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Prise en Charge Psychosociale des PVVIH/SIDA dans trois centres sociaux de Porto-Novo au Bénin

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par Dr ZONGO
IRSP-Ouidah - Bénin - Maîtrise en Santé Publique, option Gestion Santé de la Reproduction 2004
  

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PRISE EN CHARGE PSYCHOSOCIALE DES PERSONNES VIVANT AVEC LE VIH/SIDA A PORTO-NOVO AU BENIN

M. Zongo (1), J. Capochichi (2), P. Gandaho (3) , Y. Coppieters (4)

(1) Coordonnateur du CRADES (Centre de Recherche et d'Appui du Développement de la Santé à la Base) et médecin en service au Centre Hospitalier de Pneumo-phtisiologie de Akron - Bénin. ong.crades@yahoo.fr ou mahamoudz@yahoo.fr

(2) Assistante Pédagogie à l'Institut Régional de Santé Publique de Ouidah, Bénin. guedegbec@yahoo.fr

(3) Professeur de Psychiatrie, Vice Recteur de l'Université de Parakou - Bénin. gprosper02@yahoo.fr

(4) Professeur de santé publique, Département d'épidémiologie et promotion de la santé, Ecole de Santé Publique de l'Université Libre de Bruxelles, route de Lennik 808 CP 596, B - 1070 Bruxelles. yves.coppieters@ulb.ac.be

RESUME

La prise en charge psychosociale des personnes vivant avec le VIH/SIDA est un facteur indispensable pour l'amélioration de leur état de santé. Les besoins des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) ne se limitent pas à l'accès aux médicaments et aux soins médicaux. Ils ont besoin entre autres d'un soutien psychologique, social et spirituel. Ce soutien peut atténuer la perception de la relation de causalité inéluctable entre l'infection par le VIH et le décès. Il peut favoriser également une meilleure intégration dans la société. Pour apprécier le concept, la présente étude s'est fixée comme objectif d'étudier la prise en charge psychosociale des PVVIH/SIDA dans les services sociaux dans la ville de Porto-Novo auprès d'utilisateurs (PVVIH/SIDA), de leurs parents, des PVVIH/SIDA, de personnes ressources et d'agents socio sanitaires. Les techniques de collecte de données utilisées sont l'observation, l'entretien individuel, l'exploitation des documents et une enquête par questionnaire. L'analyse des résultats a permis de constater une assez bonne structure organisationnelle, une méfiance des patients envers le personnel suite à un manque de confidentialité et d'intimité, une performance assez bonne des agents chargés de la prise en charge et un bon niveau de satisfaction des utilisateurs. Malgré des efforts considérables dans la prise en charge, il s'avère indispensable de mettre en place une véritable politique de prise en charge psychosociale basée sur des interventions des spécialistes de différents secteurs.

MOTS CLES : prise en charge psychosociale; VIH; Bénin

ABsTRACT

The psychosocial assumption of responsibility of the people living with the HIV is an essential factor for the improvement of their health condition. The needs for the people living with HIV are not limited to the access to drugs and medical care. They need other things like psychological, social and spiritual support. This support can attenuate the perception of the inescapable relation of causality between HIV and death. It can also support a better integration in the society.

The aim of the study is to analyze the psychosocial caring of the patients in the social services in the town of Porto-Novo near patients, their parents, people resources and socio-sanitary agents.

The techniques of data collection are the observation, individual handling, exploitation of the documents and an investigation by questionnaire. The analysis shows a good organisational structure, a mistrust of the patients towards the personnel following a lack of confidentiality and intimacy, a rather good performance of the agents in charge of patients and a good level of satisfaction of the users.

In spite of considerable efforts, it proves to be essential to set up a policy of psychosocial caring based on interventions of specialists in various sectors.

KEY WORDS: psychosocial caring; HIV; Benin

INTRODUCTION ET PROBLEMATIQUE

Depuis plus d'une vingtaine d'années, la médecine est confrontée à un défi majeur, le VIH/SIDA qui continue d'être une préoccupation qui se situe au centre de la plupart des rencontres scientifiques au niveau mondial. Aucune épidémie n'a encore consommée tant de ressources et ne s'est heurtée à tous les dispositifs mis en place pour l'éradiquer. La pandémie est à la base des perturbations de plusieurs ordres, tant au niveau de l'individu qui est infecté, de la famille affectée et de la communauté à laquelle appartient cet individu. Cette perturbation est médicale, sociale, culturelle et économique [Vaz, 2008].

