DEDICACES
À
Mon père Dieudonné KAMENI ;
Ma mère Véronique KAMENI ;
Mes soeurs Michelle et Varelle ;
Tous ceux qui me sont chers.
Qu'ils trouvent en ceci le résultat de leurs efforts,
encouragements et soutiens conjugués.
REMERCIEMENTS
Le présent mémoire a été
préparé grâce à la contribution
généreuse de nombreuses personnes. Qu'il nous soit permis de
remercier tout spécialement notre directeur de mémoire, M. Jean
Cléophas ONDO pour avoir accepté de diriger ce travail
jusqu'à son terme en offrant avec patience et dévouement une aide
constante. Mes sincères remerciements à lui pour mon initiation
à la recherche et soyez assurer de mon profond respect.
Nous souhaitons également adresser notre
reconnaissance à Monsieur le Directeur Général de l'ISSEA
pour la formation reçue et à travers sa personne, à tout
le personnel académique de l'institut.
Une gratitude particulière à l'endroit de
Monsieur le Directeur Général de l'INS pour avoir mis à
notre disposition la base de données nécessaire à nos
analyses, malgré que les résultats de l'enquête MICS 2006
ne fussent point publiés jusqu'alors. L'on ne saurait oublier la
générosité dans cette institution de Mme NIEKOU et M.
LIBITE qui ont participé à l'obtention de cette base et les
conseils de M. Sévérin TCHOMTE dont la portée fut pour
nous une véritable source d'inspiration.
Nous tenons également à remercier Mlle Dulcy
GNINGHAYE, M. Frank NDEKOUONG, M. Marcel TCHOFACH, M. Aristide EVOUNA, M.
Martial TANKOU, M. Hermann KWITOU pour les discussions critiques et les
remarques faites en vue de l'amélioration de ce travail.
Nos remerciements vont également à l'endroit de
tous nos camarades de classe et plus particulièrement, Steve GUI-DIBY,
Steve NANA, Danièle DJOTO pour le soutien amical accordé tout au
long de notre formation et au cours de cette recherche.
À notre famille pour l'attention constante qu'elle
nous a apportée jusqu'à ce jour. Puisse-t-elle trouver dans ce
travail un motif supplémentaire de fierté.
Nous remercions tous ceux et toutes celles qui, directement
ou indirectement, ont guidé nos efforts et nous nous réservons
l'entière responsabilité des erreurs ou omissions
éventuelles.
TABLE DES
MATIERES
DEDICACES..............
i
REMERCIEMENTS
ii
TABLE DES MATIERES
iii
LISTE DES TABLEAUX
vi
LISTES DES FIGURES
viii
SIGLES ET ABREVIATIONS
ix
AVANT-PROPOS
xi
RESUME.................
xii
ABSTRACT.............
xiii
INTRODUCTION GENERALE
1
PREMIERE PARTIE : CONCEPTS ET FONDEMENTS THEORIQUES
RELATIFS AU TRAVAIL DES
ENFANTS........................................................6
CHAPITRE 1 : ENFANCE, TRAVAIL DES
ENFANTS ET RENDEMENT SCOLAIRE
7
1.1. Définition des concepts
7
1.1.1. Notion d'enfance
8
1.1.2. Notion de travail des enfants
9
1.1.2.1. Population économiquement active
infantile
9
1.1.2.2. Travail des enfants
9
1.1.2.3. Travail dangereux et les
« formes intrinsèquement condamnables du travail des
enfants »
11
1.1.3. Notion de rendement scolaire
13
1.2. Historique et typologie du travail des
enfants
15
1.2.1. Bref historique du travail des enfants
15
1.2.2. Typologie sommaire du travail des
enfants
16
1.2.3. Types de travail effectués par les
enfants
18
1.2.3.1. Travail dans l'agriculture
18
1.2.3.2. Travail dans le secteur
manufacturier
18
1.2.3.3. Travail dans le secteur informel
19
1.2.3.4. Travail domestique
19
CHAPITRE 2 : APERÇU DE LA
LITTÉRATURE ÉCONOMIQUE SUR LE TRAVAIL DES ENFANTS
21
2.1. Approche en termes de bien - être des
ménages
22
2.1.1. Arbitrage travail - loisir : le
modèle de Basu et Van
22
2.1.1.1. Hypothèses du modèle
22
2.1.1.2. Cadre d'analyse du modèle
24
2.1.2. Inégalité de revenus et
récession économique
24
2.1.2.1. Inégalité de revenus
25
2.1.2.2. Chocs économiques
25
2.2. Approche en termes de bien-être des
enfants
27
2.2.1. Arbitrage éducation - travail dans un
environnement d'imperfection du marché des capitaux
27
2.2.2. Innovation technologique et analyse
coût-bénéfice
29
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL DES ENFANTS ET RENDEMENT
SCOLAIRE DANS LE CONTEXTE
CAMEROUNAIS................................................31
CHAPITRE 3 : SITUATION DU TRAVAIL DES
ENFANTS AU CAMEROUN
32
3.1. Cadre réglementaire et informationnel
du travail infantile au Cameroun
32
3.1.1. Spécification du cadre
réglementaire
33
3.1.1.1. État des lieux de la
législation camerounaise en matière de lutte contre le travail
des enfants
33
3.1.1.2. Institutions liées au travail des
enfants au Cameroun
34
3.1.2. Cadre informationnel
35
3.1.2.1. Cadre général
35
3.1.2.2. Enquête par grappes à
indicateurs multiples de troisième génération
38
3.1.2.2.1. Objectifs de la MICS III
38
3.1.2.2.2. Modules retenus par la MICS III
38
3.1.2.3. Enquête sur l'Emploi et le Secteur
Informel phase 1
40
3.1.2.3.1. Objectifs de l'EESI phase 1
40
3.1.2.3.2. Modules retenus par l'EESI phase 1
41
3.2. Panorama de la situation réelle du
travail des enfants au Cameroun
42
3.2.1. Ampleur du travail des enfants
42
3.2.1.1. Au niveau national
43
3.2.1.2. Au niveau des zones rurales/urbaines et
régions
45
3.2.2. Caractéristiques du travail des
enfants
46
3.2.2.1. Caractéristique 1 : la
durée
47
3.2.2.2. Caractéristique 2 : la
nature des emplois
47
3.2.3. Travail des enfants et
scolarité
50
3.2.3.1 Fréquentation scolaire
50
3.2.3.2. Rendement scolaire
52
CHAPITRE 4 : EFFET DU TRAVAIL DES
ENFANTS SUR LE RENDEMENT SCOLAIRE
58
4.1. Approche descriptive de la relation entre
travail des enfants et rendement scolaire
58
4.1.1. Présentation des variables de
l'analyse factorielle discriminante et analyse descriptive
58
4.1.1.1. Les variables
59
4.1.1.2. Analyse descriptive
59
4.1.2. Interprétations des
résultats de l' analyse factorielle discriminante
61
4.2 Approche économétrique
de la relation entre travail des enfants et rendement
scolaire..............
62
4.2.1. Présentation des variables du
modèle
62
4.2.2. Résultats
économétriques et interprétations
64
4.2.2.1. Analyse du rendement scolaire selon le
sexe
64
4.2.2.2. Analyse du rendement scolaire
selon le sexe et le milieu de résidence
69
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
72
BIBLIOGRAPHIE
74
ANNEXES..........................................................................................................78
LISTE DES
TABLEAUX
Tableau 1 : Typologie sommaire du travail
des enfants............................................ 16
Tableau 2 : Structure du questionnaire
MICS III, Cameroun 2006.............................. 39
Tableau 3 : Incidence du travail des
enfants de 5-14 ans selon le sexe, l'âge et certaines
caractéristiques - pourcentage - Cameroun
2006................................... 44
Tableau 4 : Heures de travail
hebdomadaires des enfants de 5-14 ans selon le sexe - Cameroun
2006...........................................................................
47
Tableau 5 : Revenu annuel des enfants
travailleurs de 10-14 ans selon le sexe et le milieu de résidence -
Cameroun 2005............................................................ 49
Tableau 6 : Catégorie
d'activité des enfants de 5-14 ans par sexe et milieu de
résidence - pourcentage - Cameroun
2006......................................................... 50
Tableau 7 : Taux de scolarisation des
enfants âgés de 5 à 14 ans selon quelques
caractéristiques - Cameroun
2006...................................................... 52
Tableau 8 : Durée moyenne
d'activité des enfants travailleurs de 5-14 ans selon le sexe, la
fréquentation scolaire et divers paramètres - heurs/semaine -
Cameroun
2006.......................................................................................
53
Tableau 9 : Rendement scolaire
(réussite) des enfants de 5-14 ans selon le sexe et quelques
caractéristiques - pourcentage - Cameroun
2005................................... 54
Tableau 10 : Rapports de chances de
l'analyse de régression logistique sur les déterminants du
rendement scolaire des enfants de 5-14 ans selon le sexe et certaines
caractéristiques - Cameroun
2006................................................... 68
Tableau 11 : Rapports de chances de
l'analyse de régression logistique sur les déterminants du
rendement scolaire des enfants de 5-14 ans selon le sexe, le milieu de
résidence et certaines caractéristiques - Cameroun
2006........................ 71
Tableau A1 : Récapitulatif des
indicateurs de la MICS III et des OMD, Cameron 2006.... 78
Tableau A2 : Structure du questionnaire
EESI, phase 1........................................... .79
Tableau A3 : Incidence du travail des
enfants de 5-14 ans selon le type de travail, le milieu, la région, le
sexe et l'âge - pourcentage - Cameroun 2006...................... 80
Tableau A4 : Incidence du travail des
enfants de 5-14 ans selon le milieu et la région pourcentage - Cameroun
2006....................................................... 80
Tableau A5 : Secteurs
d'activités des enfants travailleurs de 10-14 ans - pourcentage -
Cameroun
2005........................................................................
81
Tableau A6 : Catégorie
professionnelle des enfants travailleurs de 10-14 ans - pourcentage - Cameroun
2005.........................................................................
81
Tableau A7 : Types d'emplois des
enfants travailleurs de 10-14 ans - pourcentage - Cameroun
2005.........................................................................
81
Tableau A8 : Nombre de jours moyen
d'école des enfants de 5-14 ans selon le sexe et le statut
d'activité - Cameroun
2006.................................................... 82
Tableau A9 : Incidence du travail et de
la scolarisation des enfants de 5-14 ans selon le niveau de vie du
ménage, le milieu et la région - pourcentage - Cameroun
2006................................................................................................................
82
Tableau A10 : Rendement scolaire des
enfants de 5-14 ans selon le sexe et la fréquentation scolaire -
pourcentage - Cameroun 2006......................................... 83
Tableau A11 : Rendement scolaire des enfants
de 5-14 ans selon le milieu et la fréquentation scolaire - pourcentage -
Cameroun 2006......................................... 83
Tableau B1 : Statistiques
générales des variables de
l'AFD..................................... 84
Tableau B2 : Matrice de
corrélation des variables explicatives de l'AFD.......................
84
Tableau B3 : Test unidimensionnel
d'égalité des moyennes des classes......................... 84
Tableau B4 : Résultats de
l'AFD.....................................................................
85
Tableau B5 : Quelques tests
statistiques de l'AFD................................................. 87
Tableau C1 : Coefficients de
régression des estimations probit des déterminants du rendement
scolaire des enfants de 5-14 ans selon le sexe et certaines
caractéristiques - Cameroun
2006................................................... 88
Tableau C2 : Effets marginaux des
estimations probit des déterminants du rendement scolaire des enfants de
5-14 ans selon le sexe et certaines caractéristiques - Cameroun
2006........................................................................
89
LISTES DES
FIGURES
Figure 1 : Définitions du
travail des enfants........................................................
13
Figure 2 : Incidence du travail des
enfants de 5-14 ans selon le sexe et la classe d'âge - pourcentage -
Cameroun 2006........................................................... 43
Figure 3 : Incidence du travail des
enfants de 5-14 ans selon le type de travail - pourcentage - Cameroun
2006..........................................................................
45
Figure 4 : Incidence du travail total et
du travail domestique de plus de 4 heurs/jour des enfants âgés de
5 à 14 ans par provinces - pourcentage - Cameroun
2006..........................................................................................
46
Figure 5 : Heure moyenne de travail par
semaine des enfants de 5-14 ans selon le sexe - Cameroun
2006............................................................................
47
Figure 6 : Types d'emplois des enfants
travailleurs de 10-14 ans - pourcentage - Cameroun
2005..........................................................................................
48
Figure 7 : Secteurs d'activités
des enfants travailleurs de 10-14 ans - pourcentage - Cameroun
2005............................................................................
48
Figure 8 : Catégorie
professionnelle des enfants travailleurs de 10-14 ans - pourcentage - Cameroun
2005.............................................................................
49
Figure 9 : Pourcentage de
réussite des enfants de 5-14 ans selon le statut d'occupation - Cameroun
2005............................................................................
55
Figure 10 : Pourcentage de
réussite des enfants de 5-14 ans selon le milieu et par statut
d'occupation - Cameroun
2005........................................................ 55
Figure 11 : Pourcentage de
réussite des enfants de 5-14 ans selon le sexe et par statut
d'occupation - Cameroun
2005........................................................ 56
Figure 12 : Schéma comparatif du
travail des enfants et de la scolarisation dans les dix provinces du
Cameroun................................................................. 56
Figure 13 : Schéma comparatif du
travail des enfants et du rendement scolaire dans les dix provinces du
Cameroun..................................................................
57
Figure B1 : Projection des variables de
l'AFD sur l'axe factoriel................................ 86
Figure B2 : Projection des individus de
l'AFD sur l'axe factoriel................................ 86
SIGLES ET
ABREVIATIONS
ACP Analyse en Composantes Principales
AFD Analyse Factorielle Discriminante
BIT Bureau International du Travail
CEMAC Communauté Économique et Monétaire
d'Afrique Centrale
DSRP Document de Stratégie de Réduction de la
Pauvreté
ECAM Enquête Camerounaise Auprès des
Ménages
EDS Enquête Démographie et de Santé
EDSC Enquête Démographie et de Santé du
Cameroun
EESI Enquête sur l'Emploi et le Secteur Informel
ENTE Enquête Nationale sur le Travail des Enfants
INS Institut National de la Statistique
IPEC International Program on the Elimination of Child labour
(en français, Programme International pour l'abolition du travail des
Enfants)
ISSEA Institut Sous-régional de Statistique et
d'Économie Appliquée
LSMS Living Standard Measurement Studies (en français,
enquêtes sur les conditions de vie)
LUTRENA « Projet sous-régional de lutte
contre le trafic des enfants à des fins d'exploitation de leur travail
en Afrique de l'Ouest et du Centre »
MICS Multiple Indicators Cluster Survey (en français,
Enquête par Grappes à Indicateurs Multiples)
MINTSS Ministère du Travail et de la
Sécurité Sociale
OIT Organisation Internationale du Travail
OMD Objectifs du Millénaire pour le
Développement
OMS Organisation Mondiale de la Santé
ONG Organisation Non Gouvernementale
PAMDE Plan d'Action un Monde Digne des Enfants
PSM Programme de Statistique Minimum
SIDA Syndrome Immuno Déficitaire Acquis
SIMPOC « Programme d'information statistique et de
suivi sur le travail des enfants »
STATA « Logiciel statistique de gestion et d'analyse
des données »
TBS Tableau de Bord Social
UNESCO United Nations Educational, Scientific and Cultural
Organization (en français, Organisation des Nations Unies pour
l'éducation, la science et la culture)
UNICEF « Fonds des Nations Unies pour
l'enfance »
UPI Unité de Production Informelle
VIH Virus de l'Immunodéficience Humain
AVANT-PROPOS
La formation d'Ingénieur d'Application de la
Statistique est l'une des vocations de l'Institut Sous-régional de
Statistique et d'Économie Appliquée. Au terme de cette formation
de quatre ans au sein de cette institution spécialisée de la
CEMAC, l'élève ingénieur est appelé à
rédiger un mémoire qui devra être présenté et
soutenu devant un jury. Marquant ainsi sa dernière année
d'études, ce mémoire a pour but d'initier l'étudiant
à la recherche ainsi qu'au plaidoyer d'un travail scientifique.
D'après le rapport annuel 2007 de l'UNICEF sur la
situation des enfants dans le monde, près 54 % des enfants de 5 à
14 ans sont astreints au travail au Cameroun. Ce pourcentage soulève
bien des questions : pourquoi les enfants travaillent-ils ? Quels
sont les facteurs qui les poussent à travailler ? Quelle
interaction y aurait-il entre leur travail et leur rendement scolaire ?
Pourquoi la société tolère-t-elle ce fléau ?
La présente recherche dont le thème
est : « Travail des enfants de 5-14 ans et
rendement scolaire au Cameroun » essaye d'apporter sa
contribution à cet épineux problème qu'est le travail des
enfants. En effet, le rapport des enfants au marché du travail constitue
un enjeu décisif pour la dynamique présente et à venir de
la pauvreté dans les pays africains. C'est dans cette logique et dans ce
cadre que nous présentons ce mémoire. Puisse ce dernier,
atteindre son objectif principal, tout particulièrement contribuer
à l'avancée des recherches sur le travail des enfants.
RESUME
Le travail des enfants est un phénomène tout
à fait connu et très répandu au Cameroun. Lorsqu'il
détourne l'enfant de l'école ou bien joue négativement sur
son assiduité scolaire et par là même, sur son rendement
scolaire, il y a lieu d'intervenir.
En s'appuyant sur les informations de l'enquête par
grappes à indicateurs multiples MICS réalisée par l'INS en
2006, le présent mémoire examine l'impact du travail infantile
sur le rendement scolaire des enfants âgés de 5 à 14 ans au
Cameroun. Il étudie par conséquent les facteurs explicatifs du
rendement scolaire (« succès » ou
« échec ») des enfants et, en particulier, celui du
facteur travail. Une régression logistique est utilisée en vue
de capter l'effet net de chacune des variables susceptibles d'influencer le
rendement scolaire et en particulier celles liées au travail infantile.
Le rendement scolaire des enfants au Cameroun a une relation
avec le travail infantile. Cette relation a été corroborée
par les analyses multiples économétriques que nous avons
effectuées. Ainsi, il ressort de ces analyses que le fait de travailler
n'empêche pas l'enfant de réussir à condition que le nombre
d'heures consacrées au travail par ce dernier ne dépasse pas un
certain seuil. Au Cameroun, les enfants qui combinent école et travail
sont autant assidus à l'école que leurs homologues
élèves à plein temps et ont même plus de chances de
réussir que ces derniers. Cette situation prévaut
indépendamment du sexe et du milieu de résidence. Les filles ont
plus de chance de réussir que les garçons, alors que de
façon générale, les enfants du milieu urbain ont plus de
chance de réussir que ceux du milieu rural. L'enseignement principal
à tirer de cette étude est que le fait de considérer comme
priorité absolue l'élimination du travail des enfants de 5-14 ans
au Cameroun n'est pas la meilleure approche pour résoudre ce
fléau. Il serait souhaitable de voir dans quelle mesure les enfants
travailleurs, âgés de 5 à 14 ans, peuvent continuer
à travailler tout en étant également scolarisés,
car le fait de travailler est parfois une nécessité pour ces
enfants ainsi que pour leurs familles.
