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Comment intégrer les questions de développement durable dans l'ensemble des méthodologies de la gestion de projet : une démarche conceptuelle orientée vers un modèle de planification de projet basé sur l'Approche cadre Logique

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par Jean Gynse Bolivar
Université du Québec à Rimouski - Maîtrise en gestion de projet 2008
  

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6.5.- Portrait du modèle de gestion utilisé par l'entreprise « promoteur » du projet

Nous avons présenté précédemment plusieurs commentaires à propos des modèles de gestion utilisés, dont PIPO, GCP et GAR. Nous avons expliqué qu'ils ont découlé de l'analyse du cadre logique. Ces modèles ont la même base méthodologique, soit celle de l'analyse des parties prenantes.

Depuis nombreuses années, on continuait de croire que la durée et l'importance des phases d'activités sont les seules variantes qui différencient les projets entre eux. L'environnement externe d'un projet a beaucoup évolué. Plusieurs variables considérées domestiques dans le passé deviennent actuellement externes par rapport au projet. Celles-ci risquent de compromettre les objectifs de réalisation des projets et, conséquemment, les facteurs environnemental et social deviennent la cible centrale à viser par une entreprise pour acquérir un avantage décisif voire concurrentiel (Persais, 2004).

Regroupées souvent les communautés locales, l'implication des parties prenantes dans la gestion des processus de décision est de plus en plus une nécessité. La réussite d'un projet court un risque énorme aujourd'hui si la planification se fait sans l'appui de ces acteurs stratégiques. Dans cette optique, nous allons donc analyser le modèle de gestion utilisé par une filiale d'Hydro-Québec et plus particulièrement le cas du projet de l'Eastmain-1-A et dérivation Rupert. L'analyse porte particulièrement sur la stratégie de gestion adoptée par ce promoteur vis-à-vis de ses parties prenantes.

6.5.1.- Éléments de développement durable

Le projet de la centrale hydroélectrique et dérivation Rupert suit une séquence d'activités bien établies. Celui-ci est découpé en quatre (4) phases d'activités en terme d'objectifs de réalisation. L'ensemble des phases du projet sont cependant résumés dans une matrice de l'annexe 3 du document.

Pour une analyse de développement durable, les données concernent la filiale d'Hydro-Québec en termes d'efforts réalisés par rapport à trois objectifs généraux, soit le maintien de l'intégrité de l'environnement, l'amélioration de l'équité sociale et l'amélioration de l'efficacité économique. L'analyse de l'importance de chaque pilier quant à la stratégie de gestion adoptée est la suivante.

Le pilier écologique

Étant le fruit de multiples consultations avec les publics intéressés, le projet de l'Eastmain-1-A-Sarcelle-Rupert se caractérise par l'ampleur des mesures intégrées à sa conception, destinées à préserver l'environnement et à tenir compte des préoccupations exprimées par le milieu d'accueil. Grâce à une combinaison de digues et de canaux qui facilitent l'écoulement de l'eau, la création des biefs Rupert entraîne un ennoiement minimal du territoire. Par ailleurs, un important débit réservé écologique et des seuils prévus sur la Rupert permettront de protéger les habitats du poisson, de préserver le paysage et de maintenir la navigation ainsi que les activités pratiquées sur le territoire.

Autre fait à signaler, les Cris participent à toutes les étapes de réalisation du projet, de la conception jusqu'au suivi environnemental. Les connaissances acquises au moyen des nombreuses études environnementales ainsi que les connaissances traditionnelles ont également influencé la conception du projet et l'élaboration des mesures d'atténuation. Les éléments qui sont pris en compte à l'étape de conception :

· Ennoiement minimal du territoire ;

· Instauration d'un régime de débits réservés écologiques au point de coupure de la rivière Rupert ;

· Maintien d'un débit équivalent au débit naturel des rivières Lemare et Nemiscau ;

· Aménagement d'ouvrages hydrauliques sur la rivière Rupert pour protéger les communautés de poissons et leurs habitats, préserver le caractère naturel de la rivière ;

· Maintenir la navigation et l'utilisation du territoire sur certains de ses tronçons ;

· Garantie de l'approvisionnement en eau potable de Waskaganish.