Au-delà des mesures prises pour prévenir la transmission du VIH dans la population, de nombreuses stratégies tant mondiales, régionales que nationales ont été mises en place pour assurer la prise en charge des PVVIH et malades du SIDA. Ces stratégies contribuent à assurer aux personnes vivant avec le VIH et aux personnes malades du SIDA, des conditions requises leur permettant de mieux vivre leur séropositivité ou leur maladie. En effet les personnes qui vivent avec le VIH ont besoin d'être soutenues pour faire face aux défis multiples d'une maladie chronique, incurable et en général fatale, qui peut entraîner un rejet social. L'angoisse dramatique de l'annonce du diagnostic, des malades souvent jeunes et fragilisés, le vécu de la maladie et l'incidence de ses complications sur la vie psychique et sociale rendent incontournable leur prise en charge médicale et psychosociale [Cellule de la Famille Africaine, 2003]. Cette prise en charge est une démarche thérapeutique globale et comprend en plus du soutien médical plusieurs volets: psychologique, spirituel, hygiéno-diététique, sociale, économique, professionnel et familial. Ces mesures visent à aider les personnes infectées à trouver des ressources de tout genre qui leur permettront de s'adapter efficacement à leur situation et de mener aussi longtemps que possible une vie pleine et productive afin de contribuer au développement humain durable [Ministère de la Santé Publique, 2001].

L'épidémie due à l'infection par le VIH reste extrêmement dynamique, elle s'accroît et se modifie dans le temps et dans l'espace au fur et à mesure des nouvelles transmissions du VIH. Aucun pays au monde n'est à l'abri de l'infection. On estime à 4,8 millions (entre 4,2 et 6,3 millions) le nombre de personnes nouvellement infectées par le VIH en 2003, soit une augmentation par rapport aux années précédentes. Aujourd'hui, se sont environ 37,8 millions de personnes (de 34,6 à 42,3 millions) qui vivent avec le VIH. Le virus a tué 2,9 millions d'êtres humains (de 2,6 à 3,3 millions) en 2003 et plus de 20 millions depuis l'identification des premiers cas de SIDA en 1981 [ONUSIDA, 2004].

L'Afrique subsaharienne, qui n'abrite que 10% de la population mondiale, est de loin la région la plus touchée par cette pandémie. En effet deux tiers du total des personnes infectées y vivent, soit environ 25 millions de personnes. Pour la seule année 2003, on estime à 3 millions le nombre de nouvelles infections dans cette région et 2,2 millions celui des décès dus au SIDA [ONUSIDA, 2004].

La déclaration d'engagement de la session extraordinaire de l'Assemblée Générale des Nations Unies en 2001 constitue un événement historique dans la lutte contre le VIH/SIDA. Pour la 1ère fois, le traitement et la prise en charge, y compris l'accès aux médicaments antirétroviraux, ont été spécifiquement reconnus par tous les gouvernements du monde comme un élément essentiel de la riposte à la pandémie mondiale du VIH/SIDA [ONUSIDA, 2002 ; Rey 2003].

La prise en charge et le soutien sont fondés sur une préoccupation réelle pour le bien être des autres et de soi-même. Les personnes directement affectées par le VIH ont besoin de soins. Les PVVIH, les personnes malades du SIDA, leur famille et leur communauté ont toutes besoin d'un soutien pour faire face aux difficultés de la maladie et pour répondre aux besoins lorsqu'ils apparaissent. Le but de la prise en charge et du soutien dans le domaine du VIH/SIDA est d'améliorer la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH/SIDA, de leur famille et de leur communauté. La prise en charge et le soutien sont importants car ils consolident les efforts déployés pour éviter que le VIH continue de se propager [ONUSIDA, 2003].

Les déclarations du Directeur général de l'Organisation Mondiale de la Santé, et celle du Directeur exécutif du Programme Commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA sont déterminantes et pertinentes : « Le fait que des millions de personnes dans le monde n'aient pas accès au traitement antirétroviral constitue une situation d'urgence sanitaire mondiale... Pour offrir un traitement antirétroviral aux millions de personnes qui en ont besoin, nous devons changer notre façon de voir et notre façon d'agir » LEE Jong-wook [ONUSIDA, 2003]. « Nous devons relever le défi que représente l'extension de l'accès au traitement du VIH. Pour cela, il faut surmonter l'obstacle énorme de la mise en place d'une capacité opérationnelle suffisante. Nous devons adopter la cible des 3 millions de personnes sous traitement d'ici 2005, un défi colossal certes, mais nous ne pouvons nous permettre de ne pas réussir » Peter Piot [ONUSIDA, 2003].

