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Promotion Willy Brandt
«2007-2009»
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Cycle International Long
Master en Administration Publique
La RDC et le processus d'intégration des pays des Grands
Lacs comme voie de sortie de la crise sécuritaire régionale.
A la lumière de la déclaration de
Dar-Es-Salam et du Pacte de Nairobi.
Mémoire présenté par
M. ERIC NTUMBA BUKASA
Sous la direction de :
M. RENAUD DORANDEU
Fonction :
DIRECTEUR DES ETUDES
TABLE DES MATIERES
TABLE DES MATIERES
1
DÉDICACE
3
CHAPITRE I : INTRODUCTION
4
I.1 CARACTÈRE RÉGIONAL DE LA
DYNAMIQUE DES CONFLITS DANS LES GRANDS LACS
4
I.2 ORIGINE RÉCENTE DES CONFLITS
5
La première guerre du Congo
(1996-1997)
6
La deuxième guerre du Congo
(1998-2003)
6
I.3 MOBILISATION DE LA COMMUNAUTÉ
INTERNATIONALE ET LANCEMENT DU « PROCESSUS » DES GRANDS
LACS AFRICAINS
8
Champ géographique du Processus des
Grands Lacs (PGL)
9
Le Processus des Grands Lacs et
l'accompagnement de la communauté internationale
11
La déclaration de Dar Es Salam et le
Pacte de Nairobi
11
I.4 PROBLÉMATIQUE.
12
CHAPITRE II : LES GRANDS LACS ET
L'INSTABILITÉ CYCLIQUE: OÙ RECHERCHER LES CAUSES?
14
II.1 LE PHÉNOMÈNE MIGRATOIRE ET LA
COLONISATION COMME CAUSES LOINTAINES DU CONFLIT
14
La responsabilité coloniale
14
Les mouvements de population
15
II.2 LES GRANDS LACS APRÈS LES
INDÉPENDANCES: LOGIQUE D'EXCLUSION RÉCIPROQUE, CONFLITS FONCIERS
ET PROBLÈMES DE NATIONALITÉ.
16
Pressions démographiques et conflits
fonciers
16
Banyamulenge et Banyarwanda
17
« Congolité » et
Zaïrianisation
17
II. 3 DE LA CHUTE D'IDI AMIN DADA EN OUGANDA AU
GÉNOCIDE RWANDAIS: NAISSANCE D'UNE ARMÉE SANS
FRONTIÈRE.
20
La volatilité de la situation
sécuritaire dans la région des Grands Lacs a favorisé
l'occurrence du génocide de 1994.
20
L'après génocide rwandais et les
causes de la première guerre d'invasion du Congo.
22
Causes et conséquences de la
deuxième guerre d'invasion du Congo
25
Naissance des mouvements rebelles en RDC
26
CHAPITRE III: ECHECS DES TENTATIVES
D'INTÉGRATION RÉGIONALE FACE À LA CRISE SÉCURITAIRE
DANS LES GRANDS LACS ET EN AFRIQUE CENTRALE
28
III.1 LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUES DES
PAYS DES GRANDS LACS: CONSTAT D'ÉCHEC.
28
Introduction
28
Objectifs de la CEPGL
29
Bilan et constat d'échec
30
CEPGL : pistes de relance envisageables et
contexte de sortie de crise
33
III. 2 LA RÉGION DES GRANDS LACS ET LA
CEEAC: UN AUTRE CONSTAT D'ÉCHEC
42
Introduction
42
Structure de la CEEAC
45
Impuissance et inaction de la CEEAC face aux
différents conflits de la région des Grands Lacs.
45
CHAPITRE IV : LA CONFÉRENCE
INTERNATIONALE SUR LA RÉGION DES GRANDS LACS
48
IV. 1 L'ACTION INTERNATIONALE EN FAVEUR DU
RÉTABLISSEMENT DE LA PAIX EN RDC ET DANS LA RÉGION DES GRANDS
LACS.
48
La communauté internationale et la
première guerre du Congo
48
La communauté internationale face
à la deuxième guerre du Congo
49
L'accord de Lusaka, pierre angulaire du
processus de paix en RDC
50
IV. 2 LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LA
RÉGION DE GRANDS LACS (CIRGL)
54
Introduction
54
Architecture de la Conférence
internationale pour la Région des Grands Lacs
56
La Déclaration de Dar-Es-Salam sur la
Paix, la Sécurité, la Démocratie et le
Développement dans la Région des Grands Lacs
59
Le Pacte sur la Sécurité, la
Stabilité et le Développement dans la Région des Grands
Lacs, dit « pacte de Nairobi »
60
CHAPITRE V : CONCLUSION
62
Vers une harmonisation du pacte de Nairobi
(mécanisme de suivi) avec les efforts d'intégration en cours dans
la région des Grands Lacs et en Afrique centrale
62
BIBLIOGRAPHIE
68
DÉDICACE
A mon père Alphonse Ntumba Luaba Lumu.
Pour tous ses efforts et son combat pour le
rétablissement de la paix en Ituri et en République
Démocratique du Congo.
« Le plus grand défi est de pouvoir
rétablir une stabilité durable à l'issue d'une crise ou
d'un conflit. Il ne sert à rien en effet de résorber l'une ou
l'autre sans s'attaquer à leur source profonde, à savoir
l'impossibilité de mener une existence digne et de nourrir l'espoir d'un
avenir meilleur »
PA Wiltzer
Chapitre I :
Introduction
I.1 Caractère
régional de la dynamique des conflits dans les grands lacs
La région des Grands Lacs africains est
constituée de la zone inter lacustre comprise entre la RDC, le Rwanda,
l'Ouganda, le Kenya, la Tanzanie, le Burundi et de leur zone d'influence
frontalière (le cours du fleuve Congo avec la République Centre
Africaine, le Congo, l'Angola et le Soudan).
Cette région a souvent été en proie aux
aléas de conflits armés particulièrement violents et
récurrents. Les cycles de violence s'étalent dans le cours de son
histoire précoloniale, coloniale et postcoloniale. Le pic est atteint
au cours des années 1990 avec le génocide rwandais, la guerre au
Burundi et le conflit interafricain en République Démocratique du
Congo.
Le conflit en RDC, théâtre d'affrontement entre 9
armées africaines (au minimum), est aujourd'hui considéré
comme le conflit le plus meurtrier depuis la deuxième guerre mondiale
avec des estimations de l'ordre de 5 millions de victimes.
Les causes des conflits dans cette région de l'Afrique
revêtent une dimension régionale et un caractère
régionalisant. On observe une propension à la
régionalisation de l'instabilité, alimentée par une
proximité de fait d'ordre ethnique, socioculturel et politique des
populations de la région1(*). Cette proximité sous-tend la tendance des
conflits à s'exporter au-delà de leurs foyers nationaux pour se
répandre, par effet de contamination, à l'ensemble des pays
frontaliers de la région.
Les conséquences engendrées par cette dynamique
de conflit sont multiples :
- instabilité politique de la région,
- exode des populations menacées,
- mortalité causée directement ou indirectement
par les conflits
- sous-développement rampant.
Ces conséquences désastreuses vont pousser la
communauté internationale et les Etats de la région à
prôner une solution régionale qui tiendrait compte, de
manière concurrente, des causes internes et externes des conflits en vue
de remédier de manière efficace et durable aux effets
néfastes de cette dynamique.
Le pillage des ressources naturelles est un des facteurs nerfs
de la quasi-permanence des conflits armés et d'une instabilité
presque entretenue dans la région des Grands Lacs.
Le lien entre richesse régionale, ou nationale dans le
cas précis de la RDC, et la dynamique d'instabilité a
été clairement identifié par la résolution 1653 du
Conseil de sécurité des Nations Unies sur la situation dans la
région des Grands Lacs2(*). Il est aussi mis en exergue par le rapport du groupe
d'experts des Nations Unies sur l'exploitation illégale des ressources
naturelles de la RDC du 12 avril 20013(*).
I.2 Origine récente
des conflits
Le début de la crise des Grands Lacs remonte, dans le
cadre d'un passé récent, au début des années 1990
avec la guerre civile au Burundi (octobre 1993) et le génocide au Rwanda
(avril- juillet 1994).
Diverses autres causes lointaines peuvent aussi être
établies, comme l'ont reconnu les présidents de la région
au point 3 de la déclaration de Dar-es-Salam4(*) de novembre 2004. Cette
déclaration constitue le socle de du « Processus des Grands
Lacs » (PGL) que ce mémoire se propose d'étudier.
.
La crise déjà profonde, nourrie par des tensions
politique et ethniques internes aux différents pays de la région,
s'est vue exacerbée en RDC par les conséquences des deux
précédents conflits5(*), notamment par le grand nombre de
réfugiés qu'ils ont produit.
Cet état des choses va graduellement faire de la RDC
l'épicentre du conflit des Grands Lacs, une sorte de tête
d'iceberg d'une crise de toute l'Afrique centrale selon l'expression de
Rigobert MINANI Bihuzo6(*).
La RDC devient ainsi le théâtre d'un complexe jeu
d'intérêts et d'alliances impliquant jusqu'à 9 pays de la
région, des milices rebelles locales et le concours militaire d'autres
pays africains moins directement concernés par l'espace
géopolitique des Grands Lacs. Certains observateurs, dont Colette
Braeckman, spécialiste belge de la région, décriront ce
conflit comme la première guerre mondiale Africaine. Plaçant
ainsi l'emphase sur le nombre de pays africains impliqués, la
complexité des parrainages extérieurs (Étatiques ou
commerciaux) et l'ampleur des conséquences, directes et indirectes,
causées par ce conflit.
Dès 1996, la RDC plonge dans une guerre
meurtrière en deux temps qui la partitionne en 3 zones d'influences
distinctes, et facilite le pillage organisé de ses ressources
naturelles.
La première guerre
du Congo (1996-1997)
Le 17 mai 1997 la joint venture militaire de l'Ouganda, du
Rwanda et du Burundi porte Laurent Désiré Kabila à la
tête du Zaïre après avoir contraint le président
Mobutu à l'exil. La coalition est soutenue à travers tout le
continent africain et jouie de l'approbation tacite des Etats-Unis.
L'administration Clinton semble vouloir saisir au vol l'opportunité de
faire basculer le Zaïre dans la nouvelle zone d'influence qu'elle tente de
créer dans la région. C'est une zone pilotée par l'Ouganda
et que le Rwanda a rejoint en marge du génocide de 1994. Cette zone
stratégique en gestation est définie par l'administration Clinton
comme l'axe des trois K: Kampala, Kigali et Kinshasa. Elle est conçue
pour devenir le nouveau bastion de l'influence américaine en Afrique
centrale et combler le vide que laisse par le départ inévitable
de Mobutu, l'ancien allié traditionnel des USA dans la région.
La création de cette zone sera le principe validant de la
première guerre du Congo qui sera placée sous l'auréole de
la renaissance africaine.
La deuxième guerre du
Congo (1998-2003)
Le 2 août 1998, soit 14 mois après la prise de
Kinshasa, les alliés de circonstances se séparent dans le
déchirement. La rupture est idéologique et elle se manifeste
à deux échelons:
- Sur le plan international, Laurent Désiré
Kabila s'inscrit en faux par rapport à l'image d'ancien
révolutionnaire malléable et manipulable à merci que lui
prêtaient ses parrains. Il ressuscite ses vieux réflexes de
marxiste convaincu et le nationalisme congolais prôné par Lumumba.
Peu après sa prise de pouvoir, c'est vers la Chine, Cuba et la Libye
qu'il se tourne, prenant à contre pied le projet américain d'un
axe des 3 K au coeur de l'Afrique.
- A l'échelon sous-régional, L.D. Kabila se
révèle beaucoup plus attaché à des idéaux
nationalistes. Il rejette la tutelle que lui imposent ses voisins et
cède aux revendications de la population congolaise qui s'insurge contre
la présence de cadres rwandais et ougandais à la tête de
l'armée, de la police ou de la diplomatie. Le divorce est
consommé. l'Est de la RDC est de nouveau envahi par le Rwanda, l'Ouganda
et le Burundi, anciens parrains de l'Alliance des Forces Démocratiques
pour la Libération du Congo (AFDL) qui a porté Laurent
Désiré Kabila au pouvoir 14 mois plus tôt.
Ainsi, pour la deuxième fois en deux ans, l'Ouganda, le
Rwanda et le Burundi s'investissent pour intégrer par la force la RDC
dans le giron de leur zone d'influence. Les armées Rwandaises et
Ougandaises s'installent durablement sur le territoire de la RDC, alimentant
des zones locales de non-droit par la création de milices ethniques ou
de rebellions nationales qui leurs vouent une allégeance sans faille.
L'opinion découvre une organisation militaire
paraétatique (certains observateurs parleront d'une armée sans
frontière) bien décidée à s'imposer par la force
sur l'espace des Grands Lacs africains.
Rigobert Minani7(*) résume bien le parcours régional de
cette organisation en relevant avec lucidité que « c'est le
même état-major militaire qui a mis fin au régime de Idi
Amin (Ouganda) qui s'est engagé quatre ans plus tard dans la guerre
contre le Rwanda, puis contre Mobutu (Zaïre) ». Il explique
ensuite que « le refus par Désiré Kabila de marcher
selon les directives de ses protecteurs (Rwanda, Ouganda, Burundi) a
été à l'origine de la guerre éclatée le 2
août 1998 ».
Le Rwanda et l'Ouganda vont ouvertement, et respectivement,
participer à la création du Rassemblement Congolais pour la
Démocratie puis du Mouvement de Libération du Congo, les deux
principaux mouvements rebelles congolais. De l'autre coté, Kinshasa
obtient le soutien militaire de l'Angola, du Zimbabwe, du Tchad et de la
Namibie ainsi que le support diplomatique du Congo, du Sénégal,
du Gabon, du Cameroun, de la RCA et du Soudan. La deuxième guerre du
Congo mobilise, entre autres, les efforts de médiation de la RSA, de la
Zambie, du Kenya et de la Tanzanie et occupe ainsi pendant presque 10 ans
l'Afrique subsaharienne.
I.3 Mobilisation de la
communauté internationale et lancement du
« processus » des grands lacs africains
Devant l'impasse régionale et l'atrocité des
affrontements, le contexte de guerre et les ravages qu'il a engendré
dans la région des Grands Lacs8(*), en général, et en République
Démocratique du Congo en particulier; la communauté
internationale et le Conseil de sécurité des Nations Unies vont
déclarer la situation de la région des Grands Lacs comme une
véritable menace pour la paix et la sécurité
internationale. Ce constat va les pousser à appeler, par les
résolutions 1291 et 1304 du Conseil de sécurité des
nations unies de février et de juin 2000, à l'organisation d'une
conférence internationale sur la région des Grands Lacs 9(*) ayant pour objectif principal
l'établissement d'un réseau régional à même
de faciliter l'adoption et la mise en oeuvre d'un pacte de stabilité,
sécurité et développement articulé autour de quatre
thématiques :
Ø paix et sécurité
Ø démocratie et bonne gouvernance
Ø développement économique et
intégration régionale
Ø action humanitaire et question sociale.
La dynamique internationale lancée par ces deux
résolutions du conseil de sécurité, va enclencher
le Processus des Grands Lacs (PGL), du moins sa phase préparatoire.
Le PGL va progressivement générer 4 types et niveaux d'organes.
Au niveau national, les Etats organisent des comités nationaux
préparatoires (CNP) qui vont s'ériger en organes de base. Leur
mission principale sera la préparation et l'élaboration des
contributions de chaque pays à la Conférence. Ces comités
se regroupent au niveau régional pour former le Comité
Régional Préparatoire (CRP) qui a pour rôle l'harmonisation
des contributions et des propositions nationales en vue de les soumettre au
Comité Interministériel Régional (CIR). Le CIR,
composé des ministres en charge de la Conférence, a pour objectif
la validation du travail effectué par le comité régional
avant de le soumettre aux chefs d'Etat et de gouvernement. Le Sommet des chefs
d'Etat, couronne cette série de comités en tant qu'organe
suprême de la Conférence des Grands Lacs. Il a pour mission
l'adoption et la ratification des protocoles et des déclarations issus
du processus.
Champ géographique du
Processus des Grands Lacs (PGL)
Les pays directement concernés par le PGL sont la RDC,
l'Ouganda, la Tanzanie, le Kenya, le Rwanda et le Burundi. Ils sont tous
situés autour des lacs Albert, Kivu, Edouard, Tanganyika et Victoria.
L'Angola, le Congo Brazzaville, la RCA, la Zambie et le Soudan s'associent
à leurs efforts pour des raisons stratégiques de voisinage.
Carte de l'Afrique des Grands Lacs10(*)
Il n'existe pas de définition précise de
l'espace géographique des Grands Lacs, chaque auteur essaye de
définir exactement ce qu'il entend par région ou
sous-région des Grands Lacs.
Mwayila Tshiyembe11(*) la défini comme une « configuration,
qui va de l'océan Indien (Mombassa, Dar Es Salam) à
l'océan Atlantique (Luanda, Matadi, Libreville), redessine l'Afrique
médiane- jadis appelée Mittel Africa par la géopolitique
allemande du XIXe siècle- qui se situe à la jonction de l'Afrique
minière (du Cap à Kinshasa), de l'Afrique
pétrolière (de Luanda à Lagos) et de l'Afrique
agropastorale (de Dar-es-Salam à Massoua) ».
C. Thibon12(*) parle quant à lui d'un l'espace allant de la
crête Zaïre/Nil au littoral atlantique, d'une zone médiane se
confondant à toute l'Afrique centrale.
Nous retenons pour cette étude les 11 pays
cités plus haut comme appartenant à la région des Grands
Lacs (pays du champ).
Le Processus des Grands Lacs et
l'accompagnement de la communauté internationale
Le dispositif régional s'est vu assister, dès
décembre 2003, par un Groupe des Amis de la Région des Grands
Lacs (GOF) regroupant 28 pays et ayant pour objectif principal la coordination
et la canalisation des différents appuis diplomatiques, techniques et
financiers nécessaires à la préparation de la
Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL).
Coprésider par le Canada et les Pays Bas, le GOF
s'invite à assister l'ONU et l'Union Africaine en vue d'assurer le
succès d'un PGL porteur d'espoir.
La déclaration de Dar Es
Salam et le Pacte de Nairobi
En novembre 2004, la déclaration de Dar-es-Salam sur la
Paix, la Sécurité, la Démocratie et le
Développement dans la région des Grands Lacs clôture le
premier Sommet de la CIRGL tenu en Tanzanie du 19 au 20 novembre.
Signée par les onze pays du champ (RDC, Angola, Soudan,
Rwanda, Burundi, Kenya, RCA, Congo, Tanzanie, Ouganda et Zambie) elle va
s'inscrire comme point de départ historique du PGL en
proclamant:
Ø La détermination collective à faire de
la région des Grands Lacs un espace de paix et de sécurité
durable, et de coopération fondée sur les stratégies
politiques de convergence dans le cadre d'un destin commun que les signataires
sont déterminés à réaliser
Ø le respect des aspirations des peuples et la
promotion de la participation et du partenariat avec les acteurs de l'ensemble
de la communauté internationale
Ces grandes lignes, et la déclaration toute
entière, vont constituer le socle du pacte de Paix, de Stabilité
et de Développement qui confère à la Conférence,
par sa signature le 15 décembre 2006 et sa ratification imminente par
les parlements nationaux, un statut du style supranational, avec un
Secrétariat exécutif siégeant à Bujumbura au
Burundi.
