UNIVERSITE DE RENNES I
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
MEMOIRE POUR LE MASTER II DROIT PRIVE
FONDAMENTAL
2006/2007
LES FONCTIONS DE LA
DELEGATION
|
Sous la direction de M. Jean Paul DELVILLE :
Maître de conférences à l'Université de Rennes
I
Par Yannick SANTIAGO
Liste des principales
abréviations
Art. Article
Bull. civ. Bulletin des arrêts de la Cour de
Cassation, chambres civiles
C. civ. Code civil
Civ. Arrêt d'une chambre civile de la Cour de
Cassation
C. com. Code de commerce
CMF Code monétaire et financier
Com. Arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de
Cassation
D. Recueil Dalloz
Def. Définition
Ed. Edition
Ex. Exemple
Infra Ci-dessous
JCP Semaine juridique, édition
générale
LGDJ Librairie générale de droit et de
jurisprudence
LPA Les petites affiches
NCPC Nouveau code de procédure civile
Not. Notamment
P. Page
Rep. Dalloz Répertoire Dalloz
Rep. Defrénois Répertoire du
notariat Defrénois
RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial
Supra Ci-dessus
V. Voir
p.5
p.15
p.15
p.16
p.28
p.41
p.43
p.61
p.68
p.70
p.70
SOMMAIRE
Introduction.....................................................................................
PARTIE I : Mise à jour des fonctions de
la délégation ..................................
Chapitre I : La controverse doctrinale sur les
fonctions de la
délégation....................................................................................................
Section I : La conception restrictive des
fonctions de la
délégation.......................................
Section II : La conception extensive des
fonctions de la
délégation..............................
Chapitre II : Inventaire des fonctions de la
délégation à la lumière de la pratique
contractuelle
contentieuse................................................................................
Section I : Les fonctions de la
délégation consacrées par la jurisprudence
....................
Section II : Les fonctions rejetées ou
limitées par la jurisprudence ............. ...............
PARTIE II : Mise au jour de la notion de
délégation.............................
Chapitre I : L'impossibilité de
réduire la notion de délégation à l'unité,
et le pluralisme
consécutif.........................................................................................................................
Section I : L'insuffisance des définitions
et catégories classiques pour rendre compte de la nature juridique de la
délégation.....................................................................
p.78
p.87
p.89
p.92
p.95
Section II : Définition plurale de la
délégation à partir de ses éléments
constants.......................................................................................................................................
Chapitre II : La nécessité de
modeler le régime juridique de la délégation en
considération de la finalité poursuivie par les
parties..............................................
Section I : le régime juridique
approprié à la
délégation-paiement..............................
Section II : le régime juridique
approprié à la
délégation-sûreté.................................
CONCLUSION................................................................................................
INTRODUCTION
« En toute chose, la fin est
essentielle »
Aristote
Dans les activités économiques, familiales, et
administratives quotidiennes, le terme de
délégation n'est pas le moins
fréquent. Ainsi entend-on parler, quelquefois mal à propos, de
délégation de pouvoir, en droit du travail ; de
délégation de signature, de délégation de
service public, de délégation d'autorité
parentale, ou encore, de délégation diplomatique.
Le droit pénal a lui aussi connu, jadis, la délégation
judiciaire, ancêtre de l'actuelle commission rogatoire. Le terme a
même fait une incursion en droit constitutionnel, par le biais de la
délégation de législation, habilitation permettant au
gouvernement de prendre, par voie d'ordonnance, des mesures relevant
normalement du domaine de la Loi. Toutefois, tous ces homographes, même
s'ils empruntent communément leur étymologie au latin
delegatio, onis, n'ont pas une grande proximité avec la
délégation prévue par l'article 1275 du Code Civil1(*). En effet, il ne s'agit pas des
mêmes notions, et, surtout, ces différentes notions n'ont pas les
mêmes fonctions. À la différence de la
délégation de pouvoir qui, en droit du travail, est une
technique d'organisation de l'entreprise, la délégation au sens
de l'article 1275 du Code Civil est une technique relative à
l'obligation. À l'instar de celle-là, celle-ci a connu une
hypertrophie considérable de son contentieux, singulièrement
à partir du XXIième siècle. Ainsi, d'une demie
douzaine d'arrêts de la Cour de Cassation en 1990, relativement à
la délégation, on est passé à une quinzaine en
20052(*). Cette remarque
a priori anodine n'est pas sans intérêt. En effet, si la
délégation a subi une telle croissance de son contentieux, c'est
que ses applications concrètes sont plus que jamais vivaces. Ce
« renouveau » pratique invite en
conséquence à s'interroger sur les fonctions modernes de la
délégation, et, au-delà, sur la notion
elle-même3(*).
S'interroger sur les fonctions d'un concept ou d'une
institution juridique, consiste à mettre en relief son rôle, son
utilité. Prosaïquement, il faut se demander « à
quoi cela sert ? ». A
priori, il s'agit d'une démarche
totalement différente de celle qui consiste à
définir. Qu'est-ce que définir ? C'est
décrire, c'est dessiner avec des mots ce que l'esprit seul
aperçoit; c'est donner des extrémités à ce
qui n'en a pas pour l'oeil; c'est peindre ce qu'on ne saurait voir; c'est
circonscrire, en un espace qui n'a pas de réalité, un objet qui
n'a pas de corps4(*).
Tout l'art de la définition réside donc en
l'énoncé d'éléments caractéristiques,
permettant de fixer les frontières d'une notion, sans se
préoccuper des diverses fonctions ou du régime juridique
attachés à celle-ci. Il en résulte que :
« En principe, le régime n'entre pas dans la
définition de la notion »5(*).
En Droit, cette action de délimitation est le rudiment
de la fameuse technique de la catégorie, étape primaire du
raisonnement. Le régime juridique et, en conséquence, les
fonctions de l'institution en question, ne seront envisagés que dans une
seconde étape intellectuelle. Ainsi, l'erreur, constitutive d'un vice du
consentement, est-t-elle communément définie comme une fausse
représentation de la réalité. Toutefois, on peut se
demander s'il est honnête d'évincer son rôle,
c'est-à-dire celui d'entraîner la nullité relative du
contrat.
Comme l'a lumineusement souligné le doyen Cornu, dans
la préface de son Vocabulaire
Juridique : « D'abord vouée à
énoncer les éléments constitutifs d'une chose à
définir, la définition juridique intègre la
considération des fonctions juridiques de
celle-ci »6(*).
L'auteur relève en effet que certaines notions ne sont
singulières que par leurs fonctions, à telle enseigne que :
« le principe de leurs conséquences entre dans
leur définition »7(*). À titre d'exemple, il est
possible de citer la notion de cause, qui ne se définit qu'en
considération de sa fonction. Ainsi, selon qu'il s'agira de
protéger l'intérêt général, ou les
intérêts individuels du cocontractant se prétendant
lésé, elle n'aura pas le même contenu8(*). On parle alors de notion
fonctionnelle.
Même si, en principe, la question de savoir ce qu'est
une chose est différente de celle qui consiste à savoir ce
à quoi elle sert ; force est de constater que la
distinction du sens et de la fonction ne relève pas
toujours de l'évidence. Cette vérité n'est
d'ailleurs pas exclusive au Droit. Ainsi, les biologistes définissent la
fonction comme l': Activité à laquelle un organe est
adapté en raison de sa structure. La structure, ou composition (ou
encore constitution), pour le scientifique, ce n'est rien d'autre que la
définition pour le juriste. Il ressort de l'exemple
précèdent que, la structure, les éléments
caractéristiques, autrement dit, la définition, joue un
rôle essentielle dans les fonctions ou l'activité : Elle
détermine leur « adaptabilité ». Sans sombrer
dans l'anthropomorphisme juridique, il paraît possible d'affirmer que le
signifié de sa définition, participe étroitement à
l'adaptation d'une institution juridique à une finalité
donnée ou poursuivie.
Il nous semble, à l'instar de la notion de cause, que
l'analyse précédente soit valable à l'égard du
concept de délégation. La Doctrine en a forgé une
définition usuelle qui fait aujourd'hui quasiment l'unanimité.
Cette définition est en grande partie le contrecoup de l'approximation
des articles 1275 et 1276 du Code Civil, relevée par de nombreux
auteurs9(*). Aussi est-t-il
est assurément un lieu commun de considérer que la
délégation est : « l'opération
par laquelle une personne en invite une autre à s'engager au profit
d'une troisième »10(*). On ne peut que
s'étonner de la vacuité d'une telle définition, se voulant
pourtant progressiste. A priori, elle serait totalement inutile
à qui s'interroge sur les fonctions de la délégation. Pour
quelles raisons rationnelles une personne en inviterait-elle une autre à
s'engager au profit d'une troisième ?11(*) À quoi sert-il de
conclure cette convention nommée
« délégation » ? Nul ne saurait
le déduire de la définition usuelle
précitée. Une nouvelle définition,
intégrant les fonctions de la délégation, devrait peut
être s'imposer ; encore faudrait-il être en en mesure de les
énumérer.
La délégation, souvent improprement
appelée délégation de
créance, alors qu'il s'agit en réalité d'une
délégation de débiteur, a fait l'objet d'études
relativement fouillées de la part de la doctrine
française12(*). Il
en est pour preuve les nombreuses thèses et études
publiées à ce sujet, sans compter les travaux en cours. Mais,
à peu près tous ont emprunté la même méthode,
consistant à s'appuyer sur la définition purement
théorique de la notion, pour ensuite en dégager les
utilités potentielles, et le régime juridique.
Il ne fallait dès lors pas être surpris, qu'en suivant une telle
démarche, d'éminents auteurs eussent été contredits
par la Jurisprudence. En effet, la méthode utilisée a
amené la doctrine à donner, à l'instar du Code Civil, une
définition purement schématique de la
délégation.
Cette définition classique, statique et objective,
paraît aujourd'hui bien insuffisante ; trop abstraite, elle ne
renseigne en rien sur les utilités concrètes de la
délégation. Au mieux nous permet-elle de conjecturer, et à
vrai dire pronostiquer, quelques utilités potentielles (fruits de
l'imagination et de la créativité des juristes). Or, nous aurons
le loisir de constater que les divers usages quotidiens de la
délégation démontrent clairement que ce à quoi elle
sert, détermine directement ce qu'elle est. En conséquence, il
serait préférable d'en avoir une idée relativement
précise. Nous nous y attèlerons. En définitive, il est
possible d'affirmer que le seul moyen de savoir ce qu'est la
délégation n'est pas de se demander ce que l'on pourrait en
faire, mais ce que l'on en fait.
Par conséquent, afin de mettre en relief les fonctions
réelles de la délégation, il est proposé d'en
dégager une définition plus subjective, en entamant une
démarche inverse de celle communément usitée pour ce
sujet. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, il n'y a pas de
prétention à faire table rase du passé ; il s'agit
moins de renverser la définition classique, que de l'affiner au regard
des fonctions effectivement vérifiées. En effet, plutôt que
de déduire traditionnellement de la définition conceptuelle de la
notion, les différentes fonctions que peut laisser envisager son
régime ; il est proposé d'utiliser la méthode de
l'induction, moins familière au juriste que le syllogisme
déductif. Il s'agira d'abord de partir du réel (des
différents cas effectivement soumis à la jurisprudence de ces
dernières années), pour ensuite tenter d'en abstraire la
quintessence, c'est-à-dire, une définition. Cette démarche
permettra de répondre au premier aspect de notre interrogation, savoir
quelles sont les fonctions effectives de la délégation. La
résolution de ce premier pan de la question facilitera certainement
l'effort de définition consécutif.
Dans l'idéal, la définition de la
délégation saura embrasser toutes les finalités voulues
par les parties, attestant ainsi le caractère unitaire de la notion.
Cependant, il n'est pas certain qu'il soit possible, à partir de
l'ensemble des décisions judiciaires analysées, de proposer une
définition unitaire de la délégation. La question qui se
posera inéluctablement sera en conséquence de savoir si, la
délégation, technique ancestrale du Code Civil, est en
réalité une notion plurale, rétive à toute
tentative d'unification.
En effet, il est à remarquer que plus les
utilités de la délégation sont, en pratique, nombreuses,
plus le concept lui-même est enrichi. De ce fait, il peut être
utile, voire nécessaire, de distinguer selon que les parties
auront poursuivi un but ou un autre. Cette exigence engendrera fort
probablement une pluralité de définitions. La question de la
fonction et de la nature de la délégation est, en
conséquence, beaucoup plus difficile qu'il n'y paraît. Par
ailleurs, la réponse que le Droit français y apportera
déterminera l'avenir pratique de la délégation, et son
attractivité en tant que technique de Droit positif. À
défaut de pouvoir y répondre entièrement, nous y
apporterons notre modeste contribution.
De l'unité à la
diversité. Voilà comme il serait possible de
résumer l'évolution des fonctions de la délégation.
Il est piquant de constater que cette évolution a vraisemblablement
suivi une dynamique inverse de celle du droit des sûretés13(*). Le prétendu rigorisme
contemporain du droit des sûretés aurait-il fait de la
délégation une sûreté ? La question
mérite d'être posée. Au demeurant, il est possible de
relever un assez large consensus sur la fonction extinctive que pourrait avoir
la délégation, le paiement étant souvent
présenté comme sa fonction ordinaire(v. infra, p. 16 et
suiv.).
En revanche, contrairement à ce qu'ont pu affirmer
certains auteurs, la délégation ne se limite pas à une
technique d'extinction des obligations. Peut-être s'agissait-il de sa
fonction originelle ; mais il est aisé de constater, à
l'aune de la pratique contractuelle, que celle-ci n'est plus unique. Aussi
a-t-on pu relever que la délégation, avec l'accord, au moins
implicite, de la Jurisprudence, sert de plus en plus en tant que dispositif de
garantie du crédit au profit du délégataire. Quant
à la délégation extinctive (qu'il sera proposé
d'appeler délégation-paiement), elle est une technique
de simplification de l'exécution des obligations. Elle permet
d'éviter une répétition superflue du paiement, et, en
conséquence, un transfert inutile de valeurs. Ainsi, d'un point de vue
strictement économique, elle constitue une véritable technique de
rationalisation du paiement, permettant de supprimer les étapes
inessentielles de celui-ci. En ce qui concerne la délégation
à titre de garantie (qu'il sera proposé de nommer
délégation-sûreté), il faudra
considérer qu'elle est une technique permettant d'imiter l'effet de
garantie produit par les sûretés personnelles nommées. Elle
donne lieu à une adjonction de débiteur, en garantie de ce qui
est dû par le délégant au délégataire. Ce
dernier aura en conséquence deux droits de poursuite distincts et
autonomes, du moins si la délégation est conclue
imparfaite14(*).
À l'inverse de la délégation en paiement,
qui paraît consubstantielle à la naissance du Code Civil, il
semble que la délégation à titre de garantie se soit
développée de façon plus récente, sous l'impulsion
de la pratique, notamment notariale. C'est ainsi qu'ont été
exposées les deux seules fonctions concrètes de la
délégation. Négativement, il sera aussi nécessaire
d'inventorier les fonctions que ne saurait avoir la délégation,
par exemple, le transport de dette.
Au reste, il faut relever que même s'il existe une
parenté entre la délégation en tant que technique
d'extinction des obligations, et la délégation, technique de
garantie, leur rapprochement, et leur maintien dans une
définition commune, deviennent de plus en plus difficiles.
Peut-être ne s'agit-il tout simplement pas des mêmes
phénomènes, la fonction remplie n'étant pas la
même. Peut-être est-ce la même chose sous un autre
aspect.
Comme élément de réponse, il faudra
admettre, d'une part, que le rôle de délégation est
irréductible à une simple technique d'extinction des obligations,
et, d'autre part, que la définition de la délégation
communément admise est excessivement descriptive. Elle n'est, en
réalité, que le plus petit dénominateur commun de la
notion de délégation. Toutes les hypothèses
concrètes de délégation peuvent se fondre dans
cette esquisse (engagement d'une personne, envers une personne, sur invitation
d'une autre), cela n'en fait pas pour autant une définition
adéquate.
Partant, il ne suffira pas de qualifier une
opération juridique de délégation pour en saisir l'essence
et la réelle portée. Pour ce faire, il nous semble qu'il faudra
nécessairement préciser de quel type de délégation
il s'agit. Toute définition est en réalité
comparable à une
« étiquette », censée
condenser l'essentiel d'une notion ; or, force est de constater
qu'aujourd'hui, la simple
« étiquette "délégation" »,
est bien souvent surannée pour désigner des
réalités contractuelles beaucoup plus complexes. Parler de
délégation ne suffit plus.
Il résulte de ce qui précède qu'il
existe plus que de simples variétés de délégations.
En fonction de la finalité poursuivie par la pratique
contractuelle : délégation-paiement ou
délégation-sûreté, il s'agira d'une
opération originale, constituant à elle seule un genre autonome.
Le trait d'union entre la délégation et sa fonction sera par
suite, aussi bien sur un plan intellectuel, que matériel (ponctuation),
l'élément indispensable à la complétude de la
définition que nous en donnerons. En définitive, il faudra
considérer que la nécessité de distinguer selon l'objectif
poursuivi par les parties, atteste l'absence d'unité de la notion de
délégation. Il n'y pas une, mais des délégations.
Il faudra en conséquence définir chacune d'entre elles.
Ainsi qu'il a été souligné tantôt,
à l'image du droit des garanties du crédit, la
délégation connaît une période de transition.
Celle-ci se caractérise par une spécialisation de ses fonctions,
et un passage de l'unité à la diversité. Cela semble
être une tendance moderne des concepts du Droit français,
pensés de façon de plus en plus cartésienne. Par exemple,
l'exigence générale d'une cause ne suffit plus, il faudra
toujours préciser de quelle type de cause il s'agit. Ne faut-il pas
diviser chaque question en autant de parcelles qu'il se pourrait, et qu'il
serait requis pour les mieux résoudre ? Cette
diversité, qui se manifeste autant en ce qui concerne les fonctions de
la délégation, que la notion elle-même, n'est pas une
source inutile de complexité ou de subtilité. La
nécessité de distinguer n'est en réalité qu'une
illustration de la richesse de la notion, et, du même coup, de l'ordre
juridique qui l'abrite.
Il sera en définitive possible d'affirmer, qu'au regard
de la pratique contractuelle, telle qu'entraperçue par le prisme de la
jurisprudence, la délégation pure et simple n'existe
pas. À l'image des délits pénaux, il n'existe que
des délégations spéciales. Il nous reviendra donc
d'extraire, par induction de la jurisprudence, les
« éléments constants et
nécessaires »15(*) de toutes les typologies de
délégation que nous rencontrerons. Il s'agira
véritablement de rechercher l'élément
caractéristique de la délégation, ou, plus exactement, de
chaque type de délégation. La simple
référence à l'invitation du délégant, et
à l'engagement subséquent du délégué, semble
insuffisante à constituer un élément
caractéristique assez globalisant.
L'ironie du sort voudra que pour définir une notion que
nous aurons présentée comme étant fonctionnelle, il sera
nécessaire de recourir à une autre notion fonctionnelle : la
cause. La tâche n'en ressort pas facilitée.
En effet, il semble que la cause, c'est-à-dire
« l'intérêt de l'acte juridique pour son (ou
ses) auteur(s) »16(*), constitue l'élément qui permette
de faire le départ entre les différents types de
délégations. Cela renforce, au demeurant, l'affirmation selon
laquelle il n'existe que des délégations spéciales, dans
la mesure où la cause catégorique est aussi celle qui permet de
différencier les contrats dits spéciaux. Cela dit, il nous faudra
préciser, si possible, de quelle espèce de cause il s'agit.
Présentement, il semble extrêmement difficile, voire impossible,
d'apporter une telle précision. Si la nécessité de
distinguer selon la finalité poursuivie par les parties au contrat de
délégation est incontestable, la nature de cette finalité
peut être l'objet de discussions.
En dépit de toutes ces incertitudes, il reste que,
désormais, le terme de délégation, sauf à
être lacunaire, ne supporte plus la solitude. Il ne tolère non
plus de souffrir d'une hésitation quant à ses fonctions, ne
serait-ce que pour une évidente raison de prévisibilité et
de sécurité juridique des conventions. Il a cependant trop
enduré une étude peu pragmatique, fondée quasi
exclusivement sur les textes, et somme toute assez peu sur la jurisprudence et
la pratique des affaires. Or, l'utilisation récurrente de la
délégation, notamment par la pratique commerciale ou notariale,
en fait l'une des illustrations les plus marquantes du concept moderne de
« droit civil des affaires »17(*). Ce n'est pas un hasard si,
une forte majorité des décisions que nous analyserons est issue
de la jurisprudence de la Chambre Commerciale et Économique de la Cour
de Cassation. En effet, la délégation est devenue une technique
de droit économique18(*). L'analyse civiliste et théorique ne suffit
donc plus.
Partir de cas particuliers, pour tenter d'établir une
vérité générale et abstraite, en l'occurrence, une
définition, peut sembler un raisonnement à l'envers, propre
à la statistique, mais étrangère au Droit. Toutefois, une
telle approche, bien que critiquable par ses aspects purement quantitatifs,
semble beaucoup plus moderne et pragmatique que de hiératiques
prémonitions. En effet, jusqu'à présent, la Doctrine s'est
en général contentée d'énoncer ce que l'on pourrait
faire de la délégation. À cette première approche,
il sera préféré une seconde, beaucoup plus pragmatique,
consistant à se demander ce que l'on fait concrètement de la
délégation.
Il ne s'agit pas simplement de cataloguer les fonctions de la
délégation, mais de les actualiser au regard de la doctrine
moderne, et, surtout, de ce qui se fait quotidiennement dans la pratique
bancaire, commerciale, immobilière etc. Cette actualisation
répondra à la première question, qui est de savoir quelles
sont les fonctions effectives de la délégation. Ensuite, il sera
possible de répondre au second (et secondaire) aspect de notre
problématique, savoir ce que recouvre vraiment la notion de
délégation.
En conséquence, à un travail essentiellement
pratique, d'étude des faits soumis à la jurisprudence
récente, et d'identification des buts poursuivis par les usagers du
mécanisme de la délégation, succédera un effort de
synthèse.
Il s'agira de démontrer que la délégation
est une notion fonctionnelle, et qu'il est, en conséquence,
nécessaire d'en donner une pluralité de définitions
fonctionnelles. Tous nos développements tendront donc à
démontrer qu'il s'agit d'un concept fonctionnel, dont l'utilité
est marquée par le dualisme. Aussi, dans la mesure où il
s'agirait d'une notion fonctionnelle, il nous paraîtrait raisonnable que
le but recherché par les parties en guidât le régime
juridique.
En définitive, il paraît incontestable que
l'observation de la réalité doive conduire à mener une
réflexion sur la notion de délégation. Elle permet de
constater que cette notion a évolué, parallèlement au
développement contemporain de ses fonctions. Face à des
phénomènes tels que l'institutionnalisation du cautionnement, ou
la rigidité relative des autres sûretés personnelles, la
pratique a dû réagir, et en quelque sorte
« exhumer » cette « bonne vieille »
technique du Code Civil. Afin de véritablement comprendre cette
évolution fonctionnelle et conceptuelle, il paraît indispensable
de mettre à jour les fonctions de la délégation, notamment
au regard de la jurisprudence contemporaine (I), pour, à partir de ce
matériau, mettre au jour la notion de délégation (II).
PARTIE I : Mise à jour des fonctions de
la délégation
Mettre à jour les fonctions de la
délégation implique de s'attarder sur deux aspects essentiels de
la manifestation du Droit : La Jurisprudence, et, dans une moindre mesure,
la Doctrine juridique plus ou moins contemporaine de cette Jurisprudence. Toute
oeuvre de mise à jour se préoccupe en priorité de
l'actualité, toutefois, il ne faut pas faire table rase du passé
et des acquis jurisprudentiels et théoriques. Ainsi, sera dans un
premier temps envisagée la controverse doctrinale sur les fonctions de a
délégation (I), et, dans un second temps, nous procéderons
au recensement des fonctions actuelles et concrètes de la
délégation (II).
Chapitre I : La controverse doctrinale sur les
fonctions de la délégation
Globalement, il est possible de distinguer deux mouvements
doctrinaux qui s'opposent sur les fonctions qu'a, ou que pourrait avoir, la
délégation. L'opposition réside tantôt sur la
notion, tantôt sur les fonctions stricto sensu.
Mais, comme il a déjà été
souligné, les deux aspects sont parfois intimement liés,
notamment en notre matière : Le départ entre sens et
fonction ne relève pas toujours de l'évidence 19(*). C'est ainsi que d'une
conception plus ou moins large de la notion même de
délégation, découleront des fonctions plus ou moins
abondantes. Il ne faudra dès lors pas s'étonner que certaines
définitions doctrinales soient ici présentées; cette
présentation a pour unique finalité de mettre en évidence
les fonctions de la délégation constatées par la Doctrine,
ou, projetées pour la plupart.
Il sera permis de constater, in fine, que
l'opposition doctrinale relevée n'est globalement fondée que sur
des conjectures, en l'absence de prise en compte de la pratique contractuelle.
Il en est pour preuve le fait que fonctions proposées soient
systématiquement présentées au conditionnel20(*). Elles relèvent plus du
domaine du voeu, du souhait, ou de l'intuition intellectuelle, que d'une
véritable analyse de la réalité. Il est en
conséquence difficile de se prononcer en faveur de l'une ou de l'autre
des différentes théories exposées, tant la démarche
scientifique semble critiquable. À la conception restrictive de la
notion de délégation, impliquant une conception restrictive de
ses fonctions (I), s'oppose une acception beaucoup moins rigoureuse (II).
Cette opposition se cristallise sur la question de la
nécessité d'un ou de plusieurs rapports d'obligations
préalables. Il est primordial de souligner que : « la
réponse à cette question détermine directement les
fonctions de la délégation »21(*).
Section I : La conception restrictive des
fonctions de la délégation.
Cette théorie a la faveur d'illustres auteurs22(*). Elle propose une
définition beaucoup plus restrictive de la délégation, que
celle communément admise, notamment en posant comme condition de
celle-ci, l'existence d'obligation(s) préalable(s). Tantôt, il
s'agit de l'exigence d'un premier rapport d'obligation au moins (I),
tantôt, il s'agit la nécessité d'un double rapport
préalable (II). Cependant, s'il est indiscutable que le caractère
plus étroit de la notion de délégation lui ferait perdre
de sa « plasticité »23(*) naturelle, il est
nécessaire de vérifier, si, concrètement, l'exigence
d'obligations préalables se justifie. En effet, une conception
limitative des fonctions de la délégation risque
irrémédiablement de compromettre son attractivité pour
les praticiens du Droit. Ce n'est donc pas tant la définition
restrictive de la délégation qui serait discutable, mais le
contingentement des fonctions qu'elle engendrerait.
§ I : L'existence de l'obligation du
délégué comme condition de la
délégation
Avant de la réfuter, nous examinerons les fondements de
cette proposition. Elle a pour conséquence de limiter
considérablement les utilités de la délégation.
A - Exposé des arguments la thèse
proposée
Pour M. J. François, l'existence d'une obligation
préalable du délégué à l'égard du
délégant est un élément caractéristique de
la délégation. Il permettrait ainsi de distinguer la
« vraie »24(*) délégation, à l'occasion de
laquelle le délégué est préalablement
débiteur du délégant, des
« fausses » délégations, qui
appelleraient dans certains cas d'autres qualifications, mieux aptes à
rendre compte de la nature juridique de l'opération
effectuée.25(*)
C'est dans cette perspective que l'auteur propose de
définir la délégation comme
« l'opération à l'occasion de laquelle, le
délégué, en qualité de débiteur du
délégant, accepte de s'engager sur son ordre envers le
délégataire »26(*).
Toutefois, il est piquant de constater que l'auteur, au titre
de ce qu'il nomme « les fonctions de la délégation
stricto sensu », se contente d'énoncer que la
délégation simple
« pourrait »
(nous qui soulignons l'emploi du conditionnel) permettre de réaliser une
donation ou un prêt indirects du délégant envers le
délégataire. C'est ainsi que le délégant, dans une
intention libérale, octroierait au délégataire, le
délégué, qui dans cette hypothèse est
impérativement débiteur de du délégant. Rappelons
que, selon l'auteur précité, il s'agit d'un élément
qui est de l'essence de la délégation.
Il semble aussi que cette opération peut permettre un
crédit, avec l'insigne avantage pour le délégant de ne pas
avoir à mobiliser de fonds pour ce faire. Le même
« schéma »
se reproduit, à l'image, de la donation indirecte, à la
différence que dans ce dernier cas, le délégataire n'aura
pas d'obligation de restitution, inhérente au prêt, à
l'égard du délégant 27(*).
Dans ces différentes hypothèses, il s'agit de
fonctions probables et non prouvées ; l'utilisation
récurrente du conditionnel et la carence d'exemples jurisprudentiels
l'attestent s'il en est besoin. En réalité, la donation ou le
prêt indirects par voie de délégation ne sont que des
illustrations de la délégation-paiement, qui sera
étudiée plus loin. Ainsi, le donateur délèguera par
exemple un de ses débiteurs, afin de pouvoir exécuter sa
prestation envers le donataire. Il en est de même en matière de
prêt indirect, par exemple pour l'obligation de mise à disposition
des fonds ; sauf s'il l'on estime qu'il s'agit d'un contrat réel,
et que la mise à disposition des fonds n'est pas l'exécution
d'une obligation, mais une condition de formation du contrat. Sans entrer dans
ce débat, il est possible d'affirmer que la donation indirecte ou le
prêt indirect ne sont pas des fonctions spécifiques de la
délégation. Si tant est que de telles hypothèses se
retrouvent en pratique, elles ne sont que des illustrations d'une
délégation en paiement, ayant pour finalité l'extinction
d'une obligation. Par ailleurs, il est paradoxal que des
défenseurs de la conception restrictive de la délégation
veuillent lui ajouter des fonctions qu'elle n'a pas.
Néanmoins, force est de constater que ces suppositions
sont a priori plaisantes. En effet, elles favorisent
l'élasticité fonctionnelle de la délégation, et, en
conséquence, son attractivité en tant que mécanisme
juridique de droit positif. L'attractivité d'une technique de droit
patrimonial dépend souvent de son incidence fiscale, ou de la souplesse
de ses conditions de formation et d'opposabilité28(*). Mais, elle dépend
également, et il est fréquent de l'oublier, du champ des
possibles offert aux praticiens du Droit. Rappelons plus
généralement qu'à l'heure de la compétition entre
systèmes juridiques, il en va de l'attractivité du Droit
français, souvent critiqué pour sa rigidité et son manque
de pragmatisme29(*).