Au Bénin, le premier cas de SIDA a été déclaré en 1985. Au cours de l'année 2002, le nombre de cas cumulés notifiés est égal à 6.103 cas. Le nombre de personnes vivant avec le VIH en 2002 au Bénin est estimé à 67.060. Le nombre de décès total survenus depuis le début de l'épidémie est de 33.699. En 2002, une personne sur trois infectée est déjà décédée. Pour la seule année 2002 on estime à 5.385 le nombre de décès dus au SIDA [Ministère de la Santé Publique, 2002].

La prévalence de l'infection est passée 0,36% en 1990 à 4,1 % en 2001 soit cinquante nouvelles infections par jour ; une personne s'infecte toutes les 30 minutes au Bénin [Ministère de la Santé publique, 2002].

La prise en charge des PVVIH et des personnes malades du SIDA est insuffisante de façon générale dans tous les départements. Elle est plus ou moins structurée dans les chefs lieux des départements de l'Atlantique, du Borgou, de l'Ouémé et du Zou. Des initiatives de prise en charge existent dans plusieurs centres de santé confessionnels. Très peu d'ONG ou d'associations s'investissent dans la prise en charge des PVVIH et des personnes malades du SIDA. Par ailleurs, les Centres d'Information et de Conseil (CIC) informent et assurent le conseil, le dépistage et la prise en charge psychosociale des PVVIH [Ministère de la Santé Publique, 2000 ; Nice 2004].

Devant cette flambée fort inquiétante de cas de PVVIH, le Bénin, à l'instar des autres pays africains et en collaboration avec certains partenaires au développement, a mis en place des stratégies dont la multiplication des sites de prise en charge publique. Tous les départements du Bénin ont au niveau des chefs lieu des centres de prise en charge et d'accès aux ARV.

Aujourd'hui avec l'Initiative Béninoise d'Accès aux ARV (IBAARV), 1.500 PVVIH sont sous traitement ARV. Trois centres publics à Cotonou assurent la prise en charge médicale et psychosociale des PVVIH et des personnes malades du SIDA. Il s'agit du Centre d'Information et de Prise En Charge (CIPEC), de la Direction Départementale de la Santé de l'Ouémé/Plateau et de la Clinique Louis Pasteur de Porto-Novo.

Avec l'initiative d'accès aux ARV, une autre préoccupation est apparue au travers la qualité de la prise en charge des PVVIH et des personnes malades du SIDA.

La présente étude consiste à étudier la qualité de la prise en charge dans le centre le plus important. Sur les 1.500 PVVIH et personnes malades du SIDA, sous traitement ARV sur le territoire béninois, plus de 700 personnes sont prises en charge au CIPEC de la DDS-O/P et la Clinique Louis Pasteur. C'est là que sont référés la plupart des malades chroniques où une prise en charge médicale accrue s'impose.

L'objectif de l'étude est d'évaluer la qualité de la prise en charge médicale et psychosociale des PVVIH et des personnes malades du SIDA au CIPEC de Porto-Novo et deux centres sociaux de Porto-Novo au Bénin.

METHODOLOGIE

Nous avons effectué une étude transversale descriptive. La population d'étude est constituée de trois groupes : (i) le premier groupe est constitué des personnes vivant avec le VIH et des malades du SIDA qui utilisent les services ; (ii) le deuxième groupe est constitué des agents sociaux, des agents sanitaires, un membre de la famille de chaque malade, des distributeurs de produits ARV, des médiateurs et des personnes ressources composées des autorités politico administratives et religieuses impliquées dans la prise en charge ; (iii) le troisième groupe est constitué des PVVIH et des malades du SIDA à partir de leur dossier médical.

Deux méthodes ont été utilisées au cours de notre enquête. La méthode probabiliste concerne les dossiers médicaux des PVVIH et des personnes malades du SIDA (groupe 3), et la méthode non probabiliste concerne les 51 PVVIH et malades du SIDA (groupe 1) et 25 agents sociaux et agents sanitaires (groupe 2), soit au total 76.