La signature de ce pacte sort définitivement la
Conférence de sa phase préparatoire en la dotant d'un
mécanisme de coordination régional.
La Conférence ainsi conçue s'institutionnalise
en un cadre de concertation diplomatique régionale au plus haut niveau.
Le pacte crée, en plus du Secrétariat Exécutif, un
mécanisme de suivi et un Fonds Spécial de Reconstruction et
de Développement pour la région des Grands Lacs.
Le pacte regroupe à la fois les pays signataires de la
déclaration de Dar es Salam (cf. supra), le groupe des pays
co-optés (le Botswana, l'Égypte, l'Éthiopie, le Malawi, le
Mozambique, la Namibie et le Zimbabwe) ainsi que les États africains
membres du GOF (Gabon, Nigeria, et RSA).
Il est appelé à constituer « la
nouvelle architecture régionale pour la consolidation de la paix, la
sécurité et la stabilité durable; un cadre idoine pour la
redynamisation du développement économique et
l'intégration régionale des pays de la région grâce
à une promotion collective de la démocratie et de la bonne
gouvernance, une exploitation légale et coordonnée des ressources
naturelles et une utilisation des infrastructures communes, réalisant
ainsi la Vision des chefs d'Etat contenue dans la déclaration de Dar Es
Salam »13(*).
Les espoirs qu'il suscite sont grands, même si près de deux ans
après sa signature, très peu de parlements sont allés
jusqu'au bout de la démarche de ratification et que des soubresauts
diplomatiques et militaires persistent entre le Rwanda et la RDC. La crise
électorale au Kenya montre encore la difficulté
éprouvée par les Etats de la Région à assumer leur
engagement commun aux grandes idées de la déclaration de
Dar-es-Salam et du pacte de Nairobi.
I.4
Problématique.
La présente étude vise à analyser le
Processus des Grands Lacs, partant de la RDC comme angle d'approche, en
établissant ses repères dans le temps et l'espace, son mode de
fonctionnement et la nouvelle architecture régionale qu'il met peu
à peu en place. Elle tente d'analyser avec précision les
attributions des différents organes et leurs interactions avec les
arcanes traditionnelles du pouvoir en RDC et dans la région en vu
d'évaluer les chances de réussite d'un tel projet, qui a
déjà le processus électoral congolais réussi comme
première oeuvre à son actif mais aussi beaucoup de défis
à relever comme la crise au Darfour, l'instabilité
postélectorale au Kenya et les poches insurrectionnelles qui minent
encore la stabilité dans l'Est de la RDC.
En quoi ce processus d'intégration diffère-t-il
des efforts d'intégration régionale entrepris jusqu'à lors
dans la région ? Quel bilan tirer des tentatives
précédentes ? Quelles sont les garanties offertes par le
nouveau processus ? Dans quel contexte et sous quelles conditions ce
processus et ses organes peuvent-ils contribuer à sortir la
région des Grands Lacs en général, et la RDC en
particulier, du cycle de violences dans lequel elle s'est
enfermée ?
La méthode de travail est basée sur une
recherche documentaire, des interviews et une analyse personnelle de la
situation et des enjeux. Ce travail oscille entre une vision chronologique
(Chapitre I et II principalement) et une vision analytique couplée
à des pistes de recommandations (Chapitre III, Chapitre IV et
Conclusion).
Chapitre II : Les
Grands Lacs et l'instabilité cyclique: où rechercher les
causes?
II.1 Le
phénomène migratoire et la colonisation comme causes lointaines
du conflit
Les causes de l'instabilité et de la récurrence
des conflits transfrontaliers dans la région des Grands Lacs sont
à rechercher dans l'histoire immédiate et lointaine des peuples
et des Etats qui la composent.
Le phénomène migratoire, volontaire ou
forcé, est vraisemblablement au coeur des conflits qui sévissent
dans la région. Tous les conflits de la région ont en commun la
présence d'un peuple, largement considéré comme autochtone
et majoritaire, ayant en face de lui une minorité installée,
parfois de manière séculaire, sur un territoire commun
partagé.
La responsabilité
coloniale
Le rôle de la colonisation, donc sa
responsabilité, s'arrête souvent au fait d'avoir
érigé des communautés les unes contre les autres dans une
optique visant à diviser et différencier les colonisés
pour mieux gouverner14(*).
Pour Pierre-François Gonidec15(*) il est clair que le pouvoir colonial a joué
des rivalités interethniques pour mieux asseoir sa domination (divide an
rule).
Sur la question de cette responsabilité, Scholastique
Mukasonga16(*), va
jusqu'à affirmer la tentative de reproduction, peut être
inconsciente, du binôme wallons/flamands par le colonisateur belge dans
la région des Grands Lacs en le transposant sur la division sociale qui
existait alors entre le Hutu (agriculteur) et le Tutsi (éleveur). Elle
soutient donc la thèse de la nature purement socio-économique de
la classification Hutu/Tutsi ne comportant pas de caractère sectaire, ni
un caractère figé avant l'arrivée des colons. Selon elle
était tutsi qui possédait du bétail, devenait Hutu qui le
perdait et vice versa. Le fait que les deux groupes parlent encore aujourd'hui
la même langue semble corroborer ses propos qui vont contre les
définitions de l'ethnie qui prévalent encore aujourd'hui. Pierre
François Gonidec a raison de se demander dans quelle mesure le pouvoir
colonial n'a pas été pour inventer parfois des ethnies.
En RDC, les politiques coloniales ont, notamment pour des
besoins de main d'oeuvre, contribué à installer de manière
plus ou moins durable des populations rwandophones dans le Nord et le Sud Kivu.
Les mouvements de
population
D'autres raisons ont contribué à constituer le
brasier régional qui se rallume souvent au moindre attisement. Henry C.
Hoeben17(*) relève
trois raisons principales qui ont encouragé très tôt les
mouvements des populations rwandophones vers les régions orientales du
Congo :
· Les périodes de famine qui ravagèrent le
Rwanda en 1905, 1928 et 1929, 1940 à 1943 et celle de 1950 à
1952
· La surpopulation du Rwanda
· Le besoin de main d'oeuvre dans les plantations, les
mines, l'industrie et les routes au Congo.
Ces vagues d'immigration massives, surtout celle des
années 50, vont contribuer à créer ou à renforcer
sur des localités congolaises, des regroupements assez
hétérogènes, auparavant inexistants, dit des
`Banyarwanda', en référence aux racines culturelles et
géographiques rwandaises de ses populations ainsi que leur langue le
Kinyarwanda.
Les premières tensions entre les banyarwanda et les
populations locales se manifestent assez vite après
l'indépendance, contribuant à une reprise politique par certains
partis de l'époque des conséquences d'une telle immigration. Ces
tensions se caractérisent alors par des épisodes de
révolte des populations rwandophones contre les autorités
locales. En 1963 et 1964, une frange de la population rwandophone en faveur
d'un séparatisme régional tentera en vain d'obtenir les
territoires de Rutshuru, Masisi et de Goma par une révolte qui sera
jugulée par l'ANC (l'Armée Nationale Congolaise). Cette
révolte marque l'entrée dans l'imaginaire collectif congolais de
la menace d'un empire Hima-Tutsi18(*) qui amputerait le Congo d'une partie de ses terres
orientales. Cet empire fictif, comme l'idée de la création d'un
tutsiland dans la région pour résoudre la crise, va servir
pendant longtemps de fonds de commerce aux partisans d'une `balkanisation' du
Congo.
Au même moment, le nouveau pouvoir Hutu du Rwanda
conduit une politique qui pousse des centaines de milliers de tutsis vers
l'exil principalement en RDC, en Ouganda et en Tanzanie.
II.2 Les Grands Lacs
après les indépendances: logique d'exclusion réciproque,
conflits fonciers et problèmes de nationalité.
Pressions démographiques
et conflits fonciers
Ces premières tensions, conséquences des
migrations antérieures et de migrations plus récentes dues
à la pression démographique, ainsi que la résurgence de
plus en plus fréquente de conflits fonciers entre chefs locaux et
populations rwandophones vont aider à exporter de manière durable
la logique politique et territoriale d'exclusion réciproque selon
laquelle fonctionne déjà le binôme Hutu/Tutsi au Rwanda et
au Burundi. Cette logique sera portée à l'échelle
supérieure et imposée comme applicable à un binôme
Bantou/ non Bantou, rendant ainsi la régionalisation du conflit
possible19(*). Cyril
Musila20(*) fait la
même analyse : « la systématisation des
antagonismes entre Hutu et Tutsi, au Rwanda comme au Burundi et leur
régionalisation progressive sous forme d'ethno nationalismes à
l'échelle de la région renvoie à l'intensification des
luttes agraires dans ces pays et surtout dans le Kivu du Congo Zaïre
où il y a encore des terres disponibles. Alors, sur les territoires des
trois pays, lorsqu'une de ces entités est menacée, ses
`congénères' se sentent en devoir de solidarité pour
intervenir ».
Banyamulenge et
Banyarwanda
D'autres populations originaires du Rwanda, installées
dans la région d'Uvira au Sud Kivu (RDC) bien avant la conférence
de Berlin de 1885 qui fixa les limites territoriales des colonies (limites qui
deviendront les bases des politiques d'octroi de la nationalité), vivent
depuis le 18ème siècle de manière relativement
paisible. Ce groupement ethnique dit des Banyamulenge, reste cependant absent
de toutes les cartes ethniques coloniales décrivant le paysage humain du
Sud Kivu et cela jusqu'aux indépendances. Ceci s'explique peut
être par le fait que le terme « Banyamulenge » ne
constitue pas encore, à l'époque, une dénomination
ethnique. Il fait plutôt référence aux habitants du village
de Mulenge, situé sur le plateau de l'Itombe (RDC).
Le terme se généralise autour de 1967, sur
l'initiative propre des Banyamulenge, dans un souci de différenciation
avec les groupes d'immigrés venus du Rwanda dans des vagues
d'immigration plus récentes connus sous l'appellation
Banyarwanda21(*).
Les Banyamulenge feront, comme nous le décrirons plus
tard, cause commune avec les Banyarwanda une fois que leurs
intérêts seront menacés, particulièrement sur le
dossier épineux de la `congolité' tournant autour du droit
à la nationalité congolaise (cf. infra).
« Congolité » et
Zaïrianisation
La première constitution congolaise de 1964 (dite de
Luluabourg) accorde la nationalité congolaise à toute personne
dont un ascendant est ou a été membre d'une tribu
installée sur le territoire congolais en 1885. Bien que l'implantation
des Banyamulenge soit antérieure à 1885, ils ne sont pas
répertoriés par la colonisation belge comme une ethnie
jusqu'à l'indépendance en 1960. De ce fait, le droit à la
nationalité congolaise va leur être contesté.
C'est sur ce fond que Barthélémy Bisengimana,
zaïrois d'origine tutsi, directeur de cabinet du président Mobutu
de 1969 à 1977, tentera de régler le problème en
conférant de manière automatique et collective la
nationalité zaïroise aux populations rwandophones installées
dans le Kivu par une loi de 1972. Cette loi compliquera les choses, mettant les
populations installées sur le territoire de la RDC avant 1885 (donc
congolaises de droit) et celles provenant des flux migratoires plus
récents dans la même situation créant la plus grande des
confusions. Cette décision, que certains experts considèrent
comme prise dans une optique électorale, va brouiller durablement la
carte. La situation s'avère d'autant plus difficile vu qu'aucun
enregistrement précis des flux migratoires ne pouvait, et ne peut
à ce jour, prouver sans équivoque la période réelle
de l'entrée en territoire congolais de ces populations.
Cette acquisition « en masse » de la
nationalité congolaise, couplée avec les effets pervers de la loi
foncière promulguée dans le cadre de la
« zaïrianisation »22(*)permet à des hommes d'affaires, des politiques
et des notables tutsis de récupérer des terres, notamment
d'anciennes plantations coloniales, redistribuées par l'Etat. Ces
acquisitions de terre vont conférer un caractère légal aux
implantations foncières des paysanneries tutsies dans le Kivu, et cela
en totale opposition aux usages coutumiers locaux qui gèrent la terre en
régime de propriété clanique ou villageoise. Cette
situation provoque l'indignation des populations autochtones qui s'estiment
expropriées pour la seconde fois (la première fois par les colons
belges) d'une partie de leur territoire par des tutsis qui demeurent venus
d'ailleurs dans l'inconscient collectif.
Cette loi de 1972, a eu un impact politique
déstabilisant, surtout dans la province du Nord Kivu, permettant en
certains endroits `l'acquisition d'une majorité démographique
donc politique à des groupements rwandophones'23(*), modifiant ainsi les
équilibres électoraux locaux.
Jouissant d'un nouveau statut politique, économique et
foncier, ces populations, vont peu à peu réclamer plus
d'autonomie au détriment des autorités coutumières
autochtones.
Un climat de tension perdure jusqu'à ce que en 1981,
par un concours de circonstances facilité par la perte d'influence des
politiciens tutsis sur le régime du président Mobutu (Bisengimana
ayant dirigé le cabinet jusqu'en 1977), une autre loi revienne aux
dispositions de 1964 et pose durablement la problématique de la
« Congolité ». Cette loi tente de corriger les
effets pervers de la loi « Bisengimana » par une
application plus orthodoxe du principe d'une nationalité accordable
à titre individuel par naturalisation. Mais en versant dans
l'extrême inverse, elle plonge dans
« l'illégalité » et la
« clandestinité » une population qui était
devenue par endroit démographiquement majoritaire, notamment des
localités du Nord Kivu24(*).
Ces tergiversations politiques et administratives vont offrir
un cadre institutionnel à une compétition
politico-foncière déjà bien engagée et exacerber
les tensions entre rwandophones et autochtones, avec pour conséquence la
pérennisation des difficultés d'administration de la
région du Kivu et l'apparition plus ou moins ouverte d'une
xénophobie locale. Celle-ci sera marquée par la
consécration du vocable de `zaïrois à la nationalité
douteuse' pour qualifier tout congolais rwandophones. Cette incapacité
à administrer le Kivu empêchera la tenue des recensements de 1986
dans cette province alors qu'ils eurent lieu partout ailleurs au Zaïre
cette même année.
La crise identitaire entre rwandophones et autochtones est
à l'époque d'autant plus visible que les bureaux d'état
civil ne cesseront d'être incendiés dans le but de détruire
les documents administratifs nécessaires à tout octroi de la
nationalité. Entre 1991 et 1993, ces tensions vont resurgir de
manière violente, notamment sur le fond du problème de
représentation du Kivu à la Conférence Nationale
Souveraine25(*)
organisée à Kinshasa pour instaurer un régime
démocratique au Zaïre. Elles vont conduire à la constitution
de milices de jeunes initiant attaques et meurtres dans le Kivu. Cette
situation nécessitera l'intervention de la Division Spéciale
Présidentielle, corps militaire d'élites du régime du
maréchal Mobutu, pour qu'un semblant d'ordre soit rétabli. Cette
« pacification musclée des militaires de la Division
Spéciale Présidentielle n'a fait que retarder la
déflagration générale que l'onde de choc du
génocide rwandais a précipitée. Celui-ci, avec l'afflux
des fugitifs encadrés par les Forces Armées Rwandaises en fuite
et les cortèges des réfugiés fuyant l'avancée de
l'Armée Patriotique Rwandaise, a balayé comme un ouragan les
tentatives de réconciliation et de résolution des conflits
internes au Kivu »26(*).
En effet, les conséquences du génocide Rwandais
vont avoir un impact non négligeable, pour ne pas dire
déterminant, sur la suite des événements et la
régionalisation du conflit. Elles entraîneront la région
dans les affres du cercle vicieux d'où elle peine toujours à
sortir.
II. 3 De la chute d'Idi
Amin Dada en Ouganda au génocide rwandais: naissance d'une armée
sans frontière.
Le génocide rwandais de 1994, de part ses causes et
surtout ses conséquences, va produire un impact déstructurant sur
toute la région des Grands Lacs. Le nombre de réfugiés que
ce génocide laisse déferler sur tous les pays frontaliers du
Rwanda et principalement en République Démocratique du Congo va
avoir un impact lisible sur les systèmes sociopolitiques et les
écosystèmes de la région. La fuite des soldats hutus de
l'armée rwandaise (FAR) en République Démocratique du
Congo face à l'avancée du Front Patriotique Rwandais,
constituée majoritairement de tutsis, est en lien direct avec les
conflits les plus récents qu'a connu la région. Cette fuite en
territoire congolais va fournir pour longtemps au Rwanda et à ses
alliés l'alibi d'un droit de poursuite, en justifiant par des raisons
sécuritaires leur ingérence au Congo et leur rôle dans le
conflit. L'aspect régional de la crise est à rechercher aussi
bien dans l'avant que dans l'après génocide rwandais.
La volatilité de la
situation sécuritaire dans la région des Grands Lacs a
favorisé l'occurrence du génocide de 1994.
Depuis bien longtemps un climat de tension est établi
dans la région. On observe des mouvements rebelles dans un grand nombre
de pays. La plupart d'entre eux trouvent des bases arrière et un soutien
au Zaïre de Mobutu avec ou sans le parrainage tacite du dictateur. Des
chefs rebelles comme John Garang du Soudan, Museveni de l'Ouganda ou encore
Savimbi de l'Angola se serviront longtemps du Zaïre comme terrain
d'entraînement et de retraite.
L'arrivée au pouvoir de Yoweri Museveni en Ouganda,
appuyé par les tutsis en exil de la région et par l'armée
tanzanienne de Julius Nyerere, va changer la donne régionale pour
longtemps. Le soutien des tutsis à Museveni émane de la
proximité naturelle qu'ils éprouvent à l'endroit d'un Hima
(un cousin d'Ouganda) et de l'espoir que soit enfin pris en compte le sort des
populations tutsies que ses prédécesseurs ont parqué dans
des camps de réfugiés en Ouganda. C'est à
l'intérieur d'un de ces camps qu'a grandi Paul Kagame, l'actuel
président du Rwanda.
Cette prise de pouvoir en Ouganda va offrir aux tutsis un
espace serein d'organisation et de préparation à un retour et une
éventuelle prise du pouvoir par les armes au Rwanda voisin. L'option
d'un retour armé est pour ces populations la seule envisageable compte
tenu du fait que pour des raisons de surpopulation le Régime hutu du
Rwanda a acté le principe du non retour des réfugiés
tutsis.
Colette Braeckmaen27(*) met en évidence le rôle et la
responsabilité de l'Ouganda de Museveni dans la vague
d'instabilité qui déferlera par la suite dans la région
des Grands lacs: « Yoweri Museveni , président de l'Ouganda
est à l'origine des réactions qui se sont succédées
en Afrique centrale : lorsqu'il arrive au pouvoir, en 1986, sa victoire
constitue la première application du droit d'ingérence, dans la
mesure ou c'est l'armée tanzanienne qui ...l'a aidé à
chasser Idi Amin Dada, et c'est avec le soutien des réfugiés
rwandais que Museveni est parvenu à détrôner son rival
Milton Obote ».
L'élan de solidarité Hima-tutsi observé
pendant la campagne militaire de la National Resistance Army de Museveni pour
la prise du pouvoir à Kampala, s'étend à toute la
région. Des tutsis venants du Rwanda, du Burundi, de la RDC ou de la
Tanzanie vont constituer autour de lui un noyau dur.
