J. Alain MABIALA
Mémoire de fin
d'études
Université d'Evry Val
d'Essonne-Paris
Master 2 droits de l'homme et droit
humanitaire
2007-2008
Place des victimes devant la justice pénale
internationale
« Ayant à l'esprit qu'au cours de ce
siècle, des millions d'enfants, de femmes et d'hommes ont
été victimes d'atrocités qui défient l'imagination
et heurtent profondément la conscience humaine. Reconnaissant que des
crimes d'une telle gravité menacent la paix, la sécurité
et le bien être du monde. Déterminés à mettre un
terme à l'impunité des auteurs de ces crimes et à
concourir ainsi à la prévention de nouveaux crimes. (...)
Déterminés, à ces fins et dans l'intérêt des
générations présentes et futures, à créer
une Cour pénale internationale permanente et indépendante
(...). »1(*)
« Les victimes doivent être traitées
avec compassion et dans le respect de leur dignité. Elles ont droit
à l'accès aux instances judiciaires et à une
réparation rapide du préjudice qu'elles ont subi, comme
prévu par la législation nationale. »2(*)
« Il ne peut pas y avoir de paix sans justice, pas
de justice sans lois et pas de lois véritables sans une Cour qui
décide ce qui est juste et ce qui est illégal en toute
circonstance.»3(*)
« Devant la Cour pénale internationale les
victimes ne sont plus, effectivement, ignorées mais sont encore loin
d'être sauvées. L'homme entendu comme victime restera, sans nul
doute, un éternel « Spartacus »4(*) à la conquête de sa
liberté »5(*).
Sous la direction de : Céline
RENAUT
Chargée d'enseignement à 'Université
d'Evry-Val d'Essonne
Chargée de cours
à l'Institut d'études politiques de Paris
D'emblée, l'idée d'écrire sur la
place des victimes devant la justice pénale internationale est
en corrélation parfaite avec mes convictions à la fois
scientifiques et personnelles.
Scientifiques parce que, traditionnellement, le droit
international est un droit qui règle la relation entre les États.
Il en est ainsi également pour le droit des conflits armés.
Aussi, les tribunaux ad hoc - considérés par la doctrine
dominante comme des « laboratoires » de la Cour
pénale internationale - n'ont attribué à la victime
qu'une place mineure devant la justice pénale internationale. De ce
fait, la victime entendue au sens de l'individu occupe une
place désormais substantielle dans le dispositif de la justice
pénale internationale.
Personnelles parce que, j'ai cru que, (pendant tout mon
parcours académique que le 20ème siècle
après avoir prouvé ses limites avec les deux guerres mondiales),
le 21ème siècle devrait laisser la place à une
justice pénale non sélective, impartiale, effective et
équitable.
Cependant, le dit siècle continue, dans cette
même lancée, de cautionner la folie humaine en privilégiant
les intérêts égoïstes, n'hésitant pas à
détruire des populations, hommes, enfants et femmes, pour la
quête des matières premières; en laissant des familles
entières dans le deuil, la mélancolie et dans
l'impossibilité de revendiquer leurs droits devant la justice
pénale internationale.
Alors que le monde actuel a besoin de vivre dans une
société « universelle » exempt de toute
impunité. Car la victime des crimes internationaux subit un traumatisme
réel et ne peut trouver gain de cause que si les Etats appliquent et
respectent ce qu'ils ont librement signé et ratifié: le statut de
Rome créant la Cour pénale internationale (CPI) adopté le
17 juillet 1998 et entré en vigueur le 1er juillet 2002.
En étudiant les droits humains et droit humanitaire,
plus précisément le droit pénal international à
l'université d'Evry Val d'Essonne-Paris, je sais, d'ores et
déjà, que mon oeuvre est appelée à vieillir puisque
d'autres scientifiques viendront apporter des contributions substantielles.
Surtout si je considère, comme le De cujus MAKOUNDZI-WOLO disait
constamment, les droits humains comme une « gageure, un pari qu'on
n'est jamais sûr de gagner mais sûr de perdre. »6(*).
En effet, ces dernières années, il y a eu en
Afrique et dans le monde d'autres drames que le Rwanda, l'ex-Yougoslavie ou la
Sierra-Leone en laissant un nombre incalculable des victimes. Comme ils sont
restés dans l'ombre, aucun tribunal pénal international n'a
poursuivi les responsables7(*).
C'est pourquoi, malgré les innovations évidentes
de la Cour pénale internationale (CPI) que j'aurais l'occasion de
détailler tout au long de mon travail, nous sommes encore loin d'un
« État effectif de droit pénal international ».
Certains Etats tels les Etats-Unis8(*), la France...violent
délibérément, pour des intérêts politiquement
égoïstes, le statut de Rome créant la Cour pénale
internationale9(*).
Ce n'est pas la puissance qui doit donner le droit de
décider de ce qui est bien et ce qui ne l'est pas. De plus, les crimes
des vainqueurs des différentes guerres, surtout s'ils sont encore au
pouvoir, semblent échapper à ces juridictions10(*).
Mais tous souhaitent-ils vraiment la justice ? Et quelle
justice ?
La nécessité d'une justice pénale sans
frontière est d'autant plus évidente et nécessaire que le
crime est une réalité touchée par la « mondialisation
». Le trafic de la drogue, des armes, des matières
premières, des minerais précieux a pris des dimensions
incroyables. Des sociétés multinationales et même des
gouvernements ont des comportements «mafieux»; certains conflits
particulièrement meurtriers ont une odeur de pétrole ou un
goût de diamant11(*).
Des questions délicates devront être
résolues pour que la justice pénale internationale soit efficace
et équilibrée, qu'elle ne soit pas une justice des pays riches
imposée aux pays pauvres. Il faudra notamment trancher la question de
l'immunité des dirigeants pendant et après leur mandat.
L'expérience montre que pour éviter la paralysie du pouvoir, il
faut des règles précises pour lever l'immunité des
dirigeants.
L'expérience semble démontrer aussi que
l'amnistie facilite le renouvellement des dirigeants. Pourtant, certains crimes
crient vengeance et ne peuvent rester impunis. Cette tâche devrait
être l'oeuvre des juristes et de la société civile, en
particulier des organisations qui luttent pour le respect des droits humains.
L'histoire de l'humanité n'est-elle pas, notamment, un
long effort pour remplacer la violence par l'instauration d'un État de
droit ?
Je pense qu'il n'y aura pas de sécurité et de
paix pour les victimes des crimes les plus abominables et de la folie humaine
en particulier pour les pauvres, aussi longtemps que certains pourront
impunément étouffer, exploiter et terroriser des populations,
provoquer des massacres, entretenir la violence.
Ainsi, une justice pénale internationale unique, non
sélective, impartiale, sereine, objective et universelle constitue et
resterait la panacée aux différents crimes contre
l'humanité, aux violations massives de droits humains
perpétrées par certains Etats.
Ce faisant, la justice pénale internationale ne pourra
atteindre son objectif que si les victimes sont parties prenantes à
cette volonté de restaurer un ordre brisé par des crimes d'une
extrême gravité. Car depuis toujours, « ces victimes ne
paraissent être que des ombres - sans visages, sans voix, sans
lumière - condamnées à gémir en silence ou à
combler leur frustration par l'exercice d'une vengeance sauvage qui peut
doucement faire glisser l'humanité dans l'enchaînement cruel des
haines éternelles »12(*).
Que ce mémoire
m'offre l'occasion de remercier tous ceux, famille et amis, qui ont pu m'aider,
par leur soutien, leur disponibilité et par l'intérêt
qu'ils ont porté à ce travail, à oublier un instant que
dans l'étude des droits humains, l'oeuvre a déjà vieilli
alors qu'elle vient d'être écrite. Je fais allusion à ma
femme, mes enfants Yaslain & Jalaine, mes neveux & nièces. Mais
aussi, à Brigitte MAKOUNDZI-WOLO, à Gisèle NGONDO,
à Hélène ELENGA et à Joséphine MOULOMBO sans
elles je ne pouvais bénéficier ni de l'amour maternel ni de
l'assistance pécuniaire d'autant que mes parents ont été
portés disparus pendant les différentes guerres civiles qui ont
dévasté mon pays à partir du 05 juin 1997. Aussi, je tiens
tout profondément à souligner la patience et l'attention dont a
fait preuve la directrice de ce mémoire Madame Céline RENAUT.
Qu'elle en soit remerciée, tout comme Monsieur Yann KERBRAT, responsable
de la formation et Monsieur Jean K. PAULHAN, responsable d'EDUDROIT en
acceptant mon inscription en master2 droits de l'homme et droit humanitaire
à l'université d'Evry Val d'Essonne-Paris. Je ne pourrai terminer
mon allocution sans pour autant citer l'association Ensemble contre la peine de
mort (ECPM) qui a permis à ce que mon année académique
soit validée en m'accordant, au sein du secrétariat
exécutif de la Coalition mondiale contre la peine de mort, un stage de
six mois.
Merci à toutes et à tous.
Avant-propos ......................................................................................................................2-4
Remerciements.......................................................................................................................4
Table des
matières..................................................................................................................5
Introduction........................................................................................................................6-10
Ière partie
De la consécration progressive de la place de la victime
devant la juridiction pénale
internationale..........................................................................................................................11
Chapitre I
Du projet Moynier à la Haye en passant par les Tribunaux
ad hoc................................................11-13
Chapitre II
Du régime spécifique accordé à la
victime par le statut de
Rome..................................................13-14
IIème partie
De la participation de la victime dans la procédure
Chapitre I
Avant le
procès...................................................................................................................14-17
Section 1
De l'incitation de la victime d'ouvrir une enquête par le
Procureur......................................................15
Section 2
De l'impossibilité de saisir directement la Cour par la
victime......................................................15-16
Section 3
De l'obligation d'informer la
victime.......................................................................................16-17
Chapitre II
Pendant le
procès....................................................................................................... .......17-19
Section 1
De l'intervention de la victime dans la procédure au
fond...........................................................17-18
Section 2
De la victime et les droits de la
défense.................................................................................18-19
Chapitre III
Après le
procès.................................................................................................................19-23
Section 1
De l'indemnisation du préjudice
encouru.................................................................................19-22
Section 2
De la protection et la sécurité de la
victime.............................................................................
22-23
IIIème partie
De la nécessité d'intégration
« effective » du statut de Rome dans la législation
interne des Etats
parties..............................................................................................................................24-27
Chapitre I
De l'obligation de coopération des Etats avec la
CPI......................................................................24
Chapitre II
De l'impunité des auteurs des crimes les plus graves et
l'inapplicabilité de certaines dispositions du Statut de Rome relatives
à la
victime..................................................................................................25-27
Conclusion..........................................................................................................................28
Bibliographie.......................................................................................................................29
Annexe..........................................................................................................................30-41
· introduction
La création de la Cour pénale internationale
(CPI13(*))
représente, selon Kofi Annan, secrétaire général
sortant de l'ONU, « un gage d'espoir pour les
générations à venir et un pas de géant sur la voie
du respect universel des droits de l'homme et de l'Etat de
droit ».
Rappelons, d'entrée de jeu, que les Tribunaux ad hoc
bien que considérés comme des
« laboratoires » de la CPI n'ont apporté que des
avancées mineures dans le domaine de prise en charge effective de la
victime des crimes internationaux. Notre étude portera, donc, sur les
tenants et aboutissants de la place de la victime non pas devant les dits
tribunaux mais plutôt devant la Cour pénale internationale.
Simplement pour éviter une étude comparative fastidieuse entre
les différentes juridictions pénales internationales.
Ce faisant et qualifiée pendant des décennies
"d'utopique", ce « gage d'espoir pour des
générations » futures - pour reprendre les termes de
Kofi Annan - avait été initié en 1874 par Gustave
Moynier, l'un des fondateurs de la Croix-Rouge pour punir les crimes les plus
attentatoires à l'essence humaine. Presque deux siècles ont fallu
pour que ce gage d'espoir puisse effectivement se matérialiser en un
Statut à Rome. Ce Statut de Rome créant la CPI est entré
en vigueur le 1er juillet 200214(*), déclenchant la mise en place d'une justice
pénale aux ambitions universelles, chargée de réprimer les
crimes les plus abominables: les crimes de guerre, les crimes contre
l'humanité et le génocide15(*).
Confrontée à de multiples difficultés, la
Cour - afin de sauvegarder sa dignité et sa légitimité -
doit affronter l'opposition résolue des Etats-Unis, de la Chine et de
quelques autres pays qui s'abstiennent à ratifier le Statut de
Rome16(*), prouver qu'elle
n'exerce pas seulement sa juridiction à l'égard des Etats les
plus faibles de la communauté internationale et faire en sorte que
l'opinion internationale, dans ses multiples composantes culturelles, puisse se
reconnaître dans cette justice internationale. Cela constitue et
constituerait, indéniablement, un exemple pour des
générations futures; et ce, au nom de la règle du
précédent17(*).
Puisque, avouons-le, le Statut de la CPI accorde une place
importante aux victimes, réalisant que la justice pénale
internationale ne pourra réussir sa mission que si les victimes sont
parties prenantes à cette volonté de restaurer un ordre
brisé par des crimes internationaux les plus graves. C'est une
révolution notable dans l'univers complexe sinon séduisant du
droit pénal international, notamment pour les victimes. C'est de cette
révolution sans commune mesure que nous parlerons tout au long de notre
travail. Sachant que de Nuremberg aux tribunaux pénaux internationaux
pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda18(*), la place de la victime devant les juridictions
pénales internationales a été « quasiment
oubliée »19(*) avant sa consécration
« effective » par le Statut de Rome créant la
CPI.
Aussi, le droit international ne régissait,
traditionnellement, que les relations étatiques. La victime entendue
comme personne physique n'avait donc droit ni à la parole, ni à
des réparations. Alors que les crimes de guerre et les crimes contre
l'humanité, en particulier le génocide et la torture, peuvent
engendrer un nombre très élevé de victimes. En outre,
quand le conflit armé est toujours en cours, et que les auteurs des
crimes de guerre continuent à occuper des positions de pouvoir, les
risques d'intimidation ou de vengeance sont réels, à
l'égard non seulement de ceux qui sont directement concernés,
mais aussi des membres éventuels de leur famille.
En effet, la conviction que les droits humains doivent
être absolument respectés et défendus partout est un
acquis de notre époque. Pratiquement tous les États ont
adhéré à la Déclaration universelle des droits de
l'homme (DUDH).20(*) Il
paraît normal que des crimes contre l'humanité soient poursuivis
au-delà des frontières. C'est le principe de la compétence
universelle. Nous reviendrons sur cette notion dans le corps de notre
étude.
Néanmoins, l'évolution de la
société « universelle » inhérente
à la justice pénale internationale écoeure les
« esprits éclairés » - une
société où l'impunité des auteurs des
crimes21(*) les plus
odieux n'est pas l'affaire de tous et où certains Etats, pourtant,
parties au statut de Rome continuent à méconnaitre les droits
et/ou la place des victimes des violations massives des droits humains et du
droit humanitaire -, comme elle peut, évidemment, écoeurer toute
personne qui abandonnerait un cynisme parfois irrésistible, une attitude
égocentriste pour espérer l'émergence d'une conscience
collective vouée aux humains. Si le droit international concerne les
Etats, alors l'on peut penser, par analogie, que c'est aux Etats de
régler le problème des victimes des crimes de guerre d'autant que
le principe de complémentarité22(*) veut que la CPI ne puisse se substituer aux
juridictions nationales à moins que l'Etat n'ait guère la
volonté ou la possibilité de mener l'enquête ou les
poursuites.
