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La responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise

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par Ahmed HALOUI
ISCAE et Université de Toulouse I- Sciences Sociales - Mastère Spécialisé en Droit de l'Entreprise 2006
  
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Institut Supérieur de Commerce et d'Administration des Entreprises (Casablanca)

Université de Toulouse 1

Thèse Professionnelle pour l'obtention du Diplôme de Mastère en droit de l'Entreprise sur :

LA RESPONSABILITE PENALE DES DIRIGEANTS DE L'ENTREPRISE

(version provisoire)

Préparée par Monsieur

Ahmed HALOUI

Sous la Direction Madame le Professeur

Corinne MASCALA

Année universitaire 2006-2007

Introduction générale

Le régime juridique de la responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise est régi par une multitude de règles qui trouvent leur source dans des textes législatifs et dans la jurisprudence. Ce régime forme un pan important du droit pénal des affaires, qui regroupe, d'une part l'ensemble les dispositions juridiques relatives à la définition, à la détermination et à la répression des infractions commises dans le mode des affaires, d'autre part leurs interprétations jurisprudentielles.

En effet, le droit pénal des affaires vise la protection des intérêts patrimoniaux et moraux de la communauté sociale. Par la prévention et la répression des agissements portant atteinte au fonctionnement harmonieux et à la transparence du système économique, ce droit contribue, à travers les mêmes mécanismes et principes du droit pénal général, à la protection des intérêts économiques et financiers de la société. On parle même de droit pénal économique pour signifier que, de nos jours, la législation relative à la prévention et à la répression des infractions couvre pratiquement tous les domaines de l'activité économique de production, de circulation et de consommation des biens et de services.

L'entreprise, en tant que partie prenante essentielle dans le processus de production, de circulation et de consommation des richesses, donc des activités humaines liées au bien être économique et social des individus et des groupes, se trouve en première ligne de l'arsenal diversifié et complexe du droit pénal des affaires. Dans nos sociétés modernes, l'entreprise est de plus en plus soumise à des exigences du corps social dans toutes ses composantes. Ainsi, en tant qu'agent économique et en tant qu'acteur social, l'entreprise, et à travers elle ses « dirigeants » est interpellée par ses composantes internes (associés, salariés..) et ses partenaires externes qu'ils soient contractuels (fournisseurs, clients..), régaliens (Etat-puissance publique..) ou tout simplement « civils » (associations de défense des consommateurs, de l'environnement, etc...) sur les conditions de réalisation de ses missions et des ses activités. L'exercice de ces missions et activités étant soumis à des lois et règlements , les faits et gestes de l'entreprise sont scrutés par ces différentes composantes du corps social pour vérifier, jauger, soupeser leur adéquation et leur conformité aux règles établies par ces lois et règlements. Ainsi, et selon la position et les intérêts de chaque acteur du corps social, les actions de l'entreprise vont être appréciées sur divers plans : moral et éthique, social, juridique et administratif. L'entreprise se trouve donc investie de responsabilités de nature diverse. Ces responsabilités sont sensées être assumées et exercées au nom de l'entreprise par ses dirigeants qui sont supposés en rendre compte aux différents acteurs de la vie économique et sociale intéressés par ses actions de manière directe ou indirecte. Le dirigeant ou les dirigeants de l'entreprise exposent donc cette dernière à des risques de condamnation morale, sociale et/ou juridique. Ils ont donc un devoir de protection de l'intégrité morale et patrimoniale de leur entreprise et ce tout au long de l'existence de celle-ci, pour le meilleur et pour le pire.

Après cette brève mise en perspective, et par rapport à l'intitulé de notre sujet, nous proposons de le traiter d'une part du point de vue du droit des sociétés et du droit de l'entreprise en difficulté en faisant appel aux solutions dégagées par la jurisprudence et la doctrine françaises, d'autre part en limitant les cas de responsabilité pénale à quelques exemples d'infractions permettant d'illustrer de manière significative le régime de la responsabilité pénale du dirigeant de l'entreprise.

Cette délimitation se justifie par plusieurs considérations :

- tout d'abord le domaine de la responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise est très vaste et très varié. Le droit ayant investi, et continuant à investir, tous les domaines des activités économiques et industrielles des entreprises, les obligations pesant sur l'entreprise et ses dirigeants tendent à se multiplier et à se diversifier. Le non respect de ces obligations expose le dirigeant à des risques de sanctions civiles mais aussi de plus en plus pénales. Aux risques pénaux communs, découlant des lois et règlements généraux édictés pour toutes les entreprises (droit des sociétés, droit du travail et droit social, droit fiscal, droit de l'entreprise en difficulté, droit de la concurrence .....), s'ajoutent les risques pénaux spécifiques aux secteurs d'activités propres aux entreprises liés aux obligations particulières mises à la charge des entreprises par les lois et règlements régissant ces secteurs. Aborder le problème de la responsabilité pénale du dirigeant de l'entreprise sous l'angle de tous ces droits serait certes intéressant mais dépasserait le cadre de la présente thèse professionnelle ;

- le but de ce travail est de mettre l'accent sur les principaux aspects constitutifs du régime de la responsabilité du dirigeant de l'entreprise et de les illustrer par quelques exemples pertinents. Or nous estimons que ce régime s'est d'abord forgé dans le terreau du droit des sociétés commerciales et du droit de l'entreprise en difficultés, notamment en France. C'est souvent à l'occasion de l'application de règles relevant à ces deux catégories du droit des affaires que des éléments de ce régime ont pris corps ou font débat, qu'il s'agisse de la notion de dirigeant, de l'identification légale ou jurisprudentielles du dirigeant pénalement responsable, de la notion d'intérêt social ou encore des conditions d'exonération de cette responsabilité.

- Par ailleurs, la modernisation du droit marocain des affaires au cours de la dernière décennie du XXème siècle, illustrée notamment par la réforme du droit des sociétés et la réforme du code de commerce, profondément inspirée de la législation française, a également touché la responsabilité pénale du dirigeant de l'entreprise marocaine comme l'atteste l'arsenal des sanctions pénales édictées par ces textes. L'étude de ce régime, en se fondant sur les solutions dégagées notamment par la jurisprudence et la doctrine françaises en la matière, paraît donc pertinente et pourrait permettre de préciser la portée du régime de la responsabilité pénale à appliquer au cas marocain et contribuer ainsi à éclairer les tribunaux marocains sur les solutions à retenir aux cas d'espèces, notamment aux affaires concernant les biens sociaux et la banqueroute. Ces deux domaines de la responsabilité du chef de l'entreprise pourraient, dans les années à venir, prendre une importance particulière dans le contexte marocain caractérisé par la volonté des pouvoirs publics d'introduire une plus grande transparence dans les affaires et d'assainir le fonctionnement de l'économie afin d'améliorer l'attractivité des investissements, notamment étrangers, à la recherche d'un environnement juridique sain et d'une justice impartiale.

Ainsi délimité, notre sujet sera donc traité en deux temps :

- Dans un premier temps nous présenterons les caractéristiques générales du régime juridique de la responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise (CHAPITRE I) ;

- Dans un deuxième temps, nous essayerons, d'illustrer ce régime à travers le cas de deux infractions principales qui nous paraissent les plus pertinentes par leur actualité et leur importance du point de vue de la problématique de la responsabilité pénale des dirigeants, l'une concernant le dirigeant de l'entreprise in bonis, l'Abus de Biens Sociaux, l'autre concernant le dirigeant de l'entreprise en difficultés, La Banqueroute, (CHAPITREII). Les délits d'abus de biens sociaux et de banqueroute sont en effet des délits de fonction en ce sens qu'ils concernent les dirigeants et « qu'ils se situent au niveau de la réalité concrète des préjudices subis tant par la personne morale elle-même que par ses créanciers ou ses associés »1(*).

CHAPITRE I : Les fondements et les caractéristiques du régime de la responsabilité du dirigeant de l'entreprise

Dans ce chapitre, nous essaierons de cerner la notion de responsabilité dans le domaine des affaires à travers ses soubassements éthique, moral et juridique (§1)-

Nous essaierons, s'agissant de la dimension juridique de la responsabilité, de préciser la spécificité de la responsabilité pénale (§2), pour ensuite définir ce qu'on entend par dirigeant auquel cette responsabilité est appliquée (§3), et les conditions dans lesquelles il peut en être en être exonéré soit dans le cadre organisationnel de son entreprise (§4) soit par l'effet de l'évolution de la politique pénale suivie par les pouvoirs publics en matière de droit des affaires en général et de droit des sociétés et de droit de l'entreprise en difficultés en particulier (5§) .

Section II :- Morale, éthique et droit des affaires 2(*)

Dans son acception religieuse, l'idée de morale est liée aux notions de bien et de mal. Serait donc moral, donc acceptable par la conscience humaine, ce qui dispense le bien et immoral ce qui est intuitivement réprouvé par cette conscience. Dans son acception pragmatique, la morale est constituée de l'ensemble de valeurs et règles de conduite intangibles.

L'approche par le droit considère qu'est moral ce qui relève non du droit positif mais ce qui relève de la règle morale. Mais l'éthique selon certains auteurs est une notion plus proche du droit que la morale mais ce n'est pas encore le droit. L'éthique procède certes de la morale en ces sens que l'une et l'autre se placent dans le domaine de la conscience humaine mais l'éthique se fonde sur l'action en ce sens qu'elle organise les devoirs. L'éthique des affaires fonde donc les principes qui président aux relations de nature commerciales et tracent la frontière entre ce qui entre dans la champ des saines relations d'affaires et ce qui relèvent des pratiques d'affaires malsaines. Il y a donc « une interaction entre l'éthique des affaires et le droit des affaires dans la mesure où « Il existe non seulement des règles dont le contenu est inspiré par l'éthique, mais encore la mise en oeuvreoeuvre de certaines règles juridiques est corrigée par l'éthique sous la forme d'une opposition ou d'une orientation » 3(*).

Cette correction est assurée par la jurisprudence par le biais du devoir de loyauté. Se fondant sur la règle de bonne foi édictée par le code civil, les juges rendent souvent des décisions où ils statuent en équité pour atténuer les effets pernicieux du sacro-saint principe de l'échange de consentement comme règle de passation des contrats.

Ainsi, l'éthique des affaires est de plus en plus intégrée dans la pratique des affaires par les entreprisses et notamment desles grandes entreprises soucieuses de leur image auprès des différents acteurs économiques4(*). La pratique de plus en plus répandue des chartes d'éthiques et l'évolution de cette pratique vers la valeur phare moderne qu'est le gouvernement d'entreprise (« Corporate Governanace ») participe de cette « soif  de morale » dans la vie des affaires. Par ailleurs, souvent la réflexion éthique précède l'élaboration de la règle de droit.

Outre le devoir de loyauté et, la pratique des chartes d'éthique, la notion de responsabilité est le mécanisme qui permet de traduire l'exigence éthique dans les relations d'affaires et notamment dans le droit des sociétés et le droit des difficultés des entreprises.

Section II - Notion de responsabilité -

Etymologiquement, le mot responsabilité dérive de « responsum » qui dérive lui-même de « respondere » (répondre)5(*). Etre responsable signifie donc, en termes simples, assumer ses actes et leurs conséquences et accepter d'en répondre. La responsabilité implique donc pour la personne un double engagement volontaire : l'engagement «d'un agent  conscient à l'égard des actes qu'il a réellement voulu »6(*) (idée de liberté) et l'engagement d'accepter de rendre compte des effets de ces actes.

La problématique des relations triangulaires entre la morale, l'éthique des affaires et le droit des affaires se retrouve au niveau de cette notion. La responsabilité morale comme engagement personnel de respecter certaines valeurs et l'expression de cet engagement dans l'observation des principes commandant l'éthique des affaires se retrouvent dans l'acception juridique de cette notion. Toutefois l'engagement de répondre de ses manquements aux devoirs de loyauté n'est pas de même nature même si la faute est leur trait commun. En effet, dans l'acception juridique de la responsabilité l'engagement de répondre de la faute implique la réparation et ou la répression selon sa nature.

Section III - la responsabilité au sens juridique et la spécificité de la responsabilité pénale

La responsabilité juridique étant fondée sur l'exigence du « paiement d'une dette » en « compensation » de la faute, cette responsabilité est organisée et codifiée par le système juridique prévalant dans la société à une époque donnée. A l'origine, « la distinction de la réparation et de la répression est demeurée incertaine » en raison de la prééminence de la « vengeance privée » et « lorsque l'autorité étatique s'est affirmée...une nette distinction des responsabilités s'est opérée : dans le plan de la responsabilité pénale, l'Etat inflige des peines corporelles ou pécuniaires (amendes) ; dans le plan de la responsabilité civile, la victime peut obtenir en nature ou en argent la réparation du dommage subi »7(*). Aujourd'hui, la séparation de la responsabilité pénale et de la responsabilité civile est nettement affirmée quant à leur domaine, à leur fonction, à leurs démarches et à leurs sanctions 8(*):

- la responsabilité civile peut être engagée pour tout fait, même involontaire et normal causant à autrui un dommage alors que la responsabilité pénale ne peut être engagée que pour des comportements dangereux pour la société, prévus et définis comme tels par la loi (pas d'infraction sans texte) ;

- sur le plan des démarches de mise en oeuvre des deux types de responsabilités, c'est le ministère public qui déclenche, « au nom de la société » l'action publique tendant à sanctionner, par les juridictions répressives, les auteurs d'infractions pénales. L'action en responsabilité civile demeure de la compétence de la victime pour obtenir réparation ;

- dans la responsabilité pénale, la sanction est proportionnée à la faute. En matière de responsabilité civile, « la sanction-réparation » peut être déconnectée de la gravité de la faute car elle vise la réparation intégrale du préjudice subi.

En définitive, la responsabilité pénale d'une personne est engagée lorsqu'elle commet une infraction à la loi sanctionnée par une peine (amende, emprisonnement, etc...), laquelle infraction comprend quatre trois éléments constitutifs :

- Un élément légal : l'infraction doit être prévue par une disposition légale ;

- Un élément matériel : il s'agit du comportement humain, de la manifestation extérieure de l'infraction (par une action ou une omission) ;

- Un élément moral : il s'agit de l'intention ou de la volonté de commettre l'infraction.

Ce sont évidemment ces mêmes principes qui président au régime juridique de la responsabilité pénale en droit des affaires et plus précisément de la responsabilité pénale du dirigeant de l'entreprise. Engage donc sa responsabilité pénale tout dirigeant d'entreprise qui, dans l'exercice de sa fonction de « chef d'entreprise ayant un pouvoir de commandement et d'instruction » commet une infraction prévue par la loi et pour lequel sont retenus un fait matériel et une intention délibérée et volontaire de commettre ce fait. Encore faut-il définir ce qu'on entend par « dirigeant de l'entreprise ».

Section IV- La notion de dirigeant pénalement responsable

Il n'existe aucune définition juridique de la notion de dirigeant de l'entreprise bien qu'elle soit parfois utilisée par les textes sous des appellations diverses dont la plus usitée est celle de chef d'entreprise. La question présente un intérêt évident du point de vue de l'identification des personnes, dites dirigeantes, pénalement responsables et les réponses ne semblent pas être aisées, notamment en ce qui concerne le droit marocain des sociétés.

Pour approcher utilement cette notion pour la présente étude, on notera que la doctrine et la jurisprudence (notamment françaises) s'accordent pour considérer comme dirigeant, celui qui exerce des pouvoirs d'administration et/ou de direction et de gestion de l'entreprise, prend à cet effet des décisions qui engagent l'entreprise vis-à-vis de ses partenaires internes et externes et veille à leur exécution par des instructions données aux structures de la société. Sur cette base, elles distinguent, ainsi d'ailleurs que la loi, le dirigeant de droit et le dirigeant de fait d'une part, et le dirigeant en fonction et le dirigeant ayant cessé ses fonctions d'autre part.

Cependant, les choses se compliquent lorsque le critère de représentation s`ajoute aux critères de direction. Serait considéré comme dirigeant, donc pénalement responsable celui qui, non seulement exerce les pouvoirs susvisés mais qui est le représentant légal de la société ou qui agit comme tel.

On essaiera de présenter ces différentes notions en se plaçant essentiellement sur le champ du droit des sociétés et du droit des entreprises en difficulté et en considérant l'entreprise de forme sociétaire jouissant de la personnalité morale.

A- Le dirigeant de droit

Le dirigeant de droit est la personne titulaire de la fonction de direction, désignée par les statuts de la société ou par la loi pour exercer les pouvoirs qui s'attachent à cette fonction de direction et de gestion prévue par le texte régissant le type de société considérée.

Partant de ce double critère de la fonction et des pouvoirs, il est relativement aisé d'identifier les dirigeants pénalement responsables pour ce qui est des dirigeants de la société à responsabilité limitée, et de la société en nom collectif, et de la société en commandite simple et de la société anonyme simplifiée. Pour ce qui est de la société anonyme et de la société en commandite par actions, elle semble poser, à notre avis, quelques problèmes au regard du double critère de la fonction et des pouvoirs.

Dans la SARL, la direction de la société est désignée sous l'appellation de gérance et la fonction de dirigeant est assurée par un ou plusieurs gérants personnes physiques. Aux termes de l'article 63 de la loi 05-96 du 13 Février 1997, dans leurs rapports avec les associés, leurs pouvoirs sont déterminés par les statuts et, dans le silence de ceux-ci chaque associé peut effectuer tout acte de gestion dans l'intérêt de la société. Cet article ajoute que dans leurs rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés. Le principe de la responsabilité pénale des gérants est posé par l'article 67 qui prévoit que ceux-ci sont responsables individuellement ou collectivement, envers la société ou envers les tiers, s'ils commettent des infractions aux dispositions légales applicables aux sociétés à responsabilité limitée.

« Les dirigeants de droit » de la SARL, au sens des dispositions ci-dessus, ce sont soit l'associé nommément désigné par les statuts, soit tous les associés en l'absence de désignation par les statuts et qui sont, dans les deux cas, « investis des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société », étant précisé que' en cas de pluralité de gérants, ceux-ci détiennent séparément ces pouvoirs (5èmè alinéa de l'article 64). Par conséquent, dans la SARL, à une pluralité de gérants, correspond une pluralité de dirigeants pénalement responsables.

A l'inverse de la SARL, la pluralité des gérants est de droit en ce qui concerne la gérance de la Société en nom collectif (SNC), sauf si les statuts désignent un ou plusieurs gérants parmi les associés qui doivent tous avoir la qualité de commerçants. Les associés peuvent nommer un gérant non associé. Le dirigeant de droit pénalement responsable dans la SNC peut donc être un gérant associé ou un gérant non associé. Comme pour la SARL, « dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social et « en cas de pluralité de gérants, ceux-ci détiennent séparément » les pouvoirs de gestion et de direction (article7 de la loi 05-96).

S'agissant de la société en commandite, il y a lieu de distinguer :

- le cas de la société en commandite simple (SCS)9(*) pour laquelle il est fait application, pour ce qui est du dirigeant de droit (entre autres), des mêmes dispositions prévues pour la société en nom collectif (article 21 de la loi 5-96). Par conséquent, comme pour la SNC, le principe est donc la gérance assurée par tous les associés (commanditaires et commandités) sauf si les statuts désignent un ou plusieurs gérants, associés ou non, et le ou les gérants nommés sont investis des pouvoirs pour accomplir les actes entrant dans l'objet social.

- Le cas de la société en commandite par actions10(*) (SCA) pour laquelle la loi distingue deux types de dirigeants de droit (article 32 de la loi 05-96) :

o Au cours de la constitution de la société : ce sont le ou les premiers gérants qui sont désignés par les statuts pour accomplir les formalités de constitution dont sont chargés les fondateurs de sociétés anonymes ; la loi ne précise pas si le ou les premiers gérants doivent tous avoir la qualité de fondateurs donc de futures associés ou peuvent être choisis en dehors des fondateurs. Mais on peut penser que la référence aux fondateurs de sociétés anonymes et l'affectio societatis qui est à la source de la réunion de personnes dans le projet de constitution, nécessitent que le ou les premiers gérants au sens de l'article 32 susvisé soient désignés parmi les fondateurs. En effet, a la qualité de fondateur « la personne qui concourt de manière active à la constitution ou à l'immatriculation d'une société pour son propre compte »11(*) , ce qui suppose « un intérêt personnel et une volonté autonome de participer à la constitution de la personne morale et à la vie sociale ultérieure »12(*).

o Au cours de l'existence de la société, sauf clause contraire des statuts, ce sont le ou les gérants, associés ou non, qui sont désignés par l'assemblée des actionnaires avec l'accord de tous les associés commandités (article 32) et qui sont, à ce titre, « investis des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société ».

Cette distinction permet de fixer les limites de la responsabilité pénale du dirigeant de la SCA selon qu'il est premier gérant, donc ayant la qualité de fondateur, ou « gérant au cours de l'existence de la société » c'est-à-dire postérieurement à la date de l'acquisition par la société de la personnalité morale par l'effet de son immatriculation (« gérant permanent »). Sauf à être reconduite par l'assemblée générale ordinaire pour être gérant après l'acquisition de la personnalité morale, la personne investie de la fonction de premier gérant n'engagerait sa responsabilité pénale qu'au titre des infractions relatives à la constitution de la société.13(*)

Le gérant « permanent » lui ne verrait sa responsabilité pénale engagée que pour les faits constitutifs d'infractions prévues par la loi 05-96 autres que celles relatives à la constitution commis postérieurement à sa désignation comme gérant « au cours de l'existence de la société » laquelle « existence » n'étant juridiquement établie qu'à compter de l'immatriculation qui lui confère la personnalité morale. A ce titre, l'article 41 précise que les dispositions de la loi n° 17-95 sur les sociétés anonymes relatives à la responsabilité des membres des organes d'administration, de direction ou de gestion, pour faute commise dans l'exercice de leur mandat, sont applicables aux gérants » de la société en commandite par actions.

En ce qui concerne les sociétés anonymes, le titre XIV intitulé sanctions pénales, de la loi 17-95 sur les SA mentionne « les membres des organes d'administration, de direction ou de gestion » et qui sont ,sont, aux termes de l'article 373 de la loi 17-95 :

« - dans les sociétés anonymes à conseil d'administration, les membres du conseil d'administration y compris, le président et les directeurs généraux extérieurs au conseil;

« - dans les sociétés anonymes à directoire et à conseil de surveillance, les membres de ces organes ».

A priori, cette précision est de nature à permettre une identification aisée des dirigeants de droit de la SA. En fait, du point de vue des critères cumulatifs de la fonction et des pouvoirs, elle nous semble poser quelques difficultés en ce qui concerne la qualité de dirigeants pénalement responsables de certains s autres membres dmembres des organes en question..

Ainsi, dans le cas de la SA à conseil d'administration, les fonctions de président et de directeurs généraux ne soulèvent pas de difficultés dans la mesure où, à ces fonctions, correspondent des pouvoirs de direction et de gestion suffisamment déterminés pour les considérer comme des dirigeants de droit pénalement responsables.

En effet, le Président du conseil d'administration est élu par ce dernier « en son sein » pour une durée qui ne peut excéder celle de son mandat d'administrateur (article 63 de la loi 17-95) et dispose, pour l'exercice de la fonction de direction générale et de représentation de la société dans ses rapports avec les tiers, des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société » (article 74, 1er et 2ème alinéas).