Dans le cas précis de la RDC, des jeunes tutsis
congolais sont recrutés pour contribuer à ce début
d'embryon d'une « armée sans frontières »
pour reprendre le terme que les populations du Kivu donneront à ces
troupes bigarrées qui sèmeront la désolation pour
longtemps sur leur territoire. Le terme est bien choisi, certains de ces
miliciens ont même combattu avec le Frelimo au Mozambique pendant la
guerre de libération28(*).
Fort de ce noyau tutsi et de sa nouvelle base arrière
en Ouganda, Fred Rwigyema (tuteur militaire de Paul Kagame) se lancera en 1990
dans la reconquête du Rwanda. Campagne au cours de laquelle il perd la
vie et qui ne doit son échec qu'à l'intervention des
éléments de la Division Spéciale Présidentielle du
Maréchal Mobutu et au soutien de l'armée française au
régime hutu d'Habyarimana.
Le coup d'Etat d'octobre 1993 au Burundi et la guerre
larvée qui s'en suit, marquée par des explosions et des
dérives génocidaires traumatisantes, vont aiguiser et renforcer
les radicalismes et les intégrismes ethniques dans la
région29(*).
En 1994, aidés par des instructeurs américains,
le FPR prend le contrôle du Rwanda sur fond de génocide,
occasionnant le départ massif de réfugiés hutus vers le
Zaïre et de façon inverse le retour d'un grand nombre de
réfugiés tutsis de la région (même des tutsis
jusqu'à lors congolais comme certains Banyamulenge et Banyarwanda) vers
le Rwanda. Ce climat sécuritaire volatile, qui favorise la
création de bases arrière et de milices rebelles dans la
région, couplé aux antagonismes interactifs entre certains
groupes ethniques produit des conséquences allant de l'occurrence
même du génocide rwandais à l'escalade de la violence et
à l'installation d'une instabilité pérenne dans la
région.
La guerre qui porte Kagamé au pouvoir au Rwanda marque
aussi un tournant géopolitique, celui de la fin de la domination
française sur le Rwanda. Pour Colette Braeckman30(*) « la guerre
menée depuis 1990 par le Front Patriotique Rwandais à partir de
l'Ouganda a fait sauter le tabou de l'inviolabilité des
frontières et le dogme de la non-ingérence dans les affaires des
voisins, tandis que la victoire du FPR, sur fond de génocide, a
brisé l'un des maillons de la famille Francafricaine31(*) ». La rupture de ce
maillon laisse dès lors se préfigurer un basculement de la
région vers une zone d'influence américaine et anglophone (cf.
supra).
Il faut voir, « au-delà de la question des
réfugiés et du Kivu... », une
«... régionalisation des conflits internes
connectés... » qui « ...profite des recompositions
géopolitiques en cours (contexte de fin de guerre froide et de remise en
cause des leaderships régionaux tenus par le Zaïre et le Kenya,
pression islamique représentée dans la région par le
Soudan) qui redistribue des cartes et autorise une concurrence accrue entre
pôles régionaux établis et émergents, »
révélant « ...au-delà des rivalités
africaines des bipolarisations géopolitiques, de possibles parrainages
internationaux et de possibles interventions ou soutiens... de grandes
puissances (Attitudes de la France pendant le génocide au Rwanda et des
Etats-Unis au lendemain de celui-ci, débat sur la francophonie,
etc.) »32(*)
Ce qu'il importe de retenir de cet amalgame
d'événements et qui constitue un postulat de la
régionalisation permanente des conflits dans la région c'est
d'abord la tendance régionale à faire recours pour des raisons
idéologiques, politiques, économico stratégiques voire
ethniques au droit d'ingérence.
Il faut aussi relevé la présence d'une
solidarité tutsie qui dépasse largement les cadres nationaux
faisant de ce groupement un groupement régional solidaire, prêt
à défendre ses intérêts sans considération de
frontières. La présence d'un antagonisme fort Hutu / Tutsi
qui débouche au final à une mise en opposition des Bantous (les
Hutus étant Bantous) et des non Bantous (les tutsis étant
nilotiques) prête le flanc à des alliances régionales
souvent basées sur des pseudos proximités ethno-claniques.
L'après génocide
rwandais et les causes de la première guerre d'invasion du Congo.
Les conditions pour le prolongement du drame rwandais en
territoire congolais sont de suite réunies par l'installation sur la
frontière entre la RDC et le Rwanda d'un million et demi de
réfugiés hutus encadrés par des éléments
génocidaires de l'ancienne armée rwandaise. Ces militaires n'ont
pas été désarmés à leur entrée en
territoire congolais. Ils ne tardent pas à lancer des expéditions
meurtrières en direction du Rwanda et sur le territoire congolais,
parfois de connivence avec des populations autochtones, contre des
éleveurs tutsis (Dans Masisi au Nord Kivu ou encore contre les
banyamulenge au Sud Kivu).
Ces attaques déclenchent l'exode d'une partie de ces
populations vers le Rwanda.
Les résidus de ces groupes de réfugiés
armés sèment encore aujourd'hui la terreur au Kivu sous des
dénominations diverses : FDLR, Rastas, Interhamwee, etc.
Dans la foulée du génocide, la présence
dans les camps d'éléments armés de l'ancienne armée
rwandaise représente un danger direct et permanent pour les
régimes tutsis et alliés de la région (Rwanda d'abord mais
aussi Ouganda et Burundi). Elle va donc constituer, couplée avec les
exactions dont sont victimes les populations tutsies au Congo, l'essentiel de
l'alibi d'une guerre en territoire congolais. Un jeu d'intérêt
complexe va en dessiner le contour.
La guerre qui éclate en 1996 sur fond de revendications
ethniques des Banyamulenge ne cache pas ses dessous de cartes longtemps. Ses
principaux leviers sont la volonté du Rwanda de mettre un terme à
l'insécurité que cause des camps de réfugiés hutus
militarisés situés à sa frontière et venger, si
possible, les victimes du génocide en disposant des bourreaux, et le
désir de l'Ouganda d'en finir avec les bases arrière des rebelles
de la Lord Resistance Army (LRA) et le souci d'accéder au rang de
puissance régionale face à un Zaïre s'écroulant. Un
rôle pour l'Ouganda de leader régional que l'administration
Clinton ne cessera d'affirmer et d'appuyer.
En guise de couverture politique, d'anciens maquisards
congolais, dont Laurent Désiré Kabila, sont vite recrutés
afin de masquer une guerre d'agression en lui conférant le
caractère plus noble de lutte pour la libération du peuple
congolais, opprimé sous la dictature trentenaire du maréchal
Mobutu.
C'est sur cette trame qu'une armée d'enfants soldats
dits `Kadogos', soutenue militairement par les armées ougandaise et
rwandaise et plus tard par l'armée angolaise (décidée d'en
finir une fois pour toute avec les bases arrières des rebelles de
l'Unita en territoire congolais et de se débarrasser de son ennemi de
toujours :Mobutu) va procéder au démantèlement,
teinté de massacres, des camps de réfugiés hutus, prendre
le contrôle des ressources du Nord Est et de l'Est du Congo et progresser
lentement vers Kinshasa afin d'y prendre le pouvoir.
Cette armée regroupe en son sein les cadres de
« l'armée sans frontière » ayant combattu en
Ouganda et au Rwanda ainsi que des renforts d'Erythréens, de Somaliens,
d'Ethiopiens, et selon certains observateurs même des combattants
libériens de l'ethnie Khran33(*).
Dès 1996, l'africanisation du conflit que l'on
qualifiera plus tard de première guerre mondiale africaine a
déjà pris racine.
Devant une armée de déserteurs qui abandonnent
positions et munitions sans résister, l'armée
hétéroclite qui porte désormais le nom d'AFDL (Alliance
des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo) avance
très rapidement. Les renforts apportés au régime de Mobutu
par l'entremise de mercenaires recrutés par la France dans les Balkans
sous le commandement de Christian Tavernier, la résolution 1080 du
Conseil de sécurité de l'ONU, fortement poussée par la
France, prévoyant l'envoi au Kivu d'une force internationale (qui ne
verra jamais le jour), l'intervention des soldats togolais envoyés par
Eyadema et le soutien des rebelles angolais de l'Unita n'y feront rien. L'AFDL
entre dans Kinshasa et sonne le glas de la plus vieille dictature d'Afrique
noire. Paul Kagamé a réussi son pari comme il le confiera plus
tard au Washington Post. Il s'était donné pour but de
démanteler les camps de réfugiés hutus, de détruire
la structure de l'ancienne armée rwandaise et des milices Interhamwee
basées autour de ses camps et au final en finir avec Mobutu.34(*)
Plusieurs autre pays se seront joints à l'effort, la
Zambie de manière discrète, le Zimbabwe et la Namibie en envoyant
l'un des fonds et des grains, l'autre des cargaisons de poissons
séchés pour les troupes de l'AFDL, l'Afrique du Sud en prenant le
volant diplomatique. L'Afrique entière semble s'être mise en
mouvement pour un Congo qu'elle espère voir devenir un des moteurs de
son développement.
Causes et conséquences
de la deuxième guerre d'invasion du Congo
Une année seulement après leur « joint
venture » politico-militaire, Laurent Désiré Kabila
décide de rompre avec la tutelle politique, économique,
diplomatique et militaire que lui imposent le Rwanda et l'Ouganda.
Pendant près d'une année, l'armée
congolaise est dirigée par des officiers rwandais. Un certains James
Kabarebe, proche de Kagame, occupe même la fonction de chef d'Etat major.
La diplomatie congolaise est elle aussi dirigée par un congolais
rwandophone à la solde de Kigali et de nombreux biens quittent la RDC
pour le Rwanda et l'Ouganda qui consolident leur positionnement
économique dans l'Est de la RDC. Cette situation réveille le
vieux démon nationaliste congolais, L.D. Kabila en devient le nouveau
porte étendard.
Hervé Cheuzeville35(*) exprime bien ce retournement de veste dans son livre
Chroniques Africaines de Guerre et
d'espérance : « Une fois au pouvoir, Kabila,
l'ex-rebelle à la solde de ses voisins de l'Est, tenta de se transformer
en authentique homme d'Etat congolais, faisant passer ce qu'il
considérait comme étant l'intérêt national avant les
intérêts du Rwanda et de l'Ouganda ».
La décision unilatérale de Kabila d'interrompre
sa coopération militaire avec les rwandais et les ougandais qui met le
feu aux poudres. Le 2 août 1998, soit seulement 15 mois après la
chute de Mobutu, le Congo, et toute la région des Grands Lacs, sombre
à nouveau dans une guerre qui durera 4 ans, fera environ de 4 millions
de mort et coutera au Congo plus de 18 milliards de dollars.36(*)
C'est une guerre au développement multiforme: si dans
ses débuts elle n'est rien d'autre qu'une agression à peine
voilée d'une coalition d'Etats voisins (Rwanda, Ouganda et Burundi),
elle prend lentement le visage d'un, puis de plusieurs mouvements rebelles
soutenus par ces mêmes États.
Elle débute par une tentative de putsch militaire
menée par le Rwanda (opération aéroportée sur la
base militaire de Kitona située à une centaines de
kilomètre de Kinshasa) qui est stoppée nette grâce à
l'intervention de l'armée angolaise en soutien à L.D Kabila.
L'Angola sera suivi plus tard dans son appui à la RDC par le Zimbabwe
et la Namibie. Le Burundi, miné par des problèmes interne se
désolidarise assez tôt de l'action du Rwanda et de l'Ouganda en
RDC.
Naissance des mouvements
rebelles en RDC
Après l'échec de cette tentative de putsch,
l'Ouganda et le Rwanda s'emploient à mettre des visages congolais
à la tête d'un mouvement dit de libération qui couvre leur
agression. C'est ainsi que naît le Rassemblement Congolais pour la
Démocratie (RCD) couvé par deux parrains décidés
à garder le contrôle des ressources naturelles dont regorgent les
provinces Est de la RDC.
Face à une guerre s'installant durablement (et qu'ils
avaient prévue de courte de durée), le couple ougando-rwandais
finit par battre de l'aile. Les deux Etats iront jusqu'à s'affronter
militairement en territoire congolais pour le contrôle de la province
Orientale et de son chef-lieu de Kisangani. Cette « guerre dans la
guerre », pour reprendre l'expression du Rapporteur Spécial
sur la situation des droits de l'homme en RDC monsieur Roberto Garreton, a des
visées purement économiques. Elle reflète « le
mieux l'esprit de conquête qui anime le Rwanda et
l'Ouganda ».37(*)
Les armées Rwandaises et Ougandaises dans une logique
destructive, animée par des motifs de prédation économique
prennent pour cibles la population locale et l'infrastructure de la ville comme
le témoigne l'assemblée épiscopale de
Kisangani : « La gravité et l'absurdité du
mal commis montrent que la logique de la guerre, inspirée par
l'idolâtrie de l'argent, finit par égarer ceux qui s'y engagent,
au point de ne plus voir ni pourquoi, ni à qui ils font la
guerre »38(*).
Le schisme du couple ougando-rwandais va se répercuter
sur le mouvement rebelle du RCD qui va éclater en « une
multitude de factions antagonistes, les unes à la solde du Rwanda, et
les autres à la solde de l'Ouganda, mais toutes terrorisant et
exploitant la population locale. L'Ouganda participa même à la
création d'un nouveau mouvement rebelle entièrement à sa
solde... c'est ainsi que le Mouvement pour la Libération du Congo de
Jean -Pierre Bemba apparut sur la scène déjà bien remplie
des rebellions congolaises »39(*) .
Le recrutement par l'Ouganda de Jean-Pierre Bemba, fils d'un
richissime homme d'affaire congolais, étant lui-même bien
pétri par le moule du profit, va consacrer le caractère lucratif
de l'entreprise militaire de ce pays, qui du reste sera démontré
par le rapport du panel de l'ONU sur le pillage des ressources naturelles du
Congo40(*). C'est ce
même MLC qui élargira le champ de la régionalisation du
conflit des Grands Lacs et confirmera l'hypothèse cynique d'une
armée sans frontière en allant par deux fois, de la
manière la plus brutale, au secours du régime du président
Patassé en République Centrafricaine pour contrecarrer
l'avancée des troupes de l'ancien rebelle Bozizé, aujourd'hui
président de la RCA.
Bien que dotés d'une pléthore de mouvements
rebelles, le Rwanda et l'Ouganda vont conserver jusqu'en 2003 une
présence militaire sur environ 2/3 du territoire de la RDC.
Ce n'est qu'après le départ des troupes
d'invasions rwandaises et ougandaise en 2003 que la guerre va entrer dans sa
3ème phase, durant laquelle on assiste à une
prolifération de petits seigneurs de guerre, principalement en Ituri, et
l'instauration dans cette région d'une logique de tensions ethniques
entre Hema et Lendu curieusement eux-aussi traditionnellement éleveurs
ou cultivateurs. Ces tensions et les affrontements qu'elles occasionnent, ont
vite fait de rappeler les événements qui contribuèrent
à l'occurrence du génocide rwandais de 1994.
C'est une violence ethnique instrumentalisée par
l'Ouganda qui forme dans ses camps militaires ces milices d'Ituri. Ce sera la
violence de trop. Elle va conduire l'Union Européenne, grâce
à l'insistance de la France, à monter l'opération
Artémis afin de rétablir la paix et réaffirmé sa
présence dans la région. Elle va aussi aboutir au changement du
mandat de la MONUC41(*)
qui passe du statut d'observateur passif et décrié au statut de
protecteur rassurant.
Le retrait des troupes étrangères non
invitées et les efforts de pacification de l'Ituri vont permettre au
gouvernement congolais et aux groupes rebelles d'entamer des
négociations qui aboutiront à une transition d'environ 4 ans et
aux premières élections démocratiques.
C'est aussi face à cette pléiade d'acteurs
régionaux, étatiques ou non étatiques, que la
communauté internationale lancera l'idée d'une Conférence
Internationale pour la paix et la stabilité dans la région des
Grands Lacs.
Bien que la guerre soit officiellement terminée,
certaines poches d'insécurités subsistes, notamment au Nord Kivu
où la dernière des rebellions suspectées d'être
soutenue par le Rwanda, celle du général Nkundabatware mine les
bons rapports entre les deux voisins. Le 9 novembre 2007, le Rwanda et la RDC
ont signé un nouvel accord à Nairobi en vue de mettre fin
à ce climat. A travers cet accord, le Rwanda s'engage à ne plus
soutenir de mouvement rebelle en RDC et la RDC promet de résoudre une
fois pour toute la question des ex-FAR, Interhamwees, Rastas, FDLR et autres
présumés auteurs du génocide rwandais qui se
promènent encore dans les montagnes du Kivu.
Chapitre III: Echecs des
tentatives d'intégration régionale face à la crise
sécuritaire dans les Grands lacs et en Afrique centrale
III.1 La Communauté
Économiques des Pays des Grands Lacs: constat d'échec.
Introduction
La communauté économique des pays des Grands
Lacs a été crée le 20 septembre 1976 à l'initiative
du président zaïrois Mobutu Sese Seko. Forte de ses visées
d'intégration économique et de coopération
transfrontalière multisectorielle, la CEPGL entend conduire l'ancienne
Afrique Belge à son développement.
Elle regroupe alors le Rwanda, le Burundi et le Zaïre et
est dotée de cinq organes spécialisés et d'un
secrétariat exécutif permanent.
Ces organes spécialisés touchent à des
problématiques de coopérations diverses d'importance primordiale
pour développement harmonieux des trois Etats de la communauté.
Ces organes qui ont chacun plus ou moins fonctionné sur
des durées différentes sont :
l la Banque pour le développement des Etats des Grands
Lacs (BDEGL),
l la Société Internationale de l'Energie des
Grands Lacs (SINELAC),
l l'Institut de Recherche Agronomique et Zoologique
(IRAZ),
l l'Organisation de l'Energie des Pays des Grands Lacs
(EGL),
l et la société Commerciale et Industrielle de
Gaz (SOCIGAZ).
On constate aisément la place importante que le volet
énergétique occupe dans la CEPGL. En effet, trois des cinq
organes spécialisées touchent à des problématiques
d'énergie. La CEPGL regroupe des pays inégalement pourvu en
ressource énergétique dans le rapport particulier d'un Zaïre
(RDC) bien pourvu et des deux autres pays membres (Rwanda, Burundi) exsangues
et dépendant principalement des sources d'énergie zaïroises
pour leur alimentation. Ce rapport particulier est observable dans bien
d'autres domaines (ressources naturelles, terres cultivables, etc.). Il va
devenir la base d'un déséquilibre permanent au sein de
l'organisation.
Nous remarquerons plus tard que l'objectif
d'interdépendance économique régionale sera
sérieusement contrarié par ce déséquilibre, qui
institutionnalisé, donnera la priorité des projets et des
financements au seul Zaïre (République Démocratique du
Congo) au détriment des deux autres membres.
Objectifs de la CEPGL
La CEPGL a pour principaux objectifs
- d'assurer la sécurité des Etats membres et
des populations de la Région, notamment par la sécurisation les
frontières communes des Etats membres
- de concevoir et favoriser la création
d'activités d'intérêt commun pour aboutir à la
création d'une zone de prospérité commune
- d'assurer et favoriser les échanges commerciaux et
la circulation des personnes et des biens
- de promouvoir une coopération étroite dans
divers domaine notamment le domaine social, scientifique, culturel, politique,
judiciaire, militaire, énergétique, des transports et des
communications.
Bilan et constat
d'échec
Le bilan de la CEPGL qui a fonctionné de
manière presque normal jusqu'en 1996 reste mitigé.
L'organisation basée au Rwanda à Gisenyi a
bénéficié pour ses projets du financement des Etats
membres, de la BDEGL, de la Banque Mondiale et du Fond Européen pour le
Développement (FED). Le déséquilibre auquel nous faisions
allusion plus haut en parlant de la problématique de l'énergie
n'a pas épargné le secteur financier de l'organisation. Ainsi la
République Démocratique du Congo s'est très vite
positionnée en principal actionnaire et de manière paradoxale
aussi en principal débiteur.
Un tour d'horizon sur le fonctionnement des principaux
organes spécialisés de la CEPGL laisse vite présager une
explication au diagnostic d'échec que tous les observateurs ont vite
fait d'établir.
La CEPGL semble avoir souffert, sur tous les plans, de la
toute puissance de son initiateur le président Mobutu, oeuvrant à
maintenir les pays partenaires dans une position d'inféodation se
traduisant de manière lisible dans la situation permanente de
déséquilibre qui a prévalu au sein de cette organisation.
C'est dans une optique de caractérisation de ce
déséquilibre que Arsène Mwaka Bwenge42(*) parle des `rapports de
puissance à l'intérieur de la CEPGL... où Mobutu
le `` grand frère'', `` l'ainé'' trônait sur ses deux
`cadets'.
Cette approche valorisant un `homme fort de la Région'
était garantie par l'audience internationale dont Mobutu jouissait,
ainsi que par la facilité qu'il avait à obtenir des puissances
étrangère et des institutions financières internationales
le renflouement des caisses de l'organisation43(*).
Le financement quasi acquis de la CEPGL par l'entremise de
Mobutu, partie intégrante des jeux et des enjeux de la guerre froide,
ainsi que l'audience internationale de ce dernier, garante de sa toute
puissance en Afrique centrale, vont s'effondrer en même temps que le bloc
soviétique, laissant filer vers l'Europe de l'Est le regard et
l'attention des puissances occidentales et des bailleurs de fonds.
Cette situation va entraîner la CEPGL dans le gouffre et
réduire à sa plus simple expression le poids politique de Mobutu
Sese Seko, rompant une fois pour toute la pérennité du
déséquilibre régional institutionnalisé en faveur
de la RDC.
C'est l'institutionnalisation de ce déséquilibre
qui est la raison majeure, sous-jacente à toutes les autres, de
l'échec de la CEPGL.
On ne peut espérer parvenir à une politique
d'intégration régionale effective par un assujettissement de ses
partenaires. L'histoire prouve à suffisance que le meilleur moyen de
réussir ce genre d'intégration par domination est de faire la
guerre. Nous savons tous aujourd'hui que cette guerre s'est
déroulée et plutôt dans le sens inverse.
Un tour d'horizon sur les objectifs et le fonctionnement d'un
des organes spécialisés aide à comprendre les causes de
cet échec.
La BDEGL : avait pour objectif de
promouvoir le développement économique et social des Etats
membres, de financer des projets communautaires communs et certains projets
nationaux, en favorisant la coopération entre les Etats de la
communauté et leur intégration économique. La Banque
été chargée de fournir une assistance technique dans
l'étude, la préparation et l'exécution de ces projets.
Elle a été relativement fonctionnelle de 1984 à 1994,
année marquant le début du grand cycle d'instabilité
régionale avec le génocide rwandais.
Regroupant des actionnaires divers, la banque a pendant ces
dix années de fonctionnement mobilisé un capital de la hauteur de
23 258 786 DTS ayant pour actionnaire majeur la RDC avec presque
45.5%44(*) du capital,
soit plus que les contributions du Rwanda et du Burundi prises ensemble.
L'écart entre les contributions des 3 Etats membres est facile à
comprendre, considérant à juste titre le fait que la taille et le
potentiel économique de la RDC ne sont en rien comparables avec les
potentiels respectifs de ses partenaires. L'une des erreurs majeures de la
Banque, a été de s'écarter de ses objectifs et de sa
logique d'intégration régionale et de soutien à des
projets d'intérêts communautaires, en répercutant le
déséquilibre favorable à la RDC sur tous ses
crédits de financement.
De 1984 à 1993, sur 46 projets, la BDEGL a
contribué au financement de 31 projets en RDC pour un coût d'
environ 29 052 000 DTS soit 76% du total des crédits contre
seulement 7 projets pour le Rwanda représentant 15% du total des
crédits (5 839 000 DTS), 7 pour le Burundi (
1 993 300 DTS soient 5% du total des crédits) et
paradoxalement un seul projet commun(SINELAC : 1 500 000 DTS,
soit seulement 4% du total des crédits)45(*). Comment comprendre que seuls 4% du total des
crédits soient alloués au seul projet à portée
communautaire ?
Dans les faits, la Banque et ses crédits se sont vu
détournés de leur but initial et éparpillés sur une
myriade de petits projets dirigés par une mafia d'entrepreneurs à
la solde du régime de Kinshasa. N Mutabazi46(*) évoque la gestion
chaotique, l'hyperinflation, les pillages, la destruction de l'outil de
production, ainsi que le financement de projets non viables, comme les
principales raisons de la faillite des projets et de la Banque. Le Zaïre,
présenté comme « le plus grand actionnaire et
finalement le plus grand débiteur »47(*), est aux yeux de bon nombre de
d'observateurs le fossoyeur de la BDEGL.
Le même déséquilibre est facilement
retrouvé dans les autres organes spécialisés. Mais
au-delà de la mauvaise gestion des biens communautaires, c'est bien
à l'échelle sécuritaire que se mesure l'ampleur de
l'échec de la CEPGL.
Malgré son intention première d'oeuvrer, par le
biais de l'intégration régionale, à la
sécurité des Etats membres et de leurs populations, la CEPGL n'a
pas su empêcher le génocide rwandais, les guerres successives au
Congo et les cycles de violence au Burundi. Cet échec pourrait signifier
que les efforts des Etats membres de la CEPGL et de la communauté
internationale n'aient en rien touché du doigt le vrai problème
de la Région en se concentrant sur les aspects économiques,
s'obstinant à investir sur « des volcans
sociopolitiques » selon l'expression imagée d'Arsène
Mwaka Bwenge48(*).
Les idées de relance de la CEPGL, que nous
étudierons plus tard, mettent aujourd'hui l'accent sur la
nécessité d'élaborer pour la région des structures
sécuritaires communes, peut être un Etat-major régional
commun et surtout des mécanismes régionaux de prévention
et de résolution des conflits au lieu de se limiter à fluidifier
les échanges économiques.
Les pays de la CEPGL doivent se consacrer avant tout à
résoudre les problèmes sécuritaires qui les minent et
aboutir à la détente politique nécessaire au bon
déroulement de tout projet régional de développement.
CEPGL : pistes de relance
envisageables et contexte de sortie de crise
Au-delà de la nécessité de sortir de la
condition préjudiciable de déséquilibre interne dont a
souffert la CEPGL, il y a lieu de revisiter le paradigme entier des tentatives
d'intégration régionales qu'a connu le continent africain depuis
l'accession des anciennes colonies à l'indépendance.
Il nous incombe de repenser en profondeur l'idée
même de l'intégration africaine qui souffre encore aujourd'hui de
son paramétrage colonial et de son assujettissement au objectifs de la
mondialisation. Makhtar Diouf49(*) remarque en effet qu'au départ « la
stratégie d'intégration économique en Afrique... a d'abord
été imposée par les autorités coloniales pour
être ensuite confiée à des experts citoyens des anciennes
métropoles ...» et qu'en suite « elle n'est plus
pensée en fonction du développement de l'Afrique. Elle est au
service de la mondialisation... ». Comment pouvions-nous
espérer qu'une intégration conçue de cette façon
puisse aboutir à un développement stabilisant de nos
sous-régions africaines. En multipliant les regroupements
sous-régionaux sur des bases erronées, les africains ont juste
réussi à multiplier leurs problèmes, et surtout leurs
dépenses, sans atteindre les objectifs envisagés. Les efforts
d'intégration se sont souvent bornés à créer des
organisations à périmètre d'action circonscrit et
constant, figées sur des problèmes de nature et d'ordre technique
et sectoriel. Elles se sont efforcées habilement, sous couvert du
principe de souveraineté, d'éviter tout aspect politique. Comment
sortir de « ce paradoxe d'une Afrique qui s'éternise dans le
sous-développement tout en détenant le record mondial du nombre
d'organisations sous-régionales chargées de promouvoir
l'intégration économique»50(*) ? l'erreur ne viendrait-elle pas du fait d'avoir
inverser l'importance des rôles de chaque mot dans la séquence
« intégration économique » en ne portant
l'accent que sur les déterminants économique de
l'intégration africaine, négligeant de facto les
aspects politiques, sociaux, sécuritaires, ethniques et culturels qui
forgent la complexité de toute réalité africaine.
Les pays africains doivent prendre leurs
responsabilités et trancher sur l'option à prendre entre se
limiter à des « simples instruments de coopération, des
lieux de rencontre et de dialogue, ou réaliser une véritable
intégration...qui suppose un abandon plus ou moins important de leur
souveraineté ...et la capacité de décider comme de faire
appliquer des décisions51(*).
Il importe donc de changer de grille de lecture, de se
défaire du postulat quasi établi stipulant que les facteurs
d'instabilité qui provoquent les guerres africaines sont d'abord de
nature économique. C'est ce postulat qui pousse les États
africains à ne considérer que le volet économique comme
seul levier viable pour l'établissement d'espaces africains de paix et
de prospérité partagées.
Arsène Mwaka Bwenge52(*) dénonce cette conception,
héritée et propagée par les institutions
financières internationales et quelque peu mécaniste. Il propose
plutôt l'élaboration d'un modèle qui tiendrait compte des
problèmes et préoccupations politiques et sécuritaires.
Nous partageons ce point de vue, non seulement parce que les
regroupements économiques sous-régionaux ne se sont pas
montrés aptes à prévenir, contenir ou stopper la violence
là où elle s'est manifestée (pour la simple raison qu'ils
n'étaient pas équipés pour), mais aussi parce que la
solution à l'instabilité récurrente qui prévaut
dans la région ne peut que revêtir un caractère holistique.
Il ne s'agit donc pas d'inverser la tendance en reléguant
l'économique à un rôle de second plan, mais plutôt
d'arriver à des solutions africaines qui croisent tous les facteurs en
présence.
Le facteur économique, jusque là seul
plébiscité dans les tentatives d'intégration africaines,
n'est pas à négliger comme le montrent les résultats de
l'étude53(*) que
nous avons conduite en 2005. En revanche il ne peut plus être le seul
considérant qui vaille, sur lequel se fondent tous les efforts
d'intégration.
Cette étude vise à établir un
modèle de prédiction des risques d'apparition d'un conflit
violent et du niveau d'atrocité de celui-ci à partir de
données quantitatives prises sur l'ensemble des pays africains. Elle a
pris en compte comme données de départ les facteurs
socio-économico-politiques quantifiables couramment avancées pour
tenter d'expliquer l'embourbement de l'Afrique dans les affres de la violence.
Parmi ces facteurs ont retrouve le nombre d'ethnies en présence, le
nombre de pays frontaliers, la densité de population, le PIB per capita,
le taux d'alphabétisation, la dépense militaire, l'effectif
militaire, l'espérance de vie, etc. Ces facteurs sont pris sur la
période allant de 1970 à 2005.
L'étude s'est efforcée d'étudier l'impact
de ces variables sur la mortalité (niveau d'atrocité) en cas de
conflit. Contrairement aux hypothèses généralement
émises, d'un point de vue strictement statistique, seules deux de ces
variables justifient à plus de 70% le risque humain (taux de
mortalité des conflits) des pays africains. Ces deux variables ne sont
autres que le PIB per capita (facteur économique) et la dépense
militaire (facteur militaire).
Elles jouent sur le risque selon le modèle
mathématique suivant :
Indice = .
Cet index a permis de hiérarchiser les pays africains
les plus exposés en cas de conflits armés en ne
considérant que des variables quantifiables.
Le résultat de cette étude m'étonne
doublement :
- d'abord, les variables socio-économico-politiques
quantifiables couramment avancées pour tenter d'expliquer chaos africain
ne semblent pas influencer les résultats ou le font de manière
statistiquement négligeable. Par exemple, le crédo de la
« coupe à l'équerre du continent africain »
par les puissances coloniales à Berlin en 1885, et sa traduction en
frontières pittoresques et amalgames d'ethnies, pris en compte dans la
formulation de cet indice sous les variables nombre de pays frontaliers et
nombre d'ethnies en présence ne semble pas peser sur la capacité
de certains pays à développer des conflits armés
particulièrement meurtriers.
- Ensuite, l'indice révèle deux facteurs en
vraie corrélation avec le niveau de risque des conflits africain: le
facteur économique (PIB) et le facteur sécuritaire
(Dépense militaire). Ces deux facteurs sont mis en exergue dans la
déclaration de la CEPGL, même si dans les faits le facteur
sécuritaire a été volontairement négligé au
profit du facteur économique. Il est intéressant de constater que
le risque n'est maîtrisé que si un équilibre est atteint
entre la création des richesses (développement économique)
et la sécurisation des richesses crées et des facteurs de
production qui les créent (sécuritaire). La rupture de
l'équilibre tend à augmenter le risque. La création des
richesses (le facteur économique) joue en faveur d'une diminution des
risques, justifiant le fait qu'une population qui n'a économiquement
rien à perdre soit plus dangereuse qu'une population qui
considérerait tout conflit comme un manque à gagner
conséquent. Inversement un pays qui aurait une dépense militaire
(facteur sécuritaire) disproportionné par rapport au niveau de
vie de ses populations (ce qui est souvent le cas des régimes
autoritaires) serait plus exposé à la menace d'un conflit
meurtrier (le conflit étant latent dans la plus part des cas). La
dépense militaire est d'autant plus explicative qu'elle détermine
le nombre d'armes légères et de petit calibre disponibles dans le
pays. Ces armes qui échappent souvent aux circuits des armées
régulières font des ravages en situation de conflit en
Afrique54(*).
Sur les 52 pays étudiés, il se dégage
une échelle de risque allant de presque 0 pour les Seychelles à
206 pour l'Ethiopie pour un indice de risque moyen de 24 pour le continent.
Sur cet ensemble, 15 pays ont un risque supérieur
à l'indice de risque moyen (24) et requièrent une attention
spéciale :
Ethiopia
|
206
|
DRC
|
96
|
Nigeria
|
68
|
Eritrea
|
65
|
Sudan
|
52
|
Burundi
|
50
|
Uganda
|
41
|
Egypt
|
36
|
Kenya
|
34
|
Rwanda
|
32
|
Somalia
|
30
|
Tchad
|
30
|
Mozambique
|
28
|
Mali
|
28
|
Morocco
|
28
|
Algeria
|
26
|
|
Les 3 pays de la CEPGL (en orange : DRC, Rwanda, Burundi)
font parti de ce groupe de pays à risque élevé
prédit par le modèle et ils ont tous les trois
développé des conflits armés d'intensités
différentes pendant la période étudiée (1970
à 2005). 4 autres pays font parti de la zone des Grands Lacs Africains
(en jaune : Soudan, Ouganda, Kenya, Tchad), faisant clairement de cette
région la zone la plus volatile du continent africain (7 pays sur les 15
les plus exposés selon l'étude se situent dans cette
région). La région des grands lacs africains abrite les sources
du Nil et peut par son instabilité exacerber la situation
déjà difficile de 3 autres pays du bassin du Nil qui ont un
indice de risque déjà élevé (en vert :
l'Ethiopie, l'Erythrée, l'Egypte). Cette relation avec le Nil explique
surement l'implication active de l'Egypte dans le PGL, signataire du pacte de
Nairobi comme pays coopté.
Cette étude statistique démontre que les
regroupements africains (du moins dans la région des grands lacs)
devraient prendre en compte les deux facteurs (économique et
sécuritaire) de manière couplée. Arsène
Mwaka55(*), partant d'une
analyse sociopolitique, arrive à la même conclusion.
- Enfin, les résultats de cette étude, fiables
dans leur prédiction à 75%, suggèrent qu'il est tout aussi
important de lire cette grille de prédiction à l'aide de facteurs
qualitatifs identifiables ou à identifier (facteurs sociopolitiques non
quantifiables) pouvant tempérer ou exacerber le risque
d'émergence des conflits.
Nous devinons ces facteurs comme essentiellement politiques.
A leur lumière, ont peut tenter d'expliquer pourquoi et comment le
Rwanda (indice 32), par une politique d'exclusion réciproque et une
propagande génocidaire a produit un conflit d'un coût humain
beaucoup plus lourd que le Burundi (indice 50) qui dans des conditions
sociopolitiques presque similaires (présence du binôme tutsi/hutu)
et avec un indice de risque beaucoup plus élevé a pu
éviter ce niveau d'atrocité. Le facteur politique exacerbant est
du coté rwandais clairement identifié (propagandes
génocidaires, logique d'exclusion réciproque,) tandis qu'à
l'opposé, les burundais ont plutôt bénéficié
du facteur tempérant d'une politique plus inclusive de
réconciliation nationale.
Les pays africains doivent ainsi concevoir des regroupements
basés sur le triptyque Politique, économique et
sécuritaire. Seule la définition d'un vrai projet régional
(politique) oeuvrant à l'établissement d'une zone de
prospérité commune (économique) et d'un espace vital
régional stable et solidaire (sécuritaire) délivrera
toutes les promesses que le continent recherche depuis les indépendances
dans ses efforts d'intégration.
La CEPGL, en explorant les pistes de sa relance, doit
dépasser le caractère déclaratoire qui caractérise
les regroupements africains pour s'inscrire dans une logique d'actions et de
projets concrets contribuant à des objectifs identifiés et
mesurables.
Il est pour ce faire impératif de clarifier les
attentes de chacun et d'aboutir à une conception commune de
l'utilité d'une CEPGL agrandie et relancée. Il faut identifier le
dénominateur commun de ces attentes et bâtir la nouvelle CEPGL sur
ce socle solide.
Mais comment réussir à réconcilier les
différentes visions et ambitions des Etat membres, a priori divergentes,
pour déboucher sur une vision commune ?
Bertin Salumu56(*) identifie 4 visions conflictuelles comme causes de
l'échec de la CEPGL. Nous nous proposons de les concilier dans un
nouveau modèle d'intégration capable d'assurer la réussite
de la relance actuellement envisagée :
- Une vision `mobutienne' qui fait
de la RDC « l'alpha et l'oméga » d'une CEPGL
limitée à 3 états. Cette vision soumet l'organisation aux
seuls intérêts congolais.
- Une vision `musevenienne' de la
région des Grands Lacs, bien plus large que la seule CEPGL, devant
aboutir en aval à la création d'une république
swahiliphone regroupant le sud Soudan, la RDC, le Nord de l'Angola, le Burundi,
le Rwanda et l'Ouganda (qui en serait le fer de lance). C'est là donc
une vision expansionniste de l'influence de l'Ouganda qui recherche un
arrière pays ou une périphérie pour assurer et soutenir sa
croissance économique,57(*) mais aussi la résurgence du besoin
stratégique de relier sa cote Indienne au littoral atlantique (RDC,
Angola).