Pour mieux apprécier le droit reconnu aux victimes
d'accéder à la justice, il est nécessaire de
définir la notion de victime en droit international et
conformément aux dispositions du Statut de Rome créant la CPI.
La Déclaration de l'Assemblée
générale de 1985, aux articles 1 et 2, définit les
victimes :
«1. On entend par « victimes », des personnes
qui, individuellement ou collectivement ont subi un préjudice, notamment
une atteinte à leur intégrité physique ou mentale, une
souffrance morale, une perte matérielle, ou une atteinte grave à
leurs droits fondamentaux, en raison d'actes ou d'omissions qui enfreignent les
lois pénales [...].
«2. Une personne peut être considérée
comme une « victime »
[...] que l'auteur soit ou non identifié,
arrêté, poursuivi ou déclaré coupable, et quels que
soient ses liens de parenté avec la victime. Le terme «victime
» inclut aussi, le cas échéant, la famille proche ou les
personnes qui ont subi un préjudice en intervenant pour venir en aide
aux victimes en détresse ou pour empêcher la victimisation.
»
Cette définition semble être pertinente d'autant
qu'elle couvre, à la fois, les victimes directes, les ayants droit, les
membres de la famille et même les personnes qui ont subi un
préjudice en portant assistance aux victimes. Le comble c'est que cette
définition ne fait pas allusion aux personnes morales. C'est pourquoi,
le conseil de sécurité de l'ONU a pris la résolution
687/91 sur l'Irak et prévoit ce qui suit :
«L'Iraq [...] est responsable, en vertu du droit
international, de toute perte, de tout dommage - y compris les atteintes
à l'environnement et la destruction des ressources naturelles - et de
tous autres préjudices directs subis par des États
étrangers et des personnes physiques et sociétés
étrangères du fait de son invasion et de son occupation illicites
du Koweït. »23(*).
Cette résolution donne une définition
très large du terme « victime ». Ainsi, entrent en ligne de
compte, pour l'obtention d'une indemnisation, les pertes commerciales
indirectes subies par des sociétés étrangères et
les sommes consacrées à l'assistance aux
réfugiés.
Cependant, une définition trop large ouvre la voie aux
abus. Des sommes considérables auraient été versées
à des sociétés israéliennes, y compris des vendeurs
de fleurs et des exploitants de cinéma, pour les pertes commerciales
subies à cause de la situation de guerre. A première vue, rien
ne justifierait d'accepter des critères moins larges pour indemniser le
préjudice résultant d'une violation du droit des conflits
armées (jus in bello) que pour indemniser celui
résultant d'une violation de la Charte des Nations Unies (jus ad
bellum).
Cependant, les statuts et règlements de
procédure des deux Tribunaux ad hoc utilisent toujours une
définition très étroite, limitée à
« toute personne physique à l'égard de laquelle
aurait été commise une infraction relevant de la
compétence du tribunal »24(*).
Une définition plus large a été
élaborée par le professeur van Boven dans un rapport soumis aux
Nations Unies intitulé Principes fondamentaux et directives
concernant le droit à la réparation des victimes de
violations des droits de l'homme et des libertés
fondamentales25(*),
qui inclut notamment la famille. Un séminaire international sur les
droits des victimes, tenu à Paris en avril 1999, a proposé, en
vue de l'élaboration du règlement de procédure, une
définition proche de celle fournie par van Boven:
«1. (...) toute personne ou groupe de personnes qui,
directement ou indirectement, individuellement ou collectivement, a subi un
préjudice à raison de crimes relevant de la compétence de
la Cour. Le terme « préjudice » comprend toute atteinte
physique ou mentale, toute souffrance morale, tout dommage matériel ou
atteinte substantielle aux droits fondamentaux. Le cas échéant,
des organisations ou des institutions qui ont pâti directement du crime
peuvent aussi être des victimes. »26(*)
Un compromis a été trouvé dans le
Règlement de procédure et de preuve de la CPI (règle 85) :
« a) Le terme «victime » s'entend de toute
personne physique qui a subi un préjudice du fait de la commission d'un
crime relevant de la compétence de la Cour ; b) Le terme « victime
» peut aussi s'entendre de toute organisation ou institution dont un bien
consacré à la religion,
à l'enseignement, aux arts, aux sciences ou à la
charité, un monument historique, un hôpital ou quelque autre lieu
ou objet utilisé à des fins humanitaires a subi un dommage
direct. »27(*)
Contrairement à ce qui est actuellement prévu
dans les statuts des Tribunaux ad hoc, les membres de la famille et
les ayants droit peuvent être reconnus comme victimes, sans qu'il y ait
une extension illimitée vers un préjudice indirect.
L'énumération des organisations et des institutions dont le
préjudice peut donner lieu à une indemnisation rappelle les
dispositions des Protocoles additionnels aux Conventions de Genève qui
concernent la protection de biens culturels et de biens destinés au
culte28(*).
Retenons que la victime directe ou indirecte de graves crimes
internationaux souffre de séquelles importantes. Elles ne veulent qu'une
chose : une « justice soit faite ».
Dès lors, quelle est la place de la victime dans la
procédure de saisine du tribunal et dans son intervention au fond?
Quelle aide légale prévue et indemnisation du préjudice
encouru par elle ? Cependant, certains Etats parties au statut de Rome
créant la CPI, tels la France..., refusent ou tout simplement
hésitent encore, pour de raisons diverses, d'intégrer
« pleinement » certaines dispositions du dit statut dans
leur législation interne; en contribuant à méconnaitre les
droits des victimes des crimes les plus graves.
De ce fait, l'impunité dont jouissent certains auteurs
de ces crimes constitue un frein, « une épée
Damoclès » au droit de revendication29(*) de la victime. Nombreux sont
les témoignages de victimes des crimes les plus graves que la
« communauté internationale » ait connu au cours du
XXe siècle qui insistent sur la frustration ressentie face
à l'impossibilité de témoigner et l'indifférence de
leur propre société. Il est vrai que le génocide, le crime
contre l'humanité ou le crime de guerre relèvent d'une
singularité criminelle certaine30(*). Les persécutions contre un homme en raison de
sa race, sa religion ou « autres » nient l'appartenance
même de la victime à l'espèce humaine. Donner la mort
à un ennemi, un concurrent, un adversaire peut être criminel (en
situation de respect du pacte social à en croire Jean Jacques Rousseau)
à condition de tuer un homme, mais lui refuser l'accès à
l'humanité en refusant de le penser dans sa spécificité
naturelle et culturelle, conduit à détruire l'humanité qui
est en l'autre et, in fine, la sienne propre.31(*).
Les victimes de ces violations ont subi - et sont parfois
encore sous la menace - d'extrêmes violences orchestrées ou
tolérées par leurs propres gouvernants. En pareille situation, le
contrat social - la confiance dans les autorités - est alors
profondément altéré. Les dirigeants encore au pouvoir ne
souhaitant pas revenir sur leurs crimes d'autrefois et les nouveaux gouvernants
estimant bien souvent que la réconciliation nationale passe par le
silence sur les failles du passé.
Ainsi, les victimes de ces crimes ressentent, malgré
elles, un certain exceptionnalisme, le sentiment d'être devenues
étrangères auprès de leurs concitoyens ou de tous ceux qui
n'ont pas connu de souffrances similaires. Au vu de leurs difficultés,
les victimes sont alors en attente de ce que pourrait leur apporter la justice.
Elles soulignent souvent que cet apaisement ne viendra pas d'un pardon
individuel, mais d'une mission de la justice.
Une telle espérance est-elle fondée ? Pour
autant, la victime peut clairement tirer profit du procès de son
bourreau, a fortiori si elle intervient directement au cours du procès.
En toute hypothèse, en assistant directement aux audiences ou en suivant
le jugement par l'intermédiaire des médias, la victime peut
retirer du procès du grand criminel - outre la satisfaction et la
sécurité de le voir hors d'état de nuire - la
précieuse reconnaissance de son vécu. La justice dispose de
moyens exorbitants de droit commun qui peuvent aider à
l'établissement d'une vérité sur des horreurs. La justice
bénéficie également d'une présomption de
légitimité qui doit aider à la prise de conscience
collective de souffrances individuelles. L'exemple du procès d'Adolf
Eichmann sur la société israélienne est ici
révélateur. Lorsqu'elle participe pleinement au procès, en
tant que partie civile ou témoin, la victime peut aussi
bénéficier à travers l'écoute et la
considération du juge d'une reconnaissance personnelle de son
traumatisme, de la délivrance d'un non-dit.
En conséquence, le procès peut parfaitement
avoir des vertus considérables pour la victime pourvu qu'une place
importante lui soit reconnue. Afin, justement, de donner une vue assez
cohérente de la présente étude, il parait impérieux
de faire un retour rétrospectif inhérent à la
consécration progressive de la place de la victime devant la juridiction
pénale internationale (Ière partie). De cette consécration
découle, en outre, l'intervention ou la participation de la victime
dans la procédure, de forme comme de fond, devant la justice
pénale internationale (IIème partie). En effet, les droits
substantiels de la victime ne seront effectifs que si le Statut de Rome
créant la CPI est intégré « concrètement
et pleinement » dans la législation interne des Etats parties
(IIIème partie).
De la consécration progressive de la place de
la victime devant la juridiction pénale internationale
Dans la procédure d'inspiration anglo-saxonne que
pratiquent les deux tribunaux ad hoc, la victime est, selon la formule de
Claude Jorda, président du TPIY, « comme une balle de
ping-pong » que se renvoient le procureur et les avocats de la
défense, lors des interrogatoires et des contre-interrogatoires. Pour
autant, la consécration de la place de la victime devant la justice
pénale internationale fut longue et progressive tant au niveau des
textes protecteurs qu'au sein des premiers procès internationaux. Du
projet Moynier aux Tribunaux ad hoc (chapitre I), il a fallu attendre la
décision du 17 janvier 2006 de la Chambre préliminaire I de la
CPI examinant la situation en République démocratique du Congo
pour que la victime ait, de façon pratique, un régime
spécifique devant la justice pénale internationale (Chapitre
II).
Du projet Moynier à la Haye en passant par les
Tribunaux ad hoc
L'histoire des différentes guerres montre une
évolution constante du nombre de victimes; et ce, parmi les populations
civiles. Le projet Moynier de juridiction pénale internationale marque,
en 1872, la première volonté de prise en considération de
la victime puisque l'article 7 §1 de ce texte prévoit la
possibilité d'accorder une indemnité aux victimes de
guerre32(*).
Néanmoins, les premiers pas de la justice pénale
internationale ont davantage été marqués par la
priorité accordée à l'établissement de la
culpabilité de l'accusé, sans aucun égard envers ses
victimes. Pour s'en convaincre, lors du premier procès international,
à Nuremberg, les procureurs anglais et américains n'ont
appelé à témoigner aucune des victimes du régime
nazi. Aussi, les premiers traités de droit international humanitaire -
particulièrement les 4 conventions de Genève du 12 août
1949 - protégeaient les victimes de crimes internationaux mais ne
stipulaient aucun droit au déclenchement d'une action judiciaire, ni
aucune possibilité d'intervention au cours d'un procès et encore
moins de droit à indemnisation33(*).
C'est à partir des années 60 que les victimes se
virent reconnaître un rôle actif et non plus passif face aux crimes
qu'elles subissaient. Des textes universels ou des conventions
régionales ont progressivement consacré certains droits propres
aux victimes34(*). Un
mouvement rassemblant nombre d'intellectuels et d'ONG, sous l'influence de la
doctrine pénale de la « défense sociale »,
militait pour une telle évolution. Enfin une reconnaissance majeure des
droits des victimes interviendra avec la Déclaration des principes
fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux
victimes de l'abus de pouvoir de 198535(*).
Au regard des dispositions pertinentes du Statut de Rome
inhérentes à la place des victimes, les statuts des Tribunaux
ad hoc sont plutôt décevants36(*). La place
réservée à la victime dans ces premières
juridictions pénales internationales depuis Nuremberg ne correspond pas
aux espérances37(*). Au sein des statuts, une seule disposition
intitulée « Protection des victimes et des
témoins », traite de la place de la victime, en renvoyant
simplement au Règlement de procédure et de preuve38(*). Ce dernier ne les autorise
à participer personnellement à la phase judiciaire.
Si le Procureur représente officiellement les victimes,
sa volonté d'aller vite est parfois contradictoire avec leurs
intérêts. Elles ne peuvent non plus recevoir de réparation
ou de compensation aux souffrances endurées39(*). A cet égard, une
Section d'aide aux victimes et aux témoins fut mise en place afin
d'abord de garantir la sécurité des témoins et ensuite de
proposer une aide tant logistique que psychologique.
Une telle absence de dispositions plus favorables aux victimes
s'explique par la volonté d'agir rapidement et de se focaliser ainsi sur
le châtiment des coupables, alors que nombreux étaient ceux qui
dénonçaient la passivité des grandes puissances face
à la purification ethnique en ex-Yougoslavie ou face au génocide
Rwandais40(*).
Les victimes étaient ainsi appréhendées
non comme un objectif majeur de la répression mais comme un moyen
d'établir la culpabilité des accusés, le parquet disposant
de moins de preuves formelles que son prédécesseur à
Nuremberg.
On comprend ainsi toutes les précautions prises par les
Tribunaux ad hoc à l'égard des
témoignages41(*).
Cependant et reconnaissons-le que les tribunaux ad hoc ont été
les laboratoires de la Cour pénale internationale. La Cour pénale
internationale est le fruit d'un contexte bien particulier sinon
unique42(*).
La volonté de construire un « nouvel ordre
mondial», de dépasser l'équilibre westphalien fondé
sur les souverainetés étatiques ou d'oeuvrer à une
communauté universelle fondée sur des valeurs humanistes.
Contrairement aux statuts des TPI portés par les diplomates au sein du
Conseil de sécurité, la Cour pénale internationale fut
plus directement négociée par la société civile.
Ainsi l' « esprit de Rome43(*) » marque une rupture
dans la place que les victimes occupent devant la justice pénale
internationale44(*). Car
en fait, devant les tribunaux ad hoc, ainsi, la victime n'a pas une place
reconnue en tant que telle. Elle n'a droit ni à aucune indemnisation, ni
réparation, si ce n'est la restitution de biens volés. La victime
n'existe qu'en tant que témoin, le plus souvent de l'accusation. Cette
difficulté de se constituer partie civile produit des effets pervers.
Pour s'en, convaincre, lors du procès au TPIY de l'ex-président
serbe, Slobodan Milosevic, des victimes, citées à
comparaître comme témoins, n'ont même pas pu relater leur
traumatisme car instrumentalisées par le procureur pour valider tel ou
tel point précis de l'accusation, avant d'être soumises à
une kyrielle de questions du contre-interrogatoire que menait l'accusé
en personne, puisqu'il était son propre et seul avocat.
Du régime spécifique accordé aux
victimes par la Cour pénale internationale
Le Statut de la Cour pénale internationale accorde,
pour la première fois dans l'histoire du droit pénal
international une place substantielle aux victimes. En effet, le régime
particulier accordé aux victimes par le Statut de Rome est
apprécié de manière extensive :
Aux fins du Statut et du Règlement :
a) Le terme « victime » s'entend de toute
personne physique qui a subi un préjudice du fait de la commission d'un
crime relevant de la compétence de la Cour;
b) Le terme « victime » peut aussi s'entendre de
toute organisation ou institution dont un bien consacré à la
religion, à l'enseignement, aux arts, aux sciences ou à la
charité, un monument historique, un hôpital ou quelque autre lieu
ou objet utilisé à des fins humanitaires a subi un dommage
direct45(*).