La principale difficulté consiste en ce que les
hypothèses ci-dessus exposées, intéressantes au demeurant,
ne sont accompagnées d'aucun exemple jurisprudentiel ou pratique
permettant d'étayer et d'illustrer le propos. Il s'agit donc, comme
nous l'avons souligné, de conjectures, contraires à notre
démarche scientifique, plus réaliste, visant à mettre en
exergue les finalités réelles de la délégation. Il
résulte de ce qui précède que la définition et les
fonctions proposées ne peuvent qu'être réfutées, ne
serait-ce que de façon provisoire, jusqu'à leur confrontation
à la Jurisprudence.
B - Réfutation de la thèse
proposée
Au-delà des fonctions données en illustration,
c'est la définition précitée en elle même qui est
à rejeter30(*). Il
est en effet possible de la contester à un double titre.
D'une part, elle est extrêmement proche de la
définition usuelle de la délégation, dont nous
démontrerons qu'elle est creuse. D'autre part, elle n'est pas, et n'a
jamais été, conforme à la réalité
jurisprudentielle. Or, l'observation de la jurisprudence est en la
matière fondamentale. Plus généralement, il s'agit, en
Droit du moins, d'une condition de découverte de la
réalité, et donc de la Vérité.
Tout d'abord, en ce qui concerne la proximité avec la
définition descriptive communément admise ; rappelons que
celle-ci se contente d'énoncer l'invitation du délégant
(qui n'a rien de caractéristique, infra p.75), l'engagement du
délégué, et, parfois, l'acceptation du
délégataire, pour permettre de distinguer la
délégation de la stipulation pour autrui31(*). Cette définition
inconsistante est tout au plus une description.
M. François ne fait donc que se rallier à
cette définition creuse, en posant au passage une condition
supplémentaire qui, rappelons le, est la qualité de
débiteur du délégué envers le
délégant. Nous démontrerons qu'en plus d'être
rejetée par la jurisprudence, cette exigence n'à aucune
utilité. Il faut tout de même avouer que cette proposition
doctrinale a le mérite d'être originale. Elle constitue une
tentative de pallier le relatif « vide »
législatif, souligné par tous les auteurs, sur la notion
et le régime de la délégation32(*). En effet, seuls les articles
1275 et 1276 du Code Civil traitent de la délégation, de
surcroît, de façon incidente, comme par mégarde, au titre
de la novation33(*).
Toutefois, la définition précitée (supra p.17)
ne passe pas la redoutable épreuve de la confrontation à la
réalité jurisprudentielle. En effet, la Cour de Cassation affirme
que la qualification d'une délégation est
indépendante de la qualité de débiteur du
délégué envers le délégant34(*). Cet élément
n'est en conséquence nullement caractéristique de la
délégation, comme il a pu être prétendu. En
réalité, il sera possible de constater que la
nécessité de l'obligation préalable du
délégué n'a de justification pratique qu'à
l'égard de la délégation-paiement. En conséquence,
il n'est pas possible d'en faire une constante de la notion de la
délégation.
Le mouvement doctrinal ayant une conception restrictive des
fonctions de la délégation ne se limite cependant pas à la
proposition consistant à faire de l'obligation préalable du
délégué envers le délégant, une condition
fondamentale de la délégation. Certains auteurs sont, en effet,
beaucoup plus exigeants pour reconnaître une véritable
délégation, si bien qu'ils requièrent l'existence d'un
double rapport préalable, en amont de l'acte de délégation
lui même. Certes ne s'agit-il que d'une opinion minoritaire, mais, elle
émane d'auteurs qui font autorité en la matière. En
conséquence, leur point de vue mérite d'être
examiné.
§ II : L'existence d'un double
« rapport fondamental » comme condition de la
délégation
M. Marc Billiau, auteur d'une thèse faisant
référence en notre matière, estime que l'existence de
rapports juridiques préalables est une condition constitutive de la
délégation35(*). Il en résulte que la qualité de
créancier du délégant à l'égard du
délégué est essentielle à la qualification d'une
délégation, non moins que sa qualité de débiteur
à l'égard du délégataire. Cette règle serait
justifiée par la finalité unique que l'auteur assigne à la
délégation : « Elle est une technique
d'extinction des obligations, et elle n'est que cela »36(*). En
conséquence, l'existence d'un double « rapport
fondamental » en est une condition nécessaire. Cette
conception extrêmement limitée de la notion de
délégation aboutit à limiter ses fonctions à
l'unicité. Elle ne serait qu'un mode d'extinction des obligations.
Il est parfaitement logique de considérer que
l'extinction de rapports préalables suppose, en amont, l'existence de
ceux-ci. Mais, cette logique ne tient plus dès lors que l'on assigne
à la délégation d'autres fonctions que le payement.
L'affirmation contraire résulte d'une conception moniste des fonctions
de la délégation, limitant son rôle à
l'unicité. Si cette opinion trouve des fondements apparents (A), elle
n'est toutefois pas avérée, et participe d'une regrettable
confusion qui n'emporte pas la conviction (B).
A- Les arguments de la thèse moniste des
fonctions de la délégation
Selon cette théorie, il faudrait d'une part
considérer ce qu'il est possible d'appeler la position
géographique des textes régissant la
délégation. En effet, ceux-ci se situent dans la section II du
chapitre V du titre III, du livre troisième du Code Civil. Ce chapitre
V est intitulé : « De l'extinction des
obligations ».
Selon M. Billiau, la présence de la
délégation dans cette partie du code limiterait son
utilité à l'unité, l'extinction des
obligations ; participant sans doute d'une volonté de l'auteur
d'envisager de façon unitaire le concept lui-même, quelle que
puisse être son utilisation. En effet, selon l'auteur
précité, au-delà des différentes fonctions que l'on
voudrait bien lui attribuer, il y a une unité du concept de
délégation. C'est ainsi qu'il en propose une définition
unitaire et synthétique : « La
délégation, en droit des obligations, est l'opération
juridique par laquelle un débiteur, appelé
délégant, propose à son créancier, appelé
délégataire, l'un de ses débiteurs, appelé
délégué, qui consent à s'obliger personnellement
envers le délégataire »37(*). Il en ressort que la délégation
suppose deux rapports de droit préexistant à sa formation.
Il s'agit cependant d'une lecture passablement restrictive du
Code Civil. En effet, le seul fait que la délégation soit
envisagée dans une partie du Code Civil relative à l'extinction
des obligations, ne saurait suffire à la limiter à ce simple
rôle. Il est constant que la position des textes dans un code ne sert que
d'indice, certes utile, à l'interprétation ou à la
compréhension de l'esprit de la règle.
Il suffit d'envisager la position du contrat de
société pour s'en convaincre. Le débat sur la nature
juridique de la société fut houleux entre, d'une part, les
partisans de la thèse contractuelle et, d'autre part, les tenants de la
théorie institutionnelle. Ce débat aurait pu être
tranché de façon simple, et simpliste, en faisant
référence à la position du contrat de
société dans le Code Civil. En effet, ce dernier est
envisagé en même temps que les contrats dits spéciaux.
Toutefois, ce simple argument n'a pas empêché le débat, car
la position d'un texte dans le code ne doit constituer qu'un indice de son
champ d'application.
Il en ressort, par analogie, que ce n'est pas parcque la
délégation est envisagée au titre de l'extinction des
obligations qu'elle a nécessairement vocation à se limiter
à ce rôle. Quasiment personne ne conteste aujourd'hui la nature
contractuelle de la société, mais cela n'empêche en rien
qu'elle puisse transcender ce stade primaire, pour relever d'une nature
juridique plus complexe.
De même, notre propos n'est pas de dénier la
fonction extinctive de la délégation, dont nous verrons qu'elle a
une part non négligeable en pratique (V infra p.44 et
suiv.) ; il s'agit simplement d'appréhender la
réalité dans sa globalité, en relevant que cette
réalité intègre la fonction extinctive tout en la
dépassant.
Selon la théorie moniste, il faudrait, d'autre part,
déduire l'exigence d'un double rapport préalable, et sa
conséquence, l'unicité du rôle de la
délégation, de l'exégèse de l'article 1275 du Code
Civil. Cette exégèse conduirait à constater que
l'obligation préalable du délégué à
l'égard du délégant, ainsi que l'obligation du
délégant à l'égard du délégataire,
sont des éléments intrinsèques de la notion de
délégation. En somme, il s'agit de la condition du fameux
« double rapport fondamental ». Pour
réfuter ce second argument, qui n'est du reste que partiellement
inexact, il faut relire la première partie de la mièvre
définition de la délégation donnée par le Code
Civil : « La délégation par laquelle un
débiteur donne au créancier un autre débiteur qui s'oblige
envers lui (...) ».
Le texte fait effectivement référence
à la qualité des parties, il ne s'agit pas d'une personne qui
en invite une autre, mais bien d'un débiteur qui donne au
créancier, ou plus exactement, qui délègue au
créancier, un autre débiteur. En se limitant strictement
à l'article 1275 du Code Civil, sans doute pourrait-on concéder,
dans une première approche, que l'obligation du délégant
(débiteur) envers le délégataire (créancier) est
une nécessité. Celui-là donne à celui-ci un
nouveau débiteur, cela devrait vraisemblablement vouloir dire
qu'il était lui-même ancien débiteur
de ce créancier. En cela, la proposition critiquée paraît
partiellement fondée.
En revanche, pour ce qui concerne le second
« rapport fondamental »
(délégué délégant), la lecture attentive du
Code Civil est particulièrement révélatrice, et illustre
du reste la fonction heuristique de l'exégèse des textes38(*). Cet effort nous permet
d'éviter une malheureuse confusion sur le rôle et la
qualité du délégué.
B - La thèse moniste, résultat d'une
confusion sur le rôle et la qualité du
délégué
Par l'opération de délégation,
« le débiteur donne au créancier un autre
débiteur » (art.1275 C. CIV). Il s'agit réellement d'un
autre débiteur, délégué au profit du
créancier délégataire, et non d'une personne d'ores et
déjà débitrice du délégant. La
possibilité de confusion s'explique par le fait que la qualité de
débiteur du délégué est anticipée par le
texte.39(*) L'article 1275
du Code Civil envisage en effet le délégué en
qualité débiteur, avant qu'il ne s'engage envers le
délégataire ; or, ce n'est qu'à compter de son
engagement qu'il deviendra débiteur du délégataire. Au
demeurant, cela n'implique pas qu'il soit préalablement débiteur
du délégant, quand bien même le texte eût fait
référence à une personne en qualité
d'« autre débiteur ». En conséquence,
l'expression : « autre débiteur » vise
effectivement le délégué, mais seulement après
qu'il se sera engagé envers le délégataire et sera devenu
débiteur de celui-ci. Elle ne se réfère donc pas au
délégué en qualité de débiteur
préalable du délégant, contrairement à ce que
l'anticipation susvisée pourrait faire croire.
L'approximation de l'article 1275 du Code Civil contribue
cependant à entretenir une certaine confusion, car l'anticipation de la
qualité de débiteur du délégué à
l'égard du délégataire a conduit à ce que cette
qualité soit quelquefois considérée comme une condition de
la délégation, avec cependant une erreur sur le point
d'application. Par « erreur sur le point d'application »,
il est entendu que le délégué a été
considéré comme devant être débiteur du
délégant, or le texte anticipe cette qualité, mais en tant
que débiteur du délégataire. À la pauvreté
quantitative des dispositions relatives à la délégation,
s'ajoute une fâcheuse rédaction ayant induit la Doctrine en
erreur.
Ainsi est-t-il clairement vérifié que l'article
1275 du Code Civil n'impose nullement l'existence d'un rapport préalable
entre le délégué et le délégant. Une telle
exigence eût nécessité une formulation autre. Il y a en
réalité une différence considérable entre :
« donner au créancier un autre débiteur »,
et, donner au créancier : « un autre de ses
débiteurs » ou, tout simplement, « un de ses
débiteurs ». L'omission volontaire du possessif traduit
la volonté du législateur de ne pas faire de l'obligation
préalable du délégué une condition de la
délégation. Au demeurant, cette solution est, comme nous l'avons
auparavant relevé, renforcée par la Jurisprudence40(*). Cette jurisprudence,
essentielle s'il en est, est approuvée par une majeure partie de la
Doctrine. En effet, « Une solution contraire
réduirait inutilement les fonctions de la
délégation »41(*). La Cour de Cassation, en
s'abstenant d'exiger une dette préalable du
délégué, revitalise à nos yeux les fonctions de la
délégation, et, du même coup, la notion. En
définitive, il ne fait aucun doute que l'obligation du
délégué envers le délégant n'est pas un
préalable nécessaire à toute délégation.
Pour autant, devrait-on considérer avec certains
auteurs que : « peu importe que la délégation
se greffe une, deux ou aucune obligation
préexistante »42(*) ? Une telle affirmation nous semble
réellement excessive. En effet, en pratique, au regard des fonctions que
remplit vraiment la délégation, il nous sera possible de
vérifier que l'obligation du délégant, à la
différence de celle de délégué, demeure toujours
nécessaire
Cela étant, il n'est pas inconcevable, qu'en pratique,
le délégué puisse être débiteur du
délégant, préalablement à la conclusion de la
délégation. C'est d'ailleurs bien souvent le cas. L'unique
portée déductible de notre exégèse, et de la
solution jurisprudentielle précitée, est qu'il ne s'agit pas
d'une condition impérative de la délégation. L'obligation
du délégué n'est une condition théorique de la
délégation qu'en cas de délégation novatoire par
changement de créancier, à l'occasion de laquelle, en
contrepartie de son engagement envers le délégataire, le
délégant libère le délégué. Toute
novation suppose en effet, au préalable, une première obligation
valable à éteindre43(*). Il s'agirait alors, pour le
délégué, d'une novation par changement de
créancier ; la novation par changement de débiteur
n'opérant que lorsqu'en contrepartie de l'engagement du
délégué, le délégataire libère le
délégant.
L'affirmation de la nécessité d'un double
rapport fondamental, ainsi que la confusion constatée ci-dessus
relèvent peut-être d'un besoin inconscient de la Doctrine
française de rattacher la délégation à la novation.
En effet, sous l'ancien Droit, celle-ci était nécessairement
novatoire. Pothier écrit d'ailleurs à ce
sujet : « La délégation est une
espèce de novation, par laquelle l'ancien
débiteur, (le délégant) pour s'acquitter
envers son créancier, lui donne une tierce personne qui à sa
place s'oblige envers le créancier (...)»44(*). L'expression «
pour s'acquitter envers son créancier », atteste que la
délégation était uniquement envisagée, sous
l'ancien Droit, comme un mode de paiement. Le Code Napoléon a cependant
rompu avec cette tradition juridique, pour détacher la notion de
délégation de celle de novation. Celle-là peut toutefois
produire un effet novatoire, lorsque le délégataire entend
décharger le délégant, voire, doublement novatoire, si,
concomitamment, le délégant entend décharger le
délégué, qui, dans cette hypothèse, était
déjà son débiteur. Rappelons que la présence de ce
dernier rapport de droit n'est pas impérative. Dans la première
hypothèse, il s'agira d'une novation par changement de débiteur,
dans la seconde, d'une novation par changement de créancier. Il
résulte de ce qui précède que si la
délégation peut produire un « effet
novatoire », elle n'entraîne désormais plus
forcément novation, comme elle le faisait jadis sous l'ancien
droit45(*). En
conséquence, n'étant plus,
dorénavant, nécessairement novatoire, sans pour autant que
cette réalité soit l'objet de critiques, on ne voit pas pour
quelles raisons la délégation devrait se contenter de rester un
simple moyen de paiement.
La réfutation de la théorie moniste des
fonctions de la délégation s'impose, car cette théorie
réduit les fonctions de la délégation auxquelles peut
recourir la pratique contractuelle. L'exigence d'une définition stricte,
basée sur l'existence de rapports juridiques préalables, ne
favorise pas l'adaptabilité de la délégation. Il est en
effet évident que plus les conditions à remplir seront
nombreuses, plus il sera ardu de les réunir. Par conséquent, la
délégation deviendrait moins facilement exploitable. Du reste, il
est démontré que cette théorie moniste résulte,
entre autres, d'une malheureuse confusion due à l'anticipation de la
qualité du délégué. En dernière analyse,
elle n'emporte pas notre conviction.
Comme nous le verrons plus loin, il n'est ni possible, ni
utile, de limiter le rôle délégation, à l'instar de
M Billiau, à une opération de simplification du paiement. Il est
tout autant illusoire de vouloir exiger de façon générale
une obligation préalable du délégué à
l'égard du délégant, et, a fortiori, un double
« rapport fondamental ».
Néanmoins, il est nécessaire de nuancer la
critique, notamment celle adressée à l'exigence d'un double
rapport fondamental. En effet, le développement quasi exponentiel du
recours à la délégation est relativement récent. Il
n'a donc pu être pris en compte dans sa totalité par la Doctrine,
même contemporaine. Ce manque de données pratiques (contrats et
jurisprudence pour l'essentiel) contemporaines de l'expression de leurs
opinions, a pu induire, jadis, les auteurs en erreur. Peut-être ont-ils
eu tort de limiter la délégation à une unique fonction,
mais, au regard de la matière dont ils disposaient, sans doute
avaient-ils raison d'avoir tort. C'est dans ces circonstances
qu'un auteur a pu écrire en 1989 dans sa thèse :
« la faible importance du contentieux contemporain serait
de nature à faire croire que la délégation est
demeurée une technique contractuelle délaissée par la
pratique »46(*). Nous verrons à travers l'analyse de la
Jurisprudence récente, marquée par un développement du
contentieux, qu'une telle affirmation, quand bien même eût-elle
été valable il y a peu, est aujourd'hui surannée. Il est
donc désormais possible, et, singulièrement, nécessaire,
de mettre à jour les fonctions de la délégation.
L'inflation inattendue de la Jurisprudence, ci-dessus
relevée, a conduit des auteurs, plus récemment, à voir en
la délégation un concept multifonction. La
définition de la notion de délégation étant
extrêmement vague, elle laisse libre l'imagination des praticiens, sous
l'impulsion de la Doctrine. Le risque serait néanmoins une inversion des
propositions, et le passage d'un extrême à un autre. Faire de la
délégation l'électron libre du Droit des
obligations, c'est peut-être la condamner à mourir de gigantisme;
ou, faire peser sur celle-ci un sempiternel soupçon de fraude à
l'utilisation d'une technique contractuelle plus a propos. C'est ainsi que
certains auteurs s'insurgent contre une tendance actuelle tendant à
vouloir faire de la délégation
« la commode bonne à tout faire du droit
français des obligations »47(*). Pour autant,
une partie de la Doctrine n'a pas hésité à franchir ce
stade, scellant ainsi l'opposition avec l'acception stricte de la
délégation.
Section II : La conception extensive des
fonctions de la délégation
La pratique des affaires a besoin de souplesse et de
prévisibilité, notamment au niveau international. Ce besoin est
parfois pris en compte par le Droit ; à titre d'exemple, il est
possible de mentionner la création de la cession de créance par
voie de bordereau (dite « Dailly »). Dans l'ordre juridique
international, la Jurisprudence a pris d'elle-même l'initiative de
favoriser la validité des clauses d'indexation, afin que le Droit
français ne soit pas lésé sur le
« marché du Droit », marché sur
lequel s'exerce le libre choix de Loi applicable au contrat
international48(*).
La commission « Grimaldi »,
chargée de proposer un avant projet de reforme du Droit des
sûretés, avait elle aussi relevé ce besoin de souplesse,
ainsi que la nécessité de promouvoir le rayonnement et la
compétitivité de la culture juridique française. Ainsi
soulignait-t-elle, dans son rapport, que : « en marge du
cautionnement et à la faveur du principe de liberté
contractuelle, de nouvelles sûretés personnelles sont apparues
dans la pratique des affaires et s'y sont développées au point
d'y devenir usuelles. Considérant les difficultés de
qualification auxquelles elles donnent parfois lieu en jurisprudence, et
soucieux de du rayonnement du droit français (...) » le
groupe de travail a proposé la consécration formelles de
nouvelles sûretés personnelles49(*).
Le Législateur a tenu compte de cette suggestion, en
consacrant la lettre d'intention et la garantie autonome, comme nouvelles
sûretés personnelles nommées, aux côtés du
cautionnement50(*).
Toutefois, se pose la question de la place de la
délégation parmi ces différentes institutions. En effet,
une partie de la Doctrine a une conception très large des fonctions de
la délégation, au moins en droit interne51(*). Elle propose ainsi que la
délégation soit utilisée comme technique de garantie.
Partant, cette dernière pourrait entrer en concurrence avec les
(autres ?) sûretés personnelles nommées, notamment le
cautionnement (I). À la rigueur, elle pourrait même leur
être substituée. En cas de contentieux, il s'agira soit, d'une
difficulté de qualification, soit, d'une question de fraude à la
Loi. Par ailleurs, il faut relever que certains auteurs voient la
délégation jouer un rôle explicatif de
certaines techniques juridiques, notamment la cession de contrat (II). Elle
cesserait donc d'être un contrat portant sur l'obligation,
c'est-à-dire l'effet, pour être un contrat relatif à l'une
des causes efficientes de l'obligation, le contrat.
§ I L'opposition doctrinale sur l'aptitude
de la délégation à constituer une sûreté
personnelle de substitution.
Il s'agit, pour l'instant en tout cas, moins de
résoudre la difficulté que de la poser. Plus
précisément, il s'agit d'asseoir le débat, d'en relever
les enjeux, notamment face aux conceptions extrêmement libérales
que certains auteurs ont pu exprimées.
La conception libérale des fonctions de la
délégation n'est pas, à strictement parler,
l'opposée de la précédente (supra, p.16 et
suiv.). En effet, elle se fonde davantage sur la liberté contractuelle
et la possibilité laissée aux parties de déterminer le
contenu de leurs obligations, que sur la question de savoir s'il doit, ou non,
exister des rapports d'obligation préalables à la convention.
M. le professeur Philippe Simler avait, il y a quelques
années déjà, proposé d'utiliser la
délégation comme succédané au cautionnement devenu
trop rigide52(*). La
question mérite d'être reposée dans un environnement
jurisprudentiel actualisé. Une Doctrine plus récente, et plus
militante, propose sans ambages la consécration de la notion de
« délégation-sûreté » ;
non pour pallier uniquement le manque de sévérité du
cautionnement, mais pour contourner en outre la Jurisprudence relative aux
garanties autonomes53(*).
A- La
délégation-sûreté : solution de substitution au
cautionnement ?
Ce débat sera sans doute parmi ceux qui agiteront le
plus la Doctrine ces prochaines années. Il n'est bien sûr pas
question de l'exposer dans le détail, mais seulement d'en donner un
aperçu, de relever l'opposition doctrinale, et de poser, graduellement,
ce qui nous semble être les bonnes questions.
La question essentielle est a priori assez simple.
Dans un premier temps, il est possible de l'énoncer comme suit :
Est-il possible d'utiliser la délégation comme un mode de
garantie de la bonne exécution d'une obligation ?
Cette première formulation ne suscite pas de
difficultés particulières, dans la mesure où, le
Législateur en personne, envisage la délégation comme un
mécanisme de garantie du crédit. Par exemple, dans la Loi de 1975
sur la sous-traitance, le maître d'oeuvre a le choix entre fournir au
sous-traitant un cautionnement, ou lui déléguer le maître
de l'ouvrage54(*). Les
deux branches de l'alternative sont considérées, par la Loi
elle-même, comme équivalentes dans leur rôle de garantie, et
dans leur efficacité. En effet, l'entrepreneur principal a un choix non
conditionné entre l'une ou l'autre. Il est, en conséquence,
indéniable que la délégation puisse servir à
garantir le paiement d'une obligation, au même titre ou à la place
du cautionnement, ne serait-ce qu'en vertu d'une disposition législative
en ce sens. La pratique se sert de effectivement de cette
possibilité55(*).
Du reste, il est à remarquer que cette alternative proposée par
la Loi est heureuse, car favorable au crédit de l'entrepreneur
principal. Comme il a été judicieusement
souligné à propos de la Loi de 1975
: « il est généralement plus facile pour un
débiteur auquel une garantie est demandée d'obtenir l'engagement
d'un tiers qui est déjà son débiteur (...) que de trouver
une caution qui assumera pleinement le risque de
paiement »56(*). Ainsi est-il démontré que la
délégation peut avoir pour fonction de garantir le paiement.
La difficulté relevée plus tôt se pose
avec plus d'acuité, dans les cas, au demeurant plus nombreux, où
la Loi ne prévoit pas expressément la possibilité de
recourir à la délégation comme mode de garantie. Dans
cette circonstance, la question qui se pose est de savoir si les parties
peuvent, par voie conventionnelle, adopter la délégation dans le
seul et unique but de garantir une obligation (indépendamment d'un
quelconque paiement d'une obligation préalable).
La question est encore plus épineuse quand il s'agit
de substituer au cautionnement, sûreté personnelle classique, une
opération de délégation. Il s'agirait de savoir, en
définitive, si le recours au cautionnement est d'ordre public en
matière de garantie par adjonction de débiteur. À
l'évidence, la réponse doit désormais être
négative, la Loi venant de consacrer la lettre d'intention et la
garantie autonome comme autres sûretés personnelles57(*); le cautionnement n'est donc
pas la seule sûreté personnelle exploitable.
En réalité, la question qu'il faut
véritablement se poser est plus précise. Il s'agit de savoir si
le recours au trinôme : garantie autonome, lettre
d'intention, cautionnement, est en lui-même d'ordre public ; auquel
cas, les parties seraient contraintes de se limiter à une de ces
sûretés personnelles nommées. Dans une telle
hypothèse, tout recours à la délégation dans une
optique de garantie serait une fraude à la Loi58(*). La question étant
clairement posée, nous y répondrons un peu plus loin,
après avoir examiné la Jurisprudence de ces dernières
années. Toute réponse anticipée serait en effet purement
idéologique, reflétant simplement le voulu et non le
Vrai.
Toutefois, il est d'ores et déjà possible de
souligner les enjeux de la question posée. Comme nous l'avons
relevé (V. supra p.27 et suiv.), il en va de la souplesse et
donc de l'attractivité du Droit français. Ce premier
intérêt est à concilier avec la nécessité de
protéger la partie faible, qui est souvent la personne qui s'engage
comme garant. L'ensemble s'inscrit dans une perspective générale
de renforcement du crédit.
Il faut cependant relever qu'une partie de la Doctrine a
quand même répondu à la question que nous nous sommes
posée tantôt. Les réponses apportées sont
néanmoins divergentes. Il y a en conséquence une opposition
doctrinale sur l'aptitude de la délégation à servir de
sûreté de substitution au cautionnement. La même opposition
pourra être relevée à propos de la garantie autonome.
Selon une opinion minoritaire, que nous avons exposée
précédemment, le recours à la délégation en
guise de sûreté et, a fortiori, comme substitut au
cautionnement, est tout bonnement impossible. La nature intrinsèquement
extinctive de la délégation ne lui permettrait pas de jouer un
rôle de garantie. Certes concèdent-ils que la
délégation pourrait, de façon médiate, avoir un
effet de garantie du paiement, mais, ce ne serait qu'à titre
subsidiaire. En conséquence, cet effet secondaire ne saurait, nonobstant
toute convention contraire, primer sur le rôle premier de la
délégation, à savoir l'extinction d'obligations
préexistantes.
Il en ressort que la volonté de circonscrire le domaine
de la délégation est motivée par deux raisons distinctes.
D'une part, la volonté de ne pas faire ombrage au cautionnement et aux
autres sûretés personnelles59(*). Dans ce cas, la limitation des fonctions de la
délégation a un fondement extrinsèque. D'autre part, elle
a un fondement intrinsèque, lorsqu'il est mis en avant que la nature
même de la délégation l'empêche d'avoir une autre
fonction que le paiement, indépendamment de toute concurrence avec le
cautionnement60(*). Aussi
peut-il y avoir accord sur le principe, sans pour autant que ses fondements
soient homogènes.
Selon une opinion qui semble majoritaire, la souplesse de la
délégation devrait lui permettre de compléter ou relayer
le cautionnement61(*).
Mieux encore, elle permettrait d'esquiver une jurisprudence tatillonne en
matière de garantie autonome, et à cause de laquelle
« la chicane rédactionnelle atteint des
sommets »62(*).
B - La délégation en garantie :
solution de substitution à la garantie autonome ?
Un auteur a pu écrire, à propos de cette
interrogation, que : « Depuis une dizaine d'années,
une jurisprudence implacable limite fortement l'utilisation des
garanties autonomes (...). Cette jurisprudence contredit
manifestement les aspirations de la pratique commerciale (...) il n'y a
pas d'autres solutions que de puiser dans le droit commun des
obligation une technique qui permettrait de constituer une
sûreté personnelle aussi simple à mettre en oeuvre que le
cautionnement, mais présentant une plus grande
sévérité »63(*) .
Selon le même auteur, la technique idéalement
efficace pour ce faire serait la délégation imparfaite
incertaine. Il en résulterait que : « La
délégation imparfaite et incertaine peut (...) être
utilisée à la seule fin de constituer une sûreté
personnelle »64(*). Si elle est avérée, son
efficacité pourrait s'expliquer à notre sens par deux principaux
éléments.
D'une part, la délégation est conclue
imparfaite65(*). Autrement
dit, le délégataire, en acceptant l'engagement du
délégué, ne libère pas pour autant le
délégant. En conséquence, il n'y a pas substitution, mais
adjonction d'un débiteur à un autre Cette agrégation de
débiteurs, en l'absence de novation, offre au créancier une
pluralité de droits de poursuite, ce qui est caractéristique de
toute sûreté personnelle, en plus de l'absence de contribution
à la dette du garant66(*).
D'autre part, la délégation est conclue
incertaine, c'est-à-dire que l'obligation du
délégué envers le délégataire est
définie en référence à l'obligation du
délégant envers le délégataire (purement
incertaine), ou, éventuellement, en contemplation de la propre
obligation du délégué envers le délégant
(simplement incertaine). En pratique, le plus souvent, le
délégué s'engage pour ce que doit le
délégant. Cette réalité est si courante que la
jurisprudence a décidé de la présumer67(*) . La délégation
étant incertaine, il y a identité de valeur entre ce qui est
dû par le délégant et le montant de la garantie. C'est un
avantage non négligeable.
Cette double caractéristique contribue à
justifier l'intérêt de la délégation comme palliatif
de la relative rigidité de la garantie autonome. En effet, la
jurisprudence requalifie la garantie autonome dés lors que l'obligation
du garant est définie par références complexes à
celle du débiteur garanti68(*). En revanche, une référence
simple à l'obligation garantie ne remet pas en cause
la qualification de garantie autonome69(*). Cette rigueur rédactionnelle peut
s'avérer difficile à respecter en pratique, sans recours à
un conseil avisé (donc onéreux). Enfin, pour couronner son oeuvre
restrictive, la jurisprudence n'admet pas non plus le recours aux garanties
autonomes dites « glissantes », qui permettrait une
réduction du montant dû à titre de garantie au fur et
à mesure que le débiteur s'exécute envers le
créancier70(*).
L'ensemble de ces solutions réduit fortement la souplesse de la garantie
autonome, elles sont néanmoins parfaitement justifiées par le
caractère indépendant de celle-ci ; ce caractère
autonome explique qu'elle ne doive pas subir les contrecoups de l'obligation
garantie71(*).
La garantie autonome étant, de par ses imperfections,
exclue, rien n'empêcherait a priori de recourir à une
sûreté plus adéquate, et plus sévère :
la délégation-sûreté. Il en résulte que
l'autonomie de la délégation-sûreté par rapport
à la garantie autonome ne pose apparemment pas de difficultés
majeures. Elle pourrait notamment permettre de contourner l'invalidation
jurisprudentielle de la garantie autonome dite
« glissante », ou de celle définie en
références complexes à l'obligation garantie.
En revanche, l'autonomie de la notion de
délégation-sûreté, en tant que telle, peut
être l'objet de discussions. Comme nous l'avons relevé plus
tôt, certains auteurs contestent cette autonomie en raison de la nature
même de la délégation, qui ne serait qu'une technique de
paiement simplifié. D'autres s'opposent à la notion de
délégation-sûreté non pour des raisons tenant
à la notion de délégation elle-même, mais à
cause de la difficulté de l'articuler avec d'autres techniques
juridiques, à l'exemple du cautionnement. La délégation
à titre de garantie, ou délégation-sûreté,
est-elle réellement une notion autonome ? La question étant
posée, nous nous refusons d'y répondre pour l'instant. Il n'y
sera répondu qu'après que l'on aura confronté les dires de
la Doctrine à la jurisprudence, conformément à la
méthode que nous avons préconisée (V. supra, p.5
et suiv.).
Il est cependant une question envisageable
immédiatement, du moins du point de vue doctrinal, dans la mesure
où elle suscite une opposition entre auteurs. Il s'agit de la fonction
explicative que la Doctrine fait jouer à la délégation,
notamment en matière de cession de contrat.
§ II : L'absence d'unanimité sur
les fonctions explicatives de la délégation
Par fonction explicative, on entend la propension de la
délégation à démêler certaines
opérations juridiques non, ou mal, qualifiées, en droit civil du
moins. La précision s'impose, car il peut s'agir d'une technique
déjà qualifiée par le droit commercial (V. par ex. la
lettre de change). Nonobstant l'existence d'une qualification juridique en
droit commercial, les commercialistes cherchent souvent à expliquer les
techniques de droit commercial par le droit commun (plus noble ?).
À titre d'exemple, on peut citer les analyses faites à propos du
compte courant à partir de la compensation ou de la confusion72(*). Ainsi a-t-il souvent
été mis en avant la possibilité de recourir à la
délégation, pour expliquer le fonctionnement de certains moyens
de paiement, ou la fameuse opération de cession de contrat. Si la
première difficulté a été résolue par une
solution qui semble unanime (A), la seconde paraît plus
controversée (B).
A - L'utilisation doctrinale de la
délégation comme technique explicative de certains moyens de
payement ou de crédit
Il s'agira simplement de présenter les explications
jugées les plus intéressantes, sans prétendre à
l'exhaustivité73(*). Les explications les plus intéressantes ont
semble-t-il été fournies à propos de la carte de paiement
et de la lettre de change. Si elles étaient avérées, il
s'agirait de fonctions inédites de la délégation.
1) L'explication du paiement par carte
via la théorie de la délégation
Dans une certaine mesure, une partie de la Doctrine s'accorde
pour attribuer à la délégation une fonction explicative du
paiement par carte bancaire.
C'est ainsi que selon certains auteurs, la carte bancaire
« révèle un bon exemple de
délégation »74(*). Le schéma en est le suivant : Le
commerçant, vendeur du bien ou prestataire du service, est le
créancier délégataire. L'acheteur, ou le
bénéficiaire du service, est le délégant.
L'établissement de crédit, émetteur de la carte, s'engage
personnellement à régler la dépense auprès du
commerçant, adhérent au système de paiement par carte
bancaire. Cet engagement de l'établissement de crédit est un
engagement en qualité de délégué, à l'insu
même des acteurs de l'opération. En effet, les partenaires n'ont
pas conscience dans cette hypothèse de recourir à une
délégation et, même s'ils en ont conscience de par leur
culture juridique, la délégation n'est pas la finalité
recherchée. Celle-ci n'a qu'une fonction explicative a
posteriori. Au demeurant, l'opération ne
constitue réellement une délégation que dans la mesure du
montant garanti par le banquier, qui, jusqu'à un certain seuil, s'oblige
à payer quel que soit le solde du compte de son client75(*).
Cette mise en relief d'une des diverses fonctions explicatives
de la délégation est tout à fait intéressante, et
sans doute vraie. Cela étant, il s'agit uniquement d'une fonction
explicative, habillant en aval une situation juridique donnée. Or,
l'essentiel n'est pas de savoir ce qu'il est possible d'expliquer par la
délégation, mais ce que l'on fait, par le biais d'une
démarche volontaire, avec la délégation. La fonction
explicative de la délégation aura souvent peu
d'intérêt pratique, parcque la technique juridique en question
sera préalablement qualifiée est régie par une disposition
législative76(*).
Il faudrait en conséquence éviter d'utiliser cette fonction
explicative de façon abusive, comme cela a été le cas pour
la lettre de change.
2) La tentative d'explication de la lettre de
change par le recours à la délégation
Cette théorie, qui n'est pas sans laisser penser
à la notion de rapport fondamental, typique du droit
cambiaire, est l'oeuvre du juriste Thaller77(*). Cet auteur a tenté d'expliquer la lettre de
change par la délégation. Cette explication n'a toutefois pas eu
le succès escompté.
De prime abord, la thèse parait intéressante. En
effet, la délégation et la lettre de change ont une
proximité quasi fraternelle78(*). Le schéma est en tous cas le
même : Le tireur (pseudo délégant), donne
ordre au tiré (soi disant délégué), de payer une
certaine somme au porteur (prétendu délégataire). Le
tiré accepte de payer le porteur de l'effet, mais la proximité
avec la délégation s'arrête là. En effet, il n'est
pas possible d'établir plus encore la parenté entre la
délégation et la lettre de change, car la
délégation suppose l'accord de toutes les parties. Or, la lettre
de change est susceptible d'être endossée et de circuler, et, dans
cette hypothèse, le pseudo tiré n'aura pas
accepté la nouvelle personne arrivant au titre, ce qui est aux antipodes
de la trinité des consentements inhérente à la
délégation. Voilà sans doute la critique théorique
la plus essentielle à l'égard de la proposition de Thaller.
Nous nous permettrons cependant d'ajouter une critique
d'ordre pratique. À quoi sert-il d'expliquer la lettre de change par la
délégation, dès lors que celle-ci fait l'objet d'une
réglementation précise ?79(*) Il semble, en réalité, inutile de
conférer à la délégation un rôle
d'explication de situations juridiques préalablement régies. Cela
conduit à une éventuelle superposition inutile des règles
applicables, sans apporter de précisions opportunes, ni pallier de
lacunes. En définitive, il faut donc rejeter cette explication, au
même titre que celle faisant de la délégation le socle
juridique de la cession de contrat.
B - Le transfert conventionnel du contrat
expliqué par la délégation
La prétendue cession de contrat, qui est une
question controversée, a fait l'objet de débats houleux entre les
auteurs qui estiment qu'elle n'existe pas, et ceux qui plaident pour son
autonomie et sa consécration générale en droit
commun80(*). Il est
cependant une question, qui bien que suscitant moins de débats, n'en est
pas pour autant étrangère à notre préoccupation,
recenser les véritables fonctions de la délégation. La
question peut être posée en ces termes :
« cession de contrat ou délégation de
contrat » ? 81(*) Autrement dit, il s'agit de savoir si
le véhicule juridique, le réceptacle en droit commun, de la
cession conventionnelle de contrat, peut être la
délégation. Une analyse assez originale propose de requalifier en
« délégation de contrat », toute
tentative de cession conventionnelle de contrat, dans la mesure où
celle-ci est « irréalisable », car
« se heurtant aux principes les plus affirmés du droit des
obligations ». 82(*)
La proximité entre la
délégation et la cession de contrat est indubitable. En effet,
les deux techniques présentent une certaine parenté. D'une part,
elles mettent conjointement en présence trois personnes, d'autre part,
le consentement de ces trois acteurs est nécessaire à la
formation tant de l'une que de l'autre. Néanmoins, il nous
semble qu'il serait inutile, non plus qu'opportun, de confondre les deux
techniques ; cela pour une raison assez simple. La
délégation est un « contrat relatif à une
obligation », c'est-à-dire au produit d'une cause
efficiente d'obligations (contrat, responsabilité, quasi
contrat)83(*). Plus
précisément, elle est un contrat relatif l'obligation du
délégant ; il s'agira, selon l'objectif poursuivi, de
l'éteindre ou de la garantir. En revanche, la cession conventionnelle de
contrat est un contrat relatif au contrat lui-même, à la cause
efficiente de l'obligation. Peut être est-elle le pendant de la
délégation en matière contractuelle, mais ce fait, s'il
est avéré, ne saurait aboutir à la confusion de ces deux
notions, ayant objet totalement différent : L'obligation pour
l'une, le contrat pour l'autre.
En conséquence de ce qui précède, la
cession de contrat (si tant est qu'elle existe) est irréductible
à la notion de délégation ; tout au plus saurait-elle
s'en inspirer. Dans une optique de cohérence du système
juridique, il est antithétique, et donc inopportun, de juxtaposer le
terme de délégation (propre à l'obligation,
quelle que soit sa source), au terme de contrat84(*). Il serait tout aussi
fautif de parler de paiement de contrat (car c'est toujours une
obligation qui est payée) ou de compensation de contrat (la
compensation étant propre aux obligations réciproques)85(*).
Ainsi avons-nous démontré
l'incompatibilité entre la délégation, technique propre
aux obligations, et la cession contrat ; il convient alors de poursuivre
notre recherche dans une perspective beaucoup plus pratique que
théorique.
Aussi, afin de recenser les fonctions
« réelles » de la délégation, nous
réexaminerons quelques unes des questions déjà
envisagées, mais sous un angle beaucoup plus éclairant, celui de
la jurisprudence.
Chapitre II : Inventaire des fonctions de la
délégation à la lumière de la pratique
contractuelle contentieuse
Une entreprise de recensement des différentes
sûretés personnelles existantes a d'ores et déjà
été faite, par le professeur Pascal Ancel, pour le compte du
ministère de le Justice86(*). En conséquence, il n'appartient pas à
l'auteur de ces lignes (consacrées à la délégation)
de la reprendre ou de la mettre à jour. Cela dit, il est possible et
opportun de s'inspirer de cette méthode sur un aspect particulier,
pouvant être envisagé au titre des sûretés
personnelles, et qui nous intéresse directement : Les fonctions de
la délégation. Ainsi pourra-t-il en ressortir, à l'instar
du rapport précité, un véritable catalogue de ses diverses
fonctions. L'objet de l'étude du professeur Pascal Ancel était de
présenter un état complet du droit positif en matière de
sûretés personnelles. Sa démarche scientifique est
quasiment identique à la nôtre, même si elle
concerne un thème beaucoup plus large que la délégation.
À partir du CD Rom lexilaser Cassation, couvrant la
période 1986-1995, le professeur Ancel a procédé
à un recensement de tous les arrêts rendus en matière de
sûretés personnelles depuis dix ans. Cette véritable
anthologie lui a permis de procéder à une étude
systématique de la jurisprudence de la Cour de Cassation, afin de
mettre en exergue le type de sûretés qui donne lieu à
contentieux, et « l'utilisation qu'en font
réellement les acteurs ». De la sorte
« Ce recensement a fourni une idée [...] des questions
posées et des résultats concrets obtenus par les
acteurs »87(*). Ainsi est-il irréfutablement
démontré, par analogie, le bien fondé de notre
démarche inductive et pragmatique, à partir
d'éléments concrets88(*)
Comme nous venons de le souligner, le travail de recensement
proposé ne peut être simplement empirique ; il exige un
matériau fiable : la Jurisprudence. Il y est ici fait
référence par ce que nous somme convenus d'appeler la «
pratique contractuelle contentieuse ». Ce champ de prospection,
circonscrit à l'aspect contentieux des actes juridiques, peut
paraître quelque peu limité ; cette limite a toutefois une
justification assez simple : Seules les situations de
délégations ayant fait l'objet d'une exécution litigieuse,
ayant été portées devant une juridiction étatique,
peuvent être accessibles assez aisément, de façon à
être étudiées. Pour des raisons d'ordre matériel,
seront donc écartées les opérations de
délégation ayant fait l'objet d'un arbitrage, et, a
fortiori, les opérations de délégation n'ayant pas eu
une formation ou une exécution litigieuse. Il est aisé d'imaginer
que ces innombrables spécimens pratiques pourraient présenter des
situations originales. Hélas ! La modestie de notre tâche ne
nous permet pas d'en tenir compte. De ce fait, sonder la pratique se
résumera à sonder la pratique contractuelle
contentieuse89(*).
On voit alors poindre la limite de notre étude. En
effet, force est de constater que la pratique contractuelle, litigieuse ou non,
mais non contentieuse, peut révéler des utilisations
singulières de la délégation. Cela ne signifie pas pour
autant que notre labeur sera vain. En effet, comme il a été
souligné plus haut, le contentieux récent en matière de
délégation est riche. Il s'agit d'abord d'une richesse
quantitative, au regard du nombre de décisions rendues ces
dernières années. Mais il s'agit aussi, dans une moindre mesure,
d'une richesse qualitative, car un certain nombre de décisions est venu
démêler des situations inédites.
De ce dépouillement de la Jurisprudence, il ressort un
certain nombre de réalités à propos de l'utilisation
concrète qui est faite de la délégation. Ces
réalités nous permettent de réfuter toutes les positions
purement dogmatiques qui ont pu être émises. Ces théories
ne se vérifient pas, ou pas entièrement. Elles ont cependant pour
intérêt de constituer une critique avisée de ce qui est
vérifié. L'analyse de la Jurisprudence
révèle que la délégation a, contrairement à
ce qui a pu être avancé, plusieurs fonctions. Ses
utilités englobent mais ne se limite pas au paiement de l'obligation.
Cela est en grande partie dû à sa plasticité90(*). Il ressort en substance des
décisions qui ont pu être dépouillées que si
certaines fonctions, à savoir le paiement et la garantie, peuvent
être couramment observées au travers de la Jurisprudence, et
entérinées par les juridictions (I) ; d'autres sont, en
revanche, rejetées ou limitées par celles-ci (II).
Section I : Les fonctions de la
délégation consacrées par la jurisprudence
Il s'agit en réalité de fonctions implicitement
consacrées. En effet, il est possible de déduire cette
consécration du fait qu'il n'existe aucune décision ayant
censuré une délégation en paiement, ou une
délégation à titre de garantie, pour la seule raison qu'il
s'est agi d'une délégation. À l'évidence, toute
délégation encourt la nullité si elle ne respecte pas les
règles essentielles de formation des contrats, exposées aux
articles 1108 et suivants du Code Civil ; ou, la requalification,
conformément à l'article 12 du NCPC, si le contrat soumis au juge
ne répond pas au(x) critère(s) de la délégation.
Dans toutes les hypothèses précédentes, il s'agit
d'invalidations pour des raisons d'ordre général, non
spécifiques au recours à la délégation en
lui-même.
Une fois les questions spécifiques de validité
générale évacuées, et admis le principe de la
validité, en soi, de la délégation ; il faut envisager
comment elle se meut concrètement dans ce qui est pour
ainsi dire sa fonction naturelle : le paiement (I). Il
faudra ensuite s'attarder sur la seconde fonction à laquelle recourt la
pratique contractuelle, avec la bénédiction de la Jurisprudence,
la garantie du crédit (II).
§ I : La simplification du paiement,
fonction naturelle et originelle de la délégation
L'office premier et naturel de la délégation
est le paiement. Ce rôle est si important qu'il a pu être
affirmé qu'il s'agissait de son unique utilité91(*). Toute importante que soit
cette application, elle n'est pas unique. En effet, comme cela sera mis en
évidence plus loin, la délégation sert de plus en plus,
sous l'impulsion de la pratique contractuelle, de technique de garantie du
crédit. Cette seconde fonction est cependant plus problématique
que la fonction extinctive de la délégation. En effet,
contrairement à celle-là, celle-ci ne cause pas de
difficulté théorique majeure, dans la mesure où il existe
une quasi unanimité doctrinale sur la fonction simplificatrice
de la délégation en matière de paiement92(*). L'utilisation de la
délégation aux fins de simplification du paiement n'est pas une
« découverte » de la pratique, toutefois, celle-ci
la déploie de façon habile et originale, pour éteindre la
dette du délégant envers le délégataire,
simultanément à celle du délégué envers le
délégant. Au reste, il faut préciser que l'article 1275 du
Code Civil ne définit pas expressément la
délégation comme une technique de paiement
simplifié ; il se situe simplement dans la partie du Code relative
à l'extinction des obligations. Il est uniquement possible d'en
déduire que la délégation a au moins pour finalité
le paiement.
L'observation de la pratique contractuelle contentieuse
révèle un certain « appétit » pour
cette fonction originelle de la délégation (A), sans doute
parcqu'elle engendre un effet incident de garantie (B). Toutefois, il est
nécessaire de préciser que lorsque la pratique des affaires
recourt à la délégation en paiement, que nous proposons
d'appeler délégation-paiement, c'est avec pour objectif
principal sa simplification. L'effet de garantie n'est en réalité
qu'accessoire, et peut-être même, ignoré des parties.
A - L'utilisation pratique de la
délégation aux fins de simplification du paiement
De prime abord, on aurait pu penser que la pratique des
affaires serait simplement restée en contemplation devant ce qu'il est
possible de considérer comme la fonction naturelle de la
délégation : le paiement. En effet, la
délégation est une technique très peu définie au
régime juridique inachevé93(*). Par ailleurs, le Code Civil connaît d'autres
techniques permettant de simplifier le paiement, à l'exemple de la
compensation ou de la dation en paiement. Ces arguments n'ont toutefois pas
suffi à freiner le relatif engouement pratique pour la
délégation-paiement. En effet, l'observation de la
jurisprudence récente nous démontre qu'il s'agit d'une fonction
encore vivace et concrète de la délégation.
Etayons notre propos par l'exemple.
Parmi les décisions récentes les plus
illustratives, il est possible de retenir un arrêt de la Chambre
Commerciale de la Cour de Cassation, en date du 22 Février 200594(*). En l'espèce, une
société a vendu à une autre un immeuble à usage
commercial. Par une clause du contrat de vente, les parties sont convenues que
l'acquéreur payerait un supplément de prix en cas de
réalisation d'une condition prévue au contrat. Il se trouvera que
la société ayant cédé l'immeuble a elle-même
un créancier, qui, selon toute vraisemblance, a participé
à la construction ou à la rénovation de l'immeuble
cédé. Afin d'éviter un mouvement de fonds inutile, le
vendeur de l'immeuble délèguera au profit de son créancier
le complément de prix dû par l'acquéreur. En
conséquence, le créancier du vendeur pourra directement
s'adresser à l'acquéreur pour obtenir son paiement. Un
mouvement inutile de fond est ainsi évité. La ligne
droite n'est-elle pas toujours le plus court chemin ? Tel est l'office
premier de la délégation : « Transformer une
ligne brisée en ligne droite »95(*).
Il ne s'agit pas d'un exemple isolé, ni propre
à la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation. Aussi peut-on relever,
devant la première Chambre Civile, des hypothèses de recours
à la délégation-paiement, qui est loin d'être un
monopole des commerçants. Ainsi est-il possible de mentionner, entre
autres, une décision du 18 mars 2003 rendue par la première
Chambre Civile de la Cour de Cassation96(*). Les faits sont explicitement dans le sens d'une
délégation-paiement. Une société consentira en
l'espèce un bail de sous location à une autre. Selon le
schéma ordinaire de la sous location, le sous locataire devra verser un
loyer ou sous-bailleur, qui devra lui-même verser un loyer au bailleur
propriétaire. Il en résulte un double mouvement de fonds, non
seulement inutile, mais encore, éventuellement coûteux (frais du
paiement etc.). Dans l'espèce qu'a eu à connaître
la troisième Chambre Civile, les parties ont, sans doute sur
recommandation d'un conseil averti, décidé de conclure un contrat
de délégation, afin de simplifier le paiement. Ainsi le sous
locataire a-t-il consenti, sur invitation du second bailleur, à
s'engager à verser directement le montant du loyer au profit du
primo bailleur. Cette opération a pour finalité
essentielle d'éviter que le sous bailleur ait à encaisser puis
décaisser les loyers. D'un point de vue strictement économique,
il s'agit, comme nous l'avons souligné, d'une véritable
rationalisation du paiement.
La matière immobilière n'est pas l'unique
domaine pratique de la délégation-paiement. Le financement de
l'acquisition de parts sociales peut aussi, opportunément, donner lieu
à une simplification du paiement par voie de délégation.
C'est l'enseignement qui ressort des faits d'un arrêt de la Chambre
commerciale de la Cour de Cassation en date du 17 juillet 200197(*). Les faits sont une fois de
plus assez explicitement dans le sens d'une délégation en
paiement : L'associé d'une SCI cède à une autre
société ses parts dans la SCI en question. Il se trouve que le
cédant est lui-même débiteur d'un établissement de
crédit, au titre d'un prêt conclu auparavant, apparemment pour le
financement de l'acquisition des parts de la SCI. Dans une configuration
ordinaire, le cédant devrait percevoir le prix des mains du
cessionnaire, ce qui est censé étoffer son patrimoine, de
façon qu'il puisse lui-même régler sa dette envers la
banque. Le problème qui surgit inéluctablement est la longueur du
circuit, engendré par la répétition des paiements :
le cessionnaire envers le cédant, le cédant à
l'égard du banquier. Pour favoriser la simplicité de
l'opération, le cessionnaire s'est en l'espèce engagé
à payer directement le prix des parts sociales entre les mains de la
banque.
Parmi toutes les délégations-paiement
relevées, un autre exemple d'utilisation assez ingénieuse
mérite d'être rapporté. Il provient d'une décision
de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation en date du 3 Avril
200198(*). En
l'espèce, une société spécialisée dans le
matériel d'impression achètera une rotative dans le but de la
revendre, non sans avoir effectué quelques réparations sur
celle-ci. Le premier acquéreur, plutôt que de payer le prix d'un
matériel qu'il ne conservera que le temps nécessaire à sa
réparation, préférera déléguer au profit du
vendeur, le sous acquéreur, déjà connu, du bien. Cette
« manoeuvre » permet d'éviter que le premier
acquéreur du bien ait à payer son prix entre les mains du
vendeur, alors qu'il a déjà cédé le bien à
un sous acquéreur, dont il est créancier du prix. Encore une
fois, on parvient au même résultat, c'est-à-dire la
suppression d'une étape inutile du paiement. À cet égard,
la délégation-paiement à une fonction comparable à
celle de la compensation.
La délégation en paiement est en
définitive une figure juridique bien connue de la pratique contractuelle
française. Elle permet une extinction simplifiée de la dette du
délégant envers le délégataire, et de la dette du
délégué envers le délégant. On constate,
qu'en pratique, ce double rapport de droit est toujours nécessaire,
faute de quoi, la délégation en paiement n'aurait aucune
espèce d'intérêt. En effet, pour avoir à payer, il
faut qu'il existe une dette préalable. Pour simplifier, il est
impératif qu'il y ait deux dettes préalables. Peut-être ne
s'agit-il pas d'une condition de validité de la
délégation-paiement ; en revanche, c'est
indéniablement une question de bon sens. Comment pourrait-on simplifier
un circuit de paiement qui n'a rien de complexe ?
Économiquement, la délégation-paiement
permet une rationalisation du paiement, en supprimant des
étapes inutiles du circuit. Juridiquement, elle produit un effet
supplétif et accessoire de garantie, qui n'est
cependant pas le motif déterminant des parties. Toutefois, il est
fortement probable que cet effet incident constituera un critère de
sélection permettant d'opter pour la délégation en
paiement, quand d'autres modes de paiement eurent été
envisagés par les parties.
B - L'effet supplétif et accessoire de
garantie engendré par le recours à la
délégation-paiement.
Le recours à la délégation-paiement
engendre un effet incident de garantie, dont on peut supposer qu'il est parfois
inconnu des parties. Au demeurant, quand bien même eût-il
été connu, il n'est pas principalement recherché de
celles-ci. En effet, il s'agit d'un effet produit par les textes
régissant la délégation, non par les conventions
particulières des parties. Dans la mesure où il s'agit de textes
supplétifs, les parties pourront, le cas échéant, les
écarter. Mais encore faut-il qu'elles les connaissent, et qu'elles le
souhaitent. Dès lors que la délégation-paiement est
conclue afin de simplifier le paiement, les parties sont censées
être indifférentes à la garantie d'une quelconque
obligation. De la volonté de simplification du paiement, il est possible
de déduire qu'elles ont nécessairement, en amont,
considéré celui-ci comme suffisamment sûr. C'est pourquoi
un tel effet de garantie doit être considéré comme
accessoire, il n'est pas recherché pour lui même.
Pour autant, un tel résultat n'est en pratique pas
négligeable. Il offre une garantie supplémentaire au
délégataire, constituée par l'adjonction d'un second
débiteur au débiteur initial. Cette accumulation de
débiteur est la résultante du principe général
selon lequel la novation ne se présume pas (art. 1273 du Code Civil). Ce
principe est appliqué au cas particulier de la délégation
par l'article 1275 du Code Civil, dont il résulte que la
délégation « n'opère point de novation, si le
créancier n'a pas expressément déclaré qu'il
entendait décharger son débiteur qui a fait la
délégation » (la délégation imparfaite
est de principe). Il s'agit, comme nous l'avons souligné, d'une
règle supplétive. Toutefois, elle paraît un peu moins
supplétive que les règles de même nature, la convention
contraire ne pouvant être qu' « expresse ».
Concrètement, le fait de ne pas écarter cette disposition
supplétive (en concluant une délégation novatoire) a des
effets importants. Il est possible de les analyser à partir des
illustrations jurisprudentielles apportées à propos de la
délégation-paiement.
C'est ainsi que dans l'exemple de
délégation-paiement précédemment envisagé,
et soumis à la Cour de Cassation le 22 février 2005, la Chambre
Commerciale, en se fondant sur la règle de l'inopposabilité des
exceptions, refusera à l'acquéreur la possibilité
d'invoquer à l'encontre de délégataire une créance
qu'il aurait envers le délégant99(*). Il en ressort inexorablement une sécurisation
de la créance du délégataire, résultant de la
nouveauté de l'engagement du délégué,
cumulée à la persistance de la créance du
délégataire envers le délégant. Cette superposition
de débiteurs offre au délégataire un second droit de gage
général, sur un second patrimoine. N'est-ce pas le trait commun
de toutes les sûretés personnelles ? 100(*) Toutefois, ce n'est pas le
but poursuivi par les parties dans l'espèce relatée. Leur
objectif principal, voire unique, était de procéder à une
simplification du mode de règlement du créancier du vendeur de
l'immeuble, en éteignant concomitamment la dette de l'acquéreur
envers le vendeur. Cette simplification résulte de l'unicité du
paiement à intervenir. L'effet de garantie, inhérent à
l'opération de délégation imparfaite, n'était pas
recherché en tant que tel. Sans doute intervient-il à l'insu
même des parties.
Il reste alors à savoir s'il est possible d'utiliser
cet effet accessoire et inhérent à la délégation
imparfaite, à titre principal, indépendamment de toute
simplification du paiement. En d'autres termes, il s'agirait de multiplier les
débiteurs non pour éviter la multiplication inutile des
paiements, mais pour en garantir la bonne exécution101(*). Comme nous le verrons
immédiatement, la pratique contractuelle recourt de plus en plus
à la délégation en tant que technique de garantie du
crédit. Il n'est donc pas fondé d'affirmer qu'une telle
convention est impossible, car elle se réalise déjà en
pratique. On ne peut que critiquer
le « mal déjà fait ».
§ II : L'utilisation récurrente et
valable de la délégation comme technique de garantie du
crédit
La question qui se pose est simple : La jurisprudence
offre-t-elle des illustrations d'une utilisation valable de la
délégation aux fins de garantie du crédit ?
C'est-à-dire, selon les mêmes objectifs que les
sûretés personnelles nommées102(*). La réponse est tout
aussi simple : oui. Sans dire que de tels exemples sont
légion en jurisprudence, force est de constater que la pratique
contractuelle récente nous en donne quelques figures.
Le développement récent du recours
«quasi massif » à la délégation a
engendré une croissance de son contentieux ; ce
phénomène est intéressant à observer. En effet,
comme nous le verrons plus loin, les différents modes de recours
à la délégation conduisent à s'interroger sur
l'unité et l'identité de la notion elle-même.
Il semble ressortir de l'observation de la jurisprudence que,
sous l'impulsion de la pratique notariale d'abord, et de la pratique bancaire
ensuite, se soit développée une sorte de figure pratique
primitive la délégation à titre de garantie : La
délégation de locataire (ou d'acquéreur), notamment au
profit du prêteur des deniers ayant financé l'acquisition de
l'immeuble103(*).
Quantitativement, c'est le cas le plus fréquemment rencontré dans
la jurisprudence récente (A)104(*). Par la suite, il est probable qu'à partir de
ce modèle primitif, l'utilisation de la délégation
à titre de garantie, que l'on peut appeler avec M. Lachièze la
« délégation-sureté », se soit
développée dans d'autres branches de l'activité juridique
(B)105(*).