Mots clés : travail des enfants, rendement
scolaire, famille, enfance, intensité, incidence.
ABSTRACT
Child Labour is a well known and wildly spread phenomenon in
Cameroon. When this situation hinders the child from going to school or even
when a child who is concern by this goes to school, it affects negatively his
seriousness in studying and henceforth his academic performance. There is then
need to intervene.
The present work, based on the results of the Multiple
Indicators Cluster Survey MICS undertaken by the National Institute of
Statistics in 2006, examines the impact of child labour on the academic
performance of children aged from 5 to 14 years in Cameroon. It therefore
studies the factors which influence the academic performance of children
(«success» or «failure») and particularly, that of labour.
In order to capture the real effect of each of the variable which can affects
the academic performance, we will use logistic regression. We will put an
accent on the effect of child labour.
There is a relationship between child labour and academic
performance in Cameroon. All the multiple econometric analysis we have done in
this work bring out clearly this relationship. Then, our analysis clearly shows
that the fact that a child works does not affects his academic performance,
except he goes beyond a certain level. In fact, in Cameroon, children who go to
school and work are as serious as those who go only to school and moreover even
have bigger chances to succeed. This situation is observed separately from the
sex or the place of living of the child. Girls have bigger chances to succeed
than boys and children in the urban milieu have greater chances also to succeed
than those of the rural milieu. The principal lesson to draw from this work is
that the fact of considering as priority to eradicate child labour in Cameroon
is not the best idea to solve this problem. We have to see how children, aged
between 5 and 14 years, who work can even work more because their work is
necessary not only for them but also for their families.
Key words: child labour, academic performance, family,
childhood, intensity, impact.
INTRODUCTION GENERALE
Phénomène social, culturel et économique,
le travail des enfants naguère un sujet tabou qui ne pouvait être
traité sans provoquer un véritable malaise ; malaise aussi
bien chez les personnes directement concernées (les parents et leurs
enfants au travail) qu'auprès des décideurs politiques, des
entreprises et autres employeurs d'une population en bas âge ;
population qui est théoriquement tenue d'aller à l'école
et être légalement protégée contre un emploi
précoce. De nos jours, l'existence du phénomène est tout
à fait connue et occupe depuis un certain temps, une place importante
dans la conscience publique, avec en prime, l'expression d'une volonté
d'y faire face. C'est ainsi que l'on voie s'organiser ici et là, des
colloques, des manifestations, des forums et des émissions
radiotélévisées consacrés à ce sujet. Il est
au coeur de divers projets de recherche et une multitude d'ouvrages, articles
et études sont parus sur le sujet. Bien que ce fléau soit
largement étudié dans le monde, bien peu d'études s'y sont
attaquées au Cameroun.
Le travail des enfants demeure à l'échelle
mondiale, un phénomène de grande ampleur. Depuis le début
des années quatre vingt, ce phénomène suscite une nouvelle
mobilisation notamment de la part des médias et des institutions
internationales. En réalité, les enfants exercent des
activités qui peuvent aller d'activités bénéfiques
renforçant ou favorisant ainsi leur développement physique,
à des activités manifestement destructrices ou synonymes
d'exploitation. Le bureau des statistiques de l'Organisation Internationale du
Travail (OIT) estime, à plus de 200 millions le nombre d'enfants dans le
monde qui sont impliqués dans le travail des enfants, affectant ainsi
leur développement physique, mental et émotionnel. Près de
trois quarts de ceux-ci prennent part aux plus mauvaises formes du travail des
enfants notamment la traite, les conflits armés, l'esclavage,
l'exploitation sexuelle et les travaux dangereux.
Le travail des enfants est un fait réel dans presque
tous les pays du monde. Mais c'est en Afrique que ce fléau est le plus
répandu, en particulier dans l'agriculture, l'élevage et
l'exploitation minière1(*). D'après les estimations du Programme
International pour l'abolition du travail des Enfants (IPEC en anglais), les
enfants commencent parfois à travailler dès l'âge de cinq
ans, ce qui implique que les enfants de moins de 10 ans représentent 20
% de la main-d'oeuvre infantile dans certaines zones rurales. Ce qui
sous-entend, une proportion élevée d'enfants non
scolarisés. Dans toute l'Afrique, on estime qu'environ 80 millions
d'enfants travaillent ; chiffre qui pourrait atteindre 100 millions en
2015. D'après l'OIT, 41 % des enfants africains de 5 à 14 ans
participent à une activité économique, contre 21 % en Asie
et 17 % en Amérique latine. Chez les filles, ce chiffre est tout aussi
élevé : 37 % en Afrique contre 20 % en Asie et 11 % en
Amérique latine. Ce phénomène est très
répandu dans les pays d'Afrique sub-saharienne, caractéristique
de la pauvreté qui tenaille ces pays. Dans un contexte de
pauvreté extrême, caractérisé par le faible
accès à l'éducation, la participation au trafic des
stupéfiants et autres activités particulièrement
dangereuses pour la santé et la sécurité des enfants,
beaucoup d'enfants âgés de moins de 14 ans quittent leur famille
pour trouver du travail. Ils vont très souvent jusqu'à traverser
les frontières pour se rendre dans les pays voisins. Ces enfants
effectuent des travaux ardus et mal payés, ouvriers sur des plantations
ou domestiques, dans des situations sanitaires dangereuses, parfois battus, ou
victimes de violences sexuelles.
L'histoire des sociétés nous indique que les
enfants ont toujours participé dans une plus ou moins large mesure aux
activités économiques pour contribuer à l'existence
commune2(*). Il n'y a pas
longtemps que le travail des enfants est considéré comme un
problème social. L'un des premiers actes y relatifs est la convention
n°138 de l'OIT, adoptée en 1973, qui incite les pays à fixer
à 14 ou 15 ans l'âge légal du travail. Celle-ci a fait
très peu d'adeptes, 112 pays à peine l'ayant ratifié en
2000. Il a fallu attendre l'adoption de la convention n° 182, qui interdit
les pires formes de travail des enfants pour voir une large mobilisation,
puisqu'elle a été ratifiée par 100 pays au bout de deux
ans seulement. Ces conventions amènent à voir dans le travail
précoce, un obstacle au développement harmonieux, physique et
psychique. Le fait pour un enfant de travailler avant l'âge mature peut
être néfaste pour lui : par exemple, un enfant qui travaille
réduit indûment son bien-être économique
présent ou ses capacités futures à se faire un revenu,
soit par le rétrécissement de son horizon en matière de
choix ou à travers la réduction de ses propres capacités
individuelles de production dans le futur.
Les enfants ne possèdent pas pleinement les
capacités physiques et mentales requises, nécessaires au travail
et par conséquent ont un rendement nettement inférieur à
celui des adultes. Si le travail des enfants demeure avantageux pour
l'employeur, c'est qu'il est rémunéré beaucoup moins
encore qu'il ne devrait l'être eu égard à sa
productivité.
De nombreux économistes s'accordent sur le fait que le
travail des enfants est à la fois une cause et une conséquence de
la pauvreté et dilapide le capital humain d'un pays. Il fait souvent
obstacle à l'éducation, particulièrement celle des filles.
Les pires formes de travail des enfants à l'instar de la prostitution et
la traite, sont à la fois une cause et une conséquence de la
pandémie du VIH/SIDA. Il parait donc particulièrement important
d'éradiquer le travail des mineurs afin de réaliser le premier
Objectif du Millénaire pour le Développement (éliminer la
pauvreté extrême et la faim), ainsi que le deuxième
(assurer l'éducation primaire pour tous) et le sixième (combattre
le VIH/SIDA, le paludisme et d'autres maladies).
Au Cameroun, le travail des enfants devient un problème
sérieux. À l'instar des autres pays du monde, il n'est pas
épargné par ce fléau et s'est engagé auprès
de l'OIT à contribuer à l'amélioration de la situation des
enfants camerounais ; ceci à travers la ratification des
conventions et recommandations internationales sur le sujet. En effet,
d'après le rapport annuel 2007 de l'UNICEF sur la situation des enfants
dans le monde, près de 54 % des enfants de 5 à 14 ans sont
astreints au travail au Cameroun. Cette proportion soulève bien des
questions. Certes, l'utilisation de la force de travail de l'enfant dans les
activités domestiques ou productrices du ménage affecte son
rendement scolaire. Mais empêche-t-elle tout de même sa
réussite scolaire ? Cette question relève d'une grande
importance car, selon l'article 7 de la convention de l'OIT (n°138),
l'emploi à des travaux légers est autorisé pour les
personnes de 12 ou 13 ans à condition que ces travaux « ne
soient pas de nature à porter préjudice à leur
assiduité scolaire » ni « à leur aptitude
à bénéficier de l'instruction
reçue »3(*).
Dans ce mémoire, nous tentons d'apporter un
élément nouveau aux travaux déjà
réalisés en répondant aux questions suivantes : dans
un contexte de pauvreté accrue à l'image de celle qui
prévaut au Cameroun, peut-on concilier travail et éducation chez
les enfants de cette nation ? L'éducation doit-elle être une
alternative ou une complémentarité au travail des enfants au
Cameroun ? Autrement dit, le lien entre la scolarisation et le travail des
enfants au Cameroun se comprend t-il dans une approche
coût/bénéfice ? En d'autres termes, la décision
du ménage dans lequel évolue l'enfant dépendra t- elle
fortement du choix qu'il opèrera entre le revenu futur (si l'enfant est
scolarisé) et le revenu présent (dans le cas où l'enfant
est mis au travail) ? Notre préoccupation est donc la
suivante : quel est l'effet du travail des enfants sur leur rendement
scolaire au Cameroun ?
L'objectif principal de notre travail est d'aider à
mieux comprendre le phénomène du travail des enfants au Cameroun.
Pour y arriver, on adopte une approche intégrée de
l'égalité entre les sexes. La prise en compte des
résultats attendus est la meilleure susceptible de bien diriger les
politiques visant à augmenter le rendement scolaire des enfants dans un
environnement où ils sont confrontés à plusieurs
responsabilités. Ce faisant, les objectifs spécifiques que cette
étude vise à atteindre sont :
· examiner les principales caractéristiques du
travail des enfants au Cameroun ;
· analyser les disparités entre les situations des
filles et des garçons ;
· analyser les disparités
régionales ;
· déceler les facteurs de la réussite
scolaire au Cameroun ;
· analyser l'incidence du travail des enfants sur leur
réussite scolaire au Cameroun.
Ce choix est également opéré pour pouvoir
faire des comparaisons avec les pays où les données existent.
Pour atteindre les objectifs définis
précédemment, la démarche envisagée dans cette
étude s'articule autour de quatre étapes.
D'entrée de jeu, il est question de préciser les
concepts d'« enfance », de « travail des
enfants » et de « rendement scolaire » à
la lumière des objectifs de l'étude et au regard des sources de
données disponibles notamment MICS 2006 (chapitre 1). En second lieu,
nous procéderons, à travers une revue de la littérature,
à une présentation des théories relatives au travail
infantile (chapitre 2). En troisième lieu sera présenté un
panorama de la situation du travail des enfants au Cameroun, à partir
des données des enquêtes MICS 2006 et EESI 2005 (chapitre 3).
Enfin, le quatrième chapitre portera sur l'analyse empirique de l'effet
du travail des enfants sur le rendement scolaire. La démarche
méthodologique consiste au préalable à effectuer une
analyse factorielle discriminante descriptive afin de mieux interpréter
la façon dont les groupes d'enfants ayant réussi et ceux ayant
échoué diffèrent au regard de certaines
caractéristiques. Ensuite, on cherche à expliquer le rendement
scolaire des enfants au moyen d'une régression logistique. Les
caractéristiques individuelles des enfants, la structure et la
composition du ménage, le volume de travail auquel est astreint l'enfant
constituent les variables explicatives clés de l'analyse.
L'étude débouchera sur des recommandations
à l'attention des décideurs, des partenaires au
développement et à la société civile en vue d'une
amélioration de la situation des enfants travailleurs, et
adaptées aux besoins des populations spécifiques des zones et
couches démunies.
PREMIÈRE PARTIE :
CONCEPTS ET FONDEMENTS THÉORIQUES RELATIFS AU
TRAVAIL DES ENFANTS
Cette première partie est consacrée aux concepts
et théories relatifs au travail des enfants. Elle comprend deux
chapitres. Dans le premier, nous présentons les concepts et les
définitions nécessaires pour appréhender le
phénomène du travail des enfants. Dans le deuxième, nous
passons en revue les différentes théories économiques
traitant du travail des enfants.
CHAPITRE 1 : ENFANCE,
TRAVAIL DES ENFANTS ET RENDEMENT SCOLAIRE
L'intérêt premier suscité par la question
du travail des enfants se situe dans la définition des concepts
« enfant » et « travail » (BIT,
1997)4(*). Celle-ci pose
problème dans la mesure où il est difficile de faire
césure exacte entre ce qui relève du travail des enfants et ce
qui n'en relève pas ; la définition variant suivant la
signification qu'on donne aux termes « enfant » et
« travail ». En effet, comme le soulignait Schlemmer
(1996) : « comment considérer comme travail l'aide
ménagère qu'apporte cette fille à sa propre famille, le
coup de main que donne ce garçon dans la boutique de son père
[...], ou encore l'aide ménagère qu'apporte une fillette à
la famille qui a accepté de l'accueillir, le coup de main que donne ce
garçon placé en apprentissage ? ».
L'objectif de ce chapitre est d'aider à mieux
comprendre les concepts connexes au travail des enfants en incluant des
distinctions conceptuelles qui permettront par la suite, de mieux investir la
typologie du travail infantile. Par ailleurs, nous préciserons ce qu'on
entend par rendement scolaire. Ainsi, ce chapitre s'articulera dans un premier
temps autour de la clarification des concepts « enfance »,
« travail des enfants » et « rendement
scolaire ». Ensuite, nous aborderons l'historique du travail
infantile et terminerons par une classification sommaire et
détaillée des travaux effectués par les enfants.
1.1. Définition des
concepts
La littérature distingue plusieurs définitions
des concepts « enfance » et « travail des
enfants ». Cette section présente donc ces distinctions
conceptuelles et clarifie la notion de rendement scolaire.
1.1.1. Notion d'enfance
La littérature offre une pléthore de
définitions pour le concept « enfant ». En
général dans ces définitions, l'âge et les facteurs
socio-culturels jouent un rôle important. Dans de nombreuses
sociétés, une personne jeune est considérée comme
« enfant » plus en fonction de ses responsabilités
sociales plutôt que de son âge. Selon la Convention des Nations
Unies sur les Droits de l'Enfant adoptée en 1989, tout comme la
Convention sur le travail des enfants de l'Organisation Internationale du
Travail (OIT, convention n°182) adoptée en 1999, est appelé
« enfant » tout individu âgé de moins de 18
ans5(*). Cependant, ces
conventions entrevoient une limite d'âge inférieure à 18
ans au cas où la majorité est atteinte plus tôt en vertu de
la législation en vigueur. La définition de l'enfant pour
l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) quant à elle prend en
compte les aspects biologique, psychologique, économique et
social ; notamment la maturité sexuelle et l'indépendance
économique, mais ne tient pas compte de l'âge. Selon certains,
c'est l'aspect juridique qui prévaut alors que pour d'autres la
qualité d'enfant relève plutôt des considérations
sociales. Au Cameroun, la Loi N° 92/007 du 14 août 1992, portant
Code du Travail définit un enfant comme étant « un
individu âgé de moins de 14 ans6(*) ».
Étant donné que les enfants de moins de cinq ans
travaillent assez rarement ne serait-ce qu'en raison de leurs faibles
capacités physiques, la classe d'âge retenue dans les estimations
du travail des enfants de l'OIT est celle des enfants âgés de 5
à 17 ans. Le travail des enfants de 15-17 ans n'est cependant
comptabilisé que dans des activités dangereuses.
Le présent mémoire fait abstraction des
difficultés inhérentes à la définition de ce
concept sociologique et retiendra par la suite la plage d'âge 5-14
ans7(*) comme seul
critère pour caractériser les enfants. Cette limite d'âge a
pour avantage de correspondre dans beaucoup de pays à celle de la
scolarité obligatoire (temps de séjour des enfants dans
l'enseignement primaire) et permet ainsi des comparaisons internationales.
1.1.2. Notion de travail des
enfants
L'OIT distingue quatre catégories imbriquées
d'enfants travailleurs (en anglais, « child
workers ») : les enfants économiquement actifs, les
travailleurs enfants (en anglais, « child
laborers »)8(*), les enfants astreints à des travaux dangereux,
les enfants astreints à des formes de travail intrinsèquement
condamnables. La définition du « travail des enfants à
abolir » résulte du croisement de ces catégories avec
l'âge des enfants.
1.1.2.1. Population
économiquement active infantile
La population économiquement active infantile est
définie exactement comme la population économiquement active
adulte. Selon l'OIT (2000)9(*), la population économiquement active
« comprend toutes les personnes des deux sexes qui fournissent durant
une période de référence spécifiée, la main
d'oeuvre disponible pour la production de biens et services comme
définis par les systèmes de comptabilité et bilans
nationaux des Nations Unies ». Autrement dit, un enfant entre dans
cette catégorie s'il a consacré (au cours de la semaine de
référence) une heure au moins de son temps à une
activité économique (travail rémunéré ou
pas, pour l'autoconsommation, etc.), s'il n'a pas travaillé mais occupe
normalement un emploi, ou s'il a recherché un emploi. Cette
définition exclut les tâches domestiques et les activités
inhérentes à la scolarité.
1.1.2.2. Travail des
enfants
Ce que l'on appelle « travail des
enfants » recouvre une réalité très
hétérogène, qu'il n'est pas possible de catégoriser
simplement10(*). Les
critères de jugement sont extrêmement variables d'une
société ou d'une catégorie sociale à l'autre. Cette
complexité a été relevée par Schlemmer
(1996) : « quand "l'éducation", au sens de la
préparation à la vie adulte, s'effectue par les parents, dans le
cadre des activités familiales, le "travail", au sens de tâches
ménagères ou de soins domestiques, commence souvent avec les
premiers pas et s'accroît en même temps que la force physique de
l'enfant, ses connaissances et sa capacité à remplir les petites
obligations de la vie quotidienne. Aujourd'hui, des millions d'enfants sont
élevés dans un contexte où les notions "aides aux
parents", "éducation et préparation à la vie adulte" et
"travail" sont bien difficiles à distinguer les unes des autres
».
Du point de vue de la théorie économique, toutes
les activités autres que l'école et le loisir devraient
être considérées comme travail. Cette définition
inclut alors les travaux effectués après l'école dans le
cadre d'une activité économique familiale, les tâches
domestiques telles que le ménage ou la surveillance des frères et
soeurs.
Du point de vue politique, on distingue les différentes
formes plus ou moins acceptables du travail des enfants. Ainsi, selon le Bureau
International du Travail (BIT), le travail des enfants fait
référence à tout travail qui nuit aux enfants sur le plan
mental, physique ou moral, qui peut avoir un effet négatif sur le
développement mental et social et affecte leur scolarité en les
privant de l'opportunité d'aller à l'école ou en les
obligeant à quitter l'école prématurément. L'OIT
réserve le terme « travail enfantin » (en anglais,
« child labor ») aux formes de travail des enfants
« qui devraient être éliminées ». Cette
définition tente d'isoler les formes de travail néfastes pour le
développement. Les enfants économiquement actifs
âgés de 15 ans ou plus qui exercent une activité qui n'est
pas considérée comme dangereuse et les actifs de 12 à 14
ans qui exercent une activité dangereuse pendant moins de 14 heures par
semaine sont exclus de cette catégorie.
L'UNICEF retient pour sa part une définition plus large
du concept en considérant qu'un enfant travaille « lorsqu'il
exécute une tâche rémunérée ou non pour une
personne autre qu'un membre du ménage ou lorsqu'il consacre plus de
quatre heures par jour aux travaux ménagers et/ ou autres tâches
au sein du ménage ». Pour la Banque Mondiale, le travail des
enfants est défini comme « [...] un travail
exécuté par les enfants qui sont trop jeunes au sens qu'en le
faisant, ils réduisent indûment leur bien être [...] ou leur
capacité future à se faire un revenu ».
D'autres définitions mettent en exergue le volume
horaire, d'autres par contre insistent sur la pénibilité du
travail par rapport à l'âge de l'enfant ou encore l'aspect
domestique du travail et la rémunération qui en résulte
ou, tout simplement, le fait de travailler dans un cadre familial ou non.
Au Cameroun, la Loi No 92/007 du 14 août
1992, portant Code du Travail interdit tout emploi salarié des enfants
âgés de moins de quatorze ans (article 86)11(*), même pour un
apprentissage, conformément aux normes de l'OIT. Il est possible
toutefois d'obtenir des dérogations par autorisation
ministérielle.
De notre point de vue, il serait préférable de
considérer le travail total de l'enfant (travail économique
et travail domestique) et non le seul travail économique. En effet, le
travail domestique familial prend parfois autant de temps aux enfants qu'un
emploi économique à temps plein. Il peut donc nuire à leur
développement physique et surtout intellectuel. Ceci est
particulièrement constaté lorsque l'enfant n'est pas
scolarisé. En outre, le travail domestique ne s'accompagne nullement
d'une acquisition de compétences comme cela est souvent le cas pour le
travail économique.
Dans ce mémoire, le but poursuivi étant de
définir de façon précise notre objet d'analyse, le travail
des enfants est mesuré ici par le fait que l'enfant accomplisse des
activités domestiques pendant plus de quatre heures par jour , soit que
ce dernier exécute une tâche rémunérée ou non
pour une personne autre qu'un membre du ménage, soit encore qu'il exerce
une activité économique pour au moins une heure.
1.1.2.3. Travail
dangereux et les « formes intrinsèquement condamnables du
travail des enfants »
De nombreuses personnes et organisations internationales
importantes établissent une distinction entre les travaux inacceptables
« par leur nature » (également appelées
« pires formes intrinsèques ») et les travaux
inacceptables « de par les conditions dans lesquelles ils
s'exercent » (à savoir les travaux dangereux)12(*).
Les « pires formes
intrinsèques » sont souvent illicites et
également inacceptables pour les adultes ; ce sont toutes les
activités qui, quoiqu'on fasse pour améliorer les conditions de
travail, resteront classées dans la catégorie des pires formes.
Tel est le cas de l'exploitation sexuelle des enfants à des fins
commerciales ou de l'esclavage qui resteront de toute façon
inacceptables pour un enfant.
Au rang des pires formes d'activités « de par
les conditions dans lesquelles elles s'exercent » figurent les
activités manufacturières dangereuses, le travail minier, le
concassage de pierres, la plongée en eaux profondes, le travail en
hauteur dans la construction, le triage des ordures, le ramassage des vieux
chiffons et le portage de lourdes charges13(*). Il faut également prendre en compte les
travaux qui ne laissent pas de cicatrices physiques mais qui nuisent à
l'équilibre psychologique des enfants ou entravent leur
développement social ou intellectuel, notamment les situations dans
lesquelles les enfants subissent insultes, pressions et stress pour produire un
résultat, sont exposés à des comportements d'adultes
(boire, fumer, jouer) ou sont isolés de leurs pairs ou privés
d'émulation.
Toutes ces activités distinctes comportent des risques
spécifiques pour la sécurité, la santé, et
l'intégrité psychologique et morale de l'enfant. Dans bien des
cas, les enfants ne devraient pas être affectés à ces
travaux, ou tout au moins les plus jeunes d'entre eux. La figure 1
résume ces différentes définitions. Elle constitue un
cadre de référence sur le travail des enfants.
1.1.3. Notion de
rendement scolaire
L'entrée à l'école n'est que le
commencement d'un long processus éducatif. Les difficultés
inhérentes à la progression dans un cycle d'enseignement
constituent une source de préoccupations majeures aussi bien pour les
planificateurs que pour les parents d'élèves14(*). Le rendement interne d'un
système éducatif évalue dans une certaine mesure le nombre
d'années prises par un enfant pour compléter un cycle ou
degré particulier (primaire, secondaire, etc.). Les indicateurs de base
qui mesurent le rendement interne d'un système éducatif sont
calculés à partir des taux de flux : le taux de promotion,
le taux de redoublement et le taux d'abandon. Pour obtenir ces indicateurs,
nous avons besoin de statistiques sur la scolarisation d'au moins deux
années consécutives (les plus récentes). Ces taux sont
utilisés pour évaluer et contrôler l'efficacité du
flux d'élèves dans le système scolaire et ainsi, estimer
les effectifs futurs. Les taux de redoublement et d'abandon permettront de
mesurer le rendement du système, ainsi que les gains d'efficience
potentiels en termes de ressources.
Le facteur éducationnel est un facteur
déterminant dans le cadre du travail des enfants. Ce dernier joue un
rôle sur le rendement scolaire. Le rendement scolaire d'un enfant est
apprécié par son résultat (succès ou échec)
obtenu à la fin de l'année scolaire considérée. Cet
indicateur est construit à partir des données relatives à
la scolarisation de l'enfant au cours de deux années académiques
successives. De ce fait, est considéré comme ayant terminé
son année scolaire par un succès, tout enfant qui était inscrit à un
niveau à l'année scolaire et qui intègre le niveau au cours de l'année scolaire . Autrement dit, la réussite scolaire d'un enfant est
définie comme le fait de passer de la classe à la classe .
Ainsi, le taux de promotion est la proportion
d'élèves inscrits à une année d'études et
qui, au début de l'année suivante, seront inscrits à
l'année d'études supérieure. Le taux de redoublement pour
sa part exprime la proportion d'élèves qui s'inscrivent dans le
même degré (ou niveau) d'études que l'année
précédente, exprimée en pourcentage de l'ensemble des
effectifs scolarisés dans l'année d'études
considérée. Le taux d'abandon quant à lui, exprime la
proportion des élèves qui quittent l'école sans terminer
une année d'études donnée, exprimée en pourcentage
de ceux qui étaient inscrits à la même année
d'études au début de cette année scolaire15(*).
Le travail des enfants, dans son contenu est très
hétérogène et recouvre une grande diversité de
situations. Les définitions de ce concept sont multiples et tributaires
du contexte socio-culturel. La section suivante s'intéresse à
l'historique et à la typologie du travail des enfants.
1.2. Historique et
typologie du travail des enfants
La précédente section nous a permis de mieux
appréhender les concepts d'enfance, de travail des enfants et de
rendement scolaire. Cette section décrit le travail des enfants à
travers son historique et sa typologie.
1.2.1. Bref historique du
travail des enfants
Pendant des siècles, la plupart des enfants ont
travaillé dès leur plus jeune âge. À la campagne,
ils étaient employés aux travaux des champs. À la ville,
ils aidaient leurs parents artisans. Le travail se faisait en famille et ils
devenaient souvent ce qu'était leur père : paysan,
maçon, ouvrier, etc. Ainsi, très jeunes, ils apprenaient le
métier de leurs parents. Certains enfants, issus de familles nombreuses,
étaient placés comme ouvriers dans des fermes ou chez des
patrons. Leur contribution était donc chose naturelle et nul ne songeait
à débattre sur l'opportunité pour les enfants d'assumer un
rôle économique16(*).
La prise de conscience de ce phénomène s'est
amorcée au dix-huitième siècle en Grande-Bretagne suite au
recrutement d'enfants, rendu nécessaire par l'essor industriel ;
mais également aussi par la naissance d'une volonté de faire face
au dit phénomène. De fait, à cette époque,
plusieurs enquêtes parlementaires ont révélé que les
conditions imposées aux enfants travailleurs dans les mines et les
usines de textiles étaient drastiques ; et ceux affectés au
nettoyage des cheminées à charbon étaient exposés
à des risques de contracter des maladies respiratoires.
C'est ainsi qu'au fil du temps, une législation a
été adoptée en Grande Bretagne. Graduellement, elle a
prohibé plusieurs activités dans l'optique de restructurer le
travail des enfants de façon à ce qu'il n'interfère pas
avec l'éducation. La première loi concernait l'éducation
(en anglais Education Act of 1918), visait à soustraire tous les enfants
les plus jeunes du marché du travail ; cette approche a
été élargie en 1933 par la loi pour la jeunesse (en
anglais Young Person's Act of 1933), qui a introduit les notions modernes de
limites d'âge et de travaux dangereux. Malgré ce cadre
législatif qui avait été mis en place en Grande Bretagne,
le phénomène du travail des enfants n'a vraiment reculé
qu'au cours de la dernière décennie du dix-neuvième
siècle et des premières décennies du vingtième
siècle. Cette régression était principalement due à
l'élargissement de l'accès à l'éducation, à
l'agitation et à l'action des politiciens, des syndicalistes, de
quelques entrepreneurs et à l'augmentation du revenu familial, qui a
encouragé les parents à soustraire leurs enfants du marché
du travail.
Nombreux sont les pays qui ont suivi l'exemple britannique et
finalement, l'opinion publique s'est préoccupée du
bien-être des enfants et une législation protectrice a
été adoptée. L'émergence de l'éducation de
masse et l'augmentation des revenus ont été les principaux
facteurs incitatifs à la soustraction de la main d'oeuvre infantile du
marché du travail.
1.2.2. Typologie sommaire du
travail des enfants
On présente ici une typologie du travail des enfants
suivant l'appartenance ou non de l'enfant à son milieu familial et sa
mise au travail à l'intérieur ou hors de la famille. Ainsi, on
peut examiner la combinaison de ces critères. Les cas les plus
fréquemment rencontrés figurent dans le tableau 1 qui fait
apparaître les catégories bien distinctes17(*).
Le tableau 1 permet de distinguer huit catégories
d'enfants travailleurs les plus fréquemment
rencontrées à savoir :
A. les enfants vivant et travaillant au sein de la cellule
familiale : mode de socialisation et de formation ;
B. les enfants qui, tout en résidant chez leurs
parents, passent leur journée dans une autre cellule familiale pour y
apprendre un métier (forme d'apprentissage) ou pour aider aux
tâches domestiques ;
C. les enfants logeant chez leurs parents et mis au travail
à l'extérieur de leur famille, dans une institution, sous
diverses formes allant de l'apprentissage ou du salariat à toutes les
formes d'exploitation ;
D. les enfants qui, habitant chez leurs parents, gagnent leur
vie dans la rue par divers « petits métiers »
(porteurs au marché, petits vendeurs ambulants, etc.) ou en faisant de
la mendicité ;
E. les enfants envoyés par leurs parents dans une autre
famille (le plus souvent apparentée) pour y demeurer et
travailler ; c'est un cas fréquent en Afrique ; à
l'origine, forme de socialisation, cette situation peut aussi dévier
vers des formes d'exploitation ;
F. les enfants séjournant dans une autre famille
(souvent à la ville) et travaillant dans une institution, cas voisin de
C ; mais par défaut de contrôle par les parents et/ou par
complicité de la famille d'accueil, cette forme de travail se
prête plus que la précédente à l'exploitation des
enfants (et peut aller jusqu' à des situations proches de
l'esclavage) ;
G. les enfants demeurant dans une institution et oeuvrant pour
elle : c'est le cas le plus fréquent d'exploitation (enfants
soldats, enfants prostitués, ou tout simplement enfants
considérés uniquement comme force de travail gratuit ou
très bon marché) ;
H. les enfants vivant dans la rue : ce sont des enfants
abandonnés par leur famille ou l'ayant fui, et travaillant dans la rue
pour survivre, dans le cadre ou en marge de la légalité.
Bahri et Gendreau (2006) ont observé que dans le cadre
familial (famille de l'enfant, ou une famille apparentée ou de
relation), le travail de l'enfant ne donne généralement lieu
à aucune compensation financière : l'enfant est seulement
nourri et logé. Généralement, les formes d'exploitation
(dans la sphère familiale ou à l'extérieur de celle-ci)
concernent à la fois la durée de travail (parfois 12, voire 16
heures par jour), la rémunération (très faible, voire
nulle) et les conditions de travail insalubres, dangereuses, dans la
brutalité et l'intimidation.
1.2.3. Types de travail
effectués par les enfants
Le travail des enfants évolue dans des environnements
diversifiés et sous des formes différentes18(*). Les enfants astreints
à des types particuliers de travail ayant souvent des styles de vie et
des problèmes similaires, le BIT divise souvent le travail des enfants
en catégories : enfants travaillant dans l'agriculture, dans les
villes, l'industrie manufacturière, la pêche, la construction, la
domesticité, etc. Cette partie fournit quelques exemples de types
d'activités confiés à des enfants.
1.2.3.1. Travail dans
l'agriculture
Au niveau mondial, les régions rurales sont plus
intensives en travail infantile contrairement aux zones urbaines19(*). Il s'en suit qu'une grande
majorité d'enfants travaillent dans les champs et exploitations
agricoles, et les nombreuses tâches qui leur sont confiées
incluent notamment les soins aux animaux et la surveillance du bétail.
Certains enfants travaillent au côté de leur famille et habitent
le domicile parental ; d'autres vont travailler à
l'extérieur, chez des propriétaires terriens, où ils sont
contraints de s'exiler loin de leur famille dans le cadre d'accords
illégaux. De nombreuses formes de travail infantile du secteur agricole
sont dangereuses et devraient à ce titre être classées dans
la catégorie des « pires formes de travail des
enfants ».
1.2.3.2. Travail dans le
secteur manufacturier
Des milliers d'enfants vivant principalement dans les pays en
développement travaillent dans le secteur manufacturier à la
production de diverses marchandises : vêtements, jouets, allumettes,
bracelets de verre, ballons de football20(*), etc. La majorité de ces unités de
production sont de petite taille et à forte intensité de
main-d'oeuvre ; la plupart des tâches sont donc effectuées
manuellement plutôt que mécaniquement. Les enfants sont presque
toujours tenus à l'écart des industries les plus modernes et les
plus mécanisées. Ils travaillent généralement
à l'intérieur et sous stricte surveillance. La production se fait
parfois à domicile et tous les membres de la famille contribuent
à la fabrication des biens (par exemple les tapis), dont ils peuvent
obtenir la sous-traitance sur la base d'une production à la
pièce.
1.2.3.3. Travail dans le
secteur informel
Des enfants travaillent dans presque toutes les grandes
agglomérations des pays en développement mais aussi dans de
nombreuses villes des pays industrialisés. Les rues des
métropoles des pays à faibles revenus regorgent d'enfants qui
exercent toutes sortes d'activités comme la vente itinérante, le
transport de marchandises, le cirage des chaussures, la mendicité, etc.
Un des facteurs favorisant leur engagement sur le marché du travail
tient à la disponibilité toujours croissante d'enfants en
quête d'un emploi suite à l'explosion démographique urbaine
engendrée par l'exode rural. La pauvreté gagne la ville et
très souvent les enfants actifs sont amenés à vivre dans
des taudis et à travailler dans de piètres conditions. Dans les
années 80, on pensait qu'il s'agissait d'enfants des rues,
c'est-à-dire d'enfants vivant et dormant dans la rue, les stations
ou gares. Mais aujourd'hui, les chercheurs s'accordent à
reconnaître que le nombre d'enfants qui vit à l'écart de
tout espace familial est assez infime21(*). Dans l'immense majorité des cas, les enfants
travailleurs dans le secteur informel sont des enfants dans la rue22(*) et non des enfants
des rues. Telle est la conclusion à laquelle est notamment
arrivée Ballet et al (2006).
1.2.3.4. Travail
domestique
L'activité domestique est par nature privée et
s'effectue dans l'intimité des maisons. Cette activité
représente une des formes d'emploi les plus répandues chez la
gente féminine. Les enfants domestiques, qui sont majoritairement des
filles, effectuent d'innombrables tâches traditionnellement
dévolues aux femmes : prise en charge des enfants,
préparation des repas, nettoyage de la maison, soins aux malades,
lavage, repassage, etc. Ces filles représentent une importante
contribution économique car elles permettent à leurs parents ou
leur employeur (souvent des femmes) d'exercer un emploi plus
rémunérateur sur le marché du travail. Paradoxalement,
cette contribution n'est ni reconnue, ni prise en compte. En fait, bien que les
enfants domestiques soient parmi les plus exposés et les plus
exploités, ils sont aussi les plus difficiles à protéger.
Alors que leur contribution économique est passée sous silence,
les filles sont de plus en plus confrontées à des risques
professionnels et à l'exploitation. Le harcèlement sexuel et la
maltraitance physique et verbale (de la part des employeurs ou des pairs) sont
pratique courante. En tant qu'enfants, leurs droits à l'enfance et
à l'éducation sont violés, et ils sont privés
d'opportunités de développement et d'instruction.