Il en est de même du ou des directeurs généraux qui sont des personnes physiques auxquelles le conseil d'administration, sur proposition du Président, peut donner mandat « d'assister » ce dernier. Cette fonction d'assistance et les pouvoirs qui s'y attachent ne sont pas expressément précisés par la loi, mais on peut affirmer qu'ils découlent des pouvoirs et attributions du Président, en ce sens que, dans la limite du mandat du conseil d'administration, le Directeur Général ou les directeurs généraux peuvent accomplir tout ou partie des actes entrant dans les fonctions de direction générale, de représentation de la société envers les tiers et d'action en toutes circonstances au nom de la société. Par ailleurs, à l'égard de la société, les directeurs généraux sont investis des pouvoirs dont le conseil d'administration détermine, sur proposition du Président, l'étendue et la durée.

Quid des « autres membres du conseil d'administration », et plus précisément des administrateurs ? Peuvent-ils être considérés comme des dirigeants de droit au sens de titulaires d'une fonction impliquant des pouvoirs de gestion et de direction et pouvant par conséquent entraîner la mise en jeu de leur responsabilité pénale ? La question peut paraître superflue du point de vue d'une interprétation stricte des dispositions de la loi 17-95 et notamment de celles de son titre XIV susvisé : ce titre semble en effet viser tous les membres des organes du conseil d'administration y compris les administrateurs.

La question mérite pourtant d'être examinée à la lumière de certains éléments, certes peu nombreux, empruntés à la loi, à la jurisprudence et à la doctrine.

Tout d'abord, la loi confère certes aux administrateurs, à travers les pouvoirs du conseil d'administration, « les pouvoirs les plus étendus pour prendre en toutes circonstances toutes décisions nécessaires à la réalisation de son objet social, au nom de la société.. » (article 69), mais elle fait une distinction entre les « administrateurs dirigeants » et « les administrateurs non dirigeants ». Cette distinction 'est ce qui découle de l'article 76 qui dispose : « les administrateurs non dirigeants sont particulièrement chargés, au sein du conseil, du contrôle de la gestion et du suivi des audits internes et externes. Ils peuvent constituer entre eux un comité des investissements et un comité des traitements et rémunérations ». Or, les fonctions de contrôle de la gestion et du suivi des audits sont justement à l'opposé de la direction et de la gestion et relèvent plutôt des pratiques du « gouvernement d'entreprise » qui préconisent la séparation des deux types de fonction avec les conséquences que cela peut signifier pour la partie susceptibles de se voir engager sa responsabilité pénale.

Cette distinction est admise par la doctrine française. En effetEnsuite, et bien que les dispositions du code de commerce français applicables aux la loi française sur les sociétés commerciales applicables aux sociétés anonymes ne font pas de distinction entre l'administrateur- dirigeant et l'administrateur non dirigeant, cettela doctrine française relève les incertitudes entourant la véritable nature de la fonction d'administrateur. Ainsi le Professeur Paul Le Cannu souligne l'ambiguïté qui entoure la nature de la fonction d'administrateur (non dirigeant), dont les tâches ne sont pas comparables à celles de la direction générale et qu'on ne peut ranger parmi les mandataires sociaux car la réalité des pouvoirs appartient au conseil et non pas aux administrateurs individuellement14(*). Il regrette que « les administrateurs doivent encore être considérés comme dirigeants de droit pour l'application du droit des procédures collectives et pour de nombreuses dispositions du droit pénal des sociétés » malgré la réforme introduite par la loi Nouvelle Réglementation Economique et alors même que « les idées de corporate governance conduisent à faire cohabiter au sein du même organe des administrateurs « exécutifs » et des administrateurs « indépendants » qui contrôlent les premiers15(*).

Il apparaît donc, du moins en droit dans le cas marocain, que la responsabilité pénale du dirigeant de droit de la société anonyme à conseil d'administration ne concerne que les administrateurs dirigeants à l'exclusion des administrateurs non dirigeants au sens de l'article 76 précité.

Quant au cas de la société anonyme à directoire et à conseil de surveillance, si l'identification, en droit marocain des sociétés, du dirigeant de droit ne pose pas de problèmes en ce qui concerne les membres du directoire, l'absence de distinction expresse par ce droit, à l'instar de la SA, entre administrateur dirigeant et administrateur non dirigeant autorise-t-elle les mêmes interprétations ?

Avant de répondre à cette question, il convient d'abord d'identifier les dirigeants de droit susceptibles d'engager leur responsabilité pénale dans une société anonyme à directoire et à conseil de surveillance, et ce du point de vue des fonctions et des pouvoirs de gestion et de direction qui s'y attachent de par la loi.

,

Ainsi, dans ce type de SA, sont incontestablement des dirigeants de droit au sens de l'article 373 de la loi 17-95 et donc susceptibles d'engager leur responsabilité pénale :

- les membres du directoire, personnes physiques, actionnaires ou non, nommés par le conseil de surveillance, et peuvent être salariés ou non salariés (article 78 et 79) ;

- le Président du directoire nommé également par le conseil de surveillance parmi les membres du directoire ;

- le cas échéant, le directeur général unique lorsque une seule personne est nommée pour exercer les fonctions du directoire.

Toutes ces personnes tiennent leurs pouvoirs de l'article 102 qui dispose que le directoire est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. L'exercice de ces pouvoirs est et reste, de droit, de nature collégiale, même s'ils répartissent entre eux les tâches de la direction. Il en résulte que leur responsabilité pénale peut être engagée collectivement.

S'agissant particulièrement du président du directoire ou, le cas échéant, du directeur général unique, il représente la société dans ses rapports avec les tiers sauf si les statuts habilitent le conseil de surveillance à attribuer le même pouvoir de représentation à un ou plusieurs membres du directoire auquel cas ils portent alors le titre de directeur général (article 103).

S'agissant des « membres du conseil de surveillance », au sens de l'article 373 susvisé « dont la mission est d'exercer « le contrôle permanent de la gestion de la société par le directoire (article 104), ils sont nommés par les statuts, et au cours de la vie sociale, par l'assemblée générale ordinaire. Ces membres doivent ils être considérés comme des dirigeants de droit au sens de titulaires de pouvoirs de direction et de gestion ?

Opérant une distinction entre la gestion et la direction de la Société Anonyme, qui sont attribuées au directoire, et la surveillance de sa gestion attribuée au conseil de surveillance, la doctrine française estime que « le conseil de surveillance ne participe pas à la gestion et n'assume aucune fonction de direction ; donc ses membres ne peuvent se voir appliquer une quelconque responsabilité en vertu de la loi du 25 janvier 1985. La limite de cette « « intouchabilité » des membres du conseil de surveillance est leur cantonnement strict au rôle que leur a attribué la loi du 24 juillet 1966 »16(*) . Par exemple « les membres du conseil de surveillance ne peuvent être condamnés en tant que dirigeants de droit au comblement du passif et aux autres sanctions frappant ces dirigeants dans le cadre des procédures collectives », sauf s'ils s'immiscent dans la gestion, auquel cas ils peuvent être poursuivis et condamnés en tant que dirigeants de fait17(*).

Bien que le problème soit posé de manière identique en droit marocain, il ne semble pas que ces analyses soient, du point de vue d'une stricte interprétation du droit pénal, admises dans le cas du conseil de surveillance de la SA marocaine à directoire et conseil de surveillance. En effet, si dans le cas de la SA à conseil d'administration, la loi marocaine 17-95, dans son article76, laisse entendre qu'une distinction puisse être faite entre l'administrateur non dirigeant et l'administrateur dirigeant (ce qui n'est pas le cas de la SA française), le silence de cette loi sur cette distinction en ce qui concerne les membres du conseil de surveillance ne semble pas permettre d'enlever à la totalité de ces membres la qualité de dirigeants de droit sur la base du seul critère de la séparation entre les fonctions et les pouvoirs de direction confiés au directoire et la fonction de contrôle de la gestion de ce directoire confiées au conseil de surveillance. En d'autres termes, le critère de la séparation des fonctions de direction et des fonctions de contrôle est nécessaire mais il n'est pas suffisant. Il faut aussi que le législateur en tire expressément les conséquences au plan de la qualité à attribuer au membre du conseil de surveillance comme il l'a fait pour les membres du conseil d'administration. En l'absence d'une telle volonté de la part du législateur, et en application du principe de stricte interprétation des dispositions pénales, peuvent engager leur responsabilité pénale, en application du titre XIV de la loi 17-95, tous les membres du conseil de surveillance même si leur fonction est strictement limitée au contrôle de la gestion du directoire.

B- Le dirigeant de fait

1- La reconnaissance de la direction de fait par la loi :

Les dirigeants de droit sont ceux qui exercent les pouvoirs de direction et de gestion de l'entreprise de manière régulière c'est-à-dire sur la base de dispositions législatives ou statutaires ou d'actes séparés pris par les organes compétents de la société sur habilitation de la loi. Ils engagent à ce titre leur responsabilité quand leur qualité de dirigeants de droit ressort clairement de ces dispositions, statuts et actes.

Mais le législateur a prévu aussi le cas d'exercice des fonctions de direction et de gestion par des personnes sans y être régulièrement habilitées à cet effet. Ils prennent donc des actes de gestion et de direction qui engagent la société vis-à-vis des tiers ou assument, de fait, sa représentation. Se faisant, ils agissent en tant que dirigeants de fait à la place du dirigeant légal et doivent donc être tenus pour responsables des infractions au titre de la direction de fait.

Ainsi, l'article 100 de la loi 05-96 sur la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société en commandite par actions, la société à responsabilité limitée et la société en participation, dispose que son titre VII relatif aux infractions et sanctions pénales « visant les gérants des sociétés objet de la présente loi seront applicables à toute personne qui, directement ou par personne interposée, aura en fait , exercé la gestion de ces sociétés sous le couvert ou aux lieu et place de leurs représentants légaux. ».

Dans des termes identiques, l'article 374 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes précise que les dispositions de son titre XIV relatives aux sanctions pénales « visant les membres des organes d'administration, de direction ou de gestion seront applicables à toute personne qui, directement ou par personne interposée, aura, en fait , exercé la direction, l'administration ou la gestion des sociétés anonymes sous le couvert ou aux lieu et place de leurs représentants légaux ».

Par ailleurs le dirigeant de fait, est également soumis au dispositif pénal qui s'applique 18(*)au dirigeant de droit de l'entreprise en difficultés. C'est ce qui est prévu, sous le titre V de la loi 15-95 formant code de commerce, relatif aux sanctions à l'encontre des dirigeants de l'entreprise et dont l'article 702 dispose : « les dispositions du présent titre sont applicables aux dirigeants de l'entreprise individuelle ou à forme sociale ayant fait l'objet d'une procédure, qu'ils soient de droit ou de fait, rémunérés ou non ». Les sanctions en question sont notamment la déchéance commerciale (l'équivalent de la faillite personnelle en droit commercial français) et les peines de banqueroute et peines assimilées.

Les dispositions du code de commerce français, qui a d'ailleurs largement inspiré le droit marocain des sociétés et le code marocain de commerce, prévoient également la responsabilité pénale du dirigeant de fait.

Ainsi, en ce qui concerne les sociétés commerciales, l'article L.241-9 du code de commerce, prévoit l'application de nombreuses sanctions applicables en cas d'infractions concernant les sociétés à responsabilité limitée, à « toute personne qui, directement ou par personne interposée, aura, en fait, exercé la gestion de la société à responsabilité limitée sous le couvert ou au lieu et place de son gérant légal ».

Des formulations identiques sont reprises pour viser la direction de fait des sociétés par actions. Mais alors que, dans le cas de la société par action en commandite simple, le code français vise toutes les infractions concernant cette société (article L.244-4), il ne semble viser, pour les autres sociétés par actions (dont la société anonyme) que les infractions relatives aux valeurs mobilières émises par les sociétés par actions objet du chapitre V du titre IV du livre deuxième du code de commerce. C'est ce que l'on peut comprendre de l'article L.245-16 qui dispose, dans la section IV dudit chapitre V : « les dispositions du présent chapitre visant le président, les directeurs généraux et les gérants des sociétés par actions sont applicables à toute personne qui, directement ou par personne interposée, aura, en fait, exercé la direction, l'administration ou la gestion desdites sociétés sous le couvert et au lieu et place de leurs représentants légaux ».

A rappeler que le dirigeant de fait est également visé par le dispositif du code de commerce français applicable aux entreprises en difficulté et notamment au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif (article 651-2), de l'obligation aux dettes sociales (article 652-1), de la faillite personnelle (article 653-1), et de la banqueroute (article 654-1).

En définitive et quel que soit le type de société et la situation où elle se trouve (in bonis ou en difficulté), d'après la loi, la direction de fait est établie par la réunion des éléments suivants :

- Qualité du dirigeant de fait : la loi vise toute personne. Il s'agit bien sûr de toute personne physique, associée ou non associée, interne ou externe à l'entreprise, rémunérée ou non rémunérée ; mais il peut s'agir aussi d'une personne morale qui s'immisce dans la gestion et la direction d'une autre personne morale au lieu et place des dirigeants légaux de cette dernière ;

- Modalité de l'exercice de la direction de fait : elle peut être directe, le dirigeant de fait agissant lui-même et personnellement ou indirecte en faisant faire des actes de gestion par une tierce personne pour son compte ;

- Circonstance de la direction de fait : les actes doivent avoir été exercés :

o Soit « sous le couvert » des représentants légaux de la société : comme par exemple de faire ou de faire faire des actes en laissant croire qu'ils sont accomplis agit avec l'accord et l'assentiment du représentant légal de l'entreprise ;

o Soit de faire ou faire faire des actes au lieu et place du dirigeant légal.

La similitude des dispositions des codes marocains et français concernant le dirigeant de fait permet de dégager une étude identique de la portée de la notion de dirigeant de fait qui a été forgée par la doctrine et la jurisprudence.

2- La construction jurisprudentielle de la notion de dirigeant de fait

En partant des éléments légaux, la doctrine française (19(*)) considère comme « dirigeant de fait celui qui, en toute souveraineté et indépendance exerce une activité positive de gestion et de direction ». La situation de direction de fait suppose de manière cumulative que d'une part, la personne agit en l'absence totale de subordination juridique lui donnant ostensiblement « l'apparence » et « les attributs » d'un dirigeant de droit ; d'autre part, que cette indépendance apparente se traduise par des actes positifs de gestion, de telles sorte que les tiers constatent matériellement l'exercice de la fonction de direction.

La jurisprudence française s'est prononcée sur la notion de dirigeant de fait en ayant recours aux mêmes éléments.

Elle a tout d'abord, affirmé l'unité de cette notion en droit pénal et civil puisqu'elle la consacre tant au regard d'une action en comblement de passif qu'à celui du délit de banqueroute (arrêt de la cour de cassation en date du 22 mai 1977)20(*).

L'appréciation étant de la compétence souveraine du juge deu fonds, ce dernier va examiner la réalité des faits pour retenir ou non la réalité de l'existence de la direction de fait par une personne.

Ainsi, pour la cour de cassation française, le dirigeant de fait se définit comme « celui qui en toute indépendance et liberté exerce une activité positive de gestion et de direction et se comporte, sans partage, comme « maître de l'affaire » (Cass.Com.10/10/1995), sous le couvert et au lieu et place du représentant légal » (Cass.Crim.12/09/2000).

Dans des termes identiques, elle a jugé que, « a la qualité de dirigeant de fait celui qui exerce une activité positive et indépendante dans l'administration générale d'une société » (com.9 mai 1978).

Egalement, le placement du conseil d'administration dans une situation de dépendance est constitutif de la direction et de l'administration de fait : la chambre commerciale de la Cour de cassation le 6 février 2001 a considéré qu'étaient des dirigeants de fait des actionnaires « qui ne s'étaient pas bornés à un simple rôle d'investisseurs ou à trouver des solutions de restructuration financière, mais dépassant une intervention à titre de conseil, avaient exercé un véritable pouvoir de direction en plaçant le conseil d'administration dans une situation de dépendance, en soumettant des décisions de cet organe aux résultats de leurs recherches et leurs avis ».

Pour détecter formellement un dirigeant de fait, la jurisprudence s'appuie sur un faisceau d'indices. Ces indices sont ordonnés autour de critères complémentaires aux critères d'indépendance et de souveraineté, tels que l'immixtion dans la gestion, le dépassement des obligations des relations contractuelles normales et la manifestation de signes extérieurs d'autorité.

Ainsi, « la personne qui, sous le couvert d'un contrat de partenariat  interne », se charge d'organiser la gestion financière de la société et de négocier avec ses différents partenaires financiers, administratifs et commerciaux, s'immisce dans la gestion et doit être qualifiée de dirigeant de fait » (com. 6 octobre 1992).

De même « la société qui s'est réservé les domaines de l'embauche et des licenciements, la mise en place de l'organisation administrative et financière d'un hôtel, la définition de la politique des prix, la négociation des contrats et la politique commerciale, assure, en fait la direction de l'hôtel, le propriétaire des lieux n'ayant que le rôle d'un simple bailleur de fonds »..


En outre la chambre commerciale de la Cour de cassation le 2 novembre 2005 a même approuvé une cour d'appel qui a retenu une personne morale comme dirigeant de fait au regard de la situation de dépendance dans laquelle elle avait mis les filiales du groupe.

Mais elle a refusé de considérer comme direction de fait l'exercice normal par une banque des obligations qui sont à sa charge en tant que banque : « le fait pour une banque d'exercer un contrôle sur l'utilisation des fonds prêtés, de « suivre » un dossier et même d'intervenir au besoin auprès des dirigeants de l'entreprise est un acte légitime de défenses des ses intérêts propres, lequel ne lui confère pas systématiquement la qualité de dirigeant de fait (Paris. 15 décembre 1995).

De même les seules circonstances qu'une banque soit à l'origine des montages juridiques et financiers des opérations immobilières de la société débitrice ne sont pas de nature à établir qu'elle aurait dirigé en toute indépendance et souveraineté la société ou les sociétés en participations créées à cet effet alors que la débitrice en assurait la gérance et mettait elle-même en oeuvre les opérations immobilières concernées » (Paris 26 mai 1998).

Mais le dépassement des obligations normales d'un cocontractant conduit à la direction de fait : « la direction de fait ne peut être déduite de la seule existence d'un contrat de franchise, mais doit être vérifiée au cas par cas au vu de circonstances de la cause et ne peut être retenue que s'il résulte un dépassement des obligations inhérentes à la nécessaire collaboration des parties par laquelle se définit ce type de contrat (Orléans 8 mars 2001).

En revanche, « s'est livrée à une immixtion dans la gestion de la société franchisée dépassant les obligations à sa charge résultant du contrat de franchise, et en était en réalité le dirigeant de fait, le franchiseur qui détenait les documents comptables, sociaux et bancaires nécessaires pour gérer cette entreprise, conservait la signature bancaire, préparait tous les documents administratifs et les titres de paiement signés ensuite par la personne morale, établissait les déclarations fiscales et sociales, contrôlait l'embauche du personnel et a participé à la poursuite d'une activité déficitaire pendant plusieurs mois bien qu'il connût l'insuffisance de la trésorerie » (com.9 novembre 1993).

La manifestation de signes extérieurs d'autorité donne l'apparence de la direction de fait : ainsi, a été considéré comme un dirigeant de fait le directeur d'un cabinet de conseil juridique qui avait organisé les études de marché d'une société, recherché les investisseurs, organisé les contacts avec les organismes financiers, avait manifesté des signes extérieurs d'autorité et un intérêt propre concrétisé par des engagements de caution. » (Toulouse 25 janvier 1993).

Le « dirigeant démissionnaire » (« ex-dirigeant de droit ») peut  être aussi déclaré dirigeant de fait « dés lors qu'il est établi que le gérant de droit, frappé d'une interdiction de gérer, a continué, postérieurement à sa démission, à intervenir dans la gestion de la société... ».

Section V- L'exonération de la responsabilité pénale du dirigeant : la délégation et la subdélégation

A- le contexte de l'exonération

Les dirigeants pénalement responsables étant identifiés par la loi ou les statuts (dirigeants de droit) ou précisés par la jurisprudence (dirigeants de fait), le principe est que la responsabilité qu'ils encourent est une responsabilité personnelle quel que soit l'auteur du fait générateur de cette responsabilité dès lors que ce fait est accompli dans le cadre des pouvoirs qui leur sont conférés par la loi et les statuts pour réaliser l'objet social de la société.

En réalité, la mise en oeuvre de ces pouvoirs exige l'intervention, dans le processus décisionnel et exécutif, d'autres personnes que les dirigeants de droit mais qui sont sous les ordres de ces dirigeants. Cette intervention est effectuée au moyen de la délégation de pouvoirs consentie par les dirigeants de droit à leurs collaborateurs pour assurer le bon fonctionnement de l'entreprise afin de s'assurer que les décisions prises dans le cadre de l'exercice des pouvoirs du dirigeant produisent leurs effets aux différents échelons de l'organisation de l'entreprise. Cette délégation peut être simple comme elle peut être complexe dans le cas d'entreprises de grandes tailles où elle peut revêtir la forme sophistiquée de manuels de procédures et de fiches de fonction et des postes correspondant aux différents échelons des activités et métiers de l'entreprise.

Dès lors, « pour s'exonérer de leur responsabilité personnelle, les dirigeants peuvent être tentés d'invoquer les délégations de pouvoirs qu'ils ont données. Cette excuse n'est en principe pas admise puisque la gestion de la société relève toute entière du dirigeant. Toutefois, la jurisprudence s'est assouplie, pour des raisons pragmatiques, et notamment en raison des situations injustes que ce principe peut susciter en matière pénale »21(*). Sans doute cet assouplissement trouve-t-il son fondement dans la règle générale posée par le code pénal selon laquelle « nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ».

En effet, dès 1902, la cour de cassation de Paris a, dans un arrêt de principe22(*), inauguré cet assouplissement en admettant, après avoir rappelé que « le chef d'entreprise est tenu pénalement responsable, comme s'il en était l'auteur, des contraventions commises dans l'entreprise qu'il administre directement », que «la responsabilité pénale de celles qui se produisent dans des départements dont il a délégué la direction, pèsent au même titre sur le directeur, gérant ou préposé qui l'y représente comme chef immédiat, avec les compétences et l'autorité nécessaires pour y veiller efficacement à l'observation des lois ».

Cet arrêt allait par la suite, et en l'absence de dispositions légales spécifiques, ouvrir la voie à la construction jurisprudentielle d'un véritable régime de la délégation de pouvoirs en tant que cause d'exonération de la responsabilité pénale du dirigeant de l'entreprise. Elle a peu à peu affiné ce régime pour l'adapter à la subdélégation.

B- les conditions d'admission de la délégation de pouvoirs comme cause d'exonération

Les bases de ce régime ont été posées par cinq arrêts de principe de la chambre criminelle de la cour de cassation du 11 Mars 1993 en ces termes :

« Sauf dans les cas où la loi en décide autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires".