A - La délégation de locataire
à titre de garantie : archétype de la
délégation-sureté
En pratique, la délégation de locataire à
titre de garantie est utilisée avec l'assentiment, au moins implicite,
de la jurisprudence. À certains égards, cette dernière
parait même l'encourager.
1) L'utilisation de la délégation de
locataire par la pratique contractuelle :
Comme nous l'avons souligné, il se rencontre dans la
pratique immobilière, aussi bien la délégation de
locataire, que la délégation d'acquéreur à titre de
garantie. Toutefois, l'engagement de délégué, de
l'acquéreur d'un bien immobilier, envers un créancier du
délégant, se prête davantage à la
délégation-paiement, qu'à la délégation
à titre de garantie. En effet, l'absence d'échéances
successives et périodiques (sauf aménagement conventionnel) ne
permet pas d'étaler la garantie dans le temps, en la calquant sur les
échéances du prêt. En conséquence, la
délégation de l'acquéreur de l'immeuble est mieux
adaptée au paiement d'un capital, éventuellement à un
créancier autre que le prêteur. Le modèle pratique primitif
de la délégation-sureté est, pour cette raison, la
délégation de locataire à titre de garantie. Rappelons du
reste qu'il s'agit vraisemblablement d'une « invention » de
la pratique notariale.
Il est à constater que la délégation de
locataire à titre de garantie peut produire, sur le modèle de la
délégation-paiement, un effet accessoire. Il s'agit d'une
simplification incidente du paiement, en évitant un double transfert de
fonds (Le locataire délégué payera ainsi directement au
créancier [délégataire] du délégant).
Toutefois, ce n'est pas le mobile déterminant de l'engagement des
parties. Dans l'intégralité des hypothèses de
délégation rapportées ci-dessous, le but des contractants
sera non pas de simplifier le paiement, mais d'accorder une garantie au
prêteur (délégataire), ayant financé la construction
ou l'acquisition de l'immeuble. Il en résulte que la créance
préalable du délégataire envers le délégant,
à défaut d'être une condition juridique, constitue, encore
une fois, une condition logique de la
délégation-sûreté. Dans le cas contraire, il n'y
aurait rien à garantir. En revanche, au même titre que
l'obligation de la caution ou du garant autonome envers le débiteur
garanti serait indifférente, l'existence de l'obligation du
délégué en garantie, à l'égard du
délégant, est indifférente. En son absence, il n'y aura
tout bonnement pas de simplification incidente du paiement.
L'hypothèse pratique qui se réitère dans
plusieurs arrêts récents est la suivante : Une personne
souscrit auprès d'un établissement de crédit un prêt
afin de financer la construction ou l'acquisition d'un immeuble. Sans doute
apportera t-elle au prêteur les garanties classiques pour ce type de
crédit : cautionnement d'une autre banque, d'une entreprise, d'un
proche, hypothèque sur l'immeuble futur, voire antichrèse. Mais,
il est de plus en plus fréquent que la pratique recoure à la
délégation de locataire à titre de garantie, pour
sécuriser des financements immobiliers. Dans cette perspective,
l'emprunteur (bailleur) invitera ses locataires (ou futurs locataires),
à s'engager directement à payer les loyers à
l'établissement de crédit prêteur des fonds ayant
financé l'acquisition ou la construction de l'immeuble.
Pour étayer notre affirmation, il est indispensable de
produire quelques uns des récents arrêts examinés. Parmi
les plus topiques, on peut faire mention de la décision de la Chambre
Commerciale de la Cour de Cassation en date du 23 janvier 2001106(*). Le texte de l'arrêt
mérite d'être cité ad litteram :
« Attendu (...) qu'en garantie d'un prêt que
lui consentait la société SODERO, la société de
transport MEUNIER a, par acte notarié des 4 et 12 novembre 1992,
délégué à celle-ci les loyers à percevoir de
la société ARCATIME jusqu'au remboursement intégral de
l'emprunt ». Il s'agit bien d'une utilisation on ne peut plus
classique de la délégation de locataire à titre de
garantie, archétype de la délégation-sûreté.
Il faut en outre relever, qu'en l'espèce, il s'agit d'une
délégation notariée ; sans doute conclue suite aux
conseils avisés du notaire, spécialiste de ce montage
juridique107(*).
Pour renforcer par l'exemple, l'illustration
précédente, il est possible de se référer à
la lettre de l'attendu d'une décision postérieure de la Chambre
commerciale, en date du 3 décembre 2002 : « Attendu (...)
que la société Alta a acquis un Immeuble (...)
payé par un prêt consenti par la banque (...),
qu'en garantie du remboursement du
prêt, la société Alta a donné
à la banque une délégation des loyers de
l'immeuble »108(*). N'est-ce pas encore un cas de recours à la
délégation à titre de garantie ?
À l'aune des décisions précitées,
qui ne sont que des exemples sélectionnés parmi d'autres, il
n'est plus permis de douter que la pratique contractuelle recoure de plus en
plus à la délégation à titre de garantie, ou
délégation-sûreté. L'avantage de cette technique est
lié, comme il a été souligné, au caractère
nouveau et autonome de l'engagement du délégué, qui, sauf
en cas de délégation novatoire, soumise à l'acceptation
expresse du délégataire, se cumule à la créance de
celui-ci envers le délégant, au titre du financement immobilier.
De ce fait, le prêteur est titulaire de deux droits de poursuite
autonomes l'un de l'autre, ce qui a pour conséquence
l'inopposabilité des exceptions109(*).
La jurisprudence tempère cependant la règle de
l'inopposabilité des exceptions. Ainsi la première Chambre Civile
admet-elle une exception à ce principe, en cas de
délégation incertaine, c'est-à-dire quand l'objet de
l'engagement du délégué est calqué sur celui de
l'une ou de l'autre des obligations antérieures existantes110(*). Il est cependant assez
aisé de contourner l'obstacle que constitue cette jurisprudence, en
concluant une délégation certaine. De la sorte, le locataire sera
simplement obligé de verser au banquier un certain « "flux
financier", sans indiquer qu'il s'agit de la dette de remboursement du
prêt »111(*).
Au demeurant, à l'inverse de la première Chambre
Civile, il ne semble pas que la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation
tempère de la sorte le principe de l'inopposabilité des
exceptions112(*) ;
or, la pratique commerciale est vraisemblablement le plus grand
« consommateur » de
délégation-sûreté. En effet, dans la plupart des
décisions analysées, les usagers de la délégation
seront justiciables de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation. Partant,
le champ d'efficacité rationne personae de la
délégation de locataire à titre de garantie n'est que
sensiblement réduit113(*).
En définitive, on constate que pour la
délégation de locataire puisse jouer son rôle de garantie,
il est nécessaire qu'elle soit conclue imparfaite (ou non novatoire), de
façon que puissent s'agréger les dettes respectives du
délégué et du délégant envers le
délégataire. Ce cumul de droit de gages généraux
n'est-il pas le trait commun de toute sûreté personnelle114(*) ?
La pratique offre en outre une autre hypothèse de
cumul, au-delà même du cadre stricte de la
délégation. En effet, il n'est pas rare de relever dans la
pratique contractuelle récente, des hypothèses de concentration
de garanties comprenant, entre autres, une
délégation-sureté. C'est ainsi que l'on a pu observer en
pratique, la juxtaposition, en garantie d'un même financement, d'une
délégation de locataire et d'une hypothèque
conventionnelle au profit de la banque ayant financé
l'immeuble115(*). En
l'espèce, la délégation vient renforcer
l'hypothèque, à moins que ce ne soit l'inverse116(*). Le cumul d'une
sûreté réelle est d'une sûreté personnelle est
en l'occurrence avantageux pour le banquier ; il a un droit de
préférence et de suite sur l'immeuble acquis et, surtout, il se
ménage un autre débiteur, qui, à la différence de
la caution, n'est pas un débiteur accessoire.
Si la location immobilière ordinaire est un des
terrains d'épanouissement de la délégation de locataire
à titre de garantie, les autres variétés de baux ne sont
pas en reste. En effet, on peut comparer au schéma classique du
financement immobilier garanti par une délégation de locataire,
une hypothèse assez proche, soumise à la chambre commerciale de
la Cour de Cassation le 26 novembre 2002117(*). En l'espèce, il s'agissait d'une
délégation, non de locataire, mais de crédit preneur,
à titre de garantie, au profit du prêteur ayant financé
l'acquisition d'un investissement locatif. Il en résulte que la
délégation de locataire à titre de garantie se
généralise peu à peu à un éventail de plus
en plus large de locataires.
De l'ensemble de ce qui précède, il ressort
que la pratique contractuelle ne limite pas la délégation
à sa fonction de paiement. Les conventions litigieuses soumises à
la jurisprudence stipulent d'ailleurs expressément qu'il s'agit de
délégations en vue de garantir un financement. Il est, en
conséquence, possible d'en déduire qu'il s'agit là d'une
finalité non équivoque, dans la mesure où elle est
contenue dans l'acte de délégation lui-même. Sans insinuer
que la délégation de locataire à titre de garantie soit
ostensiblement encouragée par les juridictions, dès lors
qu'existe un financement d'investissement locatif, on peut affirmer qu'elle
n'est pas condamnée. Partant, il s'agit réellement d'une
consécration implicite de ce montage juridique. Au demeurant, il est des
hypothèses où il nous semble que la jurisprudence est
particulièrement bienveillante à l'égard de la
délégation de locataire à titre de garantie.
2) Appui de la jurisprudence à la
délégation de locataire en garantie
Très récemment, la Cour de Cassation a
ravivé l'efficacité de la délégation de locataire
à titre de garantie. En effet, cette opération juridique
occasionne une difficulté très particulière, dans la
mesure où la délégation conclue par les parties n'est pas
novatoire. Comme nous l'avons relevé tantôt, c'est la condition de
son effet de garantie. Ainsi, en l'absence de décharge expresse du
délégataire à l'égard du délégant,
celui-ci n'est pas libéré par l'engagement du
délégué ; non plus que le
délégué, à l'égard du
délégant, par son engagement envers le
délégataire118(*). La délégation n'est donc, en
principe, ni simplement, ni doublement novatoire. En conséquence, la
créance de loyers du délégant à l'encontre du
délégué subsiste. Cette créance fait partie du
crédit apparent du délégant, de telle sorte que les
créanciers de celui-ci pourraient s'y intéresser, et entrer en
concours avec le délégataire ou ses propres créanciers. Un
tel résultat aurait inéluctablement pour effet d'affaiblir
l'efficacité de la délégation de locataire à titre
de garantie, en éludant l'exclusivité que pouvait
légitiment attendre le délégataire.
La jurisprudence, qui ne répugne vraisemblablement pas
à l'utilisation de la délégation comme garantie d'un
financement immobilier, a semble-t-il été sensible à cet
inconvénient pratique. C'est ainsi que la Chambre Commerciale de la Cour
de Cassation a, statuant à l'occasion d'une délégation de
locataire à titre de garantie, estimé que la créance de
loyers du délégant à l'encontre du
délégué était insaisissable, à compter de
l'acceptation du délégataire119(*). La créance du délégant demeure
bien dans le patrimoine de celui-ci, mais elle est indisponible. Partant, les
créanciers du délégant ne peuvent valablement effectuer
une saisie attribution de la créance de loyers entre les mains du
locataire délégué. Cette solution est au demeurant
conforme à celle proposée par l'avant projet
« Catala », de réforme du droit des obligations et
de la prescription120(*)
.
La solution adoptée par la cour de cassation n'a
d'autre but que de renforcer l'efficacité de la délégation
de loyers à titre de garantie. Elle a en effet pour répercussion
d'augmenter les chances du délégataire d'être payé,
en lui évitant de se retrouver dans une situation de concours avec le
délégant ou ses créanciers. En conséquence,
il n'est pas possible de contester que la délégation
serve quotidiennement à sécuriser les opérations
d'acquisitions ou de construction immobilières, avec l'assentiment,
voire l'encouragement, de la Jurisprudence.
Ainsi est-il établi que la délégation de
locataire à titre de garantie constitue l'archétype de la
délégation-sureté. Elle s'est développée
à la faveur de la pratique notariale puis bancaire, et, comme nous
l'avons souligné, au-delà de la location immobilière
ordinaire. Néanmoins, il faut relever que la délégation de
débiteur à titre de garantie ne s'est pour autant pas
limitée au locataire. S'appuyant sur cette dernière figure, elle
s'est, en pratique, développée par delà la garantie du
financement immobilier. Par mimétisme de la pratique notariale, il est
apparu une multitude d'hypothèses dérivées.
B Les hypothèses pratiques
dérivées de recours à la délégation à
titre de garantie
Par « hypothèses
dérivées », il est entendu que celles-ci sont
nées du modèle initial de
délégation-sûreté, inventé par les
notaires : La délégation de locataire à titre de
garantie. Celle-ci s'est exportée hors des études notariales et,
surtout, elle a été utilisée dans d'autres circonstances
que la matière immobilière. En conséquence, dans les
différentes espèces rapportées, le
délégué ne sera pas nécessairement un locataire, ni
le délégant un investisseur immobilier octroyant une garantie au
banquier prêteur. La jurisprudence est donc marquée par une
certaine diversité des recours à la délégation en
garantie. Son efficacité suppose toutefois une évidente condition
d'intelligibilité.
1- La diversité des recours à la
délégation en garantie
La délégation-sûreté n'est pas
l'objet d'un monopole du monde du financement et de la pratique immobiliers.
Ainsi a-t-elle été utilisée, en garantie de contrats
d'entreprise, notamment en matière de construction. C'est une
application qui ressort, entre autres, des faits d'un récent
arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation, en date du 13
juin 2006121(*). Les
fait de l'espèce sont relativement simples : Des époux
confient à une société des travaux de construction. Pour
ce faire, la société recourra à un fournisseur, qui
procurera au maître d'oeuvre différents matériaux
nécessaires à la réalisation desdits travaux. Par acte de
délégation, le maître de l'ouvrage (le couple) s'engagera
à payer au fournisseur toutes les sommes qui seraient dues à ce
dernier par l'entrepreneur principal. Par la suite, l'entrepreneur principal
fera l'objet d'une procédure de redressement judiciaire,
l'empêchant de payer sa dette envers le fournisseur. Fort heureusement,
celui-ci avait pris le soin de se faire consentir une délégation
incertaine à la charge du maître de l'ouvrage (le couple).
Celui-ci s'était en effet engagé à payer ce que pouvait
devoir le délégant. Cet effet de garantie est du reste
particulièrement efficace, en dépit de la procédure
collective de l'entrepreneur principal. En effet, la Chambre Commerciale de la
Cour de Cassation estimera que dans la mesure où le
délégué a souscrit une dette propre à
l'égard du délégataire, il ne saurait reprocher à
ce dernier l'extinction de sa créance à l'encontre de
l'entrepreneur pour défaut de déclaration122(*). L'analyse des faits de
l'espèce ne souffre pas l'équivoque. Si le fournisseur a pris le
soin de se faire consentir une délégation, ce n'est pas
pour être payé de façon plus simple, mais pour être
sûr d'être payé. L'enjeu n'est pas dans cette
espèce la modalité du paiement, mais le paiement lui-même.
Le mobile des parties était effectivement de prémunir le
sous-traitant contre l'insolvabilité de l'entrepreneur, de façon
plus efficace qu'un simple cautionnement, par exemple. Cette efficacité
sera en l'espèce le fruit du principe d'inopposabilité des
exceptions.
Il ressort de l'exemple précèdent que, non
seulement, la Cour de Cassation ne condamne pas le recours à la
délégation-sûreté au profit du sous-traitant, mais
encore, elle donne à la délégation son plein effet, en
interdisant au délégué d'invoquer à l'encontre du
délégataire l'ancienne extinction de la créance pour non
déclaration au passif de la procédure123(*). L'obligation du
délégué étant nouvelle et autonome, quand bien
même la délégation serait conclue incertaine, elle garantit
efficacement le fournisseur contre la défaillance du maître de
l'ouvrage.
Il en résulte indubitablement que la jurisprudence
admet la validité du recours à la
délégation-sûreté, dans d'autres hypothèses
que la délégation de locataire à titre de garantie, figure
originelle du mécanisme. La délégation du maître de
l'ouvrage à titre de garantie en est un exemple suffisamment
convaincant.
Sans doute le lecteur rétorquera-t-il que la
délégation du maître de l'ouvrage, à titre de
garantie, est expressément prévue par la Loi, et que,
peut-être, en dehors de cette situation particulière, n'y
aurait-il pas de délégation-sûreté
possible124(*). La
pratique contractuelle démontre le contraire.
En effet, non contente de recourir à la
délégation-sûreté en dehors des contrats de
maîtrises d'ouvrage, la pratique des affaires s'autorise même
à cumuler la délégation à titre de garantie et le
cautionnement. C'est l'enseignement qui ressort de la Jurisprudence, notamment
des faits d'une décision récente de la deuxième Chambre
Civile de la Cour de Cassation125(*). Selon les termes de la décision, une
société emprunteuse a obtenu d'une banque « un
prêt garanti d'une part, par un engagement de délégation de
créance [...] d'autre part, par une caution solidaire
de M. X ». Il est donc permis de constater que, dans la pratique du
monde des affaires, la délégation n'a pas uniquement vocation
à éluder le cautionnement, au profit d'une technique plus
sévère à l'égard du débiteur ; elle
peut s'adjoindre à celui-là dans le cadre d'un montage juridique
plus élaboré, et, en conséquence, plus sûr pour le
créancier.
Dans l'espèce ci-dessus rapportée, la Cour de
Cassation n'a pas opposé d'objection à l'encontre du montage
proposé, et, à notre connaissance, il n'existe pas d'arrêt
de la Cour de Cassation censurant un recours à la
délégation à titre de garantie, simplement parcequ'une
autre sûreté eût été plus
adéquate126(*).
Au contraire, il nous semble que la possibilité
de cumul avec une autre sûreté nommée, notamment le
cautionnement, soit l'expression paroxystique de la liberté de recourir
à la délégation-sûreté. La seule
difficulté qui peut se poser est, comme nous le verrons plus loin, une
question ponctuelle de validité de la délégation eu
égard aux circonstances dans lesquelles elle est conclue. Ainsi
pourrait-t-on concevoir que le juge annule, le cas échéant, une
délégation conclue pendant la période suspecte. Cette
question de validité n'est toutefois pas spécifique à la
délégation, et peut concerner d'autres
« sûretés anormales » octroyées pendant
la période suspecte. Au demeurant, encore faudrait t-il que le droit des
procédures collectives envisage la délégation comme une
sûreté. En définitive, il n'est pas remis en cause
la validité intrinsèque du recours à la
délégation-sûreté.
Au reste, une partie de la doctrine renforce les exemples
jurisprudentiels rapportés, considérant que la Loi elle
même n'interdit aucunement le recours à des
« sûretés personnelles non spécialement
réglementées, telles (...) la
délégation »127(*). Cette absence de réglementation
spécifique, ainsi que, la liberté contractuelle qui en
découle, imposent cependant d'être précautionneux dans la
rédaction de la délégation en garantie. En effet, il est
en l'occurrence impossible de faire simplement référence
à un contrat prédéterminé et, pré
réglementé.
2-L'exigence jurisprudentielle d'une certaine
intelligibilité de la
délégation-sûreté
Pour qu'elle soit efficace, encore faudrait-il que les termes
de la délégation à titre de garantie soient, un tant soit
peu, limpides ; cela implique une rédaction minutieuse en
pratique128(*). Il est
consternant de lire, dans certains contrats, qu'un emprunteur, pour garantir
l'exécution de son obligation de restitution, « cède,
subroge, et transporte », ou, mieux encore,
« cède, "délègue", et transporte »,
une créance à l'encontre d'un tiers. Dans cette hypothèse,
le juge sera face à une difficulté d'interprétation, et
les parties encourent le risque de voir leur sort laissé à
l'appréciation souveraine des juges du fond.
Selon la jurisprudence actuelle de la Cour de Cassation, de
telles stipulations, « contradictoires et ambiguës,
nécessitent une interprétation de l'acte pour permettre sa
qualification »129(*). Dans l'espèce exposée, la Cour
d'Appel a pu déduire de la volonté des parties que la convention
litigieuse devait s'analyser en une cession de créance, et non en une
délégation. La faute rédactionnelle est fâcheuse.
Or, à n'en pas douter, le but poursuivi par les parties était une
délégation à titre de garantie. En effet, la situation s'y
prêtait ; elle s'y prête encore plus, au regard de la
fragilité actuelle de la cession de créance à titre de
garantie, due aux risques de requalification encourus130(*). Une certaine rigueur dans
la rédaction de la délégation à titre de garantie
s'impose en conséquence pour l'avenir ; il s'agira d'éviter
qu'elle soit requalifiée en cession de créance de droit commun
à titre de garantie, et, partant, au regard de la jurisprudence
récente, en nantissement de créance, acte non translatif. Il
semble réellement que la volonté des parties soit bridée
en matière de cession de créance de droit commun à titre
de garantie. La requalification en nantissement de créance étant
encourue, il paraît plus avantageux, pour constituer une garantie
efficace, ainsi qu'une situation d'exclusivité au profit du
créancier, de recourir à la
délégation-sûreté.
Il est possible de constater, en définitive, que la
dynamique pratique tend à une généralisation de la
délégation à titre de garantie, renforcée, le cas
échéant, par une sûreté personnelle ou réelle
« classique ». La liberté concrète de
recourir à la délégation-sûreté semble
être au faîte de sa manifestation, lorsque celle-ci est
cumulée à une sûreté personnelle traditionnelle,
notamment le cautionnement. Du reste, la
délégation-sûreté nous semble aussi plus avantageuse
et plus sûre que la cession de créance à titre de garantie.
Cette dynamique pratique est toutefois freinée par la
jurisprudence, qui n'admet pas que la délégation, puisse servir
de « commode bonne à tout faire du droit français
des obligations »131(*). Certes, ses applications sont larges. Elles ne
sauraient pour autant être illimitées. Elles se cantonnent,
à notre opinion, au paiement et à la garantie. Ainsi, la vocation
impérialiste de la délégation est tempérée,
dès lors que l'on veut en faire une échappatoire pour couper
à une obligation ou à une impossibilité (par ex. la
cession de dette). Certes s'agira t-il, en partie seulement, d'une question de
validité, et non directement d'utilité. Toutefois, ces
restrictions à la validité de la délégation
limitent quantitativement et indirectement ses fonctions.
Section II : Les fonctions rejetées ou
limitées par la jurisprudence
Il est des fonctions que la délégation n'est
pas de taille à remplir, nonobstant les multiples tentatives de la
pratique en ce sens. En effet, la jurisprudence oppose systématiquement
son refus à toute tentative de recourir à ces fonctions
« bannies ». Comme nous l'avons souligné plus
tôt, il ne s'agit pas de prohibition pour des questions de
validité générale. Ainsi que tout contrat, il est certain
qu'une délégation ayant une cause illicite ou immorale serait
invalidée. En revanche, il existe des finalités
particulières auxquelles la délégation ne saurait tendre.
Soit, parcqu'elles sont impossibles (I), soit, parcque les circonstances
particulières de la conventions n'y sont pas favorables (II)
§ I : L'impossibilité de
réaliser une cession de dette par voie de
délégation
Ainsi que nous avons eu l'occasion de le prouver, à la
lumière de la jurisprudence, la délégation est uniquement
une technique de paiement et de garantie des obligations. Elle n'a, en
conséquence, pas pour fonction de permettre la réalisation d'une
cession de dette.
Certains auteurs envisagent pourtant la
délégation au titre de la cession de dette, ou de la
« circulation de l'obligation par changement de
débiteur » ; estimant que la
délégation serait un mécanisme de
« transfert de dette avec protection du
créancier »132(*). D'autres l'analysent « en un
mode de reprise de dette plutôt qu'une sûreté sui
generis»133(*). La jurisprudence n'admet cependant aucune
possibilité de transporter une quelconque dette par voie de
délégation. Sans entrer dans le débat relatif à
l'intérêt de la cession de dette, notamment pour le cessionnaire,
il faut considérer que celle-ci n'est par réalisable par voie de
délégation. En effet « nul ne peut être
contraint à changer de débiteur »134(*) ; le
délégant ne saurait donc imposer au délégataire, la
substitution de l'engagement du délégué, à sa
propre obligation envers celui-là.
Plus généralement, il faut considérer que
la cession de dette est incompatible avec la délégation. Cette
dernière n'a aucun effet translatif, ni activement, ni, a fortiori,
passivement135(*).
En effet, elle ne permet pas « la transmission entre vif, du
cédant au cessionnaire, d'un droit réel ou personnel à
titre onéreux ou gratuit »136(*). En réalité, plutôt que de
servir de véhicule juridique à la cession de dette, l'existence
même de la délégation est un des obstacles à
celle-ci137(*). Cette
affirmation, apparemment paradoxale, est la résultante de l'analyse des
faits soumis à la jurisprudence, et constituant une démarche dans
le sens d'une reprise de dette. En effet, il semble qu'en droit des
obligations, toute tentative de cession de dette sera requalifiée en
délégation. C'est une preuve irréfutable de
l'incompatibilité entre la délégation et la cession de
dette, et, du fait que l'existence de la délégation soit, en
elle-même, un obstacle au transport de dette.
Pour étayer notre affirmation, il faut se
référer à un arrêt relativement récent de la
Chambre commerciale de la Cour de Cassation, en date du 7 décembre
2004138(*). Il ressort
des faits de cette décision que les parties ont ostensiblement entendu
organiser une cession de dette139(*). En l'espèce, des époux anciennement
titulaires d'un bail commercial ont obtenu en justice l'allocation d'une
indemnité d'éviction. Le bailleur, débiteur de
l'indemnité, a par la suite vendu l'immeuble contenant les locaux
litigieux. C'est à cette occasion que l'acquéreur de l'immeuble
s'engagera à payer l'indemnité due aux époux par le
bailleur. L'objectif de l'acquéreur était indéniablement
de reprendre la dette du vendeur, à l'égard des époux
locataires, à sa charge. Par la suite, le bailleur débiteur de
l'indemnité sera placé en redressement judiciaire. Les
créanciers de l'indemnité d'éviction intenteront
naturellement une action en paiement contre l'acquéreur,
pseudo cessionnaire de la dette du bailleur.
Les moyens du pourvoi de l'acquéreur sont
particulièrement intéressants, ils illustrent au demeurant la
volonté d'opérer une cession de dette. L'acquéreur
soutient en effet que « les époux X faisaient
expressément valoir que le contrat de vente du (...) réalisait
une cession de dette », et que l'acquéreur « serait
subrogé dans les droits et "obligations" du vendeur (...) tant
activement que "passivement" ». De la sorte, il serait fondé
à opposer aux créanciers de l'indemnité d'éviction
l'extinction de leur créance d'indemnité pour défaut de
déclaration à la procédure collective du bailleur. Le
raisonnement peut paraître logique ; si le bailleur a
cédé sa dette à l'acquéreur, et que celle-ci se
trouve éteinte pour une raison tenant au bailleur, l'acquéreur,
ayant recueilli cette même dette, se trouverait de ce fait
libéré.
La Cour de Cassation ne souscrit toutefois pas à ce
raisonnement. Considérant que l'assignation en paiement du
créancier équivalait à une acceptation à titre de
délégataire, elle estime que « la cour d'appel a
déduit, à bon droit, que cette opération juridique
s'analysait en une délégation au sens de l'article 1275 du Code
Civil ». Partant, elle considère que le
délégué, en l'espèce l'acquéreur soi-disant
cessionnaire de la dette, a souscrit une obligation personnelle et
indépendante envers les délégataires, les locataires
créanciers de l'indemnité d'éviction. Ainsi, la
créance de ceux-ci envers celui là subsiste, nonobstant le
défaut de déclaration à la procédure collective du
délégant. Il s'agit d'une application du principe de l'autonomie
de l'obligation du délégué et de sa
conséquence : l'inopposabilité des exceptions. Cet
engagement nouveau du délégué est incompatible avec toute
idée de cession et de permanence de la dette cédée.
Cet arrêt illustre le fait que toute tentative de
cession de dette sera irrémédiablement requalifiée en
délégation, le débiteur ne pouvant imposer au
créancier un autre débiteur. En effet, il suffira que le
créancier intente une action en paiement envers le prétendu
cessionnaire de la dette, pour que cette manifestation de volonté soit
interprétée comme une acceptation provenant d'un
délégataire. En conséquence, la requalification est
inévitable, quelle que soit l'ingéniosité des clauses des
parties.
En définitive, il est à constater que la
délégation ne permet pas le transport de dette de façon
efficace. Sans doute parvient-on à un résultat semblable, que la
Doctrine qualifie de « cession imparfaite » ;
mais, en réalité, une cession est nécessairement parfaite,
ou n'est pas. Par analogie, il serait difficile d'appeler
« vente », un contrat non translatif de
propriété. Ainsi est-il prouvé que la
délégation n'a pas pour fonction de transporter la dette. Plus
encore, elle en constitue un obstacle. En effet, toute tentative de cession de
dette sera requalifiée en délégation, en cas de demande en
paiement du pseudo créancier cédé140(*).
Si la jurisprudence rend impossible la cession de dette par
voie de délégation, elle limite aussi, dans une certaine mesure,
la fonction extinctive de celle-ci. Le droit des procédures collectives
appréhende la délégation exclusivement comme un paiement.
La jurisprudence tire des conséquences non négligeables de cette
réalité, en ce qui concerne le rôle extinctif de la
délégation
§ II : L'appréhension restrictive
de la fonction extinctive de la délégation par le droit des
procédures collectives
Le droit des procédures collectives appréhende
exclusivement la délégation comme un mode de paiement. En
conséquence, celle-ci ne saurait avoir pour fonction de permettre aux
parties de contourner les effets de la procédure, notamment
l'interdiction du paiement de dettes non échues pendant la
période suspecte141(*). Il s'agit d'un impératif d'ordre public,
imposé afin d'assurer le respect du principe d'égalité des
créanciers du débiteur objet de la procédure. Quant aux
paiements des dettes échues pendant la même période, la Loi
impose qu'ils soient faits selon des modes précis ou, au moins,
communément admis dans le monde des affaires. Cette question, qui peut
sembler exclusivement technique, oblige en réalité à
s'interroger sur la réalité de la banalisation de la
délégation-paiement dans le monde des affaires.