Un échantillonnage de complaisance (non aléatoire) a été fait pour le premier groupe, c'est à dire les PVVIH et les personnes malades du SIDA qui viennent dans le cadre de leur prise en charge au centre. Pour le deuxième groupe, un choix exhaustif de tous ceux qui interviennent dans la prise en charge médicale et psychosociale des PVVIH et des malades du SIDA et qui donnent des prestations au CIPEC. Ce choix s'impose à nous en raison de l'effectif du personnel qui est petit : 7 agents socio sanitaires et des médiateurs qui ont été soumis à un guide d'entretien et une grille d'observation. En ce qui concerne le troisième, des dossiers médicaux des PVVIH et des personnes malades du SIDA, nous avons procédé à un tirage aléatoire simple.

La collecte des données s'est faite via (i) un questionnaire pour les PVVIH et les malades du SIDA ; (ii) l'entretien individuel a été utilisé pour les agents sociaux, sanitaires, médiateurs et le Médecin chef du CIPEC ayant à charge des PVVIH et des malades du SIDA ; (iii) l'observation du centre, de l'organisation et de l'exécution des tâches des prestataires à partir d'une grille d'observation ; (iv) l'exploitation des dossiers médicaux à partir d'une fiche de dépouillement préalablement élaborée.

Un pré test au service de médecine interne du CNHU nous a permis d'améliorer les divers outils de collecte des données. L'enquête s'est déroulée du 25 octobre au 8 novembre 2004. Les enquêteurs recrutés ont été formés pendant 2 jours.

Les outils de récolte de données abordent la qualité de la prise en charge médicale et psychosociale des personnes vivant avec le VIH et des malades du SIDA dont l'étude passe par des variables indépendantes. La satisfaction des personnes vivant avec le VIH et des malades du SIDA est abordée au travers de l'accueil, la confidentialité, le conseil et la disponibilité des agents. Pour la satisfaction des agents sociaux et agents sanitaires, les questions abordent la supervision, leur rémunération, la prime, l'implication de l'agent aux prises de décisions et la participation à des rencontres scientifiques (ateliers et séminaires).

La structure et l'organisation du centre sont aussi étudiés par l'état du bâtiment qui abrite le centre, l'hygiène et l'assainissement, les salles et les cours propres, les points d'eau et les latrines propres, la présence de poubelles avec couvercles, la présence de boîte pour objets tranchants, les équipements et les mobiliers, l'organigramme des services, le respect des normes et procédures, le programme de consultation, etc.

La compétence technique des agents est évaluée par leur niveau de formation, le recyclage, leur aptitude et savoir faire en situations. La continuité des services et soins est évaluée au travers de la compliance aux antirétroviraux, aux médicaments contre les maladies opportunistes, à l'ouverture en permanence du centre (cinq jours ouvrables de la semaine) et à la présence de prestataires de soins aux heures d'ouverture.

Les actions de soutien aux PVVIH et personnes malades du SIDA sont évaluées par les actions de la famille, des médiateurs, des chefs religieux et des associations des PVVIH.

Le suivi clinique et biologique est fait par le suivi de l'état pondéral, la survenue des maladies opportunistes et la persistance de la fièvre.

RESULTATS

Description de l'échantillon

Sur les 53 personnes vivant avec le VIH et malades du SIDA interrogées, 30 sont de sexe féminin et 23 de sexe masculin soit respectivement 57% et 43%.

Le tableau 1 présente la répartition des patients par tranches d'âge.

TABLEAU 1.

La tranche d'âge la plus touchée se situe entre 30 et 39 ans, soit une proportion de 42%. Sur les 53 personnes interrogées ; les chrétiens sont prédominants avec 47 %, suivis des traditionalistes avec 30%.

TABLEAU 2.

Sur les 53 personnes, les personnes ayant un niveau secondaire sont majoritaires avec 38 % suivies de celles ayant un niveau primaire avec 34%.

TABLEAU 3.

Sur les 76 personnes interrogées, notre étude a révélé que 23 % sont des chauffeurs (routiers), 17% des fonctionnaires et 15 % des artisans.

Sur les 76 personnes interrogées, 40% sont mariées suivis des célibataires avec 36%. Sur les 76 personnes interrogées, 59% ont plus au moins 4 personnes à charge.

