Université de Montréal
Devenir professionnel des diplômés du
système universitaire guinéen : étude exploratoire
à partir des diplômés de l'Université de Conakry
par Mamadou Gando BARRY Département de
sociologie Faculté des arts et des sciences
Mémoire présenté à la
Faculté des études supérieures en vue de l'obtention du
grade de Maître ès sciences (M.Sc.) en sociologie
Mars, 2003 (c) Mamadou Gando BARRY, 2003
Université de Montréal Faculté des
études supérieures
Ce mémoire intitulé:
Devenir professionnel des diplômés du
système universitaire guinéen : étude exploratoire
à partir des diplômés de l'Université de Conakry
présenté par : Mamadou Gando BARRY a
été évalué par un jury composé des personnes
suivantes: Anne-Emmanuèle CALVÈS présidente du
jury Arnaud SALES directeur recherche Paul BERNARD membre du jury
SOMMAIRE
La fin du XXème siècle et le
début du XXIème siècle sont marqués dans
de nombreux pays par le chômage et la précarité de
l'emploi. Si la situation est variable d'un continent à l'autre et d'un
pays à l'autre, il n'en demeure pas moins que l'époque est
marquée par une situation d'emploi difficile et souvent instable. Dans
le cas des pays africains, le chômage des diplômés
universitaires constitue une préoccupation constante des gouvernements
en général et particulièrement de ceux de l'Afrique
sub-saharienne.
Cette étude exploratoire sur l'insertion des
diplômés du système universitaire guinéen s'inscrit
dans le champ de la sociologie de l'insertion professionnelle. Nous avons
centré la recherche sur le rôle des formations
complémentaires et les modalités d'accès à l'emploi
ainsi que sur le rôle des réseaux de relations des
diplômés dans le contexte du marché du travail en
Guinée. L'étude de type qualitatif rend compte à partir
d'interviews le processus d'insertion des diplômés.
L'analyse des données d'entrevues révèle
que l'insertion des diplômés est modulée par les formations
complémentaires et les réseaux de relations qui exercent une
influence décisive sur les trajectoires professionnelles des
diplômés du système universitaire guinéen. En
d'autres termes, les formations complémentaires combinées au
rôle des réseaux de relations donnent un avantage certain dans la
recherche de l'emploi.
En résumé, les hypothèses sur les
formations complémentaires et les réseaux sont congruentes en
regard du rôle des réseaux de relations et des formations
complémentaires quant à l'accès à un emploi. Par
contre, en regard de l'hypothèse sur le rôle de l'origine sociale,
il ressort que cette variable a peu d'effet, passé l'entrée
à l'Université.
Mots-clés: Formations
complémentaires, réseaux de relations, diplômés
universitaires, marché du travail, Guinée-Conakry.
ABSTRACT
The end of the 20th century and the start of the
21st are marked by increased levels of unemployment and job
insecurity across the globe. Although the experience of each continent or
country varies, the overall picture remains one of difficult and often unstable
job conditions. In Africa, particularly in countries south of the Sahara,
unemployment among graduates is a constant concern of governments.
This exploratory study on the entry of graduates of the
Guinean university system into the job market falls within the branch of
sociology concerned with professional insertion. It focuses on the role of
additional training, the means of accessing jobs and the role of contact
networks in the context of the Guinean job market. This study is qualitative in
nature, making use of interviews to gather information on graduates' insertion
into the job market.
Analysis of the interview data reveals that the professional
insertion of graduates is influenced by additional training and contact
networks, both of which play a decisive role in determining the career
direction of graduates of the Guinean university system. In other words,
additional training and strong contact networks are advantageous in job
search.
In summary, the hypotheses regarding contact networks and
additional training confirm the utility of these two factors in the access to
employment. The influence of social origin, however, has been shown to be of
little consequence beyond university entry.
Keywords: Additional training, contact networks,
graduates, job market, Guinea-Conakry.
TABLE DES MATIÈRES
SOMMAIRE III
ABSTRACT IV
TABLE DES MATIÈRES V
LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS VIII
LISTE DES ANNEXES X
LISTE DES TABLEAUX XI
REMERCIEMENTS XII
INTRODUCTION 1
PREMIÈRE PARTIE : EMPLOI, CHÔMAGE ET
INSERTION SOCIOPROFESSIONNELLE 5
CHAPITRE I : L'INSERTION DANS LA LITTÉRATURE
7
1.1 LE COURANT DESCRIPTIF 7
1.2 THÉORIES FACTORIELLES 11
1.2.1 L'ÉCOLE 12
1.2.2 LA FAMILLE 15
1.2.3 LES RÉSEAUX DE RELATIONS 18
1.2.4 LES CLASSES SOCIALES 20
CHAPITRE II : PROBLÉMATIQUE ET ANALYSE
CONCEPTUELLE 24
2.1 PROBLÉMATIQUE 24
2.2 HYPOTHESES 30
2.3 ANALYSE CONCEPTUELLE 31
2.3.1 LE MARCHÉ DU TRAVAIL 31
2.3.2 LE CHÔMAGE 33
2.3.3 L'INSERTION PROFESSIONNELLE 36
CHAPITRE III : CONTEXTE ET CADRE DE L'ÉTUDE
42
3.1 PRÉSENTATION DE LA GUINÉE
42
3.1.1 SITUATION GÉOGRAPHIQUE ET DÉMOGRAPHIQUE
43
3.1.2 SITUATION ÉCONOMIQUE 44
3.2 PRÉSENTATION DE L'UNIVERSITÉ DE CONAKRY 46
3.3 LES FORMATIONS DE BASE DES DIPLÔMÉS 48
CHAPITRE IV : DÉMARCHE DE RECHERCHE ET
MÉTHODOLOGIE 51
4.1 LE CHOIX DU LIEU DE L'ENQUÊTE 51
4.2 LE CHOIX DES DIPLÔMÉS RETENUS DANS
L'ENQUÊTE 52
4.3 L'ENTRETIEN 52
4.4 LE DÉROULEMENT DES ENTREVUES ET LES
PROBLÈMES
RENCONTRÉS 54
4.4.1 LE DÉROULEMENT DE LA COLLECTE DES DONNÉES
54
4.4.2 L'ENREGISTREMENT DES ENTREVUES ET LEUR TRANSCRIPTION 55
4.4.3 PÉRIODES ET RYTHME DES ENTREVUES 56
4.5 L'ANALYSE 57
DEUXIÈME PARTIE: RÉSEAUX DE RELATIONS ET
FORMATIONS COMPLÉMENTAIRES DANS L'INSERTION PROFESSIONNELLE
59
CHAPITRE V : PROFIL ET ORIGINE SOCIALE DES
RÉPONDANTS 61
5.1 PROFIL GÉNÉRAL 61
5.2 SITUATION DE L'EMPLOI 62
5.3 ORIGINE SOCIALE 63
CHAPITRE VI : LES MODALITÉS D'INSERTION SUR LE
MARCHÉ DU
TRAVAIL 68
6.1 LE RÔLE DES STAGES DANS L'OBTENTION DE L'EMPLOI
68 6.2 LE POIDS DES RÉSEAUX DE RELATIONS DANS LE CONTEXTE
GUINÉEN
75
CHAPITRE VII : LES FORMATIONS COMPLÉMENTAIRES ET
LEUR RÔLE
DANS L'ACCÈS À L'EMPLOI DES
DIPLÔMÉS 84
7.1 LES TYPES DE FORMATIONS COMPLÉMENTAIRES 84
7.2 LE CALENDRIER DES FORMATIONS COMPLÉMENTAIRES 87
7.3 LES COMPÉTENCES ACQUISES APRÈS LES FORMATIONS
89
7.4 LES COÛTS DES FORMATIONS 91
7.5 L'ACCÈS AUX FORMATIONS 93
7.6 LE RÔLE DES FORMATIONS DANS L'ACCÈS À
L'EMPLOI 95
vii
CONCLUSION 100
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 105
ANNEXES XII
ANNEXE 1 XIII
ANNEXE 2 XV
ANNEXE 3 XVI
LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS
A.C.D.I : Agence canadienne pour le
développement international A.G.B.F : Association
guinéenne pour le bien être familial A.GUI.P.E :
Agence Guinéenne pour la Promotion de l'Emploi
B.I.C.I.GUI : Banque International pour le
Commerce et l'Industrie de Guinée B.I.T : Bureau
international du travail
B.M : Banque mondiale
B.N.R : Bureau National du recensement
C.E.L.A : Centre d'Études de la Langue
Anglaise
C.É.R.E : Centre d'étude et de
recherche en environnement C.H.U : Centre hospitalier
universitaire
C.V : Curriculum Vitae
D.E.S : Diplôme d'Études
Supérieures
D.N.S : Direction Nationale de la Statistique
E.I.B.C : enquête intégrale budget
et consommation
F.A.O : Organisation des Nations Unies pour
l'alimentation et l'agriculture F.G : Franc guinéen
F.L.S.H : Faculté des Lettres et Sciences
Humaines F.M.I : Fonds monétaire international
F.N.U.A.P : Fonds des Nations Unies pour la
population F.S : Faculté des Sciences
I.E.S : Institutions d'Enseignement
Supérieur
I.P.C : Institut Polytechnique de Conakry
I.P.G.A.N.C : Institut Polytechnique Gamal Abdel
Nasser de Conakry I.S.F : Indice Synthétique de
Fécondité
LA.S.A.D : Laboratoire statistique et d'analyse
de données M.E.P.U : Ministère de l'enseignement
pré-universitaire
O.C.D.E : Organisation de Coopération et
de Développement en Economique O.N.E.MO : Office
National de l'Emploi et de la Main d'oeuvre O.N.G :
Organisation non gouvernemental
P.A.M : Programme Alimentaire Mondial
P.A.S : Programme d'ajustement structurel
P.C.B.F : Programme Canadien de Bourse de la
Francophonie
P.A.D.E.S : Projet d'appui au
développement de l'enseignement supérieur P.I.B
: Produit Intérieur Brut
P.N.U.D : Programme des Nations Unies pour le
développement P.R.E.F : Programme de reforme
économique et financier
U.N.I.C.E.F : Fonds des Nations Unies pour
l'enfance
LISTE DES ANNEXES Annexe 1 : Guide
d'entretien
Annexe 2 : Calendrier des activités sur
le terrain Annexe 3 : Carte géographique de la
Guinée
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Profession du père et
situation des diplômés par rapport au marché de l'emploi
Tableau 2 : Utilisation ou non du réseau
par rapport à la profession du père Tableau 3 :
Formations complémentaires et profession du père
Tableau 4 : Répartition des
diplômés en emploi selon le mode d'obtention de l'emploi
REMERCIEMENTS
Pour réaliser cette étude, plusieurs personnes
ont apporté aide et conseils. Je veux remercier les personnes qui ont
contribué à la réalisation de ce mémoire.
D'abord mon directeur de recherche, Arnaud Sales, pour son
encadrement rigoureux et sa constante disponibilité en dépit de
ses charges de directeur de département. Il m'a assisté depuis
mon entrée au département de Sociologie et a suivi de près
la genèse et l'aboutissement de ce travail. Je lui en suis très
reconnaissant. Je tiens aussi à remercier Mamadou dit Ndongo Dimé
et Boubacar Bayero Diallo, qui m'ont écouté et guidé dans
des étapes cruciales.
Je dois beaucoup l'ACDI et à son Programme canadien de
bourses de la Francophonie pour l'appui financier qui nous a permis de venir au
Canada et accomplir notre programme d'études de maîtrise.
Une mention toute spéciale à mon épouse,
Safiatou Diallo, pour son amour et sa patience durant ces années
d'études et de rédaction ; à mon jeune frère Amadou
Tidiane Barry, à mes parents (Oumar Barry et Binta Sow) pour leurs
encouragements soutenus; à Alpha Amadou Bano Barry, qui a
été ma " balise " pour atteindre ce niveau de formation. C'est
pourquoi je lui dédie ce mémoire, en témoignage de nos
relations amicales.
Ce travail n'aurait pas été possible non plus
sans la collaboration des diplômés qui ont accepté de
donner leur temps pour faciliter le déroulement de nos activités
de recherche. Nous tenons à les remercier. Aussi, nous remercions tous
ceux qui ont de près ou de loin contribué à la
réalisation de ce mémoire. Nous rendons finalement un hommage
à Salimatou Barry une de nos interviewés
décédée pendant la période de rédaction de
ce mémoire.
INTRODUCTION
Cette recherche exploratoire se situe dans le champ de la
sociologie de l'insertion et porte de manière précise sur
l'insertion professionnelle des diplômés sur le marché du
travail dans le contexte africain (guinéen). De nombreux auteurs
(Boudon, 1974 ; Vincens, 1984, 1986, 1996 ; Lachaud, 1986 ; Bocquier, 1996 ;
Dubar, 1996 ; Trottier, Diambomba et Perron, 1995 ; Fournier et Monette, 2000),
avant nous, se sont déjà intéressés à cette
question dans diverses sociétés et pour diverses
catégories sociales aussi bien en Occident que dans les pays du Sud.
Leur objectif était de comprendre les divers mécanismes d'ordre
social, économique, culturel et familial susceptible d'influencer des
individus lorsqu'ils sont dans une situation de recherche d'emploi. Le
présent mémoire s'inscrit dans la même trajectoire et
s'intéresse de façon particulière au processus d'insertion
des diplômés du système universitaire guinéen
à travers le cas des diplômés de l'Université de
Conakry qui est la plus ancienne et la plus grande institution d'enseignement
supérieur de la République de Guinée.
Nous avons retenu dans ce mémoire l'approche de type
interactionniste qui utilise à la fois l'acteur et le contexte pour bien
comprendre les phénomènes sociaux. L'analyse qualitative permet
dans notre cas, à partir d'entrevues effectuées auprès des
diplômés, d'analyser leur insertion et de connaître,
à travers leurs discours, les caractéristiques des
stratégies d'insertion professionnelle. Cette recherche exploratoire
auprès de 40 diplômés âgés entre 23 - 30 ans
nous a permis de comprendre ce qui pousse certains diplômés
à réaliser des formations complémentaires et des stages.
Nous montrerons à cet égard le rôle de ces derniers lors de
la recherche de l'emploi.
L'idée générale de cette étude est
que les types de formations complémentaires influencent les
stratégies individuelles d'insertion sur le marché du travail
guinéen. Cette étude a pour but de comprendre cette situation.
Soulignons que si les conditions d'entrée sur le
marché de travail sont devenues moins contraignantes dans les pays
développés, dans les pays en développement, il y a une
détérioration de la position entre les diplômés des
années 1970 et ceux de la décennie 1990- 2000. Cette situation
pousse un nombre grandissant de diplômés universitaires
à
entreprendre des formations complémentaires et des
stages d'insertion après celle de la formation universitaire initiale.
Ainsi, dans le contexte guinéen, les études sur l'insertion
professionnelle, et en particulier sur celle des diplômés du
système universitaire guinéen, sont rares. De surcroît, ces
études sont pour la plupart effectuées par des planificateurs et
rarement par des anthropologues ou des sociologues locaux. Ces études
sont aussi, le plus souvent, le fait de chercheurs étrangers.
Généralement, elles se présentent sous forme de travaux de
consultation pour le compte d'organismes internationaux ou encore d'ONG
étrangères oeuvrant dans le secteur de l'éducation. Aussi,
nombre d'entre elles sont réalisées de façon non
exhaustive selon une approche quantitative et visent, entre autres, à
établir une évaluation de l'efficacité des programmes mis
en place par des institutions internationales (Banque Mondiale, BIT) ou
nationales (PADES).
En effet, depuis 19861, la Guinée a connu
une hausse générale de la scolarisation à tous les
niveaux. Par exemple à l'Université de Conakry cadre de notre
étude, les effectifs sont passés de 2000 étudiants en 1986
à 9 722 en 1998 (SPS, 2000). Cette hausse des effectifs combinée
avec le changement de politique économique (restructurations et
liquidations des entreprises publiques du fait des exigences des programmes
d'ajustement structurels ; désengagement de l'État,
assainissement des finances publiques) a entraîné la suppression
de l'embauche automatique par l'État, et par conséquent, le
blocage du recrutement des jeunes diplômés. Ainsi, la garantie
d'un emploi à la fin des études ayant été abolie en
1985, des milliers de jeunes diplômés sont au chômage. En
exemple sur 75 000 demandeurs d'emplois du système éducatif
guinéen, 25 000 seraient titulaires d'un diplôme d'études
supérieures (Barry, 1999).