Réalité qu'il a été tentée de
démontrer plus tôt.
A - L'interdiction de la
délégation-paiement dans un souci d'égalité des
créanciers
Ainsi que nous l'avons souligné, le droit des
procédures collectives appréhende la délégation
comme un simple paiement, en dépit de la dualité
démontrée de ses fonctions. Dans cette perspective, la
délégation, en tant que mode de paiement, peut subir les foudres
des juridictions examinant les actes accomplis par le débiteur pendant
la période suspecte. En effet, certains actes, notamment des paiements,
peuvent être effectués pour avantager un créancier au
détriment des autres. Ainsi sont-ils prohibés. La
délégation étant, au sens du droit des procédures
collectives, un mode de paiement, elle est susceptible de rentrer dans le champ
d'application de cette prohibition.
Conformément à l'article L. 632-1, 3° du
Code de Commerce, la délégation encourt une nullité de
plein droit, si elle a été utilisée pour payer, avant
terme, une dette du débiteur pendant la période suspecte. En
effet, la Loi frappe de nullité tout paiement pour dettes non
échues au jour du paiement, « quel qu'en ait été
le mode ». La délégation étant, comme nous
l'avons démontré tantôt, un mode de paiement, elle sera, le
cas échéant, sanctionnée de nullité142(*). La restriction de la
fonction extinctive de la délégation ne pose donc pas de
difficultés particulières en ce qui concerne le paiement de
dettes échues. En définitive, il est possible de déduire
de notre démonstration précédente, qu'à l'inverse
de la compensation, la délégation n'est pas une technique de
paiement qui a pour fonction de permettre de contourner les effets de la
procédure collective143(*). En revanche, le droit des procédures
collectives semble quelque peut perturber la relative banalisation de
la fonction extinctive de la délégation, telle que nous l'avons
présentée auparavant.
B - La possible remise en cause, par la
jurisprudence, de la vulgarisation du recours à
délégation-paiement
À n'en pas douter, la délégation est un
mode de paiement, même si ce n'est pas son unique fonction. Nous avons
précédemment tenté de démontrer, au regard de
l'importance du contentieux la concernant, qu'elle est devenue une pratique
relativement courante dans le monde des affaires. Il semble toutefois que la
jurisprudence relative aux procédures collectives pourrait, dans
l'avenir, inviter à reconsidérer cette affirmation. Non
seulement, elle n'appréhende la délégation qu'en tant que
mode de paiement, mais encore, il se pourrait qu'elle limite le domaine de
cette fonction extinctive. En effet, la loi interdit, pendant la période
suspecte, tout paiement pour dettes échues, non effectués par le
biais d'instruments spécifiés, ainsi que tout paiement
effectué « autrement que selon un mode communément
admis dans la pratique des affaires »144(*).
Nous avons soutenu que la délégation-paiement
était devenue une pratique récurrente, notamment dans les
relations d'affaires. Or, il semble que la disposition susvisée puisse
inciter la jurisprudence à contredire cette affirmation. En effet, on
peut se demander si en interdisant tout mode de paiement « non
communément admis dans les relations d'affaires », on ne
dénie pas à la délégation une partie sa fonction
extinctive, contrecarrant ainsi l'allant qu'elle a engendré chez les
praticiens. En réalité, la jurisprudence ne condamne nullement la
banalisation de la délégation-paiement, ni le paiement de dettes
échues, par voie de délégation, pendant la période
suspecte. En effet, elle tient compte de la pratique des affaires, et du fait
que la délégation-paiement soit ou non devenue une technique de
droit économique dans le milieu concerné. En conséquence,
tout est question de casuistique.
C'est ainsi que « Doit être annulée la
délégation faite, par une société de commerce de
viande en cessation des paiements, d'une créance qu'elle détient
sur une compagnie d'assurance, au profit du propriétaire des
marchandises sinistrées, dès lors que le
bénéficiaire de la délégation ne peut
sérieusement soutenir qu'un tel mode de paiement ponctuel, issu d'un
événement inhabituel, est normal, compte tenu des usages de la
profession, et qu' il ressort ainsi que la délégation de
créance n'est pas communément admise dans les relations
d'affaires considérées relatives au commerce des
viandes »145(*). La pratique du commerce des viandes n'est
apparemment pas assez rompue à la délégation paiement,
pour que l'on estime qu'il puisse s'agir d'un mode de paiement commun dans ce
secteur d'activité.
En revanche, comme nous l'avons démontré
auparavant, la délégation-paiement est prisée et
récurrente en matière immobilière, notamment à
l'occasion d'un financement immobilier par une banque. La jurisprudence
actuelle renforce notre démonstration, admettant la validité de
la délégation-paiement pour dette échue, pendant la
période suspecte, dans ce domaine d'activité précis. En
effet, elle estime que « Justifie sa décision la cour d'appel
qui se réfère aux relations entre l'établissement de
crédit ayant financé le prêt et l'emprunteur pour
déterminer si la délégation de créance faite
par ce dernier constitue une pratique générale et habituelle dans
les relations d'affaires du secteur bancaire pour la mise en place d'un
prêt immobilier »146(*). La Cour de Cassation encourage ainsi les juges du
fond à tenir compte du secteur d'activité concerné. En
conséquence, la limitation de la fonction extinctive de la
délégation par le droit des procédures collectives sera
circonscrite aux secteurs d'activité peu
« initiés » à la
délégation-paiement.
Aussi, pour les secteurs bancaire et immobilier, grands
« consommateurs » de délégation, la
restriction de la vulgarisation du recours à la
délégation-paiement devrait être largement moins
sévère, notamment si le délégué est un
professionnel, réglant par exemple ses dettes d'emprunts. Finalement, il
est piquant de constater que plus la délégation en paiement sera
utilisée par un secteur d'activité, plus sa fonction de paiement
sera renforcée. Cette remarque, bien que spécifique aux
procédures collectives, ne résume t-elle pas toute la logique de
l'évolution fonctionnelle que vise à établir notre
étude ?
En effet, il est incontestable que le rôle
délégation a évolué, passant de l'unité
à la dualité. Sa logique propre semble assez simple : Plus
elle sera utilisée, plus elle pourra avoir d'utilités. Il est
alors fort probable que, pour les besoins de la pratique, et sous l'impulsion
intellectuelle de la Doctrine, il lui soit forgé de nouvelles fonctions.
Il deviendra alors nécessaire d'opérer une nouvelle mise à
jour de ses utilités. En attendant, il semble qu'à force
d'être mise en oeuvre par la pratique contractuelle dans des
finalités précises, la délégation puisse
elle-même embrasser ces finalités. En réalité, il ne
s'agit pas d'une possibilité mais d'une nécessité ;
l'identification concrète des fonctions de la délégation
révèle l'identité fonctionnelle de celle-ci. La notion
même de délégation est imprégnée, voire
pénétrée, de ses fonctions. Il convient en
conséquence de mettre au jour cette imbricatio
PARTIE II : Mise au jour de la notion de
délégation
Définir la délégation est un exercice
délicat. En effet, il ne lui est généralement
« pas reconnu une nature juridique particulière en
raisons des multiples fonctions qui lui sont ordinairement
attribués »147(*). Marc Billiau avait, il y a près de vingt
ans, déjà relevé cette difficulté théorique.
Elle illustre la nature fonctionnelle de la délégation, et,
l'impossibilité actuelle de la réduire à une
définition calquée uniquement sur l'une de ses fonctions :
L'extinction des obligations. Pourtant, l'auteur susvisé n'a semble-t-il
pas poussé cette logique jusqu'au bout. En effet, il envisage et
définit de façon unitaire le concept de délégation,
lui attribuant simultanément une fonction juridique unique (V.
supra, p. 21). Or, il nous semble que le
« renouveau »148(*) pratique de la délégation impose de
prendre en compte son rôle de garantie, y compris dans la
définition de la notion elle-même. Une fois encore, ce sont les
acteurs quotidiens du Droit qui, de part l'utilisation orienté de
celui-ci, invite à réfléchir sur ses concepts. En effet,
à l'instar de ce qui se produit pour le fonds de commerce, les
praticiens utilisent de façon récurrente la
délégation, sans réellement savoir de quoi il
s'agit149(*). La
délégation semble aussi faire partie de ces choses que la
pratique exploite, mais que le Droit a du mal à nommer. C'est
peut-être la raison pour laquelle « la doctrine
étudie la délégation principalement sous l'aspect, au
demeurant limité, de ses effets » et
s'intéresse assez peu à sa nature juridique150(*).
Si la notion de délégation est aussi difficile
à définir, c'est en partie parcqu'elle n'entre pas dans les
catégories habituelles du Droit. Est-ce un contrat sui
generis ? Une réponse affirmative paraît difficile, dans
la mesure où les articles 1275 et 1276 du Code Civil contiennent
expressément le terme de délégation. Il ne s'agit
donc pas d'un contrat ignoré de la Loi. Est-ce pour autant un contrat
nommé (ou spécial) ? Une réponse affirmative
paraît encore délicate, du fait que délégation se
trouve envisagée au titre III du livre III du Code Civil,
c'est-à-dire : Les contrats et obligations conventionnelles en
général. A priori, elle n'aurait en
conséquence rien de « spécial » ; sauf
à estimer qu'il y aurait des contrats nommés dans une partie du
code relative au droit commun des contrats et obligations. En
réalité, la question de la nature juridique de la
délégation nous paraît insoluble, dès lors que l'on
se limite à la qualification imprécise de
« délégation », et à la
définition usuelle à laquelle elle renvoie (supra
p.7).
Il faudra se rendre à l'évidence qu'il n'est pas
possible d'envisager le concept de délégation de façon
unitaire, mais, uniquement en considération de ses fonctions. Les
diverses fonctions de la délégation font chacune éclore
une notion autonome (I). En conséquence, il sera proposé, pour
chacune de ces notions, un régime juridique adéquat (II). Le
régime juridique suggéré sera à notre sens
convenable, en ce qu'il sera modelé sur la finalité de la
délégation en question, autrement dit, sa cause.
Chapitre I : L'impossibilité de
réduire la notion de délégation à l'unité,
et le pluralisme consécutif
Ainsi que nous l'avons souligné, il est malaisé
de cerner la notion de délégation, en raison de son attitude
rétive à l'égard des catégories habituelles et
générales du droit des contrats. En effet, celles-ci sont inaptes
à rendre compte de la nature juridique de la délégation
(I). Cette situation pourrait mener à penser que la question de la
nature juridique de la délégation est insoluble ; non
seulement, il ne lui serait « pas reconnu une nature
juridique particulière »151(*), mais encore, elle ne parviendrait pas à
se fondre, à l'instar de tout contrat, dans la distinction on ne peut
plus classique entre contrats nommés et innommés. De ce fait, il
serait par exemple impossible de savoir si la
délégation-sûreté, que nous avons
présentée plus tôt, relève ou non de la
catégorie des sûretés personnelles nommées. En
réalité, il semble que le juriste sera condamné à
revenir de façon cyclique sur la question de la nature juridique de la
délégation, tant que celle-ci ne sera pas
appréhendée de façon plurale (II).
Section I : L'insuffisance des
définitions et catégories classiques pour rendre compte de la
nature juridique de la délégation
La distinction entre les contrats nommés et les
contrats innommés, fondement de l'étude du droit spécial
des contrats, ne semble pas pouvoir être applicable à la
délégation. Le classement de la délégation parmi
l'une de ces catégories pourrait cependant être un
élément de définition générale de la notion
et, du reste, un indice de sa nature juridique particulière. Force est
de constater qu'une telle entreprise est vouée à l'échec
(I). C'est ce qui a amené certains auteurs à fustiger le fait que
la délégation puisse être un contrat innommé auquel
le Code Civil ferait néanmoins allusion (infra p.71.). La
spécificité de la délégation atteste l'insuffisance
de cette dichotomie classique. En effet, il sera possible de constater qu'il
s'agit d'une notion qui, en tant que telle, n'a aucun élément
caractéristique, et, plus encore, point de signification (II).
§ I : L'impossibilité de rendre
compte de la nature juridique de la délégation au travers de la
distinction entre contrats nommés et innommés
La distinction entre les contrats nommés et
innommés ne permet de définir de façon
générale la notion de délégation. Cette
dernière est en réalité inclassable. Au surplus, un choix
de qualification semblerait à la rigueur inutile, en l'absence de
définition et de réglementation suffisantes.
A - Délégation et contrats
nommés
Le droit français des contrats distingue les contrats
nommés des contrats innommés. Les premiers font l'objet d'une
réglementation particulière, tandis que les seconds ne sont
soumis qu'aux règles générales régissant la
formation et l'exécution des conventions. Ainsi les contrats
nommés sont-ils soumis, en tant que tels, à des règles
spéciales découlant de leur qualification. Il semble
malgré tout difficile de réduire la délégation
à l'une de ces deux catégories, tant la notion de
délégation paraît fuyante. En effet, elle ne se laisse pas
saisir par la définition censée lui être propre
(supra p.7), non plus que par des distinctions plus
générales, telles que celle entre contrats nommés et
innommés. Or, comment la délégation pourrait-elle avoir
une nature juridique particulière, s'il est préalablement
impossible de la classer parmi les catégories juridiques les plus larges
du Droit privé ? Comment saurait-elle pouvoir le plus sans
pouvoir le moins ? C'est pourquoi il est nécessaire,
avant de s'attarder sur la nature spécifique de la
délégation, d'envisager sa nature
« générale », au regard des distinctions
classiques du Droit privé.
Tentant de cerner de façon générale la
notion de délégation, un auteur a pu stigmatiser :
« cette doctrine », qui « refoule,
en fait, la délégation dans le domaine des techniques juridiques
non définies ». Aussi fustige-t-il le fait que la
délégation puisse être « une
espèce de contrat innomé dont le Code Civil ferait
néanmoins état »152(*). En dépit de cette
critique, force est de constater que la délégation, même si
elle constitue une
technique « prévue » par
l'article 1275 du Code Civil, peine à être classée parmi
les contrats nommés153(*). En effet, la pauvreté de son régime
juridique la rend incomparable à d'autres contrats tels que la vente, le
mandat, le bail, etc., qui sont d'authentiques contrats nommés.
Ainsi la spécificité de la notion apparaît-elle ; sa
difficulté aussi.
A priori, la distinction entre contrats
nommés et innommés pourrait être envisagée comme une
véritable suma divisio. Pourtant, il n'est pas évident
que la délégation puisse se laisser enfermer dans l'une de ces
catégories. Au reste, il est à remarquer que le simple fait de
s'attarder sur la nature juridique de la délégation, force
à s'interroger sur des catégories apparemment
intangibles du droit privé. Cela atteste qu'il s'agit bien d'une
notion atypique. En conséquence, il semble nécessaire de lui
inventer une nature juridique idoine.
Il n'est pas possible d'affirmer catégoriquement que la
délégation ressortit de la catégorie des contrats
nommés. En effet, elle n'est que « simplement
invoquée »154(*) par la Loi. L'avant projet
« Catala » de réforme du droit des obligations et de
la prescription n'a-t-il pas « jugé utile de fixer dans le
Code Civil les contours de l'institution, à la fois pour éviter
les incertitudes liées à certaines discussions doctrinales et
pour combattre des incertitudes jurisprudentielle peu propices à l'essor
de la délégation » ?155(*) Le professeur H. Synvet
estime en outre que, sans l'intervention de l'avant projet, « la
délégation aurait sans doute pu continuer à
"s'épanouir dans la discrétion" à l'abri des
rigidités qu'induit toute intervention
législative »156(*). Il s'agit d'un aveu patent de l'absence de
réglementation suffisante, relativement à la
délégation. Or, le propre du contrat nommé n'est-il pas
d'être défini et réglementé en tant que
tel ?157(*)
Vraisemblablement, il faudrait déduire de ce qui
précède le caractère innommé du contrat de
délégation. Une telle conclusion serait cependant aussi
imprudente que la première. En effet, le terme de
« délégation » figure expressément
dans les articles 1275 et 1276 du Code Civil. La Loi « nomme »
ainsi délégation l'opération :
« par laquelle un débiteur donne au créancier un autre
débiteur »158(*). C'est la quadrature du cercle : il ne
semble pas possible de classer la délégation.
En définitive, il faut donc se rendre à
l'évidence que la distinction entre contrats nommés et
innommés est inapte à rendre compte de la nature juridique
générale de la délégation. Or, comment la
délégation saurait-elle avoir une nature juridique
particulière, si l'on ne parvient pas à la classer dans l'une ou
l'autre de ces deux grandes catégories de contrats ? Qui ne peut le
moins, ne pourra pas le plus. En dernière analyse, il
serait possible de se demander si la délégation, à
l'instar du fonds de commerce, du compte courant etc., ne fait pas
partie de ces « choses juridiques
indéfinissables ».
Au demeurant, il faut remarquer qu'en l'absence de
définition et de régime juridique bien établis, il sera en
pratique inutile de savoir si la délégation est un contrat
sui generis ou un contrat nommé.
B - L'inutilité pratique du classement de la
délégation dans la catégorie des contrats nommés
Jusqu'à la révision du droit des
sûretés par l'ordonnance du 23 Mars 2006 (v. supra p.29),
la pratique des affaires recouraient à deux types de garanties
personnelles innommées, en marge du cautionnement : la garantie
autonome, et la lettre d'intention. L'ordonnance susvisée les a
désormais consacrées en tant que sûretés
personnelles « nommées dans le Code
Civil »159(*). Il est cependant regrettable que la réforme
n'ait pas consacré la délégation en tant que nouvelle
sûreté personnelle, même si ce n'est pas, comme nous l'avons
souligné, son unique utilité. En effet, délégation,
garantie autonome, et lettre d'intention partagent un sort commun, ou,
plutôt, une imprécation commune. Elles font partie des quelques
techniques juridiques qui, bien que prévues par la Loi, sont
tellement peu réglementées qu'il parait difficile de les
classer160(*).
En conséquence, il conviendrait d'affiner les
catégories générales usuelles pour y faire entrer la
délégation. Il nous semble qu'il serait possible de distinguer
entre les contrats nommés et les contrats régis par la Loi. Si
tous les contrats régis sont nommés, l'inverse n'est pas
nécessairement vrai. Le Code Civil nomme par exemple la vente, il la
vise en tant que telle (Titre sixième du livre III : « De
la vente »). Il la définit ensuite (art.1582 du Code
Civil) ; avant de la régir enfin. La vente est le type même
du contrat nommé. Elle invite à distinguer trois
étapes : la désignation, la définition, la
réglementation. La désignation est une simple
référence au nom du contrat. Quant à la définition,
elle permettra de qualifier le contrat afin d'établir la
réglementation qui lui est spécifique. Si la vente a franchi sans
difficulté ces trois étapes, la délégation s'est
semble-t-il limitée à la première. C'est
précisément pourquoi elle n'est pas un contrat comme les autres.
Certes, la délégation est désignée par l'article
1275 du Code Civil, mais, comme nous l'avons souligné tantôt, elle
n'est pas, ou pas suffisamment, définie, mais simplement
décrite ; elle est encore moins spécialement régie
par la Loi. Dans un sens, il serait possible d'affirmer qu'elle constitue un
contrat nommé, le terme même de délégation
figurant dans les textes. Toutefois, à quoi servirait-il de qualifier un
contrat de « délégation », s'il n'est pas
possible de le rattacher à des critères d'identification
préalables (absence de définition), ou à un régime
juridique prédéterminé (absence de
réglementation) ?
La qualification de délégation n'a de ce fait
pas plus d'intérêt que la qualification de contrat sui
generis. En effet, le régime juridique déclenché par
celle-ci semble n'avoir rien de spécifique. Par l'opération de
délégation, le délégué s'oblige à
exécuter une prestation envers le délégataire. N'est-ce
pas un trait commun de tout contrat engendrant une obligation, une partie
devenant débitrice de l'autre ?
La nature spécifique de la délégation
met en exergue l'insuffisance de la distinction entre contrats nommés et
innommés ; il semble difficile, et surtout inutile, de la classer
parmi une de ces catégories. En effet, le fait qu'il puisse s'agir d'un
contrat nommé n'engendre aucune spécificité, la
catégorie de rattachement étant une coquille quasiment
vide. Peu importe en définitive que la délégation soit un
contrat nommé ou innommé. Dès lors que la
désignation d'une opération juridique sera restreinte au simple
qualificatif de délégation, il sera possible de
remarquer qu'elle n'a aucun élément caractéristique
propre.
§ II : L'absence d'élément
caractéristique propre à la délégation pure et
simple
Au regard de la définition actuelle de la
délégation, il semble que l'élément
caractéristique de celle-ci soit l'invitation du délégant,
et l'engagement subséquent du délégué161(*). Cette proposition, bien que
généralement admise, mérite d'être rejetée.
En effet, l'invitation du délégant, non plus que l'engagement
subséquent du délégué, ne permettent d'identifier
la délégation. Sans doute seront-ils, ensemble, un
élément participant de la définition de celle-ci ; ils
n'en seront pas pour autant distinctifs.
Pour étayer notre propos, imaginons un exemple assez
simple, difficilement distinguable de la délégation. Il s'agit du
cas du paiement spontané de la dette d'autrui. Le tiers qui paie la
dette d'autrui peut, s'il le souhaite, le faire de façon médiate,
en s'engageant au préalable envers le créancier à
régler la dette du débiteur, indépendamment d'une
quelconque défaillance de celui-ci, et sans sollicitation de sa part.
Dans une telle hypothèse, le tiers en question souscrit une obligation
personnelle; la qualification d'indication de paiement est donc à
écarter162(*). La
doctrine lui préférera en général celle
d'adpromissio163(*). Pourtant, l'opération en question ressemble
à s'y méprendre à une délégation, quand bien
même il n'y aurait pas d'engagement sur initiative du pseudo
délégant.
Une telle situation, parfaitement imaginable en pratique
(même si ce que la Doctrine appelle adpromissio est assez rare),
se distingue de la simple indication de paiement, qui ne crée pas de
droit nouveau au profit du créancier. S'agit-il pour autant d'une
délégation ? La question se pose réellement, car le
Code Civil ignore la notion d'adpromissio, qui n'est pas une
catégorie juridique légale. D'aucuns répondront par la
négative, en l'absence d'invitation, au moins implicite, du
supposé délégant. Pourtant, l'engagement de payer
résultant de l'exemple exposé semble autonome, sur le
modèle de l'engagement du délégué, même en
l'absence d'invitation du délégant. Il semble aussi que, selon le
Code Civil, il n'y aurait pas de situation intermédiaire entre
l'indication de paiement (non contraignante pour le futur solvens) et
la délégation (qui assujettit le délégué).
La soi-disant adpromisso ne serait ainsi qu'une forme de
délégation sans invitation du délégant.
En réalité, l'exemple précité est
parfaitement assimilable à une délégation incertaine non
novatoire, par laquelle le délégué s'engagerait pour ce
que doit le délégant. Pareillement, si dans notre exemple, le
créancier libèrerait le premier débiteur à
l'occasion de l'engagement du tiers, la situation serait analogue à une
délégation novatoire. Dans les deux hypothèses, la seule
différence avec la délégation est l'absence d'invitation
du débiteur initial. Il ne participera pas à l'acte en
qualité de délégant. Au demeurant, on pourrait imaginer
qu'il puisse inciter, de façon extracontractuelle, un tiers
à s'engager envers son créancier ; mais, dès lors
qu'il ne participe pas à l'acte en qualité de
délégant, la Doctrine majoritaire écarte la qualification
de délégation. Il en résulte, en définitive, que la
différence entre la délégation et la prétendue
adpromissio serait l'invitation du débiteur initial en
qualité de délégant. Cette présentation n'est pas
convaincante, si l'on prend la peine de comparer le régime juridique des
deux techniques.
En effet, en pratique, la différence susvisée
ne crée pas...de différence, entre la délégation,
et le régime de la dette de celui qui s'engage personnellement à
payer le passif d'autrui, sans sollicitation de celui-ci. En effet, dans ce
dernier cas, il s'agira d'un engagement personnel et autonome, à l'image
de celui du délégué. De ce fait, il est possible
d'affirmer que l'invitation du délégant est un
élément quasi insignifiant de la définition de la
délégation, car sa présence ne suffit pas à la
caractériser. De surcroît, cette explication est renforcée
par la jurisprudence, qui ne semble fait pas faire cas, de façon
intransigeante, de la nécessité de l'invitation du
délégant. Elle a ainsi pu identifier une
délégation, alors qu'on pouvait légitiment douter d'une
quelconque invitation du délégant164(*).
La seule difficulté qui pourrait se poser, dans
l'exemple cité, est celle relative à la cause d'un tel engagement
« à découvert »165(*). Cela ne remet cependant pas
en cause la démonstration de la difficulté de faire le
départ entre la délégation et la prétendue
adpromissio, en se fondant sur la sollicitation du
délégant. En conséquence de ce qui
précède, il nous est possible d'affirmer que l'invitation du
délégant ne suffit pas à constituer
l'élément caractéristique de la délégation.
Cette assertion est du reste renforcée par une partie
de la Doctrine ayant comparé la délégation à
l'indication de paiement. En effet, il a pu être écrit que :
« Une indication de paiement se transforme en
délégation, si le débiteur indiqué prend
l'engagement de payer et si le créancier accepte cet
engagement »166(*). En l'espèce, la qualification de
délégation est admise, alors qu'il n'y a jamais eu d'invitation
du délégant. Sans doute celui-ci a-t-il demandé au tiers
de payer sa dette, en tant que mandataire ; dans un sens, il l'a
invité à payer. Toutefois, il ne l'a jamais invité
à s'engager, c'est-à-dire à souscrire une obligation
personnelle. Il n'a pas non plus pris partie à l'acte de
délégation, seul le créancier ayant accepté
l'engagement du nouveau débiteur. Pour autant, il ne semble pas que
cette absence d'invitation puisse empêcher la qualification de
l'opération en délégation. Il en résulte de nouveau
qu'il n'est pas concevable, non moins que vain, de faire de l'invitation du
délégant l'élément caractéristique de la
délégation. Elle reste néanmoins un indice utile, au moins
implicitement, voire de façon extracontractuelle. En revanche,
à la différence de l'invitation, son consentement paraît
indispensable
Au reste, il n'est pas non plus envisageable de
considérer que l'engagement du délégué puisse
être le trait distinctif principal de la délégation. En
effet, il n'est pas possible de déterminer, à la lecture de la
définition usuelle de la délégation, pour quelle(s)
raison(s) le délégué s'engage envers le
délégataire. Il semble dans la même situation que n'importe
quelle personne souscrivant une obligation de payer à l'égard
d'une autre. Or, les fonctions de la délégation se diversifiant,
il paraît nécessaire d'identifier la cause d'un tel engagement,
voire de l'intégrer dans la définition de la notion. En effet, le
délégué ne s'engage jamais pour s'engager. Aussi, dire
qu'il consent à une délégation a très peu de
signification.
Ainsi que l'a récemment souligné un auteur, la
délégation « apparaît comme une
notion fonctionnelle qui semble ne pas pouvoir être
appréhendée dans l'unité mais dans la
diversité de ses distinctions et sous distinctions, ou plus
précisément de ses finalités »167(*) Il convient de
déduire de cette affirmation, ainsi que de l'ensemble de ce qui
précède, que la délégation pure et simple
n'existe pas ; isolé, le terme de
délégation n'a aucun sens. Une approche plurale et
fonctionnelle s'impose dans ces conditions. À l'évidence, ce
travail ne saurait être fait ex nihilo ; il faudra
reconstruire sur les ruines de la définition évincée.
Section II : Définition plurale de la
délégation à partir de ses éléments
constants
L'établissement des fonctions de la
délégation, non moins que sa définition, nécessite
de se référer à la finalité poursuivie par les
usagers de ce mécanisme. En effet, ainsi que nous n'avons eu de cesse de
le démontrer, nul ne délègue pour
déléguer. En revanche, comme nous l'a
dévoilé la pratique contractuelle, on délègue,
d'une part, pour payer une dette, en évitant un transfert inutile de
valeurs ; d'autre part, pour constituer une garantie personnelle au profit
de l'un de ses créanciers. Chacune de ces hypothèses de recours
à la délégation constitue par conséquent une
situation originale, marquée par l'autonomie. Ainsi que l'a
souligné une partie de la Doctrine, sans pour autant en tirer toutes les
conséquences, la délégation nécessite d'être
appréhendée de façon fonctionnelle, au regard de ses
finalités (supra p.78). Dès lors, le pluralisme de sa
définition s'imposera par la force de l'évidence, car la
délégation n'a pas une finalité unique. Il faudra en
conséquence admettre, conformément à la finalité
respective de chacune, l'autonomie de la notion de
délégation-sûreté, ainsi que l'autonomie de la
notion de délégation-paiement168(*).
Toutefois, avant de s'immerger dans l'inconnu, et de proposer
l'autonomie de chacun des cas de recours à la délégation
(II), il sera nécessaire de rappeler les propositions et les
éléments de définition que nous estimons pouvoir faire
l'unanimité (I). En effet, il est des éléments
« constants et nécessaires » qui
ressortissent de la notion de délégation. Ceux-ci sont toutefois
insuffisants. Nous suggérons en conséquence de les
compléter avec la distinction susvisée, qui n'a cependant qu'une
valeur de proposition.
§ I : Les éléments
constants et nécessaires de la notion de
délégation
Dans une perspective de définition de la
délégation, il ne serait pas satisfaisant de faire table rase des
acquis théoriques. En effet, il est possible de s'accorder sur des
minima. C'est ainsi qu'à partir de la définition
classique de la délégation, il est possible de dégager
diverses propositions constamment vérifiables169(*). Ensemble, elles constituent
ce qu'il est convenu de d'appeler le plus petit dénominateur commun de
toutes les hypothèses de délégation spéciales.
D'abord, il sera permis d'affirmer que la délégation met
nécessairement en scène trois acteurs, dans le cadre
précis d'une opération juridique à trois personnes.
Ensuite, il faudra mettre en relief le fait que toute délégation
engendre impérativement un rapport de droit nouveau, entre deux
personnes non liées auparavant.
Conformément à ce qu'a pu relever un auteur,
« il convient d'ores et déjà de tenir pour acquis
que la délégation fait intervenir trois personnes ; un
délégant, un délégataire, et un
délégué »170(*). Il est donc juste d'affirmer que la
délégation est une entreprise qui met en scène trois
sujets de droit. Aussi n'y a-t-il aucune difficulté à s'accorder
sur la réalité de cette assertion, confinant à la
lapalissade.
