
chaîne de télévision le vendredi saint, refusant
d'être perçu par le public comme un cinéaste
chrétien. »47(*)
- Des caricatures du prophète de l'Islam dans un
journal danois et reprises par plusieurs journaux européens qui
provoquent une crise internationale d'une rare violence.
Des exemples qui montrent la difficile conciliation des
libertés de religion et d'expression.
-Les « caricatures de Mahomet » sont une
série de douze dessins parus dans le
journal
danois
Jyllands-Posten,
dont l'un représente le
prophète
musulman
Mahomet vêtu d'un
turban en forme de
bombe[]. Ces douze
caricatures sont les
réponses de douze dessinateurs à
Kåre
Bluitgen, un écrivain se plaignant que personne n'osait illustrer
son livre sur Mahomet depuis l'assassinat du réalisateur
Theo van Gogh. Les
dessins illustraient un article consacré à l'
autocensure et à
la liberté de la presse. Elles ont été publiées
initialement le
30 septembre
2005 par l'un des principaux
journaux danois,
Jyllands-Posten,
et ont été reprises mondialement dans plusieurs journaux. La
première reprise date du
17 octobre
2005, dans le journal
égyptien
Al Fagr. Ces
caricatures d'initiative privée - le journal et les auteurs - ont
provoqué l'indignation de certaines communautés musulmanes et ont
été la cause de manifestations pacifiques ou violentes partout
dans le monde. »
Mais les réactions des croyants étaient-elles
proportionnées, notamment dans l'histoire des caricatures ? Une
caricature est une sorte de communication informative et participe au
débat public. Mais peut-on vraiment classer les caricatures du journal
danois Jyllands-Posten dans le contexte d'un débat public ? On
pourrait répondre par l'affirmative si on tient compte de la motivation
de ces caricatures. En effet, « ces douze
caricatures sont les
réponses de douze dessinateurs à
Kåre
Bluitgen, un écrivain se plaignant que personne n'osait illustrer
son livre sur Mahomet depuis l'assassinat du réalisateur
Theo van
Gogh. » Elles pourraient être considérées
comme une réaffirmation de la liberté d'expression en Europe car
celles-ci ont été reprises dans plusieurs journaux en Europe.
Nous pourrions dire que par ces caricatures, les journalistes ont voulu
affirmer comme le soulignaient les opinions dissidentes des juges
européens dans les arrêts précités que nous sommes
« dans des sociétés démocratiques et non
théocratiques ». « La liberté d'expression
s'érode dangereusement en Europe. Il est temps d'en prendre conscience,
alerte l'historien britannique Timothy Garton Ash. Les fanatiques sans
frontières sont en marche. (...) Les espaces de liberté
d'expression même dans les démocraties libérales, se sont
réduits, se réduisent et continueront de se réduire si
nous n'agissons pas. La liberté d'expression n'est pas l'apanage des
écrivains et des artistes. C'est une liberté fondamentale,
l'oxygène dont dépendent les autres libertés. »
Toutefois, l'objectif de ce travail étant de montrer qu'il faut
chercher un réel équilibre entre les libertés de religion
et d'expression, il faudrait donc s'interroger sur la nature de ces
caricatures. Les européens se sont indignés face à la
violence déchaînée par ces caricatures, mais personne ne
s'est posé la question sur les sentiments des musulmans. Un retour dans
l'histoire prouve que ce ne sont pas seulement les musulmans qui ont eu
à s'indigner face à des représentations
d'éléments de leur foi. Certes, le propos n'est pas de
légitimer la violence, mais de souligner que la liberté
d'expression n'est pas le sentiment d'offenser autrui dans ses convictions
religieuses. Cette analyse n'abordera pas les questions politiques qui ne
sont, certainement, pas anodines dans l'histoire des caricatures. Toutefois,
les interrogations se portent sur les aspects juridiques, à la
lumière des considérations sociales. Il faudrait ne pas perdre
de vue que les libertés d'expression et de religion sont toutes dans la
Convention européenne des droits de l'homme, des libertés
à protection relative. Elles connaissent donc toutes des restrictions
dans le second alinéa de l'article assurant leur protection. Elles
doivent donc être limitées tant que cela s'avère
nécessaire dans une société démocratique.
En outre, les caricatures ont été
publiées quelques jours après le premier arrêt rendu par la
Cour européenne des droits de l'homme qui protégeait les
sentiments religieux des musulmans. On ne pourrait y voir une relation de cause
à effet entre cet arrêt et la crise internationale suscitée
quelques mois après la publication des caricatures mais on pourrait se
demander si cette protection accrue des religions n'a pas conforté
l'attitude des fanatiques religieux ?