- Une vision `Kagamienne', qui
considère la région des Grands Lacs comme un tutsiland
(composé de tous les pays qui abritent des populations tutsies, quelque
soit leur statut ou leur nombre) avec la RDC comme hinterland. Cette vision
correspond au vieux rêve d'un hypothétique empire Hima-Tutsi.
C'est une vision protectrice de l'ethnie tutsie, marquée par les
exactions et le génocide dont elle a été victime, que le
régime de Kigali brandi pour justifier son interventionnisme militaire
dans la région.
- Une vision dite occidentale de
« balkanisation » du Congo qui faisant
abstraction de la souveraineté étatique de la RDC viserait
à arrimer les provinces du Kivu au Rwanda et au Burundi,
résolvant ainsi les problèmes de viabilité
économiques et les problèmes de surpopulation de ces deux
états.
Ces visions à priori divergentes pourraient se
retrouver, d'une façon ou d'une autre prises en compte, dans le nouvel
ensemble à construire. Elles laissent transparaître des
aspirations profondes de Leadership, de viabilité économique, de
désenclavement et de sécurisation des populations.
Sur le plan du leadership régional, bien exprimé
dans les visions `mobutienne' et `musevenienne', avec la RDC comme ancienne
puissance régionale et l'Ouganda comme nouveau prétendant au
poste, la nouvelle CEPGL doit s'efforcer d'assurer à tous ses Etats
membres le même rayonnement. Un rayonnement régional permettant et
encourageant la prise d'initiative de chacun indépendamment du poids
économique, géographique et démographique des parties en
présence. Il faut pour cela arriver à définir un
« co-leadership » régional, aboutir à une
meilleure appropriation par tous de la région et de ses initiatives.
L'élargissement de la communauté à des
pays comme l'Angola, la Tanzanie et le Kenya devrait relativiser le poids que
chacun s'accorde neutraliser les vieilles velléités. Cette
nouvelle CEPGL doit concevoir un leadership régional capable de se
mesurer aux autres grands ensembles africains. La condition président
à l'émergence d'un tel leadership, fièrement
partagé par les pays de la région, est le
démantèlement de certaines tentatives d'intégration
concurrentes par l'interdiction aux pays de la région d'appartenir en
parallèle à d'autres regroupements (par exemple la RDC est
foncièrement inefficace parce que dispersée entre la CEEAC, la
SADC, le COMESA et cela sans vraiment s'identifier à - ni peser de tout
son poids dans- aucune de ses structures).
Seule une participation exclusive à un ensemble unique
peut garantir avec le temps la naissance d'un sentiment d'appartenance
régionale nécessaire à un rayonnement commun. Une
région des Grands Lacs ainsi constituée pourrait bien s'inscrire
comme un pôle NEPAD et participer en bloc aux efforts panafricains de
développement. Il faut donc se départir de « la
stratégie de d'intégration balkanisation »58(*)qui tend à entreprendre
des efforts d'intégration entre des groupes restreints et qui à
pour conséquence la multiplication d'organisations sans gain
d'efficacité. La nouvelle CEPGL doit donc s'inscrire dans l'effort
général de rationalisation de l'intégration africaine.
Cette réalisation implique la définition d'organisation
sous-régionale unique pour chaque sous région et l'appartenance
exclusive des pays des sous-régions concernées à ces
organisations respectives. Makhtar Diouf59(*), relève que la prolifération des
organisations d'intégration en Afrique (et l'appartenance concomitante
de certains pays à toutes ces organisations60(*)) constitue un handicap majeur
pour l'intégration sur ce continent. Il note par ailleurs que
« les efforts déployés dans les années 1980 par
la Commission Economique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA) »
allaient dans le sens de cette rationalisation de l'intégration
régionale africaine.
Sur le plan de la viabilité économique, une
logique solidaire pourrait faire bénéficier tous les pays de la
région de la force de chacun. Une approche établissant des
pôles de compétitivité régionaux, promouvant une
répartition équitable des projets de développement entre
tous les pays et favorisant l'émergence de voies transrégionales
de transport et de communication, servirait à la fois à
éradiquer les tentatives de création d'espace vitaux et
d'arrière pays et à résoudre le problème de
désenclavement dont souffrent les pays n'ayant pas d'accès
à l'océan.
Encore une fois, il est question de s'ancrer dans une
démarche concrète, axées sur des projets concrets.
A titre d'exemple, au lieu d'avoir des parcs nationaux de part
et d'autre de la Région du Rift africain, en Ouganda, en RDC, au Rwanda,
et au Kenya il pourrait être envisagé la création d'un
pôle de compétitivité éco-touristique piloter par le
Kenya (qui est le pays le plus avancé en la matière) pouvant
débouché sur une initiative de parc régional, un peu comme
l'idée déjà explorer par certains pays des Balkans autour
du lac Prespa.
Le même raisonnement pourrait s'appliquer aux pays de la
région ayant des littoraux avec un copilotage Tanzanien (Océan
Indien) et Congolais ou Angolais (Océan Atlantique) pour
déboucher sur une initiative concertée et profitable à
tous. Bien que genre de projets relèvent du long et moyen terme, il
demeure important que la relance de la CEPGL s'arme de l'ambition
nécessaire à arriver à de telles réalisations pour
ne pas être juste un regroupement de plus, voire un regroupement de
trop.
La construction d'une identité régionale
(sentiment d'appartenance partagé) parait aujourd'hui autant impossible
à réaliser que l'idée d'une identité
européenne au sortir de la deuxième guerre mondiale.
Le problème des regroupements africains est souvent
aggravé par le refoulement d'une certaine utopie qui, malheureusement,
entraîne avec lui le degré de vision nécessaire à la
construction de vrais ensembles régionaux.
La construction de ce sentiment d'appartenance régional
est nécessaire pour assouvir, dans le long terme, la soif identitaire et
sécuritaire de certaines minorités qui fondues dans un ensemble
plus grand se verraient sécuriser en tant que minorité parmi
d'autre minorités.
Car dans les faits, la minorité tutsi n'existe que face
à la majorité hutu, toutes les deux pourtant disparaissent, en
tant que telles, devant d'autres groupements de même taille ou plus
petits réunis au sein d'un groupement régional capable de
sécuriser tout le monde. C'est précisément ce qui s'est
passé à l'époque de l'hégémonie
zaïroise sur la région. A travers toute la RDC vivaient des
rwandais (hutu et tutsi) sous les mêmes dénominations
(Banyamulenge, Zaïrois d'origine rwandaise,...) sous la houlette d'un
régime qui les protégeaient tous autant. Il n'est donc pas
hérétique d'être visionnaire et d'assumer pour la nouvelle
CEPGL de réelles ambitions. Rien ne devrait empêcher aux
populations congolaises, rwandaises et burundaises de rêver à la
possibilité d'un passeport commun. Ces populations ont vécu,
vivent encore et vivrons probablement toujours dans un espace de libre
circulation des personnes de fait. Il importe de le formaliser et de l'encadrer
afin d'en tirer le meilleur parti.
Il incombe donc à la nouvelle CEPGL d'incarner cette
nouvelle vision et de ne pas manquer d'ambition. Elle a le défi de
répondre aux exigences pressantes d'aujourd'hui sans perdre l'horizon de
demain. La relance de la CEPGL doit faire revivre en harmonie les
considérants du texte de sa première convention61(*) : « les liens
historiques, géographiques et culturels, la similitude des
problèmes de développement, la communauté
d'intérêts et leurs aspirations communes à la paix,
à la sécurité et au progrès... ».
Considérants qui fournissent jusqu'ici l'alibi de l'opposition des uns
contre les autres, des logiques d'exclusion réciproque et des invasions
et occupations des territoires de pays voisins. Seule une CEPGL de cette
carrure sert habilement la paix et la prospérité régionale
et constitue une voie de sortie de la crise.
La CEPGL doit aussi prendre en compte, de manière plus
sérieuse et plus concertée, les questions sécuritaires.
Elle pourrait envisager une instance de coordination des Etats majors des pays
membres, des protocoles régionaux de surveillance des frontières
(La RDC et le Rwanda ont signé un tel protocole récemment) et une
force d'intervention rapide capable de prendre en charge la défense des
intérêts régionaux et la protection des populations
civiles.
Les domaines économiques et sécuritaires ne
doivent pas faire ombrage à des initiatives plus diversifiées
dans d'autres domaines d'intérêt commun comme l'Education, la
Culture, la Recherche, le Sport et tout autre levier capable de mettre l'accent
sur le patrimoine commun des populations de la région et de mettre
à profit la richesse de leur diversité.
La relance de la CEPGL s'inscrit pleinement dans le cadre plus
large de la Conférence Internationale sur la Région des Grands
Lacs (CIRGL), le Conseil des Ministres a mis sur pied une Commission
d'évaluation et de relance de la CEPGL pour coordonner cet effort de
réorganisation. En lien avec le Secrétariat Exécutif
Permanent et les Organismes spécialisés, elle est chargée
de revisiter tous les instruments de coopération et d'intégration
économique existants et de faire des propositions nouvelles.
La Commission d'évaluation et de relance incite
fortement les Etats membres à procéder à une
rationalisation et une harmonisation de leurs programmes nationaux dans le
cadre ce cette relance. La nouvelle CEPGL, doit intégrer des
problématiques d'actualité dans ses politiques et programmes
d'intégration comme la lutte contre le VIH/SIDA, la dimension du Genre
et le Développement durable afin de satisfaire aux exigences de son
temps. Celle-ci doit aboutir à la création,
échelonnée dans le temps, d'une Communauté des Etats des
grands lacs (CEGL), retirant ainsi l'emphase mise sur le pôle
économique d'une organisation appelée à de plus grands
desseins.
III. 2 La région des
grands lacs et la CEEAC: un autre constat d'échec
Introduction
Créée en 1983, la Communauté Economique
des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC) regroupait dans un ensemble
régional l'Angola, le Burundi, la RDC, le Cameroun, le Congo, le Gabon,
la Guinée Equatoriale, Sao Tomé et Principe, le Tchad, la RCA et
le Rwanda. Le Rwanda s'est retiré de l'organisation en 2007.
Carte de la CEEAC62(*)
La CEEAC a pour ambition d'utiliser les atouts dont dispose
l'Afrique centrale (ressources naturelles, potentiel énergétique,
ressource forestière et agricole) pour promouvoir la coopération
régionale et la création d'un marché commun.
Regroupant près de 100 millions d'habitants sur une
superficie de presque 7 millions de kilomètres carrés, avec des
atouts économiques considérables (9 pays producteurs de
pétrole, la RDC dotée d'une richesse exceptionnelle en minerais
et d'un potentiel énergétique capable d'alimenter tout le
continent, la foret équatoriale et des cultures de rente), la CEEAC se
voulait un ensemble de compétitivité globale capable de tirer
profit de l'interdépendance de fait des marchés et des
économies de ses Etats membres63(*).
Elle vise à contribuer activement à
élever les niveaux de vie des populations locales et à maintenir
la stabilité économique nécessaire au développement
de la région grâce à une coopération harmonieuse.
La CEEAC s'est donnée le mandat de promouvoir le
dialogue politique dans la région et d'établir des politiques
sectorielles communes pour ses Etats membres. Devant la récurrence des
conflits armés dans la région, elle s'est progressivement
dotée de capacités de maintien de la paix et de prévention
des conflits.
Depuis 1999, année de relance de l'organisation, des
champs d'activités prioritaires ont été
définis :
· Développer les capacités pour maintenir
paix, sécurité et stabilité, conditions essentielles
à un développement économique et social
· Développer une intégration physique,
économique et monétaire
· Développer une culture de l'intégration
africaine
· Mettre en place un mécanisme autonome de
financement pour la CEEAC
Malgré ses ambitions, la CEEAC est loin d'arriver
à son but. Elle demeure butée à des problèmes de
fonctionnement en interne, une évolution lente de ses thèmes
d'action, un manque de réalisations concrètes en matière
d'intégration économique et des difficultés
budgétaires.
Un des principaux problèmes de la CEEAC est aussi le
fait qu'elle soit venue faire doublon à la Communauté Economique
et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC, ancienne UDEAC). L'Union
Européenne a d'ailleurs conclu un accord financier avec les deux
organisations en 2003 à condition qu'elles se fondent en une seule et
même structure. Les 6 pays membres de la CEMAC sont aussi membres de la
CEEAC et ces deux structures partagent, à tout le moins, les mêmes
ambitions.
La CEEAC est un autre exemple d'une stratégie
d'intégration africaine mal pensée et peu efficace, dispersant
l'effort d'intégration dans une multitude d'organisation dont les champs
d'action et les compétences se juxtaposent.
Malgré l'incorporation d'objectifs sécuritaires,
la CEEAC n'a pas su s'imposer pour prévenir les différents
conflits qui ont secoués la région. Elle a été
très peu présente dans les efforts de pacification en tant
qu'organisation régionale. Elle est actuellement présidée
par Joseph Kabila, président de la RDC.
Structure de la CEEAC
La CEEAC a mis en place les institutions suivantes :
v La Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement
v Le Conseil des ministres
v Le Secrétariat Général (Un
Secrétaire Général élu pour 4 ans avec 4
adjoints)
v La cour de Justice
v La Commission consultative
v Le Conseil de paix et de sécurité d'Afrique
Centrale (COPAX)
Crée en 1999 et mis en forme en 2000, le COPAX a pour
mission de veiller au maintien, à la consolidation et à la
promotion de la paix et de la sécurité dans la région. Il
prépare les décisions des chefs d'Etat relatives aux mesures de
prévention, de gestion et de règlement des conflits. Il a aussi
compétence en matière d'aide humanitaire, notamment d'aide aux
déplacés et aux réfugiés. Il est composé de
3 organes techniques : La Force Multinationale de l'Afrique Centrale, le
Conseil de Défense et de Sécurité et le Mécanisme
d'Alerte Rapide de l'Afrique Centrale.64(*)
Impuissance et inaction de la
CEEAC face aux différents conflits de la région des Grands
Lacs.
Malgré la signature d'un pacte de non-agression en
1994, la création du COPAX en 1999 et la signature d'un pacte
d'assistance mutuelle en 2000, la CEEAC n'a pas su jouer son rôle et n'a
pas pu empêcher l'escalade de la violence et des conflits armés en
Afrique Centrale. Il est certes vrai, que l'organisation s'est construite des
organes de sécurité et de maintien de la paix de manière
réactive, en réponse aux diverses crises que traversait la
région. Elle a tout de même failli à l'un de ses objectifs
de départ : l'instauration et la promotion du dialogue politique
dans la région.
La CEEAC a brillé par son absence tant sur la
scène diplomatique que sur les plans militaire et humanitaire. 7 pays
sur les 11 qui la composent ont connu des conflits armés d'ampleur
variable. Des pays membres se sont affrontés en RDC (Angola, RDC d'un
coté et Rwanda, Burundi de l'autre) sous le regard neutre de
l'organisation dont l'attitude frisait le ridicule. L'Angola a participé
à une guerre civile au Congo qui a démis Pascal Lissouba,
président élu, pour replacer Denis Sassou Nguesso au pouvoir
à Brazzaville. La RDC a ouvertement soutenu la rébellion du
président Bozizé en RCA contre le pouvoir du président
Patassé qui, quant à lui, entretenait des relations cordiales
avec la rébellion du MLC de Jean-Pierre Bemba opposée au
régime de Kinshasa, tout cela sans que la CEEAC ne réagisse.
L'organisation s'est retrouvée politiquement bloquée par le
comportement de ses Etats membres.
L'attitude du Rwanda, qui s'est retiré de
l'organisation en 2007 n'est pas à condamner dans la mesure où ce
pays décide, de manière lucide, de se détacher d'une
organisation au caractère purement déclaratoire voire
fantaisiste. Le Rwanda n'a rien perdu en se séparant d'un regroupement
régional faisant figure de coquille vide.
En plus de 20 ans d'activités, la CEEAC se concentre
toujours et uniquement sur des études préparatoires. Il y a lieu
de se poser la question de savoir quand est-ce qu'elle entend se
résoudre enfin à l'action.
La CEEAC est un regroupement de trop qui fait doublon
à la CEMAC et qui rassemble des pays dotés de cadres de
concertation plus pertinents. Quel est l'intérêt pour des pays
comme la RDC, le Rwanda et le Burundi de se retrouver au sein de la CEPGL et de
la CEEAC pour discuter exactement des mêmes problématiques de
développement. Que gagnent l'Angola et la RDC à se retrouver
à la fois au sein de la CEEAC et de la SADC ? Comment ces pays
concilient les objectifs d'intégration économique et les
priorités de ces regroupements différents?
Les Etats africains doivent s'engager sur un exercice de
définition de l'échelon pertinent d'intégration
sous-régionale. La dispersion actuelle consacre l'immobilisme des
regroupements, bloqués par des divergences d'intérêt et de
vision liées au tropisme naturel de certains Etats vers leur
échelon d'intégration naturel (pertinent), souvent ignoré
dans la définition géographique de ces organisations (Ce qu'a du
comprendre le Rwanda en quittant la CEEAC pour se concentrer sur la
Communauté des États de l'Afrique de l'Est, son échelon
d'intégration pertinent).
Les regroupements sous-régionaux devraient mieux
utiliser l'enceinte continentale que représente l'union africaine afin
d'harmoniser leurs programmes et objectifs, au lieu de donné naissance
à des dédoublements peu convaincants ou à des
appartenances multiples peu efficaces (CEEAC/CEMAC, CAE/CEPGL/COMESA/SADC).
La tendance actuelle à créer des regroupements
sous-régionaux, juxtaposés sur des groupements
préexistants comme pour se faire bonne conscience face à un
défi ou une crise est à la base de l'échec collectif des
efforts d'intégration africains.
La survie de la CEEAC dans son format actuelle ne doit pas
être encouragée, son inefficacité et sa redondance ne sont
plus à démontrer.
Chapitre IV : La
Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs
IV. 1 L'action
internationale en faveur du rétablissement de la paix en RDC et dans la
région des Grands Lacs.
La communauté
internationale et la première guerre du Congo
La communauté internationale, et la communauté
africaine en particulier, s'est intéressé de manière
ponctuelle et ciblée à la situation de la région des
Grands Lacs, dès l'émergence des premiers conflits armés
en RDC visant la prise du pouvoir à Kinshasa. De 1996 à 1997,
elle a accordé un soutien peu déguisé à l'AFDL et
à ses alliés pour la conquête du Zaïre.
L'action de la communauté internationale pendant cette
période consiste principalement à garantir un atterrissage en
douceur sur Kinshasa en limitant au minimum les pertes en vies humaines dans
cette capitale surpeuplée. L'action diplomatique africaine,
pilotée par l'Afrique du Sud de Nelson Mandela, tente en vain de trouver
une sortie honorable à l'ancien dictateur Mobutu et fait face à
son obstination. Le 17 mai 1997, c'est avec la bénédiction et un
certain accompagnement de la communauté internationale que Laurent
Kabila et ses alliés entrent dans Kinshasa sonnant le glas de la plus
vieille dictature d'Afrique noire.