Poursuivons sur la voie des évidences. La
deuxième affirmation, qui n'appelle aucune contestation, est celle selon
laquelle la délégation est une opération juridique. Plus
précisément, elle constitue une opération juridique
à trois personnes. En ce sens, elle se distingue des contrats
bilatéraux, et, surtout, des contrats multilatéraux, en ne
créant de lien de droit qu'entre deux des trois acteurs de
l'opération : le délégué et le
délégataire171(*). De surcroît, à la différence de
l'indication de paiement, elle est exclusive de toute
représentation172(*). Dans le cadre d'une délégation,
chacune des trois parties agit en son nom personnel. En conséquence, la
délégation peut unanimement se caractériser en une
opération juridique à trois personnes, car il s'agit
synthétiquement « d'une opération résultant
d'une convention unique, exclusive de toute représentation de l'une des
trois personnes intéressées par l'une des deux autres,
et cela aussi bien au moment de sa conclusion que de ses effets, et qui suppose
un enchevêtrement de relation juridiques entre les trois
personnes »173(*).
Enfin, la dernière affirmation susceptible de rallier
le plus grand nombre d'assentiments, est celle qui consiste à dire que
la délégation met en liaison deux personnes qui, originellement,
s'ignoraient mutuellement. En effet, le délégué s'engage
envers le délégataire, personne avec laquelle il n'avait aucun
lien préalable.
Tout cela étant dit, il n'est pas possible d'entrevoir
quelles pourraient être les utilités d'une figure juridique
mettant en scène trois acteurs, et constituant une opération
juridique à trois personnes, ne créant de lien qu'entre deux
d'entre elles. Une convention répondant à une telle
définition paraît chimérique. Il s'agit pourtant, à
peu de chose près, d'une réitération de la
définition usuelle de la délégation. Ainsi l'insuffisance
de celle-ci apparaît-elle, mettant en évidence la
nécessité d'une approche distincte.
§ II : Définition plurale et
fonctionnelle de la notion de délégation
Une acception plurale de la délégation s'impose,
car celle-ci ne peut être envisagée de façon unitaire. Il
n'y pas une, mais des délégations. Il y en a plus exactement
deux, constituant chacune une notion autonome, parfois susceptible de sous
distinctions. C'est ainsi que nous proposons, pour pallier la vacuité de
la définition classiquement admise, de distinguer la
délégation-sûreté, de la
délégation-paiement.
A - Autonomie notionnelle et fonctionnelle de
délégation paiement
Après avoir défini la
délégation-paiement conformément à sa
finalité, il faudra insister sur son rôle économique.
1) Définition fonctionnelle de la
délégation paiement
Il nous semble qu'il est possible de définir la
délégation-paiement comme suit : Opération
juridique par laquelle une personne, le délégant, afin de
simplifier l'extinction de son obligation envers une deuxième, le
délégataire, demande à une troisième, le
délégué, de s'engager envers le délégataire,
pour ce que doit le délégant.
Il ressort de cette définition que la
délégation paiement est nécessairement purement
incertaine, le délégué s'engageant rigoureusement pour ce
que doit le délégant. En effet, comme nous l'a tantôt
dévoilé l'observation de la jurisprudence, il est en pratique
constant que, dans la délégation aux fins de paiement, le
délégué s'engage pour éteindre de façon
simplifiée la dette du délégant. Ce faisant, il
éteint simultanément sa propre dette envers celui-ci. Cette
finalité est la cause caractéristique d'un tel engagement. Aussi,
même si le délégué est impérativement
débiteur du délégant au titre d'une dette distincte, et
que son engagement envers le délégataire le libère au fur
et à mesure envers son créancier, son nouvel engagement devra
nécessairement être « calquée » sur
celui du délégant envers le délégataire. Le
délégué en paiement ne paie jamais au
délégataire ce que lui-même devait au
délégant, au contraire, il « moule » son
engagement sur celui du délégant envers le
délégataire. Dans le cas contraire, la qualification de
délégation-paiement est, à notre sens, à
écarter. En effet, la double finalité extinctive des parties ne
serait pas totalement respectée.
Si le délégué s'engage pour ce que doit
le délégant, c'est donc que celui-ci avait une obligation
préalable envers le délégataire. En effet, et la pratique
observée en atteste, la délégation-paiement suppose une
obligation du délégant envers le délégataire. Dans
le cas contraire, elle n'aurait aucun intérêt, car il n'y aurait
aucune dette à acquitter de façon simplifiée.
On pourrait cependant rétorquer que, par ce biais, le
délégant souhaiterait faire une donation au
délégataire, dont il n'était pas auparavant
débiteur. Cet argument n'est toutefois pas valable. En effet, la
donation ainsi faite au délégataire crée une obligation de
payer à la charge du donateur délégant, au moins
concomitamment au contrat de délégation. C'est
précisément cette obligation que l'engagement du
délégué en paiement aura pour objectif d'éteindre,
en acquittant simultanément sa propre dette envers le
délégant. On en revient alors aux critères de la
délégation-paiement énoncés
précédemment. Il en résulte que les donations indirectes
par voie de délégation ne seront, à l'instar des
prêts indirects, que des illustrations de la
délégation-paiement. Par conséquent, il ne s'agit pas de
fonctions autonomes.
La délégation-paiement respecte en
définitive l'exigence du « double rapport
fondamental », quelquefois exigé par la Doctrine pour
reconnaître une véritable délégation. C'est une
condition qui se vérifie concrètement et systématiquement
à propos de la délégation-paiement. En effet, il serait
aussi illogique de vouloir simplifier l'exécution d'un rapport de droit
unique, que de prétendre simplifier une fraction irréductible.
Pour éliminer ce qui complique inutilement le paiement, encore faut-il
que cet élément existe. En somme, il est possible de conclure que
la délégation-paiement, par l'exigence d'un double
« rapport fondamental », correspond
réellement à l'acception stricte de la délégation
présentée plus tôt174(*).
Si la délégation-paiement est
nécessairement une délégation purement incertaine, il
importe peu qu'elle soit ou non novatoire. En effet, l'essentiel de la notion
réside dans l'intention extinctive des parties, cause
caractéristique de cette figure juridique. Si elle est conclue
novatoire, et, qu'en contrepartie de l'engagement du
délégué, le délégataire libère le
délégant, on aboutira à une résultat
approximativement équivalent à une cession de dette. En revanche,
si la délégation-paiement est conclue non novatoire, ce qui est
le principe, elle engendrera un effet incident de garantie par adjonction de
débiteur. Toutefois, il faut encore insister sur le fait que ce n'est
pas l'objectif essentiel des parties. En effet, celui-ci est de créer un
résultat économiquement équivalent à une
compensation.
2) La fonction de la délégation
paiement : une compensation au sens économique
Pour mieux saisir la notion de
délégation-paiement, il est possible de la définir de
façon analogique, au moins quant à sa fonction. Dans cette
perspective, il faut la comparer à une technique qui, quoique
différente sur le plan juridique, aboutit au même résultat
économique : Éviter un transfert inutile de
valeurs. Il s'agit de la compensation (art. 1289 et suiv. du C.Civ). Cette
dernière permet, sous certaines conditions, un paiement simplifié
lorsque deux personnes se retrouvent débitrices l'une envers l'autre.
À certains égards, la
délégation-paiement semble être un succédané
de la compensation, lorsqu'il il manque la condition fondamentale de celle-ci.
Afin d'illustrer notre affirmation, prenons un exemple. Soit A créancier
de B. Ce dernier, pour espérer pouvoir invoquer la compensation, doit
à son tour devenir créancier de A, sinon, il manquera la
condition essentielle de la compensation : la réciprocité.
En l'espèce, B ne deviendra pas créancier de A mais de C. Or B
souhaite absolument, pour une raison de trésorerie, éviter
d'avoir à payer directement A. La compensation étant
écartée faute de réciprocité, il ne lui reste plus,
pour se soustraire au paiement direct, qu'à inviter C à s'engager
à régler directement sa dette envers A. Juridiquement, en
l'absence de réciprocité des créances, il n'y aura jamais
eu compensation. Mais, économiquement, B sera parvenu à son
objectif : Payer sa dette en évitant d'avoir à mobiliser
inutilement des fonds. Cette finalité extinctive et simplificatrice est
fondamentale dans la définition de la délégation-paiement.
En pratique, il s'agit de la cause d'une telle opération. C'est la
raison pour laquelle elle méritait d'être intégrée
dans la définition même de la délégation-paiement.
Ainsi que nous l'avons souligné
précédemment, l'acception stricte de la notion de
délégation n'est valable que pour la
délégation-paiement. Elle est un double paiement
simplifié, en conséquence, elle nécessite l'existence d'un
double rapport préalable. En revanche, dès lors que la
délégation change de fonction, elle change simultanément
de nature.
B Autonomie notionnelle et fonctionnelle de la
délégation sûreté
Avant d'insister sur sa finalité, la notion sera
définie conformément à celle-ci. Il en résultera
que la délégation-sûreté constitue une notion
autonome de la délégation-paiement. Par ailleurs, contrairement
à celle-ci, qui à pour objectif le paiement d'une obligation, la
délégation-sûreté à pour rôle de
créer une sûreté personnelle d'imitation au profit du
délégataire.
1) Définition fonctionnelle de la
délégation-sûreté
La délégation-sûreté se distingue
de la délégation-paiement sur un point essentiel : sa
finalité. En effet, elle ne sert pas à simplifier le paiement,
mais à garantir celui-ci. En conséquence, il devrait être
possible de l'adjoindre à la délégation-paiement, pour
garantir celle-ci, en marquant par la même son autonomie.
Nous suggérons de définir la
délégation sûreté comme suit :
Opération par laquelle une personne, le délégant, afin
de garantir à son créancier, le délégataire, la
bonne exécution de son obligation envers lui, invite un tiers, le
délégué, à s'engager envers ce
créancier.
Il en ressort de nouveau que l'obligation du
délégant envers le délégataire est
nécessaire à la qualification d'une
délégation-sûreté. En effet, en l'absence de
celle-ci, il n'y aurait rien à garantir. En revanche, à l'inverse
de la délégation paiement, il ne nous semble pas que la
délégation sûreté doive nécessairement
être incertaine, et, a fortiori, purement incertaine. Le
délégué pourra, le cas échéant, s'engager
à payer autre chose que la dette du délégant. De
même, il importera peu que délégué soit
préalablement débiteur du délégant. En effet, dans
toutes les garanties personnelles connues, il ne figure jamais l'exigence que
le garant soit lui-même débiteur de la personne garantie.
En premier lieu, dans la
délégation-sûreté, le délégué
peut s'engager pour ce que doit délégant, en l'occurrence, la
délégation-sûreté se rapprochera du cautionnement,
acte par lequel la caution s'engage à satisfaire à l'obligation
du débiteur en cas de défaillance de ce dernier. Le
délégué en garantie, à l'instar de la caution, n'a
pas à être débiteur du débiteur garanti. En
conséquence, l'exigence d'un double rapport préalable ne se
vérifie pas à l'égard de la délégation en
garantie. La délégation-sûreté concorde donc avec
l'acception plus large de la notion de délégation
présentée plus tôt (supra p.28 et suiv.).
Ensuite, le délégué en garantie peut
s'engager pour autre chose que l'objet de la dette du délégant.
En ce sens, la délégation-sûreté ressemble à
la garantie autonome. Il en résulte en définitive que la
délégation sûreté, qui correspond à
l'acception large de délégation, pourrait être susceptible
de sous distinctions. En revanche, celles-ci ne remettent pas en cause
l'unité et l'homogénéité de la notion. En effet,
celle-ci est marquée par l'emprunte indélébile de la
volonté des parties : Constituer une sûreté
personnelle d'imitation au profit du délégataire.
2) La fonction de la
délégation-sûreté : constitution d'une
sûreté personnelle d'imitation
Le rôle de la
délégation-sûreté est de constituer, au profit du
délégataire, l'équivalent d'une sûreté
personnelle garantissant sa créance envers le délégant.
L'équivalent seulement, raison pour laquelle nous la qualifions de
technique d'imitation. En effet, il semble impossible de qualifier la
délégation-sûreté de sûreté au sens
stricte du terme, même si elle en reproduit les fonctions175(*). Dans une première
approche, il est possible d'avoir une conception large de la notion de
sûreté, et, plus précisément, de la notion de
sûreté personnelle : « sûreté
consistant dans l'engagement envers le créancier, d'un ou plusieurs
autres débiteurs (principaux ou accessoires) »176(*). Dans cette optique, il
n'y pas de difficulté à affirmer que la
délégation-sûreté est une sûreté au
sens conceptuelle et fonctionnelle du terme.
Néanmoins, il nous semble qu'une seconde approche soit
préférable, sans pour autant être à l'abri des
critiques. C'est ainsi qu'il a été proposé de
définir la notion de sûreté personnelle comme :
« l'affectation à la satisfaction du créancier
(...) d'un patrimoine, par l'adjonction aux droits résultant normalement
du contrat de base, d'un droit d'un droit d'agir, accessoire de son droit de
créance, qui améliore sa situation juridique en remédiant
aux insuffisance de son droit de gage
général... ».177(*) Au regard de la définition
précitée, le caractère accessoire de la
sûreté personnelle serait immanent à celle-ci. Or, comme
nous l'avons souligné tantôt, l'engagement du
délégué en garantie est un engagement autonome, quand bien
même la délégation serait incertaine178(*). Il en résulte par
conséquent le principe d'inopposabilité des exceptions, principe
incompatible avec la technique de l'accessoire. C'est ainsi que dans la mesure
où la délégation-sûreté constitue une
technique autonome de l'obligation garantie, elle ne saurait constituer une
sûreté au sens conceptuelle du terme. Cependant, il est
incontestable qu'elle constitue une garantie au sens fonctionnel du terme, car
elle renforce les chances du délégataire d'être
payé. Il résulte de l'ensemble de notre démonstration que
la délégation-sûreté constitue une
sûreté personnelle d'imitation, reproduisant les effets de
garantie produits par les sûretés personnelles nommées.
En revanche, la délégation-paiement ne saurait
être qualifiée de sûreté. En effet, la
répercussion incidente de garantie engendrée par cette technique
n'en est qu'un aspect secondaire. Cet effet de garantie n'est pas
principalement recherché par les parties. L'enjeu du débat
exposé, sur les notions de sûreté et de garantie, n'est pas
que théorique. En effet, de nombreux textes, notamment prohibitifs,
visent, parfois indifféremment, les notions de sûreté ou de
garantie179(*). Il
pourrait s'avérer nécessaire d'avoir à qualifier la
délégation-sûreté, ou la délégation
imparfaite en paiement, au regard de ces textes.
Quoique majoritairement approuvée, la
définition et la présentation antérieures de la notion de
sûreté ne sont pas à l'abri de tout reproche. En effet,
affirmer que la délégation-sûreté ne serait une
sûreté qu'au sens fonctionnel (i.e. une garantie), en raison de
son caractère autonome, n'est pas tout à fait conforme à
l'esprit des textes en vigueur. Le législateur n'a-t-il pas
consacré la garantie autonome à l'article 2321 du Code Civil en
tant que sûreté personnelle nommée ? Or, il est
indiscutable que celle-ci n'a pas vocation à partager le sort de
l'obligation garantie, d'où son appellation. En réalité,
un tel argument n'est pas convaincant, car il semble que le législateur
se soit peu soucié, en visant la garantie autonome, de savoir s'il
s'agissait d'une sûreté au sens conceptuel du terme, ou au sens
fonctionnel du terme.
En définitive, l'essentiel sera de retenir qu'il est
possible, au regard de la Jurisprudence, de distinguer la
délégation-paiement de la
délégation-sûreté, en fonction de l'objectif
poursuivi par les parties. Chacune correspond à une conception plus ou
moins large (ou stricte) de la délégation. Rappelons, au
demeurant, que cette proposition de distinction n'est consacrée
explicitement, ni par la Loi, ni par la Jurisprudence. Elle n'aura que
l'intérêt que voudra bien lui conférer le lecteur. En
revanche, elle n'aurait à l'évidence aucune espèce
intérêt, si elle ne devait pas entraîner une
différence de régime.
Chapitre II : La nécessité de
modeler le régime juridique de la délégation en
considération de la finalité poursuivie par les
parties
Il est proposé de modeler, de façon
supplétive, le régime de la délégation sur sa
cause, c'est-à-dire la finalité poursuivie par les parties. Sauf
convention contraire, il nous semble préférable que le
régime juridique de chaque type de délégation suive les
règles ci-après exposées. En effet, au-delà de la
discorde jurisprudentielle et de la controverse doctrinale, il semble que la
délégation puisse obéir à une logique propre ;
une logique fonctionnelle. Cette logique imposerait que le régime de la
délégation fût déterminé conformément
à la cause de l'engagement des parties. Mais de quel type cause
s'agirait-il ?
Il est désormais acquis, d'une part, que l'une des
variétés de délégation, la délégation
paiement, a pour finalité de réaliser un double paiement
simplifié. D'autre part, nous avons démontré que la
délégation-sûreté a pour objectif de constituer
l'équivalent d'une sûreté personnelle au profit du
délégataire. À n'en pas douter, ces différentes
finalités constituent « l'intérêt de l'acte
juridique pour ses initiateurs »180(*), et, en conséquence, la cause de
celui-ci. Néanmoins, il s'avère nécessaire de classer cet
intérêt dans la dualité désormais classique de la
notion de cause. Il s'agira de savoir si l'objectif poursuivi, l'extinction
d'obligations préalables, ou la constitution d'une garantie au profit du
délégataire, participe de la notion de cause subjective, ou de
cause objective de la délégation.
Certains éléments militent en faveur de la cause
subjective. En effet, il s'agit apparemment du mobile déterminant des
parties. Selon qu'il se sera agi d'une délégation- paiement, ou
d'une délégation-sûreté, ce mobile sera l'extinction
d'obligations préalables ou l'établissement d'une garantie au
profit du délégataire. À certains égards, on
pourrait en déduire qu'il s'agit de la cause subjective de la
délégation. En revanche, il est des arguments en faveur de la
qualification de la finalité des parties en cause objective. L'objectif
consistant à payer ou à établir une sûreté au
profit du délégataire serait ainsi la cause objective du type de
délégation en question. En effet, la finalité de paiement
se retrouvera dans toutes les délégations-paiement, et,
l'objectif de garantie, dans toutes les
délégations-sûreté. Or, si le propre de la cause
subjective est de varier en fonction de chaque convention particulière,
la cause objective, elle, ne varie pas. On la retrouve en conséquence
dans tous les contrats de même nature181(*). C'est en cela que la finalité de paiement ou
de garantie constitueraient la cause objective catégorique de la
délégation.
De prime abord, nous serions enclins à nous rallier
à l'affirmation selon laquelle les finalités de garantie ou de
paiement constituent, respectivement, la cause objective de la
délégation-sureté, et la cause objective de la
délégation-paiement. Une réponse catégorique en la
matière serait toutefois aventureuse, tant la notion de cause
paraît encore mystérieuse182(*). Il semble donc préférable de laisser
la question en suspens, et au soin d'une étude moins modeste que la
nôtre. Celle-là ne saurait tarder, au regard de
l'intérêt de la question.
Pour l'instant, la seule certitude qu'il est possible de
s'autoriser, est celle relative à l'opportunité, voire, la
nécessité, de modeler le régime de la
délégation sur la fonction qu'entendent lui faire remplir les
parties. Cette exigence est valable autant pour la délégation-
paiement (I), que pour la délégation-sûreté (II).
Section I : le régime juridique
approprié à la délégation- paiement
Proposer un régime juridique consiste à
établir « les règles de droit auxquelles est soumis
un acte »183(*). Pour ce qui concerne la
délégation-paiement, il s'agira de poser les règles de
formation qui devraient lui être applicables, conformément
à la définition fonctionnelle que nous en avons donnée. Il
faudra ensuite s'attarder sur les règles les plus appropriées
à l'engagement du délégué en paiement.
§ - I : Les conditions de formation de la
délégation-paiement
À l'évidence, comme tout contrat, la
délégation-paiement est soumise aux conditions essentielles de
validité énoncées aux articles 1108 et suiv. du Code
Civil. Cette affirmation ne souffre aucune possibilité de contestation.
En tant que délégation, la délégation-paiement
devra aussi correspondre aux critères minimaux que nous avons
présentés précédemment, et qui constituent le socle
commun, et au demeurant vague, de toute délégation.
En dehors de ces considérations
générales, il faut insister sur les conditions logiques et
juridiques spécifiques à la délégation-paiement.
Comme nous avons pu le déduire de l'observation de la jurisprudence, la
délégation-paiement est toujours conclue pour éteindre la
dette du délégant envers le délégataire et,
concomitamment, la dette du délégué envers le
délégant. Rappelons de nouveau qu'elle correspond à la
conception stricte de la délégation. En conséquence le
« double rapport fondamental » préalable
à la conclusion d'une telle délégation est une condition
logique de celle-ci. En effet, en son absence, la délégation en
paiement n'aurait en pratique aucun sens, et ne correspondrait pas à la
finalité extinctive et simplificatrice du mécanisme. Il ne
serait pas cohérent de vouloir simplifier l'exécution d'un seul
rapport d'obligation préalable, et, a fortiori, d'aucun rapport
préexistant. Si tout paiement suppose une dette, toute simplification du
paiement suppose deux dettes.
Par conséquent, il semble qu'il serait
nécessaire de faire de ce double rapport préalable, une condition
juridique spécifique de la délégation-paiement. Le
délégué, en tant que débiteur du
délégant, s'engagera rigoureusement pour ce que doit celui-ci au
délégataire. C'est en cela que la
délégation-paiement est, inévitablement, purement
incertaine, le délégué s'engageant pour ce que doit le
délégant. Elle ne saurait être simplement incertaine, le
délégué s'engageant, en l'occurrence, pour ce qu'il doit
lui même au délégant. Dans de telles conditions, il n'est
pas certain que la fonction simplificatrice, cause de l'opération en
question, puisse être pleinement satisfaite.
En effet, si le délégué s'engage pour ce
qu'il doit au délégant, il n'est pas assuré que la mesure
de son engagement envers celui-ci puisse recouvrir celle de l'obligation du
délégant envers le délégataire. Or, c'est cette
obligation qui, au premier chef, doit être éteinte par la
délégation paiement. Il est en conséquence
nécessaire que, dans la délégation-paiment, le
délégué s'engage pour ce que doit le
délégant. Il en résulte une conséquence pratique
non négligeable. La dette du délégué envers le
délégant devra, en général, au moins être
égale à celle du délégant envers le
délégataire. Dans le cas contraire, cela reviendrait à
vouloir imposer au délégataire un paiement partiel, ce qui est
juridiquement impossible sans son consentement184(*). C'est la raison pour
laquelle nous insistons sur le fait que le régime proposé n'est
que supplétif. En effet, si le délégataire accepte un
paiement partiel, et que la dette du délégué envers le
délégant, est inférieure à celle du
délégant envers le délégataire, il sera alors
possible que le délégué s'engage envers le
délégataire, pour ce qu'il devait lui même au
délégant.
Dans la mesure où le délégué en
paiement s'engage à payer, de façon supplétive, ce que
doit le délégant ; le régime des exceptions qu'il
serait en mesure de soulever devrait être calqué sur cette
finalité.
B - Les règles juridiques appropriées
à l'engagement du délégué en paiement
La jurisprudence actuelle ne distingue pas explicitement la
délégation-paiement de la délégation
sûreté, nonobstant l'autonomie déjà
démontrée de ces deux notions. Elle se contente d'appliquer
à toute forme de délégation les règles classiques
qu'elle a élaborées au fil des années, en se fondant sur
le fait de savoir si la délégation en question est parfaite ou
imparfaite, certaine ou incertaine.
C'est ainsi que la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation
estime que le « délégué ne peut opposer au
délégataire, des exceptions dont le délégant
pouvait se prévaloir à l'égard de
celui-ci »185(*), non plus que « les exceptions nés
de ses (propres) rapports avec le
délégant »186(*). Il ressort de la jurisprudence de la Chambre
commerciale, une sorte d'inopposabilité absolue des exceptions. En
revanche, la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation
accepte de tempérer ce principe, en fonction de la typologie de
délégation, sans pour autant consacrer expressément la
distinction proposée entre délégation-paiement et
délégation-sûreté. C'est ainsi qu'elle estime qu'en
cas de délégation incertaine, le délégué,
seulement obligé au paiement de la dette du délégant, se
trouve déchargé envers le délégataire lorsque la
créance de ce dernier envers le délégant est
prescrite187(*). Cette
opposition jurisprudentielle, sans fondement, confine à l'anarchie.
Il serait préférable de distinguer selon la
finalité voulue par les parties, en somme, selon la distinction
proposée entre délégation-paiement et
délégation-sûreté. Ainsi, si ces dernières
ont conclu une délégation-paiement, par laquelle le
délégué s'engage, sauf convention contraire, pour ce que
doit le délégant, la solution de la première Chambre
Civile trouverait un fondement théorique. En effet, dans la mesure
où le délégué s'engage pour ce que doit le
délégant, dans le but d'éteindre concomitamment sa propre
dette envers celui-ci, il serait logique qu'il ne soit plus tenu, dès
lors que le débiteur dont il paie la dette ne l'est plus. Il n'est donc
pas nécessaire d'abolir la solution adoptée par la
1ère Chambre Civile ; il suffirait simplement de
l'appliquer exclusivement à la délégation-paiement.
Pareillement, la solution dégagée par la Chambre commerciale
trouverait un fondement, s'il était admis qu'elle ne s'appliquait
qu'à la délégation-sûreté, technique
juridique de nature et de régime distincts188(*).
Section II : le régime juridique
appropriée à la
délégation-sûreté.
Ainsi qu'il a été procédé pour la
délégation-paiement, il faudra envisager les conditions de
formation de la délégation sûreté, avant d'envisager
les règles que nous estimons appropriées à l'engagement du
délégué en garantie.
§ I : Les conditions de formation de la
délégation-sûreté
Il est inutile de rappeler que, comme tout contrat, la
délégation-sureté est soumise aux conditions essentielles
de validité des conventions. De même, elle devra correspondre,
à l'instar de délégation-paiement, à ce qu'il est
possible d'appeler le plus petit dénominateur commun de la notion de
délégation.
Par delà ces exigences générales, la
délégation-sureté répond à une
finalité qui lui est propre et caractéristique : La garantie
de ce que doit le délégant au délégataire. En
conséquence, pour que la délégation-sûreté
puisse avoir un quelconque effet de garantie, la préexistence de
l'obligation à garantir est, comme nous l'avons souligné plus
tôt, indispensable.
En dehors de cette obligation à garantir, il
n'existerait, à notre sens, aucune autre condition de formation de la
délégation-sûreté. Aussi est-il indifférent
qu'elle soit certaine ou incertaine. Cette distinction n'aurait de
conséquence que sur son régime juridique189(*).
§ II : Les règles juridiques
appropriées à l'engagement du délégué en
garantie
Ainsi que nous l'avons souligné
précédemment, la délégation-sûreté
nous paraît susceptible d'être l'objet de sous distinctions. Ces
sous distinctions devraient en conséquence déterminer l'autonomie
de l'engagement du délégué en garantie.
Ainsi, selon que la
délégation-sûreté serait conclue certaine ou
incertaine, elle n'aurait pas exactement la même rigueur à
l'égard du délégué. Certes, il s'agira toujours
d'une délégation conclue aux fins de garantir la créance
du délégataire envers le délégant, toutefois, la
sévérité de cette garantie personnelle ne sera pas
toujours identique. En effet, il nous semble que l'autonomie de l'obligation du
délégué en garantie, dépendra largement de l'objet
de son obligation. De cette affirmation, il faut tirer deux
conséquences.
D'une part, si la délégation-sûreté
est conclue incertaine, au sens où le délégué
s'engage pour ce que doit le délégant, elle se rapproche, comme
nous l'avons déjà relevé, de la technique du
cautionnement. Dans cette hypothèse, la jurisprudence de la
1ère Chambre Civile permettant au
délégué d'invoquer l'exception de prescription trouve un
fondement théorique. Il paraît prudent de limiter
légèrement l'autonomie de l'engagement du
délégué en garantie, dès lors qu'il s'engage pour
ce que doit le délégant. Il ne serait ni logique, ni
équitable, qu'il fût tenu plus rigoureusement que le
délégant, sur lequel il a calqué son engagement. Aussi, il
est possible de s'interroger sur l'autonomie de la
délégation-sûreté incertaine par rapport au
cautionnement. En effet, à partir du moment où l'on permet
à l'obligation du délégué en garantie, de subir les
contrecoups de l'obligation garantie, celle-là se rapproche
inéluctablement de l'engagement d'une caution. Toutefois, il semble que
la délégation-sûreté, quand bien même elle
serait convenue incertaine, ne saurait être confondue avec la technique
du cautionnement. En effet, à la différence de cette
dernière, elle possède un caractère accessoire
extrêmement relatif. C'est ainsi qu'il a pu être écrit
que : « la délégation sûreté
(incertaine) ne présente pas un caractère accessoire aussi
accusé (que le cautionnement) »190(*). La justification de
cette affirmation est parfaitement logique : « le
délégué ne s'engage pas à exécuter la dette
du délégant (débiteur). Il s'engage à
exécuter une dette nouvelle mais identique à celle du
délégant »191(*). Bien que cela puisse paraître quelque
peu byzantin, il semble y avoir une différence entre, s'engager
à titre personnelle pour ce que doit le débiteur
(délégation sûreté incertaine), et, s'engager
à payer la dette même du débiteur (cautionnement).