1-Champ d'application de la délégation : Tout d'abord, ces arrêts posent une règle générale selon laquelle, la délégation de pouvoirs dans l'entreprise est possible sauf si la loi en dispose autrement. Cette règle est venue mettre fin à l'ambiguïté d'une règle inverse qui avait longtemps prévalu qui « établissait que la délégation était exclue pour les actes relevant des fonctions de direction, lorsque la loi ne la prévoyait pas » (23(*)). Le champ d'application de la délégation s'en trouve donc élargi et par conséquent celui de l'exonération de la responsabilité pénale du dirigeant délégant.

2 - Conditions concernant le délégataire24(*) :

En principe, le bénéficiaire de la délégation doit avoir la qualité de préposé c'est-à-dire un salarié titulaire d'un contrat de travail (25(*)) et quel que soit sa situation par rapport à la hiérarchie de l'entreprise (26(*)). En effet, la délégation suppose en principe un lien de subordination du délégataire envers le délégant.

Il doit en outre remplir trois caractères cumulatifs pour que la délégation puisse valablement fonder une exonération de la responsabilité pénale du délégant :

La compétence : c'est-à-dire l'aptitude professionnelle du délégataire à assumer et exécuter sa mission. Cette aptitude est à la fois technique et juridique puisque la responsabilité pénale est fondée sur la violation d'une règle de droit.

L'autorité : c'est le pouvoir de donner des ordres, des consignes et de les faire appliquer au besoin par le recours à des sanctions. Une délégation de pouvoir qui ne permet pas à son titulaire de manifester son autorité par des instructions (27(*)) et qui ne donne aucun pouvoir précis de sanction n'est pas valable (28(*)).

L'autorité sous entend donc l'indépendance du délégataire pour la mise en oeuvre effective des pouvoirs délégués. Ainsi, il a été jugé que « qu'un supérieur hiérarchique qui s'immisce dans le déroulement des tâches en rapport avec la mission du délégataire supprime l'autonomie d'initiative inhérente à toute délégation effective »29(*).

Les moyens nécessaires : La compétence et l'autorité sont insuffisantes pour qualifier une délégation d'acte valide. Il faut, en plus, doter le délégataire de moyens humains, techniques et matériels pour accomplir réellement la mission.

3- cConditions concernant le délégant30(*) :

LLa jurisprudence a admis la délégation comme moyen de bonne gestion d'une entreprise allant même jusqu'à considérer l'absence de délégation comme une faute susceptible d'engager la responsabilité du dirigeant lorsque cette technique de gestion des ressources humaines est de nature à contribuer à la prévention du risque pénal inhérent à l'activité d'une entreprise.

Cependant, elle admet difficilement cette délégation lorsque la taille de l'entreprise est modeste ou lorsque ses activités ne requièrent pas une complexité particulière. Le risque existe en effet que l'abus de délégation conduise à une « déresponsabilisation pénale » totale du dirigeant même si ce dernier est à même d'assumer lui-même les responsabilités sans qu'il soit besoin de les déléguer.

Par ailleurs et pour se prévaloir de l'exonération de responsabilité pénale, le dirigeant doit d'une part pouvoir apporter la preuve de l'existence d'une délégation valide, d'autre part ne pas participer à la commission de l'infraction.

S'agissant de la preuve, bien que la jurisprudence admette la preuve orale appuyée sur des éléments concrets tel que les témoignages, le domaine de délégation peut difficilement être prouvé sans un écrit car pour être valide le délégataire doit prouver qu'il a accepté la délégation et préciser la nature et l'étendue des responsabilités déléguées. Ainsi, une mission générale de surveillance et d'organisation des mesures de sécurité sur un chantier prévue par le contrat de travail n'est pas suffisante pour caractériser une délégation précise : "cette mission de surveillance portée dans ledit contrat ne pouvait pas être considérée comme une délégation expresse du chef d'entreprise, en l'absence d'instructions précises de ce dernier de nature à l'exonérer de sa responsabilité" (Cass.crim. 28 janvier 1985, Bull. crim. N°32).

S'agissant de l'acte délictuel, le délégant doit s'abstenir de concourir personnellement à l'accomplissement de l'infraction avec le délégataire ; ainsi « le chef d'entreprise qui a personnellement participé à la réalisation de l'infraction ne saurait s'exonérer de sa responsabilité pénale en invoquant une délégation de ses pouvoirs ; ( Cass. crim. 20 mai 2003)

Enfin, la possibilité de délégation n'est pas reconnue dans les domaines qui sont considérés comme de la responsabilité ultime du chef d'entreprise. Il en est ainsi pour le fonctionnement de la vie sociale : publication au registre du commerce (Cass. crim. 15 mai 1974, Bull. crim.1974, n° 176, D. 1976 J 226 n. Vezian) ou tenue d'assemblées (comp. pour un administrateur judiciaire Cass. crim. 21 juin 2000, Bull. crim. n° 241).

Section

VI- La responsabilité pénale du dirigeant de l'entreprise : entre pénalisation et dépénalisation.

Nous avons déjà souligné plus haut la fonction sociale du droit pénal des affaires en tant qu'outil de moralisation de la vie des affaires et de la sauvegarde de l'éthique qui devrait sous-tendre les relations commerciales. Le régime de la responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise tel que prévu par le dispositif législatif et encadré par les constructions jurisprudentielles procède donc du même souci. L'élaboration de ce régime a été fortement influencée par les transformations économiques et sociales observées à travers l'histoire et plus particulièrement tout au long du 20ème siècle et qui ont elles-mêmes marqué, et continuent à marquer, la politique pénale des gouvernements et particulièrement en matière de droit pénal des sociétés.

L'étude de cette évolution a montré qu'au même titre que pour le droit pénal des affaires en général, le droit pénal des sociétés, qui fait une très large place à la responsabilité pénale du dirigeant, permet d'observer un double mouvement de « pénalisation » et de « dépénalisation » de ce droit. C'est même dans le droit des sociétés et le droit des entreprises en difficultés qu'il s'est montré le plus important eu égard aux considérations de politique économique des gouvernements et aux orientations idéologiques qui les sous tendent.31(*)

En raison de la forte inspiration du droit pénal marocain des sociétés du droit français, il paraît utile de montrer l'évolution comparative de ce double phénomène en France puis au Maroc en ce qui concerne la responsabilité pénale du dirigeant de l'entreprise, tout en essayant d'en montrer la spécificité dans chacun de ces droits et des contextes particuliers qui les expliquent.

Auparavant, il convient de préciser ce qu'on entend par « dépénalisation » et « pénalisation ».

1- Notion de « pénalisation » et de « dépénalisation »

La « dépénalisation » est un processus qui commence par une « désescalade d'une incrimination » qui consiste en un « adoucissement des peines encourues en fait, puis en droit, se poursuit par un « changement de qualification » (correctionnalisation puis contraventionnalisation) et se termine par une « décriminalisation qui sera parfois relayée par la mise en place d'un système de régulation concurrent au droit pénal » (32(*)).

La pénalisation est un processus inverse « de création (criminalisation) ou de renforcement des incriminations (élargissement du champ d'application d'une incrimination et/ou d'alourdissement de la peine) mais aussi, de façon plus générale, comme l'augmentation du recours au droit répressif ».

Partant de ces notions, on observe en France et au Maroc des évolutions opposées en ce qui concerne la pénalisation ou la dépénalisation du régime de la responsabilité des dirigeants de l'entreprise.

2- Pénalisation et dépénalisation en matière de responsabilité pénale des dirigeants des entreprises en France et au Maroc

Alors qu'en France, on est passé d'une pénalisation croissante au lendemain de la seconde guerre mondiale à une dépénalisation substantielle de ce régime, au Maroc, on peut relever la relative jeunesse du droit pénal des sociétés en tant que corps de règles autonomes et du droit des difficultés de l'entreprise dans ses aspects relatifs à la responsabilité des dirigeants de l'entreprise. En d'autres termes, pendant la période où, en France, une véritable « inflation » du pénal a envahi tous les aspects du droit des sociétés commerciales et du droit de l'entreprise en difficulté, au Maroc le droit des affaires et le droit des sociétés marocains étaient caractérisés par leur « sous pénalisation » qui s'explique largement par le caractère désuet de ces droits. A l'inverse, alors que sous la pression des critiques de la doctrine et des milieux des affaires un mouvement de dépénalisation de larges pans du droit français des sociétés a été amorcé à partir des années quatre vingt dix, à la même époque, la modernisation du droit marocain des sociétés, qui s'inscrit dans un vaste mouvement de mise à niveau du droit marocain des affaires, s'est accompagné d'une pénalisation de ce droit et notamment du régime de la responsabilité des dirigeants de l'entreprise.

Ainsi, on se trouve au Maroc à partir de 1995, avec un nouveau droit pénal des sociétés largement inspiré du titre II de la loi française 66-537 du 24 juillet 1966. Cette pénalisation s'explique par la volonté du législateur marocain d'assurer une exhaustivité de la sanction des obligations prévues par les nouvelles lois sur les sociétés et mettre à la disposition des opérateurs « un instrument de prévention et de répression au service d'objectifs clairement définis par lui et tenant essentiellement à la transparence, au renforcement de la protection des associés, à l'amélioration de la structure du fonctionnement des organes d'administration, de gestion et de direction et à l'amélioration du droit des affaires »33(*). En prenant en considération l'ensemble des infractions à caractère pénal prévues par les lois sur les sociétés, on dénombre 338 infractions se répartissant comme suit34(*) :

- 172 infractions pour les sociétés par actions (sociétés anonymes et sociétés en commandites par actions) dont 75 infractions concernant les dirigeants des sociétés ;

- 77 infractions pour les sociétés anonymes simplifiées don 30 infractions concernant les dirigeants;

- 89 infractions concernant les autres formes de sociétés  dont une cinquantaine visant les gérants.

Pour illustrer la volonté du législateur marocain de réaliser l'exhaustivité dans la pénalisation de la société commerciale, il suffit de constater que ces infractions et leurs sanctions accompagnent la vie de l'entreprise jusqu'à sa mort puisqu'elles couvrent aussi bien les phases de sa création que celles où elle est en activité jusqu'à sa cessation.

A ces sanctions il faut ajouter celles qui sont prévues par le nouveau code de commerce dans sont titre V du livre V consacré aux difficultés de l'entreprise et qui concernent les dirigeants de l'entreprise ayant fait l'objet d'une procédure de traitement.

En ce qui concerne la France, force est de constater qu'au moment où le législateur marocain « mettait à niveau » le droit des sociétés en le faisant accéder à l'exhaustivité, au besoin par une transposition des mêmes infractions et sanctions de la loi française, une réflexion a été engagée vers le milieu des années 90 pour proposer une modernisation qui, s'agissant de l'aspect pénal, a cette fois pris la forme d'une dépénalisation d'une partie de cette loi.

Le rapport MARINI sur la «modernisation du droit des sociétés », élaboré en 1996, et qui constitue la référence en la matière, note que le droit français des sociétés «laisse apparaître un double déséquilibre : d'une part, il assure une suprématie des fonctions de direction sur celles de contrôle, d'autre part, il privilégie les contrôles de type externe (judiciaire) au détriment des contrôles internes exercés par les actionnaires et les commissaires aux comptes.». C'est ce qui a fait dire à certains spécialistes qu'il en résulte une situation dans laquelle un chef d'entreprise peut n'avoir de compte à rendre à personne, sauf au juge pénal. En proposant de dépénaliser une partie substantielle du droit des sociétés, le rapport suggère de responsabiliser à nouveau les actionnaires en les poussant à aller devant les juridictions civiles pour résoudre leurs différends contractuels plutôt que de porter plainte.

Ainsi, ce rapport préconisait non seulement la suppression de toutes les infractions non intentionnelles, mais aussi une rédaction plus restrictive des infractions intentionnelles et prônait une dépénalisation très poussée touchant même les délits constitutifs d'abus en proposant une reformulation des conditions de leur incrimination.

Ce ne fut pas l'ambition de la dépénalisation de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux Nouvelles Régulations Economiques (Loi NRE).

En effet cette loi est restée en deçà des recommandations de dépénalisation jugées excessives et s'est en effet cantonnée aux délits qui avaient été peu, sinon jamais appliqués en supprimant une vingtaine de délits, « tirant ainsi les conséquences du constat que la sanction pénale s'est avérée un moyen inefficace pour contraindre les dirigeants à exécuter un certain nombre d'es obligations de faire auxquels ils sont astreints » et leur substituant les « référés injonctions » par lesquels les actionnaires ou associés peuvent demander au président du tribunal de commerce d'imposer aux dirigeants qu'ils exécutent leurs obligations au moyen d'une astreinte ou par la désignation d'un mandataire chargé de procéder à la communication (art 122 et 123 de la loi NRE).

La Loi a également supprimé les « doublons » avec le droit pénal commun en supprimant les infractions qui s'appliquent aux faits pouvant être punis par le code pénal telles que les infractions concernant la constitution des sociétés anonymes qui peuvent être sanctionnées au moyen des délits de faux ou d'escroquerie.  

« Même si elle a peu de conséquences répressives, la dépénalisation opérée par la loi NRE constitue un moment important de l'évolution du droit pénal des sociétés, en ce qu'elle procède d'une nouvelle conception de la place de la sanction pénale en droit des sociétés commerciales. Cette nouvelle conception se veut utilitariste , c'est ce qui explique la suppression de la sanction pénale lorsqu'elle est manifestement incapable de parvenir à l'effet pour lequel elle avait été prévue, ou encore lorsqu' elle s'avère constituer un doublon dénué d'utilité au regard de l'existence de délits de droit commun. Cette première dépénalisation opérée en 2001 constitue la première manifestation législative de l'abandon d'un recours systématique à la sanction pénale comme support des obligations imposées aux dirigeants de société commerciale ».

Ce mouvement de dépénalisation a continué en 2003 et 2004, par le biais de lois et d'ordonnances (loi du 1er août 2003 et deux ordonnances du 25 mars 2004 et du 24 juin 2004) abrogeant des incriminations inappliquées ou formelles touchant par exemple le manquement aux règles relatives au capital, au fonctionnement des organes des sociétés ou la protection des droits des obligataires et ou actionnaires et les remplaçant par des procédés d'injonctions judiciaires ou encore de nullité au lieu et place de sanctions pénales pures et simples.

Tout récemment et suite à l'élection présidentielle de 2007, le Président SARKOZY a annoncé la nécessité de continuer encore la dépénalisation du droit français des affaires et une commission a été chargé par la Garde des Sceaux de faire des propositions dans ce sens.

Ce qui est donc recherché désormais, c'est l'efficacité de la sanction et sa pertinence en l'adaptant aux nouvelles formes de criminalité d'affaires qui prend de nos jours des dimensions transfrontalières35(*). En effet, la doctrine française s'accorde sur le fait que l'inflation des sanctions pénales en droit des affaires n'est pas toujours un gage d'efficacité et devrait quitter le domaine des simples irrégularités formelles pour se concentrer sur les délits les plus graves et correspondre aux préoccupations contemporaines.

Au Maroc, dès la promulgation, le 30 Août 1996, de la nouvelle loi sur les sociétés anonymes, des critiques se sont élevées pour souligner les limites d'une « «  modernisation » par le biais d'une transposition formelle, sans adaptation, des infractions édictées par les lois françaises au milieu marocain en mettent l'accent précisément sur le fait que,' au moment même où les lois marocaines ont vu le jour, la réflexion sur la dépénalisation du droit des sociétés était très avancée et regrettant que les rédacteurs de la loi n'aient pas mis à profit ces réflexions lors de son élaboration36(*). Comme pour la loi française de 1966, les effets pernicieux de la prolifération des sanctions pénales prévues par ladite loi risquent d'être amplifiées dans le contexte marocain où le dispositif pénal pesant sur les dirigeants « risque d'être utilisé comme un élément de négociation, de menace ou de représailles dans les relations entre dirigeants et associés » et la migration des dirigeants des SA vers la forme de SARL observée depuis la promulgation de la loi sur les SA s'explique en partie par ce risque et aussi par le caractère familial et personnel prédominant dans les entreprises marocaines. Ces entreprises, devraient, selon ces critiques, bénéficier d'un dispositif allégé et moins contraignant par le maintien de l'incrimination des seuls comportements intentionnels ou frauduleux, le renvoi pour certains délits au droit pénal général, la possibilité, chaque fois que c'est possible, de réparer les omissions ou erreurs non intentionnelles et le renforcement des peines civiles telles l'astreinte ou l'amende37(*)

Cet appel semble avoir été entendu depuis qu'un projet de loi a été élaboré en 2005 par les services du ministère du Commerce et de l'Industrie et mis en discussion au niveau des Ministères concernés38(*).

En effet, la note de présentation de ce projet précise le cadre de la réforme en soulignant qu'il « reprend et adopte en partie les doléances exprimées par les opérateurs économiques et ce, dans le sens non seulement d'une adaptation de cette législation au contexte actuel mais également en vue de répondre à certaines préoccupations de chefs d'entreprises et de praticiens marocains qui militent en faveur d'un assouplissement de la loi sur les sociétés anonymes ». Ces assouplissements visent également l'aspect pénal et notamment le dispositif relatif à la responsabilité pénale des dirigeants de la société anonyme.

Les principaux amendements composant ce projet de loi modificatif s'articulent autour des axes suivants :

1- Assurer un meilleur équilibre des pouvoirs entre les organes sociaux en consacrant le principe de la dissociation des fonctions de président du conseil d'administration et celles de directeur général et en clarifiant les missions du conseil d'administration par rapport à celles du président et du directeur général ;

2- Doter les sociétés d'un système de fonctionnement plus transparent ;

3- Renforcer les droits des actionnaires ;

4- Améliorer les mécanismes de contrôle ;

5- Adapter certains concepts et mécanismes juridiques liés à la dynamisation du marché boursier ;

6- Alléger certains aspects relevant du formalisme ;

7- Et enfin assouplir le volet pénal ;

L'allègement du dispositif pénal consisterait, selon le projet de loi précité, dans :

- la suppression de la peine d'emprisonnement pour sept infractions :

· l'émission irrégulière d'actions dans la phase de constitution lorsqu'il s'agit de sociétés fermées (art.378);

· l'émission d'actions irrgulière lors d'une augmentation de capital lorsqu'il s'agit de sociétés fermées avec réduction du taux de l'amende (ar.395);

· l'amortissement de la valeur nominale des actions du capital par voie de tirage au sort (art.400);

· le défaut de convocation des commissaires aux comptes aux assemblées d'actionnaires nécessitant la présentation d'un rapport desdits commissaires (art.403) ;

· le défaut d'appel de fonds dans le délai légal pour réaliser la libération intégrale du capital ou en cas d'émission d'obligations avant cette libération (art.408) ;

· l'inobservation des formalités de publicité dans les délais légaux (art.420);

· le défaut de publicité de l'acte de nomination du liquidateur ou en cas d'inobservation par ce dernier de la formalité de dépôt au greffe et d'inscription au registre du commerce des décisions prononçant la dissolution (art.421);

· la négociation irrégulière d'actions

- la suppression de l'incrimination :

· de la déclaration, lors du dépôts au greffe des documents de constitution, de faits matériellement faux ou de l'omission de la totalité des opérations effectuées pour la constitution (prévue à l'article 380) ;;

· de la négociation d'actions sans valeur nominale ou d'actions d'apport avant l'expiration d'un certain délai (art.381);

- la réduction du taux de l'amende :

· pour défaut de constatation des délibérations du conseil d'administration par des procès verbaux (art .385) ;

· pour non établissement des états de synthèses, de l'inventaire et du rapport de gestion (art.386) ;

· pour défaut de réunion de l'assemblée générale ordinaire dans les délais requis ou de défaut de soumission, pour approbation à l'assemblée, des états de synthèse annuels et du rapport de gestion (art.388).

Conclusion du chapitre I

Le régime de la responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise constitue la pierre angulaire du droit pénal des affaires en général et du droit des sociétés et des entreprises en difficulté en particulier. En effet, l'étude de ce régime révèle la place centrale que la loi et la jurisprudence confèrent au dirigeant de l'entreprise dans la mise en oeuvre du dispositif pénal qui accompagne la naissance, le fonctionnement de l'entreprise qu'elle soit in bonis ou en difficulté. Gardienne de l'éthique et de la morale des affaires qui sont le fondement de la responsabilité, la jurisprudence a joué un grand rôle dans la construction de ce régime en s'attachant à définir les éléments constitutifs de la direction de fait que la loi s'est contentée de reconnaître pour étendre le champ d'application de la responsabilité pénale aux dirigeants sans en préciser les contours. En reconnaissant la délégation de pouvoir comme cause possible d'exonération de cette responsabilité, elle a tenu compte de la réalité de la vie économique des entreprises et des impératifs d'une organisation moderne et efficace pour l'accomplissement de ses missions et la réalisation de leur objet social. Cette réalité que le législateur a également intégrée dans sa politique pénale pour adapter le régime de la responsabilité à l'impératif d'efficacité et d'utilité de la sanction pénale en insérant cette politique dans le double mouvement de pénalisation des actes les plus graves et de dépénalisation des actes ayant un caractère non intentionnel ou une portée limitée39(*).

Mais que ce soit au Maroc ou en France, force et de constater que les infractions phares fondatrices du noyau dur du droit pénal des sociétés, à savoir le délit d'Abus de Biens Sociaux et le délit de Banqueroute n'ont pas connu de bouleversements importants. Ceci dénote sans doute l'importance que le législateur continue à attacher à ces délits qui sont symptomatiques de la dimension éthique et morale que la société et les règles modernes de gouvernance d'entreprise attachent à une saine gestion des affaires. Aussi nous a-t-il paru intéressant du point de vue du droit marocain de consacrer le deuxième chapitre du présent travail à ces deux délits comme exemples d'illustration de la responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise.

Chapitre II : Illustration de la responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise à travers le délit d'abus de biens sociaux et le délit de banqueroute.

Le délit d'Abus de Biens sociaux et le délit de banqueroute constituent le terrain d'étude privilégiéer de la problématique de la responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise. En effet, ce sont des délits dits « de fonction » c'est-à-dire qui mettent en cause principalement des dirigeants exerçant un mandat social en vertu des dispositions légales ou statutaires de l'entreprise et, à ce titre, ont donné lieu à des réflexions doctrinales et à une jurisprudence abondante qui dénotent la sensibilité des questions relatives à une bonne gouvernance de l'entreprise.

Section I : Le délit d'Abus de Biens Sociaux (ABS)

Dans cette section nous rappellerons en premier lieu la genèse de ce délit pour rappeler le contexte de son apparition en droit moderne des sociétés et la finalité de sa création par les législateurs Français et marocain (I). Nous suivrons « la carrière » de ce délit à travers la jurisprudence française notamment pénale soit pour en déceler les apports pertinents, soit pour en souligner les limites pour l'ABS marocain qui est « en début de carrière » et ce à travers la confrontation des dispositions légales marocaines avec des solutions jurisprudentielles françaises que ce soit au niveau du champ d'application de cette infraction (II), de la problématique de sa preuve (III) et de sa répression et de sa prescription. (III).

I - Genèse de l'ABS

Pour ce qui est du droit En Ffrançais, ce : un regard historique sur la genèse de ce délit montre qu'il est à la fois Le délit d'abus de bien sociaux est la fois ffort ancien et relativement récent40(*). Ancien dans la mesure où la jurisprudence réprimait ce délit à travers le délit d'abus de confiance sur le fondement de l'article 408 ancien du code pénal et récent dans la mesure où dans sa définition légale, il est apparu en 1935 pour la première fois, en tant que délit autonome suite à des ffairesaffaires de criminalité d'affaires retentissantes dont la plus célèbre était l'affaire STAVISKY.

