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Archives photographiques au bénin : Problématique de la gestion d'un patrimoine documentaire menacé

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par Franck Komlan OGOU
Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature / Université d'Abomey Calavi - Technicien supérieur de l'information documentaire 2004
  

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1.3.1.1 Trafic des biens culturels

Les institutions internationales en charge de la culture ont fait de la lutte contre le trafic des biens culturels une priorité en élaborant des textes qui régissent leur circulation au niveau des. De même, les gouvernements nationaux ont commencé timidement à concevoir des lois pour assurer la sécurité de leur patrimoine culturel. De nombreux ateliers, conférences, journées, séminaires ont été organisés pour informer et sensibiliser aussi bien les gestionnaires du patrimoine que les hommes des frontières (douanes et police).

Au Bénin, le trafic illicite des biens culturels demeure un phénomène mal cerné. Les palais royaux étaient les lieux privilégiés où étaient gardés des éléments très importants de l'histoire des rois et de leur royaume. Les troupes de la colonisation française après les guerres de conquête se sont empressées de piller les trésors des palais royaux d'Abomey. Ces éléments qu'elles prennent pour leur butin de guerre se sont retrouvés pour la plus grande majorité dans les musées de France et dans les collections privées ou publiques aux Etats Unis d'Amérique et d'ailleurs15(*). Les missionnaires et quelques administrateurs des colonies après avoir détruit et emporté massivement les fétiches, ont collecté des biens culturels pour, disent-ils, des besoins d'expositions impériales. Le bilan de ces flux au niveau de nos frontières est très lourd d'autant plus que ce trafic continue allègrement sans que personne ne s'en indigne et prenne des mesures.

La situation financière des Béninois trop précaire participe à la complicité et à la facilité avec laquelle les biens sont pillés. Ils cèdent aux sollicitations `'sonnantes et trébuchantes'' des démarcheurs d'oeuvres d'art et antiquités ou à des `'touristes'' de passage. Les autels familiaux sont dépouillés dans les temples de vodoun. En dehors des produits de l'artisanat contemporain, les biens culturels les plus en vue sont les vieux masques guèlèdè provenant de Kétou, Pobè, Sakété, Zangnanado, les autels portatifs dits `'assins'' et les poteries anciennes16(*).

Il est à noter que ces demandes en `'antiquités'' ne proviennent pas seulement de démarcheurs intermédiaires, des Africains de toute nationalité, mais aussi des touristes, les coopérants, les volontaires, les diplomates ou leurs épouses en fin de mission.

En définitive, le Bénin est l'un des pays qui subit le plus des affres du trafic des biens culturels. Tout récemment encore en 2002, le musée d'Abomey a enregistré le vol d'une pièce très importante. Le `'Goubassa'' d'un poids de quinze kilogrammes (15 Kg) environs a disparu du musée sans qu'on n'en ait identifié les auteurs et la destination.

Par ailleurs, les photographies anciennes surtout en noir et blanc ont ces derniers temps sur le marché international de l'art une valeur très élevée. De ce fait, nombreux sont ceux qui mènent leur commerce pour alimenter ces circuits illicites.

1.3.1.2 Archives photographiques et trafic des biens culturels.

La photographie est introduite au Bénin au début de la colonisation. Les administrateurs coloniaux débarquaient avec toute une équipe dont des photographes. Après la période de Pierre VERGER, ce fut le temps des autochtones de s'engager dans le captage des images. Plusieurs générations de photographes vont se succéder pour fixer à la postérité les belles étapes de l'évolution de la vie du Dahomey jusqu'à l'actuel Bénin. Les fonds photographiques qui sont en grande partie en dépôt chez les privés constituent un élément capital du patrimoine culturel visuel du Bénin.

Jusqu'en 1994, année où a été organisée la biennale de la photographie à Bamako, personne ne s'intéressait ou presque tout le monde ignorait l'intérêt que peut avoir la photographie africaine. Dès lors, les photographes deviennent le point de chute des `'touristes'' en quête d'oeuvres d'art.

Ces photographies surtout en `'noir et blanc'' sont aujourd'hui du domaine de l'art et connaissent des prix élevés sur le marché international. Leur résistance aux intempéries environnementales, leur clarté, leur beauté et leur rareté car talonnée par la photographie couleur, ont accru leur valeur marchande. Dans les pays africains qui ont connu une période assez mouvementée de la photographie comme le Sénégal, le Mali, la Sierra Léone, le Nigeria, ce phénomène de pillage bat son plein mais à des degrés différents.

Au Bénin, des enquêtes que nous avons menées, il en ressort que bon nombre de photographes (surtout anciens) ont été l'objet de pillage. Encore que ce pillage est possible grâce à leur consentement et à leur volonté de vendre leurs oeuvres. Même des compatriotes qui mettent en avant leurs propres intérêts, participent à ce commerce en identifiant les lieux potentiels de détention de ces chefs-d'oeuvre et avec quelques promesses ou coupures de banque, deviennent les guides de ces écumeurs sans foi ni loi. Très peu scrupuleux, ils opèrent en toute tranquillité.

Les photographes, débordés par la masse de leurs oeuvres, ne sachant à quelle utilité elles sont destinées et compte tenu de leur situation financière précaire n'hésitent pas à en céder facilement. De ce fait, notre patrimoine se `'dessèche'' au jour le jour. « Une fois leur forfait commis, ils disparaissent alors qu'au départ ils nous ont promis de revenir »17(*). Il sera aujourd'hui impossible de faire le point et d'avoir une idée quantitative sur la perte du patrimoine visuel de notre pays. Certes, au terme de notre enquête, on est à même d'affirmer que nous avons perdu une grande partie de ce patrimoine. Nous avons constaté sur le terrain un réseau organisé entretenu par un Belge qui se lance dans le commerce des photographies anciennes au Bénin. Actuellement nous avons réussi à mettre la main sur une quantité importante de photographies stockées au niveau d'un photographe. Il se dit prêt à céder ce fonds si une politique sérieuse est mise en place pour sauvegarder les archives photographiques.

Comme si ce trafic ne suffisait pas, les oeuvres photographiques sont aussi en proie à une dégradation.

1.3.2 La photographie, un patrimoine en danger

Les éléments du patrimoine aussi importants les uns que les autres du point de vue de l'histoire, de la science, de l'éducation constituent un véritable problème de conservation.

Les photographes africains, faute de moyens, travaillent avec un matériel de plus en plus vétuste et des produits de qualité douteuse. Outre les films couleurs bas de gamme diffusés en Afrique de l'Ouest par les principales firmes internationales (Kodak, Agfa et Konica), les films les moins chers (couleur et surtout noir et blanc ) qui circulent sur le marché proviennent pour la plupart des pays de l'Est. Tura, Orbi, Orwo (marque de l'ex-RDA) sont des marques de films diffusés depuis l'époque de la guerre froide. Selon les photographes, la qualité des produits photographiques noir et blanc a chuté. `'Elégance photo'' à Parakou affirme, et il n'est pas le seul, que `'les produits noir et blanc d'aujourd'hui ne sont pas bons''. Auparavant, il avait l'habitude d'acheter des produits Agfa de meilleure qualité.

L'augmentation de la production entraîne une baisse de la qualité et la diminution du choix : on ne trouve plus que des films 100 ASA sur le marché, et pour le papier noir et blanc, surtout du 13x18 plastique de grade 1. Le reste est introuvable ou hors de prix. Quant aux produits chimiques (révélateur et fixateur), ils se présentent le plus souvent sous forme de poudre, pour certains, fabriqués ou conditionnés au Nigeria. Cela mériterait une enquête plus approfondie. Concernant le matériel, le modèle d'agrandisseur noir et blanc le plus répandu reste le krokus 3 (marque polonaise). A l'heure actuelle, les photographes conservent toujours ce matériel vieilli dans leur chambre noire. L'appareil reflex 24x36 de marque Zénith (russe) est plébiscité par les ambulants de toute l'Afrique de l'Ouest : il est moins cher et plus simple d'utilisation.

A travers ce rapide état des lieux, nous observons avec inquiétude une baisse de la qualité des oeuvres photographiques. Le problème est double : le niveau de savoir technique, de même que la qualité des produits sont en baisse constante. Dans les albums de famille, le constat est évident : les photographies noir et blanc sont plus résistantes que celles en couleur prises à partir des années 1980 qui ont toutes plus ou moins viré au magenta , voire presque disparu de leur support. Le contexte ouest-africain est alarmant, car le problème persiste, voire s'aggrave. Malheureusement, seul le profit compte et non la qualité ; dans ce contexte de crise, et pour les responsables de mini laboratoires et pour les photographes ambulants qui bradent leurs clichés.

La photographie noir et blanc des années 1960-1970 se conserve mieux que celle en couleurs des années 1980-1990. Les photographes de studio inlassablement le répètent : rien ne vaut le noir et blanc pour la conservation. La couleur requiert beaucoup plus de précautions qui ne sont absolument pas respectées dans ce contexte si fragile.

Outre le patrimoine de nature privée ou familiale, ce sont les fonds photographiques noir et blanc eux-mêmes, les plus anciens, qui sont menacés de disparition car devenus encombrants pour leurs propriétaires. Ils sont soit détruits et jetés à la poubelle par des photographes désespérés devant la suprématie de la couleur et le règne des laboratoires ou concédés au premier demandeur.

Il est urgent que des chercheurs se penchent de près sur ce patrimoine très riche, avant qu'il ne disparaisse, emporté par l'oubli ou la main peu scrupuleuse de quelques trafiquants d'art. En effet, depuis quelques années, les archives des anciens studios sont devenues l'une des cibles privilégiées de ces trafiquants, depuis que les photographies de Seydou Kéïta ont fait le tour du monde et sont cotées sur le marché de l'art.

En dehors de ces problèmes techniques que connaît la photographie de nos jours, les photographes nous ont confié qu'ils brûlent très souvent les oeuvres du fait qu'elles deviennent parfois encombrantes. « J'ai brûlé plus de deux cartons de négatifs et l'inondation en a apporté une quantité énorme » nous a confié Mathias Abimbola, photographe à Porto-Novo.

1.3.3 Lutte contre le trafic illicite des biens culturels

L'accroissement du trafic des biens culturels prend une ampleur grandissante au jour le jour et n'épargne aucune partie de la planète. La perméabilité des frontières, les conflits, la pauvreté et la misère, l'essor du marché de l'art sont autant de facteurs qui expliquent pourquoi le trafic d'oeuvre d'art se situe en seconde place après celui de la drogue.

Avant d'étudier l'efficacité des normes internationales et des mesures nationales dans la lutte contre le trafic illicite, il est important de savoir ce qu'est un bien culturel.

* 15 De l'entretien que nous avons eu avec M. Alexis ADANDE, Professeur d'Archéologie à l'Université d'Abomey-Calavi, le samedi 02 octobre 2004 à Porto-Novo.

* 16 ICOM. Le trafic illicite des biens culturels en Afrique, Paris, 1995

* 17 Propos de Sébastien Méhinto, photographe lors de notre entretien le lundi 04 octobre 2004 à Ouidah.

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