Cet arrêt a peut-être pu conforter les
réactions des croyants mais ne peut être interprété
comme ayant encouragé la violence déclenchée par ces
caricatures. En revenant aux sentiments des musulmans, il faudrait noter que
ces caricatures ont été interprétées comme un
manque de respect à leur foi. On peut faire des représentations
d'objets de vénération religieuse mais il faudrait respecter les
croyances des autres. On est dans cette optique de la « critique
légitime ». Ce critère est extrêmement
délicat et il serait très dur de pouvoir délimiter les
frontières entre la « critique légitime » et
la provocation ou l'irrespect des sentiments religieux d'autrui. Cependant, la
Cour européenne peut déjà faire un pas qui serait fort
bien utile aux valeurs démocratiques ; « il est donc
temps de revisiter cette jurisprudence » afin de ne plus
reléguer la liberté d'expression au second plan. Le débat
entre la liberté d'expression et la religion n'est donc pas clos.
BIBLIOGRAPHIE
Conventions internationales
Convention de sauvegarde et des Droits de l'Homme et des
Libertés fondamentales telle qu'amendée par le Protocole
n°11.
Ouvrages
Gérard GONZALEZ, La Convention européenne
des droits de l'homme et la liberté des religions Economica, 1997,
310p.
Mario OETHEIMER, L'harmonisation de la liberté
d'expression en Europe, Paris, PEDONE, 2001, 384p
La protection internationale de la liberté
religieuse, Publications de l'Institut International des Droits de
l'Homme, Bruylant, Bruxelles, 2002, 333p
Thierry MASSIS & Christophe PETTITI, La liberté
religieuse et la Convention européenne des droits de l'homme,
Bruylant (Nemesis), 2004, 183p
Yadh BEN ACHOUR, La Cour européenne des droits de
l'homme et la liberté de religion, A. Pedone, 2005,
95p.
Nathalie FRICERO, Droit européen des Droits de
l'Homme, Gualino Editeur, 2007, 172p.
Articles.
Patrick WACHSMANN, « La religion contre la
liberté d'expression : sur un arrêt regrettable de la Cour
européenne des droits de l'homme », R. U.D. H48(*) 1994, p 441-449.
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à MM. Les juges Pekkanen et Makarazyck, R. U.D. H 1994, p 470-471.
Sylvie PEYROU-PISTOULEY, « L'affaire
Otto-Preminger-Institut et la liberté d'expression vue de
Strasbourg : censure ou laxisme ? »RFDA, 1995, p1189-1998.
Rev. trim. d. h 1995, p401- 415
François RIGAUX, « La liberté
d'expression et ses limites »
Mercedes CANDELO SORIANO& Alexandre DEFOSSEZ « La
liberté d'expression face à la morale et à la
religion : analyse de la Cour européenne des droits de
l'homme ». Rev. trim. d. h. 2006, p 817- 837.
Pierre-François DOCQUIR, « La CEDH
sacrifie-t-elle la liberté d'expression pour protéger les
sentiments religieux ?» notes sous CEDH, 31 janvier 2006
l'arrêt Giniewski contre France, Rev. trim. d. h. 2006, p 839-
849.
Pascal MBONGO, « Caricatures de Mahomet et
liberté d'expression », Revue esprit (mai) 2007, p145.
Jean-Pierre TEYSSIER, « Médias et
religion : jusqu'où le respect ? », Gazette du
palais, recueil mai - juin 2006, p1665.
Benoît FRYDMAN, « Introduction Les propos qui
heurtent, choquent, ou inquiètent. » REV. DR. ULB, vol 35,
2007, p1-11.
Guy HAARSCHER, Diffamation collective : une notion
irrémédiablement confuse ? (Contribution à la
REV. DR. ULB, vol 35, 2007, trouvée sous forme de document PDF)
Sources informatiques
Blog de Frédéric Rolin : Commentaires
des années 2005 et 2006 sur la liberté d'expression, les
arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, les affaires
de caricature de Mahomet.