En effet, avant 1935, date à laquelle l'infraction a tété érigée en délit autonome, les juges réprimaient l'abus de biens sociaux en se référant à un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 2 août 1845 rendu sur le fondement dudit article. qui dispose ......

Cette jurisprudence avait fait l'objet de nombreuses critiques tenant à la fois au principesfois aux principes du droit pénal et aux interprétations trop larges qu'il permettait au juge d'avancer pour incriminer des faits constitutifs d'ABS. Ainsi, non seulement elle était considérée comme violant le principe de la légalité des délits et des peines, mais elle permettait des condamnations même si le fait n'est pas commis dans un intérêt personnel, les juges se contentant d'apporter la preuve que les fonds détournés ont été utilisés à des fins autres que celles convenues dans le mandat des dirigeants.

Cette extension de l'article 408 avait été critiquée par de nombreux auteurs. Notamment, Donnedieu de Vabre y voyait une violation du principe de la légalité des délits et des peines (4). De plus, l'article 408 restait un texte mal adapté au droit des sociétés car, il ne permettait pas d'appréhender toutes les situations dommageables. Par exemple, l'abus de confiance ne pouvait être retenu à l'encontre d'un administrateur ayant donné à bail un immeuble social à un prix dérisoire, moyennant une commission personnelle donnée par le locataire. En effet l'abus de confiance ne concerne que les biens mobiliers. C'est afin de combler ces lacunes que le législateur a adopté le décret-loi d'août 1935.

L'incrimination de l'abus de biens sociaux sous l'empire de l'article 408 ancien du code pénal était à la fois plus étendue et plus restreinte par rapport à l'incrimination actuelle résultant de la loi de 1966, laquelle reprend les éléments constitutifs de l'abus de biens sociaux défini par le décret-loi de 1935. En effet, avant ce dernier, ni les poursuites ni les condamnations n'exigeaient que les dirigeants aient agi dans leur intérêt personnel. La jurisprudence était celle de l'abus de confiance et, il suffisait d'établir que les fonds avaient été utilisés à des fins étrangères à celles auxquelles ils étaient destinés. Les condamnations étaient donc fréquentes. De plus, les poursuites visaient aussi bien le dirigeant social que n'importe quel mandataire social ou représentant social. Aujourd'hui, le délit d'abus de biens sociaux ne concerne que le président, l'administrateur, les directeurs généraux ou les gérants (5) et, il n'exige pas un détournement de fonds au sens strict, dans la mesure où tout usage abusif des biens ou du crédit de la société est répréhensible.

Ainsi, Lle décret-loi du 8 août 1935 créa finalement pour les sociétés par actions deux délits: l'abus de biens sociaux ou du crédit de la société, et l'abus des pouvoirs ou des voix, (6). repris par la loi française de 1966 sur les sociétés, laquelle a fait l'objet de modernisation et de codification par le nouveau code de commerce.

Au Maroc, et jusqu'en 1996, le droit des sociétés n'a pas connu la même évolution. En effet, l'ABS institué par le décret-loi français de 1935 n'a pas été étendu à ce droit et cela bien que le Dahir du 11 août 1922 sur les sociétés par actions ne faisait qu'étendre au territoire du protectorat du Maroc la loi française du 24 Juillet 1867, y compris ses dispositions pénales, laquelle loi avait été remplacée par la loi de 1966 qui, elle-même, a fait l'objet depuis sa publication d'un nombre incalculable de modifications. C'est dire qu'en matière de responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise et singulièrement d'ABS ni le législateur du protectorat ni celui du Maroc indépendant n'ont procédé à des bouleversements notables de cette responsabilité malgré les occasions de modifications du dahir du 11 août 1922 intervenues entre 1931 et 1955 puis dans les années soixante dix. Si bien qu'un « parallélisme absolu entre la législation marocaine et l'ancienne législation française, en matière de sociétés anonymes, est donc loin d'exister » et toute « similitude est encore bien moins apparente depuis la publication de la loi française du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.... » et a même « constitué souvent une cause d'erreurs graves »41(*) .

La publication de la loi 17-95 sur la société anonyme en 1996 et de la loi 05-96 sur les autres formes de sociétés en 1997 a totalement changé la physionomie du droit des sociétés et avec ces lois « nous nous trouvons devant un nouveau droit pénal des sociétés exhaustif, ciblé et largement inspiré du droit pénal applicable dans le droit des affaires français »42(*). Cette évolution a été dictée par une forte volonté politique d'ouverture de notre pays à la mondialisation qui exige une mise à niveau de l'environnement juridique et institutionnel afin de rassurer l'investisseur étranger sur les conditions de l'exercice de son activité dans le pays d'accueil. C'est donc en toute logique que, soucieux de renforcer la transparence dans les relations d'affaires, le législateur marocain a prévu le délit de bien sociaux dans ces nouvelles lois en s'inspirant de la rédaction des dispositions françaises de la loi du 24 Juillet 1966.

Depuis la publication de ces nouvelles lois, ni la doctrine ni la jurisprudence marocaines n'ont encore offert l'occasion de réflexions véritables sur la portée et les spécificités des dispositions marocaines relatives l'ABS. Nous essaierons, dans les passages qui suivent, de poser les premiers jalons de ces réflexions à travers en étudiant les problématiques déjà abordées par la doctrine et la jurisprudence françaises afin de faire ressortir leur apport éventuel et leurs limites tant en ce qui concerne le champ d'application de l'ABS qu'en ce qui concerne sa preuve. les spécificitésmeiu marocain rent de jurisprudence marocaine offre Si cette autorisation fait, cette mise à niveau autorise l'établissement d'une approche la similitude que l'on pouvait s'interdire dans l'étude Dans un souci de garantir cette transparence, il étaitDès 1935, le champ d'application de l'abus de biens sociaux a été étendu à d'autres formes de sociétés (7). Cependant, l'abus de biens sociaux reste exclu pour certaines sociétés: sociétés en nom collectif, sociétés en commandite simple, sociétés en participation et société de fait (8).

La qualification d'abus de biens sociaux, à travers l'article 408 du Code pénal, reste, encore aujourd'hui, juridiquement envisageable. Mais elle ne pourrait déboucher sur aucune conséquence tangible. En effet, les peines, prévues par la loi du 24 juillet de 1966, sont plus élevées (9). D'ailleurs les tribunaux choisissent la qualification d'abus de biens sociaux ,avantageuse, on le verra, sous tout point de vue.

II- Le Champ d'application de l'ABS

Le champ d'application de l'ABS peut être identifié du point de vue de la victime du délit et du point de vue de l'auteur de l'infraction. En ce qui concerne la victime, plusieurs conditions doivent être réunies pour que l'on puisse parler de d'ABS :

D'abord des conditions générales tenant aux caractéristiques juridiques de la victime : celle-ci doit être une entreprise à forme sociétaire jouissant de la personnalité morale et ne faisant pas l'objet d'une procédure collective. Cette première approche permet d'exclure du champ de l'ABS :

- les entreprises individuelles « dirigées » par des personnes physiques exerçant une activité commerciale à titre individuel et pour lesquelles la confusion du patrimoine personnel et du patrimoine « entrepreunarial » ne permet pas de poursuite au titre de l'ABS ;

- les personnes morales ne poursuivant pas un but lucratif telles que les associations ; cependant, dans certaines législations telles que la législation belge, l'ABS concerne également ces associations.

- les personnes morales à forme sociétaire n'ayant pas encore acquis la personnalité morale telsles que les sociétés en cours de formation. En principe la société en participation  doit également être exclue du champ d'application de l'ABS puisque cette société n'est pas censée être connue des tiers et que les associés n'ont pas entendu doter de la personnalité morale ; on verra cependant que le législateur marocain a intégré cette société dans le champ d'application de l'ABS ;

- la personnes morale à forme sociétaire en difficulté, ce qui permet de distinguer l'ABS d'une infraction très voisine, la Banqueroute qui suppose l'ouverture d'une procédure collective et par conséquent la cessation de paiement. Ainsi, à l'exception de quelques cas où elle a admis que des détournements pouvant être directement à l'origine de la cessation de paiement, peuvent justifier la poursuite au titre de la banqueroute, la jurisprudence française considère toujours que les détournements commis avant la cessation de paiement tombent sous le coup de l'ABS.

Ensuite des conditions spécifiques tenant à la catégorie de personne morale à forme sociétaire considérée. Cet élément ne semble pas à priori poser de problème particulier puisque en application du principe général de droit consacré par les constitutions françaises et marocaines, l'ABS est défini et sanctionnée par les lois relatives aux sociétés commerciales.

Cependant, il nous semble que, du point vue de la responsabilité des dirigeants de l'entreprise cet élément soulève la problématique du champ d'application de l'infraction dont l'étude permet de déceler le degré de cohérence de « la politique pénale » dans un système juridique et politique donné.

A ce sujet, il convient de noter une différence importante entre le droit marocain et le droit français.

Les dispositions pénales marocaines en matière d'Abus de Bien Sociaux concernent toutes les formes de sociétés commerciales (à l'exception toutefois de la société anonyme simplifiée entre sociétés)43(*)sans exception. Ainsi, le délit d'ABS a été d'abord prévu par la loi 17-95 pour les sociétés anonymes dont l'article 384 dispose :

« seront punis d'un emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 100.000 à 1.000.000 de DH ou de l'une de ces deux peines seulement, les membres des organes d'administration, de direction ou de gestion d'une société anonyme :

1°) qui........

2°) qui.....

3°) qui, de mauvaise foi, auront fait, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savaient contraire aux intérêts économiques de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement ;

4°) qui de mauvaise foi, auront fait des pouvoirs qu'ils possédaient et/ou des voix dont ils disposaient, en cette qualité, un usage qu'ils savaient contraire aux intérêts économiques de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement ».

Par la suite, la loi 05-96, dans son chapitre II intitulé « des infractions et sanctions communes », a prévu à l'article 107, dans des termes quasi-identiques44(*), le délit d'ABS pour la SNC, la société en commandite simple, la société en commandite par actions, la SARL et la société en participation.

On peut contester la validité juridique de cette extension de l'ABS, opérée par les lois marocaines sur les sociétés, aux sociétés de personnes et aux sociétés en participation. Pour les sociétés de personnes en effet, comme le relève Madame le professeur Corinne Mascala, « l'infraction ne peut être commise [par ces sociétés], en raison du statut spécial des membres qui sont tenus d'une responsabilité personnelle et indéfinie »45(*). Le même raisonnement pourrait être avancé pour les sociétés en participation car, dépourvues de véritable personnalité morale, ces sociétés sont conclues intuitu personae et s'apparentent à des sociétés de personnes. Pour toutes ces sociétés, la répression aux atteintes aux biens de la société peut être obtenue au moyen du délit d'abus de confiance prévu et puni par l'article 54746(*) du code pénal marocain au lieu de l'abus de biens sociaux.

En France, dès 1935, le champ d'application de l'abus de biens sociaux a été étendu à d'autres formes de sociétés que les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions. Il a ainsi été étendu d'abord à la SARL puis à d'autres formes de sociétés tels que l'EURL ou encore à la SAS ou la SASU. Cependant, à la différence du droit marocain, l'abus de biens sociaux reste exclu pour les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés en participation. Sont également exclus les sociétés de fait. .

Cette démarche législative consistant à introduire cette infraction dans certaines structures juridiques et pas dans d'autres a été critiquée par la doctrine française. Dans une communication faite lors d'un colloque tenu à Paris en 2004, Madame Annie MÉDINA47(*) souligne le manque de logique dans cette différenciation qui compliquerait la tâche du juriste dans la recherche de l'élément légal de l'infraction : « On pourrait se dire qu'à l'origine, l'intention étant de protéger l'épargne, le délit doit se trouver dans des sociétés dans lesquelles l'épargne peut être menacée et notamment dans les sociétés anonymes. Mais pourquoi alors avoir étendu l'infraction à l'EURL ou encore à la SAS ou la SASU ? Dans ces structures, en effet, il n'est pas question d'épargne ». Elle met aussi l'accent sur la relative inefficacité de cette extension dans la mesure où « dans le délit d'abus de confiance, il y a une circonstance aggravante lorsque le prévenu a utilisé l'appel public à l'épargne ; dans le cadre du délit d'ABS, on ne trouve pas de circonstance aggravantes par rapport au dirigeant qui aurait utilisé des biens d'une société qui fait appel public à l'épargne », ajoutant que « là aussi, on ne peut pas dire que l'épargne soit la justification fondamentale de l'infraction ».

A rappeler que la formulation du délit de biens sociaux prévue par le nouveau code de commerce français, reprend largement la définition de la loi française de 1966, qui a elle-même inspiré le législateur marocain. Avec quelques différences assez sensibles dont nous essaierons d'analyser plus loin la portée juridique, on retrouve les mêmes éléments constitutifs d'abus de biens sociaux :

- un usage des biens de la société, du crédit, des pouvoirs ou des voix,

- un usage contraire à l'intérêt social, ;

- un usage dans un but personnel ;,-

- la mauvaise foi du dirigeant. ;

L'étude de tous ces éléments montre la richesse de la « production » jurisprudentielle française à laquelle ce type d'infraction a donné lieu. La problématique centrale posée par les cas traités par cette jurisprudence se ramène principalement à la recherche de la preuve établissant l'ABS. Etant donné leur similitude avec les éléments posés par le droit marocain, l'examen des solutions dégagées par cette jurisprudence présente donc un intérêt certain afin d'en dégager les enseignements et les limites en matière d'application éventuelle au contexte marocain.

II - La preuve de l'ABS

A- L'usage

Après l'identification du dirigeant de droit ou de fait responsable, il faut que le juge pénal apporte d'abord la preuve de l'usage des biens, du crédit, des pouvoirs ou des voix.

La définition de cette notion est de la plus haute importance du point de vue du droit pénal car elle constitue la clé de voûte de l'élément matériel de cette infraction. C'est ce qui explique l'abondance de la jurisprudence française en la matière48(*).

Bien que certains pensent que cette notion n'a pas besoin d'interprétation large, le simple usage étant suffisant même sans détournement et même sans disposition49(*), la notion d'usage est interprétée largement et souplement par la jurisprudence française.

Matériellement, il peut s'agir d'actes de disposition visant l'appropriation ou la dissipation des biens appartenant à la société : le dirigeant utilise des sommes prélevées dans la trésorerie de l'entreprise pour payer des dépenses personnelles; il s'octroie personnellement ou à son épouse des rémunérations manifestement abusives eu égard aux fonctions exercées (Crim. 25 nov. 1975, Bull.crim. n° 257 , JCP 1976, II, 18476 note Delmas-Marty), il utilise le personnel de son entreprise pour faire effectuer des travaux à son domicile, il fait cautionner par la société des dettes personnelles, il paie l'essence de son véhicule personnel avec l'argent de l'entreprise ; il verse sur son compte personnel des sommes dues à la société (Crim. 3 oct. 1996 Rev. Soc. 1997, 369).

L'usage peut également consister en des actes d'administration (prêts, avances d'argent). Mais qu'il s'agisse d'actes d'administration ou de disposition, l'usage ne consiste pas seulement en des actes positifs mais il peut résulter d'une omission ou en des omissions.

A ce sujet, la jurisprudence française a été constante : ainsi un arrêt récent de la chambre criminelle de la Cour de cassation ( Crim. 28 janvier 2004, RJDA 6/2004 n°4), en précisant clairement que l'acte d'usage peut résulter non seulement d'une action, mais également d'une omission volontaire qui a la nature d'un acte contraire à l'intérêt social », a confirmé le principe annoncé par cette chambre en 1972 (Crim. 15 mars 1972, Bull. crim n°107) que l'abstention volontaire du dirigeant caractérise l'infraction d'ABS lorsqu'elle est contraire à l'intérêt social (en l'espèce il s'agissait d'une omission intentionnelle du dirigeant de réclamer une créance que la société détient sur une autre entreprise dans laquelle il a des intérêts).

La jurisprudence française se montre intransigeante en matière d'ABS dans la mesure où elle n'exonère pas un dirigeant de sa responsabilité pénale lorsqu'il restitue les sommes prélevées en considérant qu'un un usage même temporaire suffit à qualifier l'acte d'abusif (Crim. 21 août 1991 , RJDA 1991, n° 1032 ).

B- L'objet de l'usage

La loi précise que l'usage doit porter sur les biens, les pouvoirs ou les voix.

- Les biens sociaux sont ceux constituant l'actif de l'entreprise composé des biens meubles et immeubles, corporels et incorporels ;

- Le crédit vise la réputation de la société, la confiance qu'elle suscite à l'égard des tiers. Par exemple : cautionnement des dettes personnelles du dirigeant ; signature comme endosseur ou avaliseur d'une lettre de change émise pour une cause étrangère aux affaires sociales.

- Les pouvoirs sont les droits dont les dirigeants disposent de par la loi ou les statuts.

La coexistence dans les textes d'incrimination d'objets matériels de l'usage (les biens) et d'objets non matériels (crédit, pouvoirs, voix) a suggéré à certains auteurs que l'infraction d'ABS est en fait constituée de deux « grands délits »50(*) : l'usage abusif des biens ou du crédit de la société d'une part, et l'usage des pouvoirs et/ou des voix d'autre part. Sans doute cette interprétation découle-t-elle de l'énumération légale de ces deux catégories d'objets de l'usage dans deux paragraphes séparés. En tout cas, elle fait craindre un « dérapage » de la jurisprudence qui pourrait ouvrir par le biais de l'abus de pouvoir la voie à une immixtion du juge pénal dans la gestion de l'entreprise et par conséquent une large répression.

 Pour sa part, Madame le Professeur Corinne Mascala relève que « ces distinctions relatives à l'objet de l'acte d'usage sont assez difficiles à mettre en oeuvre pour les juges du fond car souvent les cas sont mêlés », et « il faut noter que dans la majorité des cas, l'usage abusif des biens sociaux suppose un abus de pouvoirs... »51(*). Ainsi, il a été jugé que constitue un abus de pouvoirs, mais également de biens, le fait pour un dirigeant d'organiser une fusion-absorption dans un but avantageux pour lui mais sans utilité économique pour la société (Crim. 10 juillet 1995 bulletin crim. n° 253).

C- Le but de l'usage

Aussi bien la loi marocaine que la loi française exigent que l'usage des biens, du crédit, des pouvoirs et/ou des voix soit contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles. Cette formulation pose deux problèmes :

- le premier problème est relatif à la nature et au contenu de l'intérêt social ; sur cet aspect les réponses de la jurisprudence française sont d'une portée limitée pour l'interprétation des dispositions législatives marocaines de cette notion ;

- le deuxième problème est relatif à la question de savoir s'il est nécessaire d'établir que « l'instrumentalisation » de l'usage des biens et des pouvoirs vise cumulativement la contrariété des intérêts de la société « et » la recherche du but personnel, ou bien seulement l'une ou l'autre ?

1- Notion d'intérêt de la société  (ou intérêt social) : nature et contenu

En matière d'ABS, l'intérêt social est la « bousssole » qui guide le « capitaine » (dirigeant) du bateau (entreprise) dont la navigation est éclairée par le phare que constitue le délit d'abus de biens sociaux pour lui rappeler le principe sacro-saint de la séparation de son patrimoine propre avec celui de l'entreprise52(*). C'est dire l'importance de la place de cette notion dans le dispositif global de l'ABS eu égard justement à l'exigence de cette séparation.

1- nature de l'intérêt social

S'agissant de la nature de l'intérêt social, il ne semble pas que la jurisprudence française ait été n'a pas été plus précise que la loi qui s'est bien gardée de définir la nature de l'intérêt social. La chambre commerciale de la Cour de cassation qualifie cet intérêt de général ou essentiel à la société. (Voir Tricot, abus de droit dans les sociétés, RTDcom.1994, 622). La chambre criminelle dans sa conception de l'intérêt social, considère qu'il s'identifie avec la notion d'intérêt de l'entreprise, (Crim.10 juillet 1995 , JCP 1996, éd. G, II, 22572 note Paillusseau), dans un souci de protection des intérêts des associés, actionnaires, créanciers et salariés. Dans son attachement à l'approche purement « institutionnelle » de l'intérêt social, cette jurisprudence a même été contradictoire : « d'une part, elle tend à élargir l'intérêt social pour en faire celui de l'entreprise, de telle sorte que la répression soit assurée malgré l'inertie de la société; d'autre part, la Chambre criminelle rétrécit l'intérêt social à celui des seuls associés en refusant aux salariés et aux créanciers, victimes des abus des dirigeants, le droit de se constituer partie civile »53(*). D'autre fois, elle considère que l'intérêt social va au-delà de l'intérêt des seuls associés et que sa fonction est de les protéger. Ainsi, la chambre criminelle a considéré qu'il s'identifie avec la notion d'intérêt de l'entreprise, dans un souci de protection des intérêts des associés, actionnaires, créanciers et salariés (Crim.10 juillet 1995 , JCP 1996, éd. G, II, 22572 note Paillusseau).

Le législateur marocain n'a pas laissé beaucoup d'incertitudes quant à l'interprétation de la notion de l'intérêt de l'entreprise. Pour lui il s'agit des seuls « intérêts économiques » de la société. L'expression ainsi utilisée ne semble pas devoir laisser une grande marge au juge pénal marocain qui ne devrait prendre en considération pour l'incrimination du chef de l'ABS que les actes portant atteinte aux « intérêts économiques » de la société. Par contre, l'expression pourrait l'inviter à préciser le contenu de ces intérêts économiques. En tout état de cause, on peut penser que par cette formule le législateur marocain a entendu limiter les poursuites aux actes ayant des conséquences graves sur la viabilité et la pérennité de l'entreprise, la notion « d'intérêts économiques » renvoyant aux aspects structurels de la gestion de l'entreprise, à son équilibre financier, à sa viabilité et à sa pérennité.

Si telle était l'intention du législateur marocain, avisé peut être par le caractère « attrape-tout » accolé à l'ABS français et soucieux de maîtriser d'éventuels débordements en la matière, on peut penser que le dirigeant marocain serait à l'abri des risques de poursuites tous azimuts du chef de cette infraction que les associés pourraient abusivement tenter d'engager contre les dirigeants. L'ABS échapperait en tout cas, dans le contexte sociologique spécifique au monde marocain des affaires, aux critiques avancées à l'endroit des nombreuses sanctions pénales empruntées par les lois marocaines à la législation française sur les sociétés et justifiées, entre autres, par le risque d'instrumentalisation de ces sanctions à des fins « de négociation, de menace, ou de représailles dans les relations entre dirigeants et associés »54(*).

