La pluralité comme condition de l'action et du pouvoir politique chez Hannah Arendt( Télécharger le fichier original )par André-Joël MAKWA Université Pontificale Grégirienne/ Faculté de Philosophie Saint Pierre Canisius-Kinshasa - Graduat en Philosophie 2006 |
I. 1. 4. Dualisme entre le privé et le socialAvec l'avènement du "social", un bouleversement s'est produit entre le privé et le public. Déjà « la société, en pénétrant dans le domaine public, se travestit en organisation des propriétaires qui, au lieu de demander accès au domaine public en raison de leur fortune, exigèrent qu'on les en protégeât afin de pouvoir grossir cette fortune. »19(*) Une tentation parait ici claire, celle d'accroître sa fortune tout en créant des structures de protection, même des structures injustes. Jean Bodin affirme que le gouvernement relève des rois et que les sujets ont la propriété. En d'autres termes, la tâche des rois, c'est de gouverner dans l'intérêt des sujets. Toutefois, la contradiction entre le privé et le public vue comme caractéristique des premières étapes de la modernité, présageait l'effacement de la différence entre les domaines privé et public. Les deux domaines faisaient désormais partie de la sphère du social. Leur disparition a entraîné deux conséquences : le public est devenu une fonction du privé et le privé s'est transformé en une seule et unique préoccupation commune. Mais le public s'est-il dissout dans le social ? La propriété ayant été déjà transformée en intérêt public, « a perdu sa valeur d'usage, [...] pour prendre une valeur exclusivement sociale déterminée par sa perpétuelle mutabilité. »20(*) Ainsi, c'est par perte de sa valeur d'usage que le public entrera dans le domaine du social. D'après Hannah Arendt, il faut bien considérer les caractères non privatifs du privé, si l'on veut comprendre le danger de l'élimination du privé. Ainsi, deux caractéristiques permettent de différencier ce que nous possédons en privé de ce que nous avons en commun. Premièrement, ce que nous avons en privé - ce que nous utilisons et consommons quotidiennement - est plus important que ce que nous avons en commun. Cela permet de comprendre John Locke lorsqu `il affirme que le commun ne sert à rien sans la propriété privée. Contre le privé, Hannah Arendt présente le domaine public comme un espace de liberté où l'homme en tant qu'animal politique entre en égal avec ses pairs et s'occupe des affaires de la polis. Cet espace public est celui du déploiement de la liberté et de la parole. L'espace privé est, quant à lui, compris comme celui de la privation. Ici on est privé du public, on n'a pas le droit de s'intéresser aux affaires de la polis, parce qu'elles émanent des hommes libres. Cependant, quand il est question de la propriété, le privé perd le caractère privatif, et même son opposition au public devient moins significative. La propriété privée, loin d'être confondue avec la richesse, donne lieu et indépendance au citoyen en lui ouvrant ainsi la possibilité d'intervenir librement dans l'espace public. La richesse est d'ordre social et est le devenir public du privé. Elle peut réduire l'homme libre à un être soumis à la nécessité, à l'animal laborans. * 19 Idem., p. 79 * 20 Idem., p. 81. |
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