www.droits-fondamentaux.org
www.touteleurope.fr
www.rdi.org
www.courrierinternational.com
www.droitdesreligions.net
TABLE DES MATIERES
Sommaire ............................................................................................3
Principales
abréviations..............................................................................4
Introduction..........................................................................................5
PARTIE I: La liberté d'expression dans ses relations
avec la religion.................10
Chapitre:Une transposition restrictive de la jurisprudence
relative à la
morale.................................................................................................10
Section I Une approche jurisprudentielle
similaire..........................................10
A-Une marge d'appréciation étatique
étendue..............................................10
B- Le contrôle exercé par la
Cour................................................................12
Section II Des fondements
différents...........................................................15
A -L'incertitude dans le du choix du but
légitime..........................................15
B-La mise en balance de la liberté d'expression et de
la liberté
religieuse..............................................................................................17
Chapitre II : Le privilège des sentiments
religieux..........................................19
Section I: La protection amoindrie de la liberté
d'expression face à l'extension de la liberté
d'expression...............................................................................19
A- La protection du sentiment
religieux....................................................19
B-Un recul considérable dans la protection de la
liberté d'expression............21
Section II : L'interdiction du blasphème et de
« la diffamation religieuse » admise par la Cour
européenne des droits de
l'homme.............................................22
A-Une construction jurisprudentielle
constante..........................................22
B-La licéité de la pénalisation de la
répression de la diffamation religieuse et du
blasphème..........................................................................................24
DEUXIEME PARTIE : Une jurisprudence défavorable
à l'exercice équitable des deux
libertés........................................................................................26
Chapitre I : Une évolution jurisprudentielle
timide ....................................26
Section I : L'exercice de la liberté d'expression
subordonné au respect des « convictions
religieuses »...................................................................26
A -La confirmation implicite des arrêts
ultérieurs.......................................26
B- La réaffirmation de l'élargissement de la
marge nationale d'appréciation.....28
Section II : Un régime spécial
accordé aux contributions d'intérêt
général...........29
A- Une interprétation étroite des restrictions
à la liberté d'expression................29
B-L'idée de « critique
légitime ».................................................................31
Chapitre II Les dérives d'une approche
clémente..........................................32
Section I : Les dangers contenus dans la jurisprudence
relative à la protection de la
religion................................................................................................32
A-La notion du « chilling
effect »............................................................32
B-Un encouragement déplorable aux sensibilités
religieuses radicales..............34
Section II : L'utilité des opinions
dissidentes...............................................35
A-Une recherche plus équilibrée des deux
libertés.....................................35
B.)La mise en évidence des valeurs
démocratiques..................................... 36
Conclusion............................................................................................38
Bibliographie.......................................................................................41
* 1 Cour eur. d. h., 7
décembre 1976 Handyside c. Royaume-Uni pour la liberté
d'expression & Cour eur. d. h., 25 mai 1993 Kokkinakis c.
Grèce concernant la liberté religieuse.
* 2 M. Oethemer,
L'harmonisation de la liberté d'expression en Europe,
Pédone, Paris, 2001, p 60
* 3 Cour eur. d. h., 20
septembre 1994 Otto-Preminger Institut c. Autriche, Cour eur. d. h., 22 octobre
1996, Wingrove c. Royaume-Uni.
* 4 Arrêt I. A. c. Turquie
du 13 septembre 2005.
* 5 Cour eur. d. h., 7
décembre 1976 Handyside c. Royaume-Uni &Cour eur. d. h.,24 mai 1988
Müller et autres c. Suisse concernaient la protection de la morale.
* 6 Cour eur. d. h., 20
septembre 1994 Otto-Preminger Institut c. Autriche.
* 7 Arrêt Otto-Preminger
Institut c. Autriche §16
* 8 L'étude des deux
premières conditions se fera ci-après. Ce choix a
été opéré afin de mieux appréhender la
logique de la Cour.
* 9 Cour eur. d. h., 22 octobre
1996, Wingrove c. Royaume-Uni
* 10 Rappelons-le la
liberté de religion n'est pourtant pas directement en cause.
* 11 Arrêt Giniewski c.
France du 31 janvier 2006 §44
* 12 P. Wachsmann,
« la religion contre la liberté d'expression : sur un
arrêt regrettable de la Cour européenne des droits de
l'homme », R.U.D.H., 1994, p 444.
* 13 Arrêt Wingrove c.
Royaume -Uni
* 14 Arrêt Otto-Preminger
Institut
* 15 Arrêt Otto-Preminger
Institut, 20 septembre 1994 § 47.
* 16 P. Wachsmann,
« La religion contre la liberté d'expression : sur un
arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme »
R.U.D.H., 1994, p. 442
* 17 F. Rigaux, « La
liberté d'expression et se limites », Rev. trim. dr. h., 1995
p.407
* 18M. Oethemer,
L'harmonisation de la liberté d'expression en Europe,
Pédone, Paris, 2001, p 107
* 19 Cour eur. d. h., 31
janvier 2006 , Giniewski c. France
* 20Cour eur. d. h., 2 mai
2006, Aydin Tatlav c. Turquie.