Par ailleurs, d'autres bouleversements survenus à
l'échelle internationale et au niveau national, méritent de
retenir notre attention, et ce, dans le but de situer certains enjeux
politiques et économiques récents. Parmi ces changements, nous
pouvons mentionner: la fin de l'idéologie socialiste dans les pays de
l'Afrique subsaharienne, la mise en oeuvre des programmes d'ajustement
structurel sous l'égide du Fonds monétaire international et de la
Banque mondiale en Guinée à partir de 1986, sans oublier
l'introduction des nouvelles technologies. Enfin, ajoutons à ce tableau
le passage de la Guinée d'un régime
socialiste (garantissant l'emploi à tous les
diplômés) à celui d'une économie de marché en
1984. Ces récents bouleversements ont eu d'énormes
conséquences dans tous les domaines. Par exemple l'embauche par
l'État des diplômés des institutions a cessé
d'être automatique. Dans le cas des diplômés universitaires,
ces changements ont exigé de leur part la recherche de l'emploi, des
formations complémentaires, des stages et une plus grande
mobilité. Ce qui les a amené quelquefois à accepter de
postes de travail précaires ou à développer plus de
polyvalence et de compétences dans d'autres secteurs (informatique,
anglais par exemple).
La présente recherche s'intéresse à
l'insertion des diplômés du système universitaire
guinéen, du pont de vue du rôle des réseaux de relations et
du rôle des formations complémentaires dans l'accès au
marché du travail guinéen. Pour atteindre ces objectifs,
l'étude exploratoire pose les hypothèses suivantes :
premièrement, l'origine sociale influence l'insertion des
diplômés; deuxièmement les réseaux de relations
jouent un rôle important dans l'accès aux emplois et le recours
à ces réseaux peut revêtir plusieurs formes;
troisièmement, le renforcement du diplôme universitaire par une
formation complémentaire (en informatique, en anglais ou en gestion par
exemple) ou par un stage augmente notablement les chances d'insertion
professionnelle. Pour vérifier ces hypothèses, le présent
mémoire privilégie une démarche de type qualitatif
à travers la recherche documentaire et l'entretien semi-directif.
Ce mémoire est structuré en deux parties : la
première porte sur l'emploi, le chômage et l'insertion
professionnelle; la seconde porte sur l'origine sociale, le rôle des
réseaux de relations et les formations complémentaires et leur
rôle dans l'insertion. Le chapitre I fait le bilan de la
littérature consacrée à l'insertion. On y fait notamment
une revue de quelques théories relatives au processus d'insertion
(singulièrement le courant descriptif et les théories
factorielles). Dans les théories factorielles, nous nous appuyons sur
l'école, la famille, les réseaux et les classes sociales. Le
chapitre II traite de la problématique de l'emploi en rapport avec
différents contextes géographiques (Occident, Afrique et
Guinée), de l'objectif principal, des hypothèses et de l'analyse
conceptuelle. Dans cette dernière sous-section, on y discute les
définitions des concepts centraux utiles au mémoire soit : le
marché du travail, le chômage et l'insertion
professionnelle. Le chapitre III présente le contexte
et le cadre de l'étude. Le chapitre IV expose la démarche de
recherche, on y décrit le choix du lieu de l'enquête, le choix des
diplômés et le déroulement de la recherche documentaire, la
phase d'entretiens et les problèmes que nous avons rencontrés, et
enfin nous expliquons les modes d'analyse.
La seconde partie du mémoire présente l'analyse
et l'interprétation des données recueillies auprès des
diplômés. Le chapitre V commence par un bref profil des
répondants tout en interrogeant le rôle de l'origine sociale. Dans
le chapitre VI, nous traitons tout d'abord du rôle des stages dans
l'obtention de l'emploi, puis du poids des relations sociales dans le contexte
guinéen. Le chapitre VII est consacré aux formations
complémentaires à leur rôle dans l'accès à
l'emploi des diplômés.
Il est fort intéressant de constater dans nos
entrevues, que seulement deux répondants ont obtenu un emploi
directement, alors que les autres ont souvent utilisé des réseaux
relationnels, des formations complémentaires, ou ont fait des stages
pour accéder à un emploi. C'est pour cette raison que notre
travail sur le processus d'insertion est focalisé sur les réseaux
de relations et les formations complémentaires après l'obtention
d'un diplôme à l'Université.
PREMIÈRE PARTIE : EMPLOI, CHÔMAGE ET
INSERTION SOCIOPROFESSIONNELLE
La première partie de ce mémoire recense et
expose la littérature sur l'insertion (chapitre I). La
problématique de l'emploi, du chômage et de l'insertion
socioprofessionnelle présentée de façon diachronique et en
rapport avec des réalités territoriales multiples (Occident,
Afrique et Guinée) et l'analyse conceptuelle sont exposées dans
le chapitre II. Le contexte et le cadre de l'étude sont abordés
dans le chapitre III. Enfin, le chapitre IV présente la démarche
de recherche utilisée pour la collecte des données.
CHAPITRE I : L'INSERTION DANS LA LITTÉRATURE
Dans le domaine de la sociologie, l'insertion des
diplômés se rattache à celui plus globale de la
mobilité sociale. Les recherches qui ont pris pour base les sorties du
système éducatif et l'emploi remontent au début des
années 70. Elles ont été axées principalement sur
:
· les trajectoires suivies par les sortants du
système éducatif lors de leur entrée dans la vie
active;
· leur insertion professionnelle;
· la relation formation/emploi.
Cette revue de la littérature se subdivise en deux
sections qui correspondent grosso modo aux courants de la littérature
sur la question. La première section porte sur le courant descriptif et
la seconde sur les théories factorielles de l'insertion.
1.1 LE COURANT DESCRIPTIF
En France, les travaux du Centre d'études et de
recherche sur les qualifications (CEREQ) réalisés depuis les
années 70 font école à ce sujet, qu'il s'agisse des
enquêtes d'insertion, des enquêtes de cheminement et des bilans
formation/emploi (Teichler, 1989). Au Canada, on aura reconnu les
enquêtes Statistiques Canada (Clark, Laing et Rechnitzer, 1986), et au
Québec, les relances du Ministère de l'éducation et du
Ministère de l'enseignement supérieur et de la science (Audet,
1991, 1993a, 1993b, 1994, Trottier, 1991), de même que celles
d'établissements universitaires (Hamel et al., 1992; Sales et
al., 1996).
En Afrique, la situation du chômage des
diplômés de l'enseignement supérieur remonte à la
décennie 1980-1990 avec une profonde crise économique et sociale.
Tandis que les systèmes éducatifs des pays africains continuent
à produire des diplômés dans des spécialités
relativement saturées (Lachaud, 1994).
Dans le cas de la Guinée, on aurait pu espérer
que l'accroissement du chômage génère une abondante
littérature sur la question. Force est de constater que les
recherches
sociologiques sur ce sujet sont rares. Les quelques
études sur le sujet en Guinée, que nous avons pu consulter, sont
essentiellement descriptives (N'DRI, 1993 ; PADES, 1997, 1998 ;
Ministère de l'Économie et des Finances, 1996; The Economist
Intelligence Unit, 1997-1998; Direction Nationale de la Statistique
Guinée, 1996).
La plus volumineuse de ces études, en rapport avec
l'emploi des diplômés du système universitaire, est celle
portant sur l'efficacité externe des institutions d'enseignement
supérieur. Cette étude avait pour cible les sortants des
institutions d'enseignements supérieurs (IES) des 12 dernières
années (1984-1996) qui ont précédé l'étude
en question. C'est dans les années de sortie 1983-1984, 1984-1985 et
1985-1986 que se retrouve le plus fort contingent de répondants de cette
étude, soit 36 %.
Au total, 1 139 sujets ont été
interrogés, soit 1 026 hommes (90%) et 113 femmes (10%).
Majoritairement, les répondants se retrouvent dans le groupe d'âge
26-30 ans, soit 61%, et 33% se retrouvent dans le groupe de 34 à 41 ans,
les autres soit 6%, se retrouvent dans le groupe des 18 à 25 ans. Les
auteurs de cette étude indiquent que 41% des répondants sont
d'origine paysanne, 30% ont des pères fonctionnaires, 12% sont fils de
commerçants et 17% déclarent avoir un père pratiquant une
fonction libérale ou autre.
Au niveau des enseignements de cette étude, il faut
signaler l'écart constaté entre la sortie de l'Université
et la soutenance du mémoire2. Pour la majorité des
répondants, il s'écoule plus d'une année avant
d'accéder au premier emploi et 41% des répondants n'ont
accédé au premier emploi que 24 mois après la soutenance.
La participation à un stage semble (60% des répondants), pour les
auteurs de cette étude, la voie royale pour obtenir un emploi même
si certains (20%) ont accédé à un emploi par voie de
concours.
Dans l'ensemble, les diplômés des institutions
d'enseignement supérieur en situation de chômage ou pas, jugent
assez positivement la formation. Cette appréciation de la formation
reçue, les répondants la confirment en portant un regard positif
sur la préparation des cours par les enseignants même si la
majorité trouvait la pédagogie mise
en oeuvre peu dynamique et ennuyante. Toutefois, les
répondants à 77% gardent un bon souvenir de leur séjour
sur le campus.
Sur la question de la formation continue, les
répondants font de la maîtrise de l'outil informatique (25%), de
l'anglais (15%) et de l'économie (5%) des priorités. Cependant,
la préférence des répondants semble être la
poursuite des formations complémentaires et le changement de profil
disciplinaire avec un score de 61%. Les auteurs de l'étude en arrivent,
avec ces données, à estimer que la formation continue serait une
avenue intéressante pour les institutions d'enseignement
supérieur de Guinée en raison de la demande et des revenus qu'une
telle formation pourrait générer.
Pour les employeurs, la formation des diplômés du
système universitaire est satisfaisante. Ils sont, en revanche, plus
critiques envers les diplômés de la gestion, des lettres, des
polytechniques et des ingénieurs ruraux. En outre, les employeurs ont
noté certaines faiblesses individuelles de leurs employés,
notamment au plan de la rédaction française, de l'informatique,
de la gestion des ressources humaines, du management, de la gestion
d'unité de travail et autres.
A la suite de cette étude, le programme d'appui au
développement de l'enseignement supérieur (PADES) en a
financé une autre étude en 1998 portant exclusivement sur le
chômage des diplômés des institutions d'enseignement
supérieur. Dans cette étude, il ressort, par exemple, que la
situation du marché de l'emploi en Guinée conduit plusieurs
vagues de diplômés de l'enseignement supérieur à
accepter des emplois et des rémunérations inférieures
à leurs qualifications. Pour les auteurs de cette étude, les
diplômés des quinze dernières années, lorsqu'ils
trouvent un emploi, restent dans une situation précaire et
reçoivent une rémunération nettement inférieure
à celle des employés ayant un niveau de qualification amoindri,
mais plus anciens dans l'entreprise. Cette situation suscite chez les
diplômés un sentiment d'injustice et une exaspération
croissante. Les diplômés sortis des institutions d'enseignement
supérieur ces quinze dernières années ont le sentiment
«d'appartenir> à une «génération
abandonnée>. Les chances d'intégration à la fonction
publique sont quasiment nulles. Les tentatives de création d'entreprise
se heurtent à des obstacles financiers. Les banques exigeant
toujours 30% du capital de la part du promoteur n'arrivent pas
à appuyer les jeunes diplômés.
L'étude du PADES sur l'évaluation de la
situation des diplômés sans emploi (1998), suggère de
façon générale que les causes du chômage des
diplômés du système universitaire guinéen soient
intra et extra. Les causes les plus citées, au niveau intra, sont les
lacunes dans des disciplines majeures comme le français, la
communication écrite (exposé des idées), l'anglais,
l'informatique, l'insuffisance de la diversification des compétences, la
sous-information des diplômés sur les réalités du
marché du travail et la façon de l'aborder. A cela il faut
ajouter le problème de l'orientation généralisante dans le
système éducatif guinéen. Par exemple les
diplômés ayant une formation en littérature, en histoire,
ou en mathématiques, en physique, en chimie etc., se voient
limités à des emplois d'enseignement. Au niveau extra, les
contraintes sont l'interruption du recrutement dans la fonction publique et le
faible nombre d'entreprises privées ou publiques offrant des emplois aux
cadres supérieurs.
Évoquant les causes du chômage des
diplômés du système universitaire guinéen, l'Agence
Guinéenne pour la Promotion de l'Emploi (AGUIPE, 1999), fait remarquer
que l'environnement socio-économique guinéen est
caractérisé, d'une façon générale, par une
détérioration du secteur de l'emploi; les possibilités de
marché de l'emploi en matière d'insertion sont de plus en plus
réduites.
L'étude de Barry (1997), indique que les
diplômés sans emploi issus des institutions d'enseignement
supérieur (IES) ont un âge compris entre 27 et 39 ans. Ce qui
correspond à «l'âge critique» de l'intégration
sociale et de l'insertion professionnelle. L'une des difficultés
d'obtention d'emploi indiquée par cette étude reste liée
au temps mis par les sortants des IES pour faire le mémoire de fin
d'études supérieures. Le manque de moyens financiers suffisant
pour financer leur recherche en est une des causes. Or, l'obtention du
diplôme apparaît très souvent comme un préalable non
moins important à l'acquisition d'un emploi. Aussi, cette étude
révèle-t-elle qu'une fraction importante des répondants,
qui résident tous à Conakry, était constituée de
chômeurs de longue durée. En effet, 36 % d'entre eux avaient 5 ans
et plus de chômage à compter de
la fin de leurs études. Tandis que pour 40 % de
l'échantillon, la durée du chômage varie entre 1 et 4
ans.
Dans l'ensemble, l'interprétation théorique
explicite de l'insertion des diplômés est pratiquement absente de
ces études. Cependant, une lecture poussée de celle-ci permet de
déceler en filigrane l'influence d'une théorie factorielle,
c'est-à-dire des études qui cherchent à identifier des
facteurs affectant l'insertion et donc la mobilité. Cette lecture de
l'insertion s'inspire d'une tradition ancienne dans la littérature
occidentale comme nous allons le voir dans les lignes qui suivent.
1.2 THÉORIES FACTORIELLES
Dans la littérature sur l'insertion, certaines
théories sont dites factorielles, en raison du fait qu'elles mettent de
l'avant une série de facteurs pour expliquer la mobilité sociale.
Pour Lipset et Bendix (1958), un certain nombre de facteurs influencent
positivement ou négativement la mobilité sociale. Parmi ces
facteurs, ces deux auteurs mettent l'accent sur le développement
économique, l'élévation du taux de scolarisation,
l'existence ou la non-existence dans le passé d'un système de
stratification sociale. Face aux difficultés d'évaluation du
modèle, Lipset introduit, avec l'aide de Zetterberg, l'hypothèse
selon laquelle le désir d'ascension sociale des individus est
proportionnellement inverse à la visibilité des barrières
sociales. Plus les barrières sociales seront invisibles moins sera le
désir d'ascension sociale des individus au bas de l'échelle.
Devant l'incapacité empirique d'infirmer ou de confirmer le désir
d'ascension, les chercheurs se tournèrent vers d'autres formes
d'explication de la mobilité sociale. C'est le cas de Boudon (1973), qui
considère que la mobilité est le produit d'un processus
impliquant simultanément un ensemble de facteurs ou variables. De ce
fait, elle doit être vue comme le résultat complexe du filtrage
des individus par une suite d'instances d'orientation (selection agencies).
Ces instances sont nombreuses et ont pour fonction le maintien de la
structure par-delà le mouvement des hommes. Les plus importantes de ces
structures sont l'école, la famille et les classes sociales. Mais
aujourd'hui, on reconnaîtra que l'école n'a pas pour simple
fonction le maintien de la structure mais aussi et surtout sa
transformation.
1.2.1 L'ÉCOLE
Pendant longtemps en Occident, dans les théories
implicites ou explicites, dans la sociologie académique et
spontanée, celle des hommes politiques et des acteurs de terrain, ils se
partageaient la proposition selon laquelle la mobilité sociale
résulterait du développement de la scolarisation. Une
scolarisation qui est corrélative à l'industrialisation et qui
devait conduire automatiquement à une égalisation des chances
devant l'enseignement et devant l'ascension sociale. Cet optimisme se
rattachait explicitement à la théorie de la modernisation qui
voyait dans l'industrialisation, l'urbanisation et l'école des vecteurs
correcteurs des inégalités et égalisateurs des conditions
d'existence. Il était communément admis que, contrairement aux
sociétés traditionnelles, dans les sociétés
industrielles le statut social, pour reprendre le langage de Parsons, n'est pas
imposé (ascribed) ; il est acquis par l'individu
(achieved).
Pourtant, les études empiriques menées sur la
base de ce postulat produisirent des résultats contraires et la plupart
des auteurs relevèrent la persistance et l 'intensité de l
'inégalité des chances scolaires dans les sociétés
industrielles. L'école, selon Boudon (1973), en qui l'Occident
avait vu un mécanisme correcteur des inégalités dues
à la naissance, apparaissait comme incapable de jouer le rôle
qu'on attendait d'elle. C'est Lipset et Bendix (1989) qui
ébranlèrent les premiers cette croyance largement répandue
en arrivant à la conclusion que :
Parmi les diverses formes de l 'inégalité
sociale, l 'inégalité des chances est celle qui apparaît,
avec les inégalités économiques, comme la plus
réfractaire au changement et la plus insensible au développement
des sociétés industrielles (Boudon, 1973 : 12).
En tout état de cause, les études portant sur ce
champ arrivent à admettre qu'il est possible d'une
génération à l'autre de voir apparaître des
améliorations quant au niveau de vie sans qu'il n'y ait des
modifications dans les chances d'accès à l'enseignement
supérieur pour les catégories sociales inférieures. Cette
lecture microsociologique est appuyée par Bourdieu et Passeron (1964,
1970) qui précisent que l'égalité d'accès à
l'école maintient l'inégalité d'origine sociale, puisque
les enfants des classes supérieures ont des moyens culturels et des
motivations qui leur permettent de mieux profiter de
l'école que les enfants des classes inférieures
(Bourdieu, Passeron, 1970 : 27). Pour ces auteurs, l'école contribue
à reproduire l'inégalité sociale observable au sein de la
société globale car en venant à l'école, chaque
enfant est héritier de sa famille de capitaux (social, culturel,
économique, financier, symbolique) et le parcours scolaire de chacun
serait équiprobable aux capitaux hérités dans la famille.
L'école participe, à sa façon, à ce processus
inégalitaire. Et même pour ceux qui arrivent à
l'Université, l'intégration ne se fait pas par hasard. Cette
lecture sociologique est soutenue par Bourdieu (1970 : 206) lorsqu'il dit :
"L 'école peut contribuer à la reproduction
de l 'ordre établi, puisqu 'elle réussit mieux que jamais
à dissimuler la fonction dont elle s 'acquitte. Loin d'être
incompatible avec la reproduction de la structure des rapports de classe, la
mobilité des individus peut concourir à la conservation de ces
rapports, en garantissant la stabilité sociale par la sélection
contrôlée d 'un nombre limité d 'individus ".
En épousant implicitement cette idéologie comme
tant de recherches qui réduisent la question de la reproduction des
rapports de classe à la question de la mobilité
intergénérationnelle des individus, Bourdieu s'interdit de
comprendre tout ce que les pratiques individuelles, et en particulier celles
qui contribuent à la mobilité ou qui en résultent, doivent
à la structure objective des rapports de classe où elles
s'accomplissent.
Toutes ces études mentionnées ci-dessus font
date. De nos jours, les études sur l'insertion des diplômés
s'interrogent davantage sur le paradoxe des sociétés occidentales
où les besoins en personnel hautement qualifié augmentent alors
que les jeunes diplômés rencontrent des difficultés
d'insertion (Sales et al. 1996). Pour Bernadette (1999), le niveau de
qualification et de formation acquis est une variable déterminante dans
les chances d'insertion et de stabilisation. La théorie du «
capital humain », reflétée dans l'adage qui s'instruit
s'enrichit est pertinente. Toujours selon elle, l'absence de diplôme est
largement sanctionnée sur le marché de l'emploi.
Trottier et al. (1995) suggèrent que
même si le taux de chômage des diplômés universitaires
est moins élevé, ils sont néanmoins confrontés
à des problèmes d'insertion professionnelle, de
précarité d'emploi et de sous-emploi. Ce point de vue est
partagé par Sales (1997), dans son article "The Employment Market
Challenges of Knowledge
Workers" quand il indique que les
diplômés du deuxième et troisième cycles
répondent négativement à la question s'ils pensent qu'il
sera facile de trouver un emploi après avoir reçu leurs
diplômes. Cette population normalement optimiste, qui d'ailleurs est
presque unanimement satisfaite de sa condition de vie universitaire, devient
cependant inquiète et pessimiste quand l'entretien se tourne vers son
futur professionnel (Sales, Drolet, Bonneau, Simard, Kuzminski, 1996).
Dans l'ouvrage les universités et le marché
du travail, Alain Charlot (1977), souligne que les différentes
populations étudiantes se situent de manière très
distincte sur le marché du travail : le processus d'insertion
professionnelle est complexe et non linéaire et la diversité des
itinéraires procède d'une réalité sociale qui
déborde largement le cadre de la simple relation formation/emploi.
A propos du chômage, d'Iribarne (1990), s'interroge sur
les effets de l'enseignement sur l'emploi, car pour lui, il est essentiel de
bien distinguer deux phénomènes tout à fait distincts :
d'une part, les conséquences du niveau de formation d'un individu, le
niveau de formation des autres étant supposé donné, sur
ses chances de trouver un emploi ; et d'autre part, les conséquences sur
le chômage global d'un relèvement général du niveau
de formation. Le fait que le premier soit en général favorable
n'implique nullement que le deuxième le soit.
Des auteurs contemporains s'interrogent aujourd'hui sur la
question de savoir pourquoi certains jeunes diplômés s'en sortent
relativement aisément alors que d'autres vont de difficultés en
difficultés. Nombre d'entre eux ont apporté des
éléments de réponse à cette question en
étudiant les facteurs influençant le processus d'insertion.
Ainsi, différentes recherches ont mis en évidence des variables
de divers ordres (variables personnelles et variables situationnelles) qui
jouent un rôle dans le déroulement du processus d'insertion
(Riverin-Simard et al., 1992). Par exemple, les individus les plus
scolarisés sont habituellement mieux placés dans la course
à l'emploi (Gauthier, 1996 ; Limoges, 1998). En Europe, on relève
aussi cet impact positif de la scolarité dans l'obtention d'un emploi,
d'autant plus que les jeunes les plus scolarisés semblent aussi ceux qui
sont les plus favorisés par les programmes d'aide à l'insertion
professionnelle (Galland, 1996 ; Nicole-Drancourt et Rouleau-Berger, 1995).
En Afrique en général, en Guinée en
particulier, la situation se présente autrement. On constate que le
niveau de formation a un effet paradoxal sur l'accès à l'emploi :
« plus le niveau augmente, plus le taux de chômage
s'élève » (Gérard, 1997). Si le niveau de formation
ne peut être retenu comme déterminant, le degré
d'adéquation entre système scolaire et marché de l'emploi
doit en revanche être examiné : l'évolution de ces deux
grands systèmes ou champs et celle de leurs interactions sont en effet
nécessairement à l'origine du phénomène de
chômage. C'est en tenant compte d'une part, de la particularité du
paradoxe entre formation et emploi en Guinée, d'autre part, de
l'influence du réseau familial que nous avons élaboré nos
hypothèses de recherche.
1.2.2 LA FAMILLE
Parsons, dans ses ouvrages de 1953 et 1970, abonde dans le
même sens. Pour cet auteur, le sous-système familial exerce une
fonction essentielle dans le processus de génération des
inégalités en modelant les ambitions de chaque membre de la
famille au statut social de la famille. La famille détermine ainsi, en
première instance, qui va à l'école et pendant combien de
temps et l'école fournit, à son tour, des compétences,
sélectionne les individus et les oriente vers les positions sociales
existantes.
L'étude de Girard et Clerc (1989c) en France, montre
par exemple, que la réussite scolaire variait, à niveau de revenu
égal, avec le niveau culturel des parents, mesuré sur la base du
diplôme le plus élevé détenu par l'un ou l'autre des
parents. Il est surtout apparu que la relation entre héritage culturel
et réussite scolaire est plus manifeste dès le jeune âge au
moment où, précisément, le langage (vocabulaire, syntaxe
et niveau d'abstraction) est affecté par le milieu familial. C'est sur
la base de cette théorie que Boudon se (1973 : 60) résume aux
propositions suivantes :
1. Le développement linguistique est influencé
par le milieu social ;
2. Le développement verbal à une incidence forte
sur les performances intellectuelles en particulier l'aptitude à
manipuler l'abstraction ;
3. La structure des relations familiales varie selon le milieu
social ; ces relations sont plus simples, plus directes, plus autoritaires dans
les classes sociales inférieures ;
4. La syntaxe des relations familiales exerce une influence sur
la syntaxe linguistique de l'enfant.
La notion d'héritage familial (capital, symbolique et
autres) a été élargie par Girard (1989c) en prenant en
compte le nombre d'enfants dans la famille. Pour cet auteur, la
probabilité pour un enfant d'atteindre un niveau élevé
dans le système éducatif est très fortement
affectée par le nombre d'enfants dans la famille.
Bernard et Renaud (1976), réfléchissant sur cet
héritage familial qu'un fils peut recevoir de ses parents, arrivent
à la conclusion que d'une génération à une autre il
y a deux types de biens qui peuvent être transmis :
· Les biens inclusifs ;
· Les biens exclusifs.
Les biens inclusifs sont ceux qu'un père peut
léguer à son fils sans s'en priver. Sur cette longue liste de
biens, il semble, selon ces auteurs, que les aptitudes linguistiques, l
'éducation et les relations personnelles sont les plus importantes.
Les biens inclusifs sont ceux qui ne peuvent être détenus que
par une personne à la fois, de sorte qu'un père en est
privé s'il les donne. Le capital, les terres et d'autres biens
d'ordre économique sont de cet ordre. Cependant, certaines
fonctions politiques (chef, maire, roi) et certains rôles
économiques (gérant d'entreprise familiale) ont, selon ces
auteurs, les mêmes caractéristiques que le capital. Ces biens sont
ceux qu'un père lègue à sa mort ou à sa
retraite.
Pour Bernard et Renaud (1976) le fait de n'accéder
à ces biens exclusifs par le fils que tard dans sa vie explique les
effets différés de l'origine familiale sur le statut. Cette
conclusion est significativement nuancée par Kelley (1976) en mettant de
l'avant trois considérations. D'abord, il y a le fait que certains biens
inclusifs procurent des avantages non seulement au début mais bien tout
au long de la carrière du fils. C'est le cas de
l'éducation qui facilite non seulement l'obtention du
premier emploi mais donne un coup de pouce supplémentaire réel
à toutes les étapes de la carrière. Ensuite, cet auteur
fait remarquer que le devenir d'un individu peut aussi être
affecté par celui de l'entreprise où l'on sert. Certaines
entreprises sont en déclin d'autres sont en expansion. Certaines
personnes sont ambitieuses, entreprenantes d'autres le sont moins. Ces
paramètres joueront d'une certaine façon sur la carrière
des individus. Enfin, cet auteur fait remarquer qu'un père peut
transmettre des biens exclusifs à un fils avant même d'aller
à la retraite. Car tout père, argumente Kelley, attache un
certain prix au succès et au bien être de son fils. De sorte qu'il
est possible pour un père de se priver pour un fils. Surtout que,
défend-il, l'argent à une utilité marginale
décroissante «les derniers cent dollars d'un important revenu ne
seront pas aussi bénéfiques que les premiers cent dollars»
(Kelley, 1976 : 101). Pour Kelley, l'origine familiale reste
l'élément déterminant dans la mobilité des
individus :
G'est un avantage permanent que de naître dans une
famille ayant un statut élevé. Get avantage se manifeste à
l 'école et lors de l 'obtention du premier emploi, ce qui a pour la
suite des effets durables sur la carrière d'une personne (Kelley, 1976
:99).
En effet, un fils, selon Kelley, qui vient d'une famille d'un
statut élevé obtient des ressources économiques dont il se
sert pour acquérir une éducation et de l'équipement. Ce
qui est impossible pour un fils dont le statut de la famille est moins
élevé. Cet auteur en arrive à conclure que
l'éducation contribue non seulement à obtenir un premier emploi
enviable mais fournit aussi un avantage supplémentaire réel
à toutes les étapes de la carrière. L'explication par
l'héritage culturel transmis à l'enfant par sa famille est en
opposition avec l'explication par la position sociale.
En Afrique, les écrits sur la valeur de l'enfant se
présentent autrement. Dans ces sociétés pauvres,
l'abondance d'enfants procurait traditionnellement aux parents
considération, source de main-d'oeuvre de travail, respect,
sécurité relative et espoir pour les vieux jours. Aujourd'hui, du
fait de la rareté des emplois et de l'existence d'un système de
sécurité sociale digne de ce nom, l'une des plus grosse amertumes
qu'un individu puisse avoir est d'atteindre ses vieux jours sans avoir des
enfants capables de prendre la relève
(Ouedrago, 1994). Au regard des parents, et plus
particulièrement de ceux des classes pauvres, maximiser le nombre
d'enfants survivants permet de maximiser la probabilité que l'un ou
l'autre de ces enfants "réussisse dans la vie" et cette réussite
est d'autant plus souhaitable que les règles de solidarité
commandent encore une certaine redistribution sociale des richesses
individuellement acquises. Cependant, les transformations
socioéconomiques récentes d'une part et, de l'autre, les crises
économiques et les programmes d'ajustement structurels ont
profondément marqué les jeunes à la recherche de
l'emploi.
Les enquêtes de Charmes (1994) au Mali et en Mauritanie
à propos du chômage révèlent que ce sont les jeunes
qui payent le plus lourd tribut. Dans les deux pays, le taux de chômage
des diplômés est relativement élevé : plus de 58 %
des actifs de 15-19 ans étaient au chômage en Mauritanie en 1988,
et près de 41% des 20-24 ans, ces taux étant passés de
58,8% et 41% en 1992. Au Mali, en 1990, c'est chez les 20-24 ans et surtout les
25-29 que les taux de chômage étaient les plus
élevés : 8,2 % et 8,5 % (Charmes, 1994). A Dakar, selon Bocquier
(1991), ils étaient 67% demandeurs de premier emploi et l'étude
concluait que "entre un tiers et un quart des jeunes nés après
l'indépendance n'obtiendront pas un emploi avant l'âge de 30 ans.
Tandis qu'en Guinée, plus des 2/3 des jeunes diplômés de
l'enseignement supérieur, situés dans la tranche 20-29 ans, sont
au chômage (Lachaud, 1994).
Eu égard à toutes ces difficultés
d'insertion, de nos jours, les stratégies des jeunes
diplômés consisteraient à entreprendre des formations
complémentaires et des stages et surtout à faire recours aux
réseaux de relations lors de la recherche de l'emploi. Ce sont ces
réseaux que nous verrons dans les lignes qui suivent.