Précisément, les victimes vont pouvoir alimenter
leur quête de vérité en interrogeant les témoins,
bénéficiant d'une écoute inestimable en s'exprimant devant
la Cour, obtenir du coupable une réparation avec, le cas
échéant, l'aide de l'institution. De nouveaux standards de
participation, de protection et d'indemnisation qui étaient jusqu'alors
absents de la justice pénale internationale vont ainsi
bénéficier aux victimes. L'Unité spécialisée
de la participation des victimes et des réparations a été
chargée de réguler l'ensemble de ces dispositions progressistes.
Une participation effective des victimes a comme corollaire la
nécessité de leur accorder une protection conséquente.
Aussi, le régime de Rome leur octroie l'aide d'un représentant et
des garanties de sécurité que nous développerons dans la
deuxième partie relative à l'intervention de la victime dans la
procédure. En conséquence, tout au long de leurs
démarches, les victimes bénéficient de l'aide et du
soutien du Bureau du conseil public pour les victimes crée le 19
décembre 2005.
Parallèlement, le Statut de Rome prévoit un
fonds d'affectation spéciale au profit des victimes46(*). Le Fonds a pour objet de
transmettre les indemnités. Il s'agit de garantir que les victimes
auront la possibilité de bénéficier d'une indemnité
leur permettant de mieux faire face à leurs difficultés
matérielles ou psychiques. Cela constitue, incontestablement, une
avancée remarquable.
De l'intervention de
la victime dans la procédure
La CPI comporte deux aspects révolutionnaires pour les
victimes, qui ont été acquis de haute lutte durant les
négociations du Statut à Rome : la participation des victimes au
procès et le droit à des réparations. Ainsi, le
régime spécifique accordé à la victime dans le
procès pénal international nous pousse à examiner son
intervention dans la procédure ; et ce, avant (Chapitre I), pendant
(II) et après (Chapitre III) le procès. D'autant qu'il
était donc essentiel que les victimes soient au coeur de l'action de la
CPI à tous les stades de la procédure.
Avant le procès
Dans le Statut Rome créant la CPI, il est prévu
explicitement que le procureur peut engager des enquêtes sur des
renseignements fournis par la victime ou par des ONG de défense des
droits humains. C'est l'article 15 du Statut de Rome. Cet article dispose que :
« Le Procureur peut ouvrir une enquête de sa
propre initiative au vu de renseignements concernant des crimes relevant de la
compétence de la Cour. Le Procureur vérifie le
sérieux des renseignements reçus. À cette fin, il peut
rechercher des renseignements supplémentaires auprès
d'États, d'organes de l'Organisation des Nations Unies, d'organisations
intergouvernementales et non gouvernementales, ou d'autres sources dignes de
foi qu'il juge appropriées, et recueillir des dépositions
écrites ou orales au siège de la Cour ».
De ce fait, la victime peut donc inciter le
procureur à ouvrir une enquête (section I).
Sachant que la victime ne peut pas saisir directement la Cour (section
II). Cependant, la victime doit être tenue au courant, sans délai,
si le procureur venait à décider de ne plus ouvrir
d'enquête. La notification de cette décision à la victime
doit être motivée (section III).
De l'incitation de la victime d'ouvrir une
enquête par le procureur
Personne n'est mieux placé que les victimes et les ONG
pour connaître la réalité des crimes de masse ainsi que
l'identité présumée de leurs auteurs. Le Haut-
Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU estime que 90% des informations sur
les violations massives des droits humains émanent d'ONG, elles
mêmes en contact direct avec des victimes. Dans la finalité aussi
bien que dans les modalités de mise en oeuvre de la justice
internationale, il y a une convergence d'intérêts qui est donc
reconnue entre le procureur et les victimes (Cf. article 15 du Statut de la
CPI).
Ici, il s'agit de l'ouverture d'une enquête. Cela ne
signifie nullement que la plainte est recevable, ni que la Cour est
compétente. L'article 15-4 précise, en effet, que le dernier mot
reviendra à la Cour en vertu de l'article 17 car "La compétence
de la CPI est complémentaire de celle des juridictions nationales".
Le procureur lui-même doit obtenir l'accord de la
Chambre préliminaire pour ouvrir une instruction. La Chambre
préliminaire est généralement composée de trois
juges, mais peut aussi statuer avec un seul juge selon les conditions des
articles 39-2b, iii et 57-2b. La Chambre préliminaire a pour mandat
d'encadrer le procureur et de s'assurer qu'il n'ouvre pas d'enquêtes sans
justification. Si le procureur entend ouvrir une instruction et en demander
l'autorisation à la Chambre préliminaire, il en avertit les
victimes, que ce soit individuellement ou collectivement. Il peut les avertir
aussi via les organisations de victimes ou leur avocat. Les victimes peuvent
adresser des représentations écrites à la Chambre
préliminaire pour faire valoir leur point de vue et inciter celle-ci
à donner son autorisation. La Chambre peut alors leur demander de plus
amples renseignements ainsi qu'au procureur. Elle peut également tenir
une audience. La Chambre préliminaire autorise ou non l'ouverture de
l'enquête par une décision motivée, c'est-à-dire
argumentée, qu'elle communique aux victimes qui lui ont exposé
leur point de vue (règle 50). En cas de refus d'autorisation, le
procureur peut faire une nouvelle demande « en se fondant sur des
éléments de preuves nouveaux ayant trait à la même
situation ». Les victimes ont donc tout intérêt à
transmettre au procureur tous éléments de faits et de preuves
nouveaux au sujet de la même affaire, puisque rien n'interdit à
celui-ci de les examiner à plusieurs reprises (article 15-6).
En clair, cette phase de la procédure ne donne à
la victime aucun droit de saisir « directement » la
Cour.
De l'impossibilité de saisir directement la
Cour par la victime
Le droit de déposer des preuves de la commission de
crimes auprès du procureur de la CPI ne signifie pas que les victimes
puissent saisir directement la Cour. Dans certains systèmes juridiques -
tels celui de la France - il existe pourtant cette possibilité de se
constituer partie civile. En effet, il s'agit précisément de
l'article 85 du code de procédure pénale : les victimes peuvent
déclencher par voie d'action des poursuites en agissant devant le doyen
des juges d'instruction, même si le procureur est opposé à
de telles poursuites.
En revanche, dans le Statut de la CPI, seul le procureur peut
en principe ouvrir une enquête.
La Chambre préliminaire peut, cependant dans certaines
conditions, imposer au procureur d'ouvrir une enquête, notamment à
la demande des victimes, lorsque le procureur a refusé de le faire parce
qu'il a estimé qu'une enquête ne servirait pas "les
intérêts de la justice". Pour parvenir à cette
décision, le procureur doit prendre en compte la gravité du crime
mais aussi les intérêts des victimes. Cette décision du
procureur sera notifiée aux victimes (Cf. section suivante relative
à l'obligation d'informer la victime) en vertu de la règle 92 du
Règlement de procédure et de preuve qui pourront déposer
des observations devant la Chambre préliminaire pour que celle-ci impose
au procureur l'ouverture d'une enquête.
Le cas le plus intéressant, qui n'a pas de
réponse claire dans le Statut, est celui de l'inaction du procureur. La
question qui se pose est celle de savoir si les victimes peuvent dans certains
cas se plaindre d'un refus du procureur. Mais que va-t-il se passer si le
procureur ne répond pas ?
Il faut ici se souvenir que la Chambre préliminaire a
été créée pour contrôler les actions du
procureur, particulièrement en ce qui concerne la question de
l'ouverture des enquêtes. Les pouvoirs de la Chambre préliminaire
sont ici énormes et il n'est pas exagéré de rappeler que
l'article 15 du Statut n'aurait jamais été adopté sans
l'existence d'un contrôle de toutes les actions du procureur, dans un
sens négatif ou positif. Il est donc tout à fait possible qu'un
jour soit posée la question devant la Chambre préliminaire, par
les victimes, de l'inaction du procureur et du pouvoir de la Chambre
préliminaire de contrôler aussi bien l'action que l'inaction de
celui-ci. Le pouvoir du procureur d'ouvrir une enquête devant la CPI
n'est pas un pouvoir exclusif : c'est un pouvoir prioritaire en ce que le
procureur est le premier à décider de la suite à donner
aux informations reçues, mais il n'est pas le seul et son pouvoir est
soumis, notamment à la demande des victimes, au pouvoir de
contrôle de la Chambre préliminaire.
Cependant, quelle qu'en soit sa décision, le Procureur
doit informer la victime; et ce, par tout moyen et sans délai.
De l'obligation d'informer la victime
Le procureur peut décider de ne pas ouvrir
d'enquête, s'il estime que les renseignements qui lui ont
été communiqués ne sont pas suffisants ou ne justifient
pas une telle enquête. Il doit alors avertir sans délai ceux qui
lui ont transmis les informations et donner les raisons de son refus. La
notification doit indiquer la possibilité d'adresser au procureur de
« nouveaux renseignements sur la même situation à la
lumière de faits ou d'éléments de preuves
nouveaux » (règle 49 du Règlement de procédure
et de preuve). Si après enquête, le procureur décide de ne
pas poursuivre, il informe de sa décision et de ses raisons la Chambre
préliminaire et l'Etat qui lui a soumis la situation, ou le cas
échéant, le Conseil de sécurité ou une ONG si c'est
l'un d'eux qui l'a saisi.
Cette participation de la victime dès le début
de l'enquête est une innovation importante qui mérite une
attention digne et particulière. Cette reconnaissance de la
participation de la victime dès le commencement de l'enquête est,
comme avons-nous dit en amont, sans précédent dans
« l'univers pénal international ». Certainement,
elle s'explique par le lobbying des organisations de défense des droits
de l'homme à Rome et le soutien qu'elles ont reçu, à la
fois de pays "progressistes" en matière de droit pénal
international (comme la France), et de la majorité des Etats à
tradition continentale qui connaissent dans leur droit interne le concept de
"partie civile", totalement étranger à la Common Law
(système juridique anglophone).
Mais au-delà de la mécanique politique qui a
permis d'arriver à ce résultat, la justice internationale, si
elle vise à "débloquer" des sociétés
divisées par la guerre, ne peut plus faire l'impasse sur le rôle
décisif que sont amenés à jouer tous ceux qui se
considèrent victimes dans la perspective de la reconstruction.
L'objectif de la justice internationale n'est pas tant de sanctionner à
hauteur de leur incommensurable gravité "des crimes qu'on ne peut ni
punir, ni pardonner", selon la formule de l'essayiste Hannah Arendt, mais,
à travers le rituel d'un procès, d'individualiser les
responsabilités des crimes, afin de lever le soupçon de la
culpabilité collective, tout en combattant le révisionnisme et
l'impunité, sources de nouvelles haines et violences.
Cette percée s'explique, en définitive, par
l'évolution des relations internationales marquées notamment par
le rôle désormais reconnu des organisations non gouvernementales
(ONG) et la place déterminante qu'occupe la victime dans les
mentalités collectives. Ce double changement résulte
lui-même d'un ensemble de facteurs de natures très
différentes : l'individualisme de plus en plus fort, l'organisation des
victimes en groupes de pression, la médiatisation des conflits, qui rend
plus concrètes et plus immédiates les souffrances des
populations, mais aussi et surtout, l'instrumentalisation politique des
"victimes" par des organisations qui y voient une source supplémentaire
de légitimité politique dans leur combat.
Quelle est, par ailleurs, la place de la victime pendant le
procès ?
Pendant le procès
Le Statut de Rome créant la CPI prévoit, outre
la participation de la victime au début du procès, la
possibilité pour elle d'intervenir dans la procédure au fond
(section I). Par contre une question demeure : les droits de la
défense sont -ils respectés ? (section II).
De l'intervention de la victime dans la
procédure au fond
D'emblée, il faut reconnaître que l'article 6 (b)
de la Déclaration de 1985 prévoyait déjà que le
point de vue des victimes devrait être entendu dans la procédure
pénale : « En permettant que les vues et les préoccupations
des victimes soient présentées et examinées aux phases
appropriées des instances, lorsque leurs intérêts
personnels sont en cause, sans préjudice des droits de la
défense, et dans le cadre du système de justice pénale du
pays. »
Aussi, le Statut de la CPI prévoit bel et bien une
place pour les victimes, non seulement dans la phase préparatoire mais
aussi et surtout dans la procédure au fond. L'article central concernant
les victimes est l'article 68 relatif à la Protection et
participation au procès des victimes et des
témoins. Une véritable ouverture a ainsi été
créée pour une intervention dans la procédure. Voici ce
que dit cet article :
«3. Lorsque les intérêts personnels des
victimes sont concernés, la Cour permet que leurs vues et
préoccupations soient exposées et examinées, à des
stades de la procédure qu'elle estime appropriés et d'une
manière qui n'est ni préjudiciable ni contraire aux droits de la
défense et aux exigences d'un procès équitable et
impartial. Ces vues et préoccupations peuvent être exposées
par les représentants légaux des victimes lorsque la Cour
l'estime approprié, conformément au Règlement de
procédure et de preuve. »
Conformément au Statut de Rome, les victimes peuvent
introduire une demande en vue d'intervenir dans la procédure. Une telle
demande sera en principe accueillie par la Chambre si le requérant est
réellement une victime au sens du Règlement. Les victimes peuvent
se faire représenter individuellement ou collectivement par des avocats
ou d'autres conseils. Ceux-ci seront invités aux audiences et recevront
de la part du greffe une copie des pièces de procédure. Avec
l'article 91 du Règlement de procédure et de preuve, la
percée est complète. Cet article prévoit que les conseils
des victimes auront en principe le droit d'assister aux audiences. Dans des
circonstances exceptionnelles seulement, la Chambre pourra limiter
l'intervention de ces conseils aux plaidoiries ou au dépôt de
conclusions.
Toutefois, si, dans les débats sur la question de la
culpabilité, les droits des représentants des victimes sont
encore quelque peu limités par rapport à ceux de la
défense, ces limites disparaissent complètement dans la phase de
la procédure où est plaidée l'indemnisation du
préjudice. Dans cette perspective, les droits de la défense
sont-ils observés pendant un procès auquel la victime est
confrontée ?
De la victime et les droits de la défense
Le Statut de Rome, en accordant un certain nombre des
garanties à la victime, porte atteinte aux droits de la défense
des accusés. Tel est le cas non seulement du témoignage anonyme,
mais aussi de l'interrogatoire à distance ou des limites
apportées à l'interrogatoire de victimes de crimes sexuels.
En effet, le témoignage anonyme est source de conflits
entre deux droits fondamentaux.
D'un coté, la nécessité d'accorder une
protection à l'égard des victimes et des témoins et de
l'autre, celle d'assurer un procès équitable à
l'accusé. Cela implique que celui-ci puisse prendre connaissance de
l'intégralité du dossier et interroger ou de faire interroger les
témoins à charge. La CPI a prévu à la règle
87 du Règlement de procédure et de preuve un ensemble de moyens
garantissant l'anonymat, tout en respectant les droits de l'accusé.
Les conditions et les modalités pratiques pour
bénéficier d'un témoignage sous anonymat sont
laissées à l'appréciation de la Cour. Les audiences
peuvent être tenues à huis clos dans l'intérêt des
victimes, en particulier les enfants et les victimes d'abus sexuels. Ils
peuvent être interrogés par vidéoconférence. Quand
la sécurité d'un témoin ou de sa famille est
menacée, le procureur peut retenir certaines preuves et en communiquer
uniquement un résumé. L'identité de certains
témoins peut être écartée du dossier public. De
telles mesures doivent cependant être compatibles avec les droits de
l'accusé à un procès équitable.
