Institut Supérieur de Commerce et
d'Administration des Entreprises (Casablanca)
Université de Toulouse 1
Thèse Professionnelle pour l'obtention du
Diplôme de Mastère en droit de l'Entreprise
sur :
LA RESPONSABILITE PENALE DES DIRIGEANTS DE
L'ENTREPRISE
(version provisoire)
Préparée par Monsieur
Ahmed HALOUI
Sous la Direction Madame le Professeur
Corinne MASCALA
Année universitaire
2006-2007
Introduction générale
Le régime juridique de la responsabilité
pénale des dirigeants de l'entreprise est régi par une multitude
de règles qui trouvent leur source dans des textes législatifs et
dans la jurisprudence. Ce régime forme un pan important du droit
pénal des affaires, qui regroupe, d'une part l'ensemble les dispositions
juridiques relatives à la définition, à la
détermination et à la répression des infractions commises
dans le mode des affaires, d'autre part leurs interprétations
jurisprudentielles.
En effet, le droit pénal des affaires vise la
protection des intérêts patrimoniaux et moraux de la
communauté sociale. Par la prévention et la répression des
agissements portant atteinte au fonctionnement harmonieux et à la
transparence du système économique, ce droit contribue, à
travers les mêmes mécanismes et principes du droit pénal
général, à la protection des intérêts
économiques et financiers de la société. On parle
même de droit pénal économique pour signifier que, de nos
jours, la législation relative à la prévention et à
la répression des infractions couvre pratiquement tous les domaines de
l'activité économique de production, de circulation et de
consommation des biens et de services.
L'entreprise, en tant que partie prenante essentielle dans le
processus de production, de circulation et de consommation des richesses, donc
des activités humaines liées au bien être économique
et social des individus et des groupes, se trouve en première ligne de
l'arsenal diversifié et complexe du droit pénal des affaires.
Dans nos sociétés modernes, l'entreprise est de plus en plus
soumise à des exigences du corps social dans toutes ses composantes.
Ainsi, en tant qu'agent économique et en tant qu'acteur social,
l'entreprise, et à travers elle ses « dirigeants »
est interpellée par ses composantes internes (associés,
salariés..) et ses partenaires externes qu'ils soient contractuels
(fournisseurs, clients..), régaliens (Etat-puissance publique..) ou tout
simplement « civils » (associations de défense des
consommateurs, de l'environnement, etc...) sur les conditions de
réalisation de ses missions et des ses activités. L'exercice de
ces missions et activités étant soumis à des lois et
règlements , les faits et gestes de l'entreprise sont scrutés par
ces différentes composantes du corps social pour vérifier,
jauger, soupeser leur adéquation et leur conformité aux
règles établies par ces lois et règlements. Ainsi, et
selon la position et les intérêts de chaque acteur du corps
social, les actions de l'entreprise vont être appréciées
sur divers plans : moral et éthique, social, juridique et
administratif. L'entreprise se trouve donc investie de responsabilités
de nature diverse. Ces responsabilités sont sensées être
assumées et exercées au nom de l'entreprise par ses dirigeants
qui sont supposés en rendre compte aux différents acteurs de la
vie économique et sociale intéressés par ses actions de
manière directe ou indirecte. Le dirigeant ou les dirigeants de
l'entreprise exposent donc cette dernière à des risques de
condamnation morale, sociale et/ou juridique. Ils ont donc un devoir de
protection de l'intégrité morale et patrimoniale de leur
entreprise et ce tout au long de l'existence de celle-ci, pour le meilleur et
pour le pire.
Après cette brève mise en perspective, et par
rapport à l'intitulé de notre sujet, nous proposons de le traiter
d'une part du point de vue du droit des sociétés et du droit de
l'entreprise en difficulté en faisant appel aux solutions
dégagées par la jurisprudence et la doctrine françaises,
d'autre part en limitant les cas de responsabilité pénale
à quelques exemples d'infractions permettant d'illustrer de
manière significative le régime de la responsabilité
pénale du dirigeant de l'entreprise.
Cette délimitation se justifie par plusieurs
considérations :
- tout d'abord le domaine de la responsabilité
pénale des dirigeants de l'entreprise est très vaste et
très varié. Le droit ayant investi, et continuant à
investir, tous les domaines des activités économiques et
industrielles des entreprises, les obligations pesant sur l'entreprise et ses
dirigeants tendent à se multiplier et à se diversifier. Le non
respect de ces obligations expose le dirigeant à des risques de
sanctions civiles mais aussi de plus en plus pénales. Aux risques
pénaux communs, découlant des lois et règlements
généraux édictés pour toutes les entreprises (droit
des sociétés, droit du travail et droit social, droit fiscal,
droit de l'entreprise en difficulté, droit de la concurrence .....),
s'ajoutent les risques pénaux spécifiques aux secteurs
d'activités propres aux entreprises liés aux obligations
particulières mises à la charge des entreprises par les lois et
règlements régissant ces secteurs. Aborder le problème de
la responsabilité pénale du dirigeant de l'entreprise sous
l'angle de tous ces droits serait certes intéressant mais
dépasserait le cadre de la présente thèse
professionnelle ;
- le but de ce travail est de mettre l'accent sur les
principaux aspects constitutifs du régime de la responsabilité du
dirigeant de l'entreprise et de les illustrer par quelques exemples pertinents.
Or nous estimons que ce régime s'est d'abord forgé dans le
terreau du droit des sociétés commerciales et du droit de
l'entreprise en difficultés, notamment en France. C'est souvent à
l'occasion de l'application de règles relevant à ces deux
catégories du droit des affaires que des éléments de ce
régime ont pris corps ou font débat, qu'il s'agisse de la notion
de dirigeant, de l'identification légale ou jurisprudentielles du
dirigeant pénalement responsable, de la notion d'intérêt
social ou encore des conditions d'exonération de cette
responsabilité.
- Par ailleurs, la modernisation du droit marocain des
affaires au cours de la dernière décennie du XXème
siècle, illustrée notamment par la réforme du droit des
sociétés et la réforme du code de commerce,
profondément inspirée de la législation française,
a également touché la responsabilité pénale du
dirigeant de l'entreprise marocaine comme l'atteste l'arsenal des sanctions
pénales édictées par ces textes. L'étude de ce
régime, en se fondant sur les solutions dégagées notamment
par la jurisprudence et la doctrine françaises en la matière,
paraît donc pertinente et pourrait permettre de préciser la
portée du régime de la responsabilité pénale
à appliquer au cas marocain et contribuer ainsi à éclairer
les tribunaux marocains sur les solutions à retenir aux cas
d'espèces, notamment aux affaires concernant les biens sociaux et la
banqueroute. Ces deux domaines de la responsabilité du chef de
l'entreprise pourraient, dans les années à venir, prendre une
importance particulière dans le contexte marocain
caractérisé par la volonté des pouvoirs publics
d'introduire une plus grande transparence dans les affaires et d'assainir le
fonctionnement de l'économie afin d'améliorer
l'attractivité des investissements, notamment étrangers, à
la recherche d'un environnement juridique sain et d'une justice impartiale.
Ainsi délimité, notre sujet sera donc
traité en deux temps :
- Dans un premier temps nous présenterons les
caractéristiques générales du régime juridique de
la responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise (CHAPITRE
I) ;
- Dans un deuxième temps, nous essayerons, d'illustrer
ce régime à travers le cas de deux infractions principales qui
nous paraissent les plus pertinentes par leur actualité et leur
importance du point de vue de la problématique de la
responsabilité pénale des dirigeants, l'une concernant le
dirigeant de l'entreprise in bonis, l'Abus de Biens Sociaux, l'autre concernant
le dirigeant de l'entreprise en difficultés, La Banqueroute,
(CHAPITREII). Les délits d'abus de biens sociaux et de banqueroute sont
en effet des délits de fonction en ce sens qu'ils concernent les
dirigeants et « qu'ils se situent au niveau de la
réalité concrète des préjudices subis tant par la
personne morale elle-même que par ses créanciers ou ses
associés »1(*).
CHAPITRE I : Les fondements et les
caractéristiques du régime de la responsabilité du
dirigeant de l'entreprise
Dans ce chapitre, nous essaierons de cerner la notion de
responsabilité dans le domaine des affaires à travers ses
soubassements éthique, moral et juridique (§1)-
Nous essaierons, s'agissant de la dimension juridique de la
responsabilité, de préciser la spécificité de la
responsabilité pénale (§2), pour ensuite définir ce
qu'on entend par dirigeant auquel cette responsabilité est
appliquée (§3), et les conditions dans lesquelles il peut en
être en être exonéré soit dans le cadre
organisationnel de son entreprise (§4) soit par l'effet de
l'évolution de la politique pénale suivie par les pouvoirs
publics en matière de droit des affaires en général et de
droit des sociétés et de droit de l'entreprise en
difficultés en particulier (5§) .
Section II :- Morale, éthique et droit
des affaires 2(*)
Dans son acception religieuse, l'idée de morale est
liée aux notions de bien et de mal. Serait donc moral, donc acceptable
par la conscience humaine, ce qui dispense le bien et immoral ce qui est
intuitivement réprouvé par cette conscience. Dans son acception
pragmatique, la morale est constituée de l'ensemble de valeurs et
règles de conduite intangibles.
L'approche par le droit considère qu'est moral ce qui
relève non du droit positif mais ce qui relève de la règle
morale. Mais l'éthique selon certains auteurs est une notion plus proche
du droit que la morale mais ce n'est pas encore le droit. L'éthique
procède certes de la morale en ces sens que l'une et l'autre se placent
dans le domaine de la conscience humaine mais l'éthique se fonde sur
l'action en ce sens qu'elle organise les devoirs. L'éthique des affaires
fonde donc les principes qui président aux relations de nature
commerciales et tracent la frontière entre ce qui entre dans la champ
des saines relations d'affaires et ce qui relèvent des pratiques
d'affaires malsaines. Il y a donc « une interaction entre
l'éthique des affaires et le droit des affaires dans la mesure où
« Il existe non seulement des règles dont le contenu est
inspiré par l'éthique, mais encore la mise en oeuvreoeuvre de
certaines règles juridiques est corrigée par l'éthique
sous la forme d'une opposition ou d'une orientation » 3(*).
Cette correction est assurée par la jurisprudence par
le biais du devoir de loyauté. Se fondant sur la règle de bonne
foi édictée par le code civil, les juges rendent souvent des
décisions où ils statuent en équité pour
atténuer les effets pernicieux du sacro-saint principe de
l'échange de consentement comme règle de passation des contrats.
Ainsi, l'éthique des affaires est de plus en plus
intégrée dans la pratique des affaires par les entreprisses et
notamment desles grandes entreprises soucieuses de leur image auprès des
différents acteurs économiques4(*). La pratique de plus en plus répandue des
chartes d'éthiques et l'évolution de cette pratique vers la
valeur phare moderne qu'est le gouvernement d'entreprise (« Corporate
Governanace ») participe de cette « soif de
morale » dans la vie des affaires. Par ailleurs, souvent la
réflexion éthique précède l'élaboration de
la règle de droit.
Outre le devoir de loyauté et, la pratique des chartes
d'éthique, la notion de responsabilité est le mécanisme
qui permet de traduire l'exigence éthique dans les relations d'affaires
et notamment dans le droit des sociétés et le droit des
difficultés des entreprises.
Section II - Notion de responsabilité
-
Etymologiquement, le mot responsabilité dérive
de « responsum » qui dérive lui-même de
« respondere » (répondre)5(*). Etre responsable signifie
donc, en termes simples, assumer ses actes et leurs conséquences et
accepter d'en répondre. La responsabilité implique donc pour la
personne un double engagement volontaire : l'engagement «d'un agent
conscient à l'égard des actes qu'il a réellement
voulu »6(*)
(idée de liberté) et l'engagement d'accepter de rendre compte des
effets de ces actes.
La problématique des relations triangulaires entre la
morale, l'éthique des affaires et le droit des affaires se retrouve au
niveau de cette notion. La responsabilité morale comme engagement
personnel de respecter certaines valeurs et l'expression de cet engagement dans
l'observation des principes commandant l'éthique des affaires se
retrouvent dans l'acception juridique de cette notion. Toutefois l'engagement
de répondre de ses manquements aux devoirs de loyauté n'est pas
de même nature même si la faute est leur trait commun. En effet,
dans l'acception juridique de la responsabilité l'engagement de
répondre de la faute implique la réparation et ou la
répression selon sa nature.
Section III - la responsabilité au sens
juridique et la spécificité de la responsabilité
pénale
La responsabilité juridique étant fondée
sur l'exigence du « paiement d'une dette » en
« compensation » de la faute, cette responsabilité
est organisée et codifiée par le système juridique
prévalant dans la société à une époque
donnée. A l'origine, « la distinction de la
réparation et de la répression est demeurée
incertaine » en raison de la prééminence de la
« vengeance privée » et « lorsque
l'autorité étatique s'est affirmée...une nette distinction
des responsabilités s'est opérée : dans le plan de la
responsabilité pénale, l'Etat inflige des peines corporelles ou
pécuniaires (amendes) ; dans le plan de la responsabilité
civile, la victime peut obtenir en nature ou en argent la réparation du
dommage subi »7(*). Aujourd'hui, la séparation de la
responsabilité pénale et de la responsabilité civile est
nettement affirmée quant à leur domaine, à leur fonction,
à leurs démarches et à leurs sanctions 8(*):
- la responsabilité civile peut être
engagée pour tout fait, même involontaire et normal causant
à autrui un dommage alors que la responsabilité pénale ne
peut être engagée que pour des comportements dangereux pour la
société, prévus et définis comme tels par la loi
(pas d'infraction sans texte) ;
- sur le plan des démarches de mise en oeuvre des
deux types de responsabilités, c'est le ministère public qui
déclenche, « au nom de la société »
l'action publique tendant à sanctionner, par les juridictions
répressives, les auteurs d'infractions pénales. L'action en
responsabilité civile demeure de la compétence de la victime pour
obtenir réparation ;
- dans la responsabilité pénale, la sanction est
proportionnée à la faute. En matière de
responsabilité civile, « la
sanction-réparation » peut être
déconnectée de la gravité de la faute car elle vise la
réparation intégrale du préjudice subi.
En définitive, la responsabilité pénale
d'une personne est engagée lorsqu'elle commet une infraction à la
loi sanctionnée par une peine (amende, emprisonnement, etc...), laquelle
infraction comprend quatre trois éléments constitutifs :
- Un élément légal : l'infraction doit
être prévue par une disposition légale ;
- Un élément matériel : il s'agit du
comportement humain, de la manifestation extérieure de l'infraction (par
une action ou une omission) ;
- Un élément moral : il s'agit de l'intention ou
de la volonté de commettre l'infraction.
Ce sont évidemment ces mêmes principes qui
président au régime juridique de la responsabilité
pénale en droit des affaires et plus précisément de la
responsabilité pénale du dirigeant de l'entreprise. Engage donc
sa responsabilité pénale tout dirigeant d'entreprise qui,
dans l'exercice de sa fonction de « chef
d'entreprise ayant un pouvoir de commandement et d'instruction »
commet une infraction prévue par la loi et pour lequel sont retenus un
fait matériel et une intention délibérée et
volontaire de commettre ce fait. Encore faut-il définir ce qu'on entend
par « dirigeant de l'entreprise ».
Section IV- La notion de dirigeant
pénalement responsable
Il n'existe aucune définition juridique de la notion de
dirigeant de l'entreprise bien qu'elle soit parfois utilisée par les
textes sous des appellations diverses dont la plus usitée est celle de
chef d'entreprise. La question présente un intérêt
évident du point de vue de l'identification des personnes, dites
dirigeantes, pénalement responsables et les réponses ne semblent
pas être aisées, notamment en ce qui concerne le droit marocain
des sociétés.
Pour approcher utilement cette notion pour la présente
étude, on notera que la doctrine et la jurisprudence (notamment
françaises) s'accordent pour considérer comme dirigeant, celui
qui exerce des pouvoirs d'administration et/ou de direction et de gestion de
l'entreprise, prend à cet effet des décisions qui engagent
l'entreprise vis-à-vis de ses partenaires internes et externes et veille
à leur exécution par des instructions données aux
structures de la société. Sur cette base, elles distinguent,
ainsi d'ailleurs que la loi, le dirigeant de droit et le dirigeant de fait
d'une part, et le dirigeant en fonction et le dirigeant ayant cessé ses
fonctions d'autre part.
Cependant, les choses se compliquent lorsque le critère
de représentation s`ajoute aux critères de direction. Serait
considéré comme dirigeant, donc pénalement responsable
celui qui, non seulement exerce les pouvoirs susvisés mais qui est le
représentant légal de la société ou qui agit comme
tel.
On essaiera de présenter ces différentes notions
en se plaçant essentiellement sur le champ du droit des
sociétés et du droit des entreprises en difficulté et en
considérant l'entreprise de forme sociétaire jouissant de la
personnalité morale.
A- Le dirigeant de droit
Le dirigeant de droit est la personne titulaire de la fonction
de direction, désignée par les statuts de la
société ou par la loi pour exercer les pouvoirs qui s'attachent
à cette fonction de direction et de gestion prévue par le texte
régissant le type de société considérée.
Partant de ce double critère de la fonction et des
pouvoirs, il est relativement aisé d'identifier les dirigeants
pénalement responsables pour ce qui est des dirigeants de la
société à responsabilité limitée, et de la
société en nom collectif, et de la société en
commandite simple et de la société anonyme simplifiée.
Pour ce qui est de la société anonyme et de la
société en commandite par actions, elle semble poser, à
notre avis, quelques problèmes au regard du double critère de la
fonction et des pouvoirs.
Dans la SARL, la direction de la
société est désignée sous l'appellation de
gérance et la fonction de dirigeant est
assurée par un ou plusieurs gérants personnes physiques.
Aux termes de l'article 63 de la loi 05-96 du 13 Février 1997, dans
leurs rapports avec les associés, leurs pouvoirs sont
déterminés par les statuts et, dans le silence de ceux-ci chaque
associé peut effectuer tout acte de gestion dans
l'intérêt de la société. Cet article ajoute
que dans leurs rapports avec les tiers, le gérant est
investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en
toute circonstance au nom de la société, sous réserve des
pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés. Le
principe de la responsabilité pénale des gérants est
posé par l'article 67 qui prévoit que ceux-ci sont responsables
individuellement ou collectivement, envers la société ou envers
les tiers, s'ils commettent des infractions aux dispositions légales
applicables aux sociétés à responsabilité
limitée.
« Les dirigeants de droit » de la SARL, au
sens des dispositions ci-dessus, ce sont soit
l'associé nommément désigné par les statuts,
soit tous les associés en l'absence de désignation par les
statuts et qui sont, dans les deux cas, « investis des
pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom
de la société », étant précisé
que' en cas de pluralité de gérants, ceux-ci détiennent
séparément ces pouvoirs (5èmè
alinéa de l'article 64). Par conséquent, dans la SARL, à
une pluralité de gérants, correspond une pluralité de
dirigeants pénalement responsables.
A l'inverse de la SARL, la pluralité des gérants
est de droit en ce qui concerne la gérance de la Société
en nom collectif (SNC), sauf si les statuts désignent un ou plusieurs
gérants parmi les associés qui doivent tous avoir la
qualité de commerçants. Les associés peuvent nommer un
gérant non associé. Le dirigeant de droit pénalement
responsable dans la SNC peut donc être un gérant associé ou
un gérant non associé. Comme pour la SARL, « dans les
rapports avec les tiers, le gérant engage la société
par les actes entrant dans l'objet social et « en cas de
pluralité de gérants, ceux-ci détiennent
séparément » les pouvoirs de gestion et de direction
(article7 de la loi 05-96).
S'agissant de la société en
commandite, il y a lieu de distinguer :
- le cas de la société en commandite
simple (SCS)9(*)
pour laquelle il est fait application, pour ce qui est du dirigeant de droit
(entre autres), des mêmes dispositions prévues pour la
société en nom collectif (article 21 de la loi 5-96). Par
conséquent, comme pour la SNC, le principe est donc la gérance
assurée par tous les associés (commanditaires et
commandités) sauf si les statuts désignent un ou plusieurs
gérants, associés ou non, et le ou les gérants
nommés sont investis des pouvoirs pour accomplir les actes entrant dans
l'objet social.
- Le cas de la société en commandite par
actions10(*)
(SCA) pour laquelle la loi distingue deux types de dirigeants
de droit (article 32 de la loi 05-96) :
o Au cours de la constitution de la
société : ce sont le ou les premiers
gérants qui sont désignés par les
statuts pour accomplir les formalités de constitution
dont sont chargés les fondateurs de sociétés
anonymes ; la loi ne précise pas si le ou les premiers
gérants doivent tous avoir la qualité de fondateurs donc de
futures associés ou peuvent être choisis en dehors des fondateurs.
Mais on peut penser que la référence aux fondateurs de
sociétés anonymes et l'affectio societatis qui est à la
source de la réunion de personnes dans le projet de constitution,
nécessitent que le ou les premiers gérants au sens de l'article
32 susvisé soient désignés parmi les fondateurs. En effet,
a la qualité de fondateur « la personne qui concourt de
manière active à la constitution ou à l'immatriculation
d'une société pour son propre compte »11(*) , ce qui suppose
« un intérêt personnel et une volonté autonome de
participer à la constitution de la personne morale et à la vie
sociale ultérieure »12(*).
o Au cours de l'existence de la
société, sauf clause contraire des statuts, ce sont
le ou les gérants, associés ou non, qui sont
désignés par l'assemblée des actionnaires avec l'accord de
tous les associés commandités (article 32) et qui sont, à
ce titre, « investis des pouvoirs les plus étendus pour agir
en toutes circonstances au nom de la société ».
Cette distinction permet de fixer les limites de la
responsabilité pénale du dirigeant de la SCA selon qu'il est
premier gérant, donc ayant la qualité de fondateur, ou
« gérant au cours de l'existence de la
société » c'est-à-dire postérieurement
à la date de l'acquisition par la société de la
personnalité morale par l'effet de son immatriculation
(« gérant permanent »). Sauf à être
reconduite par l'assemblée générale ordinaire pour
être gérant après l'acquisition de la personnalité
morale, la personne investie de la fonction de premier
gérant n'engagerait sa responsabilité pénale
qu'au titre des infractions relatives à la constitution de la
société.13(*)
Le gérant « permanent » lui ne
verrait sa responsabilité pénale engagée que pour les
faits constitutifs d'infractions prévues par la loi 05-96 autres que
celles relatives à la constitution commis postérieurement
à sa désignation comme gérant « au cours de
l'existence de la société » laquelle
« existence » n'étant juridiquement établie
qu'à compter de l'immatriculation qui lui confère la
personnalité morale. A ce titre, l'article 41 précise que les
dispositions de la loi n° 17-95 sur les sociétés anonymes
relatives à la responsabilité des membres des organes
d'administration, de direction ou de gestion, pour faute commise dans
l'exercice de leur mandat, sont applicables aux gérants » de
la société en commandite par actions.
En ce qui concerne les sociétés
anonymes, le titre XIV intitulé sanctions pénales, de la
loi 17-95 sur les SA mentionne « les membres des organes
d'administration, de direction ou de gestion » et qui sont ,sont, aux
termes de l'article 373 de la loi 17-95 :
« - dans les sociétés anonymes
à conseil d'administration, les membres du conseil d'administration y
compris, le président et les directeurs généraux
extérieurs au conseil;
« - dans les sociétés anonymes
à directoire et à conseil de surveillance, les membres de ces
organes ».
A priori, cette précision est de nature à
permettre une identification aisée des dirigeants de droit de la SA. En
fait, du point de vue des critères cumulatifs de la fonction et des
pouvoirs, elle nous semble poser quelques difficultés en ce qui concerne
la qualité de dirigeants pénalement responsables de certains s
autres membres dmembres des organes en question..
Ainsi, dans le cas de la SA à conseil
d'administration, les fonctions de président et de
directeurs généraux ne soulèvent pas de difficultés
dans la mesure où, à ces fonctions, correspondent des
pouvoirs de direction et de gestion suffisamment
déterminés pour les considérer comme des dirigeants de
droit pénalement responsables.
En effet, le Président du conseil
d'administration est élu par ce dernier « en son
sein » pour une durée qui ne peut excéder celle de son
mandat d'administrateur (article 63 de la loi 17-95) et dispose, pour
l'exercice de la fonction de direction générale et de
représentation de la société dans ses rapports avec les
tiers, des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances
au nom de la société » (article 74, 1er et
2ème alinéas).