L'attitude de la communauté internationale face
à cette première guerre du Congo, qu'elle juge comme étant
« du bon coté de l'histoire » se base sur des
espérances dans les changements que le dénouement heureux de
cette guerre laisse présager, notamment l'espoir d'un renouvellement des
élites et du règlement définitif des crises politiques
congolaise, rwandaise et burundaise65(*). Dans cet élan presque euphorique d'un Congo
enfin libéré d'une dictature trentenaire, la communauté
internationale va volontairement occulter « certaines trajectoires du
déroulement des campagnes militaires, les motivations économiques
des bailleurs de fond et les massacres peu médiatisés» qui
ont pourtant marqué le cours de la progression de l'AFDL et de ses
alliés. En effet, personne ne s'émoi du sort
réservé au million de réfugiés hutus
dispersés dans des camps à l'intérieur de la RDC que les
troupes de l'AFDL et de ses parrains (principalement le Rwanda)
démantèlent de manière brutale voire inhumaine. Le nombre
de réfugiés hutus disparus pendant cette première guerre
du Congo oscille entre 500 000 et 200 000 sans faire
l'unanimité, et sans que la communauté internationale ne
réagisse fermement. Même le Haut Commissariat aux
Réfugiés adopte une attitude ambiguë, revoyant sans cesse
à la baisse nombre probable de disparus hutus.
Colette Braeckman66(*) s'interroge sur ce point: «avancer que
500 000 hutus auraient étaient tués au
Zaïre, n'était ce pas enfin résoudre l'équation
du double génocide, qui permettait de renvoyer les deux parties dos
à dos, de faire enfin l'impasse sur les coupables et les
complices ? ».
C Thibon67(*) analyse cette posture de la communauté
internationale comme morale. Une posture « ressourcée dans le
panafricanisme et embellie sous couvert d'une idéologie de la
renaissance africaine » qui considère « les
dérives génocidaires-connues mais tues-...comme le prix à
payer ou comme le retournement inévitable du génocide rwandais
à défaut de gestion judiciaire ; tant et si bien que la
violence et les appétits des agents économiques apparaissent
comme une étape indispensable et féconde, quasi libérale
dans une recomposition économique et géopolitique ».
Cette attitude ancrée dans le
« laisser-faire » et le
« laisser-taire » mettra plus tard la communauté
internationale en difficulté et entamera durablement sa
crédibilité, l'assimilant aux intérêts aveugles de
certains agents économiques qui contribueront activement à
soutenir l'instabilité de la région dans une sorte de
« chaos organisé ».
La communauté
internationale face à la deuxième guerre du Congo
La prise de pouvoir de Laurent Kabila et de l'AFDL va
être suivie très rapidement de déconvenues diplomatiques,
économiques et politiques qui vont sortir le nouveau régime de
l'état de grâce dont il bénéficiait. Elles vont
relancer à la fois des visées d'accès au pouvoir et de
contrôle de la rente RD congolaise, des questions tactiques sur le
démantèlement définitif des structures politico-militaires
des réfugiés hutus, des options stratégiques de
sécurisation des frontières (Rwanda) et d'accès à
un hinterland congolais (Ouganda).
Très vite les contours de la deuxième guerre du
Congo s'installent. Celle-ci «... semblent à ses débuts
connaître les mêmes causes et répéter le même
scénario... » que la précédente,
«... elle a ses origines à nouveau dans la région des
Grands Lacs, dans l'impossibilité de sécuriser la
poudrière du Kivu, dans la guerre civile burundaise, et dans le
discrédit international et la contestation interne du régime de
Kabila »68(*).
Cette seconde guerre ne fait pas unanimité sur la scène
africaine, elle ne ressemble en rien à la première et divise
l'opinion internationale qui se contente de regarder passivement son
évolution.
Une action claire de la communauté internationale est
rendue impossible, minée par la posture adoptée lors du premier
conflit et par la division des acteurs régionaux jadis unanimes sur la
question. La léthargie du Conseil de sécurité des Nations
Unies et sa difficulté à qualifier la crise congolaise ou
à tenter d'y remédier choquent l'opinion congolaise. Face
à ce mutisme et à l'intensification des atrocités, le
ministre congolais des droits humains, Léonard She Okitundu, ira
jusqu'à affirmer que « le Conseil de sécurité
n'oeuvre pas en faveur de la paix et la sécurité internationale
dans la région des Grands Lacs ».
L'africanisation du conflit par la formation d'alliances
à l'échelle continentale et leurs installations dans la
durée ainsi que la partition de fait de la RDC sur fond de
prédation économique, vont conduire la communauté
internationale à envisager « une balkanisation »
d'un Congo devenu ingérable, et souffrant de deux anomalies difficiles
à résoudre : « d'une part l'anomalie
géologique de son sous-sol et ses richesses minérales, d'autre
part l'anomalie géopolitique, l'importance des périphéries
potentiellement riches dans un pays sans centre de gravité
géographique »69(*).
Cette idée va se buter au principe sacrosaint de
l'intangibilité des frontières et raviver le sentiment d'une
identité congolaise, ainsi que le désir de préserver
l'existence du Congo dans ses contours actuels au sein de l'élite
congolaise des deux cotés du front. Cette prise de conscience va
préparer le terrain des négociations qui seront menées et
parrainées par la communauté africaine d'abord, puis par la
communauté internationale. Ces négociations déboucheront
à la fin de la guerre et aux premières élections en
RDC.
Les leaders africains seront des acteurs déterminants
dans l'établissement d'un dialogue et le début de
négociations entre les belligérants.
Diverses concertations et tentatives d'accords se
succèdent. Il y aura Victoria Falls I et II au Zimbabwe, Durban, Adis
Abéba en Ethiopie, Port Louis, Nairobi au Kenya, Windhoek en Namibie,
Gaberone au Botswana, Syrte en Lybie, Lusaka en Zambie, Pretoria puis enfin
Sun City en Afrique du Sud.
De tous ces accords, celui de Lusaka marque un tournant
décisif pour le conflit et demeure la fondation première du
processus de pacification de la RDC.
L'accord de Lusaka, pierre
angulaire du processus de paix en RDC
Signé en 1999, cet accord de cessez le feu pose les
principes de base qui présideront au processus de paix en RDC. Ces
principes sont : la cessation des hostilités, le retrait
définitif des troupes étrangères du territoire de la RDC,
le déploiement d'une force de maintien de la paix assurant la mise en
oeuvre de l'accord, la sauvegarde de la souveraineté et de
l'intégrité territoriale de la RDC, le démarrage de
négociations politiques inter congolaises devant aboutir à la
mise en place du nouvel ordre politique et à la réconciliation
nationale, la désignation d'un facilitateur neutre, le
désarmement des groupes armés et la formation d'une armée
républicaine.
L'accord de Lusaka va établir, pour la première
fois, un dialogue entre les groupes rebelles du RCD et du MLC avec le
régime de Kinshasa (traditionnellement opposé à un tel
format, et voulant négocier exclusivement avec les parrains de ces
rebellions fantoches).
Il sera signé par les forces africaines engagées
dans le conflit (Angola, RDC, Namibie, Rwanda, Ouganda et Zimbabwe), les deux
principaux mouvements rebelles congolais (RCD et MLC) ainsi que l'OUA, l'ONU,
la Zambie et la SADC comme témoins.
La signature de cet accord est marquée par la
neutralité de la communauté internationale, qui se limite
à accompagner ce processus inter africain et évite soigneusement
de se prononcer de manière tranchée sur le bourbier congolais. La
médiation zambienne est préférée à celle de
l'Afrique du Sud de Mandela (qui avait pourtant piloté le volet
diplomatique de la première guerre du Congo), jugée partiale par
le gouvernement congolais.
L'accord confie à la communauté internationale,
par le biais de l'ONU et de l'OUA, le soin de mettre sur pied, au plus vite,
une force de maintien de la paix. L'OUA se voit aussi confier la direction de
la commission militaire mixte qui regroupe tous les acteurs et qui est
chargé de suivre l'exécution de l'accord de cessez le feu.
Timidement, l'accord de Lusaka donne l'opportunité d'un retour sur la
scène des Grands Lacs à une communauté internationale
restée en marge des efforts de résolution du conflit
régionale et agissant par puissances africaines interposées.
Malgré les pistes de solutions qu'il semble
dégager, l'accord de Lusaka va longtemps rester lettre morte. Laurent
Désiré Kabila refuse de l'appliquer. Le gouvernement de Kinshasa
considère que l'accord confère une sorte de
légitimité à des rebelles manipulés et directement
contrôlés par l'Ouganda et le Rwanda. Laurent Kabila refuse de
négocier à égalité avec les groupes rebelles comme
le préconise l'accord. Il n'acceptera jamais le principe de son
application, préférant l'enlisement dans une guerre que
lui-même avait prévue « longue et populaire ».
Colette Braeckman70(*)
estime que « Laurent Désiré Kabila fut pratiquement
contraint de signer cet arrangement, l'armée rwandaise menaçant
de s'emparer de la ville de Mbuji Mayi, capitale de la province du Kasaï,
riche en diamants, principale ressource économique du pays. Depuis il
avait tenté de contourner les dispositions qui lui étaient
défavorables, récusant le négociateur Ketumile
Masire,...mettant des obstacles au déploiement de la mission
Onusienne... ».
La guerre se fige et semble profiter à une élite
régionale véreuse et avide tant du coté des rebelles que
du coté du gouvernement. Le rapport des Nations Unies sur le pillage des
ressources naturelles de la RDC expose bien la situation à ce sujet.
L'administration Clinton considère l'attitude de
Laurent Désiré Kabila et de son régime comme le principal
obstacle à la paix dans les Grands Lacs et empêche le Conseil de
Sécurité de l'ONU de formellement reconnaître la
présence des armées Rwandaises et Ougandaises sur le territoire
congolais71(*). Laurent
Désiré Kabila résiste jusqu'à son assassinat
janvier 2001.
L'année 2001 est celle de tous les changements, Joseph
Kabila succède à son père assassiné et le
républicain George W Bush fait son entrée à la maison
blanche, avec sans doute une vision plus nuancée quant à
l'attitude a adopté face à la crise des Grands Lacs.
L'arrivée de Joseph Kabila va ressusciter un accord en
qui plus personne ne croyait. Dès son entrée en fonction Joseph
Kabila s'engage fermement à faire appliquer l'accord de Lusaka dans son
intégralité et à organiser le dialogue politique qu'il
préconise. Ce revirement va désamorcer le blocus dans lequel le
processus de paix s'était enfoncé et fournir « aux
belligérants et à la communauté internationale l'occasion
tant attendue de sortir du bourbier sans perdre la face ».72(*)
La réaction de la communauté internationale ne
se fait pas attendre. Elle qui, par le biais de la résolution 1304 du
Conseil de sécurité des Nations unies, n'a nommément fait
allusion à la présence des troupes Rwandaises et
Ougandaises73(*) en RDC
qu'en Juin 2000, à la suite des affrontements de Kisangani, exige par la
résolution 1341 du 22 février 2001 (soit juste un mois
après l'entrée en fonction de Joseph Kabila) le retrait des
forces Ougandaises et Rwandaises et l'application de l'accord de Lusaka.
Le processus de paix entre alors dans une nouvelle phase
marquée par l'engagement de la communauté internationale et des
acteurs congolais dans la résolution pacifique de la crise.
La Mission de Nations Unies au Congo (MONUC) peut enfin sortir
de son rôle d'observateur et entrer dans sa phase de déploiement,
le 29 mars 2001 les premiers casques bleus se déploient sur des
anciennes lignes de front74(*). En juin 2001, « l'effectif de la force est
de 2366 soldats dont 363 observateurs répartis dans 22 villes et 28
équipes surveillant le désengagement des forces ».
Dès la fin 2001 on assiste au retrait d'une bonne
partie des troupes ougandaises et namibienne du territoire congolais permettant
le début du déploiement des casques bleus dans l'Est de la RDC en
2002. En juin 2002 on compte 3804 casques bleus.
Les négociations politiques évoluent en
parallèle, le 30 juillet 2002, grâce à un effort
remarquable de la médiation Sud Africaine de Thabo Mbeki, le Rwanda et
la RDC signent l'accord de Pretoria qui permet le départ de plus de
20 000 soldats rwandais. Au même moment, on constate une
augmentation de la violence ethnique en Ituri.
La diplomatie Sud Africaine s'impose comme incontournable pour
le processus de paix interne à la RDC (surtout son volet politique),
même si elle doit faire face à la diplomatie plus discrète
de l'Angola, bien décidée à jouer jusqu'au bout son
rôle de puissance militaire régionale. Les efforts diplomatiques
de l'Angola permettent la signature le 6 septembre 2002 d'un accord entre
l'Ouganda et la RDC75(*).
En octobre 2002, les troupes alliées du régime
de Kinshasa (Angola, Namibie, Zimbabwe) se retirent à leur tour. Le 17
décembre, un accord dit « Global et inclusif » est
signé à Pretoria en Afrique du Sud (puis adopté le
1er avril 2003 par toutes les parties à Sun City). Cet accord
va permettre la mise en place du gouvernement de transition le 30 juin de
l'année suivante et la fin officielle de la guerre au Congo. La
communauté internationale est chargée de superviser le processus
politique en cours. La transition politique est parrainée par un
Comité International d'Accompagnement de la Transition (CIAT),
composé par des représentants des 5 membres permanents du Conseil
de sécurité, de l'Angola, de la Belgique, du Gabon, du Canada, de
la Zambie, de l'Union Européenne, de l'Union Africaine et de la
MONUC.
A la fin 2002, l'effectif de la MONUC s'élève
à 4200 casques bleus, le Conseil de sécurité autorise par
sa résolution 1445 l'augmentation de cet effectif à 8500,
précise le mandat de celle-ci comme un mandat d'appui au processus de
paix et lui refuse toute participation à des opérations usant de
la force. Ce mandat changera par la suite pour faire face à l'escalade
de la violence en Ituri puis dans le Kivu.
De juin à Septembre 2003, l'Union Européenne,
sous l'impulsion de la France, va conduire l'opération Artémis
pour stopper les violences en Ituri. Cette opération marque le grand
retour de la France sur la scène des Grands Lacs et la première
manifestation d'une Europe de la défense en dehors de son voisinage
immédiat76(*). Elle
constitue aussi la première expérience opérationnelle de
coopération UE-ONU dans le domaine militaire.77(*)
Artémis sera remplacée en Ituri par 4000 casques
bleus de la Task force II de la MONUC, munie d'un mandat plus adapté
permettant notamment le recours à la force.
Ce changement dans le mandat de la force Onusienne marque un
autre tournant, la MONUC cesse d'être un gendarme impuissant pour devenir
un acteur clé de la sécurisation de l'Ituri et de la pacification
du Congo.
En 2005 on compte plus de 16 000 casques bleus en
République Démocratique du Congo, un nombre qui dénote
bien de l'engagement de la communauté internationale à sortir la
région des Grands Lacs de la crise sécuritaire qui la mine.
L'Union Européenne interviendra encore militairement en
2006 par l'entremise d'une mission de sécurisation du processus
électoral (EUFOR) engagé en RDC la même année.
A la fin 2006, le processus de paix interne à la RDC
est sanctionné par l'élection de Joseph Kabila et l'installation
d'institutions légitimes et reconnues de tous. L'accord de Lusaka arrive
au terme de sa validité, son application aura abouti à la
pacification de la majeure partie du territoire congolais et à
l'avènement d'un nouvel ordre politique interne.
La contribution de la communauté internationale et son
engagement à faire aboutir le processus politique interne en RDC ont
contribué favorablement à la stabilisation politique de ce pays.
Les efforts de la communauté internationale pour sortir
la région de la crise vont ensuite s'inscrire dans une démarche
multilatérale, notamment par la création d'un Groupe d'ami de la
région des Grands Lacs (GOF) et par un soutien financier et logistique
à la Conférence Internationale sur la Région des Grands
Lacs (CIRGL) qui produira successivement la Déclaration de Dar Es Salam
et le Pacte de Nairobi (Piliers du PGL).
IV. 2 La Conférence
Internationale sur la Région de Grands Lacs (CIRGL)
Introduction
L'idée de l'organisation d'une Conférence
Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL) repose sur la
reconnaissance de « trois caractéristiques fondamentales de la
situation dans la région. La première est que le conflit en
République démocratique du Congo a des dimensions
régionales; la deuxième est que les populations de la
région des Grands Lacs sont si étroitement liées sur les
plans ethnique, culturel et linguistique que l'instabilité d'abord
exclusivement endogène de chacun des pays concernés en vient
rapidement à se propager et à créer et entretenir une
dynamique de conflit dans l'ensemble de la région; et la
troisième est que c'est dans un cadre régional que doivent
être cherchées les solutions aux conflits et à
l'instabilité endémique des pays concernés. L'appel
à une conférence internationale sur les Grands Lacs, lancé
dans les résolutions 1291 et 1304, constitue donc à la fois un
progrès appréciable dans l'analyse des problèmes de cette
région par la communauté internationale et un effort collectif en
vue d'encourager la région à inaugurer un processus de
règlement pacifique des problèmes associé à ces
trois caractéristiques»78(*). C'est ce processus que nous qualifions de processus
des Grands Lacs (PGL) et qui constitue, selon beaucoup d'observateurs, une voie
explorable pour sortir la Région tout entière de la crise
sécuritaire dans laquelle elle est plongée.
La CIRGL a tenu à considérer tous les acteurs
régionaux et à les mettre en réseau. Ainsi elle s'est
ouverte aux parlementaires de la région, à des partenaires non
étatiques (ONG, représentants de la jeunesse, forum de femmes) et
à la communauté internationale (réunie au sein du GOF).
Conçue comme un cadre de concertation régional
à même de créer les conditions d'une coexistence pacifique,
mener à la démocratisation des sociétés et
favoriser une meilleure coopération entre acteurs étatiques et
non étatiques sur le long terme, la Conférence
s'institutionnalise peu à peu et crée une architecture qui prend
la forme d'un regroupement régional.
Ce regroupement en formation se base sur deux piliers:
v La déclaration de Dar es Salam
v et le Pacte de Nairobi.
Architecture de la
Conférence internationale pour la Région des Grands Lacs
La conférence regroupe 11 pays appartenant au champ
géographique des Grands Lacs (core countries) et 6 pays co-optés
à cause de leur proximité géographique ou à des
intérêts stratégiques liés à la
région.
Elle s'articule en 4 niveaux :
§ Les Comités Préparatoires Nationaux
(CPN), chargés de préparer les positions de chaque pays sur des
problématiques régionales et le suivi au niveau de chaque pays
des décisions prises par la Conférence.
§ Un Comité Régional Préparatoire
(CRP), chargé d'harmoniser les positions de chacun en vue de les
soumettre au Comité Interministériel Régional (CIR) et
d'assurer la coordination des actions des comités préparatoires
nationaux.
§ Un Comité Interministériel
Régional (CIR), chargé de la validation du travail
effectué par les comités préparatoires et harmonisé
par le CRP, il est l'organe exécutif de la conférence. Le CIR
détermine les stratégies de mise en oeuvre des politiques
décidées par le Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement.
§ Le Sommet de chefs d'Etat et de gouvernement, organe
suprême de décision et d'impulsion politique.
Les CNP et les CRP sont des organes techniques,
essentiellement composés d'experts nationaux et régionaux. Le CIR
et le Sommet des chefs d'Etat et de Gouvernement sont éminemment
politiques.
La Conférence dispose par ailleurs d'un
secrétariat exécutif (SE) qui a son siège à
Bujumbura au Burundi. Le SE est l'organe technique de coordination de la
Conférence.