Les témoins peuvent aussi introduire eux-mêmes
une demande de protection auprès de la Chambre, y compris une demande
d'anonymat.
Ainsi, la règle 87 prévoit une série de
mesures pour protéger les témoins et les victimes:
? La suppression du nom de la victime, du témoin ou de
toute autre personne menacée, des procès-verbaux de la Chambre
rendus publics ;
? L'interdiction au procureur, à la défense ou
à toute autre personne participant à la procédure de
révéler de telles informations à un tiers ;
? L'utilisation de moyens électroniques ou autres
moyens spéciaux pour altérer l'image et la voix et le recours
à la vidéoconférence et à la
télévision en circuit fermé et d'autres méthodes
techniques ;
? Le recours à un pseudonyme pour désigner une
victime, un témoin ou toute autre personne menacée ;
? Le recours à une procédure tenue à huis
clos partiel.
Toutefois, la nature des crimes jugés par les
juridictions internationales ne peut pas justifier qu'on réduise
substantiellement les droits de l'accusé. Au contraire, la justice
pénale internationale doit être exemplaire aussi pour ce qui
concerne les droits de la défense. Il y a lieu, de ce fait, de prendre
en considération le fait que la procédure devant la CPI ne sera
pas purement accusatoire, et que le procureur aura aussi l'obligation
d'instruire à décharge, ce qui compense en partie certaines
mesures qui pourraient paraître restrictives par rapport aux droits de la
défense. Enfin, c'est la Cour qui devra toujours chercher
l'équilibre entre les intérêts des personnes en cause
(accusés, victimes et témoins) et ceux de la justice
elle-même. Et ce, même après le procès.
Après le procès
C'est à travers l'indemnisation du préjudice
encouru (section I) et la protection voire la sécurité de la
victime (section II) qu'il incombe d'appréhender
l'après-procès; d'autant plus que :
« Les crimes de masse par leur nature même
nécessitent souvent la participation directe ou indirecte d'individus,
dont certains détiennent des postes gouvernementaux ou des
responsabilités militaires »47(*).
De l'indemnisation du préjudice
encouru
Déjà, le 12 octobre 2000, le président du
TPIY a adressé au secrétaire général des Nations
Unies un rapport détaillé sur le problème de
l'indemnisation des victimes et de leur participation aux procédures,
qui plaide pour la création d'un fonds d'indemnisation, avec un renvoi
explicite à la Commission d'indemnisation des Nations Unies. Mais, on
peut se demander s'il y a, en droit international, une base juridique pour les
demandes directes d'indemnisation des victimes, les victimes de crimes de
guerre étant traditionnellement renvoyées à l'intervention
de leur État pour éventuellement négocier une
indemnisation. Ici encore, c'est la Déclaration de l'Assemblée
générale de 1985 qui a introduit dans le droit international la
notion d'un droit personnel à l'indemnisation du préjudice.
Aujourd'hui, il est généralement admis que les victimes de crimes
internationaux peuvent prétendre à une indemnisation. Le rapport
final que le rapporteur spécial a présenté à la
Commission des droits de l'homme en 1999 met en évidence le droit des
victimes de crimes internationaux aux formes suivantes de réparation :
indemnisation, réadaptation, satisfaction et garanties de non
renouvellement48(*). La
Commission d'indemnisation des Nations Unies est une application claire de ce
principe, fût-ce dans le cadre de crimes contre la paix.
Le Statut de la Cour pénale internationale
prévoit la possibilité d'accorder une indemnité aux
victimes. Selon son article 75 :
«1. La Cour établit des principes applicables aux
formes de réparations, telles que la restitution, l'indemnisation ou la
réhabilitation, à accorder aux victimes ou à leurs ayants
droit. Sur cette base, la Cour peut, sur demande, ou de son propre chef dans
des circonstances exceptionnelles, déterminer dans sa décision
l'ampleur du dommage, de la perte ou du préjudice causé aux
victimes ou à leurs ayants droit, en indiquant les principes sur
lesquels elle fonde sa décision.
2. La Cour peut rendre contre une personne condamnée
une ordonnance indiquant la réparation qu'il convient d'accorder aux
victimes ou à leurs ayants droit. Cette réparation peut prendre
notamment la forme de la restitution, de l'indemnisation ou de la
réhabilitation. Le cas échéant, la Cour peut
décider que l'indemnité accordée à titre de
réparation est versée par l'intermédiaire du Fonds
visé à l'article 79. »
Cette disposition constitue une avancée
considérable. Elle prévoit non seulement la réparation
matérielle mais aussi la restitution et la réhabilitation. De
plus, il s'agira d'une compétence de la Cour elle même, qui pourra
estimer le dommage à réparer sans même qu'une demande
spécifique soit formulée. La condamnation peut être
prononcée à charge du prévenu, mais la Cour peut
également octroyer une indemnisation à charge d'un fonds qui sera
alimenté par des amendes ainsi que par le produit de biens
confisqués, et complété par des contributions
volontaires49(*). Les
États parties au traité sont tenus non seulement
d'exécuter sur les biens du condamné une condamnation à
des dommages et intérêts, mais aussi de collaborer avec la Cour en
vue de localiser ces biens50(*).
Malheureusement, le Statut ne prévoit pas la
condamnation des complices ou de ceux qui donnent les instructions, lesquels
peuvent être éventuellement des personnes morales ou même
des Etats51(*). Toutefois,
une décision de la CPI revêtue de l'autorité de la chose
jugée lie les États nationaux et peut, lorsque le droit interne
le permet, constituer la base de procédures à charge de tiers
(notamment devant un tribunal civil). Enfin, l'article 75, paragraphe 6,
dispose que l'indemnisation obtenue devant la CPI ne peut porter
préjudice aux droits que le droit interne reconnaît à la
victime.
En conséquence, les victimes ont droit à des
réparations (article 75 du Statut). Cet article consacre la place
centrale accordée par le droit international à
l'individu victime de crimes internationaux.
Un rappel historique s'impose. Car, lorsque des avoirs de
l'ex-président serbe, Slobodan Milosevic, furent saisis
en Suisse en juin 1999 (comme c'est le cas récemment de la
confiscation des biens de Jean Pierre BEMBA, arrêté à
Bruxelles pour enrôlement d'enfants et crime contre
l'humanité52(*)),
aucune victime n'a eu droit à une indemnisation.
Cette décision d'accorder des réparations est le
fruit d'une proposition française soutenue par les Etats scandinaves et
fortement appuyée par les ONG. De manière plus large, elle
résulte aussi de la volonté de corriger les causes du malaise
ressenti au sein du TPIR, s'agissant du traitement des victimes.
L'absence de toute réparation devant le TPIR
ajoutée au fait que les détenus sont traités selon les
normes internationales de protection les plus élevées avaient
créé une asymétrie choquante dans le processus de justice.
Ainsi, les femmes violées touchées par le virus du sida n'ont pas
droit à un traitement médical, alors que les prévenus et
condamnés, qui les ont contaminées, bénéficient,
eux, d'une trithérapie aussi longtemps qu'ils restent en prison. Cette
réalité choquante a contribué - parmi bien d'autres
facteurs - à limiter l'impact de la justice internationale auprès
des victimes rwandaises du génocide. Le cas du Rwanda montre aussi,
devant l'immensité de la tragédie et la pauvreté des
ressources pécuniaires disponibles, l'impossibilité d'offrir une
réparation substantielle aux centaines de milliers de victimes. Forts de
ces enseignements, les Etats ont revisité les règles existantes
en matière de réparation à l'occasion de la
rédaction du Statut de la CPI. Ils ont à la fois
décidé d'accorder des réparations, tout en limitant
pratiquement leur étendue. Les rédacteurs du Statut n'ont pas
retenu la responsabilité pécuniaire des Etats, ni celle des
sociétés (les « personnes morales »).
La CPI ne pourra poursuivre que des individus, mais non les
Etats et les entreprises.
La Cour peut donc d'elle-même et sans qu'une demande
spécifique ait été formulée, fixer le dommage
à réparer. La condamnation peut être prononcée
à charge du prévenu, mais la Cour peut également octroyer
une indemnisation à charge d'un fonds qui pourra être
alimenté « par des amendes ainsi que par le
produit de biens confisqués » (article 79-2 du Statut :
« la Cour peut ordonner que le produit des amendes et des biens
confisqués soit versé au fonds »), et sera
complété par des contributions volontaires.
L'incertitude demeure sur la capacité du Fonds
d'indemnisation à effectivement être en mesure de payer des
réparations aux victimes, dans le cas où les personnes
condamnées sont insolvables.
La Cour a l'obligation de donner « une
publicité adéquate des mesures en réparation »
(règle 96) pour que le plus grand nombre de victimes soit en mesure de
faire valoir leur demande. Si le nombre de victimes est très
élevé, la Cour peut accorder une réparation collective
(règle 97-1). La Règle 97 dit :
« 1. Compte tenu de l'ampleur du dommage, de la
perte ou du préjudice, la
Cour peut accorder une réparation individuelle ou,
lorsqu'elle l'estime appropriée, une réparation collective, ou
les deux.
2. La Cour peut soit d'office, soit à la demande des
victimes ou de leurs représentants légaux, soit à la
demande de la personne reconnue coupable, désigner des experts
compétents pour l'aider à déterminer l'ampleur du dommage,
de la perte ou du préjudice causé aux victimes ou à leurs
ayants droit et pour suggérer diverses options en ce qui concerne les
types et modalités appropriés de réparation. Le cas
échéant, la Cour invite les victimes ou leurs
représentants légaux et la personne reconnue coupable ainsi que
les personnes et Etats intéressés à faire des observations
sur les expertises (...). »
Les Etats conviennent d'exécuter les décisions
de la Cour à propos des réparations. Dans certains cas, les Etats
seront également tenus, aux termes du droit international ou de leur
législation interne, de veiller à l'indemnisation des victimes,
parce que le condamné n'est pas en mesure de le faire ou parce que
l'Etat est également responsable du crime commis.
Dans le Statut de la CPI, l'article 75 affirme :
« 1. La Cour établit des principes
applicables aux formes de réparation, telles que la restitution,
l'indemnisation ou la réhabilitation, à accorder aux victimes ou
à leurs ayants droit. Sur cette base, la Cour peut, sur demande, ou de
son propre chef dans des circonstances exceptionnelles, déterminer dans
sa décision l'ampleur du dommage, de la perte ou du préjudice
causé aux victimes ou à leurs ayants droit, en indiquant les
principes sur lesquels elle fonde sa décision.
2. La Cour peut rendre contre une personne condamnée
une ordonnance indiquant la réparation qu'il convient d'accorder aux
victimes ou à leurs ayants droit. Cette réparation peut prendre
notamment la forme de la restitution, de l'indemnisation ou de la
réhabilitation. Le cas échéant, la Cour peut
décider que l'indemnité accordée à titre de
réparation est versée par l'intermédiaire du Fonds
visé à l'article 79. »
Toutefois, une interrogation mérite d'être
résolue concernant le fonctionnement du Fonds d'indemnisation des
victimes. La victime à droit à la réparation mais qui va
payer les réparations ? Les criminels condamnés par la CPI ? Les
banques, les multinationales et les sociétés nationales qui les
ont soutenus ? Les entreprises publiques et semi-publiques qui les soutenaient
ou qu'ils dirigeaient directement ou indirectement ? L'Etat ?
En vertu des dispositions du Statut de Rome, seules les
personnes physiques devront payer des réparations. L'Etat et les
personnes morales (les sociétés) ne réparent pas les
dommages causés aux victimes. Cela satisfait des pays occidentaux
(notamment les Etats-Unis, la France et même la Suisse) qui redoutent que
certaines de leurs entreprises soient entraînées dans des
procédures de réparation, parce qu'elles font des affaires avec
des régimes dictatoriaux. Des plaintes collectives ont été
déposées, par exemple, contre diverses banques suisses et
multinationales américaines, accusées d'avoir soutenu le
régime d'apartheid en Afrique du Sud. Parallèlement, les
sociétés pétrolières françaises (Elf...)
sont accusées d'avoir joué un rôle substantiel dans le
déclenchement des différentes guerres en Afrique - par exemple la
guerre au Congo Brazzaville du 05 juin 1997- .
De la protection et la sécurité de la
victime
Comparaître devant la justice pour une victime, qu'elle
soit internationale ou nationale, est un exercice difficile. Cela signifie
accepter d'évoquer des actes traumatiques, dont en a été
la victime directe ou le témoin.
Accepter de comparaître devant la justice signifie
parfois aussi risquer sa vie. Pour illustrer cet aspect, citons les
témoins potentiels du TPIY qui ont été assassinés.
Par exemple, Milan Levar, un témoin clef de l'accusation, de
nationalité croate, qui avait accepté de déposer devant le
TPIY sur les exactions commises par les forces croates à l'égard
de civils serbes, a été assassiné le 29 août 2000.
L'enquête sur sa mort n'a jamais abouti, mais personne ne doute qu'elle
soit liée à sa décision de témoigner devant le
TPIY.
De ce fait, la Cour pénale internationale est
responsable de la sécurité, du bien-être physique et
psychologique, de la dignité et du respect de la vie privée des
victimes, des témoins et de leurs proches. Certains témoins sont
soumis à des pressions extrêmement fortes, pouvant émaner
aussi bien de ceux qui veulent une lourde condamnation de l'accusé que
de ceux qui, au contraire, cherchent à l'exonérer. Ces pressions
peuvent aussi prendre la forme de menaces de représailles contre des
membres de leur famille, s'ils ne témoignent pas dans le sens voulu.
Là encore, l'expérience du TPIY est éloquente.
Dans le procès Tadic53(*), un témoin "L" avait été
"préparé" par les autorités bosniaques pour qu'il "charge"
l'accusé. Mais les contradictions et les imprécisions de son
témoignage ont permis aux juges de découvrir la supercherie.
Dans un autre cas, l'affaire Simic, l'avocat bosno-serbe de
l'accusé, n'hésitant pas à recourir à des menaces
de mort, avait voulu obliger un témoin à revenir sur sa
déposition. Il lui faisait répéter à l'aide d'un
enregistreur "la nouvelle version".
Mais qu'en est-il du soutien aux victimes
d'abus sexuels ?
Ce n'est que ces dix dernières années que le
droit international, notamment à travers le génocide au Rwanda et
les conflits de l'ex-Yougoslavie, a pris la mesure des viols et des violences
sexuelles qui s'y sont produits. Les femmes en sont les premières
victimes, mais les hommes sont aussi concernés. Sur 600 témoins
interrogés par le TPIR dans la période 1999-2000, 113 avaient
été confrontés à des délits de violences
sexuelles54(*). Pourtant,
en dépit de la gravité de ces actes, les juges du TPIR ont
quelquefois manqué de tact, voire de respect à l'égard de
personnes abusées.
Conscients de ces problèmes, le Statut de Rome a
chargé le greffier d'un rôle capital : celui d'aider, de
conseiller et de protéger les victimes. Pour accomplir sa tâche,
le greffier s'appuie sur "la Division d'aide aux victimes et aux
témoins". Le greffier qui doit être "de haute moralité"
(exigence non requise dans les Statuts du TPIY et du TPIR) joue un rôle
important pour les victimes et les témoins.
Conformément aux dispositions de l'article 43-6, le
greffier de la CPI a mis sur pied une « division chargée, en
consultation avec le Bureau du procureur, de conseiller et d'aider de toute
manière appropriée les témoins, les victimes qui
comparaissent devant la Cour et les autres personnes auxquelles les
dépositions de ces témoins peuvent faire courir un risque, ainsi
que de prévoir les mesures et les dispositions à prendre pour
assurer leur protection et leur sécurité ».