Il en est de même du ou des directeurs
généraux qui sont des personnes physiques auxquelles le conseil
d'administration, sur proposition du Président, peut donner mandat
« d'assister » ce dernier. Cette fonction d'assistance et
les pouvoirs qui s'y attachent ne sont pas expressément
précisés par la loi, mais on peut affirmer qu'ils
découlent des pouvoirs et attributions du Président, en ce sens
que, dans la limite du mandat du conseil d'administration, le Directeur
Général ou les directeurs généraux peuvent
accomplir tout ou partie des actes entrant dans les fonctions de direction
générale, de représentation de la société
envers les tiers et d'action en toutes circonstances au nom de la
société. Par ailleurs, à l'égard de la
société, les directeurs généraux sont investis des
pouvoirs dont le conseil d'administration détermine, sur proposition du
Président, l'étendue et la durée.
Quid des « autres membres du conseil
d'administration », et plus précisément des
administrateurs ? Peuvent-ils être considérés comme
des dirigeants de droit au sens de titulaires d'une fonction impliquant des
pouvoirs de gestion et de direction et pouvant par conséquent
entraîner la mise en jeu de leur responsabilité pénale ? La
question peut paraître superflue du point de vue d'une
interprétation stricte des dispositions de la loi 17-95 et notamment de
celles de son titre XIV susvisé : ce titre semble en effet viser
tous les membres des organes du conseil d'administration y compris les
administrateurs.
La question mérite pourtant d'être
examinée à la lumière de certains éléments,
certes peu nombreux, empruntés à la loi, à la
jurisprudence et à la doctrine.
Tout d'abord, la loi confère certes aux
administrateurs, à travers les pouvoirs du conseil d'administration,
« les pouvoirs les plus étendus pour prendre en toutes
circonstances toutes décisions nécessaires à la
réalisation de son objet social, au nom de la
société.. » (article 69), mais elle fait une
distinction entre les « administrateurs dirigeants » et
« les administrateurs non dirigeants ». Cette distinction
'est ce qui découle de l'article 76 qui dispose :
« les administrateurs non dirigeants sont
particulièrement chargés, au sein du conseil,
du contrôle de la gestion et du suivi des audits
internes et externes. Ils peuvent constituer entre eux un
comité des investissements et un comité des traitements et
rémunérations ». Or, les fonctions de contrôle de
la gestion et du suivi des audits sont justement à l'opposé de la
direction et de la gestion et relèvent plutôt des pratiques du
« gouvernement d'entreprise » qui préconisent la
séparation des deux types de fonction avec les conséquences que
cela peut signifier pour la partie susceptibles de se voir engager sa
responsabilité pénale.
Cette distinction est admise par la doctrine française.
En effetEnsuite, et bien que les dispositions du code de commerce
français applicables aux la loi française sur les
sociétés commerciales applicables aux sociétés
anonymes ne font pas de distinction entre l'administrateur- dirigeant et
l'administrateur non dirigeant, cettela doctrine française relève
les incertitudes entourant la véritable nature de la fonction
d'administrateur. Ainsi le Professeur Paul Le Cannu souligne
l'ambiguïté qui entoure la nature de la fonction d'administrateur
(non dirigeant), dont les tâches ne sont pas comparables à celles
de la direction générale et qu'on ne peut ranger parmi les
mandataires sociaux car la réalité des pouvoirs appartient au
conseil et non pas aux administrateurs individuellement14(*). Il regrette que
« les administrateurs doivent encore
être considérés comme dirigeants de droit pour
l'application du droit des procédures collectives et pour de nombreuses
dispositions du droit pénal des sociétés »
malgré la réforme introduite par la loi Nouvelle
Réglementation Economique et alors même que « les
idées de corporate governance conduisent à faire cohabiter au
sein du même organe des administrateurs
« exécutifs » et des administrateurs
« indépendants » qui contrôlent les
premiers15(*).
Il apparaît donc, du moins en droit dans le cas
marocain, que la responsabilité pénale du dirigeant de droit de
la société anonyme à conseil d'administration ne concerne
que les administrateurs dirigeants à l'exclusion des administrateurs non
dirigeants au sens de l'article 76 précité.
Quant au cas de la société anonyme
à directoire et à conseil de surveillance, si
l'identification, en droit marocain des sociétés, du dirigeant de
droit ne pose pas de problèmes en ce qui concerne les membres du
directoire, l'absence de distinction expresse par ce droit, à l'instar
de la SA, entre administrateur dirigeant et administrateur non dirigeant
autorise-t-elle les mêmes interprétations ?
Avant de répondre à cette question, il convient
d'abord d'identifier les dirigeants de droit susceptibles d'engager leur
responsabilité pénale dans une société anonyme
à directoire et à conseil de surveillance, et ce du point de vue
des fonctions et des pouvoirs de gestion et de direction qui s'y attachent de
par la loi.
,
Ainsi, dans ce type de SA, sont incontestablement des
dirigeants de droit au sens de l'article 373 de la loi 17-95 et donc
susceptibles d'engager leur responsabilité pénale :
- les membres du directoire, personnes physiques, actionnaires
ou non, nommés par le conseil de surveillance, et peuvent être
salariés ou non salariés (article 78 et 79) ;
- le Président du directoire nommé
également par le conseil de surveillance parmi les membres du
directoire ;
- le cas échéant, le directeur
général unique lorsque une seule personne est nommée pour
exercer les fonctions du directoire.
Toutes ces personnes tiennent leurs pouvoirs de l'article 102
qui dispose que le directoire est investi des pouvoirs les plus étendus
pour agir en toute circonstance au nom de la société. L'exercice
de ces pouvoirs est et reste, de droit, de nature collégiale, même
s'ils répartissent entre eux les tâches de la direction. Il en
résulte que leur responsabilité pénale peut être
engagée collectivement.
S'agissant particulièrement du président du
directoire ou, le cas échéant, du directeur général
unique, il représente la société dans ses rapports avec
les tiers sauf si les statuts habilitent le conseil de surveillance à
attribuer le même pouvoir de représentation à un ou
plusieurs membres du directoire auquel cas ils portent alors le titre de
directeur général (article 103).
S'agissant des « membres du conseil de
surveillance », au sens de l'article 373 susvisé
« dont la mission est d'exercer « le contrôle
permanent de la gestion de la société par le directoire (article
104), ils sont nommés par les statuts, et au cours de la vie
sociale, par l'assemblée générale ordinaire. Ces membres
doivent ils être considérés comme des dirigeants de droit
au sens de titulaires de pouvoirs de direction et de gestion ?
Opérant une distinction entre la gestion et la
direction de la Société Anonyme, qui sont attribuées au
directoire, et la surveillance de sa gestion attribuée au conseil de
surveillance, la doctrine française estime que « le conseil de
surveillance ne participe pas à la gestion et n'assume aucune fonction
de direction ; donc ses membres ne peuvent se voir appliquer une
quelconque responsabilité en vertu de la loi du 25 janvier 1985. La
limite de cette « « intouchabilité » des membres du
conseil de surveillance est leur cantonnement strict au rôle que leur a
attribué la loi du 24 juillet 1966 »16(*) . Par exemple « les
membres du conseil de surveillance ne peuvent être condamnés en
tant que dirigeants de droit au comblement du passif et aux autres sanctions
frappant ces dirigeants dans le cadre des procédures
collectives », sauf s'ils s'immiscent dans la gestion, auquel cas ils
peuvent être poursuivis et condamnés en tant que dirigeants de
fait17(*).
Bien que le problème soit posé de manière
identique en droit marocain, il ne semble pas que ces analyses soient, du point
de vue d'une stricte interprétation du droit pénal, admises
dans le cas du conseil de surveillance de la SA marocaine à directoire
et conseil de surveillance. En effet, si dans le cas de la SA à conseil
d'administration, la loi marocaine 17-95, dans son article76, laisse entendre
qu'une distinction puisse être faite entre l'administrateur non dirigeant
et l'administrateur dirigeant (ce qui n'est pas le cas de la SA
française), le silence de cette loi sur cette distinction en ce qui
concerne les membres du conseil de surveillance ne semble pas permettre
d'enlever à la totalité de ces membres la
qualité de dirigeants de droit sur la base du seul critère de la
séparation entre les fonctions et les pouvoirs de direction
confiés au directoire et la fonction de contrôle de la gestion de
ce directoire confiées au conseil de surveillance. En d'autres termes,
le critère de la séparation des fonctions de direction et des
fonctions de contrôle est nécessaire mais il n'est pas suffisant.
Il faut aussi que le législateur en tire expressément les
conséquences au plan de la qualité à attribuer au membre
du conseil de surveillance comme il l'a fait pour les membres du conseil
d'administration. En l'absence d'une telle volonté de la part du
législateur, et en application du principe de stricte
interprétation des dispositions pénales, peuvent engager leur
responsabilité pénale, en application du titre XIV de la loi
17-95, tous les membres du conseil de surveillance même si leur fonction
est strictement limitée au contrôle de la gestion du directoire.
B- Le dirigeant de fait
1- La reconnaissance de la direction de
fait par la loi :
Les dirigeants de droit sont ceux qui exercent les pouvoirs de
direction et de gestion de l'entreprise de manière
régulière c'est-à-dire sur la base de dispositions
législatives ou statutaires ou d'actes séparés pris par
les organes compétents de la société sur habilitation de
la loi. Ils engagent à ce titre leur responsabilité quand leur
qualité de dirigeants de droit ressort clairement de ces dispositions,
statuts et actes.
Mais le législateur a prévu aussi le cas
d'exercice des fonctions de direction et de gestion par des personnes sans y
être régulièrement habilitées à cet effet.
Ils prennent donc des actes de gestion et de direction qui engagent la
société vis-à-vis des tiers ou assument, de fait, sa
représentation. Se faisant, ils agissent en tant que dirigeants
de fait à la place du dirigeant légal et doivent donc
être tenus pour responsables des infractions au titre de la direction de
fait.
Ainsi, l'article 100 de la loi 05-96 sur la
société en nom collectif, la société en commandite
simple, la société en commandite par actions, la
société à responsabilité limitée et la
société en participation, dispose que son titre VII relatif aux
infractions et sanctions pénales « visant les
gérants des sociétés objet de la
présente loi seront applicables à toute personne qui, directement
ou par personne interposée, aura en fait ,
exercé la gestion de ces sociétés sous le couvert
ou aux lieu et place de leurs représentants
légaux. ».
Dans des termes identiques, l'article 374 de la loi 17-95
relative aux sociétés anonymes précise que les
dispositions de son titre XIV relatives aux sanctions pénales
« visant les membres des organes d'administration, de direction ou de
gestion seront applicables à toute personne qui, directement ou par
personne interposée, aura, en fait , exercé la
direction, l'administration ou la gestion des sociétés anonymes
sous le couvert ou aux lieu et place de leurs représentants
légaux ».
Par ailleurs le dirigeant de fait, est également soumis
au dispositif pénal qui s'applique 18(*)au dirigeant de droit de l'entreprise en
difficultés. C'est ce qui est prévu, sous le titre V de la loi
15-95 formant code de commerce, relatif aux sanctions à l'encontre des
dirigeants de l'entreprise et dont l'article 702 dispose : « les
dispositions du présent titre sont applicables aux dirigeants de
l'entreprise individuelle ou à forme sociale ayant fait l'objet
d'une procédure, qu'ils soient de droit ou de fait,
rémunérés ou non ». Les
sanctions en question sont notamment la déchéance commerciale
(l'équivalent de la faillite personnelle en droit commercial
français) et les peines de banqueroute et peines assimilées.
Les dispositions du code de commerce français, qui a
d'ailleurs largement inspiré le droit marocain des
sociétés et le code marocain de commerce, prévoient
également la responsabilité pénale du dirigeant de
fait.
Ainsi, en ce qui concerne les sociétés
commerciales, l'article L.241-9 du code de commerce, prévoit
l'application de nombreuses sanctions applicables en cas d'infractions
concernant les sociétés à responsabilité
limitée, à « toute personne qui, directement ou par
personne interposée, aura, en fait, exercé la gestion de la
société à responsabilité limitée sous le
couvert ou au lieu et place de son gérant légal ».
Des formulations identiques sont reprises pour viser la
direction de fait des sociétés par actions. Mais alors que, dans
le cas de la société par action en commandite simple, le code
français vise toutes les infractions concernant cette
société (article L.244-4), il ne semble viser, pour les autres
sociétés par actions (dont la société anonyme)
que les infractions relatives aux valeurs mobilières
émises par les sociétés par actions objet du chapitre
V du titre IV du livre deuxième du code de commerce. C'est ce
que l'on peut comprendre de l'article L.245-16 qui dispose, dans la section IV
dudit chapitre V : « les dispositions du présent
chapitre visant le président, les directeurs
généraux et les gérants des sociétés par
actions sont applicables à toute personne qui, directement ou par
personne interposée, aura, en fait, exercé la direction,
l'administration ou la gestion desdites sociétés sous le couvert
et au lieu et place de leurs représentants légaux ».
A rappeler que le dirigeant de fait est également
visé par le dispositif du code de commerce français applicable
aux entreprises en difficulté et notamment au titre de la
responsabilité pour insuffisance d'actif (article 651-2), de
l'obligation aux dettes sociales (article 652-1), de la faillite personnelle
(article 653-1), et de la banqueroute (article 654-1).
En définitive et quel que soit le type de
société et la situation où elle se trouve (in bonis ou en
difficulté), d'après la loi, la direction de fait est
établie par la réunion des éléments
suivants :
- Qualité du dirigeant de fait : la loi vise toute
personne. Il s'agit bien sûr de toute personne physique, associée
ou non associée, interne ou externe à l'entreprise,
rémunérée ou non rémunérée ;
mais il peut s'agir aussi d'une personne morale qui s'immisce dans la gestion
et la direction d'une autre personne morale au lieu et place des dirigeants
légaux de cette dernière ;
- Modalité de l'exercice de la direction de fait :
elle peut être directe, le dirigeant de fait agissant lui-même et
personnellement ou indirecte en faisant faire des actes de gestion par une
tierce personne pour son compte ;
- Circonstance de la direction de fait : les actes
doivent avoir été exercés :
o Soit « sous le
couvert » des représentants légaux de la
société : comme par exemple de faire ou de faire faire des
actes en laissant croire qu'ils sont accomplis agit avec l'accord et
l'assentiment du représentant légal de l'entreprise ;
o Soit de faire ou faire faire des actes au lieu et
place du dirigeant légal.
La similitude des dispositions des codes marocains et
français concernant le dirigeant de fait permet de dégager une
étude identique de la portée de la notion de dirigeant de fait
qui a été forgée par la doctrine et la jurisprudence.
2- La construction jurisprudentielle de la notion
de dirigeant de fait
En partant des éléments légaux, la
doctrine française (19(*))
considère comme « dirigeant de fait celui qui, en toute
souveraineté et indépendance exerce une activité positive
de gestion et de direction ». La situation de direction de fait
suppose de manière cumulative que d'une part, la personne agit en
l'absence totale de subordination juridique lui donnant ostensiblement
« l'apparence » et « les attributs »
d'un dirigeant de droit ; d'autre part, que cette indépendance
apparente se traduise par des actes positifs de gestion, de telles sorte que
les tiers constatent matériellement l'exercice de la fonction de
direction.
La jurisprudence française s'est prononcée sur
la notion de dirigeant de fait en ayant recours aux mêmes
éléments.
Elle a tout d'abord, affirmé l'unité de cette
notion en droit pénal et civil puisqu'elle la consacre tant au regard
d'une action en comblement de passif qu'à celui du délit de
banqueroute (arrêt de la cour de cassation en date du 22 mai
1977)20(*).
L'appréciation étant de la compétence
souveraine du juge deu fonds, ce dernier va examiner la réalité
des faits pour retenir ou non la réalité de l'existence de la
direction de fait par une personne.
Ainsi, pour la cour de cassation française, le
dirigeant de fait se définit comme « celui qui en toute
indépendance et liberté exerce une activité positive de
gestion et de direction et se comporte, sans partage, comme
« maître de l'affaire » (Cass.Com.10/10/1995), sous
le couvert et au lieu et place du représentant légal »
(Cass.Crim.12/09/2000).
Dans des termes identiques, elle a jugé que,
« a la qualité de dirigeant de fait celui qui exerce une
activité positive et indépendante dans l'administration
générale d'une société » (com.9 mai
1978).
Egalement, le placement du conseil d'administration dans une
situation de dépendance est constitutif de la direction et de
l'administration de fait : la chambre commerciale de la Cour de cassation le 6
février 2001 a considéré qu'étaient des dirigeants
de fait des actionnaires « qui ne s'étaient pas bornés
à un simple rôle d'investisseurs ou à trouver des solutions
de restructuration financière, mais dépassant une intervention
à titre de conseil, avaient exercé un véritable pouvoir de
direction en plaçant le conseil d'administration dans une situation de
dépendance, en soumettant des décisions de cet organe aux
résultats de leurs recherches et leurs avis ».
Pour détecter formellement un dirigeant de fait, la
jurisprudence s'appuie sur un faisceau d'indices. Ces indices sont
ordonnés autour de critères complémentaires aux
critères d'indépendance et de souveraineté, tels que
l'immixtion dans la gestion, le dépassement des obligations des
relations contractuelles normales et la manifestation de signes
extérieurs d'autorité.
Ainsi, « la personne qui, sous le couvert d'un
contrat de partenariat interne », se charge d'organiser la
gestion financière de la société et de négocier
avec ses différents partenaires financiers, administratifs et
commerciaux, s'immisce dans la gestion et doit être qualifiée de
dirigeant de fait » (com. 6 octobre 1992).
De même « la société qui s'est
réservé les domaines de l'embauche et des licenciements, la mise
en place de l'organisation administrative et financière d'un
hôtel, la définition de la politique des prix, la
négociation des contrats et la politique commerciale, assure, en fait la
direction de l'hôtel, le propriétaire des lieux n'ayant que le
rôle d'un simple bailleur de fonds »..
En outre la chambre commerciale de la Cour de cassation le
2 novembre 2005 a même approuvé une cour d'appel qui a retenu une
personne morale comme dirigeant de fait au regard de la situation de
dépendance dans laquelle elle avait mis les filiales du groupe.
Mais elle a refusé de considérer comme direction
de fait l'exercice normal par une banque des obligations qui sont à sa
charge en tant que banque : « le fait pour une banque d'exercer
un contrôle sur l'utilisation des fonds prêtés, de
« suivre » un dossier et même d'intervenir au besoin
auprès des dirigeants de l'entreprise est un acte légitime de
défenses des ses intérêts propres, lequel ne lui
confère pas systématiquement la qualité de dirigeant de
fait (Paris. 15 décembre 1995).
De même les seules circonstances qu'une banque soit
à l'origine des montages juridiques et financiers des opérations
immobilières de la société débitrice ne sont pas de
nature à établir qu'elle aurait dirigé en toute
indépendance et souveraineté la société ou les
sociétés en participations créées à cet
effet alors que la débitrice en assurait la gérance et mettait
elle-même en oeuvre les opérations immobilières
concernées » (Paris 26 mai 1998).
Mais le dépassement des obligations normales d'un
cocontractant conduit à la direction de fait : « la
direction de fait ne peut être déduite de la seule existence d'un
contrat de franchise, mais doit être vérifiée au cas par
cas au vu de circonstances de la cause et ne peut être retenue que s'il
résulte un dépassement des obligations inhérentes à
la nécessaire collaboration des parties par laquelle se définit
ce type de contrat (Orléans 8 mars 2001).
En revanche, « s'est livrée à une
immixtion dans la gestion de la société franchisée
dépassant les obligations à sa charge résultant du contrat
de franchise, et en était en réalité le dirigeant de fait,
le franchiseur qui détenait les documents comptables, sociaux et
bancaires nécessaires pour gérer cette entreprise, conservait la
signature bancaire, préparait tous les documents administratifs et les
titres de paiement signés ensuite par la personne morale,
établissait les déclarations fiscales et sociales,
contrôlait l'embauche du personnel et a participé à la
poursuite d'une activité déficitaire pendant plusieurs mois bien
qu'il connût l'insuffisance de la
trésorerie » (com.9 novembre 1993).
La manifestation de signes extérieurs
d'autorité donne l'apparence de la direction de fait : ainsi,
a été considéré comme un dirigeant de fait le
directeur d'un cabinet de conseil juridique qui avait organisé les
études de marché d'une société, recherché
les investisseurs, organisé les contacts avec les organismes financiers,
avait manifesté des signes extérieurs d'autorité et un
intérêt propre concrétisé par des engagements de
caution. » (Toulouse 25 janvier 1993).
Le « dirigeant démissionnaire »
(« ex-dirigeant de droit ») peut être aussi
déclaré dirigeant de fait « dés lors qu'il est
établi que le gérant de droit, frappé d'une interdiction
de gérer, a continué, postérieurement à sa
démission, à intervenir dans la gestion de la
société... ».
Section V- L'exonération de la
responsabilité pénale du dirigeant : la
délégation et la subdélégation
A- le contexte de
l'exonération
Les dirigeants pénalement responsables étant
identifiés par la loi ou les statuts (dirigeants de droit) ou
précisés par la jurisprudence (dirigeants de fait), le principe
est que la responsabilité qu'ils encourent est une responsabilité
personnelle quel que soit l'auteur du fait générateur de cette
responsabilité dès lors que ce fait est accompli dans le cadre
des pouvoirs qui leur sont conférés par la loi et les statuts
pour réaliser l'objet social de la société.
En réalité, la mise en oeuvre de ces pouvoirs
exige l'intervention, dans le processus décisionnel et exécutif,
d'autres personnes que les dirigeants de droit mais qui sont sous les ordres de
ces dirigeants. Cette intervention est effectuée au moyen de la
délégation de pouvoirs consentie par les dirigeants de droit
à leurs collaborateurs pour assurer le bon fonctionnement de
l'entreprise afin de s'assurer que les décisions prises dans le cadre de
l'exercice des pouvoirs du dirigeant produisent leurs effets aux
différents échelons de l'organisation de l'entreprise. Cette
délégation peut être simple comme elle peut être
complexe dans le cas d'entreprises de grandes tailles où elle peut
revêtir la forme sophistiquée de manuels de procédures et
de fiches de fonction et des postes correspondant aux différents
échelons des activités et métiers de l'entreprise.
Dès lors, « pour s'exonérer de leur
responsabilité personnelle, les dirigeants peuvent être
tentés d'invoquer les délégations de pouvoirs qu'ils ont
données. Cette excuse n'est en principe pas admise puisque la gestion de
la société relève toute entière du dirigeant.
Toutefois, la jurisprudence s'est assouplie, pour des raisons pragmatiques, et
notamment en raison des situations injustes que ce principe peut susciter en
matière pénale »21(*). Sans doute cet assouplissement trouve-t-il son
fondement dans la règle générale posée par le code
pénal selon laquelle « nul n'est responsable pénalement
que de son propre fait ».
En effet, dès 1902, la cour de cassation de Paris a,
dans un arrêt de principe22(*), inauguré cet assouplissement en admettant,
après avoir rappelé que « le chef d'entreprise est tenu
pénalement responsable, comme s'il en était l'auteur, des
contraventions commises dans l'entreprise qu'il administre
directement », que «la responsabilité pénale de
celles qui se produisent dans des départements dont il a
délégué la direction, pèsent au même titre
sur le directeur, gérant ou préposé qui l'y
représente comme chef immédiat, avec les compétences et
l'autorité nécessaires pour y veiller efficacement à
l'observation des lois ».
Cet arrêt allait par la suite, et en l'absence de
dispositions légales spécifiques, ouvrir la voie à la
construction jurisprudentielle d'un véritable régime de la
délégation de pouvoirs en tant que cause d'exonération de
la responsabilité pénale du dirigeant de l'entreprise. Elle a peu
à peu affiné ce régime pour l'adapter à la
subdélégation.
B- les conditions d'admission de la
délégation de pouvoirs comme cause
d'exonération
Les bases de ce régime ont été
posées par cinq arrêts de principe de la chambre criminelle de la
cour de cassation du 11 Mars 1993 en ces termes :
« Sauf dans les cas où la loi en décide
autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à
la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa
responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a
délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la
compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires".
1-Champ d'application de la
délégation : Tout d'abord, ces arrêts
posent une règle générale selon laquelle, la
délégation de pouvoirs dans l'entreprise est possible sauf si la
loi en dispose autrement. Cette règle est venue mettre fin à
l'ambiguïté d'une règle inverse qui avait longtemps
prévalu qui « établissait que la
délégation était exclue pour les actes relevant des
fonctions de direction, lorsque la loi ne la prévoyait pas »
(23(*)). Le champ d'application de la
délégation s'en trouve donc élargi et par
conséquent celui de l'exonération de la responsabilité
pénale du dirigeant délégant.
2 - Conditions concernant le
délégataire24(*) :
En principe, le bénéficiaire de la
délégation doit avoir la qualité de préposé
c'est-à-dire un salarié titulaire d'un contrat de travail (25(*)) et quel que soit sa situation par
rapport à la hiérarchie de l'entreprise (26(*)). En effet, la
délégation suppose en principe un lien de subordination du
délégataire envers le délégant.