Le travail des enfants, phénomène complexe
déjà de par sa définition, a été
abordé dans ce chapitre à travers ses aspects conceptuels, son
historique et sa typologie. D'autre part, une précision a
été faite quant à la notion de rendement scolaire ;
tout ceci dans l'optique de mieux cerner notre champ d'analyse. Dès
lors, convient-il de jeter un regard sur la question suivante : Que
propose la théorie économique sur le travail des enfants ?
Voilà posée la base du chapitre suivant.
CHAPITRE 2 : APERU
DE LA LITTÉRATURE ÉCONOMIQUE SUR LE TRAVAIL DES ENFANTS
Dans le chapitre précédent, il était
question de préciser les concepts inhérents au travail infantile
à la lumière des objectifs de l'étude. Le présent
chapitre a pour ambition de poser des bases solides pour l'analyse
économique du travail des enfants. Aussi passerons-nous en revue les
différentes théories économiques traitant du sujet.
Selon Basu et Van (1998), la littérature sur le travail
des enfants est une illustration d'anarchie et d'abondance. Les modèles
théoriques sur le sujet sont peu nombreux. La littérature
empirique est abondante mais ne repose jamais sur des modèles
théoriques. Le véritable enjeu d'une contribution sur le travail
des enfants serait de réaliser une étude empirique basée
sur la théorie économique. Notre travail empirique, par exemple,
devrait se baser sur la théorie économique liant le travail des
enfants et l'éducation.
Bien que le phénomène de travail des enfants ne
soit pas récent, les approches analytiques n'ont été
développées que tardivement (à partir des années
quatre vingt dix). La littérature économique sur le travail
infantile fait ressortir deux grandes problématiques associées
à deux analyses différentes. La première qui se
réfère à la pauvreté, étudie les impacts sur
le bien-être du ménage d'une décision parentale de mettre
les enfants au travail. De ce fait, la pauvreté est l'unique facteur
explicatif de l'offre du travail infantile. Dans cette approche, le
ménage arbitre entre offrir du loisir aux enfants ou les mettre au
travail, en fonction du revenu parental. La seconde approche, quant à
elle étudie l'arbitrage entre travail et éducation des enfants,
ainsi que l'impact du travail des enfants sur leur futur bien-être. Selon
cette approche, le travail des enfants est un facteur, non seulement de la
pauvreté mais aussi de l'imperfection du marché des capitaux.
Bien que différentes, ces deux grandes approches débouchent sur
une même et seule conclusion à savoir : le travail des
enfants engendre une situation inextricable de trappe à pauvreté.
Ainsi, notre revue de la littérature économique
s'appesantit en premier lieu sur l'approche en termes de bien-être des
ménages puis sur l'approche en termes de bien-être des enfants.
2.1. Approche en termes
de bien - être des ménages
L'approche en termes de bien-être des ménages se
réfère à la notion de coût de consommation, en
considérant uniquement le bien-être immédiat du
ménage. Elle étudie le travail infantile du point de vue du
revenu parental et à travers l'état de pauvreté des
ménages. Cette section est consacrée à la
présentation des différents modèles théoriques
relatifs à cette approche.
2.1.1. Arbitrage travail -
loisir : le modèle de Basu et Van
L'approche de la pauvreté des ménages, en tant
que principal déterminant du travail des enfants, a été
l'objet de plusieurs études analytiques qui soutiennent un lien de
causalité entre pauvreté et travail infantile. Parmi ces
études, les travaux de Basu et Van (1998) ont constitué des
contributions importantes ; l'article de Basu et Van (1998) a
été un article pionnier. Il constitue clairement la
référence dans la littérature du travail des enfants. Leur
modèle statique repose sur deux hypothèses très
fortes : l'« axiome luxueux de pauvreté » et
l'« axiome de substitution ».
2.1.1.1.
Hypothèses du modèle
Dans ce modèle, le travail infantile est
considéré comme un bien de consommation utilisé par le
ménage pour accroître son revenu lorsque celui-ci tend à
diminuer d'un certain seuil. Le travail des enfants apparaît ici comme un
moyen de financer le bien-être du ménage. En effet, l'insuffisance
du revenu du ménage conduit les enfants sur le marché du travail.
La pauvreté est perçue ici comme un phénomène de
court terme et le travail des enfants comme un mal nécessaire. Comme
tout modèle, celui de Basu et Van (1998) repose sur un certain nombre
d'hypothèses :
(i) le modèle de décision unitaire : seul
le chef de famille décide de l'allocation de temps de l'enfant ;
(ii) l'altruisme : les parents ont un comportement
altruiste envers leurs enfants. La décision de mettre leurs enfants au
travail est contrainte par la pauvreté. Ainsi, le chef d'un
ménage riche est autant altruiste envers ses enfants que le chef d'un
ménage pauvre envers les siens ;
(iii) axiome luxueux de pauvreté : «
une famille enverra ses enfants sur le marché du travail seulement
si le revenu familial hors revenu des enfants est très
faible » (Basu et Van, 1998, p. 416). Ainsi, les
parents ne prennent la décision de mettre leurs enfants au travail que
si le revenu familial hors contribution des enfants descend en dessous d'un
seuil critique qui peut être défini comme le seuil de subsistance
pour la famille. Basu et Van (1998) supposent que le loisir est un bien de
luxe, d'où l'hypothèse d'axiome « luxueux de
pauvreté ». Plusieurs études empiriques ont pu
vérifier cette hypothèse de pauvreté. Blunch et Verner
(2000)23(*) ont
trouvé une relation positive et largement significative entre le fait
d'être pauvre et le travail des enfants au Ghana ; il en est de
même de l'étude menée par Diallo (2001) sur les
déterminants du travail infantile en Côte d'Ivoire. Sous un autre
angle, Lachaud (2005) a caractérisé la pauvreté par
rapport au concept de vulnérabilité, c'est-à-dire la
capacité pour les individus, les ménages ou les
communautés de réaliser des ajustements nécessaires pour
protéger leur bien-être lorsqu'ils sont exposés à
des évènements externes défavorables. Les résultats
qu'il obtient vont dans le sens de l'axiome luxueux de pauvreté de Basu
et Van (1998). Néanmoins, dans certaines études, la
corrélation entre le travail des enfants et la pauvreté reste
faible ou absente. Par exemple, Rajan (2000) montre dans une étude
comparative entre le Pérou et le Pakistan que cette hypothèse
n'est pas vérifiée pour le Pérou alors qu'elle l'est pour
le Pakistan. Les études de Canagarajah et Coulombe (1997)24(*) n'ont pas trouvé une
relation forte entre le travail des enfants et la pauvreté des
ménages ;
(iv) axiome de substitution : il suppose que
« du point de vue d'une entreprise, le travail des adultes et le
travail des enfants sont substituts. Plus précisément, le travail
des adultes peut être remplacé par le travail des
enfants » (Basu et Van, 1998, p. 416). Il convient
cependant de ne pas confondre cette hypothèse de substitution entre le
travail des adultes et celui des enfants sur le marché du travail avec
une hypothèse de substitution au sein du ménage. Cette
hypothèse stipule que lorsqu'un adulte ne peut travailler
(chômage, maladie, etc.), un enfant prend sa place ;
(v) hypothèse de loisir : le chef de ménage
étant le seul à décider de l'allocation du temps de
l'enfant, arbitre entre mettre l'enfant sur le marché du travail et lui
offrir du loisir ;
(vi) homogénéité du travail des
enfants : le modèle ne fait aucune distinction de genre entre les
enfants qui sont traités de façon homogène par les
parents. Plusieurs études empiriques à ce sujet montrent que le
travail des enfants diffère selon le sexe, l'âge de l'enfant et la
nature de celui qui prend la décision. Dans une étude sur le
Maroc, Bennani et Bhukuth (2006) montrent que les filles ont une faible
intégration sur le marché du travail. La distinction de genre est
très prononcée, les filles occupent des emplois d'aides
familiaux. Bhalotra (2000)25(*) montre qu'au Pakistan, la proportion des filles ayant
un travail rémunéré est plus élevée que
celle des garçons.
2.1.1.2. Cadre d'analyse
du modèle
Sous les hypothèses énoncées au
paragraphe précédent, Basu et Van (1998) admettent l'existence de
deux équilibres possibles sur le marché du travail. Primo, une
économie dans laquelle les enfants ne travaillent pas, qualifié
de « bon équilibre». Ici, le revenu parental est
suffisamment élevé pour éviter l'entrée des enfants
sur le marché du travail et l'industrie est suffisamment
développée (intensive en capital) pour ne pas recourir au travail
des enfants. La main d'oeuvre des adultes est plus qualifiée que celle
des enfants. Ces derniers n'entrent en concurrence avec les adultes sur le
marché du travail que dans des industries à faible
intensité capitalistique, ne demandant pas un haut niveau de
qualification de la main d'oeuvre. Cette situation s'apparente à celle
des pays développés. Secundo, une situation de l'économie
où le travail infantile est prépondérant, qualifiée
de « mauvais équilibre ». Ici, le salaire parental
est très faible pour acheter du loisir aux enfants et l'économie
est à forte intensité travaillistique. Il s'en suit que les
enfants seront conduits sur le marché du travail ; d'où une
concurrence entre enfants et adultes qui a pour effet la
détérioration de la situation salariale des adultes. Cette
situation correspond à celle des pays en développement. En outre,
lorsque le « mauvais équilibre » prévaut,
l'interdiction du travail des enfants peut conduire, ceteris paribus, à
la restauration du « bon équilibre ».
2.1.2.
Inégalité de revenus et récession économique
À ce niveau, la pauvreté n'est pas le seul
facteur de l'amplification du phénomène de travail des enfants.
Une vision relative à l'inégalité des revenus et une autre
inhérente aux chocs économiques sont présentées.
2.1.2.1.
Inégalité de revenus
Autant dans les pays en développement que dans les
pays développés, il existe un différentiel de revenus
entre les riches et les pauvres. Ce qui peut contribuer à
l'amplification du phénomène de pauvreté. Partant de ce
constat, Swinnerton et Rogers (1998)26(*) ont prolongé le raisonnement de Basu et Van
(1998) en élaborant l'axiome dit : de
«distribution ». Cet axiome stipule qu'une répartition
inégalitaire de revenus entre les pauvres et les riches permet
d'expliquer le travail infantile. Ici, ils font une différence entre le
salaire et le revenu. Le salaire étant le produit du travail et le
revenu étant composé du salaire et des dividendes que les
ménages perçoivent de leurs placements. Comme dans le
modèle de Basu et Van (1998), différents équilibres sur le
marché du travail sont possibles. L'un dans lequel, les revenus des
ménages sont assez importants pour maintenir les enfants hors du
marché du travail. Et l'autre, où l'insuffisance du revenu
parental conduit au travail des enfants. Pour conclure, Swinnerton et Rogers
(1998)27(*) disent que
pour éliminer ce phénomène de travail infantile, il est
nécessaire que l'ensemble des ménages pauvres soient actionnaires
des entreprises et qu'ils puissent vivre des dividendes perçus à
cet effet et ne plus être dépendants de la contribution
additionnelle de leurs enfants.
2.1.2.2. Chocs
économiques
En matière de travail des enfants, ce n'est pas
uniquement le niveau des revenus qui importe, mais également sa
fluctuation. L'insuffisance du revenu parental peut survenir lors d'une crise
économique, dégradant ainsi la situation des ménages
pauvres. Voyant leur niveau de vie baisser, les ménages pauvres mettent
à contribution leurs enfants. En effet, la récession
économique entraîne la perte du pouvoir d'achat, voire la perte
d'emplois des parents qui n'ont dès lors, comme recours, que la force de
travail de leurs enfants. Les études menées dans de nombreux pays
notamment celle de Salama et Valier (1994)28(*) ont de fait montré que les chocs
économiques sont un facteur important du travail des enfants. Alors que
la situation critique peut être temporaire, les conséquences
peuvent être définitives, car la recherche montre également
que les enfants qui abandonnent l'école pour occuper un emploi à
temps complet, inversent rarement le cours des choses (BIT, 2004). C'est le
cas, des crises économiques qui ont conduit la plupart des pays en
développement à être sous ajustement structurel. L'objectif
de rétablissement de l'équilibre budgétaire des programmes
d'ajustements structurels entraîne les pays à prendre des mesures
restrictives nécessaires. On assiste alors à des pertes
d'emplois, avec notamment la faillite et la fermeture de nombreuses
entreprises, les licenciements consécutifs aux privatisations des
entreprises publiques et les « déflations » de
personnels dans la fonction publique. On assiste aussi à une
informalisation de l'économie, un accroissement de la pauvreté,
de la précarité et de l'exclusion, entraînant le travail
des enfants.
Les modèles qui viennent d'être exposés
ne se préoccupent pas du bien-être futur des enfants, ils ne
prennent en compte que le bien-être immédiat du ménage.
L'enfant ne sert que d'instrument de secours à utiliser lorsque le
ménage est exposé à des externalités
défavorables. La section suivante s'intéresse aux modèles
de bien-être des enfants.
2.2. Approche en termes
de bien-être des enfants
On étudie ici, l'arbitrage entre travail et
éducation des enfants, ainsi que l'impact du travail des enfants sur
leur bien-être futur. L'enfant est perçu ici, non plus comme une
source de revenu complémentaire pour le ménage mais comme un
investissement. On présente dans cette section des modèles
relatifs à cette approche.
2.2.1. Arbitrage
éducation - travail dans un environnement d'imperfection du
marché des capitaux
L'approche en termes d'arbitrage travail-éducation
dans un environnement d'imperfection du marché des capitaux, montre que
l'incapacité des ménages à emprunter sur le marché
des capitaux pour financer l'éducation des enfants les oblige à
placer ceux-ci sur le marché du travail. L'éducation tout comme
le loisir dans les modèles de bien-être est un bien de luxe. Cette
approche repose sur quatre hypothèses communes à l'approche en
termes de bien-être du ménage, à savoir :
l'hypothèse du modèle de décision unitaire,
l'hypothèse d'altruisme, l'hypothèse de la pauvreté du
ménage et l'hypothèse de l'inégalité de revenus.
Deux hypothèses additionnelles viennent compléter ces
hypothèses :
· l'imperfection des marchés des capitaux :
les ménages pauvres n'ont pas la possibilité d'obtention de
crédit comme les ménages riches pour financer l'éducation
de leurs enfants ;
· l'arbitrage entre travail et éducation des
enfants : le loisir ne constitue plus l'alternative au travail des enfants
mais l'école. Autrement dit, le temps des enfants est alloué
entre travail et éducation.
Dans cette approche, la pauvreté n'est pas la seule
cause lorsqu'elle s'insère dans un environnement d'imperfection du
marché de crédit. En effet, les parents se soucient du
bien-être de leurs enfants et veulent les doter d'un capital humain
nécessaire à l'accès à des emplois
qualifiés, mieux payés dans le futur. Si le marché du
capital était parfait, ils renonceraient au travail des enfants et leur
offriraient une éducation. Les analyses faites dans ce cadre cherchent
donc à déterminer les raisons pour lesquelles les ménages
n'investissent pas en éducation. Deux grandes approches se
distinguent : celle de Ranjan (1999, 2001)29(*) et celle de Baland et Robinson (2000)30(*).
L'analyse de Ranjan (1999)31(*) montre qu'aussi longtemps que le taux de rendement de
l'éducation sera supérieur au taux d'intérêt de
l'emprunt sur le marché du capital, les parents investiront en capital
humain pour leurs enfants. Ainsi, la perception des parents à
l'égard du système éducatif revêt un
caractère primordial dans cet arbitrage. En présence de
marchés du travail et du capital concurrentiels, l'accroissement du
capital humain implique des gains plus élevés. De ce fait, un
enfant qui participe davantage au marché du travail, donc qui est moins
scolarisé, sera plus pauvre à l'âge adulte (Emerson, Souza,
2003)32(*). Le même
raisonnement implique que l'enfant de cet adulte sera moins scolarisé,
ce qui peut contribuer à perpétuer le travail des enfants entre
générations (« trappe du travail des
enfants »).
L'approche développée par Baland et Robinson
(2000)33(*) montre que
particulièrement dans un environnement d'imperfection du marché
de crédit où les parents n'ont ni héritage ni
épargne, ils sont incités à faire travailler les enfants.
L'effet étant beaucoup plus visible pour les ménages pauvres,
dans la mesure où leurs revenus sont considérés comme
faibles pour envisager l'épargne. Baland et Robinson (2000) ajoutent que
les parents pauvres accordant une plus grande valeur à leur propre
utilité, ne scolariseraient leurs enfants que si ces derniers
garantissaient de les rembourser à l'âge adulte. Les parents
pauvres, étant incertains quant à l'attitude future des enfants,
les mettent au travail. En Zambie, Jensen et Nielsen (1997)34(*) ont trouvé une relation
significative entre le travail des enfants, la scolarisation et l'imperfection
du marché de crédit. De même, Jacoby et Skoufias
(1997)35(*) ont
découvert que les ménages pauvres, n'ayant pas un accès
aisé au crédit, sont incités à faire travailler
leurs enfants, une fois confrontés à un choc négatif de
revenu. Dans une telle situation, la probabilité de scolarisation des
enfants diminue. Les analyses de Guarcello et al. (2003)36(*) au Guatemala confirment cet
impact négatif d'imperfection du marché de crédit sur la
scolarisation des enfants. Cependant, l'effet du crédit sur le travail
des enfants n'était pas concluant.
2.2.2. Innovation
technologique et analyse coút-bénéfice
Certes, le poids de la pauvreté et l'imperfection du
marché des capitaux pèsent dans la décision de scolariser
ou de faire travailler un enfant ; mais ce ne sont pas là les seuls
facteurs explicatifs. Telle est l'idée de Dessy et Pallage
(2000)37(*), qui apportent
une autre contribution au débat. Pour ces chercheurs, la décision
de l'offre du travail infantile s'opère dans un cadre de jeu
stratégique entre les ménages et les entreprises. Chaque partie
anticipe la décision de l'autre soit à investir en
éducation, soit à investir en haute technologie. Il en
découle que l'existence du travail des enfants part d'un manque de
coordination entre les décisions des parents et celles des entreprises.
Il se pose donc un double problème : celui de la création
des compétences et celui de l'absorption des compétences
nouvellement créées. La création des compétences
est conditionnée par le bon fonctionnement du système
éducatif ; et même si ces compétences étaient
créées, et que les entreprises ne peuvent les absorber du fait de
leur faible industrialisation, il s'en suivrait le chômage. Ayant
connaissance de ces informations, les ménages pauvres ne désirent
donc pas investir en éducation. En effet, la décision de
scolariser les enfants est essentiellement l'oeuvre des parents. L'enfant n'est
plus seulement une source de revenus complémentaire pour le
ménage. Il est aussi perçu comme un coût d'investissement.