Structure et organisation des centres

La structure et l'organisation sont assez satisfaisantes. Cependant dans un centre, le bâtiment qui abrite le service social est le même que le service de rééducation. L'agent chargé de l'accueil des patients reçoit les patients à l'entrée du hall. Les patients n'ont pas de douches ni de toilettes au CHD/O.P. Il y a un manque de personnel dans tous les centres visités surtout au CHD/O.P et il n'y a pas d'organigramme établissant la hiérarchie entre les agents. Cette situation ne permet pas une bonne visibilité des activités réalisées par le centre. Nous avons observé une bonne relation inter personnelle aux seins des structures. Il existe également une bonne collaboration entre les différents centres visités et le Programme National de Lutte contre le SIDA (PNLS). Le programme de consultation affiché ne correspond pas au programme exécuté. Par contre le personnel du CHD/O.P n'est pas supervisé et l'environnement n'est pas favorable à leur motivation. L'absence de recherche des perdus de vue et le non respect des supervisions sont dus à la non disponibilité d'une moto et de primes de supervision. Il faut noter que la motivation du personnel est un élément fondamental pour un meilleur rendement au travail.

Performance des agents

La performance des agents est appréciée par les PVVIH/SIDA, mais l'insuffisance du personnel peut agir sur la qualité de service et ce sont les patients déjà fragilisés qui en subissent les conséquences.

Un autre type de problème posé est celui de l'information soulevée par une malade de SIDA aujourd'hui alitée. Elle disait « Mes parents qui ont été informés depuis des années que j'ai le SIDA, ont a attendu maintenant pour m'informer ». Cette réflexion pose le problème de l'information à temps par le personnel des sujets infectés pour leur permettre de prendre leurs responsabilités [ONUSIDA, 2004].

Pour réussir l'information cela nécessite des compétences que l'assistance sociale, le sociologue ou le psychologue est censé avoir. Il faut au besoin donner au médecin ou autre soignant les armes nécessaires pour réussir la communication du résultat au concerné.

Un médecin travaillant à l'hôpital nous a confié au cours d'un entretien l'importance du manque de personnel et surtout du rôle de l'assistant social dans la structure en ces termes « C'est lui la première personne qui prend contact avec l'entourage social, s'informe des problèmes qui se posent à l'individu afin d'y proposer des solutions. Il a le désir de convaincre le malade ou le séropositif du sort qui est le sien et les comportements que lui impose sa nouvelle situation ». Or l'absence des assistants ou autres personnes qualifiées des structures s'occupant des malades du SIDA et séropositifs (structures, publiques ou privées) est patente.

Satisfaction des utilisateurs de services (PVVIH/SIDA)

La satisfaction des utilisateurs a été est estimée à 67% et est assez bonne. Le niveau de satisfaction des PVVIH/SIDA par rapport à la confidentialité, la qualité du conseil et la disponibilité du personnel est bonne dans l'ensemble sauf au CHD/O.P. Seul l'accueil réservé aux PVVIH/SIDA est bien apprécié par ces derniers. Cette enquête soulève l'épineux problème du secret médical: avertir les parents ou amis avec ou sans l'accord du patient ne relève pas du ressort du soignant. Pourtant deux infectés n'ont pas pu s'empêcher de se fondre en larmes quand ils nous disaient qu'ils ont été rejetés par leurs propres parents. Les attitudes dominantes chez les parents et amis sont les pleurs, le rejet et l'agressivité [Ministère de la Santé Publique, 2002].

Les pleurs chez les parents traduisent la compassion, le désespoir. Cela exprime un sentiment douloureux des parents et amis de perte d'un être qu'ils aiment et qui mourra incessamment. La crainte de cette perte imminente bouleverse le projet d'avenir de certains parents pour leur enfant. Ainsi la mère d'un patient lui déclare « Je ne te construirai plus l'atelier de mécanique, cela me semble un gaspillage car je ne sais plus combien de temps tu as encore à passer sur terre ».

Un autre patient déclare « J'ai un gros problème. Il y a quelque temps je me suis confiée à une amie, un jour de déprime. Je lui ai dit que j'étais séropositive. Elle l'a répété au voisinage, à mon employeur. On habite dans le même quartier, c'est très convivial d'habitude, mais maintenant les enfants ne viennent plus chez moi. Ma mère ignore ma situation, je ne veux pas qu'elle l'apprenne, et encore moins comme ça ».

Ces malades constituent pour la plupart des charges supplémentaires pour les parents. Le sujet infecté et surtout malade, n'est plus capable de se prendre en charge convenablement, encore moins porter des aides à ses parents. La PVVIH/SIDA est rejetée par les siens. L'amenuisement des ressources associé au rejet contribue au relâchement des liens familiaux.

Le SIDA est en train de mettre en péril la solidarité africaine, créant la faillite du système de la famille élargie surtout lorsqu'il y a plusieurs vieillards à prendre en charge. Un autre facteur contribuant au relâchement des liens familiaux est l'atteinte à la renommée de la famille par la société. Cette situation risque à la longue d'entraîner la non utilisation des services, surtout si on sait que un PVVIH appartenant à la deuxième catégorie peut facilement développer un état de dépression mentale pouvant parfois aboutir aux idées de suicide.