Il doit en outre remplir trois caractères cumulatifs
pour que la délégation puisse valablement fonder une
exonération de la responsabilité pénale du
délégant :
La compétence :
c'est-à-dire l'aptitude professionnelle du délégataire
à assumer et exécuter sa mission. Cette aptitude est à la
fois technique et juridique puisque la responsabilité pénale est
fondée sur la violation d'une règle de droit.
L'autorité : c'est le
pouvoir de donner des ordres, des consignes et de les faire appliquer au besoin
par le recours à des sanctions. Une délégation de pouvoir
qui ne permet pas à son titulaire de manifester son autorité par
des instructions (27(*)) et qui ne
donne aucun pouvoir précis de sanction n'est pas valable (28(*)).
L'autorité sous entend donc l'indépendance du
délégataire pour la mise en oeuvre effective des pouvoirs
délégués. Ainsi, il a été jugé que
« qu'un supérieur hiérarchique qui s'immisce dans le
déroulement des tâches en rapport avec la mission du
délégataire supprime l'autonomie d'initiative inhérente
à toute délégation effective »29(*).
Les moyens nécessaires :
La compétence et l'autorité sont insuffisantes pour
qualifier une délégation d'acte valide. Il faut, en plus, doter
le délégataire de moyens humains, techniques et matériels
pour accomplir réellement la mission.
3- cConditions concernant le
délégant30(*) :
LLa jurisprudence a admis la délégation comme
moyen de bonne gestion d'une entreprise allant même jusqu'à
considérer l'absence de délégation comme une faute
susceptible d'engager la responsabilité du dirigeant lorsque cette
technique de gestion des ressources humaines est de nature à contribuer
à la prévention du risque pénal inhérent à
l'activité d'une entreprise.
Cependant, elle admet difficilement cette
délégation lorsque la taille de l'entreprise est modeste ou
lorsque ses activités ne requièrent pas une complexité
particulière. Le risque existe en effet que l'abus de
délégation conduise à une
« déresponsabilisation pénale » totale du
dirigeant même si ce dernier est à même d'assumer
lui-même les responsabilités sans qu'il soit besoin de les
déléguer.
Par ailleurs et pour se prévaloir de
l'exonération de responsabilité pénale, le dirigeant doit
d'une part pouvoir apporter la preuve de l'existence d'une
délégation valide, d'autre part ne pas participer à la
commission de l'infraction.
S'agissant de la preuve, bien que la jurisprudence admette la
preuve orale appuyée sur des éléments concrets tel que les
témoignages, le domaine de délégation peut difficilement
être prouvé sans un écrit car pour être valide le
délégataire doit prouver qu'il a accepté la
délégation et préciser la nature et l'étendue des
responsabilités déléguées. Ainsi, une mission
générale de surveillance et d'organisation des mesures de
sécurité sur un chantier prévue par le contrat de travail
n'est pas suffisante pour caractériser une délégation
précise : "cette mission de surveillance portée dans ledit
contrat ne pouvait pas être considérée comme une
délégation expresse du chef d'entreprise, en l'absence
d'instructions précises de ce dernier de nature à
l'exonérer de sa responsabilité" (Cass.crim. 28 janvier 1985,
Bull. crim. N°32).
S'agissant de l'acte délictuel, le
délégant doit s'abstenir de concourir personnellement à
l'accomplissement de l'infraction avec le délégataire ;
ainsi « le chef d'entreprise qui a personnellement participé
à la réalisation de l'infraction ne saurait s'exonérer de
sa responsabilité pénale en invoquant une
délégation de ses pouvoirs ; (
Cass.
crim. 20 mai 2003)
Enfin, la possibilité de délégation n'est
pas reconnue dans les domaines qui sont considérés comme de la
responsabilité ultime du chef d'entreprise. Il en est ainsi pour le
fonctionnement de la vie sociale : publication au registre du commerce (Cass.
crim. 15 mai 1974, Bull. crim.1974, n° 176, D. 1976 J 226 n. Vezian) ou
tenue d'assemblées (comp. pour un administrateur judiciaire Cass. crim.
21 juin 2000, Bull. crim. n° 241).
Section
VI- La responsabilité pénale du
dirigeant de l'entreprise : entre pénalisation et
dépénalisation.
Nous avons déjà souligné plus haut la
fonction sociale du droit pénal des affaires en tant qu'outil de
moralisation de la vie des affaires et de la sauvegarde de l'éthique qui
devrait sous-tendre les relations commerciales. Le régime de la
responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise tel que
prévu par le dispositif législatif et encadré par les
constructions jurisprudentielles procède donc du même souci.
L'élaboration de ce régime a été fortement
influencée par les transformations économiques et sociales
observées à travers l'histoire et plus particulièrement
tout au long du 20ème siècle et qui ont elles-mêmes
marqué, et continuent à marquer, la politique pénale des
gouvernements et particulièrement en matière de droit
pénal des sociétés.
L'étude de cette évolution a montré qu'au
même titre que pour le droit pénal des affaires en
général, le droit pénal des sociétés, qui
fait une très large place à la responsabilité
pénale du dirigeant, permet d'observer un double mouvement de
« pénalisation » et de
« dépénalisation » de ce droit. C'est
même dans le droit des sociétés et le droit des entreprises
en difficultés qu'il s'est montré le plus important eu
égard aux considérations de politique économique des
gouvernements et aux orientations idéologiques qui les sous
tendent.31(*)
En raison de la forte inspiration du droit pénal
marocain des sociétés du droit français, il paraît
utile de montrer l'évolution comparative de ce double
phénomène en France puis au Maroc en ce qui concerne la
responsabilité pénale du dirigeant de l'entreprise, tout en
essayant d'en montrer la spécificité dans chacun de ces droits et
des contextes particuliers qui les expliquent.
Auparavant, il convient de préciser ce qu'on entend par
« dépénalisation » et
« pénalisation ».
1- Notion de
« pénalisation » et de
« dépénalisation »
La « dépénalisation » est un
processus qui commence par une « désescalade d'une
incrimination » qui consiste en un « adoucissement des
peines encourues en fait, puis en droit, se poursuit par un
« changement de qualification » (correctionnalisation puis
contraventionnalisation) et se termine par une
« décriminalisation qui sera parfois relayée par la
mise en place d'un système de régulation concurrent au droit
pénal » (32(*)).
La pénalisation est un processus inverse « de
création (criminalisation) ou de renforcement des incriminations
(élargissement du champ d'application d'une incrimination et/ou
d'alourdissement de la peine) mais aussi, de façon plus
générale, comme l'augmentation du recours au droit
répressif ».
Partant de ces notions, on observe en France et au Maroc des
évolutions opposées en ce qui concerne la pénalisation ou
la dépénalisation du régime de la responsabilité
des dirigeants de l'entreprise.
2- Pénalisation et
dépénalisation en matière de responsabilité
pénale des dirigeants des entreprises en France et au
Maroc
Alors qu'en France, on est passé d'une
pénalisation croissante au lendemain de la seconde guerre mondiale
à une dépénalisation substantielle de ce régime, au
Maroc, on peut relever la relative jeunesse du droit pénal des
sociétés en tant que corps de règles autonomes et du droit
des difficultés de l'entreprise dans ses aspects relatifs à la
responsabilité des dirigeants de l'entreprise. En d'autres termes,
pendant la période où, en France, une véritable
« inflation » du pénal a envahi tous les aspects du
droit des sociétés commerciales et du droit de l'entreprise en
difficulté, au Maroc le droit des affaires et le droit des
sociétés marocains étaient caractérisés par
leur « sous pénalisation » qui s'explique largement
par le caractère désuet de ces droits. A l'inverse, alors que
sous la pression des critiques de la doctrine et des milieux des affaires un
mouvement de dépénalisation de larges pans du droit
français des sociétés a été amorcé
à partir des années quatre vingt dix, à la même
époque, la modernisation du droit marocain des sociétés,
qui s'inscrit dans un vaste mouvement de mise à niveau du droit marocain
des affaires, s'est accompagné d'une pénalisation de ce droit et
notamment du régime de la responsabilité des dirigeants de
l'entreprise.
Ainsi, on se trouve au Maroc à partir de 1995, avec un
nouveau droit pénal des sociétés largement inspiré
du titre II de la loi française 66-537 du 24 juillet 1966. Cette
pénalisation s'explique par la volonté du législateur
marocain d'assurer une exhaustivité de la sanction des obligations
prévues par les nouvelles lois sur les sociétés et mettre
à la disposition des opérateurs « un instrument de
prévention et de répression au service d'objectifs clairement
définis par lui et tenant essentiellement à la transparence, au
renforcement de la protection des associés, à
l'amélioration de la structure du fonctionnement des organes
d'administration, de gestion et de direction et à l'amélioration
du droit des affaires »33(*). En prenant en considération l'ensemble des
infractions à caractère pénal prévues par les lois
sur les sociétés, on dénombre 338 infractions se
répartissant comme suit34(*) :
- 172 infractions pour les sociétés par actions
(sociétés anonymes et sociétés en commandites par
actions) dont 75 infractions concernant les dirigeants des
sociétés ;
- 77 infractions pour les sociétés anonymes
simplifiées don 30 infractions concernant les dirigeants;
- 89 infractions concernant les autres formes de
sociétés dont une cinquantaine visant les gérants.
Pour illustrer la volonté du législateur
marocain de réaliser l'exhaustivité dans la pénalisation
de la société commerciale, il suffit de constater que ces
infractions et leurs sanctions accompagnent la vie de l'entreprise
jusqu'à sa mort puisqu'elles couvrent aussi bien les phases de sa
création que celles où elle est en activité jusqu'à
sa cessation.
A ces sanctions il faut ajouter celles qui sont prévues
par le nouveau code de commerce dans sont titre V du livre V consacré
aux difficultés de l'entreprise et qui concernent les dirigeants de
l'entreprise ayant fait l'objet d'une procédure de traitement.
En ce qui concerne la France, force est de constater qu'au
moment où le législateur marocain « mettait à
niveau » le droit des sociétés en le faisant
accéder à l'exhaustivité, au besoin par une transposition
des mêmes infractions et sanctions de la loi française, une
réflexion a été engagée vers le milieu des
années 90 pour proposer une modernisation qui, s'agissant de l'aspect
pénal, a cette fois pris la forme d'une dépénalisation
d'une partie de cette loi.
Le rapport MARINI sur la «modernisation du droit des
sociétés », élaboré en 1996, et qui constitue
la référence en la matière, note que le droit
français des sociétés «laisse apparaître un
double déséquilibre : d'une part, il assure une suprématie
des fonctions de direction sur celles de contrôle, d'autre part, il
privilégie les contrôles de type externe (judiciaire) au
détriment des contrôles internes exercés par les
actionnaires et les commissaires aux comptes.». C'est ce qui a fait dire
à certains spécialistes qu'il en résulte une situation
dans laquelle un chef d'entreprise peut n'avoir de compte à rendre
à personne, sauf au juge pénal. En proposant de
dépénaliser une partie substantielle du droit des
sociétés, le rapport suggère de responsabiliser à
nouveau les actionnaires en les poussant à aller devant les juridictions
civiles pour résoudre leurs différends contractuels plutôt
que de porter plainte.
Ainsi, ce rapport préconisait non seulement la
suppression de toutes les infractions non intentionnelles, mais aussi une
rédaction plus restrictive des infractions intentionnelles et
prônait une dépénalisation très poussée
touchant même les délits constitutifs d'abus en proposant une
reformulation des conditions de leur incrimination.
Ce ne fut pas l'ambition de la dépénalisation de
la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux Nouvelles
Régulations Economiques (Loi NRE).
En effet cette loi est restée en deçà des
recommandations de dépénalisation jugées excessives et
s'est en effet cantonnée aux délits qui avaient été
peu, sinon jamais appliqués en supprimant une vingtaine de
délits, « tirant ainsi les conséquences du constat que
la sanction pénale s'est avérée un moyen inefficace pour
contraindre les dirigeants à exécuter un certain nombre d'es
obligations de faire auxquels ils sont astreints » et leur
substituant les « référés
injonctions » par lesquels les actionnaires ou associés
peuvent demander au président du tribunal de commerce d'imposer aux
dirigeants qu'ils exécutent leurs obligations au moyen d'une astreinte
ou par la désignation d'un mandataire chargé de procéder
à la communication (art 122 et 123 de la loi NRE).
La Loi a également supprimé les
« doublons » avec le droit pénal commun en
supprimant les infractions qui s'appliquent aux faits pouvant être punis
par le code pénal telles que les infractions concernant la constitution
des sociétés anonymes qui peuvent être sanctionnées
au moyen des délits de faux ou d'escroquerie.
« Même si elle a peu de conséquences
répressives, la dépénalisation opérée par la
loi NRE constitue un moment important de l'évolution du droit
pénal des sociétés, en ce qu'elle procède d'une
nouvelle conception de la place de la sanction pénale en droit des
sociétés commerciales. Cette nouvelle conception se veut
utilitariste , c'est ce qui explique la suppression de la sanction
pénale lorsqu'elle est manifestement incapable de parvenir à
l'effet pour lequel elle avait été prévue, ou encore
lorsqu' elle s'avère constituer un doublon dénué
d'utilité au regard de l'existence de délits de droit commun.
Cette première dépénalisation opérée en 2001
constitue la première manifestation législative de l'abandon d'un
recours systématique à la sanction pénale comme support
des obligations imposées aux dirigeants de société
commerciale ».
Ce mouvement de dépénalisation a continué
en 2003 et 2004, par le biais de lois et d'ordonnances (loi du 1er août
2003 et deux ordonnances du 25 mars 2004 et du 24 juin 2004) abrogeant des
incriminations inappliquées ou formelles touchant par exemple le
manquement aux règles relatives au capital, au fonctionnement des
organes des sociétés ou la protection des droits des obligataires
et ou actionnaires et les remplaçant par des procédés
d'injonctions judiciaires ou encore de nullité au lieu et place de
sanctions pénales pures et simples.
Tout récemment et suite à l'élection
présidentielle de 2007, le Président SARKOZY a annoncé la
nécessité de continuer encore la dépénalisation du
droit français des affaires et une commission a été
chargé par la Garde des Sceaux de faire des propositions dans ce sens.
Ce qui est donc recherché désormais, c'est
l'efficacité de la sanction et sa pertinence en l'adaptant aux nouvelles
formes de criminalité d'affaires qui prend de nos jours des dimensions
transfrontalières35(*). En effet, la doctrine française s'accorde sur
le fait que l'inflation des sanctions pénales en droit des affaires
n'est pas toujours un gage d'efficacité et devrait quitter le domaine
des simples irrégularités formelles pour se concentrer sur les
délits les plus graves et correspondre aux préoccupations
contemporaines.
Au Maroc, dès la promulgation, le 30 Août 1996,
de la nouvelle loi sur les sociétés anonymes, des critiques se
sont élevées pour souligner les limites d'une «
« modernisation » par le biais d'une transposition
formelle, sans adaptation, des infractions édictées par les lois
françaises au milieu marocain en mettent l'accent
précisément sur le fait que,' au moment même où les
lois marocaines ont vu le jour, la réflexion sur la
dépénalisation du droit des sociétés était
très avancée et regrettant que les rédacteurs de la loi
n'aient pas mis à profit ces réflexions lors de son
élaboration36(*).
Comme pour la loi française de 1966, les effets pernicieux de la
prolifération des sanctions pénales prévues par ladite loi
risquent d'être amplifiées dans le contexte marocain où le
dispositif pénal pesant sur les dirigeants « risque
d'être utilisé comme un élément de
négociation, de menace ou de représailles dans les relations
entre dirigeants et associés » et la migration des dirigeants
des SA vers la forme de SARL observée depuis la promulgation de la loi
sur les SA s'explique en partie par ce risque et aussi par le caractère
familial et personnel prédominant dans les entreprises marocaines. Ces
entreprises, devraient, selon ces critiques, bénéficier d'un
dispositif allégé et moins contraignant par le maintien de
l'incrimination des seuls comportements intentionnels ou frauduleux, le renvoi
pour certains délits au droit pénal général, la
possibilité, chaque fois que c'est possible, de réparer les
omissions ou erreurs non intentionnelles et le renforcement des peines civiles
telles l'astreinte ou l'amende37(*)
Cet appel semble avoir été entendu depuis qu'un
projet de loi a été élaboré en 2005 par les
services du ministère du Commerce et de l'Industrie et mis en discussion
au niveau des Ministères concernés38(*).
En effet, la note de présentation de ce projet
précise le cadre de la réforme en soulignant qu'il
« reprend et adopte en partie les doléances exprimées
par les opérateurs économiques et ce, dans le sens non seulement
d'une adaptation de cette législation au contexte actuel mais
également en vue de répondre à certaines
préoccupations de chefs d'entreprises et de praticiens marocains qui
militent en faveur d'un assouplissement de la loi sur les
sociétés anonymes ». Ces assouplissements visent
également l'aspect pénal et notamment le dispositif relatif
à la responsabilité pénale des dirigeants de la
société anonyme.
Les principaux amendements composant ce projet de loi
modificatif s'articulent autour des axes suivants :
1- Assurer un meilleur équilibre des pouvoirs entre les
organes sociaux en consacrant le principe de la dissociation des fonctions de
président du conseil d'administration et celles de directeur
général et en clarifiant les missions du conseil d'administration
par rapport à celles du président et du directeur
général ;
2- Doter les sociétés d'un système de
fonctionnement plus transparent ;
3- Renforcer les droits des actionnaires ;
4- Améliorer les mécanismes de
contrôle ;
5- Adapter certains concepts et mécanismes juridiques
liés à la dynamisation du marché boursier ;
6- Alléger certains aspects relevant du
formalisme ;
7- Et enfin assouplir le volet pénal ;
L'allègement du dispositif pénal consisterait,
selon le projet de loi précité, dans :
- la suppression de la peine d'emprisonnement pour sept
infractions :
· l'émission irrégulière d'actions
dans la phase de constitution lorsqu'il s'agit de sociétés
fermées (art.378);
· l'émission d'actions irrgulière lors
d'une augmentation de capital lorsqu'il s'agit de sociétés
fermées avec réduction du taux de l'amende (ar.395);
· l'amortissement de la valeur nominale des actions du
capital par voie de tirage au sort (art.400);
· le défaut de convocation des commissaires aux
comptes aux assemblées d'actionnaires nécessitant la
présentation d'un rapport desdits commissaires (art.403) ;
· le défaut d'appel de fonds dans le délai
légal pour réaliser la libération intégrale du
capital ou en cas d'émission d'obligations avant cette libération
(art.408) ;
· l'inobservation des formalités de
publicité dans les délais légaux (art.420);
· le défaut de publicité de l'acte de
nomination du liquidateur ou en cas d'inobservation par ce dernier de la
formalité de dépôt au greffe et d'inscription au registre
du commerce des décisions prononçant la dissolution (art.421);
· la négociation irrégulière
d'actions
- la suppression de l'incrimination :
· de la déclaration, lors du dépôts
au greffe des documents de constitution, de faits matériellement faux ou
de l'omission de la totalité des opérations effectuées
pour la constitution (prévue à l'article 380) ;;
· de la négociation d'actions sans valeur nominale
ou d'actions d'apport avant l'expiration d'un certain délai
(art.381);
- la réduction du taux de l'amende :
· pour défaut de constatation des
délibérations du conseil d'administration par des procès
verbaux (art .385) ;
· pour non établissement des états de
synthèses, de l'inventaire et du rapport de gestion (art.386) ;
· pour défaut de réunion de
l'assemblée générale ordinaire dans les délais
requis ou de défaut de soumission, pour approbation à
l'assemblée, des états de synthèse annuels et du rapport
de gestion (art.388).
Conclusion du chapitre I
Le régime de la responsabilité pénale des
dirigeants de l'entreprise constitue la pierre angulaire du droit pénal
des affaires en général et du droit des sociétés et
des entreprises en difficulté en particulier. En effet, l'étude
de ce régime révèle la place centrale que la loi et la
jurisprudence confèrent au dirigeant de l'entreprise dans la mise en
oeuvre du dispositif pénal qui accompagne la naissance, le
fonctionnement de l'entreprise qu'elle soit in bonis ou en difficulté.
Gardienne de l'éthique et de la morale des affaires qui sont le
fondement de la responsabilité, la jurisprudence a joué un grand
rôle dans la construction de ce régime en s'attachant à
définir les éléments constitutifs de la direction de fait
que la loi s'est contentée de reconnaître pour étendre le
champ d'application de la responsabilité pénale aux dirigeants
sans en préciser les contours. En reconnaissant la
délégation de pouvoir comme cause possible d'exonération
de cette responsabilité, elle a tenu compte de la réalité
de la vie économique des entreprises et des impératifs d'une
organisation moderne et efficace pour l'accomplissement de ses missions et la
réalisation de leur objet social. Cette réalité que le
législateur a également intégrée dans sa politique
pénale pour adapter le régime de la responsabilité
à l'impératif d'efficacité et d'utilité de la
sanction pénale en insérant cette politique dans le double
mouvement de pénalisation des actes les plus graves et de
dépénalisation des actes ayant un caractère non
intentionnel ou une portée limitée39(*).
Mais que ce soit au Maroc ou en France, force et de constater
que les infractions phares fondatrices du noyau dur du droit pénal des
sociétés, à savoir le délit d'Abus de Biens Sociaux
et le délit de Banqueroute n'ont pas connu de bouleversements
importants. Ceci dénote sans doute l'importance que le
législateur continue à attacher à ces délits qui
sont symptomatiques de la dimension éthique et morale que la
société et les règles modernes de gouvernance d'entreprise
attachent à une saine gestion des affaires. Aussi nous a-t-il paru
intéressant du point de vue du droit marocain de consacrer le
deuxième chapitre du présent travail à ces deux
délits comme exemples d'illustration de la responsabilité
pénale des dirigeants de l'entreprise.
Chapitre II : Illustration de la
responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise à
travers le délit d'abus de biens sociaux et le délit de
banqueroute.
Le délit d'Abus de Biens sociaux et le délit de
banqueroute constituent le terrain d'étude privilégiéer de
la problématique de la responsabilité pénale des
dirigeants de l'entreprise. En effet, ce sont des délits dits
« de fonction » c'est-à-dire qui mettent en cause
principalement des dirigeants exerçant un mandat social en vertu des
dispositions légales ou statutaires de l'entreprise et, à ce
titre, ont donné lieu à des réflexions doctrinales et
à une jurisprudence abondante qui dénotent la sensibilité
des questions relatives à une bonne gouvernance de l'entreprise.
Section I : Le délit d'Abus de Biens
Sociaux (ABS)
Dans cette section nous rappellerons en premier lieu la
genèse de ce délit pour rappeler le contexte de son apparition en
droit moderne des sociétés et la finalité de sa
création par les législateurs Français et marocain (I).
Nous suivrons « la carrière » de ce délit
à travers la jurisprudence française notamment pénale soit
pour en déceler les apports pertinents, soit pour en souligner les
limites pour l'ABS marocain qui est « en début de
carrière » et ce à travers la confrontation des
dispositions légales marocaines avec des solutions jurisprudentielles
françaises que ce soit au niveau du champ d'application de cette
infraction (II), de la problématique de sa preuve (III) et de sa
répression et de sa prescription. (III).
I - Genèse de l'ABS
Pour ce qui est du droit En Ffrançais,
ce : un regard historique sur la genèse de ce
délit montre qu'il est à la fois Le délit d'abus de bien
sociaux est la fois ffort ancien et relativement récent40(*). Ancien dans la mesure
où la jurisprudence réprimait ce délit à travers le
délit d'abus de confiance sur le fondement de l'article 408 ancien du
code pénal et récent dans la mesure où dans sa
définition légale, il est apparu en 1935 pour la première
fois, en tant que délit autonome suite à des ffairesaffaires de
criminalité d'affaires retentissantes dont la plus célèbre
était l'affaire STAVISKY.
En effet, avant 1935, date à laquelle l'infraction a
tété érigée en délit autonome, les juges
réprimaient l'abus de biens sociaux en se référant
à un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 2
août 1845 rendu sur le fondement dudit article. qui dispose ......
Cette jurisprudence avait fait l'objet de nombreuses critiques
tenant à la fois au principesfois aux principes du droit pénal
et aux interprétations trop larges qu'il permettait au juge d'avancer
pour incriminer des faits constitutifs d'ABS. Ainsi, non seulement elle
était considérée comme violant le principe de la
légalité des délits et des peines, mais elle permettait
des condamnations même si le fait n'est pas commis dans un
intérêt personnel, les juges se contentant d'apporter la preuve
que les fonds détournés ont été utilisés
à des fins autres que celles convenues dans le mandat des
dirigeants.