D'autre part, si la délégation
sûreté est conclue certaine, c'est-à-dire dans
l'hypothèse où le délégué ne calque son
obligation sur aucune obligation préexistante, elle se rapproche de la
garantie autonome, par laquelle le garant s'engage à
« verser » une certaine somme à la demande du
créancier. Dans une telle hypothèse, la jurisprudence de la
Chambre Commerciale, consacrant une sorte d'inopposabilité absolue des
exceptions en matière de délégation, trouverait un
fondement théorique. Toutefois, il faut avouer qu'il est difficile de
trouver un critère distinctif pertinent entre, la
délégation sûreté certaine, et, la garantie
autonome. En effet, dans les deux cas, l'engagement du garant est absolument
autonome, sauf en cas de fraude192(*). En conséquence, il semble difficile de
trouver une utilité propre à la
délégation-sûreté certaine
CONCLUSION
Au sortir de notre étude, il nous est possible
d'affirmer qu'il résulte assurément de la Jurisprudence
contemporaine, que la délégation est une technique juridique qui
a deux finalités distinctes : L'extinction simplifiée d'un
double rapport d'obligation, d'une part, la garantie de ce que doit le
délégant au délégataire, d'autre part. L'analyse
scientifique de la pratique contentieuse a donc des vertus heuristiques, au
moins autant qu'une étude purement théorique. C'est ainsi qu'elle
nous a permis de saisir à quoi servait réellement la
délégation, ce qui nous a simultanément permis
d'identifier les différents types de délégations.
Toutefois, l'inventaire des fonctions de la
délégation, uniquement au regard de la pratique contentieuse, ne
saurait être exhaustif. En effet, il est possible que la pratique
contractuelle recoure à la délégation dans des objectifs
inédits, non encore explorés par la Doctrine juridique. Tant que
de telles hypothèses ne seront pas l'objet d'un contentieux devant les
juridictions étatiques, il sera difficile de les étudier, et de
se prononcer sur leur validité. Il en ressort qu'il ne faudrait pas
avoir une vision sclérosée des fonctions de la
délégation, car, toute entreprise de recensement de celles-ci ne
reflète qu'une réalité à un moment donné, et
dans un environnement précis, en l'occurrence, le cadre contentieux.
Notre inventaire n'est donc pas une oeuvre achevée, mais
abandonnée. Il nous semble, en conséquence, possible d'admettre
que la délégation puisse, à l'avenir, avoir un rôle
autre que ceux étudiés. En revanche, sauf intervention
législative, hypothèse au demeurant peu probable, les futures
vocations de la délégation n'auront de crédit
qu'après avoir été confrontées à la
Jurisprudence. En conséquence, il faut en déduire que même
si l'observation de la Jurisprudence ne permet pas de dévoiler
l'intégralité des fonctions effectives de la
délégation, elle permet de dresser une liste des fonctions
éprouvées de celle-ci. Il en découle une certaine
prévisibilité, et une relative sécurité juridique,
qui n'existent pas à propos des utilités que les juridictions
n'auraient pas eu à connaître.
Au demeurant, dans la mesure où il a été
démontré que la délégation est une notion
fonctionnelle, ne pouvant être définie qu'en considération
de la diversité de ses fonctions, il est fort probable qu'une
éventuelle évolution de celles-ci, nécessite une nouvelle
interrogation sur la nature juridique de la notion. Dans cette perspective, il
semble qu'il faudra de nouveau tenir compte de la finalité poursuivie
par les parties. Une étude approfondie de la cause de la
délégation serait en conséquence bienvenue
BIBLIOGRAPHIE
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Régime général, t.4, 1ère
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d'obligation 4ième éd. Dalloz, 2006
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4ème éd. LITEC, 2006
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sûretés, 7ème éd., LITEC, 2005
- C. Gavalda, J. Stoufflet, instruments de paiement et de
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- D. Legeais, sûretés et garanties du
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Étude du régime juridique de la
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contrat », JCP ed. G 1994 n° 3758, p199
- M. Billiau, La délégation de
créance, Essai d'une théorie juridique de la
délégation en Droit français, Thèse Paris
1989, LGDJ Tome 207
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Civ. Dalloz
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diversité à l'unité. Mélanges C. Mouly, L. II, p.
317
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thèse, LGDJ, tome 248
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compte courant, RTD com. 1997. p.383
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système juridique s'organise : la constitution d'une fondation pour
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à titre de garantie et reprise de dettes, LPA, 30 nov. 2006 n°
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sûretés, un livre IV nouveau du Code Civil, JCP ed.
G, N°13, 29 mars 2006
Décisions et commentaires de
jurisprudence : (les numéros affectés aux
décisions inédites renvoient au numéro du pourvoi)
- Com. 4 oct. 2005 Bull. IV N° 198 p.214.
- Civ. 1re 17 mars 1992, D. 1992 481, note L.
Aynes
- Com. 7 dec. 2004, Rep. Defrenois, 15 av. 2005, N° 7,
article 38142, jurisprudence, p. 628, note E. Savaux
- Com. 21 Juin 1994, Bull. civ. IV N° 225.
- Com. 13 décembre 1994, Bull. civ. IV, N° 375
- Montpellier, 23 Juin 1927 : DH 1927. 472
- Com. 30 Janvier 2001 Bull. civ. IV N° 25
- Com. 18 mai 1999, Bull. civ. IV n°102
- Com. 08 octobre 2003 JCP 2004, I, 141, N° 8, obs. PH.
Simler
- Civ 3ème 28 janv. 2003, N° 01-16053,
inédit
- Civ. 3ème 12 dec. 2001, Bull. 2001, III,
N° 153 p. 120, D. 2002, N ° 12, J, p. 984, note M. Billiau et C.
Jamin
- Com. 22 fev. 2005 N° 03- 13661, inédit.
- Civ. 1ère, 7 nov. 1995, Bull. civ. I, N° 387.
- Civ. 1ère 18 mars 2003, N° 01-16120,
inédit.
- Com. 17 juill. 2001, N ° 98-18219, inédit.
- Com. 3 av. 2001 N° 97-19971, inédit.
- Com. 23 janv. 2001, bull. 2001 VI, N° 22, p.20
- Cass. req. 19 dec. 1923, D.P. 1925, I, 9, note H.Capitant
- Com. 3 dec. 2002, N° 99-20015, inédit
- Civ. 1ère, 2 av. 1968, Bull. civ. I, N° 114
- Civ. 17 mars 1992. D. 1992, p. 481, note L. Aynes, JCP 1992 II
21922, note M. Billiau.
- Com. 22 av. 1997, Bull. civ. IV, N° 98
- Com. 25 Fev. 1992, JCP 1992, II, 21922, note M. Billiau.
- Com. 4 oct. 2005 bull. 2005 IV 198, P. 214
- Com. 26 nov. 2002, N° 99-12426, inédit.
- Com 14 fev. 2006 Bull. 2006 IV n° 37 P. 38.
- Com. 13 juin 2006 N° 05-17006, inédit.
- Civ. 2ème 21 oct. 2004, Bull. 2004, II, N° 471, P.
400.
- Com. 22 mai 2002 N° 99-11052, inédit.
- Com. 19 dec. 2006, D 2007 p. 961, note L. Aynes
- Com. 30 nov. 1993, Bull. civ. IV, N° 439
- Com. 23 janv. 2001: Bull. civ. IV, N° 22
Sites Web :
www.henricapitant.org :
rapport «doing business » de la Banque Mondiale et
réponse apportée par l'association Henri CAPITANT des amis de la
culture juridique française.
www.univ-st-etienne.fr/cercrid
: « Cautionnement et autres garanties personnelles. État
du droit français », Pascal Ancel, Etude pour le
Ministère de la Justice, juin 1996, inédit.
www.legifrance.gouv.fr :
ensemble des arrêts inédits à propos de la
délégation.
www.ladocumentationfrançaise.fr/rapportspublics:
rapport de la commission dirigée par le Professeur
P. Catala sur l'avant projet de réforme du droit des
obligations et de la prescription.
INDEX ALPHABETIQUE
A)
-Adpromissio, p. 76
-Ancel (rapport), p.41
-Anticipation, p.24
C)
-Cause, p.7, 12, 81,87, 88
-Cautionnement, p.30
-Carte bancaire, p.37
-« Catala » (avant projet), p.72
-Cession (définition), p.60
-Cession de contrat, p.39
-Cession de créance, p.52
-Cession de dette, p.60
-Contrat d'entreprise, p.52
-Contrat nommé, p.71
-Compensation, p.36, 83
- compte courant, p.36
-Confusion, p.36
D)
- Dation en paiement, p.45
-Définition, (notion) p.6
-Délégation (définition), p.5, 7, 8
-Délégation de créance, V.
délégation, p.8
-Délégation de pouvoir, p.5
-Délégation (fonctions) p.41
-Délégation-paiement,(fonction), p.44
-Délégation-sûreté, (fonction),
p.49
-Délégation-paiement (notion), p.81
-Délégation-sûreté (notion), p.84
-Délégation de locataire, p.50
-Délégation d'acquéreur, p. 50
-Délégation (procédures collectives),
p.63
-Délégation (cession de dette), p. 61
-Délégation (pure et simple), p. 75
-Délégation (éléments constants),
p.78
-Délégation (définition fonctionnelle)
p.81
-Délégation (régime adéquat), p.87
-Délégué, V. délégation
-Délégant, V. délégation
-Délégataire, V. délégation
-Délégation certaine, p.10
-Délégation incertaine, p.10
-Donation, p.17, 18
-« Doing business », p.19
E)
Erreur, p.6
Entrepreneur principal, p.31
Extensive (conception), p.28
F)
Financement de projet, p.29
Financement immobilier, p.51
Fraude, p.32
Fonds de commerce, p.68
G)
Garantie, V. délégation-sûreté
Garantie autonome, p.33, 86
Gage espèces, p. 35
Grimaldi (commission), p.28
I)
Indication de paiement, p.75
Inopposabilité des exceptions, p.52
Invitation (délégant), p. 76
Instrument de crédit et de paiement, p.24
L)
Lettre de change, p.38
Lettre d'intention, p.29
M)
Marché du droit, p.28
Maître de l'ouvrage, p.30
Moniste (théorie), p.24
N)
Nantissement p.59
Novation, p.26
O)
-Opération juridique à trois personnes
(définition), p. 80
-Obligation préalable (délégué)
p.17
-Obligation préalable (double), p.21
P)
Paiement, p.10,
Période suspecte, p.52, 64
Prêt, p.17, 18
Procédures collectives, p.64
R)
Requalification, p.33
Rapport fondamental, p. 21
Restrictive (théorie), p.16
S)
-Simplification (paiement) V.
délégation-paiement
-Sous-traitance, p. 31
-Sûreté personnelle (définition), p.85
T)
Transport de dette, V. Cession de dette
Tireur, V. lettre de change
Tiré, V. lettre de change
V)
Vente, p.74
Table des matières
p. 5
p.15
p.15
p.16
p.17
p.17
p.19
p.21
p.22
p.24
p.28
p.29
p.30
p.33
INTRODUCTION..........................................................................................
PARTIE I : Mise à jour des fonctions de la
délégation ......
Chapitre I : La controverse doctrinale sur les
fonctions de la
délégation.......................................................................
Section I : La conception restrictive des
fonctions de la délégation................
§ I : L'existence de l'obligation du
délégué comme condition de la
délégation......
A - Exposé des arguments la thèse
proposée .............................................
B - Réfutation de la thèse
proposée
..........................................................
§ II : L'existence d'un double
« rapport fondamental » comme condition de la
délégation..........................................................................................
A - Les arguments de la thèse moniste des
fonctions de la délégation...............
B - La thèse moniste, résultat d'une
confusion sur le rôle et la qualité du
délégué..
Section II : La conception extensive des fonctions
de la délégation.............
§ I L'opposition doctrinale sur l'aptitude de la
délégation à constituer une sûreté
personnelle de
substitution......................................................................
A - La délégation-sûreté:
solution de substitution au cautionnement ?.....................
B - La délégation en garantie: solution de
substitution à la garantie autonome ?....
p.36
p.36
p.37
p.38
p.39
p.41
p.43
p.44
p.45
p.48
p.49
p.50
p.50
§ II : L'absence d'unanimité sur les
fonctions explicatives de la délégation.........
A - L'utilisation doctrinale de la
délégation comme technique explicative de certains moyens de
payement ou de
crédit...................................................
1) L'explication du paiement par carte via la
théorie de la délégation ............
2) La tentative d'explication de la lettre de change par le
recours à la
délégation...................................................................................
B - Le transfert conventionnel du contrat expliqué
par la délégation.................
Chapitre II : Inventaire des fonctions de la
délégation à la lumière de la pratique
contractuelle contentieuse.................................
Section I : Les fonctions de la
délégation consacrées par la jurisprudence....
§ I : La simplification du paiement, fonction
naturelle et originelle de la
délégation...........................................................................................
A - L'utilisation pratique de la délégation
aux fins de simplification du paiement..
B - L'effet supplétif et accessoire de garantie
engendré par le recours à la
délégation-paiement..............................................................................
§ II : L'utilisation récurrente et
valable de la délégation comme technique de garantie du
crédit.................................................................................
A - La délégation de locataire à
titre de garantie : archétype de la
délégation-sureté................................................................................................
1) L'utilisation de la délégation de locataire
par la pratique
contractuelle .......................................................................
p.54
p.56
p.56
p.59
p.61
p.61
p.64
p.65
p.65
2) Appui de la jurisprudence à la
délégation de locataire en garantie....
B - Les hypothèses pratiques
dérivées de recours à la délégation à
titre de
garantie..............................................................................................
1) La diversité des recours à la
délégation en garantie ......................
2) L'exigence jurisprudentielle d'une certaine
intelligibilité de la
délégation-sûreté..................................................................
Section II : Les fonctions rejetées ou
limitées par la jurisprudence.............
§ I : L'impossibilité de réaliser
une cession de dette par voie de délégation..........
§ II : L'appréhension restrictive de
la fonction extinctive de la délégation par le droit des
procédures
collectives................................................................
A - L'interdiction de la
délégation-paiement dans un souci d'égalité des
créanciers
..........................................................................................
B - La possible remise en cause, par la jurisprudence,
de la vulgarisation du recours à délégation-paiement
.................................................................
p.68
p.70
p.70
p.71
p.71
p.73
p.75
p.78
p.79
p.81
p.81
p.81
PARTIE II : Mise au jour de la notion de
délégation.......
Chapitre I : L'impossibilité de
réduire la notion de délégation à l'unité,
et le pluralisme
consécutif..........................................
Section I : L'insuffisance des définitions
et catégories classiques pour rendre compte de la nature juridique de la
délégation.............................
§ I : L'impossibilité de rendre
compte de la nature juridique de la délégation au travers de la
distinction entre contrats nommés et
innommés...........................
A - Délégation et contrats
nommés............................................................
B - L'inutilité pratique du classement de la
délégation dans la catégorie des contrats nommés
..................................................................................
§ II : L'absence d'élément
caractéristique propre à la délégation pure et
simple ...
Section II : Définition plurale de la
délégation à partir de ses éléments
constants.................................................................................................................
§ I : Les éléments constants
et nécessaires de la notion de
délégation..................
§ II : Définition plurale et
fonctionnelle de la notion de
délégation.....................
A - Autonomie notionnelle et fonctionnelle de
délégation paiement....................
1) Définition fonctionnelle de la délégation
paiement.......................
p.83
p.84
p.84
p.85
p.87
p.89
p.89
p.91
p.92
p.92
p.93
p.95
p.97
p.102
2) La fonction de la délégation paiement : une
compensation au sens
économique........................................................................
B Autonomie notionnelle et fonctionnelle de la
délégation sûreté.......................
1) Définition fonctionnelle de la
délégation-sûreté...........................
2) La fonction de la
délégation-sûreté : constitution d'une
sûreté personnelle
d'imitation...........................................................
Chapitre II : La nécessité de
modeler le régime juridique de la délégation en
considération de la finalité poursuivie par les
parties............................................................................
Section I : le régime juridique
approprié à la
délégation-paiement............
§ - I : Les conditions de formation de la
délégation-paiement...........................
§ - II : Les règles juridiques
appropriées à l'engagement du délégué en
paiement .
Section II : le régime juridique
approprié à la
délégation-sûreté................
§ I : Les conditions de formation de la
délégation-sûreté.................................
§ II : Les règles juridiques
appropriées à l'engagement du délégué en
garantie.....
CONCLUSION...........................................................................................
Bibliographie..................................................................................................
Index
alphabétique..........................................................................................
* 1 À l'instar du Code
Civil, nous emploierons le simple vocable délégation
pour désigner la délégation telle que décrite par
l'article 1275 du dudit code : « la délégation par
laquelle un débiteur (délégant) donne au
créancier (délégataire) un autre débiteur
(délégué) qui s'oblige envers le
créancier », elle « n'opère point de
novation, si le créancier n'a expressément déclaré
qu'il entendait décharger son débiteur qui a fait la
délégation ». Nous écarterons donc l'expression
délégation de créance (V. infra note
12)
* 2 Sur le site
www.legifrance.gouv.fr le
mot clef « délégation » donne pour
l'année 2005, 192 résultats, dont une quinzaine est relative
à la délégation dont nous traiterons. Ce rapport est de 6
pour 162 en 1990.
* 3 D. Legeais,
sûretés et garanties du crédit,
2ème éd. L.G.D.J, N° 290, p. 201 affirme
que: « le renouveau de l'institution
(délégation) est manifeste »
* 4 JOUBERT,
Pensées, t. 1, 1824, p. 324
* 5 Gérard Cornu,
Vocabulaire juridique H. Capitant, 7ème ed. P.U.F.
préface, p. 11
* 6 Gérard Cornu,
Vocabulaire juridique H. Capitant, 7ème ed. P.U.F.
préface, p. 11.
* 7 Gérard Cornu,
op. Cit. p.11
* 8 Pour une
présentation extrêmement claire de cette dualité
fonctionnelle de la notion de cause V. J. Flour, J.-L Aubert, E. Savaux,
Droit civil, les obligations, T. 1, l'acte juridique,
12ème éd. Dalloz, 2006, N° 270, p. 213.
* 9 V. par ex. Ph. Dupichot,
Le pouvoir des volontés individuelles en droit des
sûretés, Thèse, Ed.Panthéon-Assas,
2005, N° 360, p.299, qui admet « que la
délégation est définie de manière pour le moins
souple à l'article 1275 du Code Civil ».
* 10 Cette définition
traditionnelle est issue d'un grand classique du droit des obligations :
Starck, Laurent, Boyer : les obligations. Tome III
régime général, 6° ed, LITEC n° 92 p.
47
* 11 Il a ainsi
été souligné que : « La
délégation apparaît comme une opération quelque peu
irréelle : comment une personne peut-elle accepter de payer une
dette à la place d'une autre ? Voilà qui paraît
singulier ». PH. Malinvaud, droit des obligations,
9ème éd. LITEC 2005, N° 788, p. 490.
* 12 V. sur la confusion
terminologique relevée, qui n'a cependant pas beaucoup d'incidence, tant
il est d'usage de parler de délégation de créance
à propos de la délégation, M. Billiau,
délégation, rép. Civ. Dalloz, n°1 et suiv.
L'auteur relève que même si l'expression
délégation de créance suggère un effet
translatif, et est en conséquence impropre, il est admis que la
délégation ne réalise pas un transfert de créance,
si bien que l'appellation délégation de créance
ne suscite pas de difficulté. Cependant, nous estimons qu'il est
affligeant de lire dans certains contrats, notamment notariés, que le
contractant : « cède, transporte et
délègue » un droit, ce qui est parfaitement
erroné.
* 13 V. sur cette
évolution et ses effets, P. Crocq, L'évolution des garanties
du paiement, de la diversité à
l'unité. Mélanges C. Mouly, L. II, p. 317
et suiv. L'auteur relève que « la pratique a réagi et
les créanciers ont alors cherché à utiliser toutes les
ressources de la liberté contractuelle pour créer de nouvelles
sûretés échappant peu ou proue à une
législation jugée par trop contraire à la
sécurité des transactions ». P. Crocq,
op.cit.p.318
* 14 V. Art 1275 du Code
Civil : il en résulte que la délégation est conclue
imparfaite (ou non novatoire) si le délégataire ne libère
pas expressément le délégant à l'occasion de
l'engagement du délégué. En outre, la
délégation sera dite certaine, si le délégué
ne calque son engagement sur aucune obligation préexistante. En
revanche, elle sera dite incertaine si le délégué s'engage
pour ce que doit le délégant ou, pour ce que lui-même
devait à ce dernier. Il nous semble qu'il est aussi possible de
distinguer la délégation purement incertaine, par laquelle le
délégué s'engage rigoureusement pour ce que doit le
délégant, de la délégation simplement incertaine,
par laquelle il s'engage pour ce qu'il doit au délégant.
* 15 V. G. Cornu, Droit
Civil, Introduction, Les personnes, Les
biens, 12ème ed. Montchrestien, n° 187, p. 84.
Le doyen Cornu écrit par ailleurs que « le juriste est
voué à la recherche des éléments constitutifs de la
notion, éléments caractéristiques qui forment, par leur
association, le critère de la catégorie juridique ».
Trouver cet élément caractéristique n'est pas
commode, surtout quand il s'agit d'une notion insuffisamment définie
comme la délégation.
* 16 V. déf. de
« cause », G. Cornu, Vocabulaire juridique H.
Capitant, P.U.F, 7ème éd, 2006 p. 135.
* 17 V. au sujet de ce
concept, M. L. Niboyet, Mélanges Jeantin, prospectives de
droit économique, une illustration du concept de droit civil des
affaires, la délégation de locataire à titre de
garantie. éd. Dalloz, 1999 p.71, cet auteur fait de la
délégation de loyers à titre de garantie au profit du
prêteur de deniers, une illustration du concept de Droit civil des
affaires. Cette présentation se situe dans le sillage de la
pensée du professeur Michel Jeantin, qui a maintes fois expliqué
et étayé les techniques sociétaires et commerciales par le
droit commun des obligations.
* 18
« La délégation apparaît comme une illustration
de l'utilisation grandissante des institutions du droit des obligations en
droit des affaires », R. Marty, délégation de
débiteur à titre de garantie et reprise de dettes, LPA, 30
nov. 2006, N° 239, N° 2, p.6.
* 19 V. sur la cette question
de l'imbrication du sens et de la fonction, l'opinion du doyen
Cornu exposée supra, p.6
* 20 Temps de la
subjectivité et du doute.
* 21 J. Flour, J.-L. Aubert, Y.
Flour et E. Savaux, Droit civil, Les obligations, t.3, Le
rapport d'obligation 4ième éd. Dalloz, 2006,
n° 431, p.265.
* 22 M. Billiau,
in : M. Billiau, La délégation de
créance, Essai d'une théorie juridique de la
délégation en Droit français, préface de J.
Ghestion, Thèse, 1989, LGDJ Tome 207, et J. François,
in : J. François, Droit civil, Les obligations,
Régime général, t.4, 1ère ed.,
Economica, 2000, notamment.
* 23 E. Savaux voit en la
délégation une « technique très
plastique », V. E. Savaux Rep. Defrenois, note sous Com. 7 dec.
2004, 15 av. 2005, N° 7, article 38142, jurisprudence, p. 628. Dans le
même sens, PH. Malaurie, L.Aynes, PH. Stoffel-Munck, Droit
civil, les obligations, Defrénois, 2ème
éd. 2005, N° 1365, p.700.
* 24 V. J. François,
Droit civil, Les obligations, Régime général,
t.4, 1ère ed. Economica, 2000, N° 510,
p.381.
* 25 Sont essentiellement
visés les opérations juridiques ayant trois acteurs, telles que
le contrat de libération et les sûretés personnelles.
* 26 J. François op.
cit. N° 510, p 380.
* 27 On peut
réellement parler de schéma, voire de géométrie en
matière de délégation. Comme l'a si bien souligné,
par une image assez illustrative, le juriste Thaller (cité par M.
Billiau in M. Billiau, La délégation de
créance, Essai d'une théorie juridique de la
délégation en Droit français, Thèse Paris
1989, LGDJ Tome 207 N°1,
p.3.) : « La délégation
tend à remplacer une ligne brisée par une ligne
droite ».
* 28 Par exemple, la cession
dite « Dailly », par rapport à la cession civile de
créance. La cession « Dailly » ne
nécessite pas la réalisation des formalités
d'opposabilité prévues à l'article 1690 du Code Civil.
Toutefois, elle est moins avantageuse quant à ses conditions, le
cessionnaire de la créance ne pouvant être qu'un
établissement de crédit. V. sur cette question l'art. L.313-27 du
CMF.
* 29 Sur cette critique v.
le rapport « doing business » de la banque
mondiale et la réponse apportée par l'association Henri CAPITANT
des amis de la culture juridique française (www.henricapitant.org).
* 30 V. supra
déf. de J. François, Droit civil, Les obligations,
Régime général, t.4, 1ère ed., Ed.
Economica, 2000, N°510, P. 381.
* 31 Par ex. Starck,
Laurent, Boyer, les obligations, Tome III régime
général, 6° ed, LITEC n° 92 p. 47.
* 32 Un auteur a ainsi pu
souligné le « vide juridique » en
matière de délégation (V. R. Marty,
Délégation de débiteur à titre de garantie et
reprise de dette, LPA, 30 nov.2006 n°259, p.5) Si le constat est
globalement exact il, faut tout de même rappeler que la notion de vide
juridique n'existe pas en droit Français ; tout au plus pourrait-on
parler de vide législatif. En effet, l'article 5 du code civil oblige le
juge à dire le Droit nonobstant le silence de la Loi. L'imagination des
parties en matière de délégation trouvera en
conséquence systématiquement une réponse
jurisprudentielle, donc juridique.
* 33 Le Code civil contenait
naguère des dispositions faisant référence à la
délégation. Toutefois, ces dispositions ne traitaient ni de la
nature ni du régime de celle-ci. Elles illustrent quand même une
des fonctions de la délégation que nous étudierons plus
loin. C'est ainsi qu'il y a peu, l'ancien article 806 du Code civil- avant sa
modification issue de la loi n°2006-728 du 23 Juin 2006- disposait :
« Il (l'héritier acceptant sous
bénéfice d'inventaire) ne peut vendre les immeubles que dans
les formes prescrites par les lois sur la procédure ; il
est tenu d'en déléguer le prix aux
créanciers hypothécaires qui se sont faits
connaître ». L'ancien article 2212 du code civil - avant
sa modification issue de l'ordonnance n° 2006-461 du 23 Mars 2006-
prévoyait que : « Si le débiteur
justifie, par baux authentiques, que le revenu net et libre de ses
immeubles pendant une année suffit pour le payement de la dette en
capital, intérêts et frais, et qu'il en
offre la délégation au créancier, la
poursuite peut être suspendue par les juges (...) » Ces
exemples ont tous deux trait aux procédures civiles d'exécution,
et il est curieux d'observer comment cette matière de
« droit sanctionateur » peut conduire à
s'interroger sur des questions de droit substantiel, en
l'occurrence, l'office de la délégation en droit privé. En
l'espèce, elle met indubitablement en relief la fonction de garantie de
la délégation qui sera envisagée plus loin. Ces deux
textes ne sont toutefois fois plus de Droit positif, ce qui justifie leur
assez brève évocation.
* 34 Com. 21 Juin 1994, Bull.
civ. IV n° 225.
* 35 M. Billiau, La
délégation de créance, Essai d'une théorie
juridique de la délégation en Droit français,
Thèse Paris 1989, LGDJ Tome 207.
* 36 M. Billiau op. cit.
n°3.p.7.
* 37 M. Billiau op. Cit.
N° 477 p.426.
* 38 L'expression
« rapport fondamental » est issue de la plume de
M. Billiau (V. M. Billiau, La délégation de
créance, Essai d'une théorie juridique de la
délégation en Droit français, Thèse Paris
1989, LGDJ Tome 207 N° 7 et suiv, p.15 et suiv.), elle fait allusion au
Droit cambiaire, et à l'opposition entre rapport fondamental et rapport
cambiaire. Cette allusion trahit du reste l'auteur, dans la mesure où le
Droit cambiaire ne se limite pas à une fonction de paiement, et peut
avoir comme objet le crédit ou sa garantie. Ce qui justifie
l'appellation générique instrument de
crédit et de paiement.
* 39 Le Droit
français n'est pas étranger à la technique consistant
à anticiper la qualité et le régime juridique d'une chose
ou d'une personne. Ex. Montpellier, 23 Juin 1927 : DH 1927. 472 :
La vente de récoltes sur pied a pour objet les récoltes
détachées du sol et constitue ainsi une vente de meubles
par anticipation.
* 40 Com. 21 Juin 1994,
précité.
* 41 J. Flour, J.-L. Aubert,
Y. Flour et E. Savaux, Droit civil, Les obligations, t.3,
Le rapport d'obligation 4ième éd. 2006, Dalloz
N° 431, p.308.
* 42 PH. Malaurie, L. Aynes,
PH. Stoffel-Munck, Droit civil, les obligations,
Defrénois, 2ème éd. 2005, N° 1365,
p.799.
* 43 Civ.
1ère, 7 nov. 1995, Bull. civ. I, N° 387.
* 44 Pothier,
obligations, éd 1805 tome II n ° 564
* 45 Nous estimons avec C.
Larroumet que : « la délégation parfaite n'est
pas une novation mais elle produit un effet novatoire ». Les
opérations juridiques à trois personnes en droit
privé, thèse Bordeaux, 1968, N°228.
* 46 M. Billiau, La
délégation de créance, Essai d'une théorie
juridique de la délégation en Droit français,
Thèse 1989, LGDJ Tome 207.
* 47 Ph. Dupichot, Le
pouvoir des volontés individuelles en droit des
sûretés, éd. Panthéon-Assas, Thèse,
2005, n°360, p.300.
* 48
« À l'heure de la mondialisation, un
"marché du droit" s'ouvre sur lequel les systèmes juridiques sont
évalués, cotés, tantôt par un pays émergent
en quête d'une législation, (...) tantôt par telle ou telle
institution internationale » (v supra doing
business). M. Grimaldi, B. Fauvarque-cosson, la promotion de notre
système juridique s'organise : la constitution d'une fondation pour
le droit continental, D.2006 p. 996.
* 49 V. le rapport de la
commission « Grimaldi », Droit et patr. Sept. 2005
n°140.
* 50 Désormais le
nouvel article 2287-1du Code Civil (issu de l'ordonnance du 23 Mars 2006)
prévoit que « les sûretés personnelles
régies par le présent titre sont le cautionnement, la garantie
autonome et la lettre d'intention ».
* 51 Pour une
présentation au niveau international : V. D. Legeais, qui
relève l'utilisation de la délégation prise en tant que
pièce centrale d'un montage contractuel. Il s'agit du financement de
projet. Le montage permet le financement d'une usine construite dans un
pays en voie de développement avec des capitaux étrangers. D.
Legeais, sûretés et garanties du crédit,
2ème éd. L.G.D.J, n° 242, p. 201.