Mis à part l'exigence de le nourrir, il faut aussi l'éduquer. Or
l'éducation des enfants engendre des coûts que doivent supporter
les parents. Le ménage est donc amené à arbitrer entre
mettre l'enfant au travail et lui donner une éducation. C'est un point
important en Afrique où l'investissement de l'État dans le
domaine scolaire devient de plus en plus rare, voire inexistant. De plus, la
crise économique que connaissent bon nombre de pays africains a
également bloqué le recrutement dans tous les secteurs
d'activités. De ce point de vue, l'école ne joue plus, aux yeux
des parents ou des chefs de ménages, le rôle de garant de
l'embauche une fois les études terminées. Les ménages
cherchent donc plusieurs alternatives. Par exemple, sa décision du choix
qu'il opérera entre revenu futur (mettre l'enfant à
l'école) et le revenu présent (mettre l'enfant au travail).
Ainsi, Dessy et Pallage (2000)38(*) pensent qu'il est souhaitable que l'État
intervienne afin que des efforts soient faits en matière
d'amélioration du système éducatif qui permettrait
simultanément d'inciter les parents à investir dans
l'éducation des enfants et d'inciter les entreprises à investir
en haute technologie.
Hormis les deux approches que nous venons de
présenter, il existe une autre approche, toute aussi importante,
relative au travail des enfants. Il s'agit de l'approche par les normes
sociales. Dans les pays en développement en général et en
Afrique en particulier, les « normes culturelles » jouent
un rôle important (Rodgers, Standing, 1981)39(*). À cet effet, le
travail des enfants demeure un moyen de socialisation et d'éducation
important dans la société traditionnelle, surtout dans le secteur
rural. Comme le soulignait Diallo (2001) : « il traduit
une volonté d'éducation et de formation visant à
préparer les enfants à leur future vie adulte ».
Ainsi, le jeune garçon doit par ce biais acquérir endurance
physique et émotionnelle, tandis que la jeune fille se prépare au
futur rôle d'épouse et de mère.
Malgré son caractère embryonnaire, la
littérature propose diverses théories sur le travail des enfants.
Ce chapitre a fourni quelques éléments d'analyse qui permettent
de fixer les idées et de situer la présente étude. Les
chapitres suivants font état du phénomène pour le cas
particulier du Cameroun.
DEUXIÈME PARTIE :
TRAVAIL DES ENFANTS ET RENDEMENT SCOLAIRE
DANS LE CONTEXTE CAMEROUNAIS
Dans la seconde partie de ce mémoire, nous analysons le
travail des enfants en interaction avec le rendement scolaire au Cameroun. Pour
cela, nous utilisons les données des enquêtes nationales
réalisées auprès des ménages. Cette partie
s'articule autour de deux chapitres. Le premier chapitre est consacré
à l'analyse de la situation du travail des enfants. Le second, quant
à lui, présente une étude empirique de la relation entre
le travail des enfants et le rendement scolaire.
CHAPITRE 3 :
SITUATION DU TRAVAIL DES ENFANTS AU CAMEROUN
Le Cameroun a renoué avec la croissance
économique depuis l'exercice 1994-1995, après la grave crise
économique qui a sévi à partir de 1986. Cette situation
économique désastreuse qu'a connue le pays a créé
et intensifié la nécessité pour les enfants de travailler,
augmentant le nombre d'enfants travailleurs et amplifiant par la même
occasion le problème du travail des enfants. Les équilibres
macroéconomiques ont été rétablis. Le retour
à la croissance économique et le rétablissement de la
stabilité macroéconomique ont résulté des
politiques et des stratégies que les autorités camerounaises ont
mises en oeuvre avec détermination. Malgré les progrès
ainsi enregistrés sur le plan économique, les conditions de vie
des populations s'améliorent timidement. La pauvreté et par
là même, le travail infantile, restent donc un défi majeur
pour le Cameroun.
Ce chapitre est consacré à la
présentation de la situation du travail des enfants au Cameroun. Il nous
permettra de mieux cerner le champ de l'étude. En effet, avant
d'élaborer des stratégies d'intervention visant à
améliorer la situation des enfants travailleurs ou à les
soustraire du monde du travail, il nous semble au préalable
nécessaire, d'avoir une idée de l'ampleur du
phénomène au Cameroun. Nous présenterons d'abord le cadre
réglementaire et informationnel relatif au travail infantile au Cameroun
et enfin, nous essaierons de faire une lecture générale de ce
problème à la lumière des données disponibles.
3.1. Cadre
réglementaire et informationnel du travail infantile au Cameroun
Les institutions sont confrontées au
phénomène du travail des enfants au Cameroun lequel
défraie de plus en plus la chronique. D'où l'intérêt
accordé à cette question, notamment à travers la dynamique
de mise en place d'instruments juridiques et politiques pertinents auxquels
adhère le pays et dont la mise en oeuvre effective devrait permettre de
lutter efficacement contre le travail des enfants40(*). Cependant, force est de
constater que, à l'instar de bon nombre de questions, la pratique n'est
guère en harmonie avec le corpus législatif. Selon Bahri et
Gendreau (2006), l'institution de base pour l'enfant reste sa famille (et en
particulier sa mère). Mais la capacité de celle-ci à
protéger l'enfant est limitée par les contraintes
économiques et par les pratiques sociales reconnues (détournement
et exploitation des mineurs). Pour ce qui est du cadre informationnel,
l'ampleur du travail des enfants est difficile à évaluer, par
conséquent l'on ne dispose pas d'informations précises sur le
travail des enfants au Cameroun. Cependant, les informations recueillies
auprès des inspecteurs provinciaux du travail, des observations
ponctuelles, des faits isolés et des enquêtes permettent de
quantifier ce phénomène. Cette section décrit
brièvement le cadre réglementaire du travail infantile au
Cameroun et par la suite, le cadre informationnel.
3.1.1. Spécification
du cadre réglementaire
Avant 1992, il n'y avait pas de mesures politiques claires
prises en faveur des enfants. En d'autres termes, les solutions aux
problèmes des enfants et donc au travail des enfants sont toujours
restées au stade de mesure ad hoc. Le plan d'action national pour les
enfants de 1992 est le premier document manifeste, qui examine la situation des
enfants, leurs besoins, leurs problèmes et conçoit des programmes
pour y apporter des solutions. Les problèmes et les programmes y sont
bien définis, mais les voies et moyens pour réaliser ces
objectifs sont les principaux obstacles41(*).
3.1.1.1. État
des lieux de la législation camerounaise en matière de lutte
contre le travail des enfants
Si le travail des enfants apparaît comme un
phénomène émergeant au Cameroun, il n'en demeure pas moins
que la législation nationale comporte un certain nombre de dispositions
qui permettent de prévenir ou de réprimer le dit travail et
d'encadrer ses victimes. Certaines de ces dispositions sont spécifiques
au travail des enfants, constituant ainsi des circonstances aggravantes,
d'autres, pour la plupart, s'y appliquent par analogie. Les dispositions
contenues dans cette législation, qu'elles soient pénales,
sociales, civiles ou institutionnelles devraient permettre, en amont, de
prévenir les situations de travail, à travers le bloc des
obligations ou responsabilités parentales et familiales, et en aval, de
réprimer les auteurs ou complices du travail d'enfants et d'assurer la
prise en charge des victimes42(*).
Le Cameroun est impliqué et soutient toutes les
initiatives tendant à la conclusion d'accords régionaux ou
sous-régionaux en matière de travail des enfants. L'État
camerounais a ratifié la « Charte Africaine des droits et du
bien-être de l'enfant » en 1997. Le Gouvernement s'emploie
à promouvoir la signature d'accords bi- et multilatéraux et a
participé aux divers forums (Bamako, Libreville I et II...) où il
a apporté sa contribution à l'élaboration et la
détermination du processus de signature des accords
sous-régionaux. À cet effet, le Cameroun a élaboré
un projet de convention sous-régionale sur la lutte contre le travail
des enfants en Afrique de l'Ouest et du Centre, lequel sera soumis à
l'examen des autres États.
Au niveau international, le Cameroun a ratifié
plusieurs instruments internationaux fondamentaux en matière de lutte
contre le travail des enfants tels que :
· la convention n° 29 sur le travail forcé
(1930) ;
· la convention des Nations Unies pour la
répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de
la prostitution d'autrui (1949) ;
· la convention n° 105 sur l'abolition du travail
forcé (1957) ;
· la convention n° 138 sur l'âge minimum
d'admission à l'emploi (1973) ;
· la convention des Nations Unies relative aux droits de
l'enfant (1989) ;
· la convention n° 182 sur les pires formes du
travail des enfants (1999).
Pour l'instant, au Cameroun, il n'y a pas d'initiatives
législatives spécifiques sur le travail des enfants.
3.1.1.2. Institutions
liées au travail des enfants au Cameroun
Il existe au Cameroun, de nombreuses institutions nationales
et internationales impliquées dans la lutte contre le travail des
enfants. Le principe de base de ces institutions se situe au niveau de la
protection des jeunes travailleurs et la mise à l'écart des
enfants du monde du travail, avec à long terme l'élimination du
travail des enfants. Au niveau international, il s'agit principalement du BIT,
de l'UNICEF et de la Banque Mondiale. Sur le plan national, on compte le
Ministère du Travail et de la Sécurité Sociale, le
Ministère des Affaires Sociales, le Ministère de la Promotion de
la Femme et de la Famille, le Ministère de l'Éducation de
Base.
En plus des ces institutions, il existe d'autres acteurs qui
sont impliqués dans la lutte contre le travail infantile notamment des
organisations d'employeurs, des organisations de travailleurs, des ONG.
Le Gouvernement camerounais, à travers ses
institutions en charge du travail des enfants, a mis sur pied divers programmes
destinés aux enfants travailleurs. Il a également
promulgué les lois sur la prévention et la protection des enfants
contre toute forme d'exploitation dans le but d'éradiquer le travail des
enfants. C'est ainsi que, le 22 octobre 2004, le Gouvernement camerounais (
à travers le MINTSS) a signé un Protocole d'Accord avec l'OIT
pour sa participation au Programme International pour l'abolition du travail
des Enfants (IPEC en anglais) ; le 28 novembre 2005, il y a eu la
signature par le MINTSS de l'Arrêté N° 068/MINTSS portant
création d'un Comité National de mise en oeuvre du Programme
International pour l'abolition du travail des Enfants ; le 29
décembre 2005, il y a eu la promulgation par le Président de la
République de la Loi N° 2005/015 relative à la lutte contre
le travail et la traite des enfants. Avec la mise en application de cette loi,
le Cameroun a fait une avancée considérable dans l'atteinte des
objectifs du projet.
Le Cameroun a adopté par ailleurs une politique visant
à promouvoir la scolarisation des enfants en rendant gratuite
l'inscription à l'école primaire (instruction
réitérée au mois d'avril 2006) et en instituant des zones
d'éducation prioritaires qui en plus de la gratuité de
l'enseignement primaire, bénéficient de la fourniture gratuite
des matériels et manuels scolaires.
3.1.2. Cadre
informationnel
Nous présenterons d'abord le cadre informationnel du
travail des enfants de façon générale et ensuite de
manière spécifique compte tenu, de notre objet d'analyse.
3.1.2.1. Cadre
général
Il existe plusieurs instruments d'enquêtes pour
l'analyse du travail des enfants : SIMPOC, LSMS, EDS, MICS,
évaluation rapide, etc. Pour la première fois, une enquête
d'envergure nationale a été organisée par le Gouvernement
camerounais pour explorer et jauger l'ampleur exacte du phénomène
du travail des enfants au Cameroun. Il s'agit de l'Enquête Nationale sur
le Travail des Enfants 2007 (ENTE 2007) auprès des ménages du
Cameroun qui s'intègre comme enquête modulaire dans le cadre de la
grande enquête ECAM III sur le profil de pauvreté et les
conditions de vie des ménages. Les objectifs de l'ENTE 2007
sont :
· promouvoir les questions liées au travail des
enfants auprès des décideurs et des partenaires clés
à la fois aux plans national et international ;
Plus spécifiquement, il s'agit de faire
ressortir :
§ les tendances ;
§ les facteurs sous-jacents du travail des
enfants ;
§ la situation spéciale de la petite
fille ;
§ les liens entre le travail des enfants et les autres
problèmes de développement.
· collecter, utiliser et disséminer des
données brutes quantitatives et qualitatives sous forme de tableaux pour
des études sur l'ampleur, la répartition, les
caractéristiques, les causes et conséquences du travail des
enfants ;
Plus exactement, il s'agit :
§ d'accorder une attention particulière aux
informations sur les pires formes du travail des enfants ;
§ de créer une base pour l'analyse des
données qui seront utilisées dans la planification ;
§ de créer et mettre à jour une base de
données complète au Cameroun.
§ élaborer des indicateurs standards à la
fois au niveau national afin d'évaluer l'incidence, les causes et les
conséquences du travail des enfants ainsi que l'impact des programmes et
politiques d'intervention.
Toutefois, d'autres enquêtes auprès des
ménages ont permis d'approcher la situation des enfants au Cameroun. Au
nombre de ces enquêtes, on compte :
· les enquêtes par grappes à indicateurs
multiples de deuxième et troisième
génération43(*), en abrégées MICS II et MICS III,
réalisées respectivement en 2000 et en 2006 par l'INS. La MICS,
qui figure dans le Programme Statistique Minimum (PSM), a pour but de fournir
au Gouvernement et ses partenaires au développement impliqués
dans la lutte contre le travail des enfants, des informations pertinentes pour
la mesure des progrès réalisés en vue de l'atteinte des
Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) en
général et ceux faisant référence à la
situation de l'enfant et de la femme en particulier. Une panoplie d'indicateurs
de suivi et d'évaluation ont pu ainsi être calculés
à partir de cette importante opération. Ces enquêtes
comportent un module sur l'éducation et un autre sur le travail des
enfants de 5-14 ans. Cependant, elles ne fournissent pas de détails sur
certains aspects du travail des enfants ;
· les Enquêtes Camerounaises Auprès des
Ménages (ECAM I et II) réalisées par l'INS respectivement
en 1996 et 2001 ont porté sur l'évaluation des conditions de vie
des ménages. Ces enquêtes, et notamment la deuxième, ont
consacré un volet important à l'emploi des personnes de 10 ans et
plus mais n'ont point pris en compte le travail domestique non marchand et la
tranche d'âge 5-9 ans ;
· l'Enquête sur l'Emploi et le Secteur Informel
(EESI) effectuée en 2005 par l'INS reste à ce jour, la seule
enquête d'envergure nationale qui ressort véritablement toutes les
caractéristiques du marché du travail camerounais (y compris le
travail domestique) pour les personnes de 10 ans et plus. Cependant, l'EESI ne
prend pas en compte le travail de la classe d'âge 5-9 ans et ne consacre
aucun volet au rendement scolaire.
En plus des enquêtes ci-dessus, d'autres petites
enquêtes sont menées sur le travail des enfants pour des
études spécifiques par des usagers ; c'est ainsi par exemple
du LUTRENA (Projet sous-régional de lutte contre le trafic des enfants
en Afrique de l'Ouest et du Centre), qui a mené une enquête sur 87
enfants (48 filles et 39 garçons) et sur 77 employeurs, dans la ville de
Yaoundé, dans la localité pétrolière de
Limbé et à Mbangasina, où se trouvent de grandes
exploitations cacaoyères.
La présente étude utilise en toile de fond les
données de la MICS III et celles de l'EESI phase 1 (Enquête sur
l'emploi). Les données de la MICS III ont l'avantage de fournir les
informations récentes sur le travail infantile et le rendement scolaire
des 5-14 ans au Cameroun. L'EESI phase 1 quant à elle, fournit des
informations actuelles sur certains aspects du travail des enfants de 10-14
ans, outre le fait qu'elle ne tienne pas compte de la tranche d'âge 5-9
ans et du rendement scolaire.
3.1.2.2. Enquête
par grappes à indicateurs multiples de troisième
génération
L'enquête camerounaise MICS III a été
conduite en avril 2006 par l'INS, auprès d'un échantillon
initial d'environ 9856 ménages dont 12168 enfants âgés de 5
à 14 ans. Les questions sur l'éducation sont posées
à tous les individus de 5 ans et plus. En outre, un module
spécial porte sur le travail des enfants de 5-14 ans.
3.1.2.2.1. Objectifs de
la MICS III
L'enquête MICS III cherche à mesurer le niveau de
réalisation des objectifs fixés par le Sommet Mondial pour les
Enfants (New York 1990). Sommet au cours duquel les dirigeants de la
planète ce sont engagés sur un éventail ambitieux
d'objectifs quantifiables, destinés à améliorer les
conditions de vie des enfants avant la fin de la décennie. Ainsi,
l'enquête vise à cerner au Cameroun la situation des enfants et
des femmes.
De manière spécifique, l'enquête
visait à :
· fournir des données permettant
d'apprécier les progrès réalisés dans le cadre du
suivi et évaluation du DSRP, PAMDE et OMD ;
· apprécier le niveau de mise en oeuvre de la
Convention relative aux Droits des Enfants à partir des données
fiables ;
· fournir des informations complémentaires sur
certains indicateurs de la troisième édition du Tableau de Bord
Social (TBS III) sur la situation des enfants et des femmes au
Cameroun ;
· fournir des données en vue d'actualiser la base
de données géo-références de suivi des OMD et
PAMDE.
3.1.2.2.2. Modules
retenus par la MICS III
Le questionnaire de la troisième série
d'enquête MICS est standardisé par l'UNICEF pour des besoins de
comparabilité internationale. Ce questionnaire a été
adapté au contexte camerounais grâce à l'ajout de certains
modules additionnels et optionnels en tenant compte d'une part du champ couvert
par l'EDSC III réalisée en 2004 et, d'autre part des besoins du
pays, notamment en ce qui concerne la mise en oeuvre des stratégies en
matière de santé, d'éducation, de protection sociale et de
participation des enfants. Ce questionnaire comprend 3 composantes : le
questionnaire ménage, le questionnaire individuel femme et le
questionnaire individuel enfant. Le tableau 2 récapitule les
thèmes (modules) retenus par la MICS 2006 au Cameroun. Nous utiliserons
dans cette étude les modules portant respectivement sur les
caractéristiques du ménage, l'éducation, et le travail des
enfants. Le tableau A1 en annexe présente un récapitulatif des
indicateurs de la MICS III et des OMD.
3.1.2.3. Enquête
sur l'Emploi et le Secteur Informel phase 1
L'enquête EESI a été menée en 2004
par l'INS, auprès d'un échantillon initial d'environ 9840
ménages dont 994 enfants âgés de 10 à 14 ans. Les
questions sur le travail sont posées à tous les individus de 10
ans et plus.
3.1.2.3.1. Objectifs de
l'EESI phase 1
L'objectif principal de l'EESI est de mettre en place un
système d'enquêtes portant sur l'évaluation et le suivi de
l'emploi et du secteur informel. La première phase a visé
principalement l'étude des conditions d'activité et la seconde a
porté sur l'établissement des comptes du secteur informel. Cette
opération a fourni la situation de référence pour le suivi
de l'activité et du secteur informel. Elle a permis par ailleurs
d'approfondir la connaissance de certains aspects des conditions de vie des
ménages non pris en compte dans l'ECAM II (emploi habituel, revenu du
secteur informel, etc.). L'analyse du marché du travail permet de
connaitre les revenus de l'activité et leur répartition, le
niveau du chômage et le profil des chômeurs, les raisons de
l'inactivité, l'ampleur et les causes du sous emploi, les
déterminants de l'offre de travail et les différentes formes
d'inégalités sur le marché du travail. Les objectifs
spécifiques de l'enquête emploi ont été
regroupés en six points à savoir :
· étudier le marché du travail, notamment
en termes d'offre de main d'oeuvre. Les taux d'activité par âge,
sexe, niveau d'instruction et milieu de résidence seront
analysés ;
· étudier le sous-emploi et le
chômage en dégageant un certain nombre d'indicateurs pouvant
permettre de mesurer les niveaux et les principales caractéristiques de
ces phénomènes. Les différentes formes de sous-emploi et
la durée du chômage retiendront particulièrement
l'attention ;
· étudier la pluri-activité et son impact
sur les revenus des ménages ;
· analyser les conditions d'activité et les
déterminants de la mobilité de l'emploi. Les revenus
d'activité, le temps de travail et la mobilité interbranche sont
examinés ;
· saisir toutes les sources de revenus et analyser leur
distribution et leur différenciation ;
· explorer la situation d'inactivité au regard de
ses causes et des moyens de subsistance des personnes qui y font face ;
· recenser les promoteurs d'Unités de Production
Informelles (UPI) et constituer ainsi une base de sondage pour la phase 2, sur
le secteur informel.
3.1.2.3.2. Modules
retenus par l'EESI phase 1
Le questionnaire de l'enquête s'est articulé
autour d'un certain nombre de modules correspondant aux domaines
d'études, en relation avec les objectifs retenus. Le tableau A2 en
annexe précise le contenu des différents modules du support de
collecte. Nous utiliserons pour cette étude les modules portant
respectivement sur les caractéristiques du ménage, la situation
d'emploi et l'activité principale.
La section précédente a décrit
succinctement les cadres réglementaire et informationnel du travail des
enfants au Cameroun. La suivante donne une image quantitative du
phénomène au Cameroun.
3.2. Panorama de la
situation réelle du travail des enfants au Cameroun
Les enfants constituent à l'instar des femmes, l'une
des couches les plus vulnérables de la société et pourtant
l'espoir de toute nation. Au Cameroun, le travail précoce et notamment
les travaux difficiles constituent l'un des fléaux dont les enfants
souffrent aujourd'hui. En effet, nombreux sont les enfants qui sont très
tôt arrachés à l'affection de leurs parents pour s'adonner
à des besognes qui ne relèvent pas de leur âge. Les
données de la MICS III et celles de l'EESI phase 144(*) nous permettent d'avoir une
idée sur ce fléau.
3.2.1. Ampleur du travail des
enfants
Le Cameroun compte en 2006 une population estimée
à 17 millions d'habitants45(*) avec un léger déséquilibre en
faveur de la population féminine. Cette population est
caractérisée par sa jeunesse. Les enfants de moins de 5 ans
représentant 16,3 % et ceux âgés de 5 à 14 ans 28,3
% constituant ainsi une des préoccupations majeures du Gouvernement
camerounais notamment en matière d'éducation. L'accent est mis
sur l'universalisation de l'enseignement primaire, l'amélioration de
l'accès à l'éducation, l'équité et la
qualité des enseignements dispensés avec la participation de la
communauté au soutien et à la gestion des établissements
scolaires.
Il convient tout d'abord de rappeler le concept de
« travail des enfants » tel qu'utilisé dans cette
étude. Ainsi, le travail des enfants est mesuré par le fait que
«l'enfant a effectué un travail
rémunéré ou non pour une personne n'appartenant pas au
ménage ou a consacré plus de 4 heures par jour aux travaux
domestiques ou encore a effectué des travaux dans la ferme ou dans les
affaires du ménage ou tout simplement a exercé une
activité économique pour au moins une heure». Cette
définition combine celle de l'enquête MICS 2006 et celle de l'EESI
2005 (l'activité économique d'au moins une heure étant
la définition de EESI 2005).
3.2.1.1. Au niveau
national
Au Cameroun, le travail des enfants de moins de 14 ans est
proscrit par la loi. Ainsi, la réglementation sur les conditions de
travail des enfants ne concerne que ceux de la tranche d'âge comprise
entre 14 et 18 ans. Les données de l'enquête MICS III
révèlent qu'au Cameroun, 41 % des enfants de 5-14 ans
travaillent, soit environ 2 enfants sur 5 et une baisse de 17 points par
rapport à 200046(*). La proportion étant assez
équilibrée entre les filles et les garçons respectivement,
41 %. L'incidence du travail des enfants au Cameroun est supérieure
à la moyenne pour l'Afrique sub-saharienne en 2005, soit 37 %, et
demeure sensiblement plus élevée que les estimations pour
d'autres régions du monde47(*).
Comme l'indique la figure 2, naturellement, l'incidence du
travail des enfants48(*)
c'est-à-dire la proportion d'enfants qui travaillent, est beaucoup plus
forte pour la classe d'âge 10-14 ans, soit 51,7 %, comparativement
à la tranche d'âge de 5-9 ans avec un chiffre de 31,4 %. Ce
constat prévaut quelque soit le sexe. En ce qui concerne le niveau de
vie49(*) du ménage,
le tableau 3 montre que ce sont les enfants de ménages pauvres qui sont
les plus exposés au travail infantile (50 %).
Figure 2 : Incidence du travail des
enfants de 5- 14 ans selon le sexe
et la classe d'âge - pourcentage -
Cameroun 2006
Source : MICS 2006.
Par ailleurs, la structure par type de travail
présentée à la figure 3 indique que 4,4 % d'enfants
âgés de 5 à 14 ans effectuent un travail
rémunéré ; 16,9 % participent à un travail non
rémunéré pour une personne autre qu'un membre du
ménage et 23 % effectuent des travaux dans les affaires du ménage
(dans une ferme, un commerce, ou vendent des marchandises dans la rue,
etc.).
Par « travail domestique », on entend dans
le cadre de la MICS : faire la cuisine, les achats, le nettoyage, la
lessive, la collecte de l'eau et s'occuper des enfants. Dans l'ensemble,
près de 4 enfants sur 5 accomplissent ces tâches pendant moins de
quatre heures par jour, tandis qu'environ 6 % y consacrent plus de quatre
heures par jour. En ce qui concerne les travaux domestiques de plus de quatre
heures par jour, le phénomène est plus accentué chez les
filles, soit près de 8,1 % contre 4,6 % pour les garçons. Dans
les ménages très riches, les enfants courent relativement moins
de risques de consacrer plus de 4 heures par jour aux travaux domestiques que
leurs semblables des ménages très pauvres.
Source : MICS 2006.
Figure 3 : Incidence du travail des
enfants de 5- 14 ans selon le type de travail -
pourcentage - Cameroun 2006
Source : MICS 2006.
3.2.1.2. Au niveau des
zones rurales/urbaines et régions50(*)
Outre le niveau de vie, la zone de résidence (milieu
rural/milieu urbain) est la seconde variable qui semble avoir un rôle
important sur la participation des enfants à une activité
économique. En effet, comme l'indique le tableau 3 la proportion
d'enfants travailleurs au Cameroun est pratiquement 1,4 fois plus
élevée dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Ce
rapport est encore plus élevé en ce qui concerne le travail des
enfants dans les affaires du ménage.
Au plan régional, l'incidence du travail des enfants
est également très variable. La figure 4 montre par exemple que
la proportion d'enfants qui travaillent est plus forte dans la région du
Nord Ouest que dans celle de l'Extrême Nord. Le pourcentage des enfants
qui travaillent est plus faible dans la métropole de Yaoundé
(27,8 %) et la région de l'Extrême Nord (28,6 pou 100) et plus
élevé dans les régions du Nord Ouest (61,7 %) et du Sud
Ouest (55,8 %). Pour ce qui est du travail domestique de plus de quatre heures
par jour, la figure 4 indique que la région du Nord est la plus
exposée. Ceci peut se comprendre dans la mesure où dans cette
région, les individus sont ancrés aux valeurs
traditionnelles ; le travail domestique étant un outil de
socialisation et le rôle des normes sociales est fondamental. Le travail
des enfants dans les affaires du ménage est plus courant dans la
région du Nord Ouest (56,9 %). Le travail des enfants est
prédominant dans la capitale économique comparativement à
la capitale politique avec une incidence de 32,1 % contre 27,8 %.
Figure 4 : Incidence du travail total et
du travail domestique de plus de quatre heures/jour des enfants
âgés de 5 à 14 ans par provinces - pourcentage - Cameroun
2006
Source : MICS 2006.
SUD
LITTORAL
CENTRE
EST
OUEST
SUD OUEST
NORD OUEST
ADAMAOUA
NORD
EXTREME NORD
SUD
3.2.2.
Caractéristiques du travail des enfants
Afin d'expliciter la réalité que recouvre le
travail des enfants au Cameroun, nous allons en analyser l'intensité,
puis préciser la nature des emplois occupés par les enfants. Pour
ce faire, nous utiliserons les données de l'EESI phase 1 en ce qui
concerne la nature des emplois des enfants occupés51(*). Par conséquent, la
nature des emplois ne tient compte que des enfants âgés de 10
à 14 ans.
3.2.2.1.
Caractéristique 1 : la durée
Figure 5 : Heure moyenne de travail par
semaine des enfants de 5-14 ans selon le sexe - Cameroun 2006
Il ressort de la figure 5 et du tableau 4 qu'en moyenne, les
enfants camerounais travaillent pendant près de 13 heures par semaine et
un quart de ceux-ci pendant plus de 17 heures par semaine. La configuration de
la durée de travail est assez proche chez les garçons et les
filles. Néanmoins, les filles travaillent en moyenne un peu plus
longtemps que les garçons bien que leur durée moyenne du temps de
travail économique soit légèrement inférieure
à celle des garçons.
Source : MICS 2006.
3.2.2.2.
Caractéristique 2 : la nature des emplois
Étant donné la répartition des enfants
travailleurs entre milieu rural et milieu urbain, il est logique qu'un grand
nombre d'entre eux soient des travailleurs agricoles. Tel est le constat
traduit par la figure 6. Cela est beaucoup plus souvent le cas pour les
garçons que pour les filles. Le secteur informel apparait comme le
grenier propice aux activités des enfants. La totalité des
enfants travailleurs exercent dans ce secteur.
Figure 6 : Type d'emplois des enfants
travailleurs de 10-14 ans - pourcentage - Cameroun 2005
Source : EESI 2005 phase 1.
La figure 7 montre que le secteur primaire est le secteur qui
absorbe le plus la main d'oeuvre infantile. Une proportion non
négligeable des enfants exercent dans les autres secteurs tels que
l'industrie, le commerce et les services. Dans le secteur primaire, les
garçons sont majoritaires 60,3 % contre 57,4 % pour les filles. Une
proportion importante de ces enfants sont des ambulants (12,7 %).
Figure 7 : Secteurs d'activités
des enfants travailleurs de 10-14 ans - pourcentage - Cameroun 2005
Source : EESI 2005 phase 1.
La figure 8 fait ressortir un rapport de près de 5
enfants sur 6 qui sont des aides familiaux tandis que 1 enfant sur 5 travaille
pour son propre compte et 2,4 % sont des apprentis. Par ailleurs, on enregistre
plus de filles que de garçons dans la catégorie des aides
familiaux, soit 88,1 % contre 16,9 %. Tandis que chez les travailleurs pour
compte propre et les manoeuvres la prédominance est masculine.
Figure 8 : Catégorie
professionnelle des enfants travailleurs de
10-14 ans - pourcentage - Cameroun 2005
Source : EESI 2005 phase 1.
Il ressort du tableau 5 que la mise au travail des enfants
constitue une source non négligeable de revenus pour les ménages
des enfants travailleurs. En effet, un enfant travailleur gagne annuellement en
moyenne 93 393 F CFA et un quart de ceux-ci gagnent plus de 125 184 F CFA. Les
garçons gagnent en moyenne plus que les filles. Ce constat est le
même quelque soit le milieu de résidence (rural/urbain).
3.2.3. Travail des enfants et
scolarité
On examine dans un premier temps l'appréhension du
travail des enfants en relation avec la fréquentation d'un
établissement scolaire et par la suite celle avec le rendement
scolaire.
3.2.3.1
Fréquentation scolaire
Selon que les enfants fréquentent ou travaillent, on
peut regrouper en quatre catégories mutuellement exclusives :
· enfants travaillant uniquement ;
· enfants étudiant uniquement ;
· enfants travaillant et étudiant ;
· enfants ne travaillant point, ni étudiant.
Le tableau 6 met en évidence la relation entre le
travail des enfants et la scolarisation au Cameroun.
Force est de constater qu'au Cameroun, la
simultanéité de la fréquentation scolaire et du travail
des enfants âgés de 5 à 14 ans est assez forte, environ
34,2 %. Sur l'ensemble des enfants combinant école et travail, on note
une prépondérance des garçons : 35,2 % contre 33,3 %
de filles, ainsi que du secteur rural (35,7 % contre 32,2 % dans le secteur
urbain). On qualifie ces enfants combinant l'école et le travail
d'enfants bi-actifs. Cependant, la proportion d'enfants qui apparaissent
inactifs, c'est-à-dire ne travaillent ni ne fréquentent est non
négligeable (14,3 %). Ces enfants sans activité sont parfois plus
désavantagés que ceux qui travaillent, car ne
bénéficiant ni de la scolarisation ni de l'apprentissage acquis
dans la pratique qu'offrent certaines formes de travail. Une fille sur six est
dans cette situation au Cameroun. Dans ce groupe, ce sont les enfants vivant en
milieu rural qui s'y trouvent le plus (19,1 % contre 7,6 % en milieu urbain).
La majorité d'enfants qui ont pour seule activité le travail sont
des filles et vivent en milieu rural. Toutefois, la plupart des enfants qui ont
l'école comme unique occupation sont des garçons, qui vivent par
ailleurs en milieu urbain. Le phénomène d'« enfant
inactif » est particulièrement marqué dans le
septentrion. Ainsi, 36,3 % d'enfants sont des inactifs dans l'Extrême
Nord, contre respectivement 34 % et 26,7 % pour le Nord et l'Adamaoua.
De l'examen des données collectées, il ressort
du tableau 7 que, globalement 4 enfants sur 5 sont scolarisés. Au
Cameroun comme dans d'autres pays, le système scolaire est marqué
par des disparités sensibles selon le sexe et le milieu de
résidence. Ainsi, le taux de scolarisation est nettement plus
élevé chez les garçons que chez les filles, soit de 81,6 %
pour les garçons contre 76,6 % chez les filles. Il est également
bien connu que les enfants qui résident en milieu urbain ont plus de
chances que ceux du milieu rural de fréquenter une école. Au
Cameroun, le taux de scolarisation des enfants de 5-14 ans en milieu urbain est
de 89,1 %, contre 71,8 % pour le milieu rural ; c'est dire que les enfants
qui habitent en milieu rural ont 17,3 % de chances en moins que leurs
congénères du milieu urbain d'aller à l'école. On
note également de fortes disparités entre les dix provinces que
comptent les pays. Les régions septentrionales totalisent les taux de
scolarisation les plus bas. Ils sont de 50,8 % pour l'Extrême Nord, 50,4
% pour le Nord, et 61 % pour l'Adamaoua.
3.2.3.2. Rendement
scolaire
Fort logiquement, la durée moyenne de travail des
enfants est tributaire de leur statut d'activité. En effet, le tableau 8
montre que le temps de travail moyen des enfants ayant pour seule
activité le travail est nettement supérieur à celui des
enfants bi-actifs. Une observation identique est faite indépendamment du
sexe. On note aussi que les enfants issus de ménages très pauvres
travaillent en moyenne un peu plus que ceux issus des ménages non
pauvres. Nous avons mentionné précédemment que les filles
qui ont pour seule activité le travail sont majoritaires. Ceci
étant, elles travaillent en moyenne plus que les garçons de cette
catégorie. Les enfants résidant en milieu rural travaillent en
moyenne plus que ceux des villes quelque soit le sexe. Les enfants ayant pour
seule activité l'école et ceux combinant l'école et le
travail vont à l'école en moyenne près de 4 jours sur 5.
Ce constat est le même quelque soit le genre, le milieu et le niveau de
vie du ménage. Ainsi, on peut penser qu'en fait les enfants bi-actifs
travaillent après l'école.
L'année scolaire 2004-2005 a été
marquée par un succès pour 74,7 % des enfants âgés
de 5 à 14 ans. Comme le montre le tableau 9, ce succès est plus
marquant chez les filles que chez les garçons, soit de 76 % pour les
filles contre 73,4 % chez les garçons et . En revanche, qu'il s'agisse
du milieu urbain ou du milieu rural, le taux de réussite est
équivalent avec une légère différence en zone
rurale. Dans certaines régions (Douala, Adamaoua) les taux de
réussite des garçons sont plus importants que ceux des filles.
Les enfants issus des ménages très riches semblent avoir plus de
chances de réussir que leurs semblables des autres couches. Les
données présentées dans le tableau 9 illustre deux autres
constats. Primo, les enfants de la tranche d'âge 10-14 ans
réussissent plus les enfants âgés de 5 à 9 ans.
Secundo, les provinces du septentrion (Adamaoua, Nord) enregistrent les taux de
réussite les plus élevés.Ce constat doit être
relativisé, puisqu'ils enregistrent aussi les taux de scolarisation les
plus faibles. En fait, le peu d'enfants qui y fréquentent fournissent
des résultats académiques assez satisfaisants.
En ce qui concerne le statut d'occupation des enfants, la
figure 9 nous montre que les enfants bi-actifs négocient facilement leur
passage en classe supérieure comparativement aux enfants n'ayant d'autre
activité que l'école. Ainsi, malgré le fait qu'ils
combinent école et travail, les enfants bi-actifs sont presque
réguliers à l'école et comptabilisent un taux de
réussite supérieur à celui des enfants se consacrant
exclusivement à l'école.
Figure 9 : Pourcentage de réussite
des enfants de 5-14 ans
selon le statut d'occupation - Cameroun 2005
Source : MICS 2006.
La figure 10 laisse apparaître que les enfants
conjuguant école et travail réussissent plus dans le secteur
rural que dans le secteur urbain. Tandis que ceux ne faisant que l'école
réussissent plus dans les villes que dans les villages et campagnes.
Ainsi, les enfants travailleurs des zones rurales ont une bonne capacité
à pouvoir concilier le travail et l'école comparativement
à ceux des zones urbaines.
Figure 10 : Pourcentage de
réussite des enfants de 5-14 ans selon le milieu et par statut
d'occupation - Cameroun 2005
Source : MICS 2006.
Quelque soit le statut d'occupation de l'enfant, la figure 11
montre que les filles ont un taux de réussite supérieur à
celui des garçons. Les figures 12 et 13 récapitulent les taux de
scolarisation, d'activité et de réussite dans les
différentes provinces du Cameroun. On peut constater que les provinces
du Nord Ouest, Ouest et Littoral et du Sud ont des taux de scolarisation et
d'activités des enfants très proches. Par ailleurs, les provinces
du Nord Ouest, sud Ouest et Littoral ont des taux de réussite et
d'activités des enfants très proches.
Figure 11 : Pourcentage de réussite
des enfants de 5-14 ans selon le sexe et par statut d'occupation - Cameroun
2005
Source : MICS 2006.
Figure 12 : Schéma comparatif du
travail des enfants et de la scolarisation dans les dix provinces du Cameroun
EXTREME NORD
NORD
NORD OUEST
ADAMAOUA
SUD OUEST
OUEST
CENTRE
LITTORAL
EST
SUD
Source : MICS 2006.
Figure 13 : Schéma comparatif du
travail des enfants et du rendement scolaire dans les dix provinces du Cameroun
en 2006
EXTREME NORD
NORD
NORD OUEST
ADAMAOUA
OUEST
SUD OUEST
CENTRE
LITTORAL
EST
SUD
Source : MICS 2006.
Le phénomène d'« enfant
travailleur » est une réalité au Cameroun. Son ampleur,
telle que révélée par les données, fait de celui-ci
un problème sérieux. Les résultats préliminaires
obtenus dans ce chapitre nous ont permis d'explorer le travail des enfants et
nous incitent à mieux appréhender l'impact du travail des enfants
sur le rendement scolaire. C'est l'objectif que nous poursuivons dans le
chapitre suivant.
CHAPITRE 4 : EFFET
DU TRAVAIL DES ENFANTS SUR LE RENDEMENT SCOLAIRE
Les résultats préliminaires obtenus dans le
chapitre précédent nous ont permis d'avoir une image relativement
précise sur le travail des enfants en général autant que
sur l'interférence de celui-ci avec le rendement scolaire en
particulier. Le but de ce chapitre est d'analyser singulièrement l'effet
du travail des enfants sur le rendement scolaire. Dans un premier temps, on
effectue une factorielle discriminante pour mieux interpréter la
façon dont les groupes d'enfants ayant négocié leur
passage en classe supérieure et ceux n'ayant pas pu le faire
diffèrent selon certaines caractéristiques. Par la suite, on
applique une régression logistique à notre base de données
pour dégager l'effet net des facteurs susceptibles d'influencer le
rendement scolaire et particulièrement le facteur travail.
4.1. Approche descriptive
de la relation entre travail des enfants et rendement scolaire
Dans cette section, il s'agit essentiellement de
décrire la relation entre le rendement scolaire et le travail infantile.
Nous pouvons observer dans notre échantillon deux groupes d'enfants
mutuellement exclusifs : ceux ayant réussi leur passage en classe
supérieure et ceux l'ayant raté. En tenant compte d'un ensemble
de variables dont certaines sont liées au travail infantile, une analyse
factorielle discriminante est menée afin d'analyser les
différences entre ces deux groupes d'enfants et de déterminer
lesquelles de ces variables explicatives sont plus discriminantes vis à
vis des groupes déterminés.
4.1.1. Présentation
des variables de l'analyse factorielle discriminante et analyse descriptive
Le but de l'analyse discriminante est d'étudier les
relations entre une variable qualitative et un ensemble de variables
explicatives quantitatives et/ou qualitatives binaires. Les variables de
l'analyse sont présentées en premier, ensuite la base de
données qui a rendu possible l'analyse.
4.1.1.1. Les variables
Les données analysées provenant de
l'enquête MICS 2006, portent sur 8800 enfants de 5-14 ans
scolarisés sur lesquels on dispose d'un certain nombre d'informations.
D'une part, nous avons le rendement scolaire de l'enfant
(« succès » ou « échec »)
qui constitue la variable à expliquer et d'autre part deux
caractéristiques qualitatives binaires (sexe et milieu de
résidence) et quatre variables quantitatives (âge, nombre de jours
d'école, volume horaire hebdomadaire de travail, nombre d'enfants de
moins de cinq ans dans le ménage) qui constituent les variables
explicatives.
Les variables exogènes peuvent être
regroupées en trois groupes. Tout d'abord, les caractéristiques
propres à l'enfant qui sont l'âge et le sexe. Le deuxième
groupe est composé des variables décrivant le contexte familial
dans lequel l'enfant se meut. Il s'agit ici du nombre d'enfants de moins de
cinq ans présents dans le ménage et du milieu de
résidence. Enfin le troisième groupe, porte sur le volume horaire
hebdomadaire de travail auquel est astreint l'enfant et le nombre de jours par
semaine où il va à l'école.
L'on se propose donc d'effectuer une analyse factorielle
discriminante sur ces 8800 enfants de 5-14 ans scolarisés,
repérés par les variables sus-citées. Comme étape
préliminaire, une analyse descriptive sera menée dans le but de
se familiariser avec la base de données en notre possession.
4.1.1.2. Analyse
descriptive
Il s'agit ici de faire une analyse exploratoire minutieuse de
la base de données qu'on veut soumettre à l'analyse factorielle
discriminante. À cet effet seront interprétés les divers
résultats présentés en annexe B.
Le tableau B1 en annexe présente les statistiques
générales. On note la grande
hétérogénéité des statistiques issues des
distributions des quatre variables quantitatives de l'étude : ordre de
grandeur différent pour les moyennes, écart-types, maxima et
minima. Chaque ménage compte en moyenne un enfant de moins de 5 ans. Le
volume horaire hebdomadaire de travail quant à lui s'élève
à 10,7 heures et les enfants ont en moyenne 10 ans. Ces variables ont de
grandes étendues et sont assez dispersées autour de leur moyenne.
En ce qui concerne les variables qualitatives binaires sexe et milieu de
résidence, les modalités les plus fréquentes sont les
garçons et le secteur rural.
Le tableau B1 en annexe propose des informations pour les
deux groupes d'enfants : « succès » ou
« échec ». On constate que les statistiques
(minimum, maximum, moyenne et écart type) liées aux variables
nombre d'enfant de moins de cinq dans le ménage et volume horaire
hebdomadaire de travail sont légèrement élevées
pour les enfants ayant eu un rendement scolaire négatif comparativement
à leurs semblables ayant eu un rendement scolaire positif. En outre, la
structure par âge indique que les enfants ayant réussi ont une
moyenne d'âge légèrement supérieure à ceux
ayant échoué. La structure du nombre de jours d'école par
semaine est semblable dans les deux groupes. Quant aux variables sexe et milieu
de résidence, il apparaît que dans le groupe
« succès », ce sont les filles qui s'y
intègrent le plus ainsi que les enfants du milieu urbain. Une
observation contrastée se dégage pour le groupe
« échec ».
Le tableau B2 en annexe présente la matrice de
corrélation entre les variables quantitatives. La matrice de
corrélation suggère une corrélation positive entre
l'âge et le nombre d'heures de travail ( ). Ce résultat n'est pas surprenant car plus l'enfant grandit,
mieux sa force de travail s'améliore. Néanmoins cette
corrélation n'est pas forte. Quant aux autres variables les
corrélations entre elles sont très faibles.
Cette étape préliminaire d'analyse descriptive
nous amène à tirer les enseignements suivants :
· les enfants dont le rendement scolaire est positif ont
en général un âge plus important que ceux pour qui le
résultat est négatif ;
· les enfants qui ne réussissent pas ont un volume
horaire de travail élevé comparativement à ceux qui
réussissent ;
· les filles réussissent plus que les
garçons et les enfants du milieu urbain plus que ceux du milieu
rural ;
· il existe une corrélation positive entre
l'âge et le volume horaire de travail.
4.1.2. Interprétations
des résultats de l'AFD
L'analyse factorielle discriminante a été
effectuée à l'aide du logiciel XLSTAT. Les résultats sont
consignés dans les tableaux et graphiques de l'annexe B.
Tout d'abord, le test unidimensionnel de
l'égalité des moyennes des groupes de Fisher et celui du Lambda
de Wilks illustrés au tableau B3 en annexe nous révèlent
que les moyennes des variables exogènes52(*) sont significativement différentes dans les
deux groupes. En outre, l'examen du test de Fisher nous montre que les
variables « âge », « volume horaire
hebdomadaire de travail de travail » et « nombre d'enfants
de moins de cinq ans dans le ménage » sont les plus
discriminantes. De plus, d'après le test du Lambda de Wilks, seule la
variable « âge » semble avoir une influence.
Le tableau B4 en annexe fournit les valeurs propres et le
pourcentage de variance correspondant. On peut voir que la variabilité
est entièrement représentée par le premier facteur. Il n'y
a ici qu'un facteur, ce qui n'est pas surprenant : en effet, le nombre maximum
de facteurs non nuls vaut , lorsque , où ( = 8800) est le nombre d'observations, ( = 6) le nombre de variables explicatives et ( = 2) le nombre de groupes.
La figure B1 et le tableau B4 en annexe présentent de
quelle façon les six variables initiales sont corrélées
avec le facteur obtenu. On peut voir que l'âge semble être la
variable la plus discriminante, ensuite vient le volume horaire de travail. Sur
cet axe, les variables « âge », « volume
horaire de travail », « milieu-urbain »,
« sexe-fille » et « nombre de jours
école » s'opposent aux variables « nombre enfants de
moins de cinq ans dans le ménage »
« milieu-rural » et
« sexe-garçon ». Le premier groupe
caractérise les variables favorisant la réussite et le second
groupe les variables entrainant l'échec.
Sur la figure B2 en annexe sont affichés les individus
sur l'axe factoriel. Ce graphique permet de confirmer que les individus sont
bien discriminés sur l'axe factoriel obtenu à partir des
variables explicatives initiales. Le graphique étant bien
orthonormé, on peut constater que c'est le premier axe qui discrimine le
mieux les deux groupes. Les barycentres des deux groupes sont
affichés.
Quelques tests statistiques présentés dans le
tableau B5 en annexe (le test de Box et Lambda de Wilks) font montre d'un
modèle statistiquement valide.
Il ressort de cette analyse factorielle discriminante que le
rendement scolaire peut s'expliquer par les variables
« âge », « volume horaire de
travail », « nombre d'enfants de moins de cinq ans dans le
ménage », « nombre de jours
d'école », « sexe » et « milieu
de résidence ». En particulier l'âge, le volume horaire
de travail et le nombre d'enfants de moins de cinq ans dans le ménage
sont les plus discriminantes. En outre, l'âge, le volume horaire de
travail agissent positivement sur le rendement scolaire tandis que le nombre
d'enfants de moins de 5 ans joue un rôle négatif sur le rendement
scolaire. Il apparaît donc que le travail infantile mesuré ici par
le « volume horaire hebdomadaire de travail » et
« le nombre de jours d'école » participe à la
discrimination des groupes d'enfants « succès » et
« échec ». Il en découle que le rendement
scolaire est lié au travail infantile. De plus ce dernier semble avoir
un effet positif sur le rendement scolaire.
En somme, l'approche descriptive indique que le travail des
enfants semble être lié positivement avec le rendement scolaire.
Pour tester la significativité de ce résultat, nous utiliserons
un modèle économétrique.
4.2 Approche
économétrique de la relation entre travail des enfants et
rendement scolaire
Cette section met en évidence le lien qui existe entre
travail infantile et rendement scolaire à travers un modèle
économétrique. La démarche méthodologique consiste
à expliquer le rendement scolaire des enfants à travers la
méthode de régression logistique pour dégager l'effet net
de chacune des variables explicatives, et en particulier celles relatives au
travail des enfants. L'analyse est conduite en deux phases. Dans un premier
temps, une brève description des variables du modèle est faite.
Après la description, les résultats économétriques
et interprétations sont présentés.
4.2.1. Présentation
des variables du modèle
L'analyse économétrique se base sur les
données relatives à l'enquête MICS 2006. Le choix des
co-variables à introduire dans un modèle de régression
repose non seulement sur les connaissances théoriques et travaux
déjà réalisés, mais aussi sur la finalité du
modèle. En effet, il faut distinguer entre une analyse
« pronostic » et une analyse
« étiologique », car la finalité n'est pas
tout à fait la même. Dans une analyse «
pronostic », on cherche avant tout à construire un
modèle permettant de prédire (discriminer dans la
régression logistique) le mieux possible les « outcomes »
( et ) à partir des co-variables, a contrario dans une analyse
« étiologique » on s'intéresse plus
particulièrement à évaluer le risque associé
à un facteur. L'approche retenue dans le cadre de notre recherche est
l'analyse « étiologique ». Autrement dit, le
modèle retenu ici va nous servir pour mesurer l'effet net de chacune des
variables exogènes susceptibles d'influencer le rendement scolaire.
De façon formelle, il y a une seule variable
dépendante dans le modèle qui tient compte du rendement scolaire
de l'enfant. Cette variable est baptisée et prend la valeur 1 si l'enfant a réussi son passage en classe
supérieure et dans le cas contraire. Comme cela a été dit dans le
chapitre 1, la réussite est définie comme le fait de passer de la
classe à la classe . La variable étant dichotomique, la régression logistique a
été retenue ici pour évaluer l'effet net des facteurs
susceptibles d'influencer le rendement scolaire.
Au final, quels sont les déterminants du succès
ou de l'échec ? Pour répondre à cette question, nous
avons retenu dans le modèle un certain nombre de variables explicatives
pouvant être regroupées en deux groupes :
- Caractéristiques de l'enfant
Les caractéristiques propres de l'enfant inclues dans
cette étude concernent la tranche d'âge de l'enfant, son genre,
son statut d'occupation, ses activités, son niveau d'éducation et
la possession de certaines fournitures scolaires.
- Caractéristiques du ménage
Le deuxième groupe est composé des variables
décrivant le contexte familial dans lequel l'enfant évolue. Il
comprend le milieu de résidence, le nombre d'enfant de moins de cinq ans
dans le ménage, le nombre d'enfants de 5-14 ans, le nombre de femme
âgées de 15 à 49 ans, le niveau d'instruction du chef de
ménage, le niveau d'instruction de la mère du ménage, le
niveau de vie du ménage, l'utilisation de l'électricité,
la possession d'un poste radio, d'un téléviseur. Le poids relatif
des enfants de 0-4 ans et des enfants scolarisables (5-14 ans) peut
entraîner des choix dans la décision de scolariser, ou de les
scolariser et de les mettre au travail à la fois, affectant ainsi leur
rendement scolaire. L'introduction de ces variables est fondée sur le
coût que le nombre élevé d'enfants peut jouer sur la
décision de combiner travail et éducation. Nous tenons compte de
la possession de certains biens par le ménage dont la radio, la
télévision pour cerner l'impact, non pas du niveau de vie mais du
fait de l'information sur le choix des parents quant à
l'éducation de leurs enfants. Le milieu dans lequel se trouve le
ménage est un facteur qui peut jouer en amont sur soit la scolarisation,
soit à la fois sur la scolarisation et le travail des enfants et, en
aval sur le rendement scolaire des enfants compte tenu des disparités
qui existent entre les villes et les campagnes.
Formellement, le modèle s'établit de la
façon suivante :
où est la matrice des caractéristiques individuelles, familiales et
communautaires de l'enfant, le paramètre à estimer. Nous partons du principe que les
erreurs suivent une distribution logistique.
4.2.2. Résultats
économétriques et interprétations
Pour mieux examiner l'association entre le travail des
enfants et le rendement scolaire, il a été jugé
nécessaire de procéder à des analyses multivariées
relatives au genre et au lieu de résidence. Les résultats de ces
analyses qui figurent dans les tableaux 10 et 11 ont été obtenus
à l'aide du logiciel STATA 9.
4.2.2.1. Analyse du
rendement scolaire selon le sexe
Les résultats du tableau 10 nous montrent globalement
qu'au Cameroun, toutes choses égales par ailleurs, les garçons
ont environ 22 % de chances en moins de négocier leur passage en classe
supérieure que les filles. Le milieu de résidence influence
significativement le rendement scolaire des enfants. En effet, les enfants
vivant en milieu urbain ont 27 % de chances en plus de réussir que leurs
homologues résidant en milieu rural. Ce constat est plus marqué
chez les garçons, soit de 30 % contre 24 % chez les filles.
Généralement, la réussite scolaire est moins probable dans
le groupe d'âge 5-9 ans que les autres. Cette association se maintient
quelque soit le sexe. Par ailleurs, dans l'ensemble, les conditions de vie
demeurent également déterminantes dans le parcours scolaire des
élèves. Les enfants issus de ménages pauvres ont 25 % de
chances en moins de réussir que leurs prochains issus de ménages
moyens. Cette relation n'est significative que pour le genre masculin.
Néanmoins, les enfants logeant dans des maisons sans
électricité ont 28 % de chances en plus de réussir que
ceux vivant dans des logements possédant de l'électricité.
Cette association n'est cependant significative que chez les filles. Ce
paradoxe peut trouver raison dans le fait que le premier groupe d'enfants,
à savoir ceux ne possédant pas d'électricité, ont
leur énergie canalisée sur l'essentiel à savoir leurs
activités académiques. De plus, le fait d'être
privés d'électricité les oblige à travailler de
façon assidue notamment avant la tombée de la nuit afin de ne
point abîmer leurs yeux. Par contre, la deuxième classe d'enfants
sus-citée a davantage de loisirs audiovisuels.