En somme, sous la responsabilité du
greffier, la Division d'aide aux victimes et aux témoins assure la
sécurité et la protection des victimes et des témoins ou
de toute personne mise en danger par leurs déclarations à la
Cour. Elle doit aussi mettre en garde le procureur et la Cour sur les dangers
encourus par les victimes et les témoins qui ont accepté de
déposer. Le droit à la protection s'étend à toutes
les personnes (membres de la famille, par exemple) qui peuvent être
menacées suite à une comparution devant la Cour.
Cependant et de ce qui précède, pourquoi
certains pays, pourtant partie au Statut de Rome créant la CPI,
hésitent d'intégrer certaines dispositions du dit Statut dans
leur législation interne, dispositions favorables à la
reconnaissance de la place de la victime devant la justice pénale
internationale ? Est-ce pour des raisons politiquement
égoïstes ? La politique et la justice ne sont-elles pas deux
domaines sémantiquement indépendants ? Dans un monde
où la souffrance de l'autre n'est que relative, la place accordée
à la victime par la CPI se trouve altérer par le comportement des
Etats.
Ainsi, en se rapprochant des Etats et de l'ONU, les droits des
victimes subissent les avatars du système westphalien se manifestant par
des Etats qui détournent l'objectif poursuivi par la justice
internationale, celui de redonner une dignité aux victimes de la folie
humaine et des crimes internationaux les plus graves.
I
De la nécessité d'intégration
« effective » du Statut de Rome dans la législation
interne des Etats parties.
Le Statut de Rome créant la CPI fait une obligation aux
Etats Parties de coopérer avec la Cour (section 1). Cette
coopération doit se faire « pleinement » en vertu du
chapitre IX. Relatif à la « coopération internationale
et assistance judiciaire » du Statut de Rome.
Malheureusement, les Etats privilégient leurs propres
intérêts en votant des lois fantaisistes55(*), contribuant à freiner
l'évolution de la justice pénale internationale. Car,
l'impunité dont jouissent certains auteurs des crimes graves -
protégés par certains Etats - constitue un obstacle substantiel
à la réalisation « effective » de l'objectif
poursuivi par la CPI, celui de restaurer ce qui a été
brisé par les crimes les plus graves. Découle, alors,
l'inapplicabilité de certaines dispositions (dispositions
inhérentes à la place accordée à la victime) du
Statut de Rome par les Etats à travers l'impunité des auteurs de
crimes les plus graves (section 2).
De l'obligation de coopération des Etats avec
la CPI
Conformément aux
dispositions du présent Statut, article 86 Obligation
générale de coopérer, les États Parties
coopèrent « pleinement » avec la Cour dans les
enquêtes et poursuites qu'elle mène pour les crimes relevant de sa
compétence
Cet article 86 du Statut pose l'obligation pour les Etats
Parties de coopérer pleinement avec la Cour. Aucune force de police
n'ayant été créée par le Traité de Rome, il
appartient aux Etats d'exécuter les décisions de la Cour
relatives aux enquêtes, aux poursuites et à l'exécution des
peines. L'effectivité de la CPI repose donc sur la capacité et la
volonté des Etats à coopérer.
En effet, aucun mécanisme contraignant n'a
été instauré. L'article 87, relatif aux demandes de
coopération, précise que si un Etat ne satisfait pas une demande
de coopération de la Cour, celle-ci peut en référer
à l'Assemblée des Etats Parties ou au Conseil de
sécurité (dans les cas où c'est celui-ci qui a saisi la
Cour). L'Assemblée n'a cependant aucun pouvoir coercitif pour
contraindre les Etats récalcitrants à coopérer.
Corrélativement, si la Cour sollicite la
coopération d'un Etat non Partie au Statut, celui-ci peut signer un
arrangement ad hoc, afin de fixer les modalités de sa
coopération. Cependant, pour coopérer avec un Etat qui n'est pas
partie au Statut en l'absence de tout arrangement, la Cour est totalement
démunie.
De l'impunité
des auteurs des crimes graves et l'inapplicabilité de certaines
dispositions du Statut de Rome relatives à la victime.
Certains Etats laissent supposer une enquête
difficile lorsqu'ils ne veulent pas ou tout simplement hésitent
d'appliquer certaines dispositions du Statut de Rome créant la CPI. En outre, les obstacles les plus couramment
rencontrés à l'exercice effectif de poursuites sont
attachés aux suspects (auteurs de crimes) à savoir :
l'amnistie, la grâce et les immunités.
Nos propos porteront spécialement sur
l'immunité qui est la protection juridique, les
garanties accordées à un individu pour le protéger dans
les actes qu'il accomplit dans l'exercice de ses fonctions. C'est cette
immunité dont bénéficient certains auteurs des crimes les
plus graves qui fait que la victime ne puisse guère faire valoir tous
ses droits et garanties devant la justice pénale internationale.
Alors que, le droit international ne reconnaît pas ces
immunités lorsque la personne a commis des crimes graves de droit
international comme la torture, les crimes de guerre, génocide et/ou
les crimes contre l'humanité.
Cependant et depuis toujours, une pratique internationale,
d'ailleurs encore largement en vigueur, reconnaissait une immunité
totale aux chefs d'Etat en exercice56(*). Cela explique pourquoi les plus grands dictateurs,
auteurs des crimes les plus graves, pouvaient continuer à circuler dans
n'importe quel Etat sans avoir à répondre de leurs actes ni
à s'en inquiéter57(*).
Cela dit, cette pratique internationale de « libre
circulation » et donc cette impunité des criminels lorsqu'ils
occupent une fonction étatique constitue une violation du principe de la
compétence universelle. Ce principe de la compétence universelle
a, par ailleurs, été repris par le Statut de la Cour
pénale internationale, adopté à Rome le 17 juillet 1998,
dans son article 27 :
« 1. Le présent Statut s'applique à
tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur
la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de
chef d'Etat ou de gouvernement, de membre d'un gouvernement ou d'un parlement,
de représentant élu ou d'agent d'un Etat, n'exonère en
aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent
Statut, pas plus qu'elle ne constitue en tant que telle un motif de
réduction de la peine.
2. Les immunités ou règles de procédure
spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle
d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international,
n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à
l'égard de cette personne ».
Ce principe est d'une importance particulière puisqu'il
fait de la CPI une instance judiciaire digne et crédible pour les
victimes des crimes internationaux.
En outre, l'immunité reconnue aux chefs d'Etat ne
paraît pas s'appliquer en matière de crime de droit international,
tels les crimes de guerre, les crimes contre la paix ou les crimes contre
l'humanité. L'immunité d'un chef d'Etat,
même en exercice, ne devrait jamais être opposée,
puisqu'elle aboutirait à ce qu'il n'y ait pas d'effectivité
possible du Statut de Rome créant la CPI et partant des conventions
internationales de défense des droits de l'homme, qui deviendraient
simplement des déclarations d'intention, sans force contraignante, et
contraires aux lois et principes essentiels de l'humanité. Quel
gâchis pour les avancées significatives de la justice
pénale internationale et pour les victimes des crimes
internationaux !
En définitive, le principe de la compétence
universelle devrait rester, malgré les entraves souvent
rencontrés, un véritable instrument pour lutter contre
l'impunité afin que la victime puisse se voir reconnaître une
place qui lui est accordée devant la justice pénale
internationale. Il constitue un instrument légal très
intéressant pour dépasser un des concepts clefs du droit
international, à savoir : le concept de la souveraineté des
Etats. Ce concept paralyse l'applicabilité effective des normes
internationalement reconnues par les Etats eux-mêmes.
En reconnaissant aux Etats le caractère universel de
leur juridiction pour certains actes considérés comme
particulièrement graves par la communauté internationale, on met
ainsi à mal l'écran protecteur de la souveraineté des
Etats en lui préférant une exigence morale qui est le droit qu'a
toute victime de voir l'acte particulièrement odieux qui l'a meurtri,
être puni.
Dans une société internationale tellement
attachée à ce concept de souveraineté, le principe de
compétence universelle fait, donc, valablement figure novatrice. Mais
une question demeure : pourquoi les Etats continuent de violer les
règles qu'eux-mêmes ont librement consenties ? Disons
simplement pour terminer que, pour la sauvegarde des droits humains
inhérente aux crimes les plus graves (crime contre l'humanité,
crime de guerre, génocide...), c'est politiquement inacceptable et
inadmissible, juridiquement inapplicable et humainement insupportable58(*).
Il est vrai que les crimes
perpétrés ailleurs que sur le territoire de compétence des
tribunaux pénaux internationaux ad hoc et avant l'entrée en
vigueur du Statut de la CPI sont définitivement à l'abri des
poursuites internationales. Ceci, malheureusement, écarte nombre de
massacres du XXe siècle comme ceux liés au Goulag, aux dictatures
sud-américaines, aux dictateurs africains, au régime Khmer Rouge
ou encore à la Révolution culturelle chinoise.
Par ailleurs, au niveau national, chaque Etat peut produire
des procès correspondant à ses lois. Dans la plupart des cas, ces
procès constituent des mascarades ne reconnaissant guère la place
des victimes de multiples traumatismes. Avons-nous dit, le régime de la
Cour pénale internationale - participation, protection et indemnisation
- est sans précédent et constitue potentiellement une
première réponse substantielle à ces multiples
traumatismes59(*).
Malheureusement et arrêtons-nous une minute au soutien
politique et financier des Etats les plus puissants qui affectent le bon
fonctionnement de la CPI. On sait que le bureau du procureur dépend,
pour bâtir des actes d'accusation, de la coopération des Etats
(comme nous venons de le voir en amont). Et là encore, les pays les plus
forts, ceux qui disposent de services de renseignements importants dotés
notamment de satellites espions, ou de moyens d'écoutes
sophistiqués, décideront selon leurs intérêts et
leur bon vouloir de transmettre des pièces à conviction au
procureur de la CPI.
L'exemple du Tribunal pénal international pour
l'ex-Yougoslavie est révélateur : on se souvient encore qu'il a
fallu attendre mai 1999 pour que Slobodan Milosevic soit inculpé, car
les pays occidentaux rechignaient jusqu'à la guerre du Kosovo à
transmettre des preuves qui auraient permis d'inculper celui qui était
perçu encore comme le garant de la stabilité des Balkans.
Dans quelle mesure encore, la CPI pourra-t-elle surmonter la
farouche hostilité américaine, sans parler de celle, plus
discrète, de la Russie60(*) et de la Chine ? Car, sans négliger les
profonds obstacles qui demeurent encore à la postérité de
cette Cour - une institution marqué par le poids du politique sur le
judiciaire - on ne peut que souligner le noble objectif de cette
juridiction : celui du pari de la dissuasion dans un monde de
prédation.
Dans ce long cheminement vers l'émergence d'une
« communauté internationale effective », il parait
indispensable que les victimes des crimes internationaux et de la folie humaine
se voient reconnaître une première place devant la CPI. Et, cette
première place doit, de tout temps, être défendue afin que
« justice soit faite », une justice non pas
sélective mais plutôt impartiale, efficace et équitable.
conclusion
La Cour pénale internationale est certainement
l'instrument juridique international le plus important depuis la
rédaction de la Charte des Nations unies. Mais, les défis qu'elle
doit relever sont de taille. L'un des plus difficiles consiste à
démontrer que cette justice internationale n'est pas
réservée aux dictateurs et aux tortionnaires des pays les plus
faibles de la planète.61(*)
La place de la victime est et sera, alors,
étroitement liée à l'évolution de la justice
pénale internationale. Le chemin parcouru depuis le début du XXe
siècle dans ce domaine est encore parsemé d'embuches. Les
victimes d'atrocités semblent notamment promises à une souffrance
silencieuse perpétuelle, sans jamais pouvoir accéder à une
vérité judiciaire, à la reconnaissance de faits et
à la condamnation de leurs bourreaux.
En effet, des interrogations subsistent. C'est pourquoi,
« la question de la « juridiciarisation» de l'action
internationale est considérée tantôt comme une
avancée, tantôt comme un frein »62(*).
En conséquence, devant la CPI les victimes ne sont
plus, effectivement, ignorées mais sont encore loin d'être
sauvées. L'homme entendu comme victime restera, sans nul doute, un
éternel « Spartacus »63(*) à la conquête de
sa liberté.
bibliographie
Documents officiels des Nations unies et de l'Union
Européenne
· La Convention européenne des droits de l'homme
de 1950
· La Déclaration universelle des droits de l'homme
de 1948, article 8
· Le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques de 1966, art. 2 et 9
· Déclaration des principes fondamentaux de
justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes de
l'abus de pouvoir de 1985, Résolution N° 40-34 adoptée
par l'Assemblée générale de l'O.N.U., sur le rapport de la
Troisième Commission (A/40/881), 29 novembre 1985
· La Convention contre la torture de 1984, articles 3 et
surtout 14
· Protocole additionnel aux Conventions de
Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes
des conflits armés internationaux (Protocole I), du 8 juin 1977, art.
53
· Le Règlement de procédure et de preuve,
rapport de la commission préparatoire de la Cour pénale
internationale, 1er novembre 2000.
· Le Statut de Rome de la Cour pénale
internationale, 17 juillet 1998.
· Première session de l'Assemblée des Etats
Parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 3 au 10
septembre 2002
Documents doctrinaux
· Amnesty international, République du Congo,
Une ancienne génération de dirigeants responsable de nouveaux
carnages, index AI : AFR 22/001/1999, PP 42
· D. Lagolnitzer, V. Rivasseau, N. Andersson, Justice
internationale et impunité, le cas des Etats-Unis, 2005 (Ce livre fait
suite `a la conférence internationale organisée à Paris en
Septembre 2005 par l'ADIF, Association pour la d'défense du droit
international
· Julian Fernandez, Revue de
Civilisation Contemporaine de l'Université de Bretagne
Occidentale, « Variations sur la
victime et la justice pénale internationale », Page
3-4
· L. WALLEYN, Victimes et témoins de crimes
internationaux : du droit à une protection au droit de la parole, RICR,
mars 2000, vol. 84, No 845.
· P. HAZAN, guide pratique à l'usage des victimes,
RSF & réseau Damoclès, 2003
· P. HAZAN,"La justice face à la guerre, de
Nuremberg à La Haye", Stock, 2000
· R. BADINTER, De Nuremberg à la Cour
Pénale Internationale, in pouvoir, 2000/92
· W. BOURDON, E. DUVERGER, la cour pénale
internationale. Le statut de Rome, préface de R. Badinter, seuil,
coll. « Points », 2000
Annexe 1
Séance du 10 juin 2008 (compte rendu
intégral des débats) : Vote du Sénat sur l'adaptation
du Statut de Rome en droit interne français et sur la compétence
universelle.
M. Robert
Badinter. Il y en a un !
M. Jean-Jacques
Hyest, président de la commission des
lois. S'il existe, nous renvoyons la personne vers le
pays qui l'a émis, car, dans ce cas, il ne nous appartient pas de la
juger, sauf si elle réside habituellement dans notre pays.
Alors que nous avons fait une avancée
considérable par rapport à nos débats en commission
où nous n'avions évoqué que l'extraterritorialité
- plutôt que la compétence universelle, qui n'est pas
l'expression appropriée -, il nous est aujourd'hui reproché
de ne pas aller assez loin. (Exclamations sur les travées du groupe
socialiste.)
Permettez que j'exprime un point de vue personnel !
En tout état de cause, je trouve que vous avez tort de
ne pas vouloir accepter ce qui constitue un progrès considérable.