* 52 PH. Simler, les
solutions de substitution au cautionnement, JCPG 1990, I, 3427, N° 4
et suiv. L'auteur souligne qu'il existe des procédés du droit
commun des contrats pouvant jouer le
« rôle » de sûretés
personnelles.
* 53 V. not. C.
Lachièze, la délégation-sûreté, D.
2006 p.234.
* 54 Loi N° 75-1334 du
31 Décembre 1975, art. 14 : « À peine de
nullité du sous-traité, les paiements de toutes sommes dus par
l'entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous traité, sont
garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur
d'un établissement qualifié, agréé dans des
conditions fixés par décret. Cependant, la caution n'aura
pas lieu d'être fournie si l'entrepreneur
délègue le maître de l'ouvrage au sous traitant dans les
termes de l'article 1275 du Code Civil, à concurrence du
montant des prestations exécutées par le
sous-traitant ». Il est toutefois possible de
s'interroger sur l'opportunité de cette disposition et le cumul de
garantie engendré, au regard de l'existence de l'action directe dont
bénéficie le sous-traitant.
* 55 À titre
d'exemple en matière de sous-traitance V. Civ 3ème 28
janv. 2003, N° 01-16053, inédit : qualification d'une
délégation au profit du sous traitant.
* 56 F. Terré, Ph.
Simler, Y. Lequette, Droit civil, les obligations, Dalloz,
9ième éd. 2005, n°1441, p.1362.
* 57 V. Ordonn. du 23 Mars
2006 précitée.
* 58 Le Vocabulaire
juridique de M. Cornu (Gérard Cornu, Vocabulaire juridique H.
Capitant, 7ième édition, PUF) définit la
fraude à la Loi comme : « Un acte régulier en
soi (ou en tout cas non sanctionné d'inefficacité [à
l'instar de la délégation] ) accompli dans l'intention
d'éluder une Loi impérative ou prohibitive et qui, pour cette
raison est frappé d'inefficacité par la Jurisprudence ou par la
Loi » Le monde des affaires a certes besoin de
souplesse, mais il a aussi besoin de sécurité juridique. Les
partenaires ne sauraient se permettre de recourir à la
délégation s'il existe une possibilité, même infime,
que celle-ci soit considérée comme une fraude à la
législation applicable au cautionnement.
* 59 C'est le cas de la
thèse de PH. Dupichot (précitée). L'auteur rejette la
délégation-sûreté en raison des difficultés
d'articulation avec les autres sûretés personnelles, notamment le
cautionnement, et moins en raison de la nature intrinsèque de la
délégation. Ainsi relève-t-il, contre la
délégation-sûreté,
« l'impossibilité de renonciation anticipée
à la règle de l'accessoire fondée sur un ordre public de
protection », ce qui devrait entraîner une requalification
en cautionnement, PH. Dupichot, thèse précitée,
N° 326, p.271.
* 60 C'est le cas de la
thèse de M. Billiau (précitée) qui est davantage
fondée sur la nature intrinsèque de la délégation,
que sur sa combinaison avec d'autres techniques juridiques, notamment le
cautionnement.
* 61V. notamment, pour une
proposition récente et on ne peut plus explicite, C. Lachièze,
la délégation-sûreté, D. 2006 p.234
n° 5 et suiv. V. aussi, PH. Simler, Les solutions de substitution au
cautionnement, JCPG 1990.I. 3427. M. M. Cabrillac et Mouly restent
circonspects, et relèvent qu'il est curieux d'observer que la
communauté des juristes conserve, sans difficultés et sans
distinction, une conception large de la délégation, et que la
thèse de M. Billiau, limitant la délégation, est largement
rejetée. M. Cabrillac et C. Mouly, droit des
sûretés, 7ème éd., LITEC, 2005,
N°473-6, p.397
* 62 R. Marty,
délégation de débiteur à titre de garantie et
reprise de dettes, LPA, 30 nov. 2006 n° 239, N°2. p.5
* 63 C. Lachièze,
la délégation-sûreté, D. 2006, p.234,
n° 1, 2 et 3.
* 64 C. Lachièze, op.
cit.N° 6, p.234.
* 65 Ou encore, simple ou
non novatoire. Les trois termes expriment une même réalité,
même si des auteurs en contestent l'emploi au profit d'un seul d'entre
eux. On peut dire qu'il y désormais consensus sur la synonymie de ces
termes.
* 66 M. Cabrillac, C. Mouly,
droit des sûretés, 7ème éd.,
LITEC, 2005, N° 24, p.31.
* 67 Civ. 1re 17
mars 1992, D. 1992 481, note L. Aynes : Sauf convention contraire, le
délégué est seulement obligé au paiement de la
dette du délégant envers le délégataire.
* 68 Com. 13 décembre
1994, Bull. civ. IV, n° 375.
* 69 Com. 30 Janvier 2001
Bull. civ. IV n°25 ; Com. 18 mai 1999, Bull. civ. IV n°102
* 70 Ex. Com 8 octobre 2003,
JCP 2004, II, 10069.
* 71 La solution se justifie
aussi par la nature juridique originale de la garantie autonome qui peut
opportunément s'analyser en une promesse de constitution de gage
espèces, devant avoir la même efficacité qu'un gage
espèces dont l'intégralité a déjà
été versée au créancier. V. pour une défense
de cette analyse, PH. Dupichot, thèse précitée, N°
342, p.285.
* 72 Pour une
présentation critique et résumée des analyses civilistes
données à propos du compte courant, V. R. Desgorces,
Relecture de la théorie du compte courant, RTD com. 1997.
p.383.
* 73 Pour une
présentation plus complète, V. not. M. Billiau, La
délégation de créance, Essai d'une théorie
juridique de la délégation en Droit français,
Thèse Paris 1989, LGDJ Tome 207 N° 393 et suiv, p. 360.
* 74 A. Bénabent,
Droit civil, les obligations, Montchrestien 10ième
Ed. 2005, n°757, p.525. Et pour un eprésentation plus
détaillée V. M.Billiau, thèse précité,
N° 444 et suiv. p.399.
* 75 V. en ce sens, A.
Bénabent, op. Cit. N° 757, p.525.
* 76 Pour l'exemple de la
carte de paiement, V. L. 132-1 et suiv. du C.M.F.
* 77 Pour un exposé
détaillé de cette proposition de Thaller v. M. Billiau,
thèse précitée, N° 396, p.361.
* 78 Il est possible de
définir la lettre de change comme : « Le titre par
lequel une une personne dénommée tireur invite une une autre
personne denommée tiré à payer une somme d'argent à
une date determiné à l'ordre d'un bénéficiaire
désigné ». C. Gavalda, J. Stoufflet,
instruments de paiement et de crédit, 6ème
éd. LITEC, 2006, N°11, p.22. On peut aussi la définir
comme : « L'écrit par lequel le tireur, invite une
deuxième personne, le tiré, à payer à une
troisième personne, le bénéficiaire ou porteur ou à
l'ordre de cette dernière une somme d'argent à une
échéance en général assez proche (La
définition intégrant en l'occurrence le régime) le
tireur en tant que signataire est responsable de la création de la
lettre, étant tenu de la payer si le tiré ne fait
pas ». G. Cornu, Vocabulaire juridique H. Capitant,
7ème éd., PUF, p.534. Dans les deux définitions
précitées, il y a une référence à la notion
d'invitation, ce qui fait inévitablement penser à la
définition usuelle de la délégation, V. supra,
p.7.
* 79 La lettre de change est
réglementée aux art. L 511-1 et suiv. du Code de Commerce.
* 80 Le plus fervent
partisan de la cession conventionnelle de contrat est sans doute le professeur
Aynes, V. L. Aynes , la cession de contrat et les opérations
juridiques à trois personnes, Thèse, Economica
1984.
* 81 Pour une défense
de l'analyse de la cession de contrat par le biais de la
délégation v. M. Billiau, « cession de contrat ou
`' délégation'' de contrat » ?
Étude du régime juridique de la
prétendue « cession conventionnelle de
contrat », JCP ed. G 1994 n° 3758, p.199 et suiv.
* 82 M. Billiau, op. cit.
n°19.
* 83 Les sommités
ayant enseigné la délégation ne l'ont-elle pas
envisagée au titre des « contrats ayant pour
objet une obligation » ? V. P. Raynaud , les contrats
ayant pour objet une obligation, DEA de droit privé, Paris II
1977-1978, les cours du Droit, p. 89. Cette analyse n'est valable que si l'on
estime que la délégation nécessite l'existence d'au moins
une obligation préalable. En revanche, la délégation n'est
plus nécessairement un contrat relatif à l'obligation dès
lors que l'on estime qu'elle n'exige pas l'existence d'obligation
préalable.
* 84 Du reste, il ne faut
pas se laisser abuser par la confusion des genres qui pourrait résulter
de l'arrêt de la 3ème Ch. Civ. De la Cour de Cassation
en date du 12 dec. 2001 (Bull. 2001, III, N° 153 p. 120, D. 2002, N °
12, J, p. 984, note M. Billiau et C.Jamin), il nous est en effet
extrêmement difficile de déterminer si cet arrêt est
relatif à la délégation ou à la cession de
contrat.
* 85 La Doctrine et la
jurisprudence se sont cependant laissées aller à l'analogie, en
utilisant des mécanismes propres aux obligations pour les appliquer au
contrat, par ex. les notions d'indivisibilité entre contrats (V.
Mauger, Études Mercadal, ed. F. Lefebvre, 2002) ou la
novation de contrat (V. D. Cholet, la novation de contrat, RTD
civ. 2006, p. 467)
* 86 Rapport du professeur
Pascal Ancel au garde des sceaux,
« Cautionnement et autres garanties personnelles.
État du droit français ». (Etude pour le
Ministère de la Justice, juin 1996, inédit). Ce rapport aborde
la délégation en tant que sûreté de substitution au
cautionnement. Il est brièvement présenté et
résumé sur le site Internet du CERCRID de l'université
Jean Monet,
www.univ-st-etienne.fr/cercrid,
dans la mesure ou il est inédit, sa consultation intégrale nous
fut impossible.
* 87 P. Ancel, loc. cit.
§ 2.
* 88 Plutôt que le Cd
Rom lexilaser cassation, notre source documentaire sera le site Web
www.legifrance.gouv.fr
* 89 Notre inventaire n'est
en conséquence qu'un pas en avant qui en appelle d'autres.
* 90 « Sa
plasticité lui permet de remplir plusieurs fonctions »
PH. Malaurie, L.Aynes, PH. Stoffel-Munck, Droit civil, les
obligations, Defrénois, 2ème éd. 2005,
N° 1365, p.700.
* 91 V. notamment, M.
Billiau, La délégation de créance, Essai
d'une théorie juridique de la délégation en Droit
français, Thèse Paris 1989, LGDJ Tome 207, N° 3,
p.7. ; Certains auteurs ajouteront à cette première
fonction la reprise « interne » de dette, R. Marty,
délégation de débiteur à titre de garantie et
reprise de dettes, LPA, 30 nov. 2006 n° 239 p. 5 et suiv.
* 92 En sens inverse V. Ph.
Malinvaud, droit des obligations, 9ème éd.
LITEC 2005, N° 788 : « la délégation est
une opération qui (...) a pour seul but de réaliser une cession
de dette ».
* 93 En ce sens, V M.-L.
Niboyet, Mélanges Jeantin, Prospectives de droit
économique, Une illustration du concept de droit civil des
affaires, la délégation de locataire à titre de
garantie, éd. Dalloz, 1999, p. 72. L'auteur relève des
« zones d'ombre » dans le régime de la
délégation.
* 94 Com. 22 fev. 2005,
pourvoi N° 03- 13661, inédit
* 95 V. Supra Thaler
cité par M. Billiau, thèse précité, N°1,
p.3.
* 96 Civ.
1ère 18 mars 2003, N° 01-16120, inédit.
* 97 Com. 17 juill. 2001,
pourvoi N ° 98-18219, inédit.
* 98 Com. 3 av. 2001 pourvoi
N° 97-19971, inédit.
* 99 Com. 22 fev. 2005,
précité.
* 100 « Les
sûretés personnelles consistent dans l'adjonction, au droit du
créancier contre le débiteur, d'un droit personnel contre un
tiers (...) le créanciers a donc deux débiteurs au lieu
d'un » P. Ancel, Droit des sûretés, LITEC,
4ème éd. 2006, N°20, p.6.
* 101 Relevons à
propos de la délégation-paiement conclue imparfaite qu'il peut
paraître curieux qu'en augmentant le nombre de débiteurs, l'on
réduise le nombre de paiements à intervenir.
* 102 Rappelons que, selon
l'article 2287-1 du Code Civil, les sûretés personnelles
prévues par la Loi sont : « le cautionnement, la garantie
autonome et le lettre d'intention ».
* 103 « La
délégation n'a connu pendant longtemps qu'un usage restreint dans
la pratique notariale à l'occasion de la vente
d'immeuble », M.-L. Niboyet, Mélanges Jeantin,
Prospectives de droit économique, ed. Dalloz, 1999 p.71 ;
selon l'auteur la délégation de locataire est même
« une pratique assez peu connue en dehors des études de
notaires ». Depuis le début du XXI siècle, il
semble toutefois que cette pratique se soit exportée hors des
études notariales.
* 104 De l'an 2001 à
l'an 2007.
* 105 Pour une utilisation
du vocable délégation-sûreté, V. M.
cabrillac et C. Mouly, Droit des sûretés,
7ème éd. LITEC, 2005, N° 473-1 et suiv.
p. 394 et suiv. Cette présentation de la
délégation-sûreté est toutefois beaucoup moins
enthousiaste que celle de C. Lachièze (précitée).
* 106 Com. 23 janv. 2001,
bull. 2001 VI, N° 22, p.20
* 107 La Doctrine a depuis
longtemps souligné l'importance de l'utilisation de la
délégation par la pratique notariale notamment en matière
immobilière. V. supra, M.-L. Niboyet, Mélanges
Jeantin, prospectives de droit économique, éd.
Dalloz, 1999 p.71. et M. Billiau, rep.civ Dalloz, V.
délégation, N°3, p.2. L'auteur relève que :
« la délégation est beaucoup plus répandue
qu'on ne le pense généralement. La pratique notariale l'utilise
depuis longtemps à l'occasion des opérations
immobilières ». Les établissements de
crédit se sont sans doute inspirés de la pratique notariale, sur
les conseils de cette dernière, pour sécuriser leurs concours
financiers en matière immobilière
* 108 Com. 3 dec. 2002,
pourvoi N° 99-20015, inédit
* 109 Sauf en cas de
concert frauduleux, cf. Civ. 1ère, 2 av. 1968, Bull. civ. I,
N° 114.
* 110 Civ. 17 mars 1992. D.
1992, p. 481, note L. Aynes, JCP 1992 II 21922, note M. Billiau.
* 111 M.- L. Niboyet, op.
Cit. P.74.
* 112 Com. 25 Fev. 1992,
JCP 1992, II, 21922, note M. Billiau. « En cas de
délégation imparfaite, le délégué ne
peut, sauf clause contraire, opposer au délégataire les
exceptions dont le délégant pourrait se prévaloir
à l'égard de celui-ci ».
* 113 Pour la matière
immobilière soumise aux juridictions civiles, la question est plus
délicate.
* 114 En plus de l'absence
de contribution à la dette du garant. En ce sens v. M. Cabrillac et C.
Mouly, précité.
* 115 Com. 4 oct. 2005
bull. 2005 IV 198, P. 214
* 116 Il semble en effet
que, dans l'espèce précitée du 4 oct. 2005, les parties
aient considéré la délégation comme la garantie
centrale de leur dispositif.
* 117 Com. 26 nov. 2002,
N° 99-12426, inédit.
* 118 Comme nous l'avons
démontré plus haut (V supra p. 51) l'obligation du
délégué, même si elle existe, n'est pas une
condition de la délégation-sûreté.
* 119 Com 14 fev. 2006,
Bull. 2006 IV n° 37 P. 38. JCP E 2006, 1819, note C. Lachièze. Il
s'agit d'une décision d'une importance fondamentale.
* 120 V. art. 1281 al.1 de
l'avant projet, aux termes duquel : « l'engagement du
délégué envers le délégataire rend
indisponible la créance du délégant envers le
délégué, qui ne peut être ni cédée, ni
saisie ».
* 121 Com. 13 juin 2006
pourvoi N° 05-17006, inédit
* 122 Com. 13 juin 2006,
précité.
* 123 V. sur cet effet
extinctif : l'ancien art. L. 621-46 du Code de Commerce, issu de la Loi
N° 85-98 du 25 janv. 1985, art. 53.
* 124 V. supra p.
30, la Loi N° 75-1334, du 31 Décembre 1975, sur la sous-traitance,
et son art. 14 qui pose une alternative entre cautionnement bancaire et
délégation du maître de l'ouvrage.
* 125 Civ.
2ème 21 oct. 2004, Bull. 2004, II, N° 471, P. 400.
* 126 Seule une promesse de
porte fort en garantie, technique foncièrement différente de la
délégation-sûreté, a pu être
requalifiée en cautionnement. Com. 13 dec. 2005, Bull. civ. IV N°
256.
* 127 Ph. Simler, La
réforme du droit des sûretés, un livre IV nouveau
du Code Civil, JCP ed. G, N°13, 29 mars 2006, N°4, p. 598. Dans
le m même sens v. PH. Malaurie, L.Aynes et PH. Stoffel-Munck,
Droit civil, les obligations, Defrénois,
2ème éd. 2005, N°1367, p.781 : qui notent
que : « le plus souvent elle (la délégation)
est l'instrument d'un paiement simplifié, ou de la constitution d'une
garantie ».
* 128 Cette
nécessité est notamment soulevée par M. L. Niboyet, op.
cit. p.72 et 73. qui préconise « une rédaction
prudente des clauses du contrat » de délégation de
locataire à titre de garantie. Cette recommandation est a
fortiori valable pour les hypothèses dérivées de
délégation en garantie, auxquelles les tribunaux sont moins
familiers
* 129 Com. 22 mai 2002 pourvoi
N° 99-11052, inédit.
* 130 V. Com. 19 dec. 2006,
D 2007 p. 961, note crit. L. Aynes ; cet arrêt récent et
important affirme que : « en dehors des cas prévus par la
Loi, l'acte par lequel un débiteur cède et transporte à
son créancier, à titre de garantie, tous ses droits sur des
créances, constitue un nantissement de
créance ».
* 131 PH. Dupichot,
thèse précitée, supra p.28
* 132 A. Bénabent,
Droit civil, les obligations, Montchrestien 10ième
Ed. 2005, N° 751 et suiv. p.520 et suiv.
* 133 R. Marty,
délégation de débiteur à titre de garantie et
reprise de dettes, LPA, 30 nov. 2006 n° 239, p.5.
* 134 A. Bénabent,
op. cit. N° 750, p.519.
* 135 V. Cass. req. 19 dec.
1923, D.P. 1925, I, 9, note H. Capitant, qui précise que la
délégation n'est pas une cession de créance
* 136 V. def. de
« cession » G. Cornu, Vocabulaire juridique, H.
Capitant, P.U.F, 7ème éd, 2006, p.141.
* 137 En plus de ceux
classiquement avancés, notamment l'absence de valeur patrimoniale de la
dette, et l'importance de la personnalité du débiteur pour le
créancier.
* 138 Bull. 2004, IV, N°
214, p.240. V. note E. Savaux infra note suiv.
* 139 Dans ce sens V. E.
Savaux, note sous Com. 7 dec. 2004, Rep. Defrénois Juill. 2005, art.
38142 p.627
* 140 Cette
réclamation constitue, selon la jurisprudence, son consentement à
l'opération de délégation. V. Com. 7 dec. 2004,
précité. On peut s'interroger sur ce consentement, a
posteriori, à l'offre de délégation. En effet, que se
passerait-il devant les juridictions si le délégué, au
lieu d'invoquer une exception, invoquait une révocation de l'offre de
délégation préalablement à l'action en paiement
valant acceptation? L'offre n'est-elle pas révocable avant l'acceptation
du délégataire ?
* 141 Cf. Art L.632-1, I C.
Co. La période suspecte est celle comprise entre la date de la cessation
des paiements (reportée) et le jugement d'ouverture de la
procédure.
* 142 La nullité
n'est toutefois pas encourue si la délégation est conclue avant
la date de l'insolvabilité notoire même si son exécution
est postérieure, en ce sens v. Com. 4 oct. 2005 Bull. IV N°
198 p.214
* 143 V. Art. L. 622-7 C. CO.
et le contournement possible de l'interdiction de payer les créances
antérieures par la compensation de créance connexes.
* 144 V. Art. L 632-1,
4° du Code de Commerce : il en résulte que sont nuls, s'ils
sont intervenus pendant la périodes suspecte « Tout paiement
pour dettes échues, fait autrement qu'en espèces, effets de
commerce, virements, bordereaux de cession visés par la loi no 81-1 du 2
janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de
paiement communément admis dans les relations d'affaires ».
* 145 Com. 30 nov. 1993, Bull.
civ. IV, N° 439
* 146 Com. 23 janv. 2001:
Bull. civ. IV, N° 22
* 147 M. Billiau, La
délégation de créance, Essai d'une théorie
juridique de la délégation en Droit français,
Thèse Paris 1989, LGDJ Tome 207, N°4, p.10.
* 148 V. supra
p.6, D. Legeais, qui avoue que: « Le renouveau de l'institution
(délégation) est manifeste ».
* 149 Le doyen Moneger,
in Joël Monéger, Émergence et évolution
du fonds de commerce, AJDI 2001 p.1042, a ainsi pu écrire :
« La notion de fonds de commerce serait-elle mal comprise,
serait-elle autre que ce que les praticiens pensent ? Ils vendent, ils
louent, ils évaluent, ils liquident des fonds de commerce et ceux-ci
seraient autres que ce qu'ils croient (...) En effet, le fonds de
commerce est au nombre des choses connues que le droit a peine à
nommer ».
* 150 M. Billiau,
thèse précitée, N°4, p.10
* 151 V. supra, M.
Billiau, p 68.
* 152 M. Billiau, La
délégation de créance, Essai d'une théorie
juridique de la délégation en Droit français,
Thèse Paris 1989, LGDJ Tome 207, N°41, p.52
* 153 PH. Dupichot,
thèse précité N° 360, p. 300, écrivit (avant
la réforme du 23 Mars 2006) que « la
délégation présente (...) l'insigne avantage d'être
une technique juridique "prévue" par le Législateur, à la
différence de la garantie autonome ou du constitut ».
« Prévue » est-il l'équivalent de
nommé ? La Doctrine semble réservée sur la
nature de la délégation.
* 154 H. Synvet,
commentaires sur les articles de l'avant projet « Catala »,
de réforme du droit des obligations et de la prescription, relatifs
à la délégation : (Art.1275 à 1282), V. ref.
infra note suiv.
* 155 V. avant projet
« Catala » de reforme du droit des obligations et de la
prescription, rapport remis au garde des sceaux, p. 60,
www.ladocumentationfrançaise.fr/rapportspublics
.
* 156 Loc. cit. p. 6o.
* 157 « Sont
nommés les contrats qui correspondent à un "moule" connu et font
à ce titre l'objet d'un corps de règles propres ».
A. Bénabent, contrats spéciaux civils et commerciaux,
7ème éd. Montchrestien, 2006, N°2, p.2. Il ne
sous semble pas que les deux seuls art. 1275 et 1276 du Code Civil puissent
constituer ce fameux corps de règles propres.
* 158 Au reste, l'avant
projet « Catala » de réforme du droit des
obligations et de la prescription ne définit pas mieux la
délégation puisqu'il se contente d'énoncer en son article
1275 qu'« il y a délégation lorsque, sur ordre
d'une personne, le délégant, une autre personne, le
délégué, s'engage envers une troisième le
délégataire qui l'accepte comme débiteur ».
« Il y a délégation... », il s'agit
d'une formule illustrative, une véritable définition
nécessiterait l'emploi d'un verbe d'état, par ex. la formule
suivante : « la délégation
est... ». Il semble que personne n'ose s'aventurer à
définir la délégation.
* 159 Les ouvrages et
manuels à jour de la réforme du 23 Mars 2006 considèrent
sans peine qu'il s'agit de nouvelles sûretés nommées. V.
par ex. P. Ancel, droit des sûretés,
4ème éd. LITEC, 2006, N° 29, p17
* 160 Si deux art. du Code
Civil sont consacrés à la délégation, seuls les
art. 2321 et 2322 sont respectivement consacrés à la garantie
autonome et à la lettre d'intention.
* 161 PH. Malaurie,
L.Aynes, PH. Stoffel-Munck, Droit civil, les obligations,
Defrénois, 2ème éd. 2005, N°1365,
p.779 : « Deux éléments la
caractérisent (la délégation) : l'initiative
du délégant (...) qui se réalise par un engagement du
délégué ».
* 162 En matière
d'indication de paiement, « le créancier n'acquiert
aucun droit contre le tiers, lequel ne s'engage pas personnellement, ce qui
distingue l'indication de paiement de la
délégation ». A. Bénabent, Droit civil,
les obligations, Montchrestien 10ième Ed. 2005 N°
758, P. 526. Dans le même sens, V. Godon, la distinction entre
délégation de paiement et indication de paiement,
Defrénois 2000, 193.
* 163 Voire celle d'
expromissio (expromission [art.1274 du C.Civ]), si l'ancien
débiteur est libéré par le créancier (en cas de
novation), PH. Malaurie, L.Aynes, PH. Stoffel-Munck, Droit civil,
les obligations, Defrénois, 2ème éd.
2005, N°1339, p. 769.
* 164 Civ
3ème 28 janv. 2003, N° 01-16053, inédit :
« Attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain
d'appréciation que la cour d'appel a retenu que la société
(...) entrepreneur principal délégant (...) le sous traitant
délégataire, les époux x maîtres de
l'ouvrage délégués, par leur attitude, leur
règlement direct de facture avaient donné leur consentement
à la délégation de créance ».
* 165 La cause de la
délégation est classiquement placée dans les rapports
entre le délégué et le délégant. Dans notre
exemple, de tels rapports peuvent ne pas exister.
* 166 PH. Malaurie,
L.Aynes, PH. Stoffel-Munck, op. cit. N°1371, p.786.
* 167 R. Marty,
délégation de débiteur à titre de garantie et
reprise de dettes, LPA, 30 nov. 2006 N° 239, N° 3, p. 6
* 168 Certains auteurs font
référence à cette distinction fonctionnelle, mais il ne
semble pas qu'ils fassent de chacune des délégations une notion
autonome. V. par ex. M. Cabrillac, C. Mouly, droit des
sûretés, 7ème éd., LITEC, 2005.
* 169 V. énoncé
de la définition usuelle supra, p.7
* 170 M. Billiau, La
délégation de créance, Essai d'une théorie
juridique de la délégation en Droit français,
Thèse Paris 1989, LGDJ Tome 207, N°1, p.2.
* 171 « Ce
qui démontre l'existence d'une opération juridique à trois
personnes, c'est que la convention qui concerne trois intéressés
a pour effet d'entraîner la création d'un lien de droit entre deux
seulement d'entre eux ». C. Larroumet, Les opérations
juridiques à trois personnes en droit privé, thèse
Bordeaux, 1968, N°3, p.5.
* 172 V. supra A.
Bénabent p. 76
* 173 C. Larroumet, op.
cit. N° 11, p.12.
* 174 V. supra
théorie proposée M. Billiau, p. 21. Celle-ci est donc
partiellement vérifiée.
* 175 Au lieu d'une
technique d'imitation, certains auteurs analysent la délégation
en garantie comme une sûreté personnelle par destination. Ex.
J.-B. Seube, droit des sûretés, 3ème
éd. Dalloz, 2006, N°16, p. 8. Il nous semble que l'une comme
l'autre des deux analyses soient pertinentes.
* 176 Gérard Cornu,
Vocabulaire juridique, 7ème ed. P.U.F. p. 886.
* 177 P. Crocq,
propriété et garantie, thèse, LGDJ, tome 248,
1995, N° 282.
* 178 Seule la
1ère ch. Civ. de la cour de cassation s'autorise à
limiter l'autonomie de l'obligation du délégué en
matière de délégation incertaine. V. Civ.
1ère 17 mars 1992, précité p.52.
Contra, Com. 25 Fev. 1992, précité p. 53.
* 179 Ex. art. 1387-1 du C.
civ, qui vise « les dettes ou sûretés »,
consenties par les époux dans le cadre de la gestion d'une entreprise.
Ou l'art. L. 225-35 al. 4 du C. Co. qui prévoit un régime
d'autorisation par le CA des « cautions avals et
garanties » donnés par les SA. Dans les deux, cas la
qualification de la délégation en sûreté ou garantie
peut être déterminante.
* 180 G. Cornu
précité, p.12.
* 181 La cause objective se
« présente donc de façon identique, invariable et
stéréotypée, dans tous les contrats de même
nature ». D. Mazeaud, La cause, in, Le
Code Civil, un présent, un passé, un avenir, éd.
Dalloz, 2004, N° 9, p. 455.
* 182 V. D. Mazeaud citant
Rouast : « Si vous avez compris la cause c'est qu'on vous
l'a mal expliquée ». D. Mazeaud, La cause,
in, Le Code Civil, un présent, un passé, un
avenir, éd. Dalloz, 2004, N°1, p. 451.
* 183 V. déf.
« régime » G. Cornu, Vocabulaire juridique
H. Henri Capitant, P.U.F, 7ème éd, 2006 p.772, III,
2
* 184 Art. 1244 du C.
Civ : « Le débiteur ne peut forcer le créancier
à recevoir en partie le paiement d'une dette, même
divisible ».
* 185 Com. 25 fev. 1992,
précité, p. 53.
* 186 Com. 22 av. 1997,
Bull. civ. IV, N° 98.
* 187 Civ.
1ère 17 mars 1992, précité p.52.
* 188 Le conflit entre les
Chambres de la Cour de Cassation se résorberait du même coup, ce
qui n'est pas un moindre avantage.
* 189 Au reste, il serait
illogique de conclure une délégation-sûreté
novatoire de l'engagement du délégant envers le
délégataire. La dette du débiteur initial
s'éteignant par novation, il n'y aurait en effet plus rein à
garantir.
* 190 C. Lachièze,
la délégation-sûreté, D. 2006, p.234,
N° 9, p.235
* 191 C. Lachièze op.
cit. N°9, p. 235
* 192 Pour la
délégation V. Civ. 1ère, 2 av. 1968,
précité p.52
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