1.2.3 LES RÉSEAUX DE RELATIONS
La notion de réseau social fut d'abord
exploitée par l'anthropologue Barnes (1954) dans ses travaux au cours
des années 1950. Depuis, elle a été adoptée par des
chercheurs oeuvrant dans divers domaines. Récemment, elle a
été utilisée pour définir le support social fourni
aux individus vivant des situations difficiles. Les réseaux sociaux
désignent simplement les systèmes particuliers de liens unissant
des personnes
(Beausoleil et collaborateurs, 1988: 39). Les réseaux
sociaux forment donc une trame de base de la société et
constituent une voie importante d'intégration sociale. Plusieurs ont
ainsi choisi d'y avoir recours dans une foule de situations comme
l'intervention, la recherche de l'emploi ou la réinsertion sociale. Les
réseaux sont enfin des entités dont les frontières ne sont
jamais complètement délimitées; ils évoluent et
s'adaptent rapidement, et se rendent facilement indépendants des
institutions. Plusieurs auteurs ont démontré l'efficacité
des réseaux sociaux comme mode d'accès à l'emploi, comme
réponse au problème du chômage chez les jeunes. Pour
Vincent Lemieux (2000 : 18), les réseaux sociaux sont faits de liens,
généralement positifs, forts ou faibles, tels qu'il y a une
connexion directe ou indirecte de chacun des participants à chacun des
autres, permettant la mise en commun des ressources dans le milieu interne.
La plupart des thèses sur la théorie des liens
trouvent leur origine dans les travaux de Granovetter (1973) et
établissent simultanément les fondements théoriques de
modes de régulation informels comme les réseaux. Dans un article
The Strength of Weak Ties (1973, 1982), Granovetter distingue deux
sortes de liens : des liens forts et des liens faibles qui sont présents
dans la plupart des réseaux. Afin de pouvoir qualifier ces relations,
Granovetter (1973, 1982) classe les liens interpersonnels en fonction de leur
force. La force ou la faiblesse d'une relation s'évaluent à
partir de la durée de la relation, de l'intensité
émotionnelle, de l'intimité et finalement, des services
réciproques que se rendent les individus (1973: 1361). Des liens forts
prendront, par exemple, la forme de relations familiales ou de grandes
amitiés, tandis que des liens faibles se concrétiseront souvent
à travers des relations entre anciens collègues d'école ou
de travail. L'auteur arrive à la conclusion que plus le réseau
d'un individu est composé de gens avec lesquels il entretient des liens
forts et plus ce réseau a de chances de constituer un milieu clos. Les
liens faibles sont ceux qui peuvent jeter des ponts entre ces milieux. C'est
à travers eux que circulent les informations et que des individus
appartenant à des réseaux différents peuvent entrer en
contact. L'enquête de Granovetter (1973) démontre que ceux qui
obtiennent les meilleurs emplois sont ceux qui utilisent des contacts
professionnels plutôt que des liens familiaux ou d'amitié, des
liens faibles plutôt que des liens forts et des chaînes de
relations courtes.
Abordant la notion de recours aux réseaux sociaux pour
l'accès à l'emploi dans les pays en développement,
Bocquier et Fall (1992) font remarquer que si a priori, la compétence
détermine avant tout l'accès à l'emploi, la formation
scolaire est un critère d'embauche essentiel dans certaines entreprises,
en particulier dans le secteur public. Cependant, la mobilisation de la
main-d'oeuvre par les entreprises, mêmes modernes, s'insère de
fait dans un environnement relationnel, et on constate que le recours à
un tiers chez les diplômés n'est pas un phénomène
négligeable. Les auteurs de cette étude précisent que tout
d'abord la difficulté de l'accès à l'emploi pour les
jeunes générations s'est accompagnée d'un recours plus
systématique à la parenté ; ensuite, lorsqu'il y a recours
pour obtenir un emploi dans le secteur public, la personne ressource est plus
souvent un parent. Ainsi, les parents sont plus souvent sollicités
lorsque le service est difficile à rendre.
En effet, dans le contexte de raréfaction de l'offre
d'emploi pour les jeunes, il est de plus en plus difficile de trouver une
personne-ressource occupant une position privilégiée. Ainsi, le
champ des possibles se resserre et les diplômés sont maintenant
contraints de faire appel à des relations de plus en plus
variées. C'est pourquoi, dans un contexte de crise et de saturation des
filières d'embauche, les réseaux sociaux, du fait de leurs
caractéristiques à la fois informelle et transversale, sont
particulièrement mis à contribution pour l'accès à
l'emploi.
On a vu avec Bourdieu que l'origine sociale influence
l'insertion. En Afrique, ce sont les réseaux qui jouent ce rôle.
Cependant, il faut préciser que les réseaux sont divers (niveau
familial, amical et lointain) comme l'ont fait remarquer des auteurs comme
Bocquier et Fall (1992) ; Gérard, (1997).
1.2.4 LES CLASSES SOCIALES
Pour Hyman (1980c) les inégalités qu'on observe
à l'égard de la réussite sont fortement reliées
à la classe sociale qui dicte à ses membres, d'une certaine
façon, le système de valeurs par rapport à l'école
et à la réussite. Sur la base de cette hypothèse forte,
Hyman (1980c) montre que plus le statut socioprofessionnel est bas, plus les
individus perçoivent l'instruction comme un moyen marginal dans la
réussite, réussite associée
chez ces personnes à la simple sécurité
matérielle et résultant de facteurs extraindividuels (chance,
hasard, et destin). En fait, de la classe moyenne (middle class) aux
classes inférieures, Hyman constate le passage d'une position
volontariste et rationaliste de la réussite à celle de
passivité et de fatalisme.
Sur la base des conclusions de l'étude de Hyman, des
auteurs, comme Chinoy (1967), se sont demandés si les systèmes de
valeurs des individus devaient être tenus pour des effets ou, au
contraire, comme des causes. Cette interrogation capitale s'est imposée
à Chinoy suite à sa célèbre étude sur les
ouvriers de l'industrie automobile. Dans cette étude, il était
apparu à cet auteur que les ouvriers, qui n'avaient aucune chance de
promotion dans l'entreprise ou en la quittant, gardaient le sentiment que la
réussite sociale leur était accessible. Cet espoir à
l'accessibilité de la réussite découlait de la
signification qu'ils donnaient à celle-ci. Pour ces ouvriers,
réussir c'est gagner quelques cents de plus, changer de voiture,
améliorer l'équipement domestique. On pourrait dire, pour
reprendre Chinoy, que les conditions objectives ont, en quelque sorte,
dicté leur lecture de la réussite qui équivaut à un
peu plus de confort et de sécurité monétaire. En fait,
Hyman pour asseoir sa démonstration s'est largement inspiré de la
notion de "groupe de référence" développée par
Merton (1986c). Pour cet auteur, les ambitions et les attitudes se construisent
à partir du milieu social d'appartenance des individus. Bourdieu et
Passeron abondent dans le même sens quand ils affirment : « De
tous les facteurs de différenciations, l 'origine sociale est sans doute
celui dont l 'influence s 'exerce le plus fortement sur le milieu
étudiant » (1964 : 22).
Cependant, parlant des inégalités qu'on observe
à l'égard des classes sociales, Bourdieu fait remarquer que
l'avantage des étudiants originaires des classes supérieures est
de plus en plus marqué à mesure que l'on s'éloigne des
domaines de la culture directement enseignée et totalement
contrôlée par l'école.
Ces schémas explicatifs, s'ils privilégient
certains aspects par rapport à d'autres, se recoupent pour admettre que
la mobilité est à faire. Les individus ont des chances
différentes de réussir. Pour réussir, la famille et
l'école jouent un rôle capital. La famille joue ce rôle par
sa position sociale, ses capitaux (social et économique) et sa
structure. Elle continuera à donner un appui important pendant la
formation, par la mobilisation
des ressources, mais aussi pendant la phase d'insertion par
la mobilisation d'autres types de ressources. En Guinée par exemple,
c'est le cas des formations complémentaires, des stages et des
réseaux relationnels.
En somme, l'étude de l'évolution de l'insertion
professionnelle dans un contexte de crise est marquée par la
présence de thèses aux présupposés antinomiques.
Dès lors, il s'avère indispensable de multiplier les
études en vue de mieux appréhender la complexification
grandissante de l'insertion des diplômés en milieu urbain et
d'arriver à une meilleure documentation des effets de la crise
économique et des changements structurels sur le marché de
l'emploi guinéen.
Modélisation de l'insertion des
diplômés
Entrée sur le marché de travail
Relations familiales ou amicales
Origine sociale
Entrée à l'Université
Formation de spécialisation Formations
complémentaires Stages
Emploi
Chômage temporaire ou précarité
Exclusion du marché de travail
CHAPITRE II : PROBLÉMATIQUE ET ANALYSE
CONCEPTUELLE
2.1 PROBLÉMATIQUE
La fin du siècle dernier a été
marquée dans le monde par le chômage et la précarité
de l'emploi. Si la situation est variable d'un continent à l'autre d'un
pays à l'autre, il n'en demeure pas moins que l'époque est
marquée par une situation d'emploi difficile et souvent instable.
D'après d'Iribarne (1990), dans les pays industrialisés, on
pourrait être porté à penser, à première vue,
que les diplômés universitaires, étant donné leur
niveau de scolarité élevé ou la sélection dont ils
ont fait l'objet, rencontrent peu de problèmes d'insertion
professionnelle. Ils ont en effet un avantage relatif sur le marché du
travail. Mais il importe, pour apprécier cet avantage, de replacer
celui-ci dans la perspective du secteur public qui constituait le principal
débouché de l'enseignement supérieur. En effet, le secteur
public a subi, au cours des années 80, suite aux pressions sur les
dépenses publiques, des transformations telles qu'il n'offre plus les
mêmes possibilités de recrutement alors que l'enseignement
supérieur a continué de se développer. Ces contraintes
s'avèrent encore plus vives dans le contexte de la récession
économique du début des années 90, et sont de nature
à modifier profondément les débouchés pour les
diplômés de l'enseignement supérieur. L'expansion du
secteur privé n'a pas été suffisante pour compenser
l'absence de croissance du secteur public, et le décalage entre l'offre
et la demande se traduit par une dégradation des conditions d'insertion
et le sousemploi des diplômés.
D'après Fournier et al. (2000), en Europe, il
existe une incertitude quant à l'avenir professionnel des jeunes, avec
des conséquences semblables à celles constatées en
Amérique du Nord, que relèvent des auteurs comme Benedetto
(1995), Demazière (1995, 1996), Dubar (1996), Galland (1996),
Nicole-Drancourt et Rouleau-Berber (1995), Werquin (1996) et White et McRae
(1988). Cette transition difficile de la formation à l'installation dans
un emploi satisfaisant, marquée par la mouvance et
l'insécurité, que l'on peut désigner par l'expression
précarité d'insertion s'inscrit dans un contexte global de
transformation de l'emploi qui affecte la majorité des travailleurs.
L'OCDE (1992), qui publie les taux de chômage
standardisés pour les pays appartenant à cette organisation,
abonde dans le même sens en indiquant que les contrastes entre les
évolutions des taux de chômage de 1973 à 1988, dans les
divers pays, sont spectaculaires. Aux États-Unis, après avoir
crû vivement entre 1973 et 1982, le chômage a presque
retrouvé en 1988 son niveau d'avant la crise (passant au total de 4,8%
à 5,4 %). Il est resté faible au Japon (passant de 1,3% à
2,5 %). Par contre, sa croissance sur l'ensemble de la période a
été très forte dans la plupart des pays de l'Union
Européenne et en particulier en France (de 2,6% à 10,3 %).
Cependant, il faut rappeler qu'il y a eu regain de l'emploi à la fin des
années 90 et début 2000.
Selon le Conseil Supérieur de l'Éducation (CSE,
1997), au Canada, en 1997, chez les jeunes de 15 à 24 ans, le taux de
chômage des personnes qui détenaient un grade universitaire
était de 4,8 %. L'étude de Sales et al. (1996), a
souligné aussi le haut taux de chômage au Québec chez les
jeunes de 15 à 24 ans. Il était estimé par Statistique
Canada à 11,8 % en 1996 et 9,8 % en 1997. Tandis que le taux de
chômage des diplômés universitaires âgés de 20
à 24 ans était en 1991, de 13,2 %. L'inquiétude des jeunes
face à la crise de l'emploi et à leur avenir professionnel
incertain n'a cessé de grandir. En plus, une partie non
négligeable des jeunes (22,1 % des hommes et 31,8 % des femmes
âgés de 20 à 24 ans) ne trouvent que du travail à
temps partiel dans de <<très petites entreprises>> de moins
de 20 employés (CSE, 1997).
Cependant, Sales (1997 : 13) dans son article :
"Marchés du travail des agents du savoir formel et défis dans
une économie en restructuration" atténue cette situation en
précisant : << A première vue, et contrairement à la
vision pessimiste des étudiants, la situation de l'emploi entre 1982 et
1994 ne s'est pas détériorée. On constate que le taux de
placement général s'est maintenu. Apparemment élevé
(88,6%), il laisse cependant deux ans après l'obtention du diplôme
de premier cycle plus de 11% des individus en chômage >>. Pour cet
auteur (1997), on pourrait s'en accommoder sachant que cinq ans après
être sortis de l'université, les diplômés voient leur
taux de chômage diminuer de moitié. Mais il n'est pas dit qu'il
s'agisse de "bons" emplois dits primaires en adéquation avec le niveau
et le domaine d'études. Cette situation est imputée parfois
à la disponibilité d'individus "surqualifiés" qui pour les
employeurs se combine à une
mauvaise image des non ou des peu formés dans un
contexte de détérioration de la situation de l'emploi, pour
entraîner un relèvement des niveaux de recrutement et une
déqualification des individus dans leurs postes par rapport à
leur formation (d'Iribarne, 1990 cité par Sales) qui mène en fait
au sous-emploi et qui n'est au fond qu'un déclassement. Sur des
ensembles nombreux, cette tendance pourrait conduire à une diminution du
niveau d'emploi moyen et des salaires afférents (OCDE, 1993).
"Jusqu'à présent, les marchés du travail hautement
qualifiés étaient réputés moins sensibles aux
fluctuations de la conjoncture parce que les diplômés
étaient fréquemment employés dans les services et
particulièrement les services publics (OCDE, 1993:105). En revanche, les
coupures massives réalisées dans le secteur public ont
montré leur sensibilité aux tendances structurelles, le cas le
plus fréquent dans plusieurs pays étant celui des enseignants".
Enfin, Sales conclut que les taux de chômage ne sont pas obligatoirement
le meilleur signe de la situation de l'emploi à cause des effets de
substitution mentionnés plus haut.
Dans le cas des pays africains, le chômage des jeunes
urbains est beaucoup plus grave et constitue une préoccupation constante
des gouvernements africains en général et ceux de l'Afrique
sub-saharienne en particulier. En effet, les jeunes de moins de 15 ans forment
entre 40 et 60 % de la population de cette partie du continent (Bocquier, 1994)
et, en vieillissant, ils viennent augmenter chaque année la masse de la
main-d'oeuvre potentielle sur le marché de l'emploi. En
conséquence, l'absorption des premiers demandeurs d'emploi sur les
marchés du travail urbains est rendue plus difficile.
Comme les jeunes de moins de 30 ans sont les plus nombreux
dans la population des actifs, les taux de chômage sont
particulièrement élevés en Afrique sub-saharienne. Ils
seraient de 22,8 % en 1986 à Abidjan, 24,4 % à Dakar en 1991,
14,8 % à Bamako en 1992, 24,6 à Yaoundé en 1992 et 35 %
à Conakry en 1998. A partir de ces pourcentages, Bocquier, (1994) estime
qu'au moins un quart de la population active en Afrique subsaharienne est au
chômage, dont environ deux tiers sont des jeunes de moins de 30 ans, pour
la plupart à la recherche de leur premier emploi. Ainsi, au fil des ans,
les jeunes diplômés vont se transformer en une catégorie
sociale revendiquant le statut de chômeur et exigeant des mesures
spécifiques d'insertion sur le marché de l'emploi. Si le
chômage
des jeunes en général constitue une
préoccupation des gouvernements africains, celui des
diplômés de l'enseignement supérieur demeure
particulièrement préoccupant.
En Afrique sub-saharienne, la situation du chômage des
diplômés de l'enseignement supérieur remonte aux
années 80 avec la crise économique alors que les systèmes
éducatifs des pays africains continuaient à produire des
diplômés dans des spécialités relativement
saturées (Lachaud, 1994 :16). Au cours de ces dernières
années, il semble que plusieurs ajustements structurels aient
été réalisés sur le marché du travail urbain
de la plupart des pays d'Afrique subsaharienne et que le taux de chômage
urbain a considérablement augmenté. Il a doublé entre 1975
et 1990, passant de 10 à 20% environ. En plus, dans cinq pays sur six
enquêtés (Mali, Côte d'Ivoire, Burkina Faso, Cameroun et la
Guinée), au moins 70 % des individus au chômage recherchaient un
travail pour la première fois.
La même étude indique qu'en Guinée,
l'incidence des restructurations et des liquidations d'entreprises publiques
sur les pertes d'emploi a été plus accentuée que partout
ailleurs en Afrique et que la situation de l'emploi est particulièrement
préoccupante. Situation due à la suppression de l'embauche
automatique, au blocage des recrutements des jeunes diplômés.
Ainsi, la garantie d'un emploi en fin d'études ayant été
abolie en 1985 et les embauches dans la fonction publique gelées, des
milliers de jeunes diplômés sont au chômage. Pendant ce
temps, le secteur privé, sur lequel repose l'espoir du gouvernement pour
résorber ce monde de chômeurs, est en gestation avec une
capacité d'embauche très limitée. Selon Lachaud (1994
:71), en Guinée, le chômage concerne plus particulièrement
deux catégories de personnes : les membres de ménages pauvres,
surtout lorsqu'ils sont chefs de ménage, et les jeunes de la tranche
20-29 ans lorsque ces derniers sont des diplômés de l'enseignement
supérieur.
Dans le cas de la Guinée, le changement de
régime politique en 1984 marque un tournant important dans le domaine de
l'éducation. Au cours de la période de 1958- 1965, la politique
éducative visait essentiellement la formation d'agents devant remplacer
les fonctionnaires coloniaux ayant quitté le pays après
l'indépendance. A partir de 1966 jusqu'en 1984, la politique
éducative était fondée sur l'instauration d'un
système d'enseignement de masse avec une
généralisation de l'utilisation des langues nationales.
Suites aux conférences nationales tenues à
Conakry en mai et juin 1984 et en avril 1985 les objectifs de
l'éducation ont été redéfinis pour assurer
l'amélioration de la qualité de l'enseignement par la formation
des enseignants, l'introduction du français comme langue d'enseignement
et la réouverture des écoles privées. Depuis 1986, la
Guinée a connu une hausse générale de la scolarisation
à tous les niveaux. Par exemple à l'Université de Conakry
qui fait l'objet de notre étude, les effectifs sont passés de
1500 étudiants en 1986 à 9 722 en 1998. Cette hausse des
effectifs combinée avec le changement de politique économique
(restructurations et liquidations des entreprises publiques, du fait des
exigences des programmes d'ajustement structurels : désengagement de
l'État, assainissement des finances publiques) a entraîné
la suppression de l'embauche automatique par l'État, et par
conséquent, le blocage du recrutement des jeunes
diplômés.
D'après Diallo et al. (1996), le taux de
chômage global en Guinée serait de 18% pour les titulaires d'un
diplôme universitaire et de 17% pour ceux ayant accédé
à l'enseignement technique et professionnel. Ce taux serait de 7% pour
les individus ayant un niveau d'instruction équivalent au secondaire; de
3% pour les individus dont le niveau d'instruction n'excède pas le
primaire. Selon les évaluations de l'Association Nationale des
Diplômés sans Emploi de Guinée (ANDISEG, 1997), 75 000
diplômés du système éducatif guinéen seraient
sans emploi. De ces diplômés, 25 000 seraient des titulaires de
diplômes universitaires. Soit 33% de l'effectif global des chômeurs
du système éducatif guinéen. Même parmi les 436
titulaires d'un doctorat, 54 seraient au chômage (PADES, 1998).
Le chômage des diplômés de l'enseignement
supérieur en Guinée semble donc être une tendance majeure,
sans perspective d'amélioration à court terme. Cette situation
suscite chez les diplômés un sentiment d'injustice et une
exaspération croissante. En fait, la Guinée semble se trouver
dans une situation de crise marquée par la supériorité de
l'offre par rapport à la demande. Une situation observée aussi
dans d'autres pays africains, que Belloncle (1984) et Ki-Zerbo (1990) appellent
la "sur-scolarisation" et que Furter (1977)
décrit par la stagflation. C'est-à-dire une
situation économique où stagnent les offres d'emploi pour
diplômés mais où augmentent de façon inflationniste
les effectifs et les coûts scolaires.
Devant l'ampleur du chômage, des réflexions et
quelques réformes ont été entreprises en Guinée. On
peut noter la création de cycles universitaires plus courts comme les
premiers cycles au niveau des Facultés des Sciences, des Lettres et
Sciences Humaines et plus adaptés au besoin du marché de travail
comme les filières professionnalisantes (Aménagement, Tourisme,
Archives et Documentations, Journalisme et Animation culturelle). Toutes ces
réformes visent à répondre aux modifications qui affectent
le marché de l'emploi et surviennent à l'heure des interrogations
sur le rôle de l'Université dans la recherche de solutions au
problème du chômage.
Cependant, aucune étude, à notre connaissance,
n'a été menée pour indiquer le processus d'insertion des
diplômés de l'enseignement supérieur. Aux réponses
de nature politique sur l'insertion, nous proposons une réflexion
centrée sur deux interrogations :
· a)-les diplômés de l'Université de
Conakry parviennent-ils à s'intégrer au marché de
l'emploi, sous quelle condition, moyennant quels délais, aux prix de
quelles difficultés ?
· b)-quels sont les atouts dont disposent certains
diplômés qui accèdent à l'emploi plus facilement que
la majorité des autres diplômés, dont l'accès au
premier emploi demanderait plus de deux ans ?
La plupart des études portant sur l'insertion ont
été conçues principalement pour répondre à
des besoins de gestion et de planification des instances gouvernementales et
des établissements d'enseignement. Plusieurs ont été
réalisés en vue de mesurer l'adéquation entre
formation/emploi (Trottier et al. 1995). Cependant, la crise
économique des années 80 a remis en question ce postulat. Ainsi,
depuis cette période, nombre d'auteurs sonnent l'alarme par rapport aux
difficultés qu'éprouvent les jeunes diplômés
à se tailler une place dans le monde du travail.
Au Québec, Deniger (1996), Sales et al.
(1996), Fournier et St-Onge (1997), Gauthier (1988, 1990, 1996) et
Fournier et al. (2000) sont parmi ceux qui ont mis en évidence
la longue et difficile période de tâtonnement, de succession
d'emplois précaires et d'interruptions de travail, d'essais de travail
autonome, de participation à des mesures d'aide à
l'employabilité, réalités qui entourent actuellement
l'installation sur le marché du travail. Ces difficultés que
connaissent ainsi la majorité des jeunes en situation de transition
entre la formation et le travail peuvent entraîner un cortège
d'effets indésirables, que différents auteurs (Attias-Donfut,
1996; Deniger, 1996; Fournier et StOnge, 1997; Gauthier, 1988, 1990, 1996;
Laville, 1996) ont abondamment décrit : perte d'espoir dans l'avenir,
démobilisation, confusion dans l'établissement d'une
identité socioprofessionnelle, retard dans l'accession au statut
d'adulte et délai dans la fondation d'une famille, baisse d'estime de
soi, isolement, sinon marginalisation et dans une autre ligne de pensée,
accroissement de la charge des parents qui continuent pendant plus longtemps
à entretenir leurs grands enfants.
OBJECTIF PRINCIPAL
En Guinée, l'école en général, et
l'enseignement supérieur en particulier, était avant 1984 un
moyen sûr d'insertion professionnelle et de mobilité sociale. Au
contraire, les quelques données disponibles sur la Guinée
actuellement font ressortir une insertion professionnelle des
diplômés du supérieur plutôt difficile. L'objet
principal de cette recherche est de comprendre cette situation à travers
la collecte, le traitement et l'interprétation des données
portant sur le devenir professionnel de certains diplômés du
système universitaire guinéen formés à
l'Université de Conakry. Pour att eindre cet objectif, notre recherche
sera structurée autour de trois hypothèses.
2.2 HYPOTHESES
Dans le cadre de cette recherche, à partir de notre revue
de littérature, nous faisons les hypothèses suivantes :
1) premièrement, l'origine sociale influence l'insertion
des diplômés ;
2) deuxièmement, les réseaux de relations
jouent un rôle important dans l'accès aux emplois (effet direct et
indirect) et le recours à ces réseaux peut revêtir
plusieurs formes.
3) troisièmement, le renforcement du diplôme
universitaire par une formation complémentaire (en informatique, en
anglais ou en gestion par exemple) ou par un stage augmente notablement les
chances d'insertion professionnelle.
La vérification de ces hypothèses et l'atteinte
de l'objectif de recherches ci-dessus énoncées appellent la mise
en oeuvre d'une analyse conceptuelle et d'une méthodologie de recherche
appropriée.
2.3 ANALYSE CONCEPTUELLE
Dans cette partie, nous procéderons à une
analyse des concepts : marché du travail, chômage et insertion
professionnelle qui sont au centre de notre étude. Cette
conceptualisation s'avère essentiel car c'est elle qui donne sens
à la méthodologie de recherche qui a été
adoptée.
2.3.1 LE MARCHÉ DU TRAVAIL
La notion de marché renvoie à la dynamique de
l'offre et de la demande, à leur déséquilibre et à
certaines conséquences qui en découlent, c'est-à-dire le
manque d'emploi ou la rareté des travailleurs. Le Robert (2000 : 370)
définit le marché comme un ensemble des offres et des demandes
concernant une catégorie (ou un ensemble) de biens, de services ou de
capitaux. Le marché du travail est composé de deux
éléments qui tendent à s'ajuster l'un à l'autre
pour ainsi être en situation d'équilibre. D'un côté
il y a l'offre et, de l'autre, la demande. Ces deux facettes
complémentaires décrivent respectivement la capacité des
biens pouvant être vendus ou achetés. L'offre d'un bien
représente, selon Claude (1990 : 317) « la quantité de ce
bien qui peut être vendue sur un marché à un prix
donné » tandis que la demande correspond à « la
quantité de bien qu'un acheteur est disposé à
acquérir et qu'il peut payer ». Ainsi, la réponse à
la demande est donnée par l'offre et vice versa.
L'offre et la demande dépendent du point de vue
adopté, en ce sens qu'elles s'interprètent à partir de ce
qui est échangé. Par exemple, du point de vue de l'employeur,
l'offre correspond au temps de travail (ou la compétence) qu'il peut
acheter. La demande quant à elle, émane des individus à la
recherche d'un emploi et correspond à la force de travail qui pourrait
être vendue. Ainsi, l'employeur offre un emploi et le
travailleur en demande un. Du point de vue du travailleur, l'offre
correspond à sa force de travail et/ou ses compétences qu'il vend
aux entreprises : il offre ses services. La demande, dans ce cas-ci, provient
des entreprises et correspond à la demande de main-d'oeuvre. Ainsi, le
travailleur offre son temps et sa force de travail et l'employeur
demande de la main-d'oeuvre (Grenier, 1998).
L'écart entre l'offre et la demande engendre un manque
d'emploi ou une rareté de travailleurs. Dans le premier cas, le
chômage est lié aux faibles ventes des entreprises. Les
employeurs, parce qu'ils ne vendent pas suffisamment, limitent leur recrutement
laissant ainsi certains individus sans emploi. La demande de travail est donc
supérieure à l'offre. Dans le second cas, le
déséquilibre provient du fait que les entreprises ne parviennent
pas à combler les postes disponibles, la main-d'oeuvre étant
déficiente. Ici, l'offre de travail est supérieure à la
demande (Gazier, 1991).
Par ailleurs, les acteurs qui interagissent sur le
marché du travail (les employeurs et les demandeurs) ajustent donc leur
comportement en fonction, d'une part, de ces situations de
déséquilibre et, d'autre part, de leurs besoins et de ceux des
autres. Le comportement des acteurs s'explique, comme le souligne Boudon
(1977), en supposant qu'ils cherchent principalement à servir de
manière satisfaisante leurs propres intérêts en employant
les moyens qu'ils jugent les plus adéquats. Ils se fixent un objectif,
déterminent les moyens susceptibles de les conduire à cet
objectif et choisissent parmi ces moyens le plus avantageux ou celui qu'ils
préfèrent.
En ce qui concerne les diplômés de l'enseignement
supérieur, leur marché est complexe en fonction des types de
formations ou domaine d'études. C'est pourquoi, à défaut
de se diriger vers des marchés spécialisés propres aux
diplômés, lorsque ces derniers sont saturés, ils sont
obligés de s'orienter vers des marchés indifférents
à la formation et à la limite donc plus
indifférenciés.
Même si l'on parle du marché de travail dans son
ensemble, il est apparu très tôt qu'il s'agissait d'une
réalité très différenciée. En effet, comme
le souligne Sales (1997 : 9), la spécialisation universitaire, puis
l'expérience acquise dans un domaine professionnel empêchent de
changer rapidement de filière professionnelle, à cause de la
durée, des coûts et des risques d'un tel changement.
« Ceci conduit, pour aller au delà de la
considération des rigidités des flux d'emploi, à
reconnaître qu'il n'y a pas un marché du travail unifié
pour les agents du savoir formel, mais plutôt de multiples marchés
du travail propres à des filières de formation ou des
sous-ensembles de filières qui d'une certaine façon
reflètent ou transcrivent la balkanisation du savoir formel. Ces
marchés compartimentés sont définis à la fois par
les disciplines et les professions plus ou moins structurées qui leur
sont associées, par les statuts choisis ou obtenus par les individus qui
les placent sur des échelles spécifiques de carrière et de
rémunération, et bien entendu par les types d'organisations qui
emploient des diplômés universitaires en développant des
marchés internes ou externes de qualité primaire ou secondaire.
Pour comprendre en détail cette différenciation du marché
du travail des diplômés universitaires, il faut faire appel
à ce que Sales désigne : comme des trajectoires structurelles
d'emploi (structural job trajectories) tout en tenant compte du type de
rationalité qui caractérise chaque discipline ».
Le marché interne peut être défini comme
étant "les mécanismes d'allocation de la main d'oeuvre internes
aux entreprises, qui définissent l'ensemble des postes, des affectations
et des rémunérations, et les règles de mouvements des
travailleurs dans cet ensemble il s'agit ainsi d'un espace de mobilité
que l'on peut observer surtout dans les grandes firmes, et constitué
d'une séries de règles générales qui
prévalent pour leurs employés, et ne sont donc pas
négociables au coup par coup. Ce sont des filières d'utilisation
et de promotion de la main d'oeuvre, largement déconnectées des
confrontations entre offreurs et demandeurs sur le marché
externe."(Gazier, 1992 : 223).
2.3.2 LE CHÔMAGE
Depuis le début des recherches sur le chômage, la
définition du chômeur a présenté de grandes
difficultés. C'est que le chômage n'est pas seulement le
non-emploi ou le non-travail. Il fait intervenir les aptitudes d'un individu,
son statut, et aussi les institutions,
notamment administratives, de la société dont il
fait partie. On ne saurait donc s'étonner des approches successives et
diverses d'un concept dont dépendent toutes les analyses qui peuvent
être faites des populations de chômeurs et de la situation de
chômage.
Ainsi, définir ce qu'est un chômeur ne semble pas
a priori poser de problème; pourtant l'examen de la définition
officielle du Bureau International du Travail (BIT) montre qu'en
réalité cette notion n'est pas facile à
appréhender. En fait, plusieurs interprétations sont possibles,
ce qui explique la diversité des indicateurs nationaux et la
difficulté des comparaisons à l'échelle internationale.
D'une façon générale et formelle est
considéré comme chômeur l'individu qui, ne travaillant pas,
est capable de travailler et veut travailler.
Selon le dictionnaire de sociologie Le Robert/Seuil (1999 :
72), le chômage se définit d'abord comme une inactivité
forcée due au manque de travail, d'emploi; il est aussi un statut
reconnu et encadré par des règles qui le définissent et
des institutions de gestion et de soutien des chômeurs; enfin, il est un
vécu subjectif dans les trajectoires des individus privés
d'emploi.
D'après Eurostat (1982), le chômage peut
être défini comme l'ensemble des personnes âgées de
15 ans et plus, sans travail, disponibles pour commencer à travailler
dans les deux semaines et qui ont cherché, d'une manière active,
un emploi au cours des quatre semaines précédentes. Pour le BIT
(1991 : 13), un chômeur est une personne sans travail, disponible pour en
exercer un et à la recherche d'un emploi.
Dans l'Encyclopédia Universalis (1998 : 492), toujours
selon le BIT, un chômeur est un individu ayant
<<dépassé un âge spécifié>>, qui,
<<au cours d'une période de référence>>, est
<<sans travail>>, est <<disponible pour travailler dans un
emploi salarié>>, a <<pris des dispositions
spécifiques au cours d'une période récente
spécifiée pour chercher un emploi salarié ou non
salarié>>.
Dans une perspective sociologique, le chômeur est un
travailleur privé d'emploi, c'est-àdire un sujet qui est plus ou
moins poussé à trouver un emploi salarié par certaines
conditions sociales, et à qui il est plus ou moins
prohibé de trouver un emploi par d'autres conditions sociales
(Encyclopédia Universalis, 1998 : 499).
La recherche sociologique tente de déterminer ces
conditions qui rendent un individu plus ou moins <<employable>>.
Elle essaie de savoir si certains traits physiques, démographiques,
professionnels et psychologiques ne rendent pas certaines personnes moins
employables que les autres. S'il en est ainsi, le chômage est
sélectif. La question que l'on peut se poser c'est de savoir si le
chômage est-il sélectif? S'il est sélectif, quels sont les
facteurs de cette sélectivité?
Le fait même de la sélectivité, le
chômage a été l'objet de nombreuses controverses: les uns
contestant cette sélectivité et considérant que les
conditions économiques globales étaient seules
déterminantes, les autres affirmant à l'opposé que des
causes sociales particulières jouaient un rôle essentiel.
En effet, le chômage n'apparaît pas toujours
également sélectif. Très sélectif dans certaines
conjonctures, il l'est fort peu dans d'autres. D'une façon
générale, on peut dire qu'il est d'autant plus sélectif
que le niveau de l'emploi est élevé. En période de bas
niveau de l'emploi, il tend à toucher plus régulièrement
toutes les catégories d'actifs dans l'ordre démographique,
professionnel, géographique. Le chômage de
prospérité atteint certains groupes plus que d'autres. Le
chômage de crise frappe davantage au hasard: les conditions globales
l'emportent sur les causes démographiques (âge, sexe) ou
professionnelles (métier, branche, etc.).
Si l'explication du chômage est l'objet de
théories sophistiquées, elle continue parfois à prendre
une forme que l'on pourrait qualifier de << pré-économique
>> (en ce sens qu'elle se dispense de faire appel à une analyse
des déterminants économiques de l'offre et de la demande de
travail, ainsi que de leur ajustement). Le chômage est alors simplement
attribué à la difficulté qu'il y aurait à <<
créer des emplois >>. Et il est censé devoir être
d'autant plus important que la population active se développe plus vite
(d'Iribarne, 1990 : 13).
Selon la définition du bureau national du recensement
(BNR), le chômage : << sur le marché de l'emploi en
Guinée, concerne les jeunes diplômés hommes et femmes
âgés de plus de 23 ans, titulaires d'un diplôme
académique>> (BNR, 1996). Le BNR révélait surtout la
représentation communément partagée du chômage en
soulignant que les jeunes diplômés devaient être <<
à la recherche d'un premier emploi>>.
2.3.3 L'INSERTION PROFESSIONNELLE
La question de la définition de l'insertion
professionnelle fait l'objet d'un débat qui oppose aussi bien les
sociologues que les économistes. C'est là un concept qui exige
d'être manipulé avec soin. D'abord, il ne fait aucun doute que
l'insertion se définit d'abord comme un processus. Le processus, par
définition renvoie à une notion qui n'a rien d'un
caractère définitif. Même si plusieurs critères
objectifs permettent de le cerner selon ce qui apparaît comme souhaitable
(emploi permanent par exemple), il n'en reste pas moins qu'au niveau subjectif
les positions varient au gré des personnes et des situations.
D'après le dictionnaire encyclopédique de
l'éducation et de la formation (1994), l'insertion professionnelle est
définie comme "le processus d'accès à l'emploi, qui
renvoie donc à la capacité d'effectuer avec succès la
transition entre l'école et le marché de travail" Selon Dominique
(1995), l'insertion consiste à aboutir à une certaine
stabilisation professionnelle. Le Conseil supérieur de
l'éducation du Québec (1997), définit l'insertion comme
<<le processus d'accès à l'emploi>>, qui renvoie donc
à la capacité d'effectuer avec succès la transition entre
l'école et le marché du travail, pour aboutir à une
certaine stabilisation professionnelle.
Quoique le concept d'insertion soit utilisé de
façon courante, il faut reconnaître que les chercheurs ne
s'entendent pas sur sa définition. Pour certains (Fournier et Monette
2000), elle suppose que les individus ont trouvé un travail
salarié. Pour d'autres (Peletier et Pauline, 2000), l'autonomie
financière ainsi que la possibilité de maintenir
l'employabilité sont des critères dont on doit tenir compte dans
la définition de l'insertion socioprofessionnelle. Certains encore
(Vincens, 1996) estiment que, pour considérer l'individu vraiment
inséré, il importe d'abord et avant tout que l'emploi
occupé corresponde à la formation reçue.
D'autres (Trottier et al., 1995) accordent peu d'importance à
cette relation ou une importance toute relative. Il existe en fait plusieurs
perspectives différentes pour aborder la question de l'insertion
socioprofessionnelle. A la suite d'un relevé de la documentation
scientifique, Trottier (1995) propose une nomenclature des principales
perspectives à partir desquelles l'insertion professionnelle est
conceptualisée.
Selon Trottier, Laforce et Cloutier (1997), plusieurs
indicateurs sont utilisés pour décrire l'insertion
professionnelle des diplômés : durée d'accès au
premier emploi, statut d'emploi (contrat à durée
déterminée ou indéterminée), catégories
socioprofessionnelles de l'emploi, durée du chômage,
correspondance formation/emploi. Paradoxalement, on ne s'entend pas sur une
définition de l'insertion professionnelle. Certes, on accepte
aisément de la définir de façon générale
comme la période d'entrée dans la vie active et de l'aborder sous
l'angle d'un processus. Mais il s'avère difficile de cerner les
caractéristiques du processus, d'en délimiter les
frontières, de le distinguer de la mobilité professionnelle, et
surtout d'en proposer une interprétation qui fasse consensus.
Selon Dupaquier (1986 : 65), l'insertion est la période
qui suit la sortie du système de formation et qui correspond au moment
où l'individu va chercher à utiliser les savoirs acquis pour
accéder à un emploi. Pour Vincens (1981, 1986), la période
d'insertion commence lorsqu'un individu cesse de partager son temps entre le
loisir, les études et le temps non rémunéré pour
consacrer du temps à un emploi rémunéré ou à
la recherche de l'emploi. Elle se termine lorsque :
a) l'individu cesse de consacrer du temps à la
recherche d'un emploi ;
b) l'individu a un emploi durable;
c) cet emploi correspond à son emploi
préféré.
Dans un contexte régi par la flexibilité et
l'économie, il apparaît que le passage de la scolarité
à l'emploi est un processus à long terme plutôt qu'un
événement ponctuel (Fournier et al., 1999). Le point de
départ de ce processus est imprécis et son aboutissement n'est
pas clair. Pour beaucoup de jeunes, ce processus prend la forme
d'un emploi à temps partiel ou d'études
prolongées, de fréquents changements d'emplois, de retours
à la formation, de périodes répétées de
chômage (Laflamme, 1996 ; Tremblay, 1994 ; Trottier, Perron et Diambomba,
1995). Il est dorénavant plus évident de savoir où se
termine la transition, ni ce que sont les critères de la «
réussite » d'une transition vers la vie active (Fournier, 1999 ;
Vincens, 1996).
Traditionnellement, l'insertion socioprofessionnelle est
considérée comme étant le passage réussi entre la
formation scolaire et la vie active. Cette conception suppose que, dans un
temps court, les personnes munies d'un diplôme accèdent à
un emploi permanent, à temps plein, en relation avec leur domaine
d'études. L'idée est donc de considérer l'insertion comme
un processus rationnel de recherche d'emploi. Dans ce cas, l'insertion
débute lorsque les personnes consacrent leur temps à la recherche
d'un emploi et se termine lorsqu'elles détiennent un emploi qui convient
à leur formation et à leur projet de vie personnelle (Trottier,
1995).
D'un autre point de vue, l'insertion professionnelle rend
compte d'un champ professionnel où interagissent trois lieux distincts
d'investissement, soit la préparation professionnelle (connaissances
acquises et expériences), la transition professionnelle (recherche
d'emploi) et l'intégration professionnelle (relative stabilité
d'emploi, attente d'un emploi, marginalisation du marché du travail)
(Fournier et al. 2000). Par ailleurs, l'insertion professionnelle est
vue comme étant un processus de socialisation au monde du travail qui
s'étire sur toute la vie professionnelle. Cette approche
considère à la fois les contenus de formation, les orientations,
les comportements des divers agents de socialisation avant l'entrée sur
le marché du travail et une fois celle-ci réalisée, la
culture des occupations et des organisations dans lesquelles se produit
l'insertion (Trottier, 1995).
Dans une autre perspective, Doray (1995) examine le processus
d'insertion du point de vue de la demande des entreprises. Il part du postulat
que le marché du travail n'est pas qu'un aboutissement ou qu'une
destination pour les diplômés, mais un agent régulateur de
l'accès aux emplois. Son objectif était de montrer en quoi les
pratiques de mobilisation de la main-d'oeuvre des entreprises contribuent
à structurer le champ de l'insertion professionnelle. Ce processus n'est
pas d'abord analysé sous l'angle des
trajectoires individuelles mais d'un processus
structuré en aval et en amont par des pratiques pédagogiques,
l'intervention de l'État et des politiques d'embauche des entreprises.
Selon Doray, les entreprises interviennent tout d'abord en vue de structurer
l'offre de formation, d'influencer les orientations et les objectifs de
formation de même que le processus de socialisation professionnelle. De
plus, les pratiques de recrutement ont un impact direct sur les
capacités d'insertion et les trajectoires professionnelles des
diplômés.
Quant à Paquet (1995), c'est sous l'angle des «
produits » du système d'enseignement universitaire et des savoirs
qui y sont privilégiés qu'il aborde l'analyse des
problèmes relatifs à l'insertion des diplômés
universitaires et de la relation formation/emploi. Cette perspective lui permet
de poser un regard critique sur la formation universitaire, le type de
qualification qu'elle génère en regard des compétences
réclamées par les employeurs. L'auteur montre que le type de
savoirs privilégiés par le système universitaire peut
être source de problèmes dans l'insertion professionnelle. Il
remet en question le postulat selon lequel les connaissances coulent des
disciplines de base vers l'application, et propose un recadrage des formations
universitaires qui suppose des changements dans la gestion du système
éducatif.
Du point de vue de l'analyse de l'insertion professionnelle,
cette perspective implique que l'on redéfinisse la notion d'insertion
professionnelle et qu'on repense la relation formation/emploi. Une analyse
basée strictement sur la demande ou l'offre de diplômés
serait insuffisante si elle ne prenait pas en considération les produits
du système universitaire et les types de savoirs que les
diplômés maîtrisent. Pour y parvenir, il faudra aussi
repenser le partage des responsabilités entre les universités et
les entreprises en matière de formation.
Pour élaborer une typologie d'insertion, nous nous
inscrivons dans le courant de pensée selon lequel l'insertion
professionnelle est définie comme un processus qui se déroule sur
une période où s'enchevêtrent des situations de recherche
d'emploi, de chômage, de formation et d'inactivité (Vincens, 1981,
1986 ; Paul, 1984 ; Dupaquier et al., 1986 ; Trottier, Cloutier et
Laforce, 1994, 1997). Cette perspective tient compte à la fois des
trajectoires professionnelles des individus et de leurs cheminements scolaires.
Elle nous
paraît particulièrement adéquate pour
analyser les divers modes d'insertion professionnelle dans le contexte
guinéen où après la formation principale, les
diplômés, pour s'insérer sont obligés de passer par
des formations supplémentaires, des stages ou d'emploi précaires
ou non adaptés à leur domaine d'étude (Barry, 2001).
Pour cerner les caractéristiques de ce processus, nous
nous inspirons plus particulièrement de l'approche de Vincens, 1981 ;
Trottier, Cloutier et Laforce, 1997. Ils ont centré leur «
exploration » du concept sur le modèle de la quête d'emploi
(job search). Leur approche est basée sur deux idées. La
première renvoie à la période d'entrée dans la vie
active, période marquée par un changement dans l'utilisation du
temps : la personne cesse de partager son temps entre le loisir, les
études et le travail non rémunéré pour consacrer du
temps à un emploi rémunéré ou à la recherche
d'emploi. La seconde s'appuie sur le postulat selon lequel une personne a un
comportement rationnel dans sa recherche d'emploi et essaie de trouver un
emploi en relation avec son projet de vie. Elle est amenée, dans sa
quête d'emploi, à poser un ensemble de gestes et d'actes
rationnels, finalisés, ordonnés en fonction d'un
échéancier. Selon cette perspective, l'objectif de l'analyse de
l'insertion ne consiste pas seulement à décrire la période
qui sépare la décision d'entrer dans la vie active et le premier
emploi, mais aussi celle qui s'étend jusqu'à la
réalisation du projet. Ce dernier n'est cependant pas
arrêté définitivement au début de la recherche
d'emploi. Il peut se préciser ou être modifié à
partir des informations que les personnes diplômées
acquièrent en occupant un emploi ou des contraintes qu'elles
découvrent dans la concurrence qu'elles affrontent pour y
accéder.
Selon cette lecture, l'insertion commence lorsqu'un individu
cesse de partager son temps entre le loisir, les études et le travail
non rémunéré pour consacrer du temps à un emploi
rémunéré ou à la recherche d'emploi. Elle se
termine lorsque : a) l'individu cesse de consacrer du temps à la
recherche d'un emploi ou à des études poursuivies en vue
d'accéder à un emploi, b) l'individu a un emploi durable
c'est-à-dire qu'il ne possède pas d'informations lui permettant
de penser qu'il devra changer d'emploi dans un avenir plus ou moins proche, c)
cet emploi correspond à celui qu'il considère devoir garder ou
accepter compte tenu à la fois de son projet initial, des informations
qu'il a acquises, de
la perception qu'il a des contraintes et de la concurrence sur
le marché du travail (Trottier et al., 1997 : 74).
La notion d'insertion professionnelle sur laquelle va
s'appuyer notre recherche renvoie à la période d'entrée
dans la vie active. Il importe cependant de préciser le début et
la fin de cette période. Il ne s'agit pas de la réduire à
la période où une personne commence à chercher un emploi
et qui se termine au moment où elle le trouve. Ce premier emploi peut
être provisoire, et se combiner avec la poursuite de la formation. Si tel
est le cas, on pourrait penser qu'un étudiant qui travaille pendant ses
études est inséré en emploi.
CHAPITRE III : CONTEXTE ET CADRE DE L'ÉTUDE
L'objet de ce chapitre est de fournir tout
particulièrement des informations pertinentes sur le contexte
socio-économique et culturel du lieu où s'est
déroulé l'étude en Guinée. De ce point de vue, sont
passés en revue les caractéristiques géographique,
démographique et économique de la Guinée, la
présentation de l'Université de Conakry et les formations de base
des diplômés. Pour décrire ces éléments, nous
avons utilisé des sources documentaires et des informations orales. Le
cadre immédiat de la recherche a été l'Université
de Conakry, l'une des deux universités que compte la Guinée.
Auparavant simple Institut polytechnique de Conakry (IPC), en 1989, l'IPC a
été élevé au rang de l'Université.
3.1 PRÉSENTATION DE LA GUINÉE
La Guinée, indépendante depuis 1958, en
dépit de ses potentialités minières (bauxite : 2/3 des
réserves mondiales, diamant, fer, etc.) et agricoles, reste un pays du
Tiers-monde (plus de 40 % de la population vit en dessous du seuil de
pauvreté), dépendant en bonne partie de l'étranger sur le
plan alimentaire et celui de ses exportations minières (l'état du
monde 2001, 2000).
En effet, la situation économique actuelle de la
Guinée est la conséquence des politiques économiques et
sociales centralisées et de la mauvaise gestion qui ont
caractérisé l'histoire du pays, notamment au cours du quart de
siècle qui a suivi l'accession du pays à l'indépendance en
1958. Jusqu'en 1984, la politique de développement économique
était axée essentiellement sur l'industrialisation et la
modernisation du monde rural. Les stratégies de développement de
ces deux secteurs, basées sur un renforcement considérable du
secteur public (nationalisation et création d'entreprises publiques) et
la forte protection tarifaire, se sont révélées
coûteuses et inefficaces (EDSG-II 1999).
Dans le domaine de l'éducation, les conférences
nationales tenues à Conakry en mai et juin 1984 et en avril 1985 ont
redéfini les objectifs de ce secteur. Cette nouvelle politique visait
essentiellement: l'amélioration de la qualité de l'enseignement,
la formation des enseignants ; la réouverture des écoles
privées.
C'est dans ce contexte, que le système éducatif
de l'enseignement supérieur en Guinée connaîtra une
augmentation de ces effectifs. Suite à la crise économique que le
pays a connu en 1990 et l'application des programmes d'ajustements structurels
du Fonds monétaire et de la Banque Mondiale, une crise de l'emploi en
général et des diplômés de l'enseignement
supérieur en particulier se pose avec acuité. Ainsi, dès
1991, le problème de chômage des diplômés du
supérieur n'a cessé de s'aggraver suite au gèle de
recrutement à la fonction publique. C'est dans ce contexte de crise de
chômage qu'il faut replacer l'Université de Conakry, cadre de
notre étude.
3.1.1 SITUATION GÉOGRAPHIQUE ET
DÉMOGRAPHIQUE
La République de Guinée est un pays côtier
qui est situé dans la partie occidentale du continent africain, couvrant
une superficie de 245 857 km2, elle est limitée à
l'Ouest par la Guinée Bissau et l'Océan Atlantique, au Nord par
le Sénégal et le Mali, à l'Est par la Côte d'Ivoire
et au Sud par la Sierra Leone et le Liberia. Du point de vue
géographique, la Guinée est subdivisée en quatre
régions naturelles (la Basse Guinée, la Moyenne Guinée, la
Haute Guinée et la Guinée Forestière) qui sont assez
distinctes et très riches en ressources naturelles.
Le dernier recensement de 1996 réalisé en
Guinée évalue la population guinéenne à 7 156 406
habitants. Les données de ce recensement indiquent que 15 % de cette
population vivent à Conakry, 20 % vivent en Basse Guinée, 23 % en
Moyenne Guinée, 20 % en Haute Guinée et 22 % en Guinée
Forestière. (DNS, 1999).
La population guinéenne vit essentiellement en milieu
rural (70 %) et plus de la moitié de la population urbaine (51 %)
réside dans la capitale. Le poids des personnes âgées de
moins de 15 ans (46 %) traduit l'extrême jeunesse de celle-ci. C'est la
conséquence d'une fécondité élevée (l'ISF
est de 5,5), caractérisée par sa précocité et sa
stabilité, en dépit de tous les efforts de sensibilisation
menés par les programmes de planification familiale. Le taux brut de
natalité est estimé à 39,7 %. Quant à la
mortalité, son niveau reste encore élevé (taux brut de
mortalité estimé à 14,2 %). L'espérance de vie
à la naissance est de 54 ans pour les deux sexes (55,4 ans pour les
femmes et 52,7 % pour les hommes) (DNS, 2000 : 6).
3.1.2 SITUATION ÉCONOMIQUE
Depuis avril 1984, la République de Guinée, pays
ouest africain a connu un changement politico-économique majeur; le
passage d'un régime socialiste à celui d'un régime
à économie de marché. Ce changement a eu d'énormes
conséquences dans tous les domaines. Par exemple l'emploi par
l'État des diplômés des institutions de formation a
cessé d'être automatique. La recherche de l'emploi est
désormais du ressort des diplômés. D'après les
indications de l'Office National de l'Emploi et de la Main d'oeuvre (ONEMO,
1994), il y avait en 1990 près de 40 000 demandeurs d'emplois inscrits
dont plus de 2 000 diplômés de l'enseignement supérieur.
Ces chiffres ne sont, à notre avis, que le sommet de l'iceberg du
chômage des diplômés. Le chômage des
diplômés de l'enseignement supérieur en Guinée
semble être donc une tendance majeure.
En effet, au niveau de la fonction publique par exemple, des
mesures ont été prises : une réforme administrative suivie
d'une forte réduction des effectifs de la fonction publique conduisant
à un blocage systématique de recrutement.
Selon la Direction Nationale de la Statistique (2000 : 5),
l'essentiel, des objectifs macroéconomiques de court et moyen termes ont
été atteints au cours de la première phase (1986-1988) et
de la deuxième phase (1989-1991) du programme de réforme
économiques et financières. La dévaluation de la monnaie
en 1986 a permis une relance de l'agriculture et, en particulier, des
exportations agricoles (café notamment). L'inflation a été
contenue, car son taux est successivement passé de 72 % en 1986 à
27 % en 1990 et de 5 % en 1994 pour atteindre 1,9 % en 1997, grâce
à une plus grande rigueur dans la gestion des finances publiques. Le
déficit budgétaire a été sensiblement
réduit, passant de 10,7 % du PIB en 1986 à 7,5 % en 1993.
L'économie guinéenne a connu un taux de croissance annuel moyen
de l'ordre de 4% au cours de la période de 1990-1994. Parmi les autres
résultats obtenus, il y a le taux brut de scolarisation qui est
passé de 28,6% en 1990 à 50,4 % en 1996/1997, puis de 53,5 % en
1999 à 56,7 % en 2000. La proportion de la population ayant accès
à l'eau potable est de 55 % en 1995 contre 28 % en 1989. Tandis que le
taux d'accès aux soins de santé primaire est de 40 % en 1996
contre 10 % en 1986.
Nonobstant, de nombreux handicaps et
déséquilibres économiques subsistent. Le rapport sur le
profil de pauvreté en Guinée indique qu'environ 40,3 % de la
population se trouvent dans une situation de pauvreté absolue
c'est-à-dire vivent avec un niveau de revenu en dessous du seuil de
pauvreté de 293 714 FG par personne et par an (soit 239 dollars
canadiens). L'extrême pauvreté concerne près de 13 % de la
population. Le rapport précise que la pauvreté est surtout un
phénomène rural : 52,2 % de la population vivant dans ce milieu
est pauvre contre 6,7 % à Conakry et 24,3 % au niveau des autres centres
urbains (Diallo et al, 1994-1995 :2).
En ce qui concerne le chômage, selon l'enquête
intégrale budget et consommation (EIBC), près de 55 % des
chômeurs sont en quête du premier emploi. Il faut aussi noter que
le sous-emploi de la population occupée est manifeste. Le taux de
sous-emploi visible est de 16,6 %. La situation de l'emploi en 1995
d'après les indicateurs fournis par l'EIBC est préoccupante et
nécessite des politiques de promotion ou de relance de l'emploi plus
appropriées et efficaces. Ce d'autant plus que depuis décembre
1985, le gouvernement guinéen a adopté et appliqué le
Programme de réforme économique et financier (PREF).
L'application de ce programme d'ajustement a contribué à
déséquilibrer le marché du travail :
- par le licenciement massif dans la Fonction Publique et le
gel de tout recrutement de nouveaux agents;
- par une désaffection de la main d'oeuvre des emplois
ruraux;
- par l'afflux incessant de migration de la main d'oeuvre des
campagnes vers les centres urbains et surtout vers la capitale;
- par la fermeture de nombreuses usines suite à
l'application des mesures de restructuration et une économie qui
connaît des difficultés énormes de reprise.
Ainsi, suite à la mise en oeuvre du PREF en
décembre 1985, la situation de l'emploi a connu une crise qui est, de
nos jours, préoccupante. Elle est caractérisée par un
sousemploi et un chômage massif, affectant particulièrement les
jeunes diplômés des universités.
Le secteur privé sur lequel le gouvernement a
fondé son espoir dans la mise en oeuvre du programme n'a jusqu'à
présent pas répondu à cette attente. L'offre d'emploi est
insignifiante par rapport à la demande toujours croissante parce que les
entreprises privées qui ont été créées sont
généralement de petite taille et souvent confrontées
à la concurrence du secteur informel. Cette crise au niveau de l'emploi
moderne a non seulement amplifié le taux de chômage mais elle a
modifié la structure globale de l'emploi en faveur du secteur
informel.
3.2 PRÉSENTATION DE L'UNIVERSITÉ DE
CONAKRY
L'Université de Conakry est sise dans la Commune de
Dixinn en plein centre de Conakry et compte dans cette localité trois
campus A, B et C. Le campus A est le campus principal et abrite
l'administration centrale de l'université, qui comprend le Rectorat, les
services administratifs et logistiques communs, la bibliothèque
universitaire et les facultés (à l'exception de la Faculté
des Lettres et Sciences Humaines), institut et centres autonomes. Le campus B
abrite le Département d'Anglais et le Centre d'Études de la
Langue Anglaise (CELA). Le campus C, abrite la Faculté des Lettres et
Sciences Humaines et le département de langue Arabe. En plus de ces
campus, l'Université de Conakry compte les campus de Foulaya-Kindia,
à environ 130 Km de Conakry et le Centre Universitaire de Labé
situé quant à lui en moyenne Guinée à 430 Km de la
capitale Conakry.
L'Université de Conakry, cadre de notre étude
est le plus ancien établissement d'enseignement supérieur de la
République de Guinée. Elle a été
créée en 1962 sous le nom d'Institut Polytechnique de Conakry
pour répondre aux nécessités de formation de cadres dont
devait se doter la Guinée nouvellement indépendante. La
première promotion comptait 47 étudiants, répartis en
quatre (4) facultés (agronomie, génie civil,
géologie-mines et sciences de la nature). En 1970, l'Institut
Polytechnique de Conakry est dénommé Institut Polytechnique Gamal
Abdel Nasser de Conakry (IPGANC), du nom de l'ancien Président de la
République Arabe d'Égypte.
En 1984, l'IPGANC devient L'Université de Conakry. En
2000, elle compte un effectif de 7 318 étudiants dont 1 083 filles
répartis entre les structures de formation suivantes :
Institut Polytechnique ; Faculté des Sciences ;
Faculté de Droit, Sciences Économiques et Gestion ;
Faculté des Lettres et Sciences Humaines ; Faculté de
Médecine, Pharmacie et Odontostomatologie ; Centre d'Etudes et de
Recherche en Environnement.
Si les femmes présentes en première année
de l'Université de Conakry proviennent, en grande partie, des Sciences
Expérimentales, elles sont inégalement réparties entre les
Facultés et leur nombre varie considérablement d'une
Faculté à une autre. En effet, 34% des femmes inscrites en
première année de l'Université de Conakry le sont à
la Faculté de Lettres et des Sciences Humaines, 28% sont à la
Faculté des Sciences, 21% en Médecine, 13% en Droit et Sciences
Économiques et 4% à l'Institut Polytechnique (Barry et al.,
2000).
Dans l'ensemble, les femmes sont en minorité à
l'Université de Conakry. A titre d'exemple, en 2000, sur un effectif
global de 7 318 étudiants, il n'y avait que 1 083 filles soit 14,79%.
Cet écart se traduit également dans les deux Facultés qui
ont servi le cadre de notre étude exploratoire. Selon Barry et al.
(2000 : 9), par rapport aux effectifs de chaque Faculté, il
apparaît que les filles représentent 19% des effectifs de la
Faculté des Lettres et Sciences Humaines et 17% de la Faculté des
Sciences. Rappelons qu'au Québec, 55% des étudiants sont des
femmes (Sales et al., 1996).
Quant au personnel enseignant, l'Université de Conakry
comptait en 2000, 425 enseignants intra-muros dont 3 de grade professeur, 170
docteurs, 65 titulaires d'un diplôme d'études
approfondies/diplôme d'études supérieures
spécialisées (DEA/DESS) et 187 possédant un diplôme
d'études supérieures (D.E.S). A ce niveau aussi, les femmes sont
sous-représentées (24 contre 401 hommes) soit 6% contre 94%. En
termes de pourcentage, l'enseignement est assuré à
l'Université de Conakry à 5 9,29 % par les détenteurs d'un
DEA/DESS/et ou DES, quant aux détenteurs d'un Ph.D., vu leur nombre, ils
n'assument que 40% de l'enseignement. Tandis que ceux qui ont un grade de
professeur ne représentent que 0,70 % (SPS : 2000 : 42).
En ce qui concerne le personnel expatrié enseignant
à l'Université de Conakry, il est majoritairement composé
de Russes (44 docteurs et 3 professeurs) suivi des Canadiens (2 professeurs, un
détenteur d'un doctorat et un possédant une maîtrise),
enfin un
Français nanti d'un DESS. Rappelons ici que les Russes
enseignent à l'Institut Polytechnique tandis que les Canadiens
interviennent au Centre d'étude et de recherche en environnement
(CÉRE).
3.3 LES FORMATIONS DE BASE DES DIPLÔMÉS
L'Université de Conakry, créée en 1962,
comprend quatre facultés (Sciences ; Médecine et Pharmacie;
Droit, sciences économiques et de gestion; Lettres et Sciences
Humaines), un Institut Polytechnique, un centre informatique, et un centre
d'études et de recherche en environnement. L'admission à
l'Université est conditionnée en Guinée par un concours
national, censé favoriser le contrôle de la croissance des
étudiants. Le taux de réussite est faible (un tiers en 1996).
Cependant, il faut préciser que le problème des effectifs
pléthoriques se pose moins en Guinée que dans d'autres pays
d'Afrique.
Il est important de noter que la population étudiante
est relativement âgée. Selon le Service de Planification et
Statistique de l'enseignement supérieur (SPSES, 1999), en 1997, 13% des
étudiants ont trente ans et plus, et l'âge médian est de 26
ans. La présence d'étudiants âgés pourrait
s'expliquer par le fait qu'ils ont commencé tardivement leurs
études primaires, retard auquel se surajoutent les redoublements
enregistrés possibles au primaire et au secondaire. A
l'Université de Conakry, en 1996, entre 60 et 70% des étudiants
achevaient leurs études sans redoubler. Le taux d'attrition est de 10%
à la Faculté des Lettres et de 25% en Faculté des Sciences
(PADES, 1998).
A propos de la durée moyenne de finition du cycle
universitaire normal, chaque programme définit un délai (qui est
de 4 années) normal à l'intérieur duquel un
étudiant devrait terminer son programme d'études. Cette me sure
est prise afin d'éviter ce que l'on appelle « les perpétuels
étudiants », qui restent à l'université
indéfiniment ; c'est également une mesure d'équité
pour les lycéens qui désirent entrer à
l'université. Enfin, c'est une mesure d'économie, car un
étudiant perpétuel occasionne des frais à l'État.
Or, il est important de gérer judicieusement les fonds public.
Par exemple, à la Faculté des sciences, 61% des
inscrits complètent dans les délais normaux (4 ans), 9%
complètent après un an de plus, alors que les autres
réussissent après deux ans de plus ou décrochent. À
la Faculté des lettres et des sciences humaines,
68% des inscrits ont complété le cycle normal (4
ans) des études dans les délais normaux, 18% un an après
et 12% deux ans plus tard tandis que 2% décrochent.
En ce qui concerne notre population cible, les 40
diplômés sont repartis comme suit : 20 de la Faculté des
Sciences (FS) dont 5 femmes et 20 de la Faculté des Lettres et Sciences
Humaines (FLSH) dont 6 femmes. A l'intérieur de chacune des
Facultés, nous avons ciblé l'ensemble des options ou
filières. En FS, ce sont les options suivantes : mathématiques,
chimie, physique et biologie. Étant donné qu'il y a peu de
laboratoires et d'industries (chimique, physique et biologique) dans le pays,
les finissants de ces options sont confrontés aux difficultés du
marché de l'emploi dès leur sortie.
Quant à la FLSH, les filières sont les suivantes
: professeurs de français, sociologie, animation culturelle,
journalisme, histoire et tourisme. Les répondants de ces options
trouvent généralement de l'emploi dans le domaine de
l'enseignement, ensuite dans les ONG. Par ailleurs, les compétences de
base ne sont pas toujours acquises par les étudiants sortants. Des
lacunes héritées de l'enseignement primaire et secondaire, ainsi
que la mauvaise articulation entre le marché de l'emploi et les
différents programmes universitaires expliqueraient en partie ce
constat. La forte généralisation des programmes contribue
également à l'expliquer. Contrairement aux ambitions des
responsables de l'enseignement supérieur, le diplômé
sortant est souvent dépourvu de compétences indispensables pour
décrocher un emploi, comme l'anglais, l'informatique et la
comptabilité gestion (PADES, 1999).
Cependant, des filières et/ou des cours nouveaux sont
mis en place, mais leur accès reste très limité. Nous
donnons l'exemple du fonctionnement du centre informatique de
l'Université de Conakry. Il est un des rares laboratoires à
disposer d'un matériel moderne en bon état de marche. Pourtant,
les étudiants, à l'exception de ceux de la filière
informatique (qui ne sont pas plus de vingt cinq par promotion), n'y ont pas
accès.
En outre, l'enseignement de l'anglais ne s'est pas
généralisé à l'ensemble des départements et
les heures de cours sont trop peu nombreuses pour être efficaces. Les
étudiants qui en bénéficient ne progressent pas. Ce qui
signifie que l'enseignement reste très théorique. L'absence
d'équipement et de laboratoire (ce, malgré quelques
aménagements récents, financés par la
coopération internationale) peut expliquer cette tendance. En plus, les
possibilités de réaliser un stage sont peu nombreuses, en
conséquence, les étudiants n'y ont souvent que des tâches
élémentaires de base à réaliser. Ainsi, les
diplômés sortants de l'Université de Conakry ont un profil
inadapté au marché de l'emploi.
Certains diplômés s'insèrent bien dans
leur cadre de travail et donnent à terme satisfaction à leurs
employeurs; mais la majorité des diplômés ont des lacunes
indépendantes de leur volonté dans des disciplines comme
l'anglais, l'informatique (ces dernières ne sont pas enseignées
au cours du cursus universitaire). Dans le cas de notre échantillon par
exemple, sur les 20 diplômés qui occupent un emploi, 18 ont fait
une formation complémentaire avant de décrocher leur emploi
actuel. Par ailleurs, les diplômés ne sont pas
préparés à entrer sur le marché du travail,
à s'informer, à chercher efficacement du travail. Sans oublier
que le système d'enseignement universitaire est insuffisamment
relié au monde du travail et produit des diplômés mal
informés du marché de l'emploi. Ils sont souvent peu productifs
tant qu'ils n'ont pas suivi de formations spécifiques dans le cadre de
l'entreprise qui les embauche. C'est pourquoi des spécialisations sont
utiles dans le contexte économique guinéen. En plus, des
compétences liées au marché de l'emploi (en anglais, en
informatique, en gestion, à l'initiation à la création et
la gestion de micro entreprises) sont nécessaires dans les programmes
universitaires (Barry, 2001). Dans un tel contexte, à la sortie de la
formation principale universitaire, les diplômés sont
obligés de faire des formations additionnelles afin de s'adapter aux
besoins du marché de travail guinéen, de suivre des stages ou de
faire appel à leurs réseaux relationnels. Les résultats de
cette situation amènent à poser la question sur la valeur de la
formation universitaire principale. Est-ce que tous les diplômes obtenus
sont en adéquation avec les besoins du marché de l'emploi
guinéen ?
CHAPITRE IV : DÉMARCHE DE RECHERCHE ET
MÉTHODOLOGIE
Ce chapitre porte sur la démarche de recherche
utilisée dans le cadre de ce mémoire. Cette démarche de
type exploratoire s'appuie sur une méthodologie qualitative avec un
usage conséquent de l'entretien. La présentation de cette
démarche de recherche se fera à l'intérieur de cinq
sections. La première porte sur le choix du lieu de l'enquête, la
recherche documentaire; la seconde sur le choix des diplômés, la
troisième sur l'entretien, la quatrième sur le déroulement
des entrevues et les problèmes rencontrés et la cinquième
sur l'analyse.
4.1 LE CHOIX DU LIEU DE L'ENQUÊTE
Nos objectifs et le caractère exploratoire de notre
recherche nous ont engagé à choisir l'Université de
Conakry qui compte en son sein cinq Facultés et deux centres
d'études. En effet, le choix de Conakry se justifie d'abord parce que la
ville abrite plus de la moitié de la population urbaine du pays (5 1,1%)
sur une population totale de 7 156 406 habitants. Par conséquent, cette
ville abrite le plus grand nombre de diplômés du système
universitaire guinéen. Ensuite, par le fait que l'Université de
Conakry est la plus grande institution guinéenne d'enseignement
supérieur de par le nombre d'étudiants et ses différentes
options. En outre, Conakry abrite la quasi-totalité des entreprises
offrant des emplois aux diplômés universitaires. Finalement, nous
sommes familiers de ce milieu universitaire sur lequel nous nous proposons de
recueillir des informations auprès des diplômés (tant de
facteurs utiles à notre recherche).
Pour mettre en place notre étude, des démarches
ont été entreprises auprès des autorités de
l'Université de Conakry, plus précisément auprès de
l'Observatoire de l'insertion des diplômés. L'objectif
était d'obtenir leur appui logistique pour la réalisation de
notre recherche sur le terrain. C'est ainsi que nous leur avons fait parvenir
une demande d'autorisation de recherche dans laquelle étaient
expliqués succinctement les objectifs de la recherche envisagée,
ainsi que la nature de l'appui attendu de leur part. L'Observatoire a
accepté notre proposition, cela était d'autant plus
intéressant que cette structure, en plus d'avoir son siège au
sein de l'Université de Conakry, a dans ses objectifs un volet insertion
des diplômés.
Dans le cadre de la présente étude, la recherche
documentaire nous a permis de consulter, d'analyser les ouvrages
généraux et spécialisés relatifs au thème de
recherche. A ces ouvrages s'ajouteront des thèses, des mémoires,
des journaux, des revues, des rapports d'étude et des annuaires
statistiques. A ces consultations documentaires écrites s'ajouteront
enfin des consultations orales.
4.2 LE CHOIX DES DIPLÔMÉS RETENUS DANS
L'ENQUÊTE
Sous ce point, nous développons les critères
ayant déterminé le choix des diplômés retenus lors
de l'enquête. Ensuite, nous procédons à l'évaluation
de la qualité des données collectées.
Pour permettre à l'influence de certaines variables de
s'exercer, nous avons choisi de contrôler l'influence d'autres variables
en les maintenant constantes. C'est ainsi que les diplômés retenus
diffèrent quant aux options ou filières faites à
l'université de Conakry mais ont aussi des caractéristiques
communes à plusieurs autres égards. Ils sont tous sortis il y a
un an ou deux ans, diplômés, ils résident dans la capitale
Conakry et sont âgés de 23 à 30 ans.
Le recrutement des diplômés retenus dans
l'enquête s'est fait par deux moyens : premièrement à
l'aide des listes des résultats de fin de cycle afin de
déterminer tous les admis ; deuxièmement le registre des
soutenances des mémoires afin de s'assurer que l'étudiant
possède son diplôme d'études supérieures (D.E.S). Ce
qui nous a permis de cibler en tout cinquante diplômés sortis au
cours des deux dernières années dont vingt cinq en FLSH et vingt
cinq en FS que nous avons pu interviewer effectivement. Cependant,
conformément à nos objectifs de départ, nous avons retenu
quarante3 interviews qui ont servi à bâtir le corpus de
notre recherche.
4.3 L'ENTRETIEN
L'entretien est généralement
considéré comme «une voie d'accès
privilégiée pour appréhender le point de vue et
l'expérience des acteurs» (Poupart, 1997: 205). Les propos
recueillis dans cette voie permettent de mettre au jour les
représentations
3 Nous avons retenu 40 parce que nous avons constaté
après audition des cassettes, il y en avait dont les informations
n'étaient pas pertinentes.
recherchées telles qu'elles apparaissent dans
l'expérience des acteurs, laquelle trahit leurs attributs sociaux. Selon
Poupart: <<l'interviewé est vu comme un informateur susceptible
précisément <<d'informer>> non seulement sur ses
propos pratiques et ses propres façons de penser, mais aussi, dans la
mesure où il est <<représentatif>> de son groupe ou
d'une fraction de son groupe, sur les diverses composantes de la
société et sur ses divers milieux d'appartenance>>
(Ibid: 181).
Dans la panoplie des types d'entrevues possibles en
sociologie, l'entrevue semi-directive a été retenue dans la
mesure où elle est << la mieux adaptée aux travaux de
terrain en sciences sociales >> (Guibert et Jumel, 1997: 120). L'entrevue
semi-directive s'amorce en fonction d'un canevas constitué des
différents thèmes à aborder et qui servent de guide. Ce
canevas est toutefois ouvert aux thèmes (formations
complémentaires, réseau de relation) qui surgissent au fil de
l'entrevue. L'entrevue semi-directive donne donc droit à
l'interviewé de formuler l'information recherchée sous forme de
récit. Les représentations recherchées en fonction des
thèmes mis de l'avant par l'étude transparaissent ainsi à
travers le récit de son expérience. Voilà la ligne de
force de l'entrevue.
En effet, selon Poupart, il existe une opinion largement
répandue dans la plupart des traditions sociologiques selon laquelle le
recours aux entretiens demeure l'un des meilleurs moyens pour saisir le sens
que les acteurs donnent à leurs conduites, la façon dont ils se
représentent le monde et la façon dont ils vivent leur situation,
les acteurs étant vus comme les mieux placés pour en parler
(Poupart, 1997: 175).
L'entrevue a ainsi l'avantage de permettre de saisir en
profondeur l'expérience des acteurs sociaux et les
représentations qui s'y rattachent d'emblée. Ces dernières
sont la clef de voûte pour bien comprendre les informations recueillies
au moyen de l'entrevue.
Elle comporte toutefois des limites. Seul un nombre restreint
d'individus peut être atteint. Cela pose le problème de la
représentativité. Dans le cadre d'une recherche qualitative,
l'accent est mis sur les caractéristiques sociologiques des individus
selon le thème étudié. <<L'échantillon est
donc élaboré en fonction des qualités sociologiques de la
population étudiée, ce qui donne lieu à un
échantillon représentatif et qui permet, tout
comme pour un échantillon d'ordre quantitatif,
d'extrapoler les conclusions d'une étude effectuée dans cette
voie à une population plus large» (Poupart, 1997: 176).
Par ailleurs, l'entretien repose sur la relation entre le
chercheur et l'interviewé, laquelle est sujette à diverses
interférences. En effet, l'attitude du chercheur, selon Poupart (1997),
ses interventions et sa personnalité peuvent altérer la
qualité des informations recueillies. Sans entrer dans les
détails, la formulation rigoureuse et explicite du canevas d'entrevue au
départ permet de juguler les influences que peut produire la relation
chercheur-interviewé, tout au moins permet de mieux les contrôler.
Mais, en définitive, rappellent Guibert et Jumel, tout instrument
possède des avantages et des inconvénients, ce qui importe
d'abord et avant tout, c'est l'utilisation qui en est faite (Guibert et Jumel,
1997: 121).
4.4 LE DÉROULEMENT DES ENTREVUES ET LES
PROBLÈMES RENCONTRÉS
Avant de procéder aux entrevues proprement dites, nous
avons fait un pré-test du guide d'entretien sur trois
diplômés afin de déceler les lacunes des outils de
collecte. Grâce à l'écoute des entrevues, nous avons
repéré des points inutiles et les parties à
améliorer du guide. On peut dire que ce pré-test a permis
d'apporter les corrections nécessaires.
4.4.1 LE DÉROULEMENT DE LA COLLECTE DES
DONNÉES
Conformément à la méthodologie et aux
hypothèses de recherche, notre collecte a consisté à
administrer un guide d'entretien auprès de quarante
diplômés de l'Université de Conakry sortis il y a un ou
deux ans. Les quarante diplômés sont repartis comme suit : 20 de
la Faculté des Sciences (FS) dont 5 femmes4 et 20 de la
Faculté des Lettres et Sciences Humaines (FLSH) dont 6 femmes. A
l'intérieur de chacune des facultés, nous avons ciblé
l'ensemble des options ou filières. En FS, ce sont les options suivantes
: mathématiques, chimie, physique et biologie. Quant à la FLSH,
les filières sont les suivantes : professeurs de français,
sociologie, animation culturelle, journalisme, histoire et tourisme. En effet,
nous avons fait une étude exploratoire auprès de deux
Facultés de l'université de Conakry. Sur les
interviewés de la FS, nous avons 5 mathématiciens, 5 physiciens,
5 biologistes et 5 chimistes. Tandis qu'en FLSH où les filières
sont beaucoup plus variées, nous avons interviewé 4 professeurs
de français, 4 en sociologie, 4 en animation culturelle, 3 en
journalisme, 3 en histoire et 3 en tourisme.
Des rendez-vous ont été pris pour les entrevues
en accord avec les personnes interviewées. Ce sont les personnes
interviewées elles-mêmes qui ont proposé les dates et les
heures auxquelles les entrevues ont été effectuées. Lors
de la première prise de contact nous leur avons laissé le soin de
choisir ces dates et heures en tenant compte de leur disponibilité. Nous
avions loué une salle pour faire les entrevues car notre recherche
coïncidait avec la saison hivernale, et n'ayant aucune possibilité
d'interviewer au dehors. Dans la majorité des cas, les entrevues se sont
déroulées correctement dans la salle prévue à cet
effet. Cependant, pour les quelques diplômés que nous n'avons pas
pu interroger dans la salle prévue à cet effet, l'entrevue a
été souvent très difficile à faire car des
perturbations intervenaient souvent. D'ailleurs, nous avons fini par
éliminer certains entretiens du corpus d'analyse. C'est en
prévision d'une telle situation que nous avons pris soin d'interviewer
une cinquantaine de diplômés pour en retenir quarante qui ont
constitué le corpus d'analyse.
4.4.2 L'ENREGISTREMENT DES ENTREVUES ET LEUR
TRANSCRIPTION
L'ensemble des entretiens qui étaient
enregistrés sur cassette en langue française ont
été transcrits mot à mot sur papier et ensuite saisie sur
ordinateur. La transcription du verbatim comprend, outre le discours des
personnes, les interventions pendant nos questions ainsi que les
éléments contextuels qui ont ponctué le déroulement
de l'entrevue tels les arrêts et les interjections de
l'interviewé.
Il faut signaler quelques difficultés lors de
l'enregistrement. En fait, certains diplômés étaient
réticents à l'enregistrement de l'entretien, pensant que nous
faisions une enquête politique au compte du gouvernement guinéen.
Il a fallu expliquer que cette étude n'avait aucun objectif politique et
qu'elle était réalisée dans le cadre d'études
universitaires au Canada. Cependant, il faut comprendre cette attitude à
partir circonstances politiques qui ont caractérisé la vie
politique en Guinée ces deux dernières
années (arrestations et incarcérations de
leaders politiques et de leurs partisans ; incursions rebelles sur les
frontières guinéennes).
En outre, d'autres ont exigé de réécouter
l'intégralité de l'entrevue enregistrée, ce que nous avons
fait au terme des entrevues. Ceci a aidé à les mettre en
confiance et à obtenir leur collaboration à la recherche.
4.4.3 PÉRIODES ET RYTHME DES ENTREVUES
Les semaines du 24 septembre au 14 octobre 2001 ont
été consacrées à la préparation du terrain
et au pré-test. Nous n'avons pu continuer à effectuer nos
entrevues dans la semaine du 5 au 10 novembre à cause de l'organisation
d'un référendum constitutionnel en République de
Guinée. Les autorités du pays ont mis en congé pendant une
semaine tous les établissements d'enseignement en interdisant toutes les
autres activités qui ne sont pas liées à la campagne
référendaire.
Les entrevues se sont déroulées au rythme