Cette extension de l'article 408 avait été
critiquée par de nombreux auteurs. Notamment, Donnedieu de Vabre y
voyait une violation du principe de la légalité des délits
et des peines
(4). De plus,
l'article 408 restait un texte mal adapté au droit des
sociétés car, il ne permettait pas d'appréhender toutes
les situations dommageables. Par exemple, l'abus de confiance ne pouvait
être retenu à l'encontre d'un administrateur ayant donné
à bail un immeuble social à un prix dérisoire, moyennant
une commission personnelle donnée par le locataire. En effet l'abus de
confiance ne concerne que les biens mobiliers. C'est afin de combler ces
lacunes que le législateur a adopté le décret-loi
d'août 1935.
L'incrimination de l'abus de biens sociaux sous l'empire de
l'article 408 ancien du code pénal était à la fois plus
étendue et plus restreinte par rapport à l'incrimination actuelle
résultant de la loi de 1966, laquelle reprend les éléments
constitutifs de l'abus de biens sociaux défini par le décret-loi
de 1935. En effet, avant ce dernier, ni les poursuites ni les condamnations
n'exigeaient que les dirigeants aient agi dans leur intérêt
personnel. La jurisprudence était celle de l'abus de confiance et, il
suffisait d'établir que les fonds avaient été
utilisés à des fins étrangères à celles
auxquelles ils étaient destinés. Les condamnations étaient
donc fréquentes. De plus, les poursuites visaient aussi bien le
dirigeant social que n'importe quel mandataire social ou représentant
social. Aujourd'hui, le délit d'abus de biens sociaux ne concerne que le
président, l'administrateur, les directeurs généraux ou
les gérants
(5) et, il
n'exige pas un détournement de fonds au sens strict, dans la mesure
où tout usage abusif des biens ou du crédit de la
société est répréhensible.
Ainsi, Lle décret-loi du 8 août 1935 créa
finalement pour les sociétés par actions deux délits:
l'abus de biens sociaux ou du crédit de la société, et
l'abus des pouvoirs ou des voix,
(6). repris par
la loi française de 1966 sur les sociétés, laquelle a fait
l'objet de modernisation et de codification par le nouveau code de commerce.
Au Maroc, et jusqu'en 1996, le droit des
sociétés n'a pas connu la même évolution. En effet,
l'ABS institué par le décret-loi français de 1935 n'a pas
été étendu à ce droit et cela bien que le Dahir du
11 août 1922 sur les sociétés par actions ne faisait
qu'étendre au territoire du protectorat du Maroc la loi française
du 24 Juillet 1867, y compris ses dispositions pénales, laquelle loi
avait été remplacée par la loi de 1966 qui,
elle-même, a fait l'objet depuis sa publication d'un nombre incalculable
de modifications. C'est dire qu'en matière de responsabilité
pénale des dirigeants de l'entreprise et singulièrement d'ABS ni
le législateur du protectorat ni celui du Maroc indépendant n'ont
procédé à des bouleversements notables de cette
responsabilité malgré les occasions de modifications du dahir du
11 août 1922 intervenues entre 1931 et 1955 puis dans les années
soixante dix. Si bien qu'un « parallélisme absolu entre la
législation marocaine et l'ancienne législation française,
en matière de sociétés anonymes, est donc loin
d'exister » et toute « similitude est encore bien moins
apparente depuis la publication de la loi française du 24 juillet 1966
sur les sociétés commerciales.... » et a même
« constitué souvent une cause d'erreurs
graves »41(*)
.
La publication de la loi 17-95 sur la société
anonyme en 1996 et de la loi 05-96 sur les autres formes de
sociétés en 1997 a totalement changé la physionomie du
droit des sociétés et avec ces lois « nous nous
trouvons devant un nouveau droit pénal des sociétés
exhaustif, ciblé et largement inspiré du droit pénal
applicable dans le droit des affaires français »42(*). Cette évolution a
été dictée par une forte volonté politique
d'ouverture de notre pays à la mondialisation qui exige une mise
à niveau de l'environnement juridique et institutionnel afin de rassurer
l'investisseur étranger sur les conditions de l'exercice de son
activité dans le pays d'accueil. C'est donc en toute logique que,
soucieux de renforcer la transparence dans les relations d'affaires, le
législateur marocain a prévu le délit de bien sociaux dans
ces nouvelles lois en s'inspirant de la rédaction des dispositions
françaises de la loi du 24 Juillet 1966.
Depuis la publication de ces nouvelles lois, ni la doctrine ni
la jurisprudence marocaines n'ont encore offert l'occasion de
réflexions véritables sur la portée et les
spécificités des dispositions marocaines relatives l'ABS. Nous
essaierons, dans les passages qui suivent, de poser les premiers jalons de ces
réflexions à travers en étudiant les problématiques
déjà abordées par la doctrine et la jurisprudence
françaises afin de faire ressortir leur apport éventuel et leurs
limites tant en ce qui concerne le champ d'application de l'ABS qu'en ce qui
concerne sa preuve. les spécificitésmeiu marocain rent de
jurisprudence marocaine offre Si cette autorisation fait, cette mise à
niveau autorise l'établissement d'une approche la similitude que l'on
pouvait s'interdire dans l'étude Dans un souci de garantir cette
transparence, il étaitDès 1935, le champ d'application de l'abus
de biens sociaux a été étendu à d'autres formes de
sociétés
(7). Cependant,
l'abus de biens sociaux reste exclu pour certaines sociétés:
sociétés en nom collectif, sociétés en commandite
simple, sociétés en participation et société de
fait
(8).
La qualification d'abus de biens sociaux, à travers
l'article 408 du Code pénal, reste, encore aujourd'hui, juridiquement
envisageable. Mais elle ne pourrait déboucher sur aucune
conséquence tangible. En effet, les peines, prévues par la loi du
24 juillet de 1966, sont plus élevées
(9). D'ailleurs
les tribunaux choisissent la qualification d'abus de biens sociaux
,avantageuse, on le verra, sous tout point de vue.
II- Le Champ d'application de l'ABS
Le champ d'application de l'ABS peut être
identifié du point de vue de la victime du délit et du point de
vue de l'auteur de l'infraction. En ce qui concerne la victime, plusieurs
conditions doivent être réunies pour que l'on puisse parler de
d'ABS :
D'abord des conditions générales tenant aux
caractéristiques juridiques de la victime : celle-ci doit
être une entreprise à forme sociétaire jouissant de la
personnalité morale et ne faisant pas l'objet d'une procédure
collective. Cette première approche permet d'exclure du champ de
l'ABS :
- les entreprises individuelles
« dirigées » par des personnes physiques
exerçant une activité commerciale à titre individuel et
pour lesquelles la confusion du patrimoine personnel et du patrimoine
« entrepreunarial » ne permet pas de poursuite au titre de
l'ABS ;
- les personnes morales ne poursuivant pas un but lucratif
telles que les associations ; cependant, dans certaines
législations telles que la législation belge, l'ABS concerne
également ces associations.
- les personnes morales à forme sociétaire
n'ayant pas encore acquis la personnalité morale telsles que les
sociétés en cours de formation. En principe la
société en participation doit également être
exclue du champ d'application de l'ABS puisque cette société
n'est pas censée être connue des tiers et que les associés
n'ont pas entendu doter de la personnalité morale ; on verra cependant
que le législateur marocain a intégré cette
société dans le champ d'application de l'ABS ;
- la personnes morale à forme sociétaire en
difficulté, ce qui permet de distinguer l'ABS d'une infraction
très voisine, la Banqueroute qui suppose l'ouverture d'une
procédure collective et par conséquent la cessation de paiement.
Ainsi, à l'exception de quelques cas où elle a admis que des
détournements pouvant être directement à l'origine de la
cessation de paiement, peuvent justifier la poursuite au titre de la
banqueroute, la jurisprudence française considère toujours que
les détournements commis avant la cessation de paiement tombent sous le
coup de l'ABS.
Ensuite des conditions spécifiques
tenant à la catégorie de personne morale à forme
sociétaire considérée. Cet élément ne semble
pas à priori poser de problème particulier puisque en application
du principe général de droit consacré par les
constitutions françaises et marocaines, l'ABS est défini et
sanctionnée par les lois relatives aux sociétés
commerciales.
Cependant, il nous semble que, du point vue de la
responsabilité des dirigeants de l'entreprise cet élément
soulève la problématique du champ d'application de l'infraction
dont l'étude permet de déceler le degré de
cohérence de « la politique pénale » dans un
système juridique et politique donné.
A ce sujet, il convient de noter une différence
importante entre le droit marocain et le droit français.
Les dispositions pénales marocaines en matière
d'Abus de Bien Sociaux concernent toutes les formes de sociétés
commerciales (à l'exception toutefois de la société
anonyme simplifiée entre sociétés)43(*)sans exception. Ainsi, le
délit d'ABS a été d'abord prévu par la loi 17-95
pour les sociétés anonymes dont l'article 384 dispose :
« seront punis d'un emprisonnement de un à
six mois et d'une amende de 100.000 à 1.000.000 de DH ou de l'une de ces
deux peines seulement, les membres des organes d'administration, de direction
ou de gestion d'une société anonyme :
1°) qui........
2°) qui.....
3°) qui, de mauvaise foi, auront fait, des biens ou du
crédit de la société, un usage qu'ils savaient contraire
aux intérêts économiques de celle-ci
à des fins personnelles ou pour favoriser une autre
société ou entreprise dans laquelle ils étaient
intéressés directement ou indirectement ;
4°) qui de mauvaise foi, auront fait des pouvoirs qu'ils
possédaient et/ou des voix dont ils disposaient, en cette
qualité, un usage qu'ils savaient contraire aux
intérêts économiques de la
société, à des fins personnelles ou pour favoriser une
autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient
intéressés directement ou indirectement ».
Par la suite, la loi 05-96, dans son chapitre II
intitulé « des infractions et sanctions communes »,
a prévu à l'article 107, dans des termes
quasi-identiques44(*), le
délit d'ABS pour la SNC, la société en commandite simple,
la société en commandite par actions, la SARL et la
société en participation.
On peut contester la validité juridique de cette
extension de l'ABS, opérée par les lois marocaines sur les
sociétés, aux sociétés de personnes et aux
sociétés en participation. Pour les sociétés de
personnes en effet, comme le relève Madame le professeur Corinne
Mascala, « l'infraction ne peut être commise [par ces
sociétés], en raison du statut spécial des membres qui
sont tenus d'une responsabilité personnelle et
indéfinie »45(*). Le même raisonnement pourrait être
avancé pour les sociétés en participation car,
dépourvues de véritable personnalité morale, ces
sociétés sont conclues intuitu personae et s'apparentent à
des sociétés de personnes. Pour toutes ces
sociétés, la répression aux atteintes aux biens de la
société peut être obtenue au moyen du délit d'abus
de confiance prévu et puni par l'article 54746(*) du code pénal marocain
au lieu de l'abus de biens sociaux.
En France, dès 1935, le champ d'application de l'abus
de biens sociaux a été étendu à d'autres formes de
sociétés que les sociétés anonymes et les
sociétés en commandite par actions. Il a ainsi été
étendu d'abord à la SARL puis à d'autres formes de
sociétés tels que l'EURL ou encore à la SAS ou la SASU.
Cependant, à la différence du droit marocain, l'abus de biens
sociaux reste exclu pour les sociétés en nom collectif, les
sociétés en commandite simple, les sociétés en
participation. Sont également exclus les sociétés de fait.
.
Cette démarche législative consistant à
introduire cette infraction dans certaines structures juridiques et pas dans
d'autres a été critiquée par la doctrine française.
Dans une communication faite lors d'un colloque tenu à Paris en 2004,
Madame Annie MÉDINA47(*) souligne le manque de logique dans cette
différenciation qui compliquerait la tâche du juriste dans la
recherche de l'élément légal de l'infraction :
« On pourrait se dire qu'à l'origine, l'intention étant
de protéger l'épargne, le délit doit se trouver dans des
sociétés dans lesquelles l'épargne peut être
menacée et notamment dans les sociétés anonymes. Mais
pourquoi alors avoir étendu l'infraction à l'EURL ou encore
à la SAS ou la SASU ? Dans ces structures, en effet, il n'est pas
question d'épargne ». Elle met aussi l'accent sur la relative
inefficacité de cette extension dans la mesure où
« dans le délit d'abus de confiance, il y a une circonstance
aggravante lorsque le prévenu a utilisé l'appel public à
l'épargne ; dans le cadre du délit d'ABS, on ne trouve pas
de circonstance aggravantes par rapport au dirigeant qui aurait utilisé
des biens d'une société qui fait appel public à
l'épargne », ajoutant que « là aussi, on ne
peut pas dire que l'épargne soit la justification fondamentale de
l'infraction ».
A rappeler que la formulation du délit de biens sociaux
prévue par le nouveau code de commerce français, reprend
largement la définition de la loi française de 1966, qui a
elle-même inspiré le législateur marocain. Avec quelques
différences assez sensibles dont nous essaierons d'analyser plus loin la
portée juridique, on retrouve les mêmes éléments
constitutifs d'abus de biens sociaux :
- un usage des biens de la société, du
crédit, des pouvoirs ou des voix,
- un usage contraire à l'intérêt
social, ;
- un usage dans un but personnel ;,-
- la mauvaise foi du dirigeant. ;
L'étude de tous ces éléments montre la
richesse de la « production » jurisprudentielle
française à laquelle ce type d'infraction a donné lieu. La
problématique centrale posée par les cas traités par cette
jurisprudence se ramène principalement à la recherche de la
preuve établissant l'ABS. Etant donné leur similitude avec les
éléments posés par le droit marocain, l'examen des
solutions dégagées par cette jurisprudence présente donc
un intérêt certain afin d'en dégager les enseignements et
les limites en matière d'application éventuelle au contexte
marocain.
II - La preuve de l'ABS
A- L'usage
Après l'identification du dirigeant de droit ou de fait
responsable, il faut que le juge pénal apporte d'abord la preuve de
l'usage des biens, du crédit, des pouvoirs ou des voix.
La définition de cette notion est de la plus haute
importance du point de vue du droit pénal car elle constitue la
clé de voûte de l'élément matériel de cette
infraction. C'est ce qui explique l'abondance de la jurisprudence
française en la matière48(*).
Bien que certains pensent que cette notion n'a pas besoin
d'interprétation large, le simple usage étant suffisant
même sans détournement et même sans disposition49(*), la notion d'usage est
interprétée largement et souplement par la jurisprudence
française.
Matériellement, il peut s'agir d'actes de disposition
visant l'appropriation ou la dissipation des biens appartenant à la
société : le dirigeant utilise des sommes
prélevées dans la trésorerie de l'entreprise pour payer
des dépenses personnelles; il s'octroie personnellement ou à son
épouse des rémunérations manifestement abusives eu
égard aux fonctions exercées (Crim. 25 nov. 1975, Bull.crim.
n° 257 , JCP 1976, II, 18476 note Delmas-Marty), il utilise le personnel
de son entreprise pour faire effectuer des travaux à son domicile, il
fait cautionner par la société des dettes personnelles, il paie
l'essence de son véhicule personnel avec l'argent de l'entreprise ; il
verse sur son compte personnel des sommes dues à la
société (Crim. 3 oct. 1996 Rev. Soc. 1997, 369).
L'usage peut également consister en des actes
d'administration (prêts, avances d'argent). Mais qu'il s'agisse d'actes
d'administration ou de disposition, l'usage ne consiste pas seulement en des
actes positifs mais il peut résulter d'une omission ou en des omissions.
A ce sujet, la jurisprudence française a
été constante : ainsi un arrêt récent de la
chambre criminelle de la Cour de cassation ( Crim. 28 janvier 2004, RJDA 6/2004
n°4), en précisant clairement que l'acte d'usage peut
résulter non seulement d'une action, mais également d'une
omission volontaire qui a la nature d'un acte contraire à
l'intérêt social », a confirmé le principe
annoncé par cette chambre en 1972 (Crim. 15 mars 1972, Bull. crim
n°107) que l'abstention volontaire du dirigeant caractérise
l'infraction d'ABS lorsqu'elle est contraire à l'intérêt
social (en l'espèce il s'agissait d'une omission intentionnelle du
dirigeant de réclamer une créance que la société
détient sur une autre entreprise dans laquelle il a des
intérêts).
La jurisprudence française se montre intransigeante en
matière d'ABS dans la mesure où elle n'exonère pas un
dirigeant de sa responsabilité pénale lorsqu'il restitue les
sommes prélevées en considérant qu'un un usage même
temporaire suffit à qualifier l'acte d'abusif (Crim. 21 août
1991 , RJDA 1991, n° 1032 ).
B- L'objet de l'usage
La loi précise que l'usage doit porter sur les biens,
les pouvoirs ou les voix.
- Les biens sociaux sont ceux constituant l'actif de
l'entreprise composé des biens meubles et immeubles, corporels et
incorporels ;
- Le crédit vise la réputation de la
société, la confiance qu'elle suscite à l'égard des
tiers. Par exemple : cautionnement des dettes personnelles du dirigeant ;
signature comme endosseur ou avaliseur d'une lettre de change émise pour
une cause étrangère aux affaires sociales.
- Les pouvoirs sont les droits dont les dirigeants disposent
de par la loi ou les statuts.
La coexistence dans les textes d'incrimination d'objets
matériels de l'usage (les biens) et d'objets non matériels
(crédit, pouvoirs, voix) a suggéré à certains
auteurs que l'infraction d'ABS est en fait constituée de deux
« grands délits »50(*) : l'usage abusif des biens ou du crédit
de la société d'une part, et l'usage des pouvoirs et/ou des voix
d'autre part. Sans doute cette interprétation découle-t-elle de
l'énumération légale de ces deux catégories
d'objets de l'usage dans deux paragraphes séparés. En tout
cas, elle fait craindre un « dérapage » de la
jurisprudence qui pourrait ouvrir par le biais de l'abus de pouvoir la voie
à une immixtion du juge pénal dans la gestion de l'entreprise et
par conséquent une large répression.
Pour sa part, Madame le Professeur Corinne Mascala
relève que « ces distinctions relatives à l'objet de
l'acte d'usage sont assez difficiles à mettre en oeuvre pour les juges
du fond car souvent les cas sont mêlés », et
« il faut noter que dans la majorité des cas, l'usage abusif
des biens sociaux suppose un abus de pouvoirs... »51(*). Ainsi, il a été
jugé que constitue un abus de pouvoirs, mais également de biens,
le fait pour un dirigeant d'organiser une fusion-absorption dans un but
avantageux pour lui mais sans utilité économique pour la
société (Crim. 10 juillet 1995 bulletin crim. n° 253).
C- Le but de l'usage
Aussi bien la loi marocaine que la loi française
exigent que l'usage des biens, du crédit, des pouvoirs et/ou des voix
soit contraire aux intérêts de la société, à
des fins personnelles. Cette formulation pose deux problèmes :
- le premier problème est relatif à la nature et
au contenu de l'intérêt social ; sur cet aspect les
réponses de la jurisprudence française sont d'une portée
limitée pour l'interprétation des dispositions
législatives marocaines de cette notion ;
- le deuxième problème est relatif à la
question de savoir s'il est nécessaire d'établir que
« l'instrumentalisation » de l'usage des biens et des
pouvoirs vise cumulativement la contrariété des
intérêts de la
société « et » la recherche du but
personnel, ou bien seulement l'une ou l'autre ?
1- Notion d'intérêt de la
société (ou intérêt social) : nature et
contenu
En matière d'ABS, l'intérêt social est la
« bousssole » qui guide le
« capitaine » (dirigeant) du bateau (entreprise) dont la
navigation est éclairée par le phare que constitue le
délit d'abus de biens sociaux pour lui rappeler le principe sacro-saint
de la séparation de son patrimoine propre avec celui de
l'entreprise52(*). C'est
dire l'importance de la place de cette notion dans le dispositif global de
l'ABS eu égard justement à l'exigence de cette
séparation.
1- nature de l'intérêt
social
S'agissant de la nature de l'intérêt social, il
ne semble pas que la jurisprudence française ait été n'a
pas été plus précise que la loi qui s'est bien
gardée de définir la nature de l'intérêt social. La
chambre commerciale de la Cour de cassation qualifie cet intérêt
de général ou essentiel à la société. (Voir
Tricot, abus de droit dans les sociétés, RTDcom.1994, 622). La
chambre criminelle dans sa conception de l'intérêt social,
considère qu'il s'identifie avec la notion d'intérêt de
l'entreprise, (Crim.10 juillet 1995 , JCP 1996, éd. G, II, 22572 note
Paillusseau), dans un souci de protection des intérêts des
associés, actionnaires, créanciers et salariés. Dans son
attachement à l'approche purement
« institutionnelle » de l'intérêt social,
cette jurisprudence a même été contradictoire : «
d'une part, elle tend à élargir l'intérêt social
pour en faire celui de l'entreprise, de telle sorte que la répression
soit assurée malgré l'inertie de la société;
d'autre part, la Chambre criminelle rétrécit
l'intérêt social à celui des seuls associés en
refusant aux salariés et aux créanciers, victimes des abus des
dirigeants, le droit de se constituer partie civile »53(*). D'autre fois, elle
considère que l'intérêt social va au-delà de
l'intérêt des seuls associés et que sa fonction est de les
protéger. Ainsi, la chambre criminelle a considéré qu'il
s'identifie avec la notion d'intérêt de l'entreprise, dans un
souci de protection des intérêts des associés,
actionnaires, créanciers et salariés (Crim.10 juillet 1995 , JCP
1996, éd. G, II, 22572 note Paillusseau).
Le législateur marocain n'a pas laissé beaucoup
d'incertitudes quant à l'interprétation de la notion de
l'intérêt de l'entreprise. Pour lui il s'agit des seuls
« intérêts
économiques » de la société.
L'expression ainsi utilisée ne semble pas devoir laisser une grande
marge au juge pénal marocain qui ne devrait prendre en
considération pour l'incrimination du chef de l'ABS que les actes
portant atteinte aux « intérêts
économiques » de la société. Par contre,
l'expression pourrait l'inviter à préciser le contenu de ces
intérêts économiques. En tout état de cause, on peut
penser que par cette formule le législateur marocain a entendu limiter
les poursuites aux actes ayant des conséquences graves sur la
viabilité et la pérennité de l'entreprise, la notion
« d'intérêts économiques » renvoyant
aux aspects structurels de la gestion de l'entreprise, à son
équilibre financier, à sa viabilité et à sa
pérennité.
Si telle était l'intention du législateur
marocain, avisé peut être par le caractère
« attrape-tout » accolé à l'ABS
français et soucieux de maîtriser d'éventuels
débordements en la matière, on peut penser que le dirigeant
marocain serait à l'abri des risques de poursuites tous azimuts du chef
de cette infraction que les associés pourraient abusivement tenter
d'engager contre les dirigeants. L'ABS échapperait en tout cas, dans le
contexte sociologique spécifique au monde marocain des affaires, aux
critiques avancées à l'endroit des nombreuses sanctions
pénales empruntées par les lois marocaines à la
législation française sur les sociétés et
justifiées, entre autres, par le risque d'instrumentalisation de ces
sanctions à des fins « de négociation, de menace, ou de
représailles dans les relations entre dirigeants et
associés »54(*).
A l'inverse, la juge pénal marocain irait-il, au nom
de la stabilité de ces relations, jusqu'à exonérer des
actes d'une certaine gravité au motif que les intérêts
visés ne sont pas de nature économique ou qu'il admette, à
l'instar d'une partie de la jurisprudence initiale française, que des
actes illégaux ou illicites, telle que la corruption par exemple,
puissent échapper aux sanctions au motif qu'ils servent les
intérêts économiques de l'entreprise ? (Arrêt
Rosemain Crim. 11 janvier 1996 , Bull.crim. n°21, Dr.pénal 1996,
comm. n° 108; Rev.soc. 1996, 586 note Bouloc. En l'espèce, les
dirigeants d'une société avaient constitué une caisse
noire en prélevant périodiquement des fonds dans la
trésorerie de l'entreprise, pour rémunérer des
travailleurs dissimulés. L'infraction de travail dissimulé
était constituée, par conséquent, le but illicite, au sens
de la jurisprudence de 1992, paraissait manifeste. La Cour de cassation,
jugeant que l'intérêt de l'entreprise était
sauvegardé, n'a pas retenu la qualification d'abus de biens sociaux
).55(*)Pour conclure, il
reste à espérer que des formations économiques et
financières de haut niveau, verront le jour pour permettre aux
magistrats de combattre l'abus de biens sociaux dans une vision plus
économique de l'intérêt social. (Olivier de Benoist,
Marc-Antoine Maury, Alain Monkam : l'abus de biens sociaux et les actes
anormaux de gestion, Maîtrise en droit privé, mention droit des
affaires et droit fiscal - 1996-97,
Faculté Jean Monnet -
Université Paris-Sud)
En tout cas la jurisprudence française a
elle-même très sensiblement évolué et cette
évolution pourrait inspirer le juge pénal marocain en
matière d'incrimination d'actes contrariant les
« intérêts économiques » de
l'entreprise. Une jurisprudence française récente et
désormais constante retient la qualification d'Abus de Biens sociaux
lorsque cet abus est commis dans un but illégal et illicite exposant
l'entreprise à des « risques anormaux ».( CA Paris
23 mars 1999, JCP, E, 1999 p. 1657) qui peuvent être d'ordre pénal
ou fiscal (Cass.crim. 10 mars 2004, D. 2004, AJ, p.1240). Désormais,
avec cette jurisprudence, l'ABS « s'apparente à une infraction
de mise en danger de la société qui n'est pas sans évoquer
- adapté au droit des sociétés - le délit
général de mise en danger d'autrui incriminé par l'article
121-3 du code pénal »(56(*)).
A ce sujet, l'exemple belge pourrait être
également instructif : en introduisant le critère de
« l'usage ...significativement préjudiciable aux
intérêts patrimoniaux » de la personne morale.57(*) le législateur belge a
sans doute voulu éviter de transposer les inconvénients de la
formulation française de cette infraction. Une combinaison des deux
critères quantitatif et qualitatif du seuil significativement
préjudiciable permettrait d'éviter des poursuites au titre
de l'ABS lorsque le préjudice est de minime importance ou ne porte pas
atteinte à un élément essentiel de la personne morale et
de ses activités58(*).
2- Intérêt (s) de l'entreprise
« et » « ou » intérêt (s)
personnel (s) ?
La question est d'une grande importance, car elle met en cause
le principe de la légalité des délits et des peines et,
au-delà, les limites de l'intervention du juge qui risque de
déborder sa fonction d'interprétation stricte de la règle
pénale et porter atteinte à la liberté individuelle et
à la liberté d'entreprendre.
Pour une large partie de la doctrine française, le
cumul ne fait pas de doute et il n'y a pas de problème
d'interprétation de la loi: « L'acte d'usage contraire
à l'intérêt social n'est pas suffisant à la
réalisation de l'infraction, la loi exige en outre, que le dirigeant ait
agi à des fins personnelles ou pour favoriser une autre
société ou entreprise dans laquelle il était
intéressé directement ou indirectement.... En conséquence,
un acte contraire à l'intérêt social qui n'est pas
réalisé dans un but personnel ne devrait pas être
constitutif du délit d'abus de biens sociaux, en application des termes
de la loi » (59(*)).
Nous partageons cette interprétation qui paraît
juridiquement fondée sur un double plan :
- tout d'abord sur le plan de la spécificité de
l'ABS par rapport à d'autres infractions et notamment de l'abus de
confiance. En effet, ce qui fait l'autonomie et la particularité de
l'ABS, c'est précisément la nécessité de
démontrer que le délit est commis dans un double but : un
but contraire aux intérêts de la société et un but
personnel. L'ABS est venue combler un vide juridique en évitant que
l'abus de bien sociaux ne soit plus poursuivi sur la base de l'abus de
confiance, qui n'exige pas la démonstration du but personnel ;
- ensuite sur le plan de la cohérence de la
jurisprudence. Celle-ci admet, nous l'avons vu, l'incrimination non seulement
de l'acte positif mais aussi l'acte passif c'est-à-dire l'omission.
Concernant cette dernière, on peut par exemple, soutenir qu'un dirigeant
qui néglige de recouvrer une créance de son entreprise commet une
erreur de gestion non susceptible d'incrimination d'abus de bien sociaux
lorsque cette négligence n'est pas motivée par un
intérêt personnel. « En effet, si par cette omission le
dirigeant obtient un avantage, comme celui du règlement d'une commission
occulte, celui-ci userait, de manière indirecte et à des fins
personnelles, du crédit de l'être moral qu'il dirige et qu'il
s'agirait là d'un acte positif qui répondrait aux conditions
légales du délit d'abus de biens sociaux. »60(*). Ainsi, la négligence
de recouvrement de la créance est contraire à
l'intérêt de la personne morale mais cela ne suffit pas pour la
qualifier d'abus de biens sociaux. Il faut, pour cela que le dirigeant en tire
un profit personnel au détriment du profit de son entreprise.
Pourtant, la jurisprudence française n'a pas
été d'une grande lisibilité sur cette question
« En effet, souvent la Cour de cassation écarte cet
élément constitutif au mépris de la règle de
l'interprétation stricte de la loi pénale, lorsqu'elle admet la
condamnation sur le fondement de l'abus de biens sociaux de tous les actes qui
ont pour objet la commission d'un délit, sans rechercher si ce
délit profite personnellement aux prévenus. La Cour de cassation
met ainsi clairement l'accent sur l'usage contraire à
l'intérêt social qui est considéré comme
l'élément déterminant de l'infraction, et se montre en
revanche peu exigeante quant à la preuve du dol
spécial »61(*).
D'un autre côté, il faut bien reconnaître
que la jurisprudence n'est pas d'une lisibilité parfaite. Pourquoi ?
Parce qu'on nous a dit que dans un groupe de société, on pouvait
parfaitement, sous réserve de rester raisonnable, et de certaines
limites, admettre qu'il puisse y avoir un prêt d'argent d'une
société à une autre. Il s'agit du « fait justificatif
du groupe ». Bien sûr, il n'y a pas ici d'intérêt
personnel. Donc, dans certaines affaires, il n'y a pas d'intérêt
personnel mais on nous dit « abus de biens », et, dans d'autres cas,
il n'y a pas d'intérêt personnel et on dit « il n'y a pas
abus de biens ». C'est pour cette raison que je dis que la jurisprudence
n'est pas toujours lisible. De fait, depuis le 4 février 1985, il est
dit que dans les groupes de société, on peut admettre à
certaines conditions des transferts de fonds (il faut que cela reste
limité dans le temps, qu'il y ait contrepartie, etc.)... Et donc ici
nous avons une certaine entraide familiale qui est admise au sein des
sociétés. Ces derniers temps, on a pu observer que la
jurisprudence est, peut-être, un peu plus apaisée. En tout cas,
les effets médiatiques sont moins voyants qu'à certaines
époques.
D - L'intention criminelle de
l'usage
C'est l'élément moral constitutif de
l'infraction d'ABS qui n'existe que si le dirigeant commet l'abus
intentionnellement en ayant conscience qu'il porte atteinte à
l'intérêt de l'entreprise et qu'il poursuit un but personnel
contrariant cet intérêt social. C'est la signification des termes
« mauvaise foi » utilisés aussi bien par la loi
française que par les lois marocaines.
Madame le Professeur Corinne Mascala estime que l'exigence de
ce dol général pour la qualification du délit aurait pu
restreindre le champ d'application du délit d'abus de biens sociaux.
« Cependant, regrette-t-elle, la Cour de cassation considère
que la preuve de l'intention de nuire n'a pas à être
rapportée formellement, (Crim.3 fév.1970 , Bull.crim.n° 47).
Selon cette cour, « il suffit que le dirigeant ait conscience que
l'acte accompli est contraire à l'intérêt social. Cette
conscience découle implicitement des faits matériels objets de la
poursuite (Le dirigeant aura d'autant plus de difficultés à
rapporter la preuve de sa bonne foi, que sa qualité joue en sa
défaveur. En effet, un dirigeant de par ses fonctions, doit savoir
apprécier les conséquences de ses actes). On arrive ainsi,
à créer une présomption de mauvaise foi que le dirigeant
devra renverser pour éviter l'engagement de sa responsabilité
pénale (Ainsi, la constitution d'une caisse noire par un dirigeant, par
des prélèvements occultes de fonds sociaux, fait présumer
de son intérêt personnel (Crim. 20 juin 1996, Bull.crim.
n°271). ».62(*)
III - La poursuite et la répression et la
prescription dde l'ABS
A l'instar du code de commerce français, les lois
marocaines relatives aux sociétés commerciales n'ont pas
édicté de règles spécifiques en matière de
prescription de l'action publique contre l'ABS. Ce sont donc les règles
du code de procédure pénale qui s'appliquent : en droit
marocain comme en droit français le délai de prescription des
délits est de trois ans. En droit français le point de
départ de la prescription pose problème en raison de la
particularité de cette infraction, conduisant la jurisprudence
française a apporter atteinte au principe de l'application du point de
départ de la prescription des infractions instantanées, ce qui
est le cas de l'ABS, au jour de la commission de l'infraction63(*). En effet la chambre
criminelle de la cour de cassation tend à fixer le point de
départ de la prescription au jour où cette infraction est apparue
dans les comptes de la société, qui sont présentés
six mois après la clôture de l'exercice, tout en se
ménageant la possibilité de retenir une date postérieure
en cas de dissimulation du fait délictueux empêchant l'ABS
d'être révélée dans les comptes.
L'article 384 de la loi 17-95 punit le délit d'ABS
d'emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 100.000 à
1.000.000 DH(8000 à 80.0000 euros) ou de l'une de ces peines
seulement.
Section II : La Banqueroute
Le délit de Banqueroute est prévu par la loi
05-96 formant code de commerce aux articles 721 à 723. Ces articles
figurent au chapitre III du titre le titre V du livre V de cette loi
intitulé les difficultés de l'entreprise.
Ces articles font partie du dispositif régissant la
responsabilité des dirigeants de l'entreprise en difficulté
prévue par ledit titre V. En effet, l'article 702 dispose que les
« dispositions du présent Titre s'appliquent aux dirigeants de
l'entreprise individuelle ou à forme sociale ayant fait l'objet d'une
procédure qu'ils soient de droit ou de fait,
rémunérés ou non ». Ce titre prévoit
trois catégories de sanctions :
- les sanctions patrimoniales qui sont de deux ordres :
l'action en comblement du passif et l'extension de la procédure de
redressement ou de liquidation judiciaire aux dirigeants (articles 703
à 710) ;
- la déchéance commerciale (articles 711
à 720) ;
- la banqueroute et autres infractions (articles 721 à
723).
S'agissant de la Banqueroute l'article 721 définit
réprime les faits constitutifs de cette infraction comme suit :
« En cas d'ouverture d'une procédure de
traitement, sont coupables de banqueroute les personnes mentionnées
à l'article 702 contre lesquelles a tété relevé
l'un des faits ci-après :
1° avoir dans l'intention d'éviter ou de retarder
l'ouverture de la procédure de traitement, soit fait des achats en vue
d'une revente au dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour
se procurer des fonds ;
2°) avoir détourné ou dissimulé tout
ou partie de l'actif du débiteur ;
3°) avoir frauduleusement augmenté le passif du
débiteur ;
4°) avoir tenu une comptabilité fictive ou fait
disparaître des documents comptables de l'entreprise ou de la
société ou s'être abstenu de tenir toute
comptabilité lorsque la loi en fait obligation ».
Cette infraction est punie de un à cinq ans
d'emprisonnement et d'une amende de 10.000 à 100.000 Dh ou de l'une de
ces deux peines seulement et qu'encourent également les complices
même s'ils n'ont pas la qualité de dirigeants de l'entreprise. Les
dirigeants personnes reconnues coupables des faits constitutifs de banqueroute
encourent également, à titre de peine accessoire, la
déchéance commerciale.
En outre le code de commerce prévoit des règles
de procédure spécifiques à la banqueroute (725 à
727).
Nous examinerons donc successivement :
- le domaine et le champ d'application de la banqueroute
(I) ;
- les faits constitutifs de banqueroute (II) ;
- et les règles de procédures applicables en
matière de Banqueroute (III).
I- Domaine et champ d'application de la Banqueroute
en droit marocain des entreprises en difficulté
1- Le problème du domaine d'application de
la banqueroute
Aux termes de l'article 702 précité, la
banqueroute fait partie des infractions destinées à sanctionner
la responsabilité pénale des dirigeants des entreprises en
difficulté, c'est-à-dire celles « ayant fait
l'objet d'une procédure ». Mais l'article 721 relatif
aux faits constitutifs de Banqueroute est plus précis puisqu'il vise les
« cas d'ouverture
d'une procédure de traitement ». Cet article est
ainsi conçu :
« En cas d'ouverture d'une procédure de
traitement, sont coupables de banqueroute les personnes mentionnées
à l'article 702 contre lesquelles a été relevé l'
un des faits ci-après:
1) avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder
l'ouverture de la procédure de traitement, soit fait des achats en vue
d'une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour
se procurer des fonds;
2) avoir détourné ou dissimulé tout ou
partie de l'actif du débiteur;
3) avoir frauduleusement augmenté le passif du
débiteur;
4) avoir tenu une comptabilité fictive ou fait
disparaître des documents comptables de l'entreprise ou de la
société ou s'être abstenu de tenir toute
comptabilité lorsque la loi en fait l'obligation ».
Ces dispositions, posent un problème de
détermination du domaine d'application de la banqueroute.
En effet, l'article 702 est très large et laisse penser
que les poursuites pour banqueroute peuvent être
déclenchées lors de n'importe quelle procédure
prévue par le livre V du code de commerce relatif aux difficultés
de l'entreprise. Ce titre distingue trois grandes catégories de
procédures concernant les entreprises en difficulté :
- les procédures de prévention des
difficultés que sont la prévention interne d'une part et la
prévention externe par le biais du règlement amiable d'autre part
;
- la procédure de redressement judiciaire qui est
ouverte par un jugement « prononcé [par le tribunal] s'il
apparaît que la situation de l'entreprise n'est pas
irrémédiablement compromise (1ère phrase de
l'alinéa 1 de l'article 568) même si « l'entreprise
n'es pas en mesure de payer à l'échéance ses dettes
exigibles » ; le redressement judiciaire de l'entreprise intervient
à travers un plan de continuation ou un plan de cession (article
545, 2ème alinéa) ;
- la procédure de liquidation judiciaire qui
« est ouverte lorsque la situation de l'entreprise est
irrémédiablement compromise » (article 619,
1er alinéa).
Ainsi donc une interprétation très large de
l'article 702 laisse entendre que le tribunal est compétent pour
poursuivre tout fait constitutif de banqueroute relevé à
l'encontre d'un dirigeant d'une entreprise aussi bien au cours des
procédures non judiciaires de traitement des difficultés
(procédures de préventions interne et externe) qu'au cours des
procédures de traitement judiciaire (procédures dites
« collectives » de redressement judiciaire et de
liquidation judicaire ».
Une deuxième interprétation, fondée sur
l'article 721 susvisé, ne permettrait la poursuite qu'au cours des
procédures de traitement judicaires (redressement judiciaire et
liquidation judiciaire) excluant donc les procédures de traitement non
judiciaire.
Une troisième interprétation conduirait à
n'envisager la poursuite qu'en cas de redressement judiciaire car
« le traitement » au sens de l'article 721, est
défini ainsi qu'il suit par l'article 545 (2ème
alinéa) : « le traitement de l'entreprise
intervient à travers le redressement judiciaire par la
mise en place d'un plan de continuation ou d'un plan de cession ».
En d'autres termes, une interprétation très
large autoriserait le juge à engager les poursuites pour banqueroute
même au cours de procédures où les entreprises ne sont pas
en cessation de paiement (procédure de prévention,
procédure de règlement amiable). Par contre des
interprétations plus restrictives limiteraient le pouvoir de poursuite
pour délit de banqueroute, aux procédures ouvertes en cas de
cessation de paiement, à savoir le redressement judiciaire ou/et, selon
le cas, la liquidation judiciaire.
Le juge marocain sera certainement interpellé par
l'imprécision et les contradictions entre les différentes
dispositions ci-dessus rappelées. Nous pensons que face à ces
différentes positions, celle qui préconise une
interprétation large nous semble celle qu'il devra retenir.
En effet, il faut noter que l'article 721 du nouveau code de
commerce ne fait plus référence à la cessation de paiement
comme condition de déclenchement des poursuites au titre de cette
infraction, condition qui figurait dans les anciennes dispositions des articles
556 à 56964(*) du
code pénal marocain relatives à la Banqueroute65(*). La suppression de cette
référence peut sans doute être interprétée
comme ouvrant au juge la possibilité de poursuivre les faits
constitutifs de banqueroute lorsqu'ils sont relevés au cours des
procédures de traitement non judiciaire des difficultés et en
l'absence de cessation paiement. Malgré la sévérité
de cette solution, elle aurait au moins, du point de vue de la politique
pénale, un effet dissuasif sur le dirigeant malhonnête qui
serait tenté de couvrir des faits de nature frauduleuse ayant conduit
à des difficultés, par la demande d'ouverture d'une
procédure de prévention dans le but de se qui aurait pour effet
de le soustraire à une éventuelle poursuite pour des faits
relevant de cette infraction.
Il convient de souligner que le législateur
français n'a laissé aucune ambiguïté sur le domaine
d'application de la banqueroute : l'article L. 654-2 du code de commerce
français « exige, pour engager des poursuites sur le fondement
de la banqueroute, qu'il y ait eu ouverture d'une procédure de
redressement ou de liquidation judiciaires. Cela signifie que le juge
pénal ne peut être saisi de faits de banqueroute tant qu'il n'y a
pas eu de jugement du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance
ouvrant une procédure. Il faut souligner que les poursuites ne sont pas
recevables dans le cadre d'une procédure de
sauvegarde. »66(*). De plus, si le juge pénal français
demeure « tenu par l'existence du jugement d'ouverture qui est une
condition préalable à l'exercice de l'action publique, ... en
revanche il n'est pas soumis à son contenu » 67(*) : la Chambre criminelle
de la Cour de Cassation confère toujours de larges pouvoirs au juge
pénal, considérant qu'il demeure libre de retenir une date de
cessation des paiements autre que celle fixée par le tribunal de
commerce : « le juge répressif , pour déclarer
constitué le délit de banqueroute, a le pouvoir de retenir, en
tenant compte des éléments soumis à son
appréciation, une date de cessation des paiements autre que celle
déjà fixée « par la juridiction qui a ouvert la
procédure collective (Crim. 18 novembre 1991, D. 1992, I.R., 54; JCP
1992, IV, 726 ; 27 nov. 1997 Bull. n° 405)68(*).
2- Le champ d'application de la
Banqueroute
Fondement légal et Champ
d'applicationL'article 721 s'applique aux personnes visées
à l'article 702, à savoir les « dirigeants de
l'entreprise individuelle ou à forme sociale ayant fait l'objet d'une
procédure qu'ils soient de droit ou de fait,
rémunérés ou non ». Par conséquent sont
visés :
- la personne physique ayant la qualité de
commerçant ;
- les dirigeants de droit l'entreprise
à forme sociale, à savoir le ou les dirigeants de droit :
o de l'entreprise à associé unique, en
l'occurrence la SARL à associé unique ;
o des autres sociétés commerciales telles que
nous les avons identifiés au chapitre I de la présente
étude. Il faut bien entendu tenir compte, en ce qui concerne la
société anonyme à conseil d'administration, de la
distinction implicite faite par la loi 17-95 entre l'administrateur dirigeant
et l'administrateur non dirigeant pour exclure ce dernier du champ
d'application de la Banqueroute69(*) ;
o des sociétés civiles qui sont « des
entreprises à forme sociale » au sens de l'article 721
ci-dessus.
- les dirigeants de fait de
l'entreprise à forme individuelle ou de l'entreprise à
forme sociale entendues au sens des personnes physiques ou morales ci-dessus
énumérées.
Il reste entendu que les constructions jurisprudentielles
relatives à la notion de dirigeant de fait sont applicables pour la
détermination du dirigeant de fait pénalement responsable au
titre du délit de Banqueroute.70(*) Il en est de même des solutions
jurisprudentielles en matière de délégation de pouvoirs
comme cause d'exonération des dirigeants de droit de cette
responsabilité au titre de faits constitutifs de banqueroute.71(*)
I- - réforme profonde du délit de banqueroute
par le nouveau code de commerce
o champ d'application
o des faits constitutifs de la B
- comparaison :
o ancien texte ;
§ bs et bf pour commerçant et
société
II- Les Faits constitutifs de
BanqueroutePreuve
Ils sont au nombre de quatre et sont quasi identiques dans
leur formulation aux quatre premiers faits prévus par l'article L. 654-2
du code de commerce français (qui prévoit un cinquième
fait). Nous étudierons donc ces quatre faits à la lumière
des apports de la doctrine et de la jurisprudence françaises.72(*)
1- avoir, dans l'intention d'éviter
ou de retarder l'ouverture de la procédure de traitement, soit fait des
achats en vue d'une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens
ruineux pour se procurer des fonds;:
Concernant ce fait, il faut noter que la seule
différence avec le texte français concerne, comme nous l'avons
souligné, plus haut son domaine d'application. Les poursuites pour ce
fait peuvent être engagées, pensons-nous, lorsque le fait vise
à retarder « la procédure de traitement »
entendue au sens large y compris les procédures non judicaires à
la différence du texte français qui exige que le fait vise
à retarder uniquement l'ouverture d'une procédure de redressement
judicaire. En dehors de cette précision nous pensons que les solutions
retenues par la doctrine et la jurisprudence françaises relativement aux
éléments matériel et moral de ce fait peuvent être
retenues dans le cas du texte marocain.
Ainsi, concernant la première hypothèse relative
à l'achat en vue de la revente au dessus du cours, il s'agit de la
revente à perte, celle-ci pouvant être constatée en
comparant le prix d'achat effectif, entendu comme le prix porté sur les
factures, avec le prix de vente.
Concernant la deuxième hypothèse relative
à l'emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds, le juge
répressif est appelé à apprécier le
caractère ruineux.
Tout d'abord il doit s'agir d'un acte positif, car la
« notion d'emploi de fonds suppose un ou des actes permettant
d'obtenir ou de faire rentrer des fonds et non pas une simple abstention de
payer une dette légitimement préexistante ».73(*)
Ensuite, pour être caractérisé d'emploi
ruineux, il faut que l'acte lèse l'entreprise : ainsi
« la revente systématique de matériels sans
remboursement de crédits consentis à la société ne
caractérise pas l'emploi de moyens ruineux dès lors que les prix
de vente étaient normaux et que la société n'a pas
été lésée ».74(*)
En revanche, « constitue le délit de Banqueroute
par emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds l'escompte de fausses
factures et de traites de complaisance dont le coût ne peut qu'aggraver
la situation financière de l'entreprise »75(*).
2 - avoir détourné ou
dissimulé tout ou partie de l'actif du débiteur
Il s'agit ici de réprimer l'atteinte aux biens de
l'entreprise qui constituent le gage des créanciers. La jurisprudence
considère comme détournement ou dissimulation de bien tout acte
comme tout acte de dissipation volontaire que cet acte soit positif ou
négatif. « Par exemple des retraits de fonds
injustifiés, des augmentations de salaire sans motifs, la location de
locaux inutiles pour léser les créanciers en diminuant
l'étendue du patrimoine social...Crim. 11 mai 1995, Bull. n° 172 ;
23 oct . 1997, JCP 1999, E,321 : un paiement en espèces peut constituer
un détournement d'actif si le débiteur et le créancier
sont une seule et même personne agissant sous deux qualités ; 29
mars 2000, Bull. n° 141 : dissimulation du prix de vente d'un
élément d'actif »76(*).
La problématique posée par les actes de
détournement est celle de leur distinction de l'abus de biens sociaux.
L'enjeu est important, car les éléments matériel et moral
de ces deux types de délits étant différents, leur
qualification est différente et donc l'étendue des poursuites
n'est pas la même. Ainsi, il est plus facile de poursuivre le
délit de Banqueroute qui n'exige pas la preuve de la poursuite du but
personnel que le délit d'abus de biens sociaux qui nécessite
l'apport de cette preuve.
La jurisprudence française a résolu ce
problème en considérant qu'en dehors d'une procédure de
redressement ou de liquidation judiciaire, les actes de détournements
seraient constitutifs d'abus de biens sociaux. Mais dès lors qu'une
procédure de redressement ou de liquidation judiciaires est ouverte, la
qualification de banqueroute doit être retenue.
« Le critère de choix entre les deux
qualifications est chronologique : avant la date de cessation des
paiements, la qualification retenue est celle d'abus de biens sociaux puisque
l'entreprise est in bonis ; après la date de cessation des
paiements, le juge pénal doit retenir la qualification de banqueroute
puisque l'entreprise est soumise aux règles spéciales de la
procédure collective . Cette solution est réaffirmée dans
des arrêts récents par la Cour de cassation ( Crim. 30 juin 2004,
Dr .pén. 2004 com. n°147 ; 23 oct 1997, JCP 1999,
321) ».77(*)
Comme nous l'avons essayé de le démontrer
à propos du domaine d'application de la banqueroute en droit marocain,
l'application intégrale de cette solution au contexte marocain ne
paraît pas évidente. En effet, nous avons souligné que les
formulations de la loi marocaine semblent permettreent la poursuite du de
poursuivre le délit de banqueroute même en cas de
procédures non judiciaires de traitement des difficultés de
l'entreprise, tel que les procédures de prévention interne ou
externe (règlement amiable) qui n'exigent pas la cessation de paiement.
Aussi et pour qualifier l'acte de détournement de délit de
banqueroute ou d'abus de bien sociaux, le juge marocain serait appelé
à distinguer selon que l'acte est commis avant ou après
l'ouverture de la procédure de traitement considérée (non
judiciaire ou judiciaire, selon les cas) et non pas nécessairement selon
le critère de la date de cessation de paiement.
3 - avoir frauduleusement augmenté
le passif du débiteur :
4) avoir tenu une comptabilité fictive ou fait
disparaître des documents comptables de l'entreprise ou de la
société ou s'être abstenu de tenir toute
comptabilité lorsque la loi en fait obligation.
Pour examiner la portée de chacun des termes de ces
faits constitutifs de Banqueroute, on peut s'inspirer des interprétions
de la jurisprudence française78(*).
- est fictive une comptabilité qui ne retrace pas des
opérations réelles de l'entreprise, et qui donne en apparence une
image avantageuse de l'entreprise, par exemple l'enregistrement de factures
fictives ;
- la disparition de documents comptables peut être
totale ou partielle et réalisée par soustraction ou destruction.
Le retard dans la fourniture des comptes aux organes de la procédure est
assimilé à une absence de comptabilité ; Il faut donc
déduire de cette jurisprudence que la non-production spontanée
d'une comptabilité dont l'existence n'est pas apparemment remise en
cause puisque sa réalité était attestée par
l'expert-comptable, est assimilable à une disparition de documents
comptables. Cette « solution est critiquable car elle est contraire
à deux principes fondamentaux en matière pénale : le
principe de l'interprétation stricte de la loi et celui, qui en
découle, de l'interdiction faite aux juges répressifs de recourir
à l'interprétation analogique. »
- l'absence de comptabilité lorsque les textes
applicables en font obligation s'entend de l'absence totale de
comptabilité exigée par ces textes pouvant concerner des
exercices comptables antérieurs à l'ouverture de la
procédure considérée.
L'article 626-2 du code de commerce français comporte
un cinquième fait passible de sanction au titre de banqueroute :
« Avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète
ou irrégulière au regard des dispositions
légales ». L'objectif du législateur était de
combler les lacunes de la répression concernant les malversations
comptables qui ne pouvaient pas tomber sous le coup de la loi pénale en
l'absence de texte d'incrimination. En effet, le quatrième cas de
banqueroute ne permettait pas légalement de sanctionner les
comptabilités dans lesquelles il manquait des pièces, ce qui ne
pouvait pas être assimilé à une absence de
comptabilité. Le cinquième cas de banqueroute vise deux
hypothèses : la première consiste en la tenue d'une
comptabilité manifestement incomplète. Cela correspond à
la situation où des pièces comptables essentielles font
défaut, par exemple l'absence de certains livres obligatoires ou celle
du bilan. La seconde concerne la tenue d'une comptabilité en violation
des principes comptables imposé par le code de commerce de
fidélité, prudence, permanence et loyauté, ce qui est un
instrument de transparence et de contrôle, art. L. 123-14 alinéa 1
et L. 123-17 du code de commerce.
Ce dernier cas n'a pas été modifié par la
loi nouvelle, donc il ne peut s'appliquer qu'aux hypothèses où la
loi - entendu au sens strict - impose la tenue d'une comptabilité.
III- Répression, prescription et voies de
recours
Aux termes de l'article 725 du code de commerce marocain,
« la juridiction répressive est saisie soit sur la poursuite
du ministère public, soit sur constitution de partie civile du
syndic ». Les décisions intervenues dans ce cadre
« sont notifiées aux parties par le secrétaire
greffier. Elles sont mentionnées au registre du commerce,
publiées par un extrait dans un journal d'annonces légales et au
Bulletin Officiel, et affichées au panneau réservé
à cet effet au tribunal » (article 710).
La prescription de l'action publique ne court que du jour du
jugement prononçant l'ouverture de la procédure de traitement
lorsque les faits sont apparus avant cette date (article 725).
La constitution de partie civile est très
limitée dans le code marocain : elle n'est admise que pour le
syndic et par conséquent seulement en cas de procédure de
redressement et de liquidation judiciaire puisque cet organe des
procédures de traitement des difficultés de l'entreprise n'est
institué qu'en cas d'ouverture de la procédure de redressement
judiciaire et de l'ouverture de la liquidation judiciaire. Cette constitution
n'est donc pas recevable en cas de poursuite lors des procédures de
traitement non judiciaire de ces difficultés. Le code de commerce
français limite également la constitution de partie civile aux
cas de poursuites engagées dans le cadre des procédures de
redressement et de liquidation judiciaires, mais la constitution de partie
civile est ouverte à tous les organes et autres parties
intéressées par les procédures : à
l'administrateur, au mandataire judiciaire, au représentant des
salariés, au commissaire à l'exécution du plan , au
liquidateur et à la majorité des créanciers nommés
contrôleurs dans l'hypothèse où le mandataire n'exercerait
pas les actions. Mais le créancier à titre individuel n'est pas
admis à se constituer partie civile : « Cette situation
est d'autant plus fâcheuse que les constitutions de partie civile des
mandataires de justice sont rarissimes »79(*).
D'ailleurs, la chambre criminelle atténue la rigueur de
l'éviction du créancier individuel civil de la procédure
en admettant la recevabilité des constitutions de partie civile par le
créancier à titre individuel, sur le fondement de la banqueroute,
en application de l'article 2 du code français de procédure
pénale qui dispose que l'action civile en réparation du dommage
appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage
directement causé par un crime ou un délit. Cette jurisprudence
est parfaitement applicable dans le cas marocain dont le code de
procédure pénale édicte une règle identique :
« l'action civile en réparation du dommage causé par un
crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui
ont personnellement subi un dommage corporel, matériel ou moral,
directement causé par l'infraction » (article 7). Les
mêmes conditions exigées par cette jurisprudence devraient alors
être remplies : le préjudice doit être actuel, certain,
personnel au créancier qui met l'action civile en mouvement et
directement causé par l'infraction poursuivie (Si le créancier ne
remplit pas ces conditions, irrecevabilité de la constitution de partie
civile. Voir. Par ex. Cass.crim. 10 avril 1995, Rev.proc.coll. 1996,p.137
n°5 obs . C. Mascala). et il peut s'agir d'un préjudice moral.
Quant aux sanctions il y a lieu de relever leur
particularité dans le cas du droit marocain : comme pour l'ABS, la
banqueroute est punie de peines d'emprisonnement et de peines d'amendes ou de
l'une de ces peines seulement. Toutefois, le degré de
sévérité de chacune de ces peines est
différent : dans l'ABS, le législateur privilégie la
sanction pécuniaire qui peut varier entre 100.000 et 1.000.000 DH (entre
8000 et 80.000 euros) , la peine d'emprisonnement
étant relativement clémente (entre un et six mois) ;
dans la banqueroute, la peine d'emprisonnement est sévère (un an
à cinq ans), la peine pécuniaire pouvant varier entre 10.000 DH
(800 euros) et 100.000 DH (8000 euros). elles sont plus sévères
dans la loi française qui prévoit le cumul de la peine
d'emprisonnement (cinq ans) et de l'amende (75 000 euros). La loi marocaine
laisse la possibilité au juge de prononcer la peine de l'emprisonnement
(de un an à cinq ans) et la peine d'amende (10.000 à 100.000 DH)
ou l'une de ces deux peines seulement.
Les personnes coupables, encourent également, à
titre de peine accessoire, la déchéance commerciale (article
723). La déchéance commerciale emporte interdiction de diriger,
gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement,
toute entreprise commerciale ou artisanale, et toute société
commerciale ayant une activité économique (Article 711) pour qui
ne peut être inférieure à cinq ans (article 719).
Les recours contre les décisions rendues en
matière de banqueroute et autres sanctions sont soumis aux dispositions
du code de procédure pénale (article 732).
CConclusions du Chapitre II
L'étude du régime des infractions de l'ABS et de
la Banqueroute a permis de relever la forte similitude des deux infractions en
droit pénal marocain et français des sociétés et
des entreprises en difficulté quant à leurs
éléments matériel et moral. Cependant,
l'interprétation de certaines dispositions marocaines
révèle la particularité de ce régime en droit
marocain. Bien que la jurisprudence française offre une source
d'inspiration précieuse pour la mise en oeuvre éventuelle de
solutions appropriées par le juge marocain, ce dernier devra sans doute
tenir compte des spécificités des dispositions marocaines afin de
faire oeuvre d'interprétation originale notamment en ce qui concerne la
notion d' « intérêt économique »
de l'entreprise dans le cas de l'ABS et le champ d'application de la
banqueroute. Ces deux infractions cristallisent des enjeux juridiques, sociaux
et économiques très importants et il appartient au juge marocain
de faire oeuvre d'ingéniosité afin de concilier entre
différentes exigences : liberté individuelle et exigence
d'éthique dans les affaires, liberté d'entreprendre et exigence
de transparence du système économique, paix sociale et sens de
responsabilité du chef d'entreprise.
Conclusion Générale
Le régime de la responsabilité pénale des
dirigeants de l'entreprise constitue la pierre angulaire du droit pénal
des affaires en général et du droit des sociétés et
des entreprises en difficulté en particulier. En effet, l'étude
de ce régime révèle la place centrale que la loi et la
jurisprudence confèrent au dirigeant de l'entreprise dans la mise en
oeuvre du dispositif pénal qui accompagne la naissance, le
fonctionnement de l'entreprise qu'elle soit in bonis ou en difficulté.
Gardienne de l'éthique et de la morale des affaires qui sont le
fondement de la responsabilité, la jurisprudence a joué un grand
rôle dans la construction de ce régime en s'attachant à
définir les éléments constitutifs de la direction de fait
que la loi s'est contentée de reconnaître pour étendre le
champ d'application de la responsabilité pénale aux dirigeants
sans en préciser les contours. En reconnaissant la
délégation de pouvoir comme cause possible d'exonération
de cette responsabilité, elle a tenu compte de la réalité
de la vie économique des entreprises et des impératifs d'une
organisation moderne et efficace pour l'accomplissement de ses missions et la
réalisation de leur objet social. Cette réalité que le
législateur a également intégrée dans sa politique
pénale pour adapter le régime de la responsabilité
à l'impératif d'efficacité et d'utilité de la
sanction pénale en insérant cette politique dans le double
mouvement de pénalisation des actes les plus graves et de
dépénalisation des actes ayant un caractère non
intentionnel ou une portée limitée80(*).
Mais que ce soit au Maroc ou en France, force et de constater
que les infractions phares fondatrices du noyau dur du droit pénal des
sociétés, à savoir le délit d'Abus de Biens Sociaux
et le délit de Banqueroute n'ont pas connu de bouleversements
importants. Ceci dénote sans doute l'importance que le
législateur continue à attacher à ces délits qui
sont symptomatiques de la dimension éthique et morale que la
société et les règles modernes de gouvernance d'entreprise
attachent à une saine gestion des affaires.
L'étude du régime des infractions de l'ABS et de
la Banqueroute, comme exemples d'illustration de la responsabilité
pénale des dirigeants de l'entreprise marocaine a permis de relever la
forte similitude des deux infractions en droit pénal marocain et
français des sociétés et des entreprises en
difficulté quant à leurs éléments matériel
et moral. Cependant, l'interprétation de certaines dispositions
marocaines révèle la particularité de ce régime en
droit marocain. Bien que la jurisprudence française offre une source
d'inspiration précieuse pour la mise en oeuvre éventuelle de
solutions appropriées par le juge marocain, ce dernier devra sans doute
tenir compte des spécificités des dispositions marocaines afin de
faire oeuvre d'interprétation originale notamment en ce qui concerne la
notion d' « intérêt économique »
de l'entreprise dans le cas de l'ABS et le champ d'application de la
banqueroute. Ces deux infractions cristallisent des enjeux juridiques, sociaux
et économiques très importants et il appartient au juge marocain
de faire oeuvre d'ingéniosité afin de concilier entre
différentes exigences : liberté individuelle et exigence
d'éthique dans les affaires, liberté d'entreprendre et exigence
de transparence du système économique, paix sociale et sens de
responsabilité du chef d'entreprise.
Bibliographie sélective
I- Ouvrages, cours
1°) Corinne Mascala, Cours sur le risque
pénal, polycop, ISCAE - Université de Toulouse 1, Casablanca,
année 2006-2007 ;
2°) Rachid Lazrak, Le nouveau Droit
pénal des sociétés, au Maroc, éditions La Porte,
Casablanca, 1997 ;
3°) Jean Paul Antona, Philippe Colin et
François Lengarlt : la responsabilité pénale
des cadres et des dirigeants dans le monde des affaires, Dalloz-Delta,
1996
4°) Paul Le Cannu, Droit des
sociétés, Montchrestien, 2ème édition, 2003.
II- mémoires
1°) Fabien Billet, Arthur Descamps et Benjamin
Herman : « Etude comparative de la
responsabilité des dirigeants d'entreprises en faillite »,
Université Sorbonne-Panthéon, DEA de Droit Economique Francophone
(2004-2005) :
2°) Ivan TCHOTOURIAN : La morale en
droit des affaires : La pratique et la technique doivent plier plutôt que
sacrifier l'éthique, Université Nancy 2,
Faculté de droit, sciences économiques et gestion
3°) « La responsabilité des dirigeants
des sociétés commerciales », mémoire collectif
préparé sous la direction du Professeur Yves Chaput,
Université de paris I Panthéon, année académique
2004-2005
4°) Gatien-Hugo RIPOSSEAU :
« Pénalisation et
dépénalisation » (1970-2005),
Mémoire de Master II- recherche droit pénal et sciences
criminelles, sous la direction de Jean-Paul Jean , Université de
Poitiers, Faculté de droit et sciences sociales ,
année 2004/2005
5°) Olivier de Benoist, Marc-Antoine Maury, Alain
Monkam : l'abus de biens sociaux et les actes anormaux de
gestion, Maîtrise en droit privé, mention droit des affaires et
droit fiscal - 1996-97,
Faculté Jean Monnet -
Université Paris-Sud
III- Articles, communications
1°) Corinne
Mascala,, « la recherche de l'efficacité du
droit pénal des affaires », collection colloques et
débats, LITEC.
2°) Corinne Mascala, les
finalités de l'évolution législative du droit pénal
des affaires, in « Les droits et le droit »,
mélanges dédiés à Bernard Bouloc, Dalloz
3°) actes du colloque « l'abus
de biens sociaux : le particularisme français à
l'épreuve de l'Europe », organisé par le CERED, Paris
2004.
des infractions d'ABS et de la banqueroute
Annexes
Extraits de textes législatifsAnnexe
I :
Dispositions pénales applicables aux
sociétés anonymes
Extraits de la Loi n° 17-95 relative aux
sociétés anonymes promulguée par le Dahir n° 1-96-124
du 14 rabii II 1417 (30 août 1996) Bulletin officiel n° 4422 du 4
joumada II 1417 (17 octobre 1996)
Titre XIV' : Des Sanctions
Pénales
Chapitre premier : Dispositions
générales
Article 373 : Au sens du
présent titre, l' expression membres des organes d' administration, de
direction ou de gestion désigne :
- dans les sociétés anonymes à conseil d'
administration, les membres du conseil d' administration y compris, le
président et les directeurs généraux extérieurs au
conseil;
- dans les sociétés anonymes à directoire
et à conseil de surveillance, les membres de ces organes.
Article 374 : Les dispositions du
présent titre visant les membres des organes d' administration, de
direction ou de gestion seront applicables à toute personne qui,
directement ou par personne interposée, aura, en fait, exercé la
direction, l' administration ou la gestion de sociétés anonymes
sous le couvert ou aux lieu et place de leurs représentants
légaux.
Article 375 : Les sanctions
prévues au présent titre sont portées au double en cas de
récidive.
Par dérogation aux dispositions des articles 156 et 157
du code pénal, est en état de récidive, au sens de la
présente loi, quiconque ayant fait précédemment l' objet
d' une condamnation par jugement ayant acquis la force de la chose jugée
à une peine d' emprisonnement et/ou à une amende, commet le
même délit.
Article 376 : Les dispositions
pénales de la présente loi ne sont applicables que si les faits
qu'elles répriment ne peuvent pas recevoir une qualification
pénale plus grave en vertu des dispositions du code pénal.
Article 377 : Par dérogation
aux dispositions des articles 55, 149 et 150 du code pénal, les amendes
prévues par la présente loi ne peuvent être réduites
au-dessous du minimum légal et le sursis ne peut être
ordonné que pour les peines d' emprisonnement.
Chapitre II : Des infractions relatives à la
constitution
Article 378 : Seront punis d' une
amende de 4.000 à 20.000 dirhams, les fondateurs, les membres des
organes d' administration, de direction ou de gestion d' une
société anonyme qui auront émis des actions, soit avant l'
immatriculation de ladite société au registre du commerce, soit
à une époque quelconque, si l' immatriculation a
été obtenue par fraude, soit encore sans que les
formalités de constitution de ladite société aient
été régulièrement accomplies.
Un emprisonnement de un à six mois pourra, en outre,
être prononcé si les actions ont été émises
sans que les actions de numéraire aient été
libérées à la souscription d' un quart au moins ou sans
que les actions d' apport aient été intégralement
libérées antérieurement à l' immatriculation de la
société au registre du commerce.
Seront punies des peines prévues à l'
alinéa précédent, les mêmes personnes qui n'auront
pas maintenu les actions de numéraire en la forme nominative
jusqu'à leur entière libération.
Les peines prévues au présent article pourront
être portées au double, lorsqu'il s'agira de société
anonyme faisant publiquement appel à l' épargne.
Article 379 : Seront punis d' un
emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 8.000 à
40.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement :
1) ceux qui, sciemment, pour l' établissement du
certificat du dépositaire constatant les souscriptions et les versements
auront affirmé sincères et véritables des souscriptions
qu'ils savaient fictives ou auront déclaré que les fonds qui
n'ont pas été mis définitivement à la disposition
de la société ont été effectivement versés,
ou auront remis au dépositaire une liste des actionnaires mentionnant
des souscriptions fictives ou le versement de fonds qui n'ont pas
été mis définitivement à la disposition de la
société;
2) ceux qui, sciemment, par simulation de souscriptions ou de
versements, ou par publication de souscriptions ou de versements qui n'existent
pas ou de tous autres faits faux, auront obtenu ou tenté d' obtenir des
souscriptions ou des versements;
3) ceux qui, sciemment, pour provoquer des souscriptions ou
des versements, auront publié les noms de personnes,
désignées contrairement à la vérité comme
étant ou devant être attachées à la
société à un titre quelconque;
4) ceux qui, frauduleusement, auront fait attribuer à
un apport en nature une évaluation supérieure à sa valeur
réelle.
Article 380 : Seront punis d' un
emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 6.000 à
30.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, les fondateurs, les
membres des organes d' administration, de direction ou de gestion de toute
société qui, dans la déclaration prévue à l'
article 31, déposée au greffe en vue de l' immatriculation de la
société au registre du commerce, ou de l' inscription
modificative des statuts audit registre, auront, sciemment, attesté de
faits matériellement faux ou omis de relater la totalité des
opérations effectuées pour la constitution de ladite
société.
Article 381 : Seront punis d' un
emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 6.000 à
30.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, les fondateurs, les
membres des organes d' administration, de direction ou de gestion d' une
société anonyme, ainsi que les propriétaires ou porteurs
d' actions qui, sciemment, auront négocié :
1) des actions sans valeur nominale;
2) des actions de numéraire qui ne sont pas
demeurées sous la forme nominative jusqu'à leur entière
libération;
3) des actions d' apport, avant l' expiration du délai
pendant lequel elles ne sont pas négociables;
4) des actions de numéraire pour lesquelles le
versement du quart n'a pas été effectué;
5) des promesses d' actions, sauf en ce qui concerne les
promesses d' actions à créer à l' occasion d' une
augmentation de capital dans une société dont les actions
anciennes sont déjà inscrites à la cote de la bourse des
valeurs.
Article 382 : Sera punie des peines
prévues à l' article 381 précédent, toute personne
qui sciemment, aura soit participé aux négociations, soit
établi ou publié la valeur des actions ou promesses d' actions
visées à cet article .
Article 383 : Sera punie d' un
emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 8.000 à
40.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, toute personne qui,
sciemment, aura accepté ou conservé les fonctions de commissaire
aux apports nonobstant les incompatibilités et interdictions
légales.
Chapitre III : Des infractions relatives à
la direction et à l' administration
Article 384 : Seront punis d' un
emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 100.000 à
1.000.000 de dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement les membres des
organes d' administration, de direction ou de gestion d' une
société anonyme :
1) qui, en l' absence d' inventaire ou au moyen d' inventaires
frauduleux, auront, sciemment, opéré entre les actionnaires la
répartition de dividendes fictifs ;
2) qui, même en l' absence de toute distribution de
dividendes, auront sciemment publié ou présenté aux
actionnaires, en vue de dissimuler la véritable situation de la
société, des états de synthèse annuels ne donnant
pas, pour chaque exercice, une image fidèle du résultat des
opérations de l' exercice, de la situation financière et du
patrimoine, à l' expiration de cette période ;
3) qui, de mauvaise foi, auront fait, des biens ou du
crédit de la société, un usage qu'ils savaient contraire
aux intérêts économiques de celle-ci à des fins
personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise
dans laquelle ils étaient intéressés directement ou
indirectement ;
4) qui, de mauvaise foi, auront fait des pouvoirs qu'ils
possédaient et/ou des voix dont ils disposaient, en cette
qualité, un usage qu'ils savaient contraire aux intérêts
économiques de la société, à des fins personnelles
ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle
ils étaient intéressés directement ou indirectement.
Article 385 : Sera puni d' une amende
de 6.000 à 30.000 dirhams, le président ou l' administrateur
président de séance qui n'aura pas fait constater les
délibérations du conseil d' administration par des
procès-verbaux conformément aux dispositions des articles 53 et
136.
Article 386 : Seront punis d' une
amende de 40.000 à 400.000 dirhams, les membres des organes d'
administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme
: ,
- qui n'auront pas, pour chaque exercice, dressé l'
inventaire, établi des états de synthèse et un rapport de
gestion;
- qui n'auront pas déposé au greffe du tribunal,
dans le délai prévu à l' article 158, les états de
synthèse et le rapport des commissaires aux comptes.
Chapitre IV : Des infractions relatives aux
assemblées d' actionnaires
Article 387 : Seront punis d' un
emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 8.000 à
40.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement :
1) ceux qui, sciemment, auront empêché un
actionnaire de participer à une assemblée d actionnaires;
2) ceux qui, en se présentant faussement comme
propriétaires d' actions, auront participé au vote dans une
assemblée d' actionnaires, qu'ils aient agi directement ou par personne
interposée;
3) ceux qui se seront fait accorder, garantir ou promettre des
avantages pour voter dans un certain sens ou pour ne pas participer au vote,
ainsi que ceux qui auront accordé, garanti ou promis ces avantages.
Article 388 : Seront punis d' une
amende de 60.000 à 600 000 dirhams, les membres des organes d'
administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme
qui n'auront pas réuni l' assemblée générale
ordinaire dans les six mois de la clôture de l' exercice ou pendant la
période de sa prorogation ou, qui n'auront pas soumis à l'
approbation de ladite assemblée les états de synthèse
annuels et le rapport de gestion.
Article 389 : Seront punis d' une
amende de 8.000 à 40.000 dirhams, les membres des organes d'
administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme
qui n'auront pas convoqué, à toute assemblée, dans le
délai légal, les actionnaires titulaires depuis trente jours au
moins de titres nominatifs, dans les formes prévues par les statuts.
Article 390 : Sera puni d' une amende
de 6.000 à 30.000 dirhams, le président d' une
société anonyme qui n'aura pas porté à la
connaissance des actionnaires, dans les conditions prévues par la
présente loi, les renseignements exigés en vue de la tenue des
assemblées
Article 391 : Seront punis d' une
amende de 4.000 à 20.000 dirhams, les membres des organes d'
administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme
qui n'auront pas adressé, à tout actionnaire qui en a fait la
demande, une formule de procuration conforme aux prescriptions fixées
par les statuts, ainsi que :
1) la liste des administrateurs ou des membres du directoire
ou du conseil de surveillance en exercice;
2) le texte et l' exposé des motifs des projets de
résolutions inscrits à l' ordre du jour;
3) le cas échéant, une notice sur les candidats
aux organes d' administration, de direction ou de gestion;
4) les rapports du conseil d' administration ou du directoire
et des commissaires aux comptes qui seront soumis à l'
assemblée;
5) s'il s'agit de l' assemblée générale
ordinaire annuelle, les états de synthèse annuels.