Le pilier social et sociétal

L'acceptabilité sociale est une condition essentielle de la survie des projets. Un projet de développement a des conséquences sociales au niveau de tous les échelons dont les fournisseurs, les employés, les clients, les entreprises locales, les citoyens et la société en général. Dans le cas étudié, l'acceptation sociale repose principalement sur l'établissement d'une bonne entente avec les Cris de la Baie-James et les Jamesiens ainsi que sur un processus d'autorisations gouvernementales provinciales et fédérales.

La signature de la Paix des Braves entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec, le 7 février 2002, a marqué une étape historique dans l'établissement d'une nouvelle relation avec les Cris de la Baie-James. Dans cette entente, les Cris donnent leur accord de principe à la réalisation du projet sous réserve des conditions prévues à la Convention Boumhounan signée le même jour. Cette étape a fait l'objet d'un référendum préalable tenu dans les communautés cries et à l'issue duquel le résultat s'est avéré favorable à près de 70 %. L'entreprise Hydro-Québec a intégré les préoccupations des parties concernées à toutes les étapes de conception du projet. Le savoir traditionnel de la communauté des Cris a été pris en compte dans les études environnementales, grâce notamment à la participation des communautés aux inventaires sur le terrain.

Durant la réalisation du projet, les Cris participent aux études environnementales et aux travaux. L'entreprise Hydro-Québec a établi une bonne relation avec la communauté jamesienne par la mise en place des Tables d'Informations et d'Échanges (TIE) qui ont permis de prendre en compte leurs préoccupations dès le début des études de faisabilité. Une entente est intervenue avec la région Nord du Québec sur un portefeuille de mesures incitatives aux retombées économiques régionales. De plus, les gouvernements provincial et fédéral ont appliqué un processus d'autorisation du projet qui a permis de s'assurer du respect de la législation en vigueur et de la participation du public à l'encadrement et à la réalisation de l'étude d'impact. L'entreprise Hydro-Québec et le milieu d'accueil projet se concrétisent dans le sens souhaité.

Le pilier économique

Ce pilier se réfère à la performance financière du projet. Un projet de développement durable doit avoir la capacité de contribuer au développement économique de la zone d'implantation.

Dans le cas étudié, le projet de l'Eastmain-1-A-Sarcelle-Rupert engendrera des retombées économiques majeures pour le Québec, plus particulièrement pour les communautés concernées par le projet. Ce projet se démarque sur le plan de l'efficacité économique grâce à la maximisation de la capacité de production de plusieurs centrales existantes. Cette utilisation optimale de l'eau s'inscrit dans les principes mêmes du développement durable. Le coût de production de l'électricité, estimé à 5,1 cents/KW/h en 2011, bénéficiera aux générations futures.

Plusieurs mesures ont été envisagées pour favoriser les retombées. La Convention Boumhounan prévoit diverses mesures pour faciliter la participation des entreprises et travailleurs cris :

· négociation de gré à gré de contrats d'une valeur de 240 millions $ ;

· représentations auprès de la CCQ pour faciliter l'emploi des Cris ;

· l'embauche d'un conseiller Cri à l'emploi ;

· fond de 1,5 million $ pour la formation théorique et en milieu de travail des travailleurs Cris ;

· attribution de contrats d'une valeur de 45 millions $ en exploitation ;

· priorité aux entreprises régionales pour les contrats et les achats de moins de 1 million $ ;

· clause de sous-traitance régionale pour inciter les grands entrepreneurs s'approvisionner localement ;

· embauche d'un agent de chantier pour faire la promotion des entreprises jamesiennes ;

· partenariat financier d'une durée de 50 ans avec la municipalité de Baie- James.

L'aménagement de l'Eastmain-1 (2002-2006) a montré que l'application de diverses mesures d'optimisation de concert avec les intervenants du milieu permettait d'accroître significativement la participation des travailleurs et entreprises. Le programme de suivi permettra d'établir les retombées économiques réelles, de les comparer aux prévisions et de valider l'efficacité des mesures prises pour favoriser la participation des entreprises et des travailleurs Cris et jamesiens au projet ainsi que celle des régions de l'Abitibi-Témiscamingue et du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

De toute évidence, le respect de l'environnement est nécessaire aux deux autres piliers (social, économique). Il exprime la compatibilité entre l'activité sociale du promoteur et le maintien de la biodiversité et des écosystèmes. L'entreprise a réalisé une analyse des impacts de son développement social et de ses résultats, en termes de flux, de consommation de ressources non renouvelables, ou en termes de production de déchets et d'émission polluantes. Une analyse des trois piliers du développement durable démontre que le promoteur a adopté une forme de gouvernance, laquelle consiste en la participation de tous les acteurs, tels que les communautés locales, les groupes d'écologistes,..., au processus de décision.