Il faut noter que les PVVIH/SIDA enquêtées sont satisfaites des services de leurs pairs. Il se pose alors un problème, comment récupérer ces PVVIH déprimés et comment assurer leur prise en charge ?

Par rapport aux besoins, les PVVIH enquêtés souhaiteraient une assistance matérielle et financière, un peu plus d'affection, plus d'amour des parents et de la société. Tout malade souhaite avoir des moyens pour se traiter. Les besoins d'amour, d'affection, exprimés ne traduisent qu'une situation réelle. La société ne semble pas percevoir tout le mal qu'elle se fait en rejetant ces personnes.

Satisfaction des prestataires

Les prestataires ne sont pas satisfaits de leurs prestations. Ils ont rapporté des défaillances considérables dans la qualité des services qu'ils offrent aux PVVIH/SIDA par manque de personnel. Les enquêtés ont déploré les attitudes de mépris à l'égard des malades par les familles.

L'assistant social de CHD/O.P nous a déclaré, « La prise en charge des malades est très difficile et exigeante pour les soignants car elle s'accompagne d'une charge émotionnelle lourde, due souvent à la gravité de la maladie chez des patients généralement jeunes. L'assistant social, ou en partenariat avec le psychologue ou le psychiatre, peut constituer pour les soignants un soutien ou un courroie en vue de surmonter les difficultés psychologiques de la prise en charge et l'accompagnement. L'assistant se met au service des PVVIH/SIDA, de leurs parents et de la communauté tout entière pour un travail patient de sensibilisation, pour une animation de groupe. Alors avec un personnel non suffisant vous imaginer ce que cela peut entraîner comme désagrément ».

Les enquêtés ont donné des noms d'organisations non gouvernementales (ONG) nationales et internationales et le PNLS qui offrent des sessions gratuites de consultations et de vivres aux PVVIH/SIDA. D'autres les aident financièrement et matériellement. Ils reçoivent des conseils de ces ONGs. Les plus citées sont le projet SEDEKON et le projet Vie Nouvelle. La fréquentation des ONGs par les PVVIH/SIDA est faible. Il faut signaler aussi le manque de collaboration franche avec les associations locales des PVVIH/SIDA.

Facteurs liés aux accessibilités géographique, financière et linguistique

Dans l'ensemble l'accessibilité linguistique est bien appréciée par les enquêtés, puisse que toutes les «nationalités ou ethnies » sont représentées dans les associations nous confiait un médiateur. Notre étude a montré que la plupart des PVVIH n'a cependant pas les moyens matériels suffisants car les sources de revenues sont faibles.

DISCUSSION

Cette approche qualitative donne des éléments de description de l'organisation des services de prise en charge à travers la structure organisationnelle qui est satisfaisante dans l'ensemble excepté le service d'accueil du CHD/O.P. L'étude permet aussi d'évaluer le niveau de performance du personnel qui est assez bon, de mesurer le niveau de satisfaction des utilisateurs qui est assez bon, mais qui est non satisfaisant chez les prestataires. Enfin, nous avons récolté des facteurs liés aux accessibilités géographique, financière et linguistique dans les différents services. Ce sont ces principaux bénéficiaires des services de prises en charge qui ont exprimé leur opinion sur la qualité des services.

Une étude de prise en charge psychosociale du malade du SIDA et du séropositif réalisée à Cotonou en janvier 1996 avait interviewé 19 jeunes. Les adolescents, et adultes jeunes sont en effet sexuellement plus actifs. Ils sont également actifs économiquement et leur apport en revenus dans la famille est substantiel. Leur état infectieux entraîne donc un amenuisement des ressources familiales et par ricochet, de nombreux problèmes sociaux [Onambele G, 1999]. Selon ARCAT-SIDA que « les décès d'adultes jeunes laissent de nombreux enfants, femmes et vieillards sans soutient » [Ministère de la Santé Publique, 2002].

« Nous voulions rester ensemble après que nos parents et nos grands-parents soient morts du SIDA. J'aimerais bien retourner à l'école, mais nous n'avons pas d'argent....Je dois travailler dur pour avoir une bonne vie et prendre soin de moi pour ne pas attraper la maladie comme ma mère et mon père. ». Félix, 15 ans, seul travailleur rémunéré dans une famille qui compte ses cinq frères et soeurs plus jeunes ainsi qu'un grand-oncle de 80 ans. Martin 25 ans, étudiant, dit à l'assistant social : « Je sais depuis deux mois que je suis séropositif. Je suis en arrêt maladie pour 15 jours. Je suis dépressif. Je n'ai pas d'intérêt, je suis vide... Je n'arrive pas à rencontrer l'autre... Je suis très angoissé à l'idée de mourir. Je me demande comment gérer cette séropositivité ; je suis envahie par mon imaginaire de mort». Au moment de l'annonce de la séropositivité, il est naturel que les personnes rencontrent des difficultés psychologiques [PNLS Bénin, 2004]. L'annonce d'une maladie grave entraîne souvent un état dépressif et un repli sur soi. L'angoisse est alors envahissante, on se sent ralenti, on n'éprouve plus rien. Il est fréquent qu'on perde le goût de se nourrir et qu'on ne puisse plus assumer le quotidien. Les troubles du sommeil sont souvent rencontrés. C'est une tragédie sociale que les jeunes soient exposés à des maladies incurables qui n'ont pour issues que de les faucher dans la fleur de l'âge laissant généralement des progénitures très jeunes sans soutient réel.

Cette épidémie est une menace pour la population car consciemment ou non ces jeunes infectés vont distribuer facilement le mal et rapporte cette recommandation de l'OMS que « ...la population du groupe de 15 à 24 ans est la plus vulnérable et devrait être activement protégée contre la pandémie VIH/SIDA... » [Edouard, 2000 ; OMS, 2003].

30 femmes sur les 51 enquêtés sont les plus touchées que les hommes. Ces résultats se rapprochent également de ceux déclarés par le PNLS où les femmes représentent 96% chez les femmes mariées. Cette forte représentation féminine pourrait être expliquée par des raisons traditionnelles [Population Services International, 2000]. Il est en effet est toléré que les l'homme africain et même polygame puissent avoir des rapports extra conjugaux alors que chez la femme, de tels actes sont réprouvés et sanctionnés par la société. L'homme qui peut avoir plusieurs partenaires sexuels se trouve par conséquent plus exposé et en cas d'infection, il vient contaminer sa femme. Cela peut s'expliquer également par leur vulnérabilité face à la maladie, aussi du fait de leur situation socio économique précaire et la polygamie constituent un risque de dissémination du VIH [Sossou, 1997].

Les personnes célibataires sont plus atteintes (36%). Cela s'explique par le fait que le libertinage sexuel est plus observé dans cette catégorie sociale. Le célibataire s'arroge le droit d'activités sexuelles multiples, prétextant souvent qu'il faut varier pour faire un bon choix. Dans le contexte actuel, une telle variation expose au SIDA et doit être contrôlée à défaut de pouvoir l'éviter [Ministère de la Santé Publique, 2002]. Les femmes travailleuses de sexe qui se livrent à plusieurs hommes pour des raisons pécuniaires partagent à chaque acte le VIH/SIDA aux clients non avertis ou têtus [PNLS Bénin, 2001].

La population du niveau d'instruction primaire et secondaire occupe une proportion importante dans notre échantillon. En effet elle connaît les méthodes modernes de protection tel le préservatif ou elle en a entendu parlé au moins une fois. Aussi est-elle réticente prétextant que le préservatif diminue le plaisir, qu'il n'est pas naturel et n'est pas un moyen sûr. De part de leur occupation principale, ce sont les chauffeurs qui sont les plus touchés. Leurs métiers les obligent à se déplacer pendant longtemps loin de leurs maisons, ce qui peut les amener à avoir des comportements à risque [PNLS Bénin 2001]. Toutefois il faut remarquer que la profession et le niveau d'instruction ne sont pas un « préservatif » contre le VIH/SIDA, moins encore le titre de l'individu dans la société.

Le christianisme regroupe à lui seul 23 séropositifs et malades de SIDA sur les 51, suivi de la religion traditionnelle (30%). A Porto-Novo, il existe une forte influence de l'église. Le fort taux de chrétien nous incite à penser à l'importance de l'utilisation des églises pour l'information, l'éducation et la communication sur le SIDA.

Dans une étude réalisée au Zimbabwe, il a été montré que des ouvriers d'une usine avaient appris, pour 6 dollars à peine par ouvrier, à fournir à leurs collègues une information sur le SIDA et sur les services à l'appui des comportements sans danger. Cette démarche a fait tomber le nombre des infections à VIH d'un tiers par rapport aux usines qui n'avaient pas investi dans la prévention. Pour 170 dollars par entreprise et par année, ces employeurs se sont unis à d'autres pour créer un fonds d'investissement destiné à financer l'éducation des travailleurs, le conseil et le dépistage gratuits pour tous les employés qui le souhaitent [OMS, 2003]. Les activités de prévention et les soins offerts par les entreprises peuvent permettre de maintenir, voire d'accroître la productivité et la rentabilité. En effet, investir dans la prise en charge peut assurer une vie meilleure et plus longue aux employés vivant avec le VIH et contribue au maintien en poste le plus longtemps possible d'individus qualifiés, expérimentés et loyaux [Coopération française, 2000].

Des efforts ont été consentis par le gouvernement béninois et les partenaires au développement pour structurer et améliorer la prise en charge. Il y a eu peu d'études sur la qualité de prise en charge médicale et psychosociale des PVVIH et personnes malades du SIDA au Bénin.

Une étude qualitative axée sur l'identification des facteurs socioculturels et économiques influençant la participation de la famille à la prise en charge psychosociale de son membre atteint du SIDA à Cotonou a déjà été réalisée [Onambele, 1999].

Il est important que de telles études continuent à être réalisées dans le pays. Elles devraient permettrent de tirer des leçons des différentes activités réalisées afin d'améliorer la qualité de la prise en charge psychosociale des PVVIH et des personnes malades du SIDA.

CONCLUSION

L'objet de l'étude est d'analyser la prise en charge psychosociale des personnes vivant avec le VIH/SIDA dans trois services sociaux de la ville de Porto-Novo. Les résultats ont permis de relever des insuffisances des prestataires de soins et des services, l'implication de la communauté dans la prise en charge globale des malades, l'absence de motivation du personnel et l'insuffisance des postes de soins et de supervision. La discrimination accroît l'impact de l'épidémie sur les PVVIH qui voient leur charge augmentée du fait de la maladie. L'une des raisons majeures de la propagation de l'infection est la peur de révéler sa sérologie positive à son entourage. La forte connotation sexuelle inhibe toutes les tentatives de partage de l'information. La souffrance physique et psychologique conduit à un épuisement, à une inaptitude au travail ou à la compétition pour l'emploi et donc à une réduction importante des ressources.

Bien que l'accueil soit apprécié par les utilisateurs des services et les malades du SIDA, il serait bien d'attirer l'attention des prestataires de soins et des services sur l'importance de l'accueil au sein d'une structure et surtout par rapport à la confidentialité. La gestion générale de la confidentialité vis-à-vis des séropositifs pour l'infection à VIH a des répercussions importantes sur la vie sociale et psychologique des personnes infectées. L'infection à VIH est en effet venue révéler les nombreuses failles du système de cohésion sociale. L'ignorance ou la mauvaise connaissance du VIH et l'analphabétisme sont également des déterminants majeurs de l'aggravation de cette situation.

Cette situation discriminante constitue un frein important à la prise en charge des PVVIH dans un contexte où l'accès aux ressources est faible et où le respect de la personne infectée, le droit au travail, le droit aux soins, la confidentialité, le droit de succession, le droit à la propriété privée, sont ignorés souvent par les principaux acteurs.

Il est souhaitable que les résultats de ce travail puissent aider les autorités de la ville de Porto-Novo à améliorer la qualité de prise en charge psychosociale des PVVIH/SIDA.

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TABLEAU I : Répartition des PVVIH et malades du SIDA en fonction de l'âge

TRANCHES D'AGE

EFFECTIFS

%

Inférieur à 20 ans

2

3 ,8

20 - 29 ans

18

15,1

30 - 39 ans

35

41 ,5

40 - 49 ans

14

26,4

50 ans et plus

7

13,2

Total

76

100,0

TABLEAU II : Répartition des PVVIH et personnes malades du SIDA en fonction de la religion

RELIGION

EFFECTIFS

%

CHRETIEN

25

47,1

MUSULMAN

19

17,0

TRADITIONNELLE

26

30,2

AUTRES

3

5,7

TOTAL

76

100,0

TABLEAU III : Répartition des PVVIH et personnes malades du SIDA en fonction du niveau d'instruction

NIVEAU INSTRUCTION

EFFECTIFS

%

PRIMAIRE

31

34

SECONDAIRE

30

37,7

SUPERIEUR

4

7,5

SANS INSTRUCTION

11

20,8

TOTAL

76

100,0

 






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