Article 392 : Seront punis d' une
amende de 8.000 à 40.000 dirhams, les membres des organes d'
administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme
qui n'auront pas mis à la disposition de tout actionnaire, au
siège social :
1) pendant le délai de quinze jours qui
précède la réunion de l' assemblée
générale ordinaire annuelle, les documents
énumérés à l' article 141;
2) pendant le délai de quinze jours qui
précède la réunion d' une assemblée
générale extraordinaire, le texte des projets de
résolutions proposées, du rapport du conseil d' administration ou
du directoire et, le cas échéant, du rapport du ou des
commissaires aux comptes et du projet de fusion;
3) pendant le délai de quinze jours qui
précède la réunion de l' assemblée
générale, la liste des actionnaires arrêtée trente
jours au plus avant la date de ladite réunion et comportant les
prénom, nom et domicile de chaque titulaire d' actions nominatives et de
chaque titulaire d' actions au porteur ayant manifesté, à cette
date, l' intention de participer à l' assemblée ainsi que le
nombre des actions dont chaque actionnaire connu de la société
est titulaire;
4) à toute époque de l' année, les
documents suivants concernant les trois derniers exercices soumis aux
assemblées générales : inventaire, états de
synthèse annuels, rapport du conseil d' administration ou du directoire,
rapport des commissaires aux comptes, feuilles de présence et
procès-verbaux des assemblées.
Article 393 : Seront punis d' une
amende de 6.000 à 30.000 dirhams, les membres des organes d'
administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme
qui, sciemment :
1) n'auront pas fait tenir, pour toute réunion de l'
assemblée des actionnaires, une feuille de présence
émargée par les actionnaires présents et les mandataires,
certifiée exacte par le bureau de l' assemblée et contenant :
a) les prénom, nom et domicile de chaque actionnaire
présent et le nombre d' actions dont il est titulaire ainsi que le
nombre de voix attaché à ces actions;
b) les prénom, nom et domicile de chaque mandataire et
le nombre d' actions de ses mandants ainsi que le nombre de voix attaché
à ces actions;
c) les prénom, nom et domicile de chaque actionnaire
représenté et le nombre d' actions dont il est titulaire, ainsi
que le nombre de voix attaché à ces actions ou, à
défaut de ces mentions, le nombre de pouvoirs donnés à
chaque mandataire;
2) n'auront pas annexé à la feuille de
présence les pouvoirs donnés à chaque mandataire;
3) n'auront pas procédé à la constatation
des décisions de toute assemblée d' actionnaires par un
procès-verbal signé des membres du bureau, conservé au
siège social dans un recueil spécial et mentionnant la date et le
lieu de la réunion, le mode de convocation, l' ordre du jour, la
composition du bureau, le nombre d' actions participant au vote et le quorum
atteint, les documents et rapports soumis à l' assemblée, un
résumé des débats, le texte des résolutions mises
aux voix et le résultat des votes.
Article 394 : Seront punis des peines
prévues à l' article 393, le président de séance et
les membres du bureau de l' assemblée qui n'auront pas respecté,
lors des assemblées d' actionnaires, les dispositions régissant
les droits de vote attachés aux actions.
Chapitre V : Des infractions relatives aux
modifications du capital social
Section première. De l' augmentation du
capital
Article 395 : Seront punis d' une
amende de 8.000 à 40.000 dirhams, les membres des organes d'
administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme
qui, lors d' une augmentation de capital, auront émis des actions :
1) soit avant que le certificat du dépositaire ait
été établi;
2) soit encore sans que les formalités
préalables à l' augmentation de capital aient été
régulièrement accomplies.
Un emprisonnement de un à six mois pourra, en outre,
être prononcé, si les actions ont été émises
sans que le capital antérieurement souscrit de la société
ait été intégralement libéré, ou sans que
les nouvelles actions d' apport aient été intégralement
libérées antérieurement à l' inscription
modificative au registre du commerce, ou encore, sans que les actions de
numéraire nouvelles aient été libérées, lors
de la souscription, d' un quart au moins de leur valeur nominale et, le cas
échéant, de la totalité de la prime d' émission.
Seront punies des peines d' amende et d' emprisonnement
prévues aux alinéas précédents ou de l' une de ces
peines seulement, les mêmes personnes qui n'auront pas maintenu les
actions de numéraire en la forme nominative jusqu'à leur
entière libération.
Les peines prévues au présent article pourront
être doublées, lorsqu'il s'agira de sociétés
anonymes faisant publiquement appel à l' épargne.
Les dispositions du présent article ne sont pas
applicables aux actions qui ont été régulièrement
émises par conversion d' obligations convertibles à tout
moment.
Article 396 : Sous réserve des
dispositions des articles 189 à 193, seront punis d' une amende de
10.000 à 100.000 dirhams les membres des organes d' administration, de
direction ou de gestion d' une société anonyme qui, lors d' une
augmentation de capital :
1) n'auront pas fait bénéficier les actionnaires
proportionnellement au nombre de leurs actions, d' un droit de
préférence à la souscription des actions de
numéraire;
2) n'auront pas réservé aux actionnaires un
délai de vingt jours au moins à dater de l' ouverture de la
souscription, pour l' exercice de leur droit de souscription;
3) n'auront pas attribué les actions rendues
disponibles, faute d' un nombre suffisant de souscriptions à titre
préférentiel aux actionnaires ayant souscrit à titre
réductible un nombre d' actions supérieur à celui qu'ils
pouvaient souscrire à titre préférentiel,
proportionnellement aux droits dont ils disposent;
4) en cas d' émission antérieure d' obligations
convertibles en actions, n'auront pas réservé les droits des
obligataires qui opteraient pour la conversion;
5) en cas d' émission antérieure d' obligations
convertibles en actions, auront, tant qu'il existe des obligations
convertibles, amorti la valeur nominale des actions de capital ou réduit
le capital par voie de remboursement, ou modifié la répartition
des bénéfices ou distribué des réserves, sans avoir
pris les mesures nécessaires pour préserver les droits des
obligataires qui opteraient pour la conversion.
Article 397 : Seront punis d' un
emprisonnement de un mois à un an et d' une amende de 35.000 à
350.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, ceux qui auront
commis les infractions prévues à l' article 396, en vue de priver
soit les actionnaires ou certains d' entre eux, soit les porteurs d'
obligations convertibles ou certains d' entre eux, d' une part de leurs droits
dans le patrimoine de la société.
Article 398 : Seront punis d' un
emprisonnement de un mois à un an et d' une amende de 12.000 à
120.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, les membres des
organes d' administration, de direction ou de gestion ou le ou les commissaires
aux comptes d' une société anonyme qui, sciemment, auront
donné ou confirmé des indications inexactes dans les rapports
présentés à l' assemblée générale
appelée à décider de la suppression du droit
préférentiel de souscription des actionnaires.
Article 399 : Les dispositions des
articles 379 à 383 relatives à la constitution des
sociétés anonymes, sont applicables en cas d' augmentation de
capital.
Section Il - De l' amortissement de la valeur
nominale des actions du capital
Article 400 : Seront punis d' un
emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 7.000 à
35.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, les membres des
organes d' administration, de direction ou de gestion d' une
société anonyme qui auront procédé à l'
amortissement de la valeur nominale des actions du capital par voie de tirage
au sort.
Section III. - De la réduction du
capital
Article 401 : Seront punis d' une
amende de 10.000 à 50.000 dirhams, les membres des organes d'
administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme
qui, sciemment, auront procédé à une réduction du
capital social :
1) sans respecter l' égalité des
actionnaires;
2) sans communiquer le projet de réduction du capital
social aux commissaires aux comptes, quarante-cinq jours au moins avant la
réunion de l' assemblée générale appelée
à statuer.
Article 402 : Seront punis de la peine
prévue à l' article 401, les membres des organes d'
administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme
qui auront, au nom de la société, souscrit, acquis, pris en gage,
conservé ou vendu des actions émises par celle-ci en violation
des dispositions des articles 279 à 281.
Sont passibles de la même peine, les membres des organes
d' administration, de direction ou de gestion d' une société
anonyme qui auront, au nom de celle-ci, effectué les opérations
suivantes : avancer des fonds, accorder des prêts ou consentir une
sûreté en vue de la souscription ou de l' achat de ses propres
actions par un tiers, opérations interdites par l' article 280
(paragraphe 3).
Chapitre Vl : Des infractions relatives au
contrôle
Article 403 : Seront punis d' un
emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 10.000 à
50.000 dirhams, ou de l' une de ces deux peines seulement, les membres des
organes d' administration, de direction ou de gestion d' une
société anonyme qui n'auront pas provoqué la
désignation des commissaires aux comptes de la société ou
ne les auront pas convoqués à toute assemblée d'
actionnaires.
Article 404 : Sera punie d' un
emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 8.000 à
40.000 dirhams, toute personne qui, soit en son nom personnel, soit au titre d'
associé dans une société de commissaires aux comptes,
aura, sciemment, accepté, exercé ou conservé les fonctions
de commissaire aux comptes nonobstant les incompatibilités
légales.
Article 405 : Sera puni d' un
emprisonnement de six mois à deux ans et d' une amende de 10.000
à 100.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, tout
commissaire aux comptes qui, soit en son nom personnel, soit au titre d'
associé dans une société de commissaires aux comptes,
aura, sciemment donné ou confirmé des informations
mensongères sur la situation de la société ou qui n'aura
pas révélé aux organes d' administration, de direction ou
de gestion les faits lui apparaissant délictueux dont il aura eu
connaissance à l' occasion de l' exercice de ses fonctions.
L'article 446 du code pénal est applicable aux
commissaires aux comptes.
Article 406 : Seront punis d' un
emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 6.000 à
30.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, les membres des
organes d' administration, de direction ou de gestion ou toute personne au
service de la société qui auront, sciemment, mis obstacle aux
vérifications ou contrôles des experts ou des commissaires aux
comptes nommés en exécution des articles 157 et 159 ou qui leur
auront refusé la communication sur place de toutes les pièces
utiles à l' exercice de leur mission, et notamment de tous contrats,
livres, documents comptables et registres de procès-verbaux.
Chapitre Vll : Des infractions relatives à
la dissolution
Article 407 : Seront punis d' un
emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 4.000 à
20.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, les membres des
organes d' administration, de direction ou de gestion d' une
société anonyme qui, sciemment, lorsque la situation nette de la
société, du fait de pertes constatées dans les
états de synthèse devient inférieure au quart du capital
social n'auront pas, dans les trois mois qui suivront l' approbation des
comptes ayant fait apparaître ces pertes, convoqué l'
assemblée générale extraordinaire à l' effet de
décider s'il y a lieu à dissolution anticipée de la
société.
Chapitre Vlll : Des infractions relatives aux valeurs
mobilières
émises par la société
anonyme
Section première. - Des infractions
relatives aux actions
Article 408 : Seront punis d' un
emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 6.000 à
30.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, les membres des
organes d' administration, de direction ou de gestion d' une
société anonyme :
1) qui n'auront pas procédé aux appels de fonds
pour réaliser la libération intégrale du capital dans le
délai légal;
2) qui auront émis ou laissé émettre des
obligations, alors que le capital social n'était pas
intégralement libéré, sous réserve des dispositions
du 2è alinéa de l' article 293.
Article 409 : Seront punis d' une
amende de 8.000 à 40.000 dirhams, les membres des organes d'
administration, de direction ou de gestion :
1) dont la société aura émis des actions
à dividende prioritaire sans droit de vote dépassant le
pourcentage fixé par l' article 263;
2) qui auront fait obstacle à la désignation des
mandataires représentant les titulaires d' actions à dividende
prioritaire sans droit de vote et à l' exercice de leur mandat;
3) qui auront omis de consulter, dans les conditions
prévues aux articles 266, 267 et 269, une assemblée
spéciale des titulaires d' actions à dividende prioritaire sans
droit de vote;
4) dont la société aura procédé
à l' amortissement de la valeur nominale des actions du capital alors
que la totalité des actions à dividende prioritaire sans droit de
vote n'ont pas été intégralement rachetées et
annulées;
5) dont la société, en cas de réduction
du capital non motivée par des pertes, n'aura pas racheté, en vue
de leur annulation, les actions à dividende prioritaire sans droit de
vote avant les actions ordinaires.
Article 410 : Les membres des organes
d' administration, de direction ou de gestion d' une société
anonyme qui détiennent directement ou indirectement dans les conditions
prévues par l' article 268 des actions à dividende prioritaire
sans droit de vote de la société qu'ils dirigent seront punis des
peines prévues à l' article 409.
Section II. - Des infractions relatives aux parts
de fondateurs
Article 411 : Seront punis d' une
amende de 8.000 à 40.000 dirhams, les fondateurs, les membres des
organes d' administration, de direction ou de gestion qui auront, à
dater de l' entrée en vigueur de la présente loi, émis,
pour le compte d' une société anonyme, des parts de
fondateurs.
Section III - Des infractions relatives aux
obligations
Article 412 : Seront punis d' une
amende de 8.000 à 40.000 dirhams, les membres des organes d'
administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme
qui auront émis, pour le compte de cette société, des
obligations négociables avant que la société n'ait
établi les états de synthèse de deux exercices successifs
régulièrement approuvés par les actionnaires et qu'elle
n'ait deux années d' existence, sous réserve du 2è
alinéa de l' article 293.
Article 413 : Seront punis d' une
amende de 8.000 à 40.000 dirhams, les membres des organes d'
administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme
:
1) qui auront émis, pour le compte de cette
société, des obligations négociables qui, dans une
même émission, ne confèrent pas les mêmes droits de
créance pour une même valeur nominale;
2) qui auront délivré aux obligataires des
titres sur lesquels ne figurent pas la forme, la dénomination sociale,
le capital, l' adresse du siège de la société
émettrice, la date de la constitution de la société, celle
de son expiration, le numéro d' ordre, la valeur nominale du titre, le
taux et l' époque du paiement de l' intérêt et les
conditions de remboursement du capital, le montant de l' émission et les
garanties spéciales attachées aux titres, le montant non amorti,
lors de l' émission, des obligations ou des titres d' emprunts
antérieurement émis et, le cas échéant, le
délai dans lequel devra être exercée l' option
accordée aux porteurs d' obligations pour convertir leurs titres en
actions ainsi que les bases de cette conversion;
3) qui auront émis, pour le compte de cette
société, des obligations négociables dont la valeur
nominale serait inférieure au minimum légal.
Article 414 : Seront punis d' un emprisonnement de un à
six mois et d' une amende de 8.000 à 40.000 dirhams ou de l' une de ces
deux peines seulement :
1) ceux qui, sciemment, auront empêché un
obligataire de participer à une assemblée générale
d' obligataires;
2) ceux qui, en se présentant faussement comme
propriétaires d' obligations, auront participé au vote dans une
assemblée générale d' obligataires, qu'ils aient agi
directement ou par personne interposée ;
3) ceux qui se seront fait accorder, garantir ou promettre des
avantages pour voter dans un certain sens ou pour ne pas participer au vote,
ainsi que ceux qui auront accordé, garanti ou promis ces avantages.
Article 415 : Seront punis d' une
amende de 6.000 à 30.000 dirhams :
1) les membres des organes d' administration, de direction ou
de gestion, les commissaires aux comptes ou les employés de la
société débitrice ou de la société garante
de tout ou partie des engagements de la société débitrice
ainsi que leurs conjoints, parents ou alliés jusqu'au 2è
degré inclus qui auront représenté des obligataires
à leur assemblée générale, ou auront accepté
d' être les représentants de la masse des obligataires;
2) les personnes auxquelles l' exercice de l' activité
de banquier ou le droit de gérer ou d' administrer une
société à un titre quelconque est interdit, qui auront
représenté les obligataires à l' assemblée des
obligataires ou qui auront accepté d' être les
représentants de la masse des obligataires;
3) les détenteurs d' obligations amorties et
remboursées qui auront pris part à l' assemblée des
obligataires;
4) les détenteurs d' obligations amorties et non
remboursées qui auront pris part à l' assemblée des
obligataires sans pouvoir invoquer, pour justifier le non remboursement, la
défaillance de la société ou un litige relatif aux
conditions de remboursement;
5) les membres des organes d' administration, de direction ou
de gestion d' une société anonyme qui auront pris part à
l' assemblée des obligataires à raison des obligations
émises par cette société et rachetées par elle.
Article 416 : Sera puni d' une amende de 5.000 à 25.000
dirhams, le président de l' assemblée générale des
obligataires qui n'aura pas procédé à la constatation des
décisions de toute assemblée générale d'
obligataires par procès-verbal, transcrit sur un registre spécial
tenu au siège social et mentionnant la date et le lieu de la
réunion, le mode de convocation, l' ordre du jour, la composition du
bureau, le nombre d' obligataires participant au vote et le quorum atteint, les
documents et rapports soumis à l' assemblée, un
résumé des débats, le texte des résolutions mises
aux voix et le résultat des votes.
Article 417 : Seront punis d' une
amende de 10.000 à 100.000 dirhams :
1) les membres des organes d' administration, de direction ou
de gestion d' une société anonyme qui auront offert ou
versé aux représentants de la masse des obligataires, un
traitement ou une rémunération supérieure à celle
qui leur a été allouée par l' assemblée ou par
décision de justice;
2) tout représentant de la masse des obligataires qui
aura accepté un traitement ou une rémunération
supérieure à celle qui lui a été allouée par
l' assemblée ou par décision de justice, sans préjudice de
la restitution à la société de la somme versée
Article 418 : Lorsque l' une des
infractions prévues aux 1) et 2) de l' article 413 et aux articles 415,
416 et 417 a été commise frauduleusement en vue de priver les
obligataires ou certains d' entre eux d' une part des droits attachés
à leur titre de créance, l' amende pourra être
portée à 120.000 dirhams et un emprisonnement de six mois
à deux ans pourra, en outre, être prononcé.
Chapitre IX : Des infractions relatives à la
publicité
Article 419 : Seront punis d' une
amende de 1.000 à 5.000 dirhams, les membres des organes d'
administration, de direction ou de gestion d' une société anonyme
qui auront omis d' indiquer sur les actes ou documents émanant de la
société et destinés aux tiers la dénomination
sociale, précédée ou suivie immédiatement de la
mention société anonyme ou des initiales S.A. ou de la
mention prévue à l' article 77 (3è alinéa), ainsi
que l' énonciation du montant du capital social et du siège
social.
Article 420 : Sans préjudice de
l' application de législations particulières, notamment celle
relative aux informations exigées des personnes morales faisant appel
public à l' épargne, sera puni d' un emprisonnement de un
à trois mois et d' une amende de 8.000 à 40.000 dirhams ou de l'
une de ces deux peines seulement, tout fondateur, administrateur ou membre du
directoire qui s'abstient ou refuse de mauvaise foi, de faire procéder
dans les délais légaux soit à un ou plusieurs
dépôts de pièces ou d' actes au greffe du tribunal, soit
à une ou plusieurs mesures de publicité prévues par la
présente loi.
Chapitre X : Des infractions relatives à la
liquidation
Article 421 : Sera puni d' un
emprisonnement de un à trois mois et d' une amende de 5.000 à
25.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, le liquidateur d' une
société qui, sciemment :
1) n'aura pas, dans le délai de trente jours de sa
nomination publié dans un journal d' annonces légales et en
outre, au Bulletin officiel si la société a fait publiquement
appel à l' épargne, l' acte le nommant liquidateur et
procédé au dépôt au greffe du tribunal et à
l' inscription au registre du commerce des décisions prononçant
la dissolution;
2) n'aura pas convoqué les actionnaires, en fin de
liquidation, pour statuer sur le compte définitif, sur le quitus de sa
gestion et la décharge de son mandat, et pour constater la clôture
de la liquidation, ou n'aura pas, dans le cas prévu à l' article
369, déposé ses comptes au greffe du tribunal ni demandé
en justice l' approbation de ceux-ci.
Article 422 : Sera puni des peines prévues à l'
article 421, le liquidateur qui, sciemment, aura manqué aux obligations
que lui imposent les dispositions des articles 1064 à 1091 du dahir du 9
ramadan 1331 (12 août 1913) formant code des obligations et des contrats
et celles de la présente loi, en ce qui concerne l' inventaire, l'
établissement des états de synthèse, la tenue des
assemblées, l' information des actionnaires et la conservation des fonds
et des documents sociaux.
Article 423 : Sera puni d' un
emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 8.000 à
40.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, le liquidateur qui,
de mauvaise foi :
1) aura fait des biens ou du crédit de la
société en liquidation, un usage qu'il savait contraire à
l' intérêt économique de celle-ci, à des fins
personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise
dans laquelle il était intéressé directement ou
indirectement;
2) aura cédé tout ou partie de l' actif de la
société en liquidation contrairement aux dispositions des
articles 365 et 366.
Article 424 : Est passible de l'
emprisonnement de un à six mois et d' une amende de 4.000 à
20.000 dirhams ou de l' une de ces deux peines seulement, tout liquidateur qui
procède à la répartition de l' actif social entre les
actionnaires, avant l' apurement du passif ou avant la constitution de
réserves suffisantes pour en assurer le règlement ou qui, sauf
clause contraire des statuts, ne partage pas les capitaux propres subsistant,
après remboursement du nominal des actions, entre les actionnaires dans
la même proportion que leur participation au capital social.
Annexe 2
Dispositions pénales applicables à la
société en nom collectif, à la société en
commandite simple, à la société en commandite par actions,
la société à responsabilité limitée et la
société en participations
Extraits Loi n° 5-96 sur, promulguée par
le Dahir Dahir n° 1-97-49 (5 chaoual 1417), B.O. du 1er mai
1997).
*****************
Titre VIII : Des Infractions Et Des Sanctions
Pénales
Chapitre Premier : Dispositions
Générales
Article 100 : Les dispositions du
présent titre visant les gérants de sociétés objet
de la présente loi seront applicables à toute personne qui,
directement ou par personne interposée, aura en fait, exercé la
gestion de ces sociétés sous le couvert ou au lieu et place de
leurs représentants légaux.
Article 101 : (modifié par
l'article 1er de la loi n° 21-05 promulguée par le dahir n°
1-06-21 du 14 février 2006 - 15 moharrem 1427 ; B.O. du 2 mars
2006). Les sanctions prévues au présent titre sont portées
au double en cas de récidive.
Par dérogation aux dispositions des articles 156 et 157
du Code pénal, est en état de récidive, au sens de la
présente loi, quiconque ayant fait précédemment l'objet
d'une condamnation par jugement ayant acquis la force de la chose jugée
à une peine d'emprisonnement et/ou à une amende, commet le
même délit moins de 5 ans après l'expiration de cette peine
ou de sa prescription.
Article 102 : (abrogé par
l'article 2 de la loi n° 21-05 promulguée par le dahir n°
1-06-21 du 14 février 2006 - 15 moharrem 1427 ; B.O. du 2 mars
2006).
Article 103 : Par dérogation
aux dispositions des articles 55, 149 et 150 du Code pénal, les amendes
prévues par la présente loi ne peuvent être réduites
au-dessous du minimum légal et le sursis ne peut être
ordonné que pour les peines d'emprisonnement.
Chapitre II : Des Infractions Et Sanctions
Communes
Article 104 : Les dispositions des
articles 404 et 405 de la loi n° 17-95 relative aux sociétés
anonymes sont applicables aux commissaires aux comptes.
Les dispositions de l'article 403 de la loi
précitée sont applicables aux gérants de la
société si celle-ci est tenue de désigner un ou plusieurs
commissaires aux comptes.
Les dispositions de l'article 406 de la loi
précitée sont applicables aux gérants de la
société ou à toute personne au service de la
société, s'il est fait sciemment obstacle aux
vérifications et contrôles effectués par les commissaires
aux comptes ou les experts désignés.
Article 105 : Les dispositions des
articles de 421 à 424 de la loi n° 17-95 relative aux
sociétés anonymes sont applicables aux liquidateurs.
Article 106 : Seront punis d'un
emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 2 000 à 20.000
dirhams ou de l'une de ces peines seulement, les gérants qui auront,
frauduleusement, fait attribuer à un apport en nature, une
évaluation supérieure à sa valeur réelle.
Article 107 : Seront punis d'un
emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 10 000 à 100
000 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement :
1. les gérants qui auront, sciemment,
opéré entre les associés la répartition de
dividendes fictifs, en l'absence d'inventaire ou au moyen d'inventaire
frauduleux ;
2. les gérants qui, même en l'absence de toute
distribution de dividendes, auront sciemment présenté aux
associés des états de synthèse ne donnant pas, pour chaque
exercice, une image fidèle du résultat de l'exercice, de la
situation financière et du patrimoine à l'expiration de cette
période en vue de dissimuler la véritable situation de la
société ;
3. les gérants qui, de mauvaise foi, auront fait, des
biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savent
contraire à l'intérêt économique de celle-ci,
à des fins personnelles ou pour favoriser une autre
société ou entreprise dans laquelle ils sont
intéressés directement ou indirectement ;
4. les gérants qui, de mauvaise foi, auront fait, des
pouvoirs qu'ils possèdent ou des voix dont ils disposent, en cette
qualité, un usage qu'ils savent contraire aux intérêts
économiques de la société, à des fins personnelles
ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle
ils sont intéressés directement ou indirectement.
