L'assistance médicale au décès en Suisse( Télécharger le fichier original )par Garin Gbedegbegnon Université de Fribourg - MA Politique sociale, analyse du social 2006 |
2.4. Les risques de la transaction médicaleAu vu du chapitre précédent, le premier risque pour le médecin est que sa transaction échoue. Cet échec peut avoir des conséquences multiples pour le médecin et chacune d'entre elles constitue un risque potentiel pour lui. Cela peut vouloir dire que son acte illégitime et illégal a été découvert et qu'il encoure une poursuite pénale, que sa pratique n'obtiendra pas la reconnaissance escomptée et qu'il se verra privé du droit d'exercer sa profession, que ses interlocuteurs rejetteront tout consensus et in fine, que même le mourant rejettera tout accompagnement et que le projet thanatologique s'interrompra. Pour saisir les risques de la pratique de l'assistance au décès désignés par les médecins, il convient de différencier le risque, défini comme la survenance probable d'un événement inattendu et indésirable, de l'incertitude, comprise comme le sentiment de crainte que peut ressentir le médecin face aux conséquences probables de sa pratique. Reste que l'incertitude, au-delà de sa dimension subjective, peut aussi avoir une dimension objective en tant que « zone d'incertitude » inhérente au déroulement d'un processus, ou, au fonctionnement d'une organisation ou d'une institution. 2.4.1. Les risquesLa source du risque peut être l'expertise médicale en elle-même, en tant que conséquence possible d'une intervention, comme dans le cas d'une lourde opération sur un patient atteint d'un cancer de l'oesophage que décrit par un médecin. « Il m'avait été confié pour mettre ce qu'on appelle un tube dans l'oesophage pour entrer à travers la tumeur et lui permettre de manger pendant quelque temps et de faire en fait un traitement palliatif qui lui aurait de survivre pendant quelques semaines, rarement quelques mois, mais en traitement palliatif. Mais le risque de ce type de traitement, c'est que si ça se passe mal et que l'on n'arrive pas à passer au travers de la tumeur, qu'on déchire le médiastin, la personne va décéder en l'espace d'une semaine d'une surinfection, et ce sera une médiastinite et une situation qui va évoluer en catastrophe, de mal en pis.168(*) » Le risque encouru par le médecin est que la situation qui devait initialement permettre une stabilisation de l'état du patient contribue finalement à l'aggraver, accroissant la souffrance et précipitant son décès. L'euthanasie active discutée dans ce cas avec le patient, vise à éviter que sa situation ne se péjore, au cas où l'issue de l'intervention ne lui serait pas favorable. L'expertise médicale peut aussi aboutir à une erreur d'appréciation de la part du médecin, par manque d'informations par exemple. L'erreur d'appréciation constitue également un risque dans le domaine de la fin de vie. La situation délicate où le patient a été réanimé contre son gré et est devenu entièrement dépendant d'une assistance respiratoire artificielle le rappelle. Selon le médecin en question, cette situation était devenue d'autant plus complexe que, selon lui, le retrait du moyen de survie auxiliaire sur une personne tout à fait consciente et en capacité de discernement, équivalait à envisager une euthanasie active169(*). Cette situation a été très mal vécue par le médecin, malgré finalement son issue très positive. Agir contre le choix du patient, à savoir celui de renoncer à toute réanimation, l'a en somme mis dans une situation d'acharnement thérapeutique redoutée par nombre de médecins. En effet, l'acharnement thérapeutique est très mal perçu, autant au sein de la profession et dans les familles, qu'au niveau de l'opinion publique. Le risque peut aussi être lié à l'intervention d'un tiers : la famille, le personnel soignant, les autres médecins, les autorités judiciaires. Ils peuvent désavouer le médecin, voire le dénoncer, s'il est considéré comme avoir commis une faute envers la loi. Les médecins redoutent la dénonciation pénale, même si en réalité elle est rare. En effet, à moins que le médecin n'agisse de façon ostensible - par exemple en prenant le risque de délivrer une ordonnance de pentobarbital pour un patient atteint d'une maladie psychique mais n'étant pas en situation de mort inéluctable - ou ne commette une faute grave, il n'y a que peu de possibilités qu'un acte illégal soit découvert, car la part d'incertitude qui entoure l'assistance médicale au décès est importante. * 168 P3 192573 (274 : 284) * 169 P11 169632 (1094 : 1102) |
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