6.5.2.- Avenir des communautés locales par rapport au projet

Ce projet vient structurer et mettre en pratique la paix des braves signée en 2002 entre la communauté Cries et le Québec, a-t-il ajouté le Comité d'Examen (COMEX). Celui-ci vient fournir aux communautés locales une occasion d'orienter leur développement futur par la création d'emplois et d'entreprises qui contribueront à long terme à leur essor économique. C'est dans cet esprit que le COMEX insiste sur les relations futures entre le promoteur et la population locale et en tablant sur les opportunités que ce projet représente sans pour autant perdre de vue les particularités de la société des Cris ainsi que le fait que cette dernière occupe un territoire qu'elle partage avec des Jamesiens qui ont, tout autant qu'eux, à coeur que cette occupation soit permanente et harmonieuse.

Le développement hydroélectrique a fortement marqué la communauté Cris des 30 dernières années. Il est à l'origine de la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord Québécois (CBJNQ) et de l'entrée de la société Cris dans la modernité. La paix des braves, signée en 2002, a aussi comme fondement le développement du territoire par le biais de l'hydroélectricité. Le COMEX, comme organisme de la convention, a été un témoin privilégié des débats et des secousses qui ont agité la société crie et des difficultés d'adaptation qu'elle vit actuellement. Avec le projet Eastmain-1A et dérivation Rupert, il souhaite que cette société entre dans une nouvelle ère caractérisée par la volonté des Cris de prendre leur avenir en main.

Pour ce faire, ils doivent conserver cet attachement aux valeurs fondamentales de leur société qui leur ont permis de survivre et de grandir comme nation tout en profitant des opportunités qui se présenteront pour améliorer leur bien-être individuel et collectif. Cet équilibre ne pourra être atteint qu'en maintenant une ouverture sur le monde extérieur et des relations positives avec l'ensemble de la société québécoise. La Banque Mondiale a elle-même souligné à plusieurs reprises le caractère exemplaire des projets hydroélectriques de la Baie - James, notamment sur le plan des efforts consacrés par l'entreprise Hydro-Québec à l'intégration des communautés locales à toutes les étapes de leur réalisation, a précisé (2006) dans une étude indépendante ayant été réalisée par la firme CIMA+.

6.5.3.- Plan de communication adopté vis-à-vis des communautés locales

Le Comité d'Examen sur le projet, désigné ci-après COMEX, est l'organisme qui fait le relais les catégories d'acteurs impliqués au projet. Le COMEX est un organisme indépendant créé en vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ), composé de trois représentants nommés par le Gouvernement du Québec et de deux représentants nommés par l'Administration régionale Crie. Cet organisme joue à la fois un rôle de communication et de médiation de premier rang au sein du projet. Le mandat du COMEX consiste à faire sur une base régulière des recommandations utiles aux acteurs impliqués au projet (promoteur, MDDEP, etc.). L'organisme COMEX établit la mise en place d'un processus de consultation continu avec la population locale, comme le démontre le schéma 3 ci-dessous.

Schéma 3.- Plan de communication adopté vis-à-vis des communautés locales

PART

I

ES

EX

TERNES

Gouvernement du Québec : MDDEP, ...

COMEX

P

A

R

T

I

E

S

I

N

T
E

R

N

E

S

Groupe d'écologistes

Communautés

Locales Cries

Entreprises

locales

Régroupements

politiques

...

( HYDRO-QUÉBEC) :

Société

d'Énergie

de la Baie-James

TABLES

D'INFORMATION

ET

D'ÉCHANGES

Flux informationnel : En interaction :