A l'inverse, la juge pénal marocain irait-il, au nom de la stabilité de ces relations, jusqu'à exonérer des actes d'une certaine gravité au motif que les intérêts visés ne sont pas de nature économique ou qu'il admette, à l'instar d'une partie de la jurisprudence initiale française, que des actes illégaux ou illicites, telle que la corruption par exemple, puissent échapper aux sanctions au motif qu'ils servent les intérêts économiques de l'entreprise ? (Arrêt Rosemain Crim. 11 janvier 1996 , Bull.crim. n°21, Dr.pénal 1996, comm. n° 108; Rev.soc. 1996, 586 note Bouloc. En l'espèce, les dirigeants d'une société avaient constitué une caisse noire en prélevant périodiquement des fonds dans la trésorerie de l'entreprise, pour rémunérer des travailleurs dissimulés. L'infraction de travail dissimulé était constituée, par conséquent, le but illicite, au sens de la jurisprudence de 1992, paraissait manifeste. La Cour de cassation, jugeant que l'intérêt de l'entreprise était sauvegardé, n'a pas retenu la qualification d'abus de biens sociaux ).55(*)Pour conclure, il reste à espérer que des formations économiques et financières de haut niveau, verront le jour pour permettre aux magistrats de combattre l'abus de biens sociaux dans une vision plus économique de l'intérêt social. (Olivier de Benoist, Marc-Antoine Maury, Alain Monkam : l'abus de biens sociaux et les actes anormaux de gestion, Maîtrise en droit privé, mention droit des affaires et droit fiscal - 1996-97, Faculté Jean Monnet - Université Paris-Sud)

En tout cas la jurisprudence française a elle-même très sensiblement évolué et cette évolution pourrait inspirer le juge pénal marocain en matière d'incrimination d'actes contrariant les « intérêts économiques » de l'entreprise. Une jurisprudence française récente et désormais constante retient la qualification d'Abus de Biens sociaux lorsque cet abus est commis dans un but illégal et illicite exposant l'entreprise à des « risques anormaux ».( CA Paris 23 mars 1999, JCP, E, 1999 p. 1657) qui peuvent être d'ordre pénal ou fiscal (Cass.crim. 10 mars 2004, D. 2004, AJ, p.1240). Désormais, avec cette jurisprudence, l'ABS « s'apparente à une infraction de mise en danger de la société qui n'est pas sans évoquer - adapté au droit des sociétés - le délit général de mise en danger d'autrui incriminé par l'article 121-3 du code pénal »(56(*)).

A ce sujet, l'exemple belge pourrait être également instructif : en introduisant le critère de « l'usage ...significativement préjudiciable aux intérêts patrimoniaux » de la personne morale.57(*) le législateur belge a sans doute voulu éviter de transposer les inconvénients de la formulation française de cette infraction. Une combinaison des deux critères quantitatif et qualitatif du seuil significativement préjudiciable permettrait d'éviter des poursuites au titre de l'ABS lorsque le préjudice est de minime importance ou ne porte pas atteinte à un élément essentiel de la personne morale et de ses activités58(*).

2- Intérêt (s) de l'entreprise « et » « ou » intérêt (s) personnel (s) ?

La question est d'une grande importance, car elle met en cause le principe de la légalité des délits et des peines et, au-delà, les limites de l'intervention du juge qui risque de déborder sa fonction d'interprétation stricte de la règle pénale et porter atteinte à la liberté individuelle et à la liberté d'entreprendre.

Pour une large partie de la doctrine française, le cumul ne fait pas de doute et il n'y a pas de problème d'interprétation de la loi: « L'acte d'usage contraire à l'intérêt social n'est pas suffisant à la réalisation de l'infraction, la loi exige en outre, que le dirigeant ait agi à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.... En conséquence, un acte contraire à l'intérêt social qui n'est pas réalisé dans un but personnel ne devrait pas être constitutif du délit d'abus de biens sociaux, en application des termes de la loi » (59(*)).

Nous partageons cette interprétation qui paraît juridiquement fondée sur un double plan :

- tout d'abord sur le plan de la spécificité de l'ABS par rapport à d'autres infractions et notamment de l'abus de confiance. En effet, ce qui fait l'autonomie et la particularité de l'ABS, c'est précisément la nécessité de démontrer que le délit est commis dans un double but : un but contraire aux intérêts de la société et un but personnel. L'ABS est venue combler un vide juridique en évitant que l'abus de bien sociaux ne soit plus poursuivi sur la base de l'abus de confiance, qui n'exige pas la démonstration du but personnel ;

- ensuite sur le plan de la cohérence de la jurisprudence. Celle-ci admet, nous l'avons vu, l'incrimination non seulement de l'acte positif mais aussi l'acte passif c'est-à-dire l'omission. Concernant cette dernière, on peut par exemple, soutenir qu'un dirigeant qui néglige de recouvrer une créance de son entreprise commet une erreur de gestion non susceptible d'incrimination d'abus de bien sociaux lorsque cette négligence n'est pas motivée par un intérêt personnel. « En effet, si par cette omission le dirigeant obtient un avantage, comme celui du règlement d'une commission occulte, celui-ci userait, de manière indirecte et à des fins personnelles, du crédit de l'être moral qu'il dirige et qu'il s'agirait là d'un acte positif qui répondrait aux conditions légales du délit d'abus de biens sociaux. »60(*). Ainsi, la négligence de recouvrement de la créance est contraire à l'intérêt de la personne morale mais cela ne suffit pas pour la qualifier d'abus de biens sociaux. Il faut, pour cela que le dirigeant en tire un profit personnel au détriment du profit de son entreprise.

Pourtant, la jurisprudence française n'a pas été d'une grande lisibilité sur cette question « En effet, souvent la Cour de cassation écarte cet élément constitutif au mépris de la règle de l'interprétation stricte de la loi pénale, lorsqu'elle admet la condamnation sur le fondement de l'abus de biens sociaux de tous les actes qui ont pour objet la commission d'un délit, sans rechercher si ce délit profite personnellement aux prévenus. La Cour de cassation met ainsi clairement l'accent sur l'usage contraire à l'intérêt social qui est considéré comme l'élément déterminant de l'infraction, et se montre en revanche peu exigeante quant à la preuve du dol spécial »61(*).  

D'un autre côté, il faut bien reconnaître que la jurisprudence n'est pas d'une lisibilité parfaite. Pourquoi ? Parce qu'on nous a dit que dans un groupe de société, on pouvait parfaitement, sous réserve de rester raisonnable, et de certaines limites, admettre qu'il puisse y avoir un prêt d'argent d'une société à une autre. Il s'agit du « fait justificatif du groupe ». Bien sûr, il n'y a pas ici d'intérêt personnel. Donc, dans certaines affaires, il n'y a pas d'intérêt personnel mais on nous dit « abus de biens », et, dans d'autres cas, il n'y a pas d'intérêt personnel et on dit « il n'y a pas abus de biens ». C'est pour cette raison que je dis que la jurisprudence n'est pas toujours lisible. De fait, depuis le 4 février 1985, il est dit que dans les groupes de société, on peut admettre à certaines conditions des transferts de fonds (il faut que cela reste limité dans le temps, qu'il y ait contrepartie, etc.)... Et donc ici nous avons une certaine entraide familiale qui est admise au sein des sociétés. Ces derniers temps, on a pu observer que la jurisprudence est, peut-être, un peu plus apaisée. En tout cas, les effets médiatiques sont moins voyants qu'à certaines époques.

D - L'intention criminelle de l'usage

C'est l'élément moral constitutif de l'infraction d'ABS qui n'existe que si le dirigeant commet l'abus intentionnellement en ayant conscience qu'il porte atteinte à l'intérêt de l'entreprise et qu'il poursuit un but personnel contrariant cet intérêt social. C'est la signification des termes « mauvaise foi » utilisés aussi bien par la loi française que par les lois marocaines.

Madame le Professeur Corinne Mascala estime que l'exigence de ce dol général pour la qualification du délit aurait pu restreindre le champ d'application du délit d'abus de biens sociaux. « Cependant, regrette-t-elle, la Cour de cassation considère que la preuve de l'intention de nuire n'a pas à être rapportée formellement, (Crim.3 fév.1970 , Bull.crim.n° 47). Selon cette cour, « il suffit que le dirigeant ait conscience que l'acte accompli est contraire à l'intérêt social. Cette conscience découle implicitement des faits matériels objets de la poursuite (Le dirigeant aura d'autant plus de difficultés à rapporter la preuve de sa bonne foi, que sa qualité joue en sa défaveur. En effet, un dirigeant de par ses fonctions, doit savoir apprécier les conséquences de ses actes). On arrive ainsi, à créer une présomption de mauvaise foi que le dirigeant devra renverser pour éviter l'engagement de sa responsabilité pénale (Ainsi, la constitution d'une caisse noire par un dirigeant, par des prélèvements occultes de fonds sociaux, fait présumer de son intérêt personnel (Crim. 20 juin 1996, Bull.crim. n°271). ».62(*)

III - La poursuite et la répression et la prescription dde l'ABS

A l'instar du code de commerce français, les lois marocaines relatives aux sociétés commerciales n'ont pas édicté de règles spécifiques en matière de prescription de l'action publique contre l'ABS. Ce sont donc les règles du code de procédure pénale qui s'appliquent : en droit marocain comme en droit français le délai de prescription des délits est de trois ans. En droit français le point de départ de la prescription pose problème en raison de la particularité de cette infraction, conduisant la jurisprudence française a apporter atteinte au principe de l'application du point de départ de la prescription des infractions instantanées, ce qui est le cas de l'ABS, au jour de la commission de l'infraction63(*). En effet la chambre criminelle de la cour de cassation tend à fixer le point de départ de la prescription au jour où cette infraction est apparue dans les comptes de la société, qui sont présentés six mois après la clôture de l'exercice, tout en se ménageant la possibilité de retenir une date postérieure en cas de dissimulation du fait délictueux empêchant l'ABS d'être révélée dans les comptes.

L'article 384 de la loi 17-95 punit le délit d'ABS d'emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 100.000 à 1.000.000 DH(8000 à 80.0000 euros) ou de l'une de ces peines seulement.

Section II : La Banqueroute

Le délit de Banqueroute est prévu par la loi 05-96 formant code de commerce aux articles 721 à 723. Ces articles figurent au chapitre III du titre le titre V du livre V de cette loi intitulé les difficultés de l'entreprise.

Ces articles font partie du dispositif régissant la responsabilité des dirigeants de l'entreprise en difficulté prévue par ledit titre V. En effet, l'article 702 dispose que les « dispositions du présent Titre s'appliquent aux dirigeants de l'entreprise individuelle ou à forme sociale ayant fait l'objet d'une procédure qu'ils soient de droit ou de fait, rémunérés ou non ». Ce titre prévoit trois catégories de sanctions :

- les sanctions patrimoniales qui sont de deux ordres : l'action en comblement du passif et l'extension de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire aux dirigeants (articles 703 à 710) ;

- la déchéance commerciale (articles 711 à 720) ;

- la banqueroute et autres infractions (articles 721 à 723).

S'agissant de la Banqueroute l'article 721 définit réprime les faits constitutifs de cette infraction comme suit :

« En cas d'ouverture d'une procédure de traitement, sont coupables de banqueroute les personnes mentionnées à l'article 702 contre lesquelles a tété relevé l'un des faits ci-après :

1° avoir dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de traitement, soit fait des achats en vue d'une revente au dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;

2°) avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif du débiteur ;

3°) avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur ;

4°) avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l'entreprise ou de la société ou s'être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque la loi en fait obligation ».

Cette infraction est punie de un à cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 10.000 à 100.000 Dh ou de l'une de ces deux peines seulement et qu'encourent également les complices même s'ils n'ont pas la qualité de dirigeants de l'entreprise. Les dirigeants personnes reconnues coupables des faits constitutifs de banqueroute encourent également, à titre de peine accessoire, la déchéance commerciale.

En outre le code de commerce prévoit des règles de procédure spécifiques à la banqueroute (725 à 727).

Nous examinerons donc successivement :

- le domaine et le champ d'application de la banqueroute (I) ;

- les faits constitutifs de banqueroute (II) ;

- et les règles de procédures applicables en matière de Banqueroute (III).

I- Domaine et champ d'application de la Banqueroute en droit marocain des entreprises en difficulté

1- Le problème du domaine d'application de la banqueroute

Aux termes de l'article 702 précité, la banqueroute fait partie des infractions destinées à sanctionner la responsabilité pénale des dirigeants des entreprises en difficulté, c'est-à-dire celles « ayant fait l'objet d'une procédure ». Mais l'article 721 relatif aux faits constitutifs de Banqueroute est plus précis puisqu'il vise les « cas d'ouverture d'une procédure de traitement ». Cet article est ainsi conçu :

« En cas d'ouverture d'une procédure de traitement, sont coupables de banqueroute les personnes mentionnées à l'article 702 contre lesquelles a été relevé l' un des faits ci-après:

1) avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de traitement, soit fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds;

2) avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif du débiteur;

3) avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur;

4) avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l'entreprise ou de la société ou s'être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque la loi en fait l'obligation ».

Ces dispositions, posent un problème de détermination du domaine d'application de la banqueroute.

En effet, l'article 702 est très large et laisse penser que les poursuites pour banqueroute peuvent être déclenchées lors de n'importe quelle procédure prévue par le livre V du code de commerce relatif aux difficultés de l'entreprise. Ce titre distingue trois grandes catégories de procédures concernant les entreprises en difficulté :

- les procédures de prévention des difficultés que sont la prévention interne d'une part et la prévention externe par le biais du règlement amiable d'autre part ;

- la procédure de redressement judiciaire qui est ouverte par un jugement « prononcé [par le tribunal] s'il apparaît que la situation de l'entreprise n'est pas irrémédiablement compromise (1ère phrase de l'alinéa 1 de l'article 568) même si « l'entreprise n'es pas en mesure de payer à l'échéance ses dettes exigibles » ; le redressement judiciaire de l'entreprise intervient à travers un plan de continuation ou un plan de cession (article 545, 2ème alinéa) ;

- la procédure de liquidation judiciaire qui « est ouverte lorsque la situation de l'entreprise est irrémédiablement compromise » (article 619, 1er alinéa).

Ainsi donc une interprétation très large de l'article 702 laisse entendre que le tribunal est compétent pour poursuivre tout fait constitutif de banqueroute relevé à l'encontre d'un dirigeant d'une entreprise aussi bien au cours des procédures non judiciaires de traitement des difficultés (procédures de préventions interne et externe) qu'au cours des procédures de traitement judiciaire (procédures dites « collectives » de redressement judiciaire et de liquidation judicaire ».  

Une deuxième interprétation, fondée sur l'article 721 susvisé, ne permettrait la poursuite qu'au cours des procédures de traitement judicaires (redressement judiciaire et liquidation judiciaire) excluant donc les procédures de traitement non judiciaire.

Une troisième interprétation conduirait à n'envisager la poursuite qu'en cas de redressement judiciaire car « le traitement » au sens de l'article 721, est défini ainsi qu'il suit par l'article 545 (2ème alinéa) : « le traitement de l'entreprise intervient à travers le redressement judiciaire par la mise en place d'un plan de continuation ou d'un plan de cession ».

En d'autres termes, une interprétation très large autoriserait le juge à engager les poursuites pour banqueroute même au cours de procédures où les entreprises ne sont pas en cessation de paiement (procédure de prévention, procédure de règlement amiable). Par contre des interprétations plus restrictives limiteraient le pouvoir de poursuite pour délit de banqueroute, aux procédures ouvertes en cas de cessation de paiement, à savoir le redressement judiciaire ou/et, selon le cas, la liquidation judiciaire.

Le juge marocain sera certainement interpellé par l'imprécision et les contradictions entre les différentes dispositions ci-dessus rappelées. Nous pensons que face à ces différentes positions, celle qui préconise une interprétation large nous semble celle qu'il devra retenir.

En effet, il faut noter que l'article 721 du nouveau code de commerce ne fait plus référence à la cessation de paiement comme condition de déclenchement des poursuites au titre de cette infraction, condition qui figurait dans les anciennes dispositions des articles 556 à 56964(*) du code pénal marocain relatives à la Banqueroute65(*). La suppression de cette référence peut sans doute être interprétée comme ouvrant au juge la possibilité de poursuivre les faits constitutifs de banqueroute lorsqu'ils sont relevés au cours des procédures de traitement non judiciaire des difficultés et en l'absence de cessation paiement. Malgré la sévérité de cette solution, elle aurait au moins, du point de vue de la politique pénale, un effet dissuasif sur le dirigeant malhonnête qui serait tenté de couvrir des faits de nature frauduleuse ayant conduit à des difficultés, par la demande d'ouverture d'une procédure de prévention dans le but de se qui aurait pour effet de le soustraire à une éventuelle poursuite pour des faits relevant de cette infraction.

Il convient de souligner que le législateur français n'a laissé aucune ambiguïté sur le domaine d'application de la banqueroute : l'article L. 654-2 du code de commerce français « exige, pour engager des poursuites sur le fondement de la banqueroute, qu'il y ait eu ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires. Cela signifie que le juge pénal ne peut être saisi de faits de banqueroute tant qu'il n'y a pas eu de jugement du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance ouvrant une procédure. Il faut souligner que les poursuites ne sont pas recevables dans le cadre d'une procédure de sauvegarde. »66(*). De plus, si le juge pénal français demeure « tenu par l'existence du jugement d'ouverture qui est une condition préalable à l'exercice de l'action publique, ... en revanche il n'est pas soumis à son contenu » 67(*) : la Chambre criminelle de la Cour de Cassation confère toujours de larges pouvoirs au juge pénal, considérant qu'il demeure libre de retenir une date de cessation des paiements autre que celle fixée par le tribunal de commerce : «  le juge répressif , pour déclarer constitué le délit de banqueroute, a le pouvoir de retenir, en tenant compte des éléments soumis à son appréciation, une date de cessation des paiements autre que celle déjà fixée « par la juridiction qui a ouvert la procédure collective (Crim. 18 novembre 1991, D. 1992, I.R., 54; JCP 1992, IV, 726 ; 27 nov. 1997 Bull. n° 405)68(*).

2- Le champ d'application de la Banqueroute

Fondement légal et Champ d'applicationL'article 721 s'applique aux personnes visées à l'article 702, à savoir les « dirigeants de l'entreprise individuelle ou à forme sociale ayant fait l'objet d'une procédure qu'ils soient de droit ou de fait, rémunérés ou non ». Par conséquent sont visés :

- la personne physique ayant la qualité de commerçant ;

- les dirigeants de droit l'entreprise à forme sociale, à savoir le ou les dirigeants de droit :

o de l'entreprise à associé unique, en l'occurrence la SARL à associé unique ;

o des autres sociétés commerciales telles que nous les avons identifiés au chapitre I de la présente étude. Il faut bien entendu tenir compte, en ce qui concerne la société anonyme à conseil d'administration, de la distinction implicite faite par la loi 17-95 entre l'administrateur dirigeant et l'administrateur non dirigeant pour exclure ce dernier du champ d'application de la Banqueroute69(*) ;

o des sociétés civiles qui sont « des entreprises à forme sociale » au sens de l'article 721 ci-dessus.

- les dirigeants de fait de l'entreprise à forme individuelle ou de l'entreprise à forme sociale entendues au sens des personnes physiques ou morales ci-dessus énumérées.

Il reste entendu que les constructions jurisprudentielles relatives à la notion de dirigeant de fait sont applicables pour la détermination du dirigeant de fait pénalement responsable au titre du délit de Banqueroute.70(*) Il en est de même des solutions jurisprudentielles en matière de délégation de pouvoirs comme cause d'exonération des dirigeants de droit de cette responsabilité au titre de faits constitutifs de banqueroute.71(*)

I- - réforme profonde du délit de banqueroute par le nouveau code de commerce

o champ d'application

o des faits constitutifs de la B

- comparaison :

o ancien texte ;

§  bs et bf pour commerçant et société

II- Les Faits constitutifs de BanqueroutePreuve

Ils sont au nombre de quatre et sont quasi identiques dans leur formulation aux quatre premiers faits prévus par l'article L. 654-2 du code de commerce français (qui prévoit un cinquième fait). Nous étudierons donc ces quatre faits à la lumière des apports de la doctrine et de la jurisprudence françaises.72(*)

1- avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de traitement, soit fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds;:

Concernant ce fait, il faut noter que la seule différence avec le texte français concerne, comme nous l'avons souligné, plus haut son domaine d'application. Les poursuites pour ce fait peuvent être engagées, pensons-nous, lorsque le fait vise à retarder « la procédure de traitement » entendue au sens large y compris les procédures non judicaires à la différence du texte français qui exige que le fait vise à retarder uniquement l'ouverture d'une procédure de redressement judicaire. En dehors de cette précision nous pensons que les solutions retenues par la doctrine et la jurisprudence françaises relativement aux éléments matériel et moral de ce fait peuvent être retenues dans le cas du texte marocain.

Ainsi, concernant la première hypothèse relative à l'achat en vue de la revente au dessus du cours, il s'agit de la revente à perte, celle-ci pouvant être constatée en comparant le prix d'achat effectif, entendu comme le prix porté sur les factures, avec le prix de vente.

Concernant la deuxième hypothèse relative à l'emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds, le juge répressif est appelé à apprécier le caractère ruineux.

Tout d'abord il doit s'agir d'un acte positif, car la « notion d'emploi de fonds suppose un ou des actes permettant d'obtenir ou de faire rentrer des fonds et non pas une simple abstention de payer une dette légitimement préexistante ».73(*)

Ensuite, pour être caractérisé d'emploi ruineux, il faut que l'acte lèse l'entreprise : ainsi « la revente systématique de matériels sans remboursement de crédits consentis à la société ne caractérise pas l'emploi de moyens ruineux dès lors que les prix de vente étaient normaux et que la société n'a pas été lésée ».74(*)

En revanche, « constitue le délit de Banqueroute par emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds l'escompte de fausses factures et de traites de complaisance dont le coût ne peut qu'aggraver la situation financière de l'entreprise »75(*).

2 - avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif du débiteur

Il s'agit ici de réprimer l'atteinte aux biens de l'entreprise qui constituent le gage des créanciers. La jurisprudence considère comme détournement ou dissimulation de bien tout acte comme tout acte de dissipation volontaire que cet acte soit positif ou négatif. « Par exemple des retraits de fonds injustifiés, des augmentations de salaire sans motifs, la location de locaux inutiles pour léser les créanciers en diminuant l'étendue du patrimoine social...Crim. 11 mai 1995, Bull. n° 172 ; 23 oct . 1997, JCP 1999, E,321 : un paiement en espèces peut constituer un détournement d'actif si le débiteur et le créancier sont une seule et même personne agissant sous deux qualités ; 29 mars 2000, Bull. n° 141 : dissimulation du prix de vente d'un élément d'actif »76(*).

La problématique posée par les actes de détournement est celle de leur distinction de l'abus de biens sociaux. L'enjeu est important, car les éléments matériel et moral de ces deux types de délits étant différents, leur qualification est différente et donc l'étendue des poursuites n'est pas la même. Ainsi, il est plus facile de poursuivre le délit de Banqueroute qui n'exige pas la preuve de la poursuite du but personnel que le délit d'abus de biens sociaux qui nécessite l'apport de cette preuve.

La jurisprudence française a résolu ce problème en considérant qu'en dehors d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, les actes de détournements seraient constitutifs d'abus de biens sociaux. Mais dès lors qu'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires est ouverte, la qualification de banqueroute doit être retenue.