Outre les résultats obtenus plus haut et qui
confirment certaines présomptions, les équations
élaborées conduisent à une association positive entre le
travail des enfants et le rendement scolaire. De manière globale, toutes
choses égales par ailleurs, la probabilité de réussite
croît avec le temps consacré au travail. Ainsi, un enfant qui
travaillera une heure de plus que son semblable aura près de 2 % de
chances en plus de réussir que lui. Mais cette croissance n'est pas
infinie. En effet, la valeur du rapport de chances inférieure ou
égale à 1 liée à la variable « heure de
travail au carré » (ou encore le coefficient estimé
négatif associé à cette variable) indique que la
probabilité de réussite augmente fortement dans les
premières heures de travail, puis croît de moins en moins au fur
et à mesure que le temps évolue, pour ensuite s'estomper. Cette
valeur n'est toutefois pas statistiquement significative chez les
garçons. Le fait de travailler semble positivement associé
à la réussite scolaire. Les enfants qui travaillent ont 21 % plus
de chances de réussite que ceux qui ne travaillent pas. Cette
association forte significative et bien intense chez les filles, l'est moins
chez les garçons. En particulier, de manière
générale, ceteris paribus, la probabilité de
réussir croît avec le nombre d'heures de travail domestique et un
enfant travaillant une heure supplémentaire a en plus 3 % de chances de
réussir que son congénère. Comme pour les heures de
travail total, cette croissance n'est pas infinie. Toutefois, cette relation
n'est statistiquement significative que chez les garçons. Tous ces
résultats tendent simplement à élucider le fait que
lorsqu'un enfant travaille pendant un nombre d'heures ne dépassant pas
un certain seuil, il a autant de chances de succès que son homologue qui
ne travaille pas.
Qu'est ce qui peut expliquer le fait que les enfants qui
conjuguent école et travail au Cameroun réussissent mieux que
leurs camarades qui ne font que l'école ? Ce résultat peut
s'expliquer par le fait que l'assimilation des leçons peut se faire
généralement lors des cours en classe et non seulement à
la maison. Comme nous l'avons constaté, les enfants bi-actifs sont
autant assidus que ceux ne faisant que l'école. Pour cela, les enfants
ne se consacrant qu'à l'école ne sont pas forcément plus
avantagés que les enfants travailleurs. En outre, rien ne
démontre que les enfants qui font seulement l'école
étudient plus que ceux qui travaillent. En effet, le temps de loisirs
des enfants qui ne travaillent pas peut être supérieur à
celui de travail des enfants bi-actifs. De plus, les loisirs absorbent plus
l'esprit de l'enfant que le travail. En général, les enfants
bi-actifs sont issus de familles démunies. Pour ces familles, pourvoir
aux moyens financiers nécessaires à l'instruction de l'enfant est
un investissement fort important. Ceci conduit à une attention
particulière des parents quant à la réussite scolaire de
ce dernier ; d'où la responsabilisation de l'enfant, même
très jeune. De fait, quand celui-ci ne réussit pas, il est
généralement forcé de mettre fin à son cursus
scolaire, les parents ne voulant plus prendre de risques face à
l'échec, preuve d'un investissement non rentable. Ainsi, ces enfants
sont conscients que leur avenir leur appartient et sont donc
déterminés à réussir.
Par ailleurs, comme on pouvait s'y attendre le nombre de fois
par semaine où l'enfant se rend à l'école influence
positivement le rendement scolaire de l'enfant. Ainsi, un enfant qui ira
à l'école 1 jour de plus que son camarade aura environ 8 % de
chances en plus de réussir que ce dernier. Le constat est significatif
pour les garçons mais nullement pour les filles. Les enfants de 5-14 ans
du niveau secondaire ont 3,3 fois plus de chances de réussir que ceux du
niveau primaire. La possession des livres de lecture et de mathématiques
favorise la réussite scolaire des enfants. Dans l'ensemble, un enfant
qui possède le livre de mathématiques (respectivement le livre de
lecture) aura 47 % (respectivement 40 %) plus de chances de succès que
son camarade qui n'en possède pas. S'agissant du livre de
mathématiques, cet avantage est plus accentué chez les
garçons, soit de 58 % contre 26 % chez les filles. Tandis que pour le
livre de lecture, cet atout est plus marqué chez les filles, soit de 65
% contre 30 % pour les filles. Ceci laisse croire que les garçons sont
plus doués en mathématiques et les filles plus douées en
français. Le nombre d'enfants de moins de cinq ans dans le ménage
semble avoir un poids assez important sur le rendement scolaire des enfants.
Les résultats du tableau 10 illustrent bien ce constat. En effet, la
probabilité de succès décroît avec le nombre
d'enfants de moins de cinq ans présents dans le ménage. De ce
fait, un enfant qui vit dans un ménage où le nombre d'enfants de
moins de cinq ans dépasse de un celui de son homologue, aura 10 % de
chances en moins de réussir que ce dernier. Ce constat se justifie par
le fait que les enfants résidant dans les ménages avec des
enfants de moins de cinq ans consacrent probablement moins de temps à
leurs études les soirs à la maison, car ils doivent aider leurs
parents dans l'entretien et l'éducation de leurs frères et soeurs
moins âgés.
4.2.2.2. Analyse du
rendement scolaire selon le sexe et le milieu de résidence
L'analyse selon le milieu de résidence laisse croire
que le travail des enfants a un rôle à un effet significatif sur
le rendement scolaire des enfants. Un enfant qui travaille a plus de chances de
réussir que celui qui ne travaille pas et ceci quelque soit le milieu de
résidence. Le volume horaire de travail joue un rôle positif sur
le rendement scolaire des enfants en milieu rural et spécifiquement chez
les filles. Tandis que les tâches domestiques jouent un rôle
positif sur le travail des enfants en milieu urbain et particulièrement
chez les filles. Toutefois, cette intensité n'est pas infinie. Quant aux
garçons des milieux urbain et rural, aucune relation entre le nombre
d'heures de travail total, en particulier celui domestique et le rendement
scolaire n'est significative. Quelque soit le milieu de résidence et
quelque soit le sexe, la réussite des enfants âgés de 5
à 9 ans est moins probable que celle des autres. Le nombre de jours par
semaine où un enfant se rend à l'école influence
positivement le rendement scolaire chez les garçons et ceci
indépendamment du milieu de résidence. Concernant le sexe
féminin, la relation n'est pas significative. De façon globale,
le fait de posséder le livre de mathématiques ou le livre de
lecture est un facteur favorable à la réussite tant dans le
milieu rural que dans le milieu urbain. Pour le livre de mathématiques,
cette association se vérifie tant chez les garçons que chez les
filles du milieu urbain et n'est significative que pour les garçons en
zone rurale. S'agissant du livre de lecture, la relation se vérifie tant
chez les garçons que chez les filles du milieu rural et n'est
significative que pour les filles en milieu urbain.
Les modèles d'analyse construits selon le milieu de
résidence font penser que la présence des enfants de moins de
cinq ans dans le ménage joue un rôle négatif sur le
rendement scolaire des enfants. Cependant, cette association n'est
déterminante que chez les filles en zone rurale. Le niveau d'instruction
du chef de ménage influence positivement et fortement la réussite
scolaire des enfants garçons vivant en milieu urbain ; le contraire
est néanmoins observé en ce qui concerne le niveau d'instruction
de la mère du ménage. En considérant le niveau de vie du
ménage, les résultats du tableau 11 montrent que les filles en
zone urbaine issues des ménages très pauvres ont 41 % de chances
en moins de réussite que leurs camarades filles du milieu rural. Par
contre, les filles en milieu urbain logeant dans des ménages utilisant
l'énergie électrique ont 48 % de chances en moins de
réussir que celles résidant dans des ménages n'ayant pas
accès à l'électricité. Les garçons du milieu
rural semblent beaucoup aider leurs parents dans l'entretien et
l'éducation de leurs frères et/ou soeurs moins âgés.
Les résultats du modèle 6 (tableau 11) illustrent bien cette
observation. En effet, les garçons du milieu rural ont plus de chances
de réussir quand il n'y a aucun enfant de moins de cinq ans dans le
ménage. De plus, les ménages ruraux qui vivent en
général dans les conditions économiques les plus
difficiles, n'utilisent pratiquement pas de domestiques. La main d'oeuvre
infantile demeure alors indispensable dans ce contexte.
CONCLUSION ET
RECOMMANDATIONS
Le travail des enfants est un phénomène
réel au Cameroun, même s'il n'est pas alarmant comme dans d'autres
pays du monde. L'étude que nous avons menée visait à
cerner l'interaction existant entre le travail des enfants âgés de
5 à 14 ans et le rendement scolaire de ceux-ci. Plus
spécifiquement, il était question de savoir si dans un contexte
de pauvreté abjecte comme celle qui prévaut au Cameroun, il
était possible de concilier école et travail chez les enfants.
À la lumière des analyses qui précédent, l'on peut
affirmer que le travail des enfants est un problème sérieux au
Cameroun et qu'il recouvre des réalités diverses selon que l'on
se trouve en milieu urbain ou rural, au niveau des provinces ou encore que l'on
s'intéresse au genre masculin ou féminin.
Menée jusqu'à son à terme, notre
étude nous a permis de relever un certain nombre de
spécificités inhérentes au travail des enfants
camerounais. Le volume horaire auquel est astreint un enfant camerounais
âgé de 5 à 14 ans n'est pas intense, en moyenne de 2 heures
par jour (tableau 4). Une proportion importante de ces enfants combinent
école et travail, et sont en général assidus à
l'école ; le travail se faisant généralement
après l'école. Le facteur travail agit positivement sur le
rendement scolaire de l'enfant jusqu'à un certain seuil où il
commence à être défavorable à celui-ci. Ceci veut
simplement dire que tant qu'un enfant travaille pendant un certain nombre
d'heures « raisonnable », il a autant de chances de
réussir que celui qui ne travaille pas du tout. Les enfants camerounais
qui travaillent réussissent généralement mieux, dans le
domaine académique, que leurs compagnons qui ne travaillent pas. Dans un
contexte et à un moment où le travail des enfants nourrit
plusieurs débats, cette association entre travail infantile et rendement
scolaire mérite des analyses plus futées. Faut-il remettre
plutôt en cause le concept travail des enfants dans le contexte africain
et en particulier celui du Cameroun ? Considéré comme un
volet important de la socialisation, le travail domestique occupe une place
assez importante dans les activités des enfants. Les garçons
presque autant que les filles participent aux travaux ménagers.
Compte tenu de l'engagement pris par le Gouvernement
camerounais, dans le cadre des conventions ratifiées sur les droits de
l'enfant et eu égard aux spécificités relevées dans
l'étude, quelques suggestions ont été faites dans le but
de contribuer à l'amélioration de la situation des enfants
travailleurs. Le fait de considérer comme priorité absolue
l'élimination du travail des enfants n'est pas la meilleure approche au
problème. Il est suggéré à cet effet de mener des
actions dans le sens de :
· Mettre l'accent en priorité sur la nature des
travaux effectués par les enfants au lieu de prohiber tout simplement le
travail des enfants de 5-14 ans. Puisque nous avons montré que les
enfants de 5-14 ans peuvent concilier école et travail, il faudrait
plutôt se focaliser sur la nature et l'ampleur des travaux
effectués par ceux-ci.
· Prendre en compte les besoins des familles. Le travail
des enfants répond dans la plupart des cas à un besoin des
familles : besoin d'argent, lorsque les parents ne parviennent pas
à trouver d'emploi ou besoin de main d'oeuvre quand ceux-ci n'ont pas
les moyens de payer un tiers pour effectuer un travail pourtant indispensable
dans le processus nécessaire de gagne-pain. Il peut s'agir de tenir la
maison pendant que les parents travaillent ou de leur prêter main-forte
sur leur lieu de travail. Pour obtenir que ces enfants soient effectivement
scolarisés, il faudra donc imaginer des substituts qui leur permettront
d'aller à l'école sans que cela ne porte préjudice
à leurs parents. Ainsi, il faut permettre aux enfants d'être
à la fois scolarisés et travailleurs tout en veillant à la
nature des travaux effectués par ceux-ci.
À l'issue de cette analyse, nous n'avons pas la
prétention d'avoir épuisé le sujet mais il ne fait aucun
doute que les résultats obtenus permettent d'apprécier un tant
soit peu l'interaction entre le travail des enfants et le rendement scolaire.
Compte tenu des informations disponibles dans la base de données, pour
définir le rendement scolaire nous n'avons considéré que
le résultat scolaire de l'enfant (succès ou échec) et non
la moyenne annuelle obtenue par celui-ci. La prise en compte de la moyenne
obtenue par l'enfant pourrait permettre d'avoir encore des résultats
plus précis. En outre, la détermination du seuil d'heures
hebdomadaires au-dessous duquel le travail des enfants de 5-14 ans ne nuit pas
à leur rendement scolaire mérite une recherche à part
entière.
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« Scolarisation et travail des enfants : un
modèle économétrique à régimes
endogènes appliquée à Madagascar - 2001-2005 »,
Document de travail No. 134, Centre d'économie du développement,
Université Montesquieu-Bordeaux IV - France, 26p.
[30] LAHLOU M. (2006) « Le travail
des enfants au Maroc » dans : Enfants d'aujourd'hui -
Diversité des contextes - Pluralités des parcours, AIDELF,
Colloque international de Dakar, Sénégal (10-13 décembre
2002), Numéro 11, Tome 2, pp. 1009-1027.
[31] MEILLASSOUX C. (1996)
« Économie et travail des enfants », dans :
L'enfant exploité. Oppression, mise au travail, prolétarisation,
ouvrage collectif sous la direction de B. Schlemmer, Paris, Karthala-Orstom,
pp. 55-66.
[32] MINTSS (2007) « Lois et
décrets sur le travail des enfants au Cameroun », Atelier de
formation des personnes ressources, relatif à l'enquête nationale
sur le travail des enfants au Cameroun, (Yaoundé, 05- 07
février), 9p.
[33] RAJAN R. (2000) « Child
Labour, Child Schooling and Their Interaction with Adult Labour : Empirical
Evidence for Peru and Pakistan », The World Bank Economic Review, Vol. 14,
No. 2, pp. 347-367.
[34] RAJAN R. et LANCASTER G. (2005)
« Effets du travail des enfants sur la scolarité : une
étude multinationale », Revue Internationale du Travail, vol.
144, No. 2, pp. 201-223.
[35] SAPORTA G. (2006)
« Probabilités, analyse des données et
statistique », 2e édition révisée et
augmentée, Technip, Paris, 622p.
[36] SCHLEMMER B. (1996) « L'enfant
exploité. Oppression, mise au travail, prolétarisation, Paris,
Karthala-Orstom, 522p.
[37] UNESCO (2001) « Les principaux
indicateurs de l'éducation », Atelier de formation en
statistiques pour les journalistes spécialistes de l'éducation,
Dakar, Sénégal (20-22 juin 2001), Module No. 2, 38p.
[38] UNICEF et INS (2001) « Rapport
principal de l'enquête à indicateurs multiples (MICS) au Cameroun
année 2000 », 144p.
[39] UNICEF (2007) « La situation
des enfants dans le monde 2007», New York, 148p.
ANNEXES
ANNEXE A : Situation du travail des enfants au
Cameroun
ANNEXE B : Analyse factorielle
discriminante
Source : MICS 2006.
ANNEXE C : Régression
logistique
* 1 BIT (2004).
* 2 BIT (2004).
* 3 BIT (2004).
* 4 BIT (2004).
* 5 BIT (2004).
* 6
http://www.ilo.org/public/french/dialogue/ifpdial/info/national/index.htm
* 7 Ce d'autant que les
enquêtes que nous exploitons ne nous permettent pas de distinguer les
activités dangereuses des autres activités.
* 8 La littérature
anglo-saxonne considère le travail des enfants ou child work, comme un
travail non nuisible à l'enfant (puiser l'eau, entretenir la maison,...)
et oppose à ce terme celui de child labour, qui va désigner les
situations de travail dangereuses pour l'enfant.
* 9 BIT (2004).
* 10 BIT (2004).
* 11
http://www.ilo.org/public/french/dialogue/ifpdial/info/national/index.htm
* 12 BIT (2004).
* 13 BIT (2004).
* 14 UNESCO (2001).
* 15 Abanda (2006), pp
29-30.
* 16 BIT (2004).
* 17 Il s'agit ici des
situations d'enfants travailleurs les plus rencontrées. Puisque, on peut
avoir la situation suivante : un enfant logeant dans la rue et travaillant
dans une autre famille ou dans une institution.
* 18 BIT (2004).
* 19 BIT (2004).
* 20 BIT (2004).
* 21 BIT (2004).
* 22 Les enfants dans la
rue sont des enfants travaillant dans la rue mais ne dormant pas
là.
* 23 Bhukuth (2004).
* 24 Bhukuth (2004).
* 25 Ballet et al (2006).
* 26 Bhukuth (2004).
* 27 Bhukuth (2004).
* 28 Bhukuth (2004).
* 29 Bhukuth (2004).
* 30 Bhukuth (2004) et Ballet
et al (2006).
* 31 Op.cit.
* 32 Lachaud (2005).
* 33 Op.cit.
* 34 Op.cit.
* 35 Op.cit.
* 36 Edmonds (2003).
* 37 Bhukuth (2004).
* 38 Bhukuth (2004).
* 39 Lachaud (2005).
* 40 MINTSS (2007).
* 41 Ajab (1994).
* 42 MINTSS (2007).
* 43 Traduction
française de Multiple Indicators Cluster Survey.
* 44 Dans cette
étude, les données relatives à EESI 2005 ne seront
utilisées que dans la section qui s'intéresse aux
caractéristiques du travail des enfants ; informations
indisponibles dans MICS 2006. Ainsi, sauf mention contraire, les
résultats présentés tout au long de cette étude
proviennent des données de MICS 2006.
* 45 INS(2006).
* 46 En 2000, les
données de la MICS II révélaient un pourcentage de 58 %
d'enfants travailleurs au Cameroun.
* 47 Le travail des enfants
est estimé en 2005 à 10 % pour le Moyen -Orient et Afrique du
Nord, 14 % pour l'Asie du sud, 11 % pour l'Asie de l'est et Pacifique et 9 %
pour l'Amérique latine et Caraïbes (UNICEF, 2007).
* 48 L'incidence du travail
des enfants mesure l'importance du groupe des enfants travailleurs.
* 49 En ce qui concerne la
pauvreté, l'indicateur retenu est basé sur la privation relative
qui cherche à repérer un certain nombre de difficultés, de
manques ou de privations dans différents domaines des conditions
d'existence des ménages qui témoignent d'un état de
pauvreté. Il est établi à partir d'un certain nombre de
variables qui couvrent à la fois les caractéristiques de
l'habitat, la possession de bétail et autres à travers une
analyse en composantes principales (ACP). À la suite de l'indicateur de
bien-être qui est calculé, les ménages sont classés
en fonction de leurs scores en cinq quintiles.
* 50 Pour ce qui est des
régions l'INS distinguent 12. Il y a les villes Douala et
Yaoundé, ensuite toutes les dix provinces du Cameroun.
* 51 Dans EESI phase 1, le
travail des enfants est mesuré par le fait que l'enfant ait
exercé une activité économique durant au moins une
heure ; la période de référence étant les 7
derniers jours.
* 52 Il s'agit du volume
hebdomadaire de travail, du nombre d'enfants de moins de 5 ans dans le
ménage, de l'âge, et du nombre de jours d'école.