La Conférence est accompagnée par un groupe
d'amis de la région des grands lacs (GOF) qui se veut être un
cadre d'assistance financière, de soutien politique, technique et
diplomatique pour la Conférence. Le GOF est légitimé par
le double principe d'appropriation (pays du champ) et de partenariat (pays
co-optés et amis) selon lequel fonctionne la Conférence. Il est
co-présidé par le Canada et les Pays-Bas.
Elle s'est dotée de deux instruments
d'intégration régionale :
- Les Bassins de Développement Transfrontalier
(BDT)
- Le Fonds Spécial pour la Reconstruction et le
Développement (SFRD)
Ces instruments interviennent sur l'ensemble de la
région des Grands Lacs, déclarée comme « Zone
Spécifique de reconstruction et de développement », et
ont pour but d'assurer l'intégration des territoires frontaliers, par le
biais d'une coopération transfrontalière de proximité,
ainsi que la reconstruction et le développement de la région.
Les BDT poursuivent les objectifs suivants :
· parvenir au régionalisme local par le biais de
la coopération et de l'intégration des économies
locales ;
· donner une impulsion au développement et assurer
la paix et la sécurité, ainsi que le développement
inclusif et participatif des communautés de la région ;
· Assurer le développement des infrastructures
physiques et commerciales locales adéquates en vue de stimuler les
investissements transfrontaliers
· Développer le secteur privé.
Un Bassin transfrontalier de sécurité et de
développement est prévu entre le Rwanda, le Burundi et la RDC, il
devra être mis en cohérence avec les efforts de relance de la
CEPGL.
Le SFRD à pour mission
· D'aider au renforcement des capacités des
institutions gouvernementales et des organisations locales dans la
Région afin d'apporter un soutien efficace aux processus de court, moyen
et long termes en matière de réhabilitation, de reconstruction et
de développement national ;
· D'assister à la réhabilitation, à
la reconstruction et au développement des Etats membres de la
Région en facilitant l'investissement de capitaux à des fins de
production, notamment la réhabilitation et la remise en état des
infrastructures et des institutions détruites ou perturbées par
la guerre ou les conflits ;
· D'apporter l'assistance financière pour
l'exploration, l'exploitation et la gestion des ressources minières et
naturelles des Etats membres de la Région et promouvoir le
développement durable et l'intégration économique des
Etats membres.
· D'apporter l'assistance technique pour la
préparation, le financement et la mise en oeuvre de projets et
d'activités de développement, notamment par la réalisation
d'une étude des priorités et la formulation de propositions de
projets ;
· De promouvoir les investissements publics et
privés dans la Région par le biais de participations lors
d'emprunts ou autres investissements des structures des secteurs publics et
privés.
· Et d'entreprendre toute autre activité et
fournir tout autre service qui pourrait faire progresser le
développement de la Région.79(*)
Le fonds est abondé par les pays de la
conférence, les pays membres du GOF (Groupe d'amis) et les institutions
financières internationales. Les pays de la région
considèrent qu'au delà de ce plan, il conviendrait de mettre en
oeuvre un véritable « plan Marshall » pour la
région des Grands Lacs.
La Conférence avait pour but initial d'aboutir à
la signature et à la ratification d'un pacte régional de paix et
de stabilité capable de traiter tant les causes structurelles que les
causes immédiates des conflits de la région et d'y
remédier durablement. Ce pacte a été signé et est
en cours de ratification. Il découle de la Déclaration de
Dar-es-Salam et fonde la plupart des organes mentionnés
précédemment.
La Déclaration de
Dar-Es-Salam sur la Paix, la Sécurité, la Démocratie et le
Développement dans la Région des Grands Lacs
Signée le 20 novembre 2004, en clôture du premier
Sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement, elle constitue la première
initiative régionale de relance du dialogue politique entre les Etats
qui se sont affrontés en RDC. C'est une étape significative du
processus dans la mesure où elle pose les options politiques
prioritaires et les principes directeurs qui le régissent. Elle
représente l'engagement ferme des 11 pays du champ de la région
des Grands Lacs de faire dignement face à leur destin commun et de
s'unir dans un effort partagé de développement de la
région.
La déclaration s'axe autour de 4 options
prioritaires :
· La paix et la sécurité, en prônant
notamment l'adoption et l'application de pacte de non agression et de
défense commune et la création d'un cadre régional de
sécurité pour la prévention, la gestion et le
règlement pacifique des conflits.
· La démocratie et la bonne gouvernance, notamment
par la promotion d'une culture de la paix, du dialogue et de la
tolérance, la consolidation de l'Etat de droit, le renforcement des
capacités de leadership, la transparence des processus électoraux
et l'efficacité des services judiciaires.
· Le développement économique et
l'intégration régionale
· Les questions humanitaires et sociales dont le
règlement de la question des réfugiés, la protection des
populations civiles, la lutte contre le VIH/SIDA et l'éradication de la
pauvreté
C'est cette déclaration qui pose en premier le principe
de la formalisation des engagements des Etats signataires par l'adoption d'un
pacte sur la sécurité, la stabilité et le
développement. Elle institue le Comité Régional
Interministériel (cf. supra) comme organe exécutif.
Le Pacte sur la
Sécurité, la Stabilité et le Développement dans la
Région des Grands Lacs, dit « pacte de Nairobi »
Signé à Nairobi en décembre 2006, ce
pacte réitère l'engagement des Etats de la Région à
oeuvrer en faveur de la paix, de la stabilité et du développement
dans les Grands Lacs. Il précise les options politiques prioritaires et
les principes directeurs pris à Dar-Es-Salam en 2004 et engage les Etats
membres à fonder leurs relations sur le respect des principes de
souveraineté nationale, d'intégrité territoriale, de
non-ingérence dans les affaires intérieures des autres Etats
membres, de non agression, de coopération et de règlement
pacifique des différends.
Le pacte enrichi le processus de 10 protocoles,
dérivés des options prises dans la déclaration de Dar es
Salam. Il s'agit des protocoles sur :
Ø la non-agression et la défense mutuelle dans
la région des grands lacs
Ø la démocratie et la bonne gouvernance
Ø la coopération judiciaire
Ø la prévention et la répression du crime
de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité
et de toute forme de discrimination
Ø la lutte contre l'exploitation illégale des
ressources naturelles
Ø la zone spécifique de reconstruction et de
développement
Ø la prévention et la répression de la
violence sexuelle à l'égard des femmes et des enfants
Ø la protection et l'assistance aux personnes
déplacées
Ø les droits à la propriété des
rapatriés.
Ø la gestion de l'information et de la
communication.
Ces protocoles tentent d'éradiquer les causes, et de
remédier durablement aux conséquences, des conflits cycliques qui
ont décimé la région. Ils s'attaquent à des tares
comme l'impunité (judiciaire), la prédation économique,
l'instrumentalisation des médias à des fins génocidaires
(Radio des milles collines), l'expropriation des biens et les réflexes
expansionnistes des Etats. Ils entendent résoudre les questions
épineuses des réfugiés, de l'accès à la
terre, de la protection des minorités et du droit au retour ;
questions qui ont été au coeur de la régionalisation des
conflits dans les Grands Lacs.
L'émergence des conditions de démocratie, de
bonne gouvernance et d'Etat de droit est indispensable pour la consolidation
des acquis de ce pacte et le développement de la région.
Par ces protocoles, le pacte répond aux
impératifs fixés par les Etats membres dans la déclaration
de Dar Es Salam : «faire de la région des Grands Lacs un
espace de paix et de sécurité durable, et ce pour les Etats et
les peuples, de stabilité politique et sociale, de croissance et de
développement partagés, un espace de coopération
fondé sur des stratégies et politiques de convergence dans le
cadre d'un destin commun que nous sommes déterminés à
réaliser, selon les aspirations de nos peuples ».
Le pacte établi aussi des programmes d'action
sectoriels visant à promouvoir les stratégies et politiques
communes définies par la déclaration de Dar Es Salam. Il confirme
l'architecture de la Conférence des Grands Lacs telle que définie
plus haut et préconise la mise en place de mécanismes de
coordination et de coopération nationaux (en remplacement des
comités préparatoires nationaux) pour faciliter sa mise en
oeuvre. Cette architecture devient le mécanisme régional de
suivi, celui-ci se substitue peu à peu à la Conférence
qui, par la signature du pacte de Nairobi, a atteint son objectif de
départ.
Le pacte de Nairobi représente une avancée
notable dans le contexte actuel de la région, mais constitue-t-il pour
autant un outil viable, capable de s'imposer à tous ?
N'entre-t-il pas dans la lignée des grandes
déclarations dont on ne verra jamais le moindre début de mise en
application ?
Le retard enregistré dans la ratification du pacte par
les parlements des pays membres ne représente-t-il pas l'aveu indirect
d'un péché par ambition, rendant son application difficile voire
impossible ?
Qu'elles sont les conditions requises pour faire de lui une
voie de sortie de crise exploitable ?
Nous estimons que cela dépendra autant de la forme que
du fond, du contenu que de la structure en cours de mise en place pour le suivi
et l'application de ce pacte et de son harmonisation avec les efforts
d'intégration en cours dans la Région et sur le continent. Nous
essayerons de répondre à ces questions en guise de conclusion.
Chapitre V :
Conclusion
Vers une harmonisation du pacte
de Nairobi (mécanisme de suivi) avec les efforts d'intégration en
cours dans la région des Grands Lacs et en Afrique centrale
Le processus des Grands Lacs (PGL), que cette étude
tente de décrire et d'analyser, est un processus en cours. Il se base,
dans sa forme actuelle, sur la dynamique créée par la
Conférence Internationale pour la Région des Grands Lacs, dont
l'objectif premier a été atteint par l'adoption du pacte de
Nairobi par les Etats de la région.
Ce pacte, en cours de ratification par les parlements des
Etats de la région, met en place des protocoles et des programmes
d'action favorables à l'émergence d'une zone de paix, de
stabilité et de prospérité partagée qui devrait
sortir la région de la crise multiforme dans laquelle elle s'est
enfermée. Il incombe maintenant aux Etats de la Région de donner
forme à un mécanisme de suivi capable d'assurer la mise en
application du pacte, de ses protocoles et programmes d'action afin que les
grands principes de la déclaration de Nairobi ne restent pas lettres
mortes.
Les Etats du champ engagés dans le PGL appartiennent
déjà tous à des groupements régionaux et
sous-régionaux. La RDC, l'Angola et la Zambie sont membre de la SADC. La
RDC, le Rwanda et le Burundi forment la CEPGL. La RDC, le Congo, l'Angola, le
Burundi et la RCA sont membres de la CEEAC. Le Kenya, la Tanzanie, le Rwanda,
le Burundi et l'Ouganda sont membres de l'EAC. La RDC, l'Angola, le Burundi, le
Kenya, le Rwanda, le Soudan, l'Ouganda et la Zambie sont membres du COMESA.
Ces engagements et efforts dispersés n'ont pas servi
utilement les pays de la région. Le mécanisme de suivi du pacte
de Nairobi n'apporte pas de valeur ajoutée s'il s'inscrit dans une
démarche qui le juxtapose au cadre existant. La dynamique
créée par la CIRGL, qui va bien au-delà du champ
géographique de la région, doit servir à impulser une
rationalisation des efforts d'intégration des pays membres, et poser des
règles de jeu plus productives.
Le mécanisme de suivi doit inciter (voire contraindre)
les Etats membres à limiter leurs engagements à des initiatives
régionales à un maximum de deux par Etat. Il doit s'inscrire en
cadre d'harmonisation et de rationalisation de l'intégration des pays du
champ sans devenir lui-même une communauté d'Etats en plus.
La structure du mécanisme de suivi doit assumer une
fonction de conseil en réalisant des études, concevant des
projets et donnant des avis tout en laissant le champ de l'action aux
organisations et communautés existantes préalablement
revisitées.
Le pacte établi des bassins transfrontaliers de
sécurité et de prospérité au sein de la
région érigée en zone spécifique de reconstruction
et de développement.
La RDC, le Rwanda et le Burundi forment un bassin
transfrontalier prioritaire qui correspond à la CEPGL. Un autre Bassin
pourrait être envisagé entre l'Ouganda, le Kenya et la Tanzanie
(membres de l'EAC).
Le mécanisme de suivi, pourrait assurer la mise en
cohérence des actions d'intégration sur ces deux bassins en
harmonisant les programmes et les projets de la CEPGL à ceux de l'EAC.
Cet effort pourrait aboutir à une fusion des deux communautés en
une seule Communauté des Etats des Grands Lacs (CEGL). Une CEGL ainsi
conçue s'inscrit comme un pôle NEPAD à part entière
et laisse envisager une possible adhésion du Soudan.
Le mécanisme de suivi doit être responsable de la
mise en harmonie des programmes des communautés existantes (EAC, CEEAC
et SADC) avec les priorités définies par le pacte. Il doit
effectuer des rapports d'étape réguliers et donner des
recommandations.
Le mécanisme de suivi doit aussi être responsable
de l'allocation des crédits du Fonds Spécial pour la
Reconstruction et le Développement (SFRD) qui pourraient être
répartis entre les Etats membres et abonder les caisses des
communautés existantes pour des projets spécifiques et
préalablement validés par les structures du pacte.
Une des conditions essentielles de la réussite d'une
telle architecture est la limitation du nombre d'engagement des Etats à
un maximum de deux groupements par Etat.
Dans ce contexte, la RDC, l'Angola et le Burundi devraient
envisager de se retirer de la CEEAC, qui n'a pas de raison d'exister dans son
format actuel, et se concentrer sur un maximum de deux initiatives soient par
exemple la SADC et la CEPGL pour la RDC, l'EAC et la CEPGL pour le Burundi,
etc.
Cela s'avère essentiel à la fois pour des
raisons d'efficacité d'action mais aussi pour permettre le
développement dans le temps d'une identité régionale.
De ces petits ensembles fortifiés par la quasi
exclusivité d'appartenance de leurs membres, on peut envisager la
construction, échelonnée dans le temps, de plus grands ensembles
par harmonisation /fusion, dans le respect des « règles
de la progressivité et du gradualisme qui, comme le montre
l'expérience des autres continents, garantissent le succès de
l'intégration »80(*) (ex. fusion de l'EAC et de la CEPGL à
moyen terme en une Communauté des Pays des Grands Lacs, puis une fusion
à long terme de la Communauté des Pays des Grands Lacs et de la
SADC81(*)).
Par ailleurs, la RDC et l'Angola ont intérêt
à reconnaître et faire valoir la cassure de fait qui existe entre
leurs systèmes économiques respectifs et le système quasi
identique que partagent les autres membres de la CEEAC appartenant tous
à la zone franc (CEMAC). Ce système commun aux Etats de la CEMAC
est susceptible de former une base solide à leur effort
d'intégration
Le mécanisme de suivi doit prendre une posture
stratégique et dériver des stratégies d'action
concrètes à soumettre aux communautés d'Etats de la
région afin qu'elles les intègrent aux programmes existants ou en
assure l'application. Il doit doter le Secrétariat Général
de la capacité de piloter des projets dont l'impact dépasse
largement le périmètre d'action des communautés
existantes. Celui-ci, avec la participation des Etats du champ des Grands Lacs,
des Etats Cooptés et du Groupe d'amis, devrait devenir responsable des
projets transfrontaliers prioritaires nécessaires à la
réalisation des ambitions du pacte.
In concreto, un tel mécanisme doit être
à même suivre et piloter l'effort des pays signataires dans la
réhabilitation et l'expansion du Barrage Hydroélectrique d'Inga
en RDC, ayant le potentiel de fournir à bas coût de
l'électricité à tout le continent, et prioritairement aux
signataires du pacte.
La communauté internationale a les moyens d'accompagner
les Etats Africains dans la rationalisation de leurs efforts
d'intégration. On peut considérer qu'en posant la condition d'une
fusion préalable de la CEMAC à la CEEAC au financement de l'Union
Européenne (accord de 2003) octroyé à ces deux
groupements, l'UE s'engage dans une démarche favorisant la recherche
active par les Etats africains de leur échelon pertinent
d'intégration.
L'action de coopération décentralisée des
partenaires internationaux peut aussi aider à la réalisation des
objectifs du pacte, notamment à la création de bassins
transfrontaliers, en favorisant l'établissement de liens entre des
entités décentralisées du Nord et des entités
décentralisées de la région des Grands Lacs (par exemple,
entreprendre une action de jumelage mixte entre les localités de Gisenyi
au Rwanda, Goma en RDC et la communauté d'agglomération de
Strasbourg ayant aussi été victime de conflits frontaliers dans
le cours de son histoire).
Le mécanisme de suivi, par l'allocation des
crédits du Fonds Spécial pour la Reconstruction et le
Développement aux Etats de la Zone Spécifique de Reconstruction
et de Développement, doit prendre en compte, les besoins
différenciés de chacun des pays de la zone, identifier et
satisfaire ceux qui concourent le mieux à un développement
équilibré de la zone.
Le mécanisme doit ainsi, parallèlement à
l'effort d'intégration sous-régional, accompagner la RDC dans ses
efforts de structuration interne. La RDC, Etat d'une superficie faisant plus de
4 fois la France, possédant près de 9000 Km de frontière,
est en elle-même un véritable sous-continent en mal
d'intégration. Un manque de cohésion des structures
étatiques et économiques a favorisé l'état de
déliquescence qui a rendu possible la quasi annexion de plus de 2/3 du
territoire Congolais par ses voisins pendant tout le cours de la
deuxième guerre du Congo. La cohésion interne ce cet Etat
dépend fortement de l'émergence de la démocratie, d'un
Etat de droit et d'une armée républicaine. Les efforts de
stabilisation de la Région doivent intégrés le besoin
d'aider la RDC à assurer la sécurité des frontières
communes afin d'éviter que son territoire ne serve de base
arrières à des forces négatives.
La RDC est engagée dans un processus de
décentralisation accélérée devant déboucher
à la fédéralisation de ses provinces. Pourrait-on
envisager que le gouvernement fédéral laisse le libre choix aux
provinces fédérées de la RDC de leur échelon
d'intégration pertinent, en permettant aux provinces du Sud d'appartenir
à la SADC, à celles de l'Est à l'EAC, et celles de l'Ouest
et du Nord à la CEEAC ? Cette idée est fort peu
réalisable tant elle va à l'encontre l'orthodoxie juridique en la
matière (Les relations extérieures dépendent du
gouvernement fédéral dans ce type de structure étatique)
et contre les efforts d'intégration internes préconisés
plus haut pour cet Etat. Cette idée se bute aux vieilles craintes d'une
partition programmée de la RDC qui planent encore dans l'inconscient
collectif congolais, sans compter les risques de distorsion de
développement découlant de l'appartenance ou non d'une province
donnée à un groupement plus ou moins fonctionnel.