Ce comité est d'avis que cette consultation auprès des communautés locales devrait se faire à toutes les phases du projet dans le but de connaître leurs points de vue sur la réalisation du projet dans son ensemble, ses impacts ainsi que sur l'efficacité des mesures d'atténuation qui auront été réalisées. Il privilégie les audiences publiques comme mécanisme de consultation car elles permettent de rejoindre un large public et d'aborder tous les aspects du projet. La plupart des audiences seraient tenues par le COMEX et le promoteur a collaboré à la mise en application de celles-ci. Le rapport produit par le COMEX sur les enseignements à tirer de ces consultations a servi, entre autres, à apporter des correctifs pour minimiser tout impact résiduel. La participation des communautés locales est de plus en plus évoquée comme partie intégrante du développement durable. L'entreprise d'Hydro-Québec énonce des intentions claires de lui faire une importante place et dans ce sens, il s'inscrit à l'avant-garde en terme de développement durable. Nous pensons qu'il serait pertinent d'intégrer directement les communautés locales dans les équipes de réalisation, soit à titre de salariés ou soit à titre de bénévoles. C'est d'autant plus important que ce projet ait d'éléments de développement durable.

Ce plan de communication favorise beaucoup d'éléments permettant de répondre à la satisfaction des besoins sociaux et aspirations individuelles. Entre autres, il respecte très bien le principe de subsidiarité avec des intentions claires d'implanter une Table d'Informations et d'Échanges sur l'évolution du projet et en faisant appel aux ressources locales. L'utilisation de ce modèle de communication permet d'identifier les forces et les faiblesses du projet en termes d'objectifs de développement durable afin de mettre en place un processus de bonification.

En mettant de l'avant le développement durable comme cadre de référence, les activités qui s'articuleront autour des objectifs du projet pourront gagner en cohérence et les chargés de projet qui devront les réaliser pourront être encouragés à garder le cap sur l'image de l'entreprise « promoteur ».

6.6.- Méthodologie adoptée pour l'identification des parties prenantes au projet : une application du modèle de David Cleland

Nous sommes partis avec cinq blocs d'information pour illustrer notre démarche d'identification de parties prenantes, comme nous indiquons dans la figure précédente (fig. 6, p-85). Cette démarche nous permet de mesurer le potentiel de menace ou de collaboration des parties prenantes impliquées au projet. Tel que présenté précédemment, l'analyse porte donc sur les éléments suivants

· Caractéristiques ;

· Intérêts/attentes ;

· Sensibilité/respect vis-à-vis des aspects transversaux ; 

· Potentialités/faiblesses ;

· Implications/contributions

Selon cette méthodologie, nous avons identifié les parties prenantes primaires et les parties prenantes secondaires. La catégorie de parties prenantes primaires a la responsabilité et l'autorité de contrôler les ressources financières et humaines durant le cycle de vie du projet. Elles regroupent principalement les personnes qui ont un engagement direct avec le projet. Elles sont dites « transactionnelles » et sont les premières responsables de la continuité et le succès du projet.

Nous avons ensuite identifié une deuxième catégorie de parties prenantes dites secondaires, qui sont celles n'ayant aucun rapport formel avec le projet. Cette catégorie de parties prenantes regroupe l'éventail d'organismes et de citoyens qui agissent en tant que colporteurs des questions d'environnement et de développement durable. Les parties prenantes secondaires n'ont pas présentement un droit formel pour participer dans la conception et dans la planification, comparativement aux parties prenantes primaires. Pour plusieurs auteurs, elles sont les plus pernicieuses à l'égard des objectifs de réalisation du projet (Raynaud et Dontenwill, 2004). Le schéma 4 présenté à la page suivante est une illustration de notre réflexion quant à l'identification des parties prenantes au projet étudié.

Schéma 4.- Cadre méthodologique d'identification des parties prenantes

Environnement externe

Catégorie des parties

Prenantes interactionnelles

Environnement interne

Catégorie des parties prenantes transactionnelles

Projet étudié

Cette grille d'identification et d'analyse de parties prenantes reprend le formalisme de Freeman et du modèle de Cleland. Comme l'indique le sens des flèches, plus l'on s'éloigne du projet, moins sera grand le niveau d'influence par rapport au contrôle des ressources disponibles (financières, humaines, matérielles, etc).

Cependant, en dépit du changement continu dans les valeurs sociales, de la rapidité de circulation des informations entre les groupes d'acteurs stratégiques, la catégorie des parties prenantes interactionnelles devient de plus en plus difficile à être endossée par le gestionnaire du projet. Comme l'indique la couleur de l'intérieur des rectangles, plus foncé est l'intérieur du rectangle, plus fort pourrait être le niveau d'influence des parties prenantes quant à l'atteinte des objectifs de réalisation de ce projet, tels que sociaux, écologiques et économiques.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984