Article 108 : Seront punis d'une
amende de 10 000 à 50 000 dirhams, les dirigeants qui n'auront pas
procédé dans les délais légaux à un ou
plusieurs dépôts des pièces ou actes au greffe du tribunal
ou qui n'auront pas procédé à une ou plusieurs
formalités de publicité prévues dans la présente
loi.
Article 109 : Seront punis d'une
amende de 2 000 à 40 000 dirhams les gérants qui n'auront pas,
pour chaque exercice, dressé l'inventaire, établi les
états de synthèse et un rapport de gestion.
Article 110 : Seront punis d'une
amende de 2 000 à 20 000 dirhams, les gérants qui :
1. n'auront pas mis à la disposition de tout
associé, au siège social, les procès-verbaux des
assemblées, les états de synthèse, l'inventaire, le
rapport des gérants et, le cas échéant, le rapport du ou
des commissaires aux comptes ;
2. n'auront pas procédé à la
réunion de l'assemblée des associés dans les six mois de
la clôture de l'exercice ou qui n'auront pas soumis à
l'approbation de ladite assemblée ou de l'associé unique
l'inventaire, les états de synthèse et le rapport de gestion.
Article 111 : Seront punis d'une
amende de 2 000 à 10 000 dirhams, les gérants qui n'auront pas,
dans le délai de quinze jours avant la date de l'assemblée
générale, adressé aux associés les états de
synthèse, le rapport de gestion, le texte des résolutions
proposées et le cas échéant, le rapport du ou des
commissaires aux comptes.
Article 112 : Seront punis d'une
amende de 1 000 à 5 000 dirhams, les gérants qui auront omis de
mentionner sur tous actes ou sur tous documents émanant de la
société et destinés aux tiers, l'indication de sa
dénomination sociale, précédée ou suivie
immédiatement de la mention de sa forme ou de ses initiales et de
l'énonciation du capital social.
Sera punie de la même peine, toute personne
légalement obligée qui :
1. n'aura pas porté les décisions de
l'assemblée des associés au procès-verbal exigé et
porté les indications indiquées aux articles 10 et 73 selon la
forme de la société ;
2. n'aura pas inscrit ledit procès-verbal dans le
registre des délibérations des assemblées tenu au
siège social de la société.
Chapitre III : Des Infractions Et Sanctions
Propres Aux Sociétés A
Responsabilité
Limitée
Article 113 : Seront punis d'un
emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 2 000 à 40 000
dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement, les gérants d'une
société à responsabilité limitée qui,
sciemment, auront fait dans l'acte de société une fausse
déclaration concernant la répartition des parts sociales entre
tous les associés, la libération des parts ou le
dépôt des fonds, ou auront omis volontairement de faire cette
déclaration.
Les dispositions de l'alinéa précédent
sont applicables en cas d'augmentation du capital.
Article 114 : Seront punis d'un
emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 2 000 à 30 000
dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement, les gérants d'une
société à responsabilité limitée qui auront
émis, pour le compte de la société, des valeurs
mobilières quelconques, soit directement soit par personne
interposée.
Article 115 : Seront punis d'un
emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 2 000 à 20 000
dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement, les gérants d'une
société à responsabilité limitée qui,
sciemment, lorsque la situation nette de la société du fait de
pertes constatées dans les états de synthèse, devient
inférieure au quart du capital social :
1. n'auront pas, dans les trois mois qui suivent l'approbation
des comptes ayant fait apparaître ces pertes, consulté les
associés afin de décider s'il y a lieu à dissolution
anticipée de la société ;
2. n'auront pas, déposé au greffe du tribunal,
inscrit au registre du commerce et publié dans un journal d'annonces
légales, la décision adoptée par les associés.
Article 116 : Sera punie d'une amende
de 10 000 à 50 000 dirhams toute personne qui, malgré
l'interdiction énoncée dans l'article 66, aura contracté
des emprunts auprès de la société sous quelque forme que
ce soit, s'est fait consentir par elle un découvert en compte courant ou
autrement ou s'est fait cautionner ou avaliser par elle ses engagements envers
les tiers.
Article 117 : Seront punis d'une
amende de 2 000 à 20 000 dirhams, les gérants d'une
société à responsabilité limitée qui
n'auront pas, à toute époque de l'année, mis à la
disposition de tout associé, au siège social, les documents
suivants concernant les trois derniers exercices soumis aux assemblées
générales : états de synthèse, inventaires,
rapports des gérants et, le cas échéant, celui du ou des
commissaires aux comptes, et procès-verbaux des assemblées
générales.
Chapitre IV : Des Infractions Et Sanctions
Propres Aux Sociétés
En Commandite Par Actions
Article 118 : Les sanctions
pénales de la loi n° 17-95 relative aux sociétés
anonymes sont applicables aux sociétés en commandite par
actions.
Les sanctions propres aux présidents, administrateurs,
directeurs généraux ou membres du directoire des
sociétés anonymes s'appliquent aux gérants des
sociétés en commandite par actions en ce qui concerne leurs
compétences.
Annexe III : dispositions relatives à
la Banqueroute
I- Anciennes dispositions du code pénal
marocain (articles 556 à 569 abrogés par l'article 72133 de la
loi 15-95 formant code de commerce)
Article 556 : Est coupable de banqueroute et
puni des peines édictées à la présente section
suivant que cette banqueroute est simple ou frauduleuse, tout commerçant
en état de cessation de paiements qui, soit par négligence, soit
intentionnellement, a accompli des actes coupables de nature à nuire
à ses créanciers.
Article 557 : Est coupable de banqueroute
simple et puni de l'emprisonnement de trois mois à trois ans, tout
commerçant en état de cessation de paiement qui a:
1° soit par son train de vie, par des jeux ou des paris,
engagé des dépenses jugées excessives;
2° soit dépensé des sommes
élevées, dans des opérations de pur hasard ou dans des
opérations fictives de bourse ou sur marchandises;
3° soit, dans l'intention de retarder la constatation de
la cessation de ses paiements, fait des achats en vue d'une revente au-dessous
du cours ou, dans la même intention, employé des moyens ruineux de
se procurer des fonds;
4° soit payé, après cessation de ses
paiements, un créancier au préjudice des autres;
5° soit déjà été
déclaré deux fois en faillite lorsque ces deux faillites ont
été clôturées pour insuffisance d'actif;
6° soit omis de tenir une comptabilité;
7° soit exercé sa profession contrairement
à une interdiction prévue par la loi.
Article 558 : Est coupable de banqueroute
simple et puni de la peine prévue à l'article
précédent, tout commerçant en état de cessation de
paiement qui, de mauvaise foi, a:
1° soit contracté pour le compte d'autrui, sans
recevoir des valeurs en échange, des engagements jugés trop
considérables eu égard à sa situation lorsqu'il les a
contractés;
2° soit omis de satisfaire aux obligations d'un
précédent concordat et été déclaré en
faillite;
3° soit omis de faire au greffe, dans les quinze jours de
la cessation de ses paiements, la déclaration de cette cessation et le
dépôt de son bilan;
4° soit omis de se présenter en personne au
syndic, dans les cas et dans les délais fixés;
5° soit présenté une comptabilité
incomplète ou irrégulièrement tenue.
Article 559 : En cas de cessation de paiement
d'une société, sont punis des peines de la banqueroute simple,
les administrateurs, directeurs ou liquidateurs d'une société
anonyme, les gérants ou liquidateurs d'une société
à responsabilité limitée et d'une manière
générale, tous mandataires sociaux, qui ont en cette
qualité et de mauvaise foi:
1° soit dépensé des sommes
élevées appartenant à la société en faisant
des opérations de pur hasard ou des opérations fictives;
2° soit, dans l'intention de retarder la constatation de
cessation des paiements de la société, fait des achats en vue
d'une revente au-dessous du cours ou, dans la même intention,
employé des moyens ruineux de se procurer des fonds;
3° soit, après cessation des paiements de la
société, payé ou fait payer un créancier au
préjudice des autres;
4° soit fait contracter par la société,
pour le compte d'autrui, sans qu'elle reçoive de valeurs en
échange, des engagements jugés trop considérables eu
égard à sa situation lorsqu'elle les a contractés;
5° soit tenu ou fait tenir irrégulièrement
la comptabilité de la société.
Article 560 : Sont punis des peines de la
banqueroute simple, les administrateurs, directeurs ou liquidateurs d'une
société anonyme, les gérants ou liquidateurs d'une
société à responsabilité limitée et d'une
manière générale, tous mandataires sociaux qui, en vue de
soustraire tout ou partie de leur patrimoine aux poursuites de la
société en état de cessation de paiement ou à celle
des associés ou des créanciers sociaux ont, de mauvaise foi,
détourné ou dissimulé tout ou partie de leurs biens, ou
qui se sont frauduleusement reconnus débiteurs de sommes qu'ils ne
devaient pas.
Article 561 : Est coupable de banqueroute
frauduleuse et puni de l'emprisonnement de deux à cinq ans, tout
commerçant en état de cessation de paiement qui a soustrait sa
comptabilité, détourné ou dissipé tout ou partie de
son actif ou qui, soit dans ses écritures, soit par des actes publics ou
des engagements sous signatures privées, soit dans son bilan, s'est
frauduleusement reconnu débiteur de sommes qu'il ne devait pas.
Le coupable peut, en outre, être frappé pour cinq
ans au moins et dix ans au plus de l'interdiction d'un ou plusieurs des droits
mentionnés à l'article 40
du
présent code.
Article
562 : En cas de cessation de paiement d'une société,
sont punis des peines de la banqueroute frauduleuse les administrateurs,
directeurs ou liquidateurs d'une société anonyme, les
gérants ou liquidateurs d'une société à
responsabilité limitée et, d'une manière
générale, tous mandataires sociaux qui frauduleusement, ont
soustrait les livres de la société, détourné ou
dissimulé tout ou partie de son actif ou qui, soit dans les
écritures, soit par des actes publics ou des engagements sous signatures
privées, soit dans le bilan, ont reconnu la société
débitrice de sommes qu'elle ne devait pas.
Article
563 : Sont punis des peines de la banqueroute frauduleuses
1° les
personnes convaincues d'avoir, dans l'intérêt du débiteur,
soustrait, recélé ou dissimulé tout ou partie de ses biens
meubles ou immeubles, à moins que le fait ne constitue un des actes de
complicité prévus à l'article 129
;
2° les
personnes convaincues d'avoir frauduleusement produit des créances
fictives dans la faillite, soit en leur nom, soit par interposition de
personnes;
3° les
personnes qui, faisant le commerce sous le nom d'autrui ou sous un nom
supposé, se sont rendues coupables de l'un des faits prévus
à l'article 561;
4° les
personnes exerçant la profession d'agent de change ou de courtier en
valeurs reconnues coupables de banqueroute même simple.
Article
564 : Le conjoint, les descendants ou ascendants du débiteur ou
ses parents ou alliés jusqu'au quatrième degré
inclusivement qui, sans avoir agi de complicité avec lui, ont
détourné, diverti ou recélé des biens meubles
susceptibles d'être compris dans l'actif de la faillite, sont punis de
l'emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 120 à
3 000 dirhams.
Article 565 :
Le créancier qui a stipulé, soit avec le débiteur, soit
avec toutes autres personnes, des avantages particuliers à raison de son
vote dans les délibérations de la masse, est puni des peines
prévues à l'article précédent.
Article 566 :
Tout syndic qui se rend coupable de malversation dans sa gestion est puni des
peines prévues à l'article 549
.
Article 567 :
Les complices de banqueroute simple ou frauduleuse sont punis des mêmes
peines que l'auteur principal, même s'ils n'ont pas la qualité de
commerçant.
Article 568 :
Dans tous les cas prévus à la présente section, le
coupable peut, en outre, être frappé de l'interdiction d'exercer
la profession, édictée par l'article 87
.
Article 569 :
Tous arrêts et jugements de condamnation rendus en vertu de la
présente section, sont, aux frais du condamné, affichés et
publiés dans un journal habilité à recevoir les annonces
légales.
II-
Dispositions du nouveau code de commerce relatives à la
Banqueroute
Article
721 : La banqueroute
En cas d'
ouverture d' une procédure de traitement, sont coupables de banqueroute
les personnes mentionnées à l' article 702 contre lesquelles a
été relevé l' un des faits ci-après:
1) avoir dans
l' intention d' éviter ou de retarder l' ouverture de la
procédure de traitement, soit fait des achats en vue d' une revente
au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer
des fonds;
2) avoir
détourné ou dissimulé tout ou partie de l' actif du
débiteur;
3) avoir
frauduleusement augmenté le passif du débiteur;
4) avoir tenu
une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents
comptables de l' entreprise ou de la société ou s'être
abstenu de tenir toute comptabilité lorsque la loi en fait l'
obligation.
Article
722 : Sanctions pénales de la banqueroute
La banqueroute
est punie de un an à cinq ans d' emprisonnement et d' une amende de
10.000 à 100.000 dirhams ou d' une de ces deux peines seulement.
Encourent les
mêmes peines, les complices de banqueroute, même s'ils n'ont pas la
qualité de dirigeants d' entreprise.
La peine
prévue au premier alinéa est portée au double lorsque le
banqueroutier est dirigeant, de droit ou de fait, d' une société
dont les actions sont cotées à la bourse des valeurs.
Article
723 : Déchéance commerciale
Les personnes
coupables des infractions prévues à la présente section,
encourent également, à titre de peine accessoire, la
déchéance commerciale prévue au chapitre II du
présent titre.
* 1 Guy HORSMANS,
« l'abus de biens sociaux en droit Belge » , in Actes du
colloque « L'ABUS DE BIENS SOCIAUX : Le particularisme
français à l'épreuve de l'Europe », Paris, 2004.
* 2Ivan
TCHOTOURIAN : La morale en droit des affaires : La
pratique et la technique doivent plier plutôt que sacrifier
l'éthique, Université Nancy 2, Faculté de droit,
sciences économiques et gestion
* 3 Ivan TCHOTOURIAN
* 4(Saint-Alary-Houin C. (1996),
Morale et faillite, La morale et le droit des affaires, Montchrestien, p.161,
n°6)
* 5 PATOUOSSA Ng. et Ange
Nathalie : « les dirigeants des sociétés
responsables » , mémoire sous la direction du
Professeur Y. CHAPUT, Année Académique 2004-2005, p.6
* 6 Idem.p5
* 7 François
Terré, Philippe Simler et Yves Lequette : Droit Civil- Les
obligations- 8ème édition p.656
* 8 idem
* 9 La société en
commandite simple est la société constituée
d'associés commandités et d'associés commanditaires. Les
associés commandités ont le statut d'associés en nom
collectif. Les associés commanditaires répondent des dettes
sociales seulement à concurrence du montant de leurs apports qui ne peut
cependant être en industrie.
* 10 La société
en commandite par action est constituée entre des commandités qui
ont la qualité de commerçants et les commanditaires qui ont la
qualité d'actionnaires qui se réunissent en assemblée
générale ordinaire pour nommer un conseil de surveillance
composé de trois actionnaires au moins.
* 11 Paul Le Cannu, Droit des
sociétés, Montchrestien, 2ème édition,
2003, p213.
* 12 CA Paris, 24 septembre
1991 : JP éd.E, 1992, cité par Paul le Cannu dans le
même ouvrage sous notes n° 70 et 71, page 213.
* 13 Malgré la confusion
que nous semble comporter l'article 41 de la loi 05-96 qui étend les
dispositions de la loi 17-95 sur les sociétés anonymes relatives
à la responsabilités des fondateurs des SA
« aux gérants de la société en
commandite par actions...... » ( sans préciser qu'il s'agirait
des premiers gérants), et « aux membres de
son conseil de surveillance ».
* 14 Paul Le Cannu, Droit des
sociétés, Montchrestien, 2ème édition,
2003, p.393 et 394
* 15 Paul Le Cannu, p.268
* 16 Frédéric
Daems, « Les sanctions du dirigeant d'entreprise en procédure
collective »,
Mémoire pour le Diplôme d'Etudes Approfondies de
Droit, Université de Lille II, Droit et Santé, sous la direction
de Mr Le Professeur Vauvillé, année 1998-1999. Monsieur Deams
cite un article de Mr le Pr Martin intitulé « Les membres du
conseil de surveillance sont- ils des dirigeants sociaux au sens de la loi du
25 janvier 1985 ? » , Gaz Pal ,1991, p24
* 17 Paul Le Cannu, Droit des
sociétés, Montchrestein, 2ème édition,
2003, p 495 ; Frédéric Deams op-cit
* 18 Code de commerce,
édition Dalloz, 102ème édition, 2007.
* 19 Fabien Billet, Arthur
Descamps et Benjamin Herman : « Etude comparative de la
responsabilité des dirigeants d'entreprises en faillite »,
Université Sorbonne-Panthéon, DEA de Droit Economique Francophone
(2004-2005) :
* 20 Fabien Billet
* 21 Le Cannu, page 285
* 22 Cité dans :
« La responsabilité des dirigeants des sociétés
commerciales », mémoire collectif préparé sous
la direction du Professeur Yves Chaput, Université de paris I
Panthéon, année académique 2004-2005.
* 23 « La
responsabilité des dirigeants des sociétés
commerciales », mémoire collectif préparé sous
la direction du Professeur Yves Chaput, Université de paris I
Panthéon, année académique 2004-2005, p15
* 24 Jen Paul Antona, Philippe
Colin et François Lengarlt : la responsabilité pénale
des cadres et des dirigeants dans le monde des affaires, Dalloz-Delta,
1996 ; MEDEF, « la délégation de
pouvoirs », GPA « droit de l'entreprise »,
Décembre 2004
* 25 cassation.crim, 14
décembre 1999
* 26 (cass.Crim, 22 avril 1996)
* 27 Cass.crim 6 mai 1996
* 28 Cass. Crim 4 juin 1998
* 29 Cassa.soc, 21 novembre
2000-cité dans MEDEF, « la délégation de
pouvoirs », GPA « droit de l'entreprise »,
Décembre 2004EF
* 30 Jen Paul Antona, Philippe
Colin et François Lengarlt : la respnsabilité pénale
des cadres et des dirigeants dans le monde des affaires, Dalloz-Delta,
1996 ; MEDEF, « la délégation de
pouvoirs », GPA « droit de l'entreprise »,
Décembre 2004
* 31 Gatien-Hugo
RIPOSSEAU : « Pénalisation et
dépénalisation » (1970-2005),
Mémoire de Master II- recherche droit pénal et sciences
criminelles, sous la direction de Jean-Paul Jean , Université de
Poitiers, Faculté de droit et sciences sociales ,
année 2004/2005
* 32 Gatien-Hugo
RIPOSSEAU
* 33 Rachid Lazrak, Le nouveau
droit pénal des sociétés au Maroc, editions La Porte,
1997, p.12
* 34 Rachid Lazrak, p.12
* 35 Corinne
Mascala,, « la recherche de l'efficacité du droit
pénal des affaires », collection colloques et débats,
LITEC.
* 36 Rachid Lazrak, le nouveau
droit pénal des sociétés au Maroc, éditions
Laporte, 1997, p.106
* 37 Rachid Lazrak.,p.109
* 38 Projet de loi n°
20-05 modifiant et complétant la loi n° 17.95 relative aux
sociétés anonymes
* 39 Corinne Mascala, les
finalités de l'évolution législative du droit pénal
des affaires, in « Les droits et le droit »,
mélanges dédiés à Bernard Bouloc, Dalloz
* 40 Olivier de Benoist,
Marc-Antoine Maury, Alain Monkam : l'abus de biens sociaux et les actes
anormaux de gestion, Maîtrise en droit privé, mention droit des
affaires et droit fiscal - 1996-97,
Faculté Jean Monnet -
Université Paris-Sud
* 41 Paul Decroux , les
sociétés en droit marocain, éditions La Porte, 1985, pp.
126 et 127
* 42 Rachid Lazrak, le nouveau
droit pénal des sociétés au Maroc, éditions La
Porte, 1997, p.11
* 43 Voir chapitre II du titre
XV de la loi 17-95 dont l'article 437 n'étend pas l'application aux SAS
l'article 384 de cette loi relatif au délit d'ABS
* 44 On peut noter toutefois
quelques différences sémantiques : l'utilisation du
présent de l'indicatif (au lieu du futur et de l'imparfait), du
singulier (intérêt économique au lieu
d'intérêts économiques..). L'accès aux travaux
préparatoires de la loi pourrait sans doute permettre de préciser
la portée juridique de ces différences.
* 45 Corinne Mascala, Cours de
droit Pénal des affaires, in chapitre polycopié relatif à
l'Abus de Biens sociaux , Mastère de droit de l'entreprise, ISCAE et
Université de Touloues I, année 2006-2007, p.1
* 46 Voir cet article en annexe
(extraits du code pénal marocain).
* 47 Annie MÉDINA ,
l'expérience française, in actes du colloque « l'abus
de biens sociaux : le particularisme français à
l'épreuve de l'Europe » , organisé par le CERED, Paris
2004
* 48 Pour présenter
cette jurisprudence nous nous référons au cours de Madame le
professeur Corinne Mascal, déjà cité.
* 49 Annie MÉDINA,
colloque op.cit
* 50 Rachid Lazrak, le nouveau
droit pénal des sociétés au Maroc, éditions La
Porte, 1997, p.55
* 51 Corinne Mascala, Cours
polycopié sur le risque pénal, ISCAE, Casablanca, année
2006-2007
* 52 Olivier de Benoist,
Marc-Antoine Maury, Alain Monkam : l'abus de biens sociaux et les actes
anormaux de gestion, Maîtrise en droit privé, mention droit des
affaires et droit fiscal - 1996-97,
Faculté Jean Monnet -
Université Paris-Sud
* 53 Professeur Dekeuwer,
cité par Olivier de Benoist, Marc-Antoine Maury, Alain Monkam ,
op.cit
* 54 Rachid Lazrak, Le nouveau
droit pénal des sociétés au Maroc, éditions La
Porte, 1997, p.108
* 55 Cité par Madame le
Professeur Corinne Mascala dans son cours sur le risque pénéal,
ISCAE, Casablanca, année 2006-2007
* 56 Cours de Madame le
Professuer Corinne Mascala. Op cit
* 57 Article 492 bis du Code
pénal belge,: « Sont punis d'un emprisonnement d'un mois à
cinq ans et d'une amende de cent francs à cinq cent mille francs, les
dirigeants de droit ou de fait des sociétés commerciales et
civiles ainsi que des associations sans but lucratif qui, avec une intention
frauduleuse et à des fins personnelles, directement ou indirectement,
ont fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage qu'ils
savaient significativement préjudiciable aux intérêts
patrimoniaux de celle-ci et à ceux de ses créanciers ou
associés ». L'ABS n'a été introduit en droit belge
qu'en 1997.
* 58 Guy HORSMANS :
L'abus de biens sociaux en droit Belge, in actes du colloque « l'abus
de biens sociaux : le particularisme français à
l'épreuve de l'Europe », organisé par le CERED, Paris
2004
* 59 Cours de Madame le
Professeur Corinne Mascala....
* 60 Guy Horsmans : L'abus de biens
sociaux en droit Belge, op cit
* 61 Cours de Madame le
Professeur Corinne Mascala
* 62 idem
* 63 Cours de Madame le
Professeur Corinne Mascala op.cit
* 64 Voir ces articles en
annexe III
* 65 article 733 du code de
commerce : « Les dispositions de la présente loi abrogent
et remplacent celles relatives aux mêmes objets telles qu'elles ont
été modifiées ou
complétées...... »
* 66 Cours de Madame le Professeur Corinne MASCALA
Droit pénal des affaires-La Banqueroute, Mastère de droit de
l'Entreprise, ISCAE-Université de Toulouse 1, année 2006-2007
* 67 idem
* 68 Arrêt cité
par Me Mascala
* 69 Voir infra pages 13 et
suivants
* 70 Voir infra page 18 et
suivants
* 71 Voir infra p 33 et s
* 72Cours de Madame le
Professeur Corinne MASCALA Droit pénal des affaires-La Banqueroute,
Mastère de droit de l'Entreprise, ISCAE-Université de Toulouse
1, année 2006-2007
* 73 Versailles , 11 juin
1993 : BICC 1993 n° 1272-note code de commerce ,Dalloz 2007, p.1298
* 74 Crim.8
déc.1999-Note code de commerce édition Dalloz 2007, p.1298
* 75 Crim . 6
déc.1993 : Bull.crim. n° 370- note code de commerce,e
édition Dalloz 2007 p.1298
* 76 Cours de Me Corinne
Mascala op cit
* 77 Cours de Madame le
professeur Corinne Mascala op cit
* 78 Cours de Madame le
Professuer Corinne Mascala.op cit
* 79 Cours de Mdaame le
professeur Corinne Mascala
* 80 Corinne Mascala, les
finalités de l'évolution législative du droit pénal
des affaires, in « Les droits et le droit »,
mélanges dédiés à Bernard Bouloc, Dalloz
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