* 21T.
Massis, « Respect des croyances, dignité et
liberté d'expression » p126 in T. Massis et C. Pettiti
La liberté religieuse et la Convention Européenne des droits
de l'homme,
* 22 Cour eur. d. h. I. A.c.
Turquie, 13 septembre 2005.
* 23 P-F Docquir,
« La Cour européenne des droits de l'homme sacrifie-t-elle la
liberté d'expression pour protéger les sensibilités
religieuses ? », Rev. trim. dr. h., 2006 p845
* 24 Arrêt I. A.c.
Turquie,précité §28.
* 25 Ce point sera
développé dans la deuxième partie du travail.
* 26 Comme l'affirme
rituellement la Cour depuis son arrêt Handyside c. Royaume-Uni,
7 déc. 1976
* 27 Arrêt Handyside
précité § 49, plus récemment arrêt I. A.
c. Turquie§ 23
* 28 S.
Peyrou-Pistouley, « L'affaire Otto-Preminger-Institut et la
liberté d'expression vue de Strasbourg : censure ou
laxisme ? » RFDA, 1995 p1192
* 29 J.-F.
Flauss, « La protection internationale de la liberté
religieuse » Edition Bruylant 2002, p279
* 30 B.
Frydmann, « Introduction : les propos qui heurtent,
choquent, ou inquiètent » Rev. dr. ULB - vol. 35 - 2007.
* 31 Arrêt du 25 mai
1993, Kokkinakis c. Grèce.
* 32Il s'agissait de la crise
internationale provoquée par les caricatures de Mahomet.
* 33 Cour eur. d. h., Giniewski
c.France, 31 janvier 2006 &Cour eur. d. h. Aydin c. Tatlav, 2 mai 2006.
* 34 Voir G.
Haarscher, «Diffamation collective : une notion
irrémédiablement confuse ? » Rev. ULB vol 35- 2007
* 35
http://frederic-rolin.blogspirit.com/archive/2006/02/07/cedh-31-janvier-2006-giniewski-c-france-ou-l-on-reparle-des.html
* 36 Voir par exemple, Cour
eur. d. h., Murphy c.Irlande, 10 juillet 2003 §67.
* 37 Cour eur. d. h., Lingens
c. Autriche, 8 juillet 1986, §§ 41-42.
* 38 P-F Docquir,
« La Cour européenne des droits de l'homme sacrifie-t-elle la
liberté d'expression pour protéger les sensibilités
religieuses ? », Rev. trim. dr. h., 2006 p847
* 39 Précisons que ce
point se situe toujours au stade de la réflexion sur la condition de
nécessité de l'ingérence dans une société
démocratique
* 40 Arrêt I. A. c.
Turquie, 13 septembre 2005.
* 41 M.Candela Soriano & A.
Defossez, « La liberté d'expression face à la
morale et à la religion : analyse de la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l'homme. » p835
* 42Pour approfondir la
question voir, B. Frydman, «Introduction : les propos qui
heurtent, choquent ou inquiètent », Rev. ULB vol 35, 2007
* 43 P-F Docquir,
« La Cour européenne des droits de l'homme sacrifie-t-elle la
liberté d'expression pour protéger les sensibilités
religieuses ? », Rev. trim. dr. h., 2006 p843
* 44 Cour eur. d. h., I.A.
, précité, Op. diss. commune aux juges Costa, Cabral Barreto
et Jungwiert, § 6
* 45Dans un arrêt
Giniewski c. France, rendu le 31 janvier 2006, la Cour consacre une protection
forte du discours critique à l'égard d'une doctrine religieuse,
tout en maintenant la distinction évoquée ici
* 46P-F Docquir, « La
liberté de manifester ses convictions et la liberté de critique
à l'égard des doctrines religieuses dans la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l'homme : une protection amoindrie, ou de
l'utilité des opinions dissidentes » in : Actes du colloque
« La laïcité dans tous ses états »,
organisé par le CIERL (ULB) les 16 et 17 déc. 2005, coll.
Problème d'histoire des religions, n° 16, Ed. de l'ULB,
paru en 2006.
* 47 T.
Massis, « Respect des croyances, dignité, et
liberté d'expression », in La liberté
religieuse et la Convention EDH, Thierry Massis & Christophe Pettiti,
Edition Bruylant, 2004, p115
* 48 Cf p4 du
mémoire.