Votre solution n'aboutit à rien de plus et risque, au contraire, d'avoir
des effets négatifs, je vous le dis franchement.
C'est pourquoi, ce matin, à titre personnel, j'ai
voté contre ce sous-amendement, alors même que j'ai les
mêmes objectifs que vous, monsieur Badinter !
M. Robert
Badinter. Mais la commission l'a adopté, je vous le
rappelle !
M. le
président. La parole est à M. Michel
Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel
Dreyfus-Schmidt. La comparaison avec la délinquance
sexuelle n'est pas appropriée. Il s'agit alors de Français qui se
conduisent mal dans un autre pays et qui reviennent en France. Or, dans le cas
qui nous intéresse, ce sont généralement des
étrangers.
Madame le garde des sceaux, vous avez dit que rien
n'empêchait de les interpeller, qu'ils soient résidents ou non. En
vertu de quoi ?
Mme Rachida Dati,
garde des sceaux. D'un mandat d'arrêt !
M. Michel
Dreyfus-Schmidt. Et s'il n'y en a pas ? Le mieux serait
de rendre possible l'arrestation dans tous les cas.
Par ailleurs, j'observe que M. le rapporteur maintient
son point de vue, en dépit des longs débats qui se sont
déroulés ce matin, en commission.
Je m'adresse à nos collègues de la
majorité ici présents pour leur rappeler que, ce matin, par douze
voix contre cinq,...
M. Patrice
Gélard, rapporteur. Dix !
M. Michel
Dreyfus-Schmidt. ...la commission a voté notre
sous-amendement. La majorité s'est donc exprimée très
majoritairement en sa faveur ! (Sourires.) La modification que
nous proposons avec ce sous-amendement est très importante, puisqu'il
s'agit de substituer aux mots « toute personne qui réside
habituellement sur le territoire » les mots « toute
personne qui se trouve sur le territoire ». Pourquoi en effet imposer
une condition de résidence habituelle pour pouvoir poursuivre
quelqu'un ? À cet égard, on aurait aimé que
M. le rapporteur tînt compte du vote qui a eu lieu en
commission...
M. Patrice
Gélard, rapporteur. J'en ai tenu
compte !
M. Michel
Dreyfus-Schmidt. ...et rapporte, au nom de celle-ci, la
position de la commission.
M. Patrice
Gélard, rapporteur. C'est ce que j'ai
fait !
M. Michel
Dreyfus-Schmidt. Or ce n'est pas ce qu'il fait ; il
maintient son point de vue.
Revenons sur l'exemple, cité
précédemment, d'un criminel qui transiterait par un
aéroport français.
M. Jean-Jacques
Hyest, président de la commission des lois. Il
sera jugé en France ! Le texte ne dit pas autre chose !
M. Michel
Dreyfus-Schmidt. Certes, et, pour ma part, je n'y vois aucun
inconvénient. Ce matin, la plupart de nos collègues de la
majorité qui étaient présents en commission, mais qui,
malheureusement, ne sont pas là ce soir,...
M. Robert
Bret. En effet, ils ne sont pas nombreux !
M. Michel
Dreyfus-Schmidt. ... étaient tout à fait
convaincus de la nécessité de préférer l'expression
« qui se trouve sur le territoire ».
Chers collègues de la majorité, je ne
désespère de vous en convaincre, la solution inverse, celle de la
résidence habituelle, n'en est en réalité pas
une !
M. le
président. Mon cher collègue, vous avez
dépassé votre temps de parole.
M. Michel
Dreyfus-Schmidt. Il est parfois nécessaire de se
répéter pour emporter la conviction !
M. Robert
Bret. C'est de la pédagogie !
(Sourires.)
M. le
président. Moi qui suis neutre, je puis dire que le
débat est, certes, de bonne qualité,...
Mme Nicole
Borvo Cohen-Seat. Ah ?
M. le
président. ...mais qu'il n'est pas exempt, pour autant,
de nombreuses répétitions.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour
explication de vote.
M. Jean-Pierre
Sueur. Monsieur le président, rassurez-vous, je serai
bref ! (Sourires.)
M. le président de la commission, M. le
rapporteur et tous ceux qui, comme moi, étaient présents ce matin
en commission pourront témoigner de la manière dont les choses se
sont déroulées.
M. Jean-Jacques
Hyest, président de la commission des lois. Je
n'ai pas voté le sous-amendement !
Mme Nicole
Borvo Cohen-Seat. Ne vous justifiez pas !
M. Jean-Pierre
Sueur. Notre éminent collègue Robert Badinter a
suscité l'adhésion de la majorité de la commission par son
argumentation, il est vrai particulièrement puissante. Aussi, dès
lors que les arguments n'ont pas changé, je ne comprends pas pourquoi,
ce soir, ils ne recueillent plus la même approbation.
Pourquoi donc vous échinez-vous à nous expliquer
que la seule présence sur le territoire français d'un auteur de
crimes contre l'humanité ne peut suffire à son
arrestation ?
M. Jean-Jacques
Hyest, président de la commission des lois. Il
ne nous appartient pas de le juger !
M. Jean-Pierre
Sueur. Il faudrait donc, pour que nous puissions agir, qu'il
possède en France une maison avec jardin et qu'il s'acquitte de ses
factures d'eau, de gaz et d'électricité ?
Mme Nicole
Borvo Cohen-Seat. Et qu'il ait un titre de
séjour !
M. Robert
Bret. Oui, n'oubliez pas le titre de séjour !
M. Jean-Jacques
Hyest, président de la commission des lois.
Mais non !
M. Jean-Pierre
Sueur. Si l'on vous suit, un tel tortionnaire ne pourra
être inquiété par la justice française qu'à
la seule condition que ni son pays d'origine ni la Cour pénale
internationale n'aient pris de dispositions à son encontre !
Monsieur Fauchon, j'ai parfaitement compris ce que vous avez
dit, ce matin, en commission. En revanche, je n'ai compris ni les raisons de
votre énervement, tout à l'heure, ni ce qui vous a conduit
à changer d'avis. Je constate simplement que votre position a
fluctué depuis ce matin et qu'elle n'est plus la même ce soir.
Je vois bien les arguties auxquelles il est fait recours,
mais, quand les membres d'une commission, en l'occurrence la commission des
lois, s'expriment avec une telle force après un débat aussi
approfondi, nous devrions tous nous rallier à leur position.
M. Jean-Jacques
Hyest, président de la commission des lois.
Non !
M. Jean-Pierre
Sueur. Libre à vous, monsieur le président de la
commission, de contester ce point de vue. Je respecte votre position.
Néanmoins, comment expliquerez-vous à ceux qui liront le compte
rendu de nos débats et qui commenteront nos échanges que, d'un
côté, la République française prend grand soin
d'adapter son droit pénal à l'institution de la Cour
pénale internationale, mais que, d'un autre côté, elle se
refuse finalement à engager quelque action que ce soit contre l'auteur
de crimes monstrueux qui se trouverait sur notre territoire si celui-ci n'y
réside pas de manière habituelle, s'il n'y paie pas ses
impôts, son loyer et ne cotise pas à la sécurité
sociale ? Personne ne pourra le comprendre !
Je le répète, les arguments avancés ce
matin par Robert Badinter ont emporté la conviction d'une
majorité de la commission des lois. Alors, je sais bien que, grâce
au scrutin public, il est possible de faire voter ceux qui n'ont pris part ni
aux débats en commission ni à la séance publique, ...
M. Jean-Jacques
Hyest, président de la commission des lois. Ce
que vous dites là est insultant pour nos collègues
présents ce soir dans l'hémicycle !
M. Jean-Pierre
Sueur. ...mais chacun verra bien qu'il s'agit d'un subterfuge.
Il n'en demeure pas moins que je vous invite, mes chers collègues,
à réfléchir à l'enjeu de ce débat
essentiel.
M. le
président. La parole est à M. Pierre-Yves
Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves
Collombat. Moi aussi, j'ai quelque difficulté à
comprendre les tenants et les aboutissants de cette affaire.
D'un côté, on nous dit, avec raison, que la
possibilité, pour la France, de juger les auteurs de crimes
limitativement définis représente un progrès
considérable ; d'un autre côté, on s'arrange pour que
personne ne puisse être l'objet des dispositions que nous prenons. Car,
sauf à considérer qu'il serait assez idiot pour venir
s'établir en France et y résider habituellement, on n'imagine pas
qu'un criminel puisse être concerné par ce dispositif.
Tout cela n'est pas très glorieux : on ne peut pas
à la fois se prétendre généreux et amoureux de la
justice, et, dans le même temps, verrouiller le dispositif de telle sorte
qu'il soit inopérant.
M. Jean-Jacques
Hyest, président de la commission des lois.
Nous n'avons rien verrouillé du tout !
M. le
président. La parole est à M. Hugues
Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues
Portelli. Nous discutons actuellement d'une situation
totalement virtuelle.
M. Jean-Jacques
Hyest, président de la commission des lois.
Bien sûr ! Et cela leur plaît beaucoup !
M. Hugues
Portelli. En réalité, si un criminel dangereux
est présent sur le territoire français, il y a neuf chances sur
dix qu'il soit visé par un mandat d'arrêt international.
Dès lors, le problème ne se pose pas.
M. Jean-Jacques
Hyest, président de la commission des lois.
Bien sûr !
Mme Nicole
Borvo Cohen-Seat. Il en va différemment d'un criminel
qui n'est pas considéré comme dangereux !
M. Hugues
Portelli. Par ailleurs, si, par hasard, il n'était pas
visé par un tel mandat, les autorités françaises auraient
tout loisir, dans le cadre de la convention dont il est question ce soir, de
solliciter l'avis de la Cour pénale internationale. Celle-ci demanderait
alors à la France d'intervenir, et le problème serait
réglé.
Telle est la voie normale à suivre, et j'imagine mal
comment le mécanisme juridique qui nous est proposé à
travers le sous-amendement pourrait trouver à s'appliquer sur le
territoire français.
Je le répète, ce débat me paraît
quelque peu surréaliste.
M. le
président. La parole est à Mme Nicole Borvo
Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole
Borvo Cohen-Seat. J'invite notre collègue à
envisager non pas le cas d'un criminel dangereux, mais celui d'un Augusto
Pinochet. Cela éclairera d'un jour nouveau le problème qui est
ici soulevé.
Chers collègues de la majorité, ce qui se passe
ce soir est assez regrettable. La fougue avec laquelle vous refusez la
possibilité d'arrêter un criminel sur le territoire
français dès lors qu'il n'y réside pas habituellement
tranche avec la position que vous avez adoptée ce matin, en commission
des lois. D'ailleurs, la majorité de ses membres ont fort
honnêtement reconnu qu'il s'agissait là d'un subterfuge.
M. Jean-Jacques
Hyest, président de la commission des lois.
Est-ce à dire que les autres sont malhonnêtes ?
Mme Nicole
Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président de la
commission des lois, je m'exprime comme bon me semble, et vous n'avez pas fait
autrement tout à l'heure !
Je le répète, les membres de la commission des
lois ont reconnu que cette condition de résidence habituelle
était effectivement exorbitante, compte tenu des personnages dont il est
question. Pensons à des cas précis !
Ce soir, les positions sont diamétralement
opposées, notamment celle de M. Fauchon, qui, ce matin, avait
approuvé le sous-amendement présenté par M. Badinter.
Tout cela est très regrettable. Pour ces raisons, je ne voterai pas les
amendements identiques nos 10 rectifié ter et
61.
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
n° 62.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public
émanant, l'une, du groupe UMP et, l'autre, du groupe UC-UDF.
Il va être procédé au scrutin dans les
conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le
président. Personne ne demande plus à
voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des
votes.)
M. le
président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 95 :
Nombre de votants
|
327
|
Nombre de suffrages exprimés
|
324
|
Majorité absolue des suffrages exprimés
|
163
|
Pour l'adoption
|
124
|
Contre
|
200
|
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 10
rectifié ter et 61.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le
président. En conséquence, un article
additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 7, et les amendements nos 26, 58
et 59 n'ont plus d'objet.
CHAPITRE II
DISPOSITIONS FINALES
Article 8
I. - À l'article L. 311-1 du code de justice militaire,
les mots : « contraires aux lois et coutumes de la guerre et aux
conventions internationales, » sont remplacés par les
mots : « définis aux articles 461-1 à 461-31
du code pénal, ».
II. - L'article L. 322-4 du même code est
abrogé.
M. le
président. L'amendement n° 35,
présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet,
MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le I de cet article :
I. - À l'article L. 311-1 du code de justice
militaire, après les mots : « contraires aux lois et coutumes
de la guerre et aux conventions internationales, » sont
insérés les mots : « telles que codifiées
aux articles 461-1 à 461-31 du code pénal, ».
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima
Boumediene-Thiery. Le paragraphe I de l'article 8
remplace, dans le code de justice militaire, la référence aux
lois et coutumes de la guerre et aux conventions internationales par les
articles 461-1 à 461-31 du code pénal. Cela signifie que ces
articles, enfermés dans un nouveau livre, codifient dans leur
totalité les conventions et les règles du droit de la guerre.
Or la codification du droit pénal international dans le
droit interne n'abroge pas les engagements internationaux ; elle les
complète ou les précise. La codification n'a pas pour effet
d'empêcher le juge de se référer aux lois et coutumes
internationales régissant les droits des conflits armés.
Ainsi, la référence à la présente
codification doit être un supplément à la
référence aux lois et coutumes de la guerre et aux conventions
internationales, qui doit être maintenue dans le code de justice
militaire. C'est le sens de mon amendement.
M. le
président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice
Gélard, rapporteur. Les dispositions
proposées par Mme Boumediene-Thiery ne me paraissent pas
nécessaires.
Donc, l'avis est défavorable.
M. le
président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati,
garde des sceaux. Le Gouvernement émet
également un avis défavorable.
M. le
président. Je mets aux voix l'amendement
n° 35.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le
président. L'amendement n° 8,
présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi
rédigé :
III. - L'article 213-1 du code pénal est
ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa (1°) est
complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, le maximum de l'interdiction est porté à
quinze ans ; »
2° Le troisième alinéa (2°) est
ainsi rédigé :
« 2° L'interdiction, suivant les
modalités prévues par l'article 131-27, d'exercer une
fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale
dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a
été commise. Toutefois, le maximum de l'interdiction temporaire
est porté à dix ans ; »
3° Le quatrième alinéa (3°) est
complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, le maximum de l'interdiction est porté à
quinze ans ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice
Gélard, rapporteur. Le projet de loi
prévoit un régime d'interdictions en cas de crimes de guerre plus
sévère que le droit commun, en particulier au regard de la
durée de ces interdictions.
Il est logique, par souci de coordination, d'appliquer ce
régime plus sévère aux interdictions prévues par
l'article 213-1 en matière de crimes contre l'humanité.
M. le
président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati,
garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet
amendement.
M. le
président. Je mets aux voix l'amendement
n° 8.
(L'amendement est adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix l'article 8,
modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article
9
Indépendamment de leur application de plein droit
à Mayotte, les dispositions des
articles 1er à 8 de la présente loi sont
applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie
française, en Nouvelle-Calédonie ainsi que dans les Terres
australes et antarctiques françaises.
M. le
président. L'amendement n° 9,
présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Les dispositions des articles 1er à 8
sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie
française et en Nouvelle-Calédonie.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice
Gélard, rapporteur. Les dispositions du projet
de loi ne seront pas applicables de plein droit dans les collectivités
soumises, pour la matière pénale, au principe de
spécialité législative. L'application de ces dispositions
en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les
îles Wallis et Futuna nécessite par conséquent une mention
expresse, qui est prévue par le présent article.
En revanche, les nouveaux statuts applicables depuis le
1er janvier 2008 à Mayotte et dans les Terres
australes et antarctiques françaises rendent inutile une telle mention
pour ces collectivités.
Je vous propose donc, par cet amendement, de ne pas faire
référence à ces deux collectivités.
M. le
président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati,
garde des sceaux. Favorable !
M. le
président. Je mets aux voix l'amendement
n° 9.
(L'amendement est adopté.)
M. le
président. En conséquence, l'article 9 est ainsi
rédigé.
Vote
sur l'ensemble
M. le
président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du
projet de loi, je donne la parole à Mme Brigitte Bout, pour
explication de vote.
Mme Brigitte
Bout. Monsieur le président, madame le garde des
sceaux, mes chers collègues, nous nous apprêtons à voter un
texte d'une grande importance, qui adapte notre droit pénal aux
exigences du statut de la Cour pénale internationale. L'incorporation
dans notre droit pénal des infractions prévues par le statut de
Rome, et plus particulièrement des crimes de guerre, est une condition
nécessaire à la mise en place d'un système pénal
international efficace.
Il s'agit d'un progrès essentiel, et très
attendu, dans la pleine participation de la France à la justice
pénale internationale. Compte tenu du rôle éminent qu'elle
a joué dans l'institution de la Cour pénale internationale, la
France se devait d'être exemplaire.
Très attaché au bon fonctionnement de la Cour
pénale internationale, le groupe UMP votera ce texte, en
félicitant notre rapporteur pour son travail remarquable.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.- Exclamations
sur les travées du groupe socialiste.)
M. le
président. La parole est à Mme Nicole Borvo
Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole
Borvo Cohen-Seat. Quoi qu'il advienne, je l'ai dit dans la
discussion générale, nous voterons ce texte, le fait que nous
parvenions enfin à adapter au statut de Rome notre droit constituant
indéniablement un progrès.
Je déplore cependant la tournure qu'a prise le
débat ce soir. La commission des lois, dans sa majorité, semblait
pourtant être parvenue à dégager un quasi-consensus pour
aller de l'avant, pour adopter un texte un peu plus audacieux. Nos
collègues de la majorité se sont trouvés pris à
contre-pied, ce que je trouve regrettable.
Mais cet épisode ne doit pas occulter le progrès
que représente ce texte : nous le voterons !
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du
groupe socialiste.)
M. le
président. La parole est à Mme Catherine
Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine
Morin-Desailly. Comme l'ensemble de mes collègues qui
sont intervenus dans ce débat, je ne peux que me réjouir de voir
ce projet de loi enfin examiné par le Parlement, car il faut bien dire
que son inscription à l'ordre du jour est attendue depuis de nombreuses
années. J'y suis particulièrement sensible, vous le comprendrez,
en tant que membre du groupe d'études des droits de l'homme du
Sénat.
En effet, l'institution de la Cour pénale
internationale, qui en est encore à ses premiers pas, suscite de
nombreux espoirs. Beaucoup « d'affaires », ces
dernières années, sont venues rappeler l'existence de nombreux
obstacles juridiques et diplomatiques à l'exercice d'une justice
internationale.
L'inscription de ce deuxième volet de l'adaptation de
notre législation interne à la convention de Rome à
l'ordre du jour des assemblées traduit avant tout l'engagement
international de la France, laquelle a eu un rôle moteur, il convient de
le rappeler, dans la création de la Cour pénale
internationale.
L'adoption de ce projet de loi, ainsi amendé et
complété par le Sénat, facilitera la coopération
avec la Cour pénale internationale dans le jugement « des
crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté
internationale ».
Il était en effet urgent d'adapter notre droit
pénal à l'institution de la Cour pénale internationale,
car la France a pris en la matière un retard préjudiciable par
rapport à la plupart de ses voisins européens.
L'inscription dans le droit pénal français des
infractions prévues par le statut de Rome est indispensable en raison du
principe de complémentarité entre la CPI et les États
parties, puisque c'est à eux qu'il appartient en premier lieu de juger
selon leurs procédures internes les individus ayant commis des crimes
relevant de la compétence de la Cour.
Dans ce cadre, le projet de loi vient renforcer la
répression des crimes internationaux sur plusieurs aspects que je ne
rappellerai pas à ce point du débat.
Je voudrais saluer le travail de notre assemblée, et en
particulier celui du rapporteur, qui a permis d'apporter des précisions
utiles et de rapprocher notre législation des termes de la convention de
Rome.
Deux questions ont fait l'objet de débats très
intéressants : l'imprescriptibilité des crimes de guerre et
la reconnaissance de la compétence universelle des juridictions
françaises.
Sur la question de l'imprescriptibilité, je suis
sensible aux arguments qui ont été développés au
cours de la discussion, notamment par notre rapporteur et par M. Badinter.
En effet, je crois important de réserver, comme le fait le droit
français actuel, l'imprescriptibilité des crimes contre
l'humanité,...
M. Jean-Jacques
Hyest, président de la commission des lois.
Très bien !
Mme Catherine
Morin-Desailly. ...afin de marquer la
spécificité de ces crimes et de ne pas les
« banaliser » par rapport aux crimes de guerre.
S'agissant de ces derniers, le projet de loi apporte
déjà des avancées notables, en allongeant les
délais de prescription de l'action publique de dix à trente ans.
Je sais que certaines associations regrettent que les crimes de guerre ne
bénéficient pas de la même imprescriptibilité que
les crimes contre l'humanité, mais, comme l'a souligné
M. Badinter, ceux-ci justifient à eux seuls une dérogation
aux règles habituelles de la prescription.
S'agissant maintenant de la compétence universelle, je
salue l'évolution du projet de loi sur cette question. Il faut dire que
nous partions d'assez loin... Si nous comprenons tous les difficultés
diplomatiques que peut engendrer la « compétence
universelle », le risque de laisser subsister un espace
d'impunité en Europe pour les auteurs de crimes internationaux est
inacceptable. L'effet dissuasif de la compétence universelle est un
argument convaincant, surtout quand on sait que la grande majorité des
États européens l'ont admise.
Certes, tel que le dispositif a été voté,
la mise en oeuvre de cette mesure est très encadrée. À
titre personnel, j'aurais souhaité qu'elle soit élargie, mais
elle n'en reste pas moins inscrite dans notre code pénal, soulignons-le,
ce qui constitue une avancée considérable. Il s'agit d'un premier
pas important vers une application plus effective de ce principe. C'est
pourquoi je me félicite que notre assemblée engage notre pays sur
la voie de la compétence universelle.
La navette parlementaire permettra sans doute de
réfléchir plus avant sur les nuances sémantiques et
d'éclairer le choix entre les verbes « se trouver »,
« résider », assortis ou non de l'adverbe
« habituellement » ...
M. Patrice
Gélard, rapporteur. J'émets les plus
grandes réserves !
Mme Catherine
Morin-Desailly. En tout état de cause, je voulais
souligner cette avancée notable.
Dans l'ordre mondial actuel, et compte tenu des
évolutions du contexte international, alors que les frontières
n'ont plus le même sens qu'au siècle dernier, l'existence de cette
justice pénale internationale est une absolue
nécessité.
C'est pour cette raison, vous l'aurez compris, que le groupe
de l'Union centriste-UDF votera ce projet de loi. (Applaudissements
sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le
président. La parole est à M. Robert
Badinter, pour explication de vote.
M. Robert
Badinter. J'ai entendu de la part de Mmes Borvo
Cohen-Seat et Morin-Desailly des propos que je salue.
Le groupe socialiste votera ce texte, bien entendu ! Il
s'agit pour nous de l'aboutissement d'une si longue marche et de tant
d'efforts... Je sais, pour les avoir partagées, combien les luttes des
organisations non gouvernementales, de toutes les organisations
défendant les droits de l'homme, tendaient à ce que soit
créé, au-delà d'une juridiction pénale
internationale, un système juridictionnel qui permette enfin de mettre
un terme à l'impunité révoltante des criminels contre
l'humanité.
J'ai cru, ce matin, que nous étions allés
jusqu'où nous pouvions espérer ; ce soir, la
frilosité nous a fait revenir en arrière.
M. Jean-Jacques
Hyest, président de la commission des lois. Il
s'agit d'une nuance !
M. Robert
Badinter. Il est bon, et nécessaire, que la France
mette aujourd'hui un terme à ses réserves concernant la poursuite
des auteurs de crimes de guerre. Nous ne nous sommes pas beaucoup
pressés à cet égard ; nous aurons attendu le dernier
moment, ou presque. Il fallait que ce soit fait.
Je regrette seulement, je le dis aux quelques collègues
présents dans l'hémicycle, que nous n'ayons pas, tout au long du
processus de mise en oeuvre du statut de Rome, joué le même
rôle que lors de la création de la Cour pénale
internationale.
De même qu'il ne fallait pas à l'époque
formuler de réserves s'agissant de la poursuite des auteurs de crimes de
guerre - seules la France et la Colombie l'ont fait -, de même,
ce soir, il ne fallait pas déroger au principe que nous avons inscrit
dans notre droit à l'occasion de la ratification de toutes les
conventions relatives aux crimes internationaux, un principe qui n'a rien
à voir avec la compétence universelle et qui nous fait
obligation, lorsqu'un criminel contre l'humanité se trouve sur notre
territoire, de l'appréhender, avant de penser à qui, de
l'État ou, le cas échéant, de la Cour pénale
internationale, le jugera.
Nous n'avons pas été jusqu'où nous
devions aller, et je le regrette. Quoi qu'il en soit, le présent texte
constitue un très grand progrès ; il va permettre, du moins
dans les conditions que vous avez arrêtées, chers
collègues, mais à l'intérieur d'un vaste espace
conventionnel, de mettre fin à l'impunité des criminels contre
l'humanité et des criminels de guerre. Aussi, monsieur le
président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, nous
voterons le projet de loi. (Applaudissements sur les
travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Annexe 2
L'état de ratification, affaires pendantes et
quelques liens internet
Mise à jour sur la ratification
Date: 18 juillet 2008
Pour plus d'informations sur la ratification, veuillez
contacter Brigitte Suhr:
Suhr@iccnow.org
Affaires et Situations actuelles
Quelque site qui lutte pour l'instauration et la
consolidation d'une justice pénale internationale juste et
équitable
· http://www.damocles.org
(Le réseau Damoclès est le bras judiciaire de
Reporters sans frontières. Son site Internet propose un Guide pratique
à l'usage des victimes de crimes internationaux qui souhaitent porter
plainte au nom de la fameuse "compétence universelle". On y trouve
également des informations sur la justice internationale en rapport avec
la liberté de la presse).
· http://www.trial-ch.org
(Trial (Track Impunity Always) est une association de droit
suisse, fondée en juin 2002. Elle est apolitique et non confessionnelle.
Ses buts sont principalement de lutter contre l'impunité des
responsables, des complices ou des instigateurs de génocide, de crimes
de guerre, de crimes contre l'humanité et de torture. Trial saisira les
tribunaux et défendra les intérêts des victimes de tels
actes devant les instances suisses et face à la Cour pénale
internationale. Un manuel juridique intitulé "La lutte contre
l'impunité en droit suisse" est téléchargeable sur le
site)
·
http://www.iccnow.org/?lang=fr
(La Coalition pour la Cour Pénale Internationale
(CCPI) est une association de plus de 2500 ONG du monde entier, qui depuis 1995
travaillent en vue de la réalisation d'un objectif commun : le prompt
établissement d'une Cour Pénale internationale juste, efficace et
indépendante).
* 1 Déclaration
des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la
criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir adoptée
par les Nations unies. Principe 4
* 2 Préambule du
Statut de la Cour pénale internationale, Rome, 1998 (extraits).
* 3 Disait Benjamin B.
Ferencz, ancien procureur à Nuremberg.
* 4 Ce fut un gladiateur thrace
qui a conduit une révolte en Italie (73-71). Il a défait les
armées romaines dans le sud de l'Italie, mais ses forces ont
été écrasées à Lucania (71) où il a
été tué et plusieurs de ses troupes ont été
crucifiés. Son nom symbolise, donc, la révolte et la
revendication.
* 5 J. Alain MABIALA, Juriste droits de
l'homme et droit humanitaire, Cf. Conclusion du présent
mémoire.
* 6 Nestor MAKOUNDZI-WOLO,
manuscrit non publié avant sa mort, 2001. J. Alain MABIALA,
«Les droits de l'homme: une gageure?» sous la direction du
professeur Nestor MAKOUNDZI-WOLO, doyen de la faculté de droit
(Mémoire en master 1, droit international des droits de l'homme),
2001-2002.
* 7 L'exemple de l'affaire du
Beach au Congo Brazzaville a conduit au massacre de plus de 350 personnes en
avril et mai 1999. Plus d'informations
www.amnesty.fr Ou
voir Amnesty international, République du Congo, Une ancienne
génération de dirigeants responsable de nouveaux carnages,
index AI : AFR 22/001/1999, PP 42. Sachant que la Cour pénale
internationale n'est compétente qu'à l'égard des crimes
commis après 2002, date de son entrée en vigueur. Le
procès national n'a, malheureusement, pas pu combler les attentes des
victimes et de la communauté juridique.
* 8 Les Etats-Unis n'ont jamais
ratifié le Statut de Rome. Cf P. HAZAN, guide pratique à l'usage
des victimes, « Le travail de sape des
Etats-Unis », RSF & réseau Damoclès, 2003,
P.29-31
* 9 L'entrée en vigueur
du Statut de la Cour pénale internationale (CPI) est le 1er juillet
2002. La CPI ne pourra pas poursuivre les auteurs présumés de
crimes commis avant le 1er juillet 2002. De la même façon, la CPI
n'exercera sa compétence à l'égard d'un Etat que pour les
crimes commis après la date de son adhésion au Statut, à
moins que celui-ci ne fasse une déclaration pour reconnaître la
compétence de la CPI à l'égard d'un crime commis avant son
adhésion (articles 11-2 et 12-3 du Statut).
* 10 Le cas des
« dictateurs africains » dont certains ont plus de 30 ans
au pouvoir, ne voulant pas quitter celui-ci aux fins de ne pas être
poursuivi pour des crimes qu'ils auront eu à perpétrer pendant
leur mandat. Et pourtant la jurisprudence démontre, en
corrélation avec le statut de Rome créant la Cour pénale
internationale, que l'auteur d'un crime « grave » peut
être poursuivi quel qu'en soit sa qualité de chef d'Etat.
* 11 Voir la guerre Irak / USA
en mars 2003 où plusieurs centaines de milliers de civils irakiens ont
été tués en laissant des victimes, des traumatismes
difficilement surmontables. De même, la guerre au Congo Brazzaville du 05
juin 1997 et plus précisément l'affaire du Beach avril / mai 1999
dont les bourreaux n'ont jamais été, jusqu'à
présent, ni poursuivis ni condamnés par aucune juridiction
pénale internationale.
* 12 Julian
Fernandez, Revue de Civilisation Contemporaine de
l'Université de Bretagne Occidentale,
« Variations sur la victime et la justice
pénale internationale », Page 3-4
http://www.univ-brest.fr/amnis/
* 13 La Cour pénale
internationale est une cour permanente et indépendante qui mène
des enquêtes et engage des poursuites à l'encontre de personnes
accusées des crimes les plus graves ayant une portée
internationale - génocide, crimes contre l'humanité et crimes de
guerre - pour autant que les autorités nationales compétentes
n'aient ni la capacité ni la volonté de le faire
véritablement. Le Bureau du Procureur mène en ce moment des
enquêtes à propos de quatre situations : République
démocratique du Congo, Nord de l'Ouganda, Darfour (Soudan) et
République centrafricaine. Tous ces pays restent, à des
degrés divers, engagés dans des conflits dont les victimes ont un
besoin urgent de protection.