« Le critère de choix entre les deux qualifications est chronologique : avant la date de cessation des paiements, la qualification retenue est celle d'abus de biens sociaux puisque l'entreprise est in bonis ; après la date de cessation des paiements, le juge pénal doit retenir la qualification de banqueroute puisque l'entreprise est soumise aux règles spéciales de la procédure collective . Cette solution est réaffirmée dans des arrêts récents par la Cour de cassation ( Crim. 30 juin 2004, Dr .pén. 2004 com. n°147 ; 23 oct 1997, JCP 1999, 321) ».77(*)

Comme nous l'avons essayé de le démontrer à propos du domaine d'application de la banqueroute en droit marocain, l'application intégrale de cette solution au contexte marocain ne paraît pas évidente. En effet, nous avons souligné que les formulations de la loi marocaine semblent permettreent la poursuite du de poursuivre le délit de banqueroute même en cas de procédures non judiciaires de traitement des difficultés de l'entreprise, tel que les procédures de prévention interne ou externe (règlement amiable) qui n'exigent pas la cessation de paiement. Aussi et pour qualifier l'acte de détournement de délit de banqueroute ou d'abus de bien sociaux, le juge marocain serait appelé à distinguer selon que l'acte est commis avant ou après l'ouverture de la procédure de traitement considérée (non judiciaire ou judiciaire, selon les cas) et non pas nécessairement selon le critère de la date de cessation de paiement.

3 - avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur :

4) avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l'entreprise ou de la société ou s'être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque la loi en fait obligation.

Pour examiner la portée de chacun des termes de ces faits constitutifs de Banqueroute, on peut s'inspirer des interprétions de la jurisprudence française78(*).

- est fictive une comptabilité qui ne retrace pas des opérations réelles de l'entreprise, et qui donne en apparence une image avantageuse de l'entreprise, par exemple l'enregistrement de factures fictives ;

- la disparition de documents comptables peut être totale ou partielle et réalisée par soustraction ou destruction. Le retard dans la fourniture des comptes aux organes de la procédure est assimilé à une absence de comptabilité ; Il faut donc déduire de cette jurisprudence que la non-production spontanée d'une comptabilité dont l'existence n'est pas apparemment remise en cause puisque sa réalité était attestée par l'expert-comptable, est assimilable à une disparition de documents comptables. Cette « solution est critiquable car elle est contraire à deux principes fondamentaux en matière pénale : le principe de l'interprétation stricte de la loi et celui, qui en découle, de l'interdiction faite aux juges répressifs de recourir à l'interprétation analogique. »

- l'absence de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation s'entend de l'absence totale de comptabilité exigée par ces textes pouvant concerner des exercices comptables antérieurs à l'ouverture de la procédure considérée.

L'article 626-2 du code de commerce français comporte un cinquième fait passible de sanction au titre de banqueroute : « Avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales ». L'objectif du législateur était de combler les lacunes de la répression concernant les malversations comptables qui ne pouvaient pas tomber sous le coup de la loi pénale en l'absence de texte d'incrimination. En effet, le quatrième cas de banqueroute ne permettait pas légalement de sanctionner les comptabilités dans lesquelles il manquait des pièces, ce qui ne pouvait pas être assimilé à une absence de comptabilité. Le cinquième cas de banqueroute vise deux hypothèses : la première consiste en la tenue d'une comptabilité manifestement incomplète. Cela correspond à la situation où des pièces comptables essentielles font défaut, par exemple l'absence de certains livres obligatoires ou celle du bilan. La seconde concerne la tenue d'une comptabilité en violation des principes comptables imposé par le code de commerce de fidélité, prudence, permanence et loyauté, ce qui est un instrument de transparence et de contrôle, art. L. 123-14 alinéa 1 et L. 123-17 du code de commerce.

Ce dernier cas n'a pas été modifié par la loi nouvelle, donc il ne peut s'appliquer qu'aux hypothèses où la loi - entendu au sens strict - impose la tenue d'une comptabilité.

III- Répression, prescription et voies de recours

Aux termes de l'article 725 du code de commerce marocain, « la juridiction répressive est saisie soit sur la poursuite du ministère public, soit sur constitution de partie civile du syndic ». Les décisions intervenues dans ce cadre « sont notifiées aux parties par le secrétaire greffier. Elles sont mentionnées au registre du commerce, publiées par un extrait dans un journal d'annonces légales et au Bulletin Officiel, et affichées au panneau réservé à cet effet au tribunal » (article 710).

La prescription de l'action publique ne court que du jour du jugement prononçant l'ouverture de la procédure de traitement lorsque les faits sont apparus avant cette date (article 725).

La constitution de partie civile est très limitée dans le code marocain : elle n'est admise que pour le syndic et par conséquent seulement en cas de procédure de redressement et de liquidation judiciaire puisque cet organe des procédures de traitement des difficultés de l'entreprise n'est institué qu'en cas d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et de l'ouverture de la liquidation judiciaire. Cette constitution n'est donc pas recevable en cas de poursuite lors des procédures de traitement non judiciaire de ces difficultés. Le code de commerce français limite également la constitution de partie civile aux cas de poursuites engagées dans le cadre des procédures de redressement et de liquidation judiciaires, mais la constitution de partie civile est ouverte à tous les organes et autres parties intéressées par les procédures : à l'administrateur, au mandataire judiciaire, au représentant des salariés, au commissaire à l'exécution du plan , au liquidateur et à la majorité des créanciers nommés contrôleurs dans l'hypothèse où le mandataire n'exercerait pas les actions. Mais le créancier à titre individuel n'est pas admis à se constituer partie civile : « Cette situation est d'autant plus fâcheuse que les constitutions de partie civile des mandataires de justice sont rarissimes »79(*).

D'ailleurs, la chambre criminelle atténue la rigueur de l'éviction du créancier individuel civil de la procédure en admettant la recevabilité des constitutions de partie civile par le créancier à titre individuel, sur le fondement de la banqueroute, en application de l'article 2 du code français de procédure pénale qui dispose que l'action civile en réparation du dommage appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par un crime ou un délit. Cette jurisprudence est parfaitement applicable dans le cas marocain dont le code de procédure pénale édicte une règle identique : « l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement subi un dommage corporel, matériel ou moral, directement causé par l'infraction » (article 7). Les mêmes conditions exigées par cette jurisprudence devraient alors être remplies : le préjudice doit être actuel, certain, personnel au créancier qui met l'action civile en mouvement et directement causé par l'infraction poursuivie (Si le créancier ne remplit pas ces conditions, irrecevabilité de la constitution de partie civile. Voir. Par ex. Cass.crim. 10 avril 1995, Rev.proc.coll. 1996,p.137 n°5 obs . C. Mascala). et il peut s'agir d'un préjudice moral.

Quant aux sanctions il y a lieu de relever leur particularité dans le cas du droit marocain : comme pour l'ABS, la banqueroute est punie de peines d'emprisonnement et de peines d'amendes ou de l'une de ces peines seulement. Toutefois, le degré de sévérité de chacune de ces peines est différent : dans l'ABS, le législateur privilégie la sanction pécuniaire qui peut varier entre 100.000 et 1.000.000 DH (entre 8000 et 80.000 euros) , la peine d'emprisonnement étant relativement clémente (entre un et six mois) ; dans la banqueroute, la peine d'emprisonnement est sévère (un an à cinq ans), la peine pécuniaire pouvant varier entre 10.000 DH (800 euros) et 100.000 DH (8000 euros). elles sont plus sévères dans la loi française qui prévoit le cumul de la peine d'emprisonnement (cinq ans) et de l'amende (75 000 euros). La loi marocaine laisse la possibilité au juge de prononcer la peine de l'emprisonnement (de un an à cinq ans) et la peine d'amende (10.000 à 100.000 DH) ou l'une de ces deux peines seulement.

Les personnes coupables, encourent également, à titre de peine accessoire, la déchéance commerciale (article 723). La déchéance commerciale emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, et toute société commerciale ayant une activité économique (Article 711) pour qui ne peut être inférieure à cinq ans (article 719).

Les recours contre les décisions rendues en matière de banqueroute et autres sanctions sont soumis aux dispositions du code de procédure pénale (article 732).

CConclusions du Chapitre II

L'étude du régime des infractions de l'ABS et de la Banqueroute a permis de relever la forte similitude des deux infractions en droit pénal marocain et français des sociétés et des entreprises en difficulté quant à leurs éléments matériel et moral. Cependant, l'interprétation de certaines dispositions marocaines révèle la particularité de ce régime en droit marocain. Bien que la jurisprudence française offre une source d'inspiration précieuse pour la mise en oeuvre éventuelle de solutions appropriées par le juge marocain, ce dernier devra sans doute tenir compte des spécificités des dispositions marocaines afin de faire oeuvre d'interprétation originale notamment en ce qui concerne la notion d' « intérêt économique » de l'entreprise dans le cas de l'ABS et le champ d'application de la banqueroute. Ces deux infractions cristallisent des enjeux juridiques, sociaux et économiques très importants et il appartient au juge marocain de faire oeuvre d'ingéniosité afin de concilier entre différentes exigences : liberté individuelle et exigence d'éthique dans les affaires, liberté d'entreprendre et exigence de transparence du système économique, paix sociale et sens de responsabilité du chef d'entreprise.

Conclusion Générale

Le régime de la responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise constitue la pierre angulaire du droit pénal des affaires en général et du droit des sociétés et des entreprises en difficulté en particulier. En effet, l'étude de ce régime révèle la place centrale que la loi et la jurisprudence confèrent au dirigeant de l'entreprise dans la mise en oeuvre du dispositif pénal qui accompagne la naissance, le fonctionnement de l'entreprise qu'elle soit in bonis ou en difficulté. Gardienne de l'éthique et de la morale des affaires qui sont le fondement de la responsabilité, la jurisprudence a joué un grand rôle dans la construction de ce régime en s'attachant à définir les éléments constitutifs de la direction de fait que la loi s'est contentée de reconnaître pour étendre le champ d'application de la responsabilité pénale aux dirigeants sans en préciser les contours. En reconnaissant la délégation de pouvoir comme cause possible d'exonération de cette responsabilité, elle a tenu compte de la réalité de la vie économique des entreprises et des impératifs d'une organisation moderne et efficace pour l'accomplissement de ses missions et la réalisation de leur objet social. Cette réalité que le législateur a également intégrée dans sa politique pénale pour adapter le régime de la responsabilité à l'impératif d'efficacité et d'utilité de la sanction pénale en insérant cette politique dans le double mouvement de pénalisation des actes les plus graves et de dépénalisation des actes ayant un caractère non intentionnel ou une portée limitée80(*).

Mais que ce soit au Maroc ou en France, force et de constater que les infractions phares fondatrices du noyau dur du droit pénal des sociétés, à savoir le délit d'Abus de Biens Sociaux et le délit de Banqueroute n'ont pas connu de bouleversements importants. Ceci dénote sans doute l'importance que le législateur continue à attacher à ces délits qui sont symptomatiques de la dimension éthique et morale que la société et les règles modernes de gouvernance d'entreprise attachent à une saine gestion des affaires.

L'étude du régime des infractions de l'ABS et de la Banqueroute, comme exemples d'illustration de la responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise marocaine a permis de relever la forte similitude des deux infractions en droit pénal marocain et français des sociétés et des entreprises en difficulté quant à leurs éléments matériel et moral. Cependant, l'interprétation de certaines dispositions marocaines révèle la particularité de ce régime en droit marocain. Bien que la jurisprudence française offre une source d'inspiration précieuse pour la mise en oeuvre éventuelle de solutions appropriées par le juge marocain, ce dernier devra sans doute tenir compte des spécificités des dispositions marocaines afin de faire oeuvre d'interprétation originale notamment en ce qui concerne la notion d' « intérêt économique » de l'entreprise dans le cas de l'ABS et le champ d'application de la banqueroute. Ces deux infractions cristallisent des enjeux juridiques, sociaux et économiques très importants et il appartient au juge marocain de faire oeuvre d'ingéniosité afin de concilier entre différentes exigences : liberté individuelle et exigence d'éthique dans les affaires, liberté d'entreprendre et exigence de transparence du système économique, paix sociale et sens de responsabilité du chef d'entreprise.

Bibliographie sélective

I- Ouvrages, cours

1°) Corinne Mascala, Cours sur le risque pénal, polycop, ISCAE - Université de Toulouse 1, Casablanca, année 2006-2007 ;

2°) Rachid Lazrak, Le nouveau Droit pénal des sociétés, au Maroc, éditions La Porte, Casablanca, 1997 ;

3°) Jean Paul Antona, Philippe Colin et François Lengarlt : la responsabilité pénale des cadres et des dirigeants dans le monde des affaires, Dalloz-Delta, 1996 

4°) Paul Le Cannu, Droit des sociétés, Montchrestien, 2ème édition, 2003.

II- mémoires

1°) Fabien Billet, Arthur Descamps et Benjamin Herman : « Etude comparative de la responsabilité des dirigeants d'entreprises en faillite », Université Sorbonne-Panthéon, DEA de Droit Economique Francophone (2004-2005) :

2°) Ivan TCHOTOURIAN : La morale en droit des affaires : La pratique et la technique doivent plier plutôt que sacrifier l'éthique, Université Nancy 2, Faculté de droit, sciences économiques et gestion

3°) « La responsabilité des dirigeants des sociétés commerciales », mémoire collectif préparé sous la direction du Professeur Yves Chaput, Université de paris I Panthéon, année académique 2004-2005

4°) Gatien-Hugo RIPOSSEAU : « Pénalisation et dépénalisation » (1970-2005), Mémoire de Master II- recherche droit pénal et sciences criminelles, sous la direction de Jean-Paul Jean , Université de Poitiers, Faculté de droit et sciences sociales , année 2004/2005

5°) Olivier de Benoist, Marc-Antoine Maury, Alain Monkam : l'abus de biens sociaux et les actes anormaux de gestion, Maîtrise en droit privé, mention droit des affaires et droit fiscal - 1996-97, Faculté Jean Monnet - Université Paris-Sud

III- Articles, communications

1°) Corinne Mascala,, « la recherche de l'efficacité du droit pénal des affaires », collection colloques et débats, LITEC.

2°) Corinne Mascala, les finalités de l'évolution législative du droit pénal des affaires, in « Les droits et le droit », mélanges dédiés à Bernard Bouloc, Dalloz

3°) actes du colloque « l'abus de biens sociaux : le particularisme français à l'épreuve de l'Europe », organisé par le CERED, Paris 2004.

des infractions d'ABS et de la banqueroute

Annexes

Extraits de textes législatifsAnnexe I :

Dispositions pénales applicables aux sociétés anonymes

Extraits de la Loi n° 17-95 relative aux sociétés anonymes promulguée par le Dahir n° 1-96-124 du 14 rabii II 1417 (30 août 1996) Bulletin officiel n° 4422 du 4 joumada II 1417 (17 octobre 1996)

Titre XIV' : Des Sanctions Pénales

Chapitre premier : Dispositions générales

Article 373 : Au sens du présent titre, l' expression membres des organes d' administration, de direction ou de gestion désigne :

- dans les sociétés anonymes à conseil d' administration, les membres du conseil d' administration y compris, le président et les directeurs généraux extérieurs au conseil;

- dans les sociétés anonymes à directoire et à conseil de surveillance, les membres de ces organes.

Article 374 : Les dispositions du présent titre visant les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion seront applicables à toute personne qui, directement ou par personne interposée, aura, en fait, exercé la direction, l' administration ou la gestion de sociétés anonymes sous le couvert ou aux lieu et place de leurs représentants légaux.

Article 375 : Les sanctions prévues au présent titre sont portées au double en cas de récidive.

Par dérogation aux dispositions des articles 156 et 157 du code pénal, est en état de récidive, au sens de la présente loi, quiconque ayant fait précédemment l' objet d' une condamnation par jugement ayant acquis la force de la chose jugée à une peine d' emprisonnement et/ou à une amende, commet le même délit.

Article 376 : Les dispositions pénales de la présente loi ne sont applicables que si les faits qu'elles répriment ne peuvent pas recevoir une qualification pénale plus grave en vertu des dispositions du code pénal.

Article 377 : Par dérogation aux dispositions des articles 55, 149 et 150 du code pénal, les amendes prévues par la présente loi ne peuvent être réduites au-dessous du minimum légal et le sursis ne peut être ordonné que pour les peines d' emprisonnement.

Chapitre II : Des infractions relatives à la constitution

Article 378 : Seront punis d' une amende de 4.000 à 20.000 dirhams, les fondateurs, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui auront émis des actions, soit avant l' immatriculation de ladite société au registre du commerce, soit à une époque quelconque, si l' immatriculation a été obtenue par fraude, soit encore sans que les formalités de constitution de ladite société aient été régulièrement accomplies.

Un emprisonnement de un à six mois pourra, en outre, être prononcé si les actions ont été émises sans que les actions de numéraire aient été libérées à la souscription d' un quart au moins ou sans que les actions d' apport aient été intégralement libérées antérieurement à l' immatriculation de la société au registre du commerce.

Seront punies des peines prévues à l' alinéa précédent, les mêmes personnes qui n'auront pas maintenu les actions de numéraire en la forme nominative jusqu'à leur entière libération.

Les peines prévues au présent article pourront être portées au double, lorsqu'il s'agira de société anonyme faisant publiquement appel à l' épargne.

Article 379 : Seront punis d' un emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 8.000 à 40.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement :

1) ceux qui, sciemment, pour l' établissement du certificat du dépositaire constatant les souscriptions et les versements auront affirmé sincères et véritables des souscriptions qu'ils savaient fictives ou auront déclaré que les fonds qui n'ont pas été mis définitivement à la disposition de la société ont été effectivement versés, ou auront remis au dépositaire une liste des actionnaires mentionnant des souscriptions fictives ou le versement de fonds qui n'ont pas été mis définitivement à la disposition de la société;

2) ceux qui, sciemment, par simulation de souscriptions ou de versements, ou par publication de souscriptions ou de versements qui n'existent pas ou de tous autres faits faux, auront obtenu ou tenté d' obtenir des souscriptions ou des versements;

3) ceux qui, sciemment, pour provoquer des souscriptions ou des versements, auront publié les noms de personnes, désignées contrairement à la vérité comme étant ou devant être attachées à la société à un titre quelconque;

4) ceux qui, frauduleusement, auront fait attribuer à un apport en nature une évaluation supérieure à sa valeur réelle.

Article 380 : Seront punis d' un emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 6.000 à 30.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, les fondateurs, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion de toute société qui, dans la déclaration prévue à l' article 31, déposée au greffe en vue de l' immatriculation de la société au registre du commerce, ou de l' inscription modificative des statuts audit registre, auront, sciemment, attesté de faits matériellement faux ou omis de relater la totalité des opérations effectuées pour la constitution de ladite société.

Article 381 : Seront punis d' un emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 6.000 à 30.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, les fondateurs, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme, ainsi que les propriétaires ou porteurs d' actions qui, sciemment, auront négocié :

1) des actions sans valeur nominale;

2) des actions de numéraire qui ne sont pas demeurées sous la forme nominative jusqu'à leur entière libération;

3) des actions d' apport, avant l' expiration du délai pendant lequel elles ne sont pas négociables;

4) des actions de numéraire pour lesquelles le versement du quart n'a pas été effectué;

5) des promesses d' actions, sauf en ce qui concerne les promesses d' actions à créer à l' occasion d' une augmentation de capital dans une société dont les actions anciennes sont déjà inscrites à la cote de la bourse des valeurs.

Article 382 : Sera punie des peines prévues à l' article 381 précédent, toute personne qui sciemment, aura soit participé aux négociations, soit établi ou publié la valeur des actions ou promesses d' actions visées à cet article .

Article 383 : Sera punie d' un emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 8.000 à 40.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, toute personne qui, sciemment, aura accepté ou conservé les fonctions de commissaire aux apports nonobstant les incompatibilités et interdictions légales.

Chapitre III : Des infractions relatives à la direction et à l' administration

Article 384 : Seront punis d' un emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 100.000 à 1.000.000 de dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme :

1) qui, en l' absence d' inventaire ou au moyen d' inventaires frauduleux, auront, sciemment, opéré entre les actionnaires la répartition de dividendes fictifs ;

2) qui, même en l' absence de toute distribution de dividendes, auront sciemment publié ou présenté aux actionnaires, en vue de dissimuler la véritable situation de la société, des états de synthèse annuels ne donnant pas, pour chaque exercice, une image fidèle du résultat des opérations de l' exercice, de la situation financière et du patrimoine, à l' expiration de cette période ;

3) qui, de mauvaise foi, auront fait, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savaient contraire aux intérêts économiques de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement ;

4) qui, de mauvaise foi, auront fait des pouvoirs qu'ils possédaient et/ou des voix dont ils disposaient, en cette qualité, un usage qu'ils savaient contraire aux intérêts économiques de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement.

Article 385 : Sera puni d' une amende de 6.000 à 30.000 dirhams, le président ou l' administrateur président de séance qui n'aura pas fait constater les délibérations du conseil d' administration par des procès-verbaux conformément aux dispositions des articles 53 et 136.

Article 386 : Seront punis d' une amende de 40.000 à 400.000 dirhams, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme : ,

- qui n'auront pas, pour chaque exercice, dressé l' inventaire, établi des états de synthèse et un rapport de gestion;

- qui n'auront pas déposé au greffe du tribunal, dans le délai prévu à l' article 158, les états de synthèse et le rapport des commissaires aux comptes.

Chapitre IV : Des infractions relatives aux assemblées d' actionnaires

Article 387 : Seront punis d' un emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 8.000 à 40.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement :

1) ceux qui, sciemment, auront empêché un actionnaire de participer à une assemblée d actionnaires;

2) ceux qui, en se présentant faussement comme propriétaires d' actions, auront participé au vote dans une assemblée d' actionnaires, qu'ils aient agi directement ou par personne interposée;

3) ceux qui se seront fait accorder, garantir ou promettre des avantages pour voter dans un certain sens ou pour ne pas participer au vote, ainsi que ceux qui auront accordé, garanti ou promis ces avantages.

Article 388 : Seront punis d' une amende de 60.000 à 600 000 dirhams, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui n'auront pas réuni l' assemblée générale ordinaire dans les six mois de la clôture de l' exercice ou pendant la période de sa prorogation ou, qui n'auront pas soumis à l' approbation de ladite assemblée les états de synthèse annuels et le rapport de gestion.

Article 389 : Seront punis d' une amende de 8.000 à 40.000 dirhams, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui n'auront pas convoqué, à toute assemblée, dans le délai légal, les actionnaires titulaires depuis trente jours au moins de titres nominatifs, dans les formes prévues par les statuts.

Article 390 : Sera puni d' une amende de 6.000 à 30.000 dirhams, le président d' une société anonyme qui n'aura pas porté à la connaissance des actionnaires, dans les conditions prévues par la présente loi, les renseignements exigés en vue de la tenue des assemblées

Article 391 : Seront punis d' une amende de 4.000 à 20.000 dirhams, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui n'auront pas adressé, à tout actionnaire qui en a fait la demande, une formule de procuration conforme aux prescriptions fixées par les statuts, ainsi que :

1) la liste des administrateurs ou des membres du directoire ou du conseil de surveillance en exercice;

2) le texte et l' exposé des motifs des projets de résolutions inscrits à l' ordre du jour;

3) le cas échéant, une notice sur les candidats aux organes d' administration, de direction ou de gestion;

4) les rapports du conseil d' administration ou du directoire et des commissaires aux comptes qui seront soumis à l' assemblée;

5) s'il s'agit de l' assemblée générale ordinaire annuelle, les états de synthèse annuels.

Article 392 : Seront punis d' une amende de 8.000 à 40.000 dirhams, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui n'auront pas mis à la disposition de tout actionnaire, au siège social :

1) pendant le délai de quinze jours qui précède la réunion de l' assemblée générale ordinaire annuelle, les documents énumérés à l' article 141;

2) pendant le délai de quinze jours qui précède la réunion d' une assemblée générale extraordinaire, le texte des projets de résolutions proposées, du rapport du conseil d' administration ou du directoire et, le cas échéant, du rapport du ou des commissaires aux comptes et du projet de fusion;

3) pendant le délai de quinze jours qui précède la réunion de l' assemblée générale, la liste des actionnaires arrêtée trente jours au plus avant la date de ladite réunion et comportant les prénom, nom et domicile de chaque titulaire d' actions nominatives et de chaque titulaire d' actions au porteur ayant manifesté, à cette date, l' intention de participer à l' assemblée ainsi que le nombre des actions dont chaque actionnaire connu de la société est titulaire;

4) à toute époque de l' année, les documents suivants concernant les trois derniers exercices soumis aux assemblées générales : inventaire, états de synthèse annuels, rapport du conseil d' administration ou du directoire, rapport des commissaires aux comptes, feuilles de présence et procès-verbaux des assemblées.

Article 393 : Seront punis d' une amende de 6.000 à 30.000 dirhams, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui, sciemment :

1) n'auront pas fait tenir, pour toute réunion de l' assemblée des actionnaires, une feuille de présence émargée par les actionnaires présents et les mandataires, certifiée exacte par le bureau de l' assemblée et contenant :

a) les prénom, nom et domicile de chaque actionnaire présent et le nombre d' actions dont il est titulaire ainsi que le nombre de voix attaché à ces actions;

b) les prénom, nom et domicile de chaque mandataire et le nombre d' actions de ses mandants ainsi que le nombre de voix attaché à ces actions;

c) les prénom, nom et domicile de chaque actionnaire représenté et le nombre d' actions dont il est titulaire, ainsi que le nombre de voix attaché à ces actions ou, à défaut de ces mentions, le nombre de pouvoirs donnés à chaque mandataire;

2) n'auront pas annexé à la feuille de présence les pouvoirs donnés à chaque mandataire;

3) n'auront pas procédé à la constatation des décisions de toute assemblée d' actionnaires par un procès-verbal signé des membres du bureau, conservé au siège social dans un recueil spécial et mentionnant la date et le lieu de la réunion, le mode de convocation, l' ordre du jour, la composition du bureau, le nombre d' actions participant au vote et le quorum atteint, les documents et rapports soumis à l' assemblée, un résumé des débats, le texte des résolutions mises aux voix et le résultat des votes.

Article 394 : Seront punis des peines prévues à l' article 393, le président de séance et les membres du bureau de l' assemblée qui n'auront pas respecté, lors des assemblées d' actionnaires, les dispositions régissant les droits de vote attachés aux actions.

Chapitre V : Des infractions relatives aux modifications du capital social

Section première. De l' augmentation du capital

Article 395 : Seront punis d' une amende de 8.000 à 40.000 dirhams, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui, lors d' une augmentation de capital, auront émis des actions :

1) soit avant que le certificat du dépositaire ait été établi;

2) soit encore sans que les formalités préalables à l' augmentation de capital aient été régulièrement accomplies.

Un emprisonnement de un à six mois pourra, en outre, être prononcé, si les actions ont été émises sans que le capital antérieurement souscrit de la société ait été intégralement libéré, ou sans que les nouvelles actions d' apport aient été intégralement libérées antérieurement à l' inscription modificative au registre du commerce, ou encore, sans que les actions de numéraire nouvelles aient été libérées, lors de la souscription, d' un quart au moins de leur valeur nominale et, le cas échéant, de la totalité de la prime d' émission.

Seront punies des peines d' amende et d' emprisonnement prévues aux alinéas précédents ou de l' une de ces peines seulement, les mêmes personnes qui n'auront pas maintenu les actions de numéraire en la forme nominative jusqu'à leur entière libération.

Les peines prévues au présent article pourront être doublées, lorsqu'il s'agira de sociétés anonymes faisant publiquement appel à l' épargne.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux actions qui ont été régulièrement émises par conversion d' obligations convertibles à tout moment.

Article 396 : Sous réserve des dispositions des articles 189 à 193, seront punis d' une amende de 10.000 à 100.000 dirhams les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui, lors d' une augmentation de capital :

1) n'auront pas fait bénéficier les actionnaires proportionnellement au nombre de leurs actions, d' un droit de préférence à la souscription des actions de numéraire;

2) n'auront pas réservé aux actionnaires un délai de vingt jours au moins à dater de l' ouverture de la souscription, pour l' exercice de leur droit de souscription;

3) n'auront pas attribué les actions rendues disponibles, faute d' un nombre suffisant de souscriptions à titre préférentiel aux actionnaires ayant souscrit à titre réductible un nombre d' actions supérieur à celui qu'ils pouvaient souscrire à titre préférentiel, proportionnellement aux droits dont ils disposent;

4) en cas d' émission antérieure d' obligations convertibles en actions, n'auront pas réservé les droits des obligataires qui opteraient pour la conversion;

5) en cas d' émission antérieure d' obligations convertibles en actions, auront, tant qu'il existe des obligations convertibles, amorti la valeur nominale des actions de capital ou réduit le capital par voie de remboursement, ou modifié la répartition des bénéfices ou distribué des réserves, sans avoir pris les mesures nécessaires pour préserver les droits des obligataires qui opteraient pour la conversion.

Article 397 : Seront punis d' un emprisonnement de un mois à un an et d' une amende de 35.000 à 350.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, ceux qui auront commis les infractions prévues à l' article 396, en vue de priver soit les actionnaires ou certains d' entre eux, soit les porteurs d' obligations convertibles ou certains d' entre eux, d' une part de leurs droits dans le patrimoine de la société.

Article 398 : Seront punis d' un emprisonnement de un mois à un an et d' une amende de 12.000 à 120.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion ou le ou les commissaires aux comptes d' une société anonyme qui, sciemment, auront donné ou confirmé des indications inexactes dans les rapports présentés à l' assemblée générale appelée à décider de la suppression du droit préférentiel de souscription des actionnaires.

Article 399 : Les dispositions des articles 379 à 383 relatives à la constitution des sociétés anonymes, sont applicables en cas d' augmentation de capital.

Section Il - De l' amortissement de la valeur nominale des actions du capital

Article 400 : Seront punis d' un emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 7.000 à 35.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui auront procédé à l' amortissement de la valeur nominale des actions du capital par voie de tirage au sort.

Section III. - De la réduction du capital

Article 401 : Seront punis d' une amende de 10.000 à 50.000 dirhams, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui, sciemment, auront procédé à une réduction du capital social :

1) sans respecter l' égalité des actionnaires;

2) sans communiquer le projet de réduction du capital social aux commissaires aux comptes, quarante-cinq jours au moins avant la réunion de l' assemblée générale appelée à statuer.

Article 402 : Seront punis de la peine prévue à l' article 401, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui auront, au nom de la société, souscrit, acquis, pris en gage, conservé ou vendu des actions émises par celle-ci en violation des dispositions des articles 279 à 281.

Sont passibles de la même peine, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui auront, au nom de celle-ci, effectué les opérations suivantes : avancer des fonds, accorder des prêts ou consentir une sûreté en vue de la souscription ou de l' achat de ses propres actions par un tiers, opérations interdites par l' article 280 (paragraphe 3).

Chapitre Vl : Des infractions relatives au contrôle

Article 403 : Seront punis d' un emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 10.000 à 50.000 dirhams, ou de l' une de ces deux peines seulement, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui n'auront pas provoqué la désignation des commissaires aux comptes de la société ou ne les auront pas convoqués à toute assemblée d' actionnaires.

Article 404 : Sera punie d' un emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 8.000 à 40.000 dirhams, toute personne qui, soit en son nom personnel, soit au titre d' associé dans une société de commissaires aux comptes, aura, sciemment, accepté, exercé ou conservé les fonctions de commissaire aux comptes nonobstant les incompatibilités légales.

Article 405 : Sera puni d' un emprisonnement de six mois à deux ans et d' une amende de 10.000 à 100.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, tout commissaire aux comptes qui, soit en son nom personnel, soit au titre d' associé dans une société de commissaires aux comptes, aura, sciemment donné ou confirmé des informations mensongères sur la situation de la société ou qui n'aura pas révélé aux organes d' administration, de direction ou de gestion les faits lui apparaissant délictueux dont il aura eu connaissance à l' occasion de l' exercice de ses fonctions.

L'article 446 du code pénal est applicable aux commissaires aux comptes.

Article 406 : Seront punis d' un emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 6.000 à 30.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion ou toute personne au service de la société qui auront, sciemment, mis obstacle aux vérifications ou contrôles des experts ou des commissaires aux comptes nommés en exécution des articles 157 et 159 ou qui leur auront refusé la communication sur place de toutes les pièces utiles à l' exercice de leur mission, et notamment de tous contrats, livres, documents comptables et registres de procès-verbaux.

Chapitre Vll : Des infractions relatives à la dissolution

Article 407 : Seront punis d' un emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 4.000 à 20.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui, sciemment, lorsque la situation nette de la société, du fait de pertes constatées dans les états de synthèse devient inférieure au quart du capital social n'auront pas, dans les trois mois qui suivront l' approbation des comptes ayant fait apparaître ces pertes, convoqué l' assemblée générale extraordinaire à l' effet de décider s'il y a lieu à dissolution anticipée de la société.

Chapitre Vlll : Des infractions relatives aux valeurs mobilières

émises par la société anonyme

Section première. - Des infractions relatives aux actions

Article 408 : Seront punis d' un emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 6.000 à 30.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme :

1) qui n'auront pas procédé aux appels de fonds pour réaliser la libération intégrale du capital dans le délai légal;

2) qui auront émis ou laissé émettre des obligations, alors que le capital social n'était pas intégralement libéré, sous réserve des dispositions du 2è alinéa de l' article 293.

Article 409 : Seront punis d' une amende de 8.000 à 40.000 dirhams, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion :

1) dont la société aura émis des actions à dividende prioritaire sans droit de vote dépassant le pourcentage fixé par l' article 263;

2) qui auront fait obstacle à la désignation des mandataires représentant les titulaires d' actions à dividende prioritaire sans droit de vote et à l' exercice de leur mandat;

3) qui auront omis de consulter, dans les conditions prévues aux articles 266, 267 et 269, une assemblée spéciale des titulaires d' actions à dividende prioritaire sans droit de vote;

4) dont la société aura procédé à l' amortissement de la valeur nominale des actions du capital alors que la totalité des actions à dividende prioritaire sans droit de vote n'ont pas été intégralement rachetées et annulées;

5) dont la société, en cas de réduction du capital non motivée par des pertes, n'aura pas racheté, en vue de leur annulation, les actions à dividende prioritaire sans droit de vote avant les actions ordinaires.

Article 410 : Les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui détiennent directement ou indirectement dans les conditions prévues par l' article 268 des actions à dividende prioritaire sans droit de vote de la société qu'ils dirigent seront punis des peines prévues à l' article 409.

Section II. - Des infractions relatives aux parts de fondateurs

Article 411 : Seront punis d' une amende de 8.000 à 40.000 dirhams, les fondateurs, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion qui auront, à dater de l' entrée en vigueur de la présente loi, émis, pour le compte d' une société anonyme, des parts de fondateurs.

Section III - Des infractions relatives aux obligations

Article 412 : Seront punis d' une amende de 8.000 à 40.000 dirhams, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui auront émis, pour le compte de cette société, des obligations négociables avant que la société n'ait établi les états de synthèse de deux exercices successifs régulièrement approuvés par les actionnaires et qu'elle n'ait deux années d' existence, sous réserve du 2è alinéa de l' article 293.

Article 413 : Seront punis d' une amende de 8.000 à 40.000 dirhams, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme :

1) qui auront émis, pour le compte de cette société, des obligations négociables qui, dans une même émission, ne confèrent pas les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale;

2) qui auront délivré aux obligataires des titres sur lesquels ne figurent pas la forme, la dénomination sociale, le capital, l' adresse du siège de la société émettrice, la date de la constitution de la société, celle de son expiration, le numéro d' ordre, la valeur nominale du titre, le taux et l' époque du paiement de l' intérêt et les conditions de remboursement du capital, le montant de l' émission et les garanties spéciales attachées aux titres, le montant non amorti, lors de l' émission, des obligations ou des titres d' emprunts antérieurement émis et, le cas échéant, le délai dans lequel devra être exercée l' option accordée aux porteurs d' obligations pour convertir leurs titres en actions ainsi que les bases de cette conversion;

3) qui auront émis, pour le compte de cette société, des obligations négociables dont la valeur nominale serait inférieure au minimum légal.

Article 414 : Seront punis d' un emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 8.000 à 40.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement :

1) ceux qui, sciemment, auront empêché un obligataire de participer à une assemblée générale d' obligataires;

2) ceux qui, en se présentant faussement comme propriétaires d' obligations, auront participé au vote dans une assemblée générale d' obligataires, qu'ils aient agi directement ou par personne interposée ;

3) ceux qui se seront fait accorder, garantir ou promettre des avantages pour voter dans un certain sens ou pour ne pas participer au vote, ainsi que ceux qui auront accordé, garanti ou promis ces avantages.

Article 415 : Seront punis d' une amende de 6.000 à 30.000 dirhams :

1) les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion, les commissaires aux comptes ou les employés de la société débitrice ou de la société garante de tout ou partie des engagements de la société débitrice ainsi que leurs conjoints, parents ou alliés jusqu'au 2è degré inclus qui auront représenté des obligataires à leur assemblée générale, ou auront accepté d' être les représentants de la masse des obligataires;

2) les personnes auxquelles l' exercice de l' activité de banquier ou le droit de gérer ou d' administrer une société à un titre quelconque est interdit, qui auront représenté les obligataires à l' assemblée des obligataires ou qui auront accepté d' être les représentants de la masse des obligataires;

3) les détenteurs d' obligations amorties et remboursées qui auront pris part à l' assemblée des obligataires;

4) les détenteurs d' obligations amorties et non remboursées qui auront pris part à l' assemblée des obligataires sans pouvoir invoquer, pour justifier le non remboursement, la défaillance de la société ou un litige relatif aux conditions de remboursement;

5) les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui auront pris part à l' assemblée des obligataires à raison des obligations émises par cette société et rachetées par elle.

Article 416 : Sera puni d' une amende de 5.000 à 25.000 dirhams, le président de l' assemblée générale des obligataires qui n'aura pas procédé à la constatation des décisions de toute assemblée générale d' obligataires par procès-verbal, transcrit sur un registre spécial tenu au siège social et mentionnant la date et le lieu de la réunion, le mode de convocation, l' ordre du jour, la composition du bureau, le nombre d' obligataires participant au vote et le quorum atteint, les documents et rapports soumis à l' assemblée, un résumé des débats, le texte des résolutions mises aux voix et le résultat des votes.

Article 417 : Seront punis d' une amende de 10.000 à 100.000 dirhams :

1) les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui auront offert ou versé aux représentants de la masse des obligataires, un traitement ou une rémunération supérieure à celle qui leur a été allouée par l' assemblée ou par décision de justice;

2) tout représentant de la masse des obligataires qui aura accepté un traitement ou une rémunération supérieure à celle qui lui a été allouée par l' assemblée ou par décision de justice, sans préjudice de la restitution à la société de la somme versée

Article 418 : Lorsque l' une des infractions prévues aux 1) et 2) de l' article 413 et aux articles 415, 416 et 417 a été commise frauduleusement en vue de priver les obligataires ou certains d' entre eux d' une part des droits attachés à leur titre de créance, l' amende pourra être portée à 120.000 dirhams et un emprisonnement de six mois à deux ans pourra, en outre, être prononcé.

Chapitre IX : Des infractions relatives à la publicité

Article 419 : Seront punis d' une amende de 1.000 à 5.000 dirhams, les membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme qui auront omis d' indiquer sur les actes ou documents émanant de la société et destinés aux tiers la dénomination sociale, précédée ou suivie immédiatement de la mention société anonyme ou des initiales S.A. ou de la mention prévue à l' article 77 (3è alinéa), ainsi que l' énonciation du montant du capital social et du siège social.

Article 420 : Sans préjudice de l' application de législations particulières, notamment celle relative aux informations exigées des personnes morales faisant appel public à l' épargne, sera puni d' un emprisonnement de un à trois mois et d' une amende de 8.000 à 40.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, tout fondateur, administrateur ou membre du directoire qui s'abstient ou refuse de mauvaise foi, de faire procéder dans les délais légaux soit à un ou plusieurs dépôts de pièces ou d' actes au greffe du tribunal, soit à une ou plusieurs mesures de publicité prévues par la présente loi.

Chapitre X : Des infractions relatives à la liquidation

Article 421 : Sera puni d' un emprisonnement de un à trois mois et d' une amende de 5.000 à 25.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, le liquidateur d' une société qui, sciemment :

1) n'aura pas, dans le délai de trente jours de sa nomination publié dans un journal d' annonces légales et en outre, au Bulletin officiel si la société a fait publiquement appel à l' épargne, l' acte le nommant liquidateur et procédé au dépôt au greffe du tribunal et à l' inscription au registre du commerce des décisions prononçant la dissolution;

2) n'aura pas convoqué les actionnaires, en fin de liquidation, pour statuer sur le compte définitif, sur le quitus de sa gestion et la décharge de son mandat, et pour constater la clôture de la liquidation, ou n'aura pas, dans le cas prévu à l' article 369, déposé ses comptes au greffe du tribunal ni demandé en justice l' approbation de ceux-ci.

Article 422 : Sera puni des peines prévues à l' article 421, le liquidateur qui, sciemment, aura manqué aux obligations que lui imposent les dispositions des articles 1064 à 1091 du dahir du 9 ramadan 1331 (12 août 1913) formant code des obligations et des contrats et celles de la présente loi, en ce qui concerne l' inventaire, l' établissement des états de synthèse, la tenue des assemblées, l' information des actionnaires et la conservation des fonds et des documents sociaux.

Article 423 : Sera puni d' un emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 8.000 à 40.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, le liquidateur qui, de mauvaise foi :

1) aura fait des biens ou du crédit de la société en liquidation, un usage qu'il savait contraire à l' intérêt économique de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement;

2) aura cédé tout ou partie de l' actif de la société en liquidation contrairement aux dispositions des articles 365 et 366.

Article 424 : Est passible de l' emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 4.000 à 20.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, tout liquidateur qui procède à la répartition de l' actif social entre les actionnaires, avant l' apurement du passif ou avant la constitution de réserves suffisantes pour en assurer le règlement ou qui, sauf clause contraire des statuts, ne partage pas les capitaux propres subsistant, après remboursement du nominal des actions, entre les actionnaires dans la même proportion que leur participation au capital social.

Annexe 2

Dispositions pénales applicables à la société en nom collectif, à la société en commandite simple, à la société en commandite par actions, la société à responsabilité limitée et la société en participations

Extraits Loi n° 5-96 sur, promulguée par le Dahir Dahir n° 1-97-49 (5 chaoual 1417), B.O. du 1er mai 1997).

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Titre VIII : Des Infractions Et Des Sanctions Pénales

Chapitre Premier : Dispositions Générales

Article 100 : Les dispositions du présent titre visant les gérants de sociétés objet de la présente loi seront applicables à toute personne qui, directement ou par personne interposée, aura en fait, exercé la gestion de ces sociétés sous le couvert ou au lieu et place de leurs représentants légaux.

Article 101 : (modifié par l'article 1er de la loi n° 21-05 promulguée par le dahir n° 1-06-21 du 14 février 2006 - 15 moharrem 1427 ; B.O. du 2 mars 2006). Les sanctions prévues au présent titre sont portées au double en cas de récidive.

Par dérogation aux dispositions des articles 156 et 157 du Code pénal, est en état de récidive, au sens de la présente loi, quiconque ayant fait précédemment l'objet d'une condamnation par jugement ayant acquis la force de la chose jugée à une peine d'emprisonnement et/ou à une amende, commet le même délit moins de 5 ans après l'expiration de cette peine ou de sa prescription.

Article 102 : (abrogé par l'article 2 de la loi n° 21-05 promulguée par le dahir n° 1-06-21 du 14 février 2006 - 15 moharrem 1427 ; B.O. du 2 mars 2006).

Article 103 : Par dérogation aux dispositions des articles 55, 149 et 150 du Code pénal, les amendes prévues par la présente loi ne peuvent être réduites au-dessous du minimum légal et le sursis ne peut être ordonné que pour les peines d'emprisonnement.

Chapitre II : Des Infractions Et Sanctions Communes

Article 104 : Les dispositions des articles 404 et 405 de la loi n° 17-95 relative aux sociétés anonymes sont applicables aux commissaires aux comptes.

Les dispositions de l'article 403 de la loi précitée sont applicables aux gérants de la société si celle-ci est tenue de désigner un ou plusieurs commissaires aux comptes.

Les dispositions de l'article 406 de la loi précitée sont applicables aux gérants de la société ou à toute personne au service de la société, s'il est fait sciemment obstacle aux vérifications et contrôles effectués par les commissaires aux comptes ou les experts désignés.

Article 105 : Les dispositions des articles de 421 à 424 de la loi n° 17-95 relative aux sociétés anonymes sont applicables aux liquidateurs.

Article 106 : Seront punis d'un emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 2 000 à 20.000 dirhams ou de l'une de ces peines seulement, les gérants qui auront, frauduleusement, fait attribuer à un apport en nature, une évaluation supérieure à sa valeur réelle.

Article 107 : Seront punis d'un emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 10 000 à 100 000 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement :

1. les gérants qui auront, sciemment, opéré entre les associés la répartition de dividendes fictifs, en l'absence d'inventaire ou au moyen d'inventaire frauduleux ;

2. les gérants qui, même en l'absence de toute distribution de dividendes, auront sciemment présenté aux associés des états de synthèse ne donnant pas, pour chaque exercice, une image fidèle du résultat de l'exercice, de la situation financière et du patrimoine à l'expiration de cette période en vue de dissimuler la véritable situation de la société ;

3. les gérants qui, de mauvaise foi, auront fait, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savent contraire à l'intérêt économique de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement ;

4. les gérants qui, de mauvaise foi, auront fait, des pouvoirs qu'ils possèdent ou des voix dont ils disposent, en cette qualité, un usage qu'ils savent contraire aux intérêts économiques de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement.

Article 108 : Seront punis d'une amende de 10 000 à 50 000 dirhams, les dirigeants qui n'auront pas procédé dans les délais légaux à un ou plusieurs dépôts des pièces ou actes au greffe du tribunal ou qui n'auront pas procédé à une ou plusieurs formalités de publicité prévues dans la présente loi.

Article 109 : Seront punis d'une amende de 2 000 à 40 000 dirhams les gérants qui n'auront pas, pour chaque exercice, dressé l'inventaire, établi les états de synthèse et un rapport de gestion.

Article 110 : Seront punis d'une amende de 2 000 à 20 000 dirhams, les gérants qui :

1. n'auront pas mis à la disposition de tout associé, au siège social, les procès-verbaux des assemblées, les états de synthèse, l'inventaire, le rapport des gérants et, le cas échéant, le rapport du ou des commissaires aux comptes ;

2. n'auront pas procédé à la réunion de l'assemblée des associés dans les six mois de la clôture de l'exercice ou qui n'auront pas soumis à l'approbation de ladite assemblée ou de l'associé unique l'inventaire, les états de synthèse et le rapport de gestion.

Article 111 : Seront punis d'une amende de 2 000 à 10 000 dirhams, les gérants qui n'auront pas, dans le délai de quinze jours avant la date de l'assemblée générale, adressé aux associés les états de synthèse, le rapport de gestion, le texte des résolutions proposées et le cas échéant, le rapport du ou des commissaires aux comptes.

Article 112 : Seront punis d'une amende de 1 000 à 5 000 dirhams, les gérants qui auront omis de mentionner sur tous actes ou sur tous documents émanant de la société et destinés aux tiers, l'indication de sa dénomination sociale, précédée ou suivie immédiatement de la mention de sa forme ou de ses initiales et de l'énonciation du capital social.

Sera punie de la même peine, toute personne légalement obligée qui :

1. n'aura pas porté les décisions de l'assemblée des associés au procès-verbal exigé et porté les indications indiquées aux articles 10 et 73 selon la forme de la société ;

2. n'aura pas inscrit ledit procès-verbal dans le registre des délibérations des assemblées tenu au siège social de la société.

Chapitre III : Des Infractions Et Sanctions Propres Aux Sociétés A

Responsabilité Limitée

Article 113 : Seront punis d'un emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 2 000 à 40 000 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement, les gérants d'une société à responsabilité limitée qui, sciemment, auront fait dans l'acte de société une fausse déclaration concernant la répartition des parts sociales entre tous les associés, la libération des parts ou le dépôt des fonds, ou auront omis volontairement de faire cette déclaration.

Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables en cas d'augmentation du capital.

Article 114 : Seront punis d'un emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 2 000 à 30 000 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement, les gérants d'une société à responsabilité limitée qui auront émis, pour le compte de la société, des valeurs mobilières quelconques, soit directement soit par personne interposée.

Article 115 : Seront punis d'un emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 2 000 à 20 000 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement, les gérants d'une société à responsabilité limitée qui, sciemment, lorsque la situation nette de la société du fait de pertes constatées dans les états de synthèse, devient inférieure au quart du capital social :

1. n'auront pas, dans les trois mois qui suivent l'approbation des comptes ayant fait apparaître ces pertes, consulté les associés afin de décider s'il y a lieu à dissolution anticipée de la société ;

2. n'auront pas, déposé au greffe du tribunal, inscrit au registre du commerce et publié dans un journal d'annonces légales, la décision adoptée par les associés.

Article 116 : Sera punie d'une amende de 10 000 à 50 000 dirhams toute personne qui, malgré l'interdiction énoncée dans l'article 66, aura contracté des emprunts auprès de la société sous quelque forme que ce soit, s'est fait consentir par elle un découvert en compte courant ou autrement ou s'est fait cautionner ou avaliser par elle ses engagements envers les tiers.

Article 117 : Seront punis d'une amende de 2 000 à 20 000 dirhams, les gérants d'une société à responsabilité limitée qui n'auront pas, à toute époque de l'année, mis à la disposition de tout associé, au siège social, les documents suivants concernant les trois derniers exercices soumis aux assemblées générales : états de synthèse, inventaires, rapports des gérants et, le cas échéant, celui du ou des commissaires aux comptes, et procès-verbaux des assemblées générales.

Chapitre IV : Des Infractions Et Sanctions Propres Aux Sociétés

En Commandite Par Actions

Article 118 : Les sanctions pénales de la loi n° 17-95 relative aux sociétés anonymes sont applicables aux sociétés en commandite par actions.

Les sanctions propres aux présidents, administrateurs, directeurs généraux ou membres du directoire des sociétés anonymes s'appliquent aux gérants des sociétés en commandite par actions en ce qui concerne leurs compétences.

Annexe III : dispositions relatives à la Banqueroute

I- Anciennes dispositions du code pénal marocain (articles 556 à 569 abrogés par l'article 72133 de la loi 15-95 formant code de commerce)

Article 556 : Est coupable de banqueroute et puni des peines édictées à la présente section suivant que cette banqueroute est simple ou frauduleuse, tout commerçant en état de cessation de paiements qui, soit par négligence, soit intentionnellement, a accompli des actes coupables de nature à nuire à ses créanciers.

Article 557 : Est coupable de banqueroute simple et puni de l'emprisonnement de trois mois à trois ans, tout commerçant en état de cessation de paiement qui a:

1° soit par son train de vie, par des jeux ou des paris, engagé des dépenses jugées excessives;

2° soit dépensé des sommes élevées, dans des opérations de pur hasard ou dans des opérations fictives de bourse ou sur marchandises;

3° soit, dans l'intention de retarder la constatation de la cessation de ses paiements, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou, dans la même intention, employé des moyens ruineux de se procurer des fonds;

4° soit payé, après cessation de ses paiements, un créancier au préjudice des autres;

5° soit déjà été déclaré deux fois en faillite lorsque ces deux faillites ont été clôturées pour insuffisance d'actif;

6° soit omis de tenir une comptabilité;

7° soit exercé sa profession contrairement à une interdiction prévue par la loi.

Article 558 : Est coupable de banqueroute simple et puni de la peine prévue à l'article précédent, tout commerçant en état de cessation de paiement qui, de mauvaise foi, a:

1° soit contracté pour le compte d'autrui, sans recevoir des valeurs en échange, des engagements jugés trop considérables eu égard à sa situation lorsqu'il les a contractés;

2° soit omis de satisfaire aux obligations d'un précédent concordat et été déclaré en faillite;

3° soit omis de faire au greffe, dans les quinze jours de la cessation de ses paiements, la déclaration de cette cessation et le dépôt de son bilan;

4° soit omis de se présenter en personne au syndic, dans les cas et dans les délais fixés;

5° soit présenté une comptabilité incomplète ou irrégulièrement tenue.

Article 559 : En cas de cessation de paiement d'une société, sont punis des peines de la banqueroute simple, les administrateurs, directeurs ou liquidateurs d'une société anonyme, les gérants ou liquidateurs d'une société à responsabilité limitée et d'une manière générale, tous mandataires sociaux, qui ont en cette qualité et de mauvaise foi:

1° soit dépensé des sommes élevées appartenant à la société en faisant des opérations de pur hasard ou des opérations fictives;

2° soit, dans l'intention de retarder la constatation de cessation des paiements de la société, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou, dans la même intention, employé des moyens ruineux de se procurer des fonds;

3° soit, après cessation des paiements de la société, payé ou fait payer un créancier au préjudice des autres;

4° soit fait contracter par la société, pour le compte d'autrui, sans qu'elle reçoive de valeurs en échange, des engagements jugés trop considérables eu égard à sa situation lorsqu'elle les a contractés;

5° soit tenu ou fait tenir irrégulièrement la comptabilité de la société.

Article 560 : Sont punis des peines de la banqueroute simple, les administrateurs, directeurs ou liquidateurs d'une société anonyme, les gérants ou liquidateurs d'une société à responsabilité limitée et d'une manière générale, tous mandataires sociaux qui, en vue de soustraire tout ou partie de leur patrimoine aux poursuites de la société en état de cessation de paiement ou à celle des associés ou des créanciers sociaux ont, de mauvaise foi, détourné ou dissimulé tout ou partie de leurs biens, ou qui se sont frauduleusement reconnus débiteurs de sommes qu'ils ne devaient pas.

Article 561 : Est coupable de banqueroute frauduleuse et puni de l'emprisonnement de deux à cinq ans, tout commerçant en état de cessation de paiement qui a soustrait sa comptabilité, détourné ou dissipé tout ou partie de son actif ou qui, soit dans ses écritures, soit par des actes publics ou des engagements sous signatures privées, soit dans son bilan, s'est frauduleusement reconnu débiteur de sommes qu'il ne devait pas.

Le coupable peut, en outre, être frappé pour cinq ans au moins et dix ans au plus de l'interdiction d'un ou plusieurs des droits mentionnés à l'article 40 du présent code.

Article 562 : En cas de cessation de paiement d'une société, sont punis des peines de la banqueroute frauduleuse les administrateurs, directeurs ou liquidateurs d'une société anonyme, les gérants ou liquidateurs d'une société à responsabilité limitée et, d'une manière générale, tous mandataires sociaux qui frauduleusement, ont soustrait les livres de la société, détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif ou qui, soit dans les écritures, soit par des actes publics ou des engagements sous signatures privées, soit dans le bilan, ont reconnu la société débitrice de sommes qu'elle ne devait pas.

Article 563 : Sont punis des peines de la banqueroute frauduleuses

1° les personnes convaincues d'avoir, dans l'intérêt du débiteur, soustrait, recélé ou dissimulé tout ou partie de ses biens meubles ou immeubles, à moins que le fait ne constitue un des actes de complicité prévus à l'article 129 ;

2° les personnes convaincues d'avoir frauduleusement produit des créances fictives dans la faillite, soit en leur nom, soit par interposition de personnes;

3° les personnes qui, faisant le commerce sous le nom d'autrui ou sous un nom supposé, se sont rendues coupables de l'un des faits prévus à l'article 561;

4° les personnes exerçant la profession d'agent de change ou de courtier en valeurs reconnues coupables de banqueroute même simple.

Article 564 : Le conjoint, les descendants ou ascendants du débiteur ou ses parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement qui, sans avoir agi de complicité avec lui, ont détourné, diverti ou recélé des biens meubles susceptibles d'être compris dans l'actif de la faillite, sont punis de l'emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 120 à 3 000 dirhams.

Article 565 : Le créancier qui a stipulé, soit avec le débiteur, soit avec toutes autres personnes, des avantages particuliers à raison de son vote dans les délibérations de la masse, est puni des peines prévues à l'article précédent.

Article 566 : Tout syndic qui se rend coupable de malversation dans sa gestion est puni des peines prévues à l'article 549 .

Article 567 : Les complices de banqueroute simple ou frauduleuse sont punis des mêmes peines que l'auteur principal, même s'ils n'ont pas la qualité de commerçant.

Article 568 : Dans tous les cas prévus à la présente section, le coupable peut, en outre, être frappé de l'interdiction d'exercer la profession, édictée par l'article 87 .

Article 569 : Tous arrêts et jugements de condamnation rendus en vertu de la présente section, sont, aux frais du condamné, affichés et publiés dans un journal habilité à recevoir les annonces légales.

II- Dispositions du nouveau code de commerce relatives à la Banqueroute

Article 721 : La banqueroute

En cas d' ouverture d' une procédure de traitement, sont coupables de banqueroute les personnes mentionnées à l' article 702 contre lesquelles a été relevé l' un des faits ci-après:

1) avoir dans l' intention d' éviter ou de retarder l' ouverture de la procédure de traitement, soit fait des achats en vue d' une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds;

2) avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l' actif du débiteur;

3) avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur;

4) avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l' entreprise ou de la société ou s'être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque la loi en fait l' obligation.

Article 722 : Sanctions pénales de la banqueroute

La banqueroute est punie de un an à cinq ans d' emprisonnement et d' une amende de 10.000 à 100.000 dirhams ou d' une de ces deux peines seulement.

Encourent les mêmes peines, les complices de banqueroute, même s'ils n'ont pas la qualité de dirigeants d' entreprise.

La peine prévue au premier alinéa est portée au double lorsque le banqueroutier est dirigeant, de droit ou de fait, d' une société dont les actions sont cotées à la bourse des valeurs.

Article 723 : Déchéance commerciale

Les personnes coupables des infractions prévues à la présente section, encourent également, à titre de peine accessoire, la déchéance commerciale prévue au chapitre II du présent titre.

* 1 Guy HORSMANS, « l'abus de biens sociaux en droit Belge » , in Actes du colloque « L'ABUS DE BIENS SOCIAUX : Le particularisme français à l'épreuve de l'Europe », Paris, 2004.

* 2Ivan TCHOTOURIAN : La morale en droit des affaires : La pratique et la technique doivent plier plutôt que sacrifier l'éthique, Université Nancy 2, Faculté de droit, sciences économiques et gestion

* 3 Ivan TCHOTOURIAN 

* 4(Saint-Alary-Houin C. (1996), Morale et faillite, La morale et le droit des affaires, Montchrestien, p.161, n°6)

* 5 PATOUOSSA Ng. et Ange Nathalie : « les dirigeants des sociétés responsables » , mémoire  sous la direction du Professeur  Y. CHAPUT, Année Académique 2004-2005, p.6

* 6 Idem.p5

* 7 François Terré, Philippe Simler et Yves Lequette : Droit Civil- Les obligations- 8ème édition p.656

* 8 idem

* 9 La société en commandite simple est la société constituée d'associés commandités et d'associés commanditaires. Les associés commandités ont le statut d'associés en nom collectif. Les associés commanditaires répondent des dettes sociales seulement à concurrence du montant de leurs apports qui ne peut cependant être en industrie.

* 10 La société en commandite par action est constituée entre des commandités qui ont la qualité de commerçants et les commanditaires qui ont la qualité d'actionnaires qui se réunissent en assemblée générale ordinaire pour nommer un conseil de surveillance composé de trois actionnaires au moins.

* 11 Paul Le Cannu, Droit des sociétés, Montchrestien, 2ème édition, 2003, p213.

* 12 CA Paris, 24 septembre 1991 : JP éd.E, 1992, cité par Paul le Cannu dans le même ouvrage sous notes n° 70 et 71, page 213.

* 13 Malgré la confusion que nous semble comporter l'article 41 de la loi 05-96 qui étend les dispositions de la loi 17-95 sur les sociétés anonymes relatives à la responsabilités des fondateurs des SA « aux gérants de la société en commandite par actions...... » ( sans préciser qu'il s'agirait des premiers gérants), et « aux membres de son conseil de surveillance ».

* 14 Paul Le Cannu, Droit des sociétés, Montchrestien, 2ème édition, 2003, p.393 et 394

* 15 Paul Le Cannu, p.268

* 16 Frédéric Daems, « Les sanctions du dirigeant d'entreprise en procédure collective »,

Mémoire pour le Diplôme d'Etudes Approfondies de Droit, Université de Lille II, Droit et Santé, sous la direction de Mr Le Professeur Vauvillé, année 1998-1999. Monsieur Deams cite un article de Mr le Pr Martin intitulé « Les membres du conseil de surveillance sont- ils des dirigeants sociaux au sens de la loi du 25 janvier 1985 ? » , Gaz Pal ,1991, p24

* 17 Paul Le Cannu, Droit des sociétés, Montchrestein, 2ème édition, 2003, p 495 ; Frédéric Deams op-cit

* 18 Code de commerce, édition Dalloz, 102ème édition, 2007.

* 19 Fabien Billet, Arthur Descamps et Benjamin Herman : « Etude comparative de la responsabilité des dirigeants d'entreprises en faillite », Université Sorbonne-Panthéon, DEA de Droit Economique Francophone (2004-2005) :

* 20 Fabien Billet

* 21 Le Cannu, page 285

* 22 Cité dans : « La responsabilité des dirigeants des sociétés commerciales », mémoire collectif préparé sous la direction du Professeur Yves Chaput, Université de paris I Panthéon, année académique 2004-2005.

* 23 « La responsabilité des dirigeants des sociétés commerciales », mémoire collectif préparé sous la direction du Professeur Yves Chaput, Université de paris I Panthéon, année académique 2004-2005, p15

* 24 Jen Paul Antona, Philippe Colin et François Lengarlt : la responsabilité pénale des cadres et des dirigeants dans le monde des affaires, Dalloz-Delta, 1996 ; MEDEF, « la délégation de pouvoirs », GPA « droit de l'entreprise », Décembre 2004

* 25 cassation.crim, 14 décembre 1999

* 26 (cass.Crim, 22 avril 1996)

* 27 Cass.crim 6 mai 1996

* 28 Cass. Crim 4 juin 1998

* 29 Cassa.soc, 21 novembre 2000-cité dans MEDEF, « la délégation de pouvoirs », GPA « droit de l'entreprise », Décembre 2004EF

* 30 Jen Paul Antona, Philippe Colin et François Lengarlt : la respnsabilité pénale des cadres et des dirigeants dans le monde des affaires, Dalloz-Delta, 1996 ; MEDEF, « la délégation de pouvoirs », GPA « droit de l'entreprise », Décembre 2004

* 31 Gatien-Hugo RIPOSSEAU : « Pénalisation et dépénalisation » (1970-2005), Mémoire de Master II- recherche droit pénal et sciences criminelles, sous la direction de Jean-Paul Jean , Université de Poitiers, Faculté de droit et sciences sociales , année 2004/2005

* 32 Gatien-Hugo RIPOSSEAU 

* 33 Rachid Lazrak, Le nouveau droit pénal des sociétés au Maroc, editions La Porte, 1997, p.12

* 34 Rachid Lazrak, p.12

* 35 Corinne Mascala,, «  la recherche de l'efficacité du droit pénal des affaires », collection colloques et débats, LITEC.

* 36 Rachid Lazrak, le nouveau droit pénal des sociétés au Maroc, éditions Laporte, 1997, p.106

* 37 Rachid Lazrak.,p.109

* 38 Projet de loi n° 20-05 modifiant et complétant la loi n° 17.95 relative aux sociétés anonymes

* 39 Corinne Mascala, les finalités de l'évolution législative du droit pénal des affaires, in « Les droits et le droit », mélanges dédiés à Bernard Bouloc, Dalloz

* 40 Olivier de Benoist, Marc-Antoine Maury, Alain Monkam : l'abus de biens sociaux et les actes anormaux de gestion, Maîtrise en droit privé, mention droit des affaires et droit fiscal - 1996-97, Faculté Jean Monnet - Université Paris-Sud

* 41 Paul Decroux , les sociétés en droit marocain, éditions La Porte, 1985, pp. 126 et 127

* 42 Rachid Lazrak, le nouveau droit pénal des sociétés au Maroc, éditions La Porte, 1997, p.11

* 43 Voir chapitre II du titre XV de la loi 17-95 dont l'article 437 n'étend pas l'application aux SAS l'article 384 de cette loi relatif au délit d'ABS

* 44 On peut noter toutefois quelques différences sémantiques : l'utilisation du présent de l'indicatif (au lieu du futur et de l'imparfait), du singulier (intérêt économique au lieu d'intérêts économiques..). L'accès aux travaux préparatoires de la loi pourrait sans doute permettre de préciser la portée juridique de ces différences.

* 45 Corinne Mascala, Cours de droit Pénal des affaires, in chapitre polycopié relatif à l'Abus de Biens sociaux , Mastère de droit de l'entreprise, ISCAE et Université de Touloues I, année 2006-2007, p.1

* 46 Voir cet article en annexe (extraits du code pénal marocain).

* 47 Annie MÉDINA , l'expérience française, in actes du colloque « l'abus de biens sociaux : le particularisme français à l'épreuve de l'Europe » , organisé par le CERED, Paris 2004

* 48 Pour présenter cette jurisprudence nous nous référons au cours de Madame le professeur Corinne Mascal, déjà cité.

* 49 Annie MÉDINA, colloque op.cit

* 50 Rachid Lazrak, le nouveau droit pénal des sociétés au Maroc, éditions La Porte, 1997, p.55

* 51 Corinne Mascala, Cours polycopié sur le risque pénal, ISCAE, Casablanca, année 2006-2007

* 52 Olivier de Benoist, Marc-Antoine Maury, Alain Monkam : l'abus de biens sociaux et les actes anormaux de gestion, Maîtrise en droit privé, mention droit des affaires et droit fiscal - 1996-97, Faculté Jean Monnet - Université Paris-Sud

* 53 Professeur Dekeuwer, cité par Olivier de Benoist, Marc-Antoine Maury, Alain Monkam , op.cit

* 54 Rachid Lazrak, Le nouveau droit pénal des sociétés au Maroc, éditions La Porte, 1997, p.108

* 55 Cité par Madame le Professeur Corinne Mascala dans son cours sur le risque pénéal, ISCAE, Casablanca, année 2006-2007

* 56 Cours de Madame le Professuer Corinne Mascala. Op cit

* 57 Article 492 bis du Code pénal belge,: « Sont punis d'un emprisonnement d'un mois à cinq ans et d'une amende de cent francs à cinq cent mille francs, les dirigeants de droit ou de fait des sociétés commerciales et civiles ainsi que des associations sans but lucratif qui, avec une intention frauduleuse et à des fins personnelles, directement ou indirectement, ont fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage qu'ils savaient significativement préjudiciable aux intérêts patrimoniaux de celle-ci et à ceux de ses créanciers ou associés ». L'ABS n'a été introduit en droit belge qu'en 1997.

* 58 Guy HORSMANS : L'abus de biens sociaux en droit Belge, in actes du colloque « l'abus de biens sociaux : le particularisme français à l'épreuve de l'Europe », organisé par le CERED, Paris 2004

* 59 Cours de Madame le Professeur Corinne Mascala....

* 60 Guy Horsmans : L'abus de biens sociaux en droit Belge, op cit

* 61 Cours de Madame le Professeur Corinne Mascala

* 62 idem

* 63 Cours de Madame le Professeur Corinne Mascala op.cit

* 64 Voir ces articles en annexe III

* 65 article 733 du code de commerce : « Les dispositions de la présente loi abrogent et remplacent celles relatives aux mêmes objets telles qu'elles ont été modifiées ou complétées...... »

* 66 Cours de Madame le Professeur Corinne MASCALA Droit pénal des affaires-La Banqueroute, Mastère de droit de l'Entreprise, ISCAE-Université de Toulouse 1, année 2006-2007

* 67 idem

* 68 Arrêt cité par Me Mascala

* 69 Voir infra pages 13 et suivants

* 70 Voir infra page 18 et suivants

* 71 Voir infra p 33 et s

* 72Cours de Madame le Professeur Corinne MASCALA Droit pénal des affaires-La Banqueroute, Mastère de droit de l'Entreprise, ISCAE-Université de Toulouse 1, année 2006-2007

* 73 Versailles , 11 juin 1993 : BICC 1993 n° 1272-note code de commerce ,Dalloz 2007, p.1298

* 74 Crim.8 déc.1999-Note code de commerce édition Dalloz 2007, p.1298

* 75 Crim . 6 déc.1993 : Bull.crim. n° 370- note code de commerce,e édition Dalloz 2007 p.1298

* 76 Cours de Me Corinne Mascala op cit

* 77 Cours de Madame le professeur Corinne Mascala op cit

* 78 Cours de Madame le Professuer Corinne Mascala.op cit

* 79 Cours de Mdaame le professeur Corinne Mascala

* 80 Corinne Mascala, les finalités de l'évolution législative du droit pénal des affaires, in « Les droits et le droit », mélanges dédiés à Bernard Bouloc, Dalloz






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