Au-delà de la forme ou du contenu à donner aux
institutions issues du processus des Grands Lacs et au mécanisme de
suivi, il est impératif que ce nouvel effort d'intégration, et sa
mise en musique avec les communautés existantes, ne reste pas
« une simple coopération, formule de rapprochement très
lâche entre Etats qui n'auraient en définitive que peu
d'engagements les uns envers les autres. Il s'agit (d'aboutir) à une
véritable intégration, impliquant des engagements contraignants
entre les Etats et une perte de souveraineté de leur
part ».82(*)
Ntumba Luaba Lumu83(*), préconise de sortir les organisations
régionales africaines de
l' « interétatisme » qui les bloquent et
consacre la prépondérance des souverainetés nationales sur
les instances décisionnelles. Il défini cet
interétatisme comme « une approche de
l'intégration basée sur la souveraineté des États
et conditionnée par l'emprise des États membres sur le
fonctionnement des institutions régionales. L'interétatisme se
traduit d'abord par la prégnance des gouvernements au niveau des organes
de décision -- ce que nous appelons « l'intergouvernementalisme
». Il se manifeste ensuite dans la procédure d'élaboration
et d'adoption des actes communautaires, par la règle du consensus, dont
l'effet est d'assurer la primauté des souverainetés nationales
sur l'intérêt général. Il se reconnaît,
finalement, par la faible portée -- des décisions
régionales. »
Le processus des Grands Lacs (PGL) doit ancrer ses structures
dans une approche communautaire capable d'instaurer la primauté de
l'intérêt général, de prendre des décisions
et de les faire appliquer. De même qu'il doit garantir une approche
régionale de la sécurité des Etats membres en s'assurant
de l'application du protocole de non-agression et de défense
mutuelle.
La paix durable dans cette région, comme en Afrique
centrale ou sur le reste du continent, passe aussi par la promotion d'une
identité africaine en générale, et d'une certaine
citoyenneté transfrontalière pour les Grands Lacs. C'est une
citoyenneté qu'il ne faut pas renoncer à construire et sur
laquelle il faut lever les tabous.
Enfin en matière d'intégration régionale,
ou en tout autre domaine, «l'engagement affiché des Africains doit
maintenant dépasser le stade des intentions et se traduire dans les
faits ».84(*)
BIBLIOGRAPHIE
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Tiré du journal Sud Africain « the mail and
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2) Anne Dissez et Fouad Srouji,
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« D'une CEPGL à une autre : quelles alternatives dans les
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le développement ? », Centre d'Etudes Politiques,
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5) Assemblée épiscopale de Kisangani du 16
septembre 2000
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9) Colette Braeckman, « Guerre sans
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10) Contribution Suisse à la préparation de la
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11) C. Thibon, « Les conflits des
Grands Lacs », Arès n°50-Février 2003
12) Cyril Musila, « les
défis de la paix dans la région africaine des grands lacs
après les massacres de 1994 » Fiche d'analyse
www.irenees.net.
13) Cyril Musila, « Enjeux de la
réconciliation régionale dans les grands lacs »,
http://www.irenees.net/en/fiches/analyse/fiche-analyse-503.html
14) Deuxième sommet de la Conférence
internationale sur la région des Grands Lacs, UNON-Nairobi, 14-15
décembre 2006, projet d'ordre du jour annoté.
15) D. Muhinduka, « Perspective sur
la durabilité de la Société Internationale
d'Electricité des Pays des Grands Lacs (SINELAC), communication
présentée aux XXèmes journées ATM-CREDES. Droits et
développement, Nancy 25-27 mai 2004, p.5
16) Eric Ntumba Bukasa, «African index
of conflict atrocity : a statistical analysis of socio-economic,
demographic and military data in a directed data mining context, and the
development of a prediction model to assess the level of risk of a conflict
outbreak and the conflict atrocity as the basis of a Decision Support
System», North West university, 2005 (travail de fin d'études
accompli en vue de l'obtention d'une maîtrise en technologies de
l'information / Bsc IT Honours)
17) France Diplomatie, Afrique des Grands
Lacs, La France et la Région des Grands Lacs.
www.diplomatie.gouv.fr
18) Henry C. Hoeben, Droit de l'Homme en
République Démocratique du Congo : de 1997 à nos
jours, un défi pour les Eglises
19) Hervé Cheuzeville,
«Chroniques Africaines de guerre et d'espérance R-D Congo, Ouganda,
Rwanda, Burundi, Soudan », p.150, éditions percée,
2006.
20)
http://www.ceeac-eccas.org/index.php?rubrique=etats-membres&id=19,
consulté le 2 mai 2008.
21)
http://www.rfi.fr/fichiers/MFI/PolitiqueDiplomatie/1729.asp
consulté le 5 mai 2008
22)
http://www.icglr.org/F_END/fr_about.asp consulté le 6 mai
2008
23) John Pomfret, « Rwandas led
revolt in Congo », The Washington Post, 9 juillet 1997.
24) Léonie Mbazoa, responsable du
Comité National Préparatoire en RCA, exposé
« Présentation générale de la Conférence
des Grands Lacs ». Atelier de sensibilisation des autorités
administratives locales et des leaders locaux autour de la Conférence
International sur la Région Grands Lacs du 23 au 24 aout 2006, Mbaiki
RCA
25) Makhtar Diouf, « Mondialisme et
Régionalisme, le `nouveau régionalisme en Afrique' »,
IFAN, Université C.A. Diop, Dakar
26) Mvomo Ella,
« Intégration économique et instabilité
politique en Afrique centrale », article tiré du journal Le
Potentiel (2005)
27) Mwayila Tshiyembe, `Ambitions rivales
dans l'Afrique des Grands Lacs', le Monde diplomatique, janvier 1999.
28) Niagalé BAGAYOKO
« L'OPÉRATION ARTÉMIS, UN TOURNANT POUR LA POLITIQUE
EUROPÉENNE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE ? »,
WWW.CAIRN.INFO
29) N. Mutabazi, « politique
d'intégration économique des pays des grands lacs : lecture
d'un échec », in Reconstruction de la République
Démocratique du Congo. Le rôle de la société
civile, Cahiers des droits de l'homme et de la paix en région des
grands lacs, vol. 1, n°1, 2004
30) Numéro 209, §2 du rapport du groupe d'experts
des Nations Unies sur l'exploitation illégale des ressources naturelle
de la RDC du 12 avril
31) Ntumba Luaba Lumu,
« Ressemblances et dissemblances institutionnelles entre la CEDEAO,
la CEEAC et la ZEP » dans « Intégration et
Coopération Régionale en Afrique de l'Ouest », Karthala
1996
32) PA Wiltzer,
« VERS UNE PAIX ET UN DÉVELOPPEMENT DURABLES EN
AFRIQUE » - Afrique Contemporaine, 2004
33) Pierre François Gonidec,
« Relations internationales africaines »,
bibliothèque africaine et malgache tome 53, LGDJ 1996
34) Rapport sur la situation des droits de l'homme en RDC,
février 2001, p.14
35) Rencontre avec Scholastique Mukasonga,
regard sur le Rwanda à partir de l'exposition « les panneaux
Imingongo » et de son livre « Inyenzi ou les
cafards ». Afrikales, Fleury sur Orne, novembre 2007
36) Rigobert Minani `Les accords de Lusaka et
leurs implications',
www.grandslacs.net/doc/3229.pdf
37) .
www.cf.undp.org/at-gdlac.htm
38) Rwanda, Burundi et Zaïre, convention portant
création de la communauté économique des pays des grands
lacs (CEPGL). Conclue à Gisenyi le 20 septembre 1976.
39) Séminaire des chercheurs et universitaires sur la
région des grands lacs (24-27 juin 1997), « vers une
citoyenneté transfrontalière dans la région des grands
lacs ». Genève, juillet 2007
40) Situation dans la région des Grands Lacs
Résolution 1653 adoptée par le Conseil de sécurité
des Nations Unies (janvier 2006)
* 1 La coopération
suisse dans les Grands Lacs, Contribution Suisse à la préparation
de la Conférence Internationale sur la région des Grands Lacs.
« L'idée d'organiser une conférence international sur
la région des Grands Lacs est née du constat de l'existence dans
les Grands Lacs d'une proximité ethnique, culturelle, sociale et
politique des populations alimentant et entretenant une dynamique
régionale de conflit ». www.sdc -ddc.org.rw.
* 2 Situation dans la
région des Grands Lacs Résolution 1653 adoptée par le
Conseil de sécurité des Nations Unies (janvier 2006)
« Sachant que le lien entre l'exploitation illégale des
ressources naturelles, commerce illicite de ces ressources et la
prolifération et le trafic d'armes est l'un des facteurs qui alimentent
et exacerbent les conflits dans la région des Grands Lacs en Afrique, en
particulier en République Démocratique du Congo... »
* 3 Numéro 209,
§2 du rapport du groupe d'experts des Nations Unies sur l'exploitation
illégale des ressources naturelle de la RDC du 12 avril 2001 :
« les principaux motifs du conflit en République
Démocratique du Congo sont devenus l'accès à cinq
ressources minérales de première importance :
colombo-tantalite, diamant, cuivre, cobalt et or ; ainsi que le
contrôle et le commerce de ces matières ».
* 4 Point 3 de la
Déclaration de Dar-Es-Salam : « Rappelant que les causes
des conflits sont aussi ancrées dans notre histoire, y compris durant
l'ère précoloniale, coloniale et
postcoloniale ; »
* 5 France Diplomatie,
Afrique des Grands Lacs, La France et la Région des Grands Lacs.
www.diplomatie.gouv.fr
* 6 Rigobert Minani `Les
accords de Lusaka et leurs implications', www.grandslacs.net/doc/3229.pdf
* 7 Rigobert Minani op.
Cit.
* 8 Léonie Mbazoa,
responsable du Comité National Préparatoire en RCA, exposé
« Présentation générale de la Conférence
des Grands Lacs ». Atelier de sensibilisation des autorités
administratives locales et des leaders locaux autour de la Conférence
International sur la Région Grands Lacs du 23 au 24 aout 2006, Mbaiki
RCA. www.cf.undp.org/at-gdlac.htm
* 9 Conférence
Internationale sur la paix, la sécurité, la démocratie et
le développement.
* 10 Carte des Grands lacs,
www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/conflit-grands-lacs/carte-grands-lacs.shtml,
consulté le 22 avril 2008.
* 11 Mwayila Tshiembe,
`Ambitions rivales dans l'Afrique des Grands Lacs', le Monde diplomatique,
janvier 1999.
* 12 C. Thibon,
« Les conflits des Grands Lacs », Arès
n°50-Février 2003
* 13 Deuxième sommet
de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs,
UNON-Nairobi, 14-15 décembre 2006, projet d'ordre du jour
annoté.
* 14 Colette Braeckman,
« l'enjeu congolais, l'Afrique centrale après
Mobutu », Fayard
* 15 Pierre François
Gonidec, « Relations internationales africaines »,
bibliothèque africaine et malgache tome 53, LGDJ 1996
* 16 Rencontre avec
Scholastique Mukasonga, regard sur le Rwanda à partir de l'exposition
« les panneaux Imingongo » et de son livre
« Inyenzi ou les cafards ». Afrikales, Fleury sur Orne,
novembre 2007
* 17 Henry C. Hoeben, Droit
de l'Homme en République Démocratique du Congo : de 1997
à nos jours, un défi pour les Eglises
* 18 Les Bahima sont
considérés comme la classe supérieure des Banyankore,
l'équivalent ougandais du tutsi rwandais. L'autre classe des Bairu se
compare à celle des hutus.
* 19 Les populations du
Congo (Nande, Mushi et autres) et les Hutu (Rwanda, Burundi) étant
classifiées comme ethnies Bantoues et les Tutsi (Rwanda, Burundi) et
Hima (Ouganda) classifiées pour leur part comme appartenant aux
groupements des nilotiques.
* 20 Cyril Musila,
« les défis de la paix dans la région africaine des
grands lacs après les massacres de 1994 » Fiche d'analyse
www.irenees.net.
* 21 La traduction
littérale en français donne « Ceux du
Rwanda »
* 22 La zaïrianisation
initiée par Mobutu en 1974, dans la foulée de sa politique de
« recours à l'authenticité » eu pour effets
de déposséder les expatriés de leurs entreprises, fermes
et domaines agricoles pour les confier à des zaïrois et de
créer une bourgeoisie d'affaire typiquement zaïroise.
* 23 Cyril Musila op. Cit.
* 24 Idem
* 25 La Conférence
Nationale Souveraine (CNS) avait pour but de préparer la classe
politique congolaise à la démocratie et au multipartisme et
était sensée marqué la fin du régime dictatorial de
Mobutu
* 26Cyril Musila op. Cit.
* 27 Colette Braeckman,
« l'Enjeu Congolais »op. cit.
* 28 Idem
* 29 C Thibon op. cit.
* 30 Colette Braeckman,
« l'Enjeux Congolais » op. cit.
* 31 Cette phrase qu'elle
écrit en 1999 s'est avérée prémonitoire, le Rwanda
a aujourd'hui quitté la francophonie et se revendique plutôt
d'obédience anglophone.
* 32 C Thibon op. cit.
* 33 C. Braeckman,
«l'Enjeu congolais», op. cit.
* 34 John Pomfret,
« Rwandas led revolt in Congo », The Washington Post, 9
juillet 1997.
* 35 Hervé
Cheuzeville, «Chroniques Africaines de guerre et d'espérance R-D
Congo, Ouganda, Rwanda, Burundi, Soudan », p.150, éditions
percée, 2006.
* 36Africa's missing
billions, Oxfam report. Tiré du journal Sud Africain `the mail and
guardian'. www.mg.co.za
* 37 Rapport sur la
situation des droits de l'homme en RDC, février 2001, p.14
* 38 Assemblée
épiscopale de Kisangani du 16 septembre 2000
* 39 H.
Chauzeville, op. cit.
* 40 Rapport du groupe
d'experts de l'ONU sur le pillage des ressources naturelles en RDC, op. cit.
* 41La Monuc, mission des
nations unies au Congo était pourtant présente dans cette
région quand la plupart des atrocités ont eu lieu mais elle
n'avait pas mission d'intervenir
* 42 Arsène Mwaka
Bwenge, « D'une CEPGL à une autre : quelles alternatives
dans les stratégies actuelles d'intégration et de
coopération pour le développement ? », Centre
d'Etudes Politiques, Université de Kinshasa
* 43 D. Muhinduka,
« Perspective sur la durabilité de la Société
Internationale d'Electricité des Pays des Grands Lacs (SINELAC),
communication présentée aux XXèmes journées
ATM-CREDES. Droits et développement, Nancy 25-27 mai 2004, p.5
* 44 La RDC en tant
qu'Etat contribuait à la hauteur de 35,55% du capital, nous avons
agrégé à ces chiffres les contributions des
sociétés publiques congolaises qui y participaient aussi en tant
qu'actionnaires.
* 45 Arsène Mwaka
op. cit.
* 46N. Mutabazi,
« politique d'intégration économique des pays des
grands lacs : lecture d'un échec », in Reconstruction
de la République Démocratique du Congo. Le rôle de la
société civile, Cahiers des droits de l'homme et de la paix
en région des grands lacs, vol. 1, n°1, 2004
* 47Arsène Mwaka op.
cit.
* 48 Idem
* 49 Makhtar Diouf,
« Mondialisme et Régionalisme, le `nouveau régionalisme
en Afrique' », IFAN, Université C.A. Diop, Dakar
* 50 Idem
* 51 Op. cit.
* 52 Idem
* 53 Eric Ntumba Bukasa,
«African index of conflict atrocity : a statistical analysis of
socio-economic, demographic and military data in a directed data mining
context, and the development of a prediction model to assess the level of risk
of a conflict outbreak and the conflict atrocity as the basis of a Decision
Support System», North West university, 2005 (travail de fin
d'études accompli en vue de l'obtention d'une maîtrise en
technologies de l'information / Bsc IT Honours)
* 54 Armes
légères, Conférence des Nations Unies sur le commerce
illicite des armes légères sur tous ses aspects,
http://www.un.org/french/Depts/dda/CAB/smallarms/brochure.htm,
consulté le 1er mai 2008
* 55 Op. cit.
* 56 Bertin Salumu,
« Région des Grands Lacs d'Afrique :
réalité géographique ou manipulation
géopolitique ? », l'Africain, no 220, 2005 :
28-33.
* 57 C'est exactement ce
qui s'est passé durant la deuxième guerre du Congo, l'Ouganda
captant toutes les retombées de l'activité économique de
la province orientale, supervisant les mines d'or et de diamant et
devenant la seule voie d'approvisionnement et le seul
débouché.
* 58 Op. cit.
* 59 Idem
* 60 Nous ajoutons
* 61 Rwanda, Burundi et
Zaïre, convention portant création de la communauté
économique des pays des grands lacs (CEPGL). Conclue à Gisenyi le
20 septembre 1976.
* 62
http://www.ceeac-eccas.org/index.php?rubrique=etats-membres&id=19,
consulté le 2 mai 2008.
* 63 Mvomo Ella,
« Intégration économique et instabilité
politique en Afrique centrale », article tiré du journal Le
Potentiel (2005)
* 64 CEEAC, fiche
d'identité,
www.diplomatie.gouv.fr
consulté le 22 avril 2008
* 65 Cf. C Thibon op. cit.
* 66 Colette B.
« l'enjeu congolais » op. cit.
* 67 C Thibon op. cit.
* 68 C Thibon, op. cit.
* 69 Idem.
* 70 Colette Braeckman,
« Guerre sans vainqueurs en République Démocratique du
Congo », le monde diplomatique avril 2001 pages 16 et 17.
* 71 Le Conseil de
Sécurité ne mentionnera pour la première fois la
présence des troupes Ougandaises et Rwandaises qu'en Juin 2000 dans sa
résolution 1304, pour condamner les affrontements de Kisangani, soit
plus de 2 ans après le début de la deuxième guerre du
Congo.
* 72 Colette Braeckman,
« Guerre sans vainqueurs en République Démocratique du
Congo » op. cit.
* 73 Le Conseil de
sécurité ne parlait jusqu'à lors que du retrait des
troupes étrangères sans distinction aucune
* 74 Arrivée de la
première unité de garde uruguayenne à Kalémie
* 75 Anne Dissez et Fouad
Srouji, « les hésitations de la politique
étrangère de Pretoria, Le Monde diplomatique, Octobre 2002 page
12
* 76
http://www.rfi.fr/fichiers/MFI/PolitiqueDiplomatie/1729.asp
consulté le 5 mai 2008
* 77Niagalé BAGAYOKO
« L'OPÉRATION ARTÉMIS, UN TOURNANT POUR LA
POLITIQUE EUROPÉENNE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE
? », WWW.CAIRN.INFO
* 78
http://www.icglr.org/F_END/fr_about.asp
consulté le 6 mai 2008
* 79 Cyril Musila,
« Enjeux de la réconciliation régionale dans les grands
lacs »,
http://www.irenees.net/en/fiches/analyse/fiche-analyse-503.html
* 80 Séminaire des
chercheurs et universitaires sur la région des grands lacs (24-27 juin
1997), « vers une citoyenneté transfrontalière dans la
région des grands lacs ». Genève, juillet 2007
* 81 Idem, a
recommandé la constitution d'un ensemble de cette envergure qui
regrouperait à terme 24 Etats appartenant à la région des
Grands Lacs et à des organisations comme la COMESA, la SADC, la CEPGL,
l'EAC.
* 82 Séminaire des
chercheurs et universitaires sur la région des grands lacs (24-27 juin
1997), op cit.
* 83 Ntumba Luaba Lumu,
« Ressemblances et dissemblances institutionnelles entre la CEDEAO,
la CEEAC et la ZEP » dans « Intégration et
Coopération Régionale en Afrique de l'Ouest », Karthala
1996
* 84 PA Wiltzer,
« VERS UNE PAIX ET UN DÉVELOPPEMENT DURABLES EN
AFRIQUE » - Afrique Contemporaine, 2004
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