* 14 Cf. Avant propos de la
présente étude, P. 1 à 3
* 15 Pour une définition
juridique des différents crimes internationaux, voir le Statut de Rome
(articles 5 à 8)
* 16 Le Procureur de la CPI,
Luis Moreno-Ocampo, sera en visite officielle à Bogotá du 25 au
27 août de cette année. Comme le prévoit le Statut de Rome,
M. Moreno-Ocampo et son équipe poursuivront l'examen des enquêtes
et des procédures en cours en Colombie, en s'attachant plus
particulièrement aux personnes dont il pourrait être
considéré qu'elles portent la responsabilité la plus
lourde pour les crimes les plus graves relevant de la compétence de la
Cour. Comme l'a déclaré le Procureur à l'occasion de sa
visite précédente : 'La Cour pénale internationale marque
l'avènement d'un droit nouveau et l'impunité cesse d'être
une option. Soit les tribunaux nationaux s'en assureront, soit nous le ferons
nous-mêmes. Cet engouement de poursuivre les criminels internationaux
devrait être le même quand il s'agit aussi des pays riches et
forts.
* 17 Pour une étude de
la règle du précédent, voir J. Alain, MABIALA,
« Justice pénale internationale et règle du
précédent », sous la direction de Céline
Rénaut, 2008, Université d'Evry Val d'Essonne, PP 11
publié par Oboulo.com
http://www.oboulo.com/query.php?q=regle+du+precedent&start=0&topConsult=0
* 18 Pour une étude plus
approfondit, voir P. HAZAN, «La justice face à la guerre, de
Nuremberg à La Haye », Stock, 2000.
* 19 C'est ce que disait si
bien Julian Fernandez, op. Cité, Page 22
* 20 La DUDH est une
déclaration qui n'a pas une valeur contraignante mais qui peut
être considérée comme une norme coutumière. Pour
une étude plus avancée, voir J. Alain MABIALA, «La
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre
1948: un impératif pour tous.» publiée à
l'occasion de son anniversaire et rendu accessible aux différentes ONG,
OING et Associations de défense des droits humains (Soutien de la
Fédération Africaine des Parents d'Elèves et
Etudiants-FAPEE- et de l'Association Panafricaine Thomas
SANKARA-APTS-)
* 21 Voir pour la
définition des différents crimes, P. HAZAN, guide pratique
à l'usage des victimes, RSF & Réseau Damoclès, 2003,
P. 34 à 46.
* 22 Conformément
à l'article 17 du Statut, la Cour doit déclarer une affaire
irrecevable si un Etat, ayant compétence en l'espèce, a ouvert
une enquête, entamé des poursuites ou décidé de ne
pas poursuivre, ou si la personne visée par la plainte a
déjà été jugée pour le même fait ou
bien encore, si l'affaire n'est pas suffisamment grave. Toutefois des
dérogations sont prévues, s'il s'avère que l'Etat n'a pas
la réelle volonté ou possibilité de mener l'enquête
ou les poursuites, ou si l'Etat renonce à celles-ci. Le paragraphe 2 de
l'article 17 précise plusieurs indices permettant d'évaluer le
manque de volonté d'un Etat et le paragraphe 3 précise comment
déterminer l'incapacité d'un Etat à poursuivre. Ces
dispositions visent à faire en sorte que la CPI ne soit pas l'otage de
la mauvaise foi d'un Etat et/ou d'un simulacre de poursuite pénale
* 23 S/Résolution 687
(1991), paragraphe 16
* 24 Règlement de
procédure du TPIY, règle 2 (A), et Règlement de
procédure du TPIR, règle 2 (A).
* 25 Doc. ONU
E/CN.4/1997/104 du 16 janvier 1997. T. van Boven avait été
désigné comme expert indépendant par le Conseil
économique et social. Ce rapport inclut la troisième version des
« Principes », la première datant de 1993 (E/CN.4/Sub
2/1993/8). Les travaux ont été poursuivis par Cherif Bassiouni.
Voir son rapport final E/CN.4/2000/62.
* 26 Séminaire
international sur l'accès des victimes à la Cour pénale
internationale, Rapport des ateliers, Paris, 1999.
* 27 Projet de
Règlement de la CPI, règle 85.
* 28 Article 53 -- Protection des biens culturels et
des lieux de culte : Sans préjudice des dispositions de la
Convention de La Haye du 14 mai 1954 pour la protection des biens culturels en
cas de conflit armé et d'autres instruments internationaux pertinents,
il est interdit : a) de commettre tout acte d'hostilité dirigé
contre les monuments historiques, les oeuvres d'art ou les lieux de culte qui
constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples; b) d'utiliser ces
biens à l'appui de l'effort militaire; c) de faire de ces biens l'objet
de représailles.
* 29 Désormais, la
victime peut « quasiment » se constituer partie civile :
elle peut inciter le procureur à ouvrir une enquête. Il lui suffit
d'écrire à l'attention du procureur, exposer son cas et y joindre
les éléments de preuves en sa possession. Contrairement aux
tribunaux de l'ONU pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, les victimes ne sont
donc plus réduites à être de simples instruments de
l'accusation. L'article 68-3 du Statut reconnaît à la Cour la
possibilité de déterminer la contribution que les victimes
peuvent apporter à la procédure pénale :
« Lorsque les intérêts personnels de la victime sont
concernés, la Cour permet que leurs vues et préoccupations soient
exposées et examinées, à des stades de la procédure
qu'elle estime appropriés ».
* 30 Pour une
définition précise de ces trois incriminations fondamentales du
droit international pénal, voir les articles 6, 7 et 8 du Statut de Rome
créant la Cour pénale internationale, disponible sur
www.icc-cpi.int
* 31 Cf.
Antelme, Robert, L'espèce humaine, Paris, Gallimard, 1957,
p. 302. Voir également le récit de Bernard Sigg,
psychanalyste, Le silence et la honte : névroses de la guerre
d'Algérie, Paris, Messidor, 1989, qui a longuement travaillé
sur le traumatisme des soldats français envoyés en
Algérie.
* 32 Cf. Moynier, Gustave,
« Note sur la création d'une institution judiciaire internationale
propre à prévenir et à réprimer les infractions
à la Convention de Genève », Bulletin international des
sociétés de secours aux militaires blessés, N°
11, 1872, p. 122, Article 7.
* 33 Walleyn, Luc,
« Victimes et témoins de crimes internationaux : du droit
à une protection au droit à la parole », Revue
internationale de la Croix-Rouge, Vol. 84, n° 845, mars 2002, pp.
51-77.
* 34 Voir notamment les
articles 2 et 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
de 1966 qui développent l'article 8 de la Déclaration universelle
des droits de l'homme de 1948. Voir également la Convention
européenne des droits de l'homme de 1950 ou les articles 3 et surtout 14
de la Convention contre la torture de 1984. Ces différents textes
reconnaissent le droit de plainte ou d'indemnisation aux victimes dont les
droits fondamentaux ont été violés.
* 35 Cf. Résolution
N° 40-34 adoptée par l'Assemblée générale de
l'O.N.U., sur le rapport de la Troisième Commission (A/40/881), 29
novembre 1985.
* 36 Les Tribunaux
pénaux internationaux pour l'ex Yougoslavie et pour le Rwanda ont
été crées par les résolutions 827 (25 mai 1993) et
955 (8 novembre 1994) du Conseil de sécurité des Nations
Unies.
* 37 Cf. Maison,
Raphaëlle, « La place de la victime », in Ascencio,
Hervé, Decaux, Emmanuel et Pellet Alain (dirs.), Droit international
pénal, Paris, Pedone, 2000, pp. 779-784.
* 38 Voir les articles 22 et
21 des Statuts du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et
du Tribunal pénal international pour le Rwanda.
* 39 La règle 106 ne
fait que renvoyer aux juridictions nationales. Cf. Article 106
«Indemnisation des victimes» , Règlement de procédure
et de preuves du TPIY (IT/32/Rev.37), disponible sur
http://www.un.org/icty/legaldoc-f/index-f.htm
* 40 Voir la formulation
explicite de la Résolution 827 ; « Décide par
la présente résolution de créer un tribunal international
dans le seul but de juger les personnes présumées responsables de
violations graves du droit humanitaire international commises sur le territoire
de l'ex-Yougoslavie (...) » (S/RES/827, 25 mai 1993)
* 41 Ici, la jurisprudence
des tribunaux a été l'objet de vives critiques. Le zèle
avec lequel le TPIY notamment a souhaité protéger le
témoignage de la victime a pu aboutir à remettre en cause les
garanties de l'accusé au droit à un procès
équitable. Voir la possibilité d'assurer l'anonymat des victimes
et des témoins reconnu dans l'affaire Tadic (1995),
cf. Leigh, Monroe, « Witnesses Anonymity is Inconsistent
with Due Process », American Journal of International Law,
Vol. 91, 1997, pp. 80-83.
* 42 Fernandez, Julian,
« CPI : Genèse et déclin de
l' « esprit de Rome », Annuaire Français
des Relations Internationales, Vol. VII, 2006, pp. 59-76.
* 43 Ce terme signifie les
dispositions du Statut de Rome créant la CPI
* 44 Le Statut de Rome fait
ainsi référence dès son préambule aux victimes de
violations massives des droits fondamentaux ; « Les Etats
Parties au présent Statut, (...) Ayant à l'esprit qu'au cours de
ce siècle, des millions d'enfants, de femmes et d'hommes ont
été victimes d'atrocités qui défient l'imagination
et heurtent profondément la conscience humaine, (...) ».
Cf. Statut de Rome de la Cour pénale internationale, Document des
Nations Unies, A/CONF.183/9, 17 juillet 1998 (en vigueur depuis le
1er juillet 2002), Préambule.
* 45 Cf. Règlement de
procédure et de preuve de la Cour pénale internationale (ci
après Règlement...), Document n° ICC-ASP/1/3,
disponible sur
www.icc-cpi.int, Règle 85
« Définition des victimes ». Il s'agit d'une
victoire pour les O.N.G. mais aussi pour certains Etats, dont la France, qui
souhaitait une définition large conforme à la Résolution
40/34 de 1985.
* 46 Cf. Statut de
Rome..., Article 79 « Fonds au profit des
victimes ».
* 47 Rapport de la
Commission de droit international, 1996
* 48 Rapport du Rapporteur
spécial C. Bassiouni, Doc. ONU E/CN. 4/2000/62, Annexe no 21
* 49 Statut de la CPI, art.
79
* 50 Ibid., art. 75
(4) et 5.
* 51 C'est
généralement le cas lors des conflits. C'est soit l'Etat soit une
société qui est derrière la réalisation de la folie
humaine.
* 52 Pour plus
d'actualité sur l'affaire BEMBA, Cf. le site de la Coalition pour la CPI
http://www.iccnow.org/?lang=fr
* 53 Affaire Procureur c/ Dusko
Tadic, Aff. N°IT-94-1-A, décision relative à la
requête de l'Appelant aux fins de prorogation de délai et
d'admission de moyens de preuve supplémentaires du 15 octobre 1998.
* 54 Voir toutes ces
informations sur le site du TPIR,
http://69.94.11.53/FRENCH/index.htm
* 55 Cf. L'adoption par le
Sénat, dans la nuit du 10 au 11 juin 2008, du projet de loi sur la
compétence universelle en France. Cette adoption laisse présager
deux choses : D'une part, la France ne contribuera pas à la
poursuite des auteurs des crimes les plus graves puisqu'il faudra que ces
auteurs résident habituellement en France. D'autre part et par
conséquent, les victimes ne peuvent pas ou ne pourront plus provoquer
les poursuites ou déclencher une enquête contre les crimes les
plus graves.
* 56 Rappelons-le, le
principe d'immunité a été abrogé par la Cour
internationale de justice, dans l'affaire célèbre Yérodia
(CIJ du 14 février 2002 sur l'affaire du mandat d'arrêt du 11
avril 2000 opposant la RDC et le Royaume de Belgique).
* 57 C'est le cas de l'affaire
du Beach au Congo Brazzaville où les crimes les plus odieux ont
été perpétrés et qui bénéficient de
la complicité de la France (Cf. mandat d'arrêt international puis
relâchement du général J.F NDENGUE par les autorités
françaises). La FIDH a dénoncé cette pratique qui entrave
la lutte contre l'impunité des plus hauts responsables. Voir le lien
sur l'affaire des disparus du Beach : Le droit des victimes à un
recours effectif en question
http://www.fidh.org/spip.php?article50&decoupe_recherche=affire%20du%20beach
* 58 C'est pourquoi, par
exemple à propos de l'adoption par le Sénat français du
projet de loi sur la compétence universelle, la FIDH pense que la France
renforce l'impunité des criminels internationaux sur son territoire
(Voir le lien
http://www.fidh.org/spip.php?article5626)
et la Coalition Française pour la Cour Pénale Internationale
(CFCPI) voit dans le « texte complaisant » (vote du
Sénat) une
« incompréhensible
résistance de la France à participer avec le reste du monde
à la constitution d'un système de justice pénale
international, protecteur des crimes les plus graves, ceux qui touchent
à l'essence même de l'humanité » .
* 59 Rappelons que
c'était seulement en 2006 qu'un banc pour les victimes et leurs
représentants légaux était, finalement et pour la
première fois, prévus aux fins de résoudre leurs
traumatismes causés par la folie humaine.
* 60 Surtout en tenant
compte du conflit actuel qui oppose la Géorgie et la Russie :
« Donnant suite aux événements survenus récemment en
Géorgie et compte tenu d'informations selon lesquelles des crimes
relevant de la compétence de la CPI pourraient avoir été
commis, Luis Moreno-Ocampo, le Procureur de la Cour, a confirmé
aujourd'hui que son Bureau procédait à une analyse de la
situation dans ce pays » (Cf., Communiqué de Presse du BdP de
la CPI, ICC-OTP-20080820-PR346 FRA, 20 août 2008,) Plus
d'informations :
http://www.icc-cpi.int/press/pressreleases/413.html
.
* 61 A la différence
des pays pauvres et faibles (Congo RDC, Rwanda...), la CPI n'arrive ou tout
simplement ne veut pas condamner, pour des raisons politiques et de leadership,
certains responsables américains qui n'ont pu observer les normes du
droit humanitaire. Nous faisons allusion à la
« prison » de Guantanamo à Cuba, une zone de
non-droit où les tortures physiques et psychologiques occasionnent
beaucoup de victimes qui gémissent en silence. Une étude de
l'armée américaine en 2004 affirme qu'au moins 30 anciens
détenus de Guantánamo ont été tués ou
capturés lors de combats en Afghanistan, au
Pakistan ou en Irak (Cf. D.
Lagolnitzer, V. Rivasseau, N. Andersson, Justice internationale et
impunité, le cas des Etats-Unis, 2005).
* 62 Céline
RENAUT, Le droit des conflits armés et justice
pénale internationale, Cours-séminaire, 2006-2007, P.1
http://www.sciencespo.fr/formation/master_scpo/mentions/affaires_internationales/pdf_ci/droits_conflits_armes.pdf
* 63 Ce fut un gladiateur
thrace qui a conduit une révolte en Italie (73-71). Il a défait
les armées romaines dans le sud de l'Italie, mais ses forces ont
été écrasées à Lucania (71) où il a
été tué et plusieurs de ses troupes ont été
crucifiés. Son nom symbolise, donc, la révolte et la
revendication.
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