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Primus inter pares. Le leadership politique et pluralité dans la Condition de l'homme moderne de Hannah Arendt

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par Raphaël RDAS MBOMBO MWENDELA bupela bwa Nzambi
Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius - Bachélier en philosophie 2006
  

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III. 1. 4. Le `Prince' de Machiavel ou le leadership à la virtù

Platon et Hobbes ne sont pas les seuls à être mis au bûcher pour leur interprétation de l'agir politique en termes de fabrication s'accompagnant de la violence, pas toujours instrumentale, et de la domination d'un seul qui décide de la destinée des hommes comme sait bien le faire un artisan sur les matériaux. Machiavel se trouve aussi compté parmi ceux qui veulent `faire' et domestiquer la politique jusqu'à devenir une somme des platitudes vides. Toutefois, Hannah Arendt ne méconnaît pas le mérite de Machiavel dans son réalisme politique et dans son élan d'efficacité politique : « Machiavel devait sûrement savoir ce qu'il disait, car lui, comme Robespierre et Lénine et tous les grands révolutionnaires dont il fut l'ancêtre, ne souhaita rien plus passionnément que d'instaurer un nouvel ordre de choses. »102(*)

On ne peut instaurer un nouvel ordre de choses qu'en considérant ce qu'est la politique dans sa dimension de pluralité. C'est à ce sujet, à en croire Arendt, que Machiavel a échoué. On ne saurait donc pas oublier les célèbres thèses de Machiavel sur la nécessité de la violence pour la fondation de nouveaux corps politiques et pour la reforme des corps politiques corrompus : la confusion entre fondation et fabrication. Le prince en est la pièce à conviction on ne peut plus irréfutable.

Si le leadership machiavélien est exprimé dans la figure du `Prince', force est d'affirmer que Machiavel tient sa politique de l'expérience de la fabrication d'Etats qui remonte déjà de Platon. Mais, seulement, Machiavel a su dire sans ambages ce que Platon voilait par sa rhétorique adulatrice : le gouvernement d'un seul, ou la mon-archie, comme méfiance envers l'action et non comme mépris des hommes, moins encore comme une irresponsable ou tyrannique volonté de puissance.103(*)

Bien que s'inspirant de l'expérience romaine de la fondation, Machiavel a fini par confondre le vrai lien que les Romains établissaient entre la fondation de la res publica et la dictature : quand Cicéron invite Scipion à devenir dictator rei publicae constituendae, c'est-à-dire prendre la dictature afin de redresser la république, il ne lui demande pas d'employer tous les moyens, car la fondation pour les Romains est l'action politique centrale, le grand acte unique qui établissait le domaine publico-politique et rendait la politique possible. Il ne s'agissait pas de la justification de la terreur.

Cependant, Machiavel a fini par réduire cette expérience du passé romain à la modalité de la fabrication où, pour une `fin' suprême, tous les `moyens', principalement le moyen de la violence, sont justifiées.104(*) Il comprit l'acte de la fondation entièrement à l'image de la fabrication, car pour lui la question était : comment `faire' une Italie unifiée ? C'est en réponse à cette question que se justifie la violence qui s'oriente et reçoit sa plausibilité à cet argument implicite : « on ne fait pas de table sans tuer des arbres, on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs, on ne peut faire une république sans tuer des gens.»105(*) Ainsi, tout est clair : qui veut la fin veut les moyens et tous les moyens, pourvu qu'ils soient efficaces, sont bons et justifiés à poursuivre ce qu'on aura défini comme fin. En effet, « Tant que nous croirons avoir affaire à des fins et à des moyens dans le domaine politique, nous ne pourrons empêcher personne d'utiliser n'importe quels moyens pour poursuivre des fins reconnues.»106(*)

Tout compte fait, Le Prince de Machiavel s'énonce sous une figure de domination : le pessimisme anthropologique justifie le despotisme comme seul rempart possible contre la méchanceté humaine. D'où, l'idée d'une nature humaine fictive : prendre les hommes non tels qu'ils sont mais tels qu'on les voudrait être. Désormais, il s'agit de contenir la masse ou de la tenir quelque peu en bride, car le prince désire `faire' tout seul. En réalité, c'est l'affirmation de l'isolement qui redoute la pluralité comme le `partager-le-monde-avec-autrui'.107(*)

* 102 Hannah Arendt, La crise de la culture, p. 184.

* 103 Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne, p. 250.

* 104 Hannah Arendt, La crise de la culture, p. 182.

* 105 Ibidem.

* 106 Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne, p. 258.

* 107 Mariam Revault D'allones, « La persévérance de la polititique », in Ontologie et politique. Actes du colloque Hannah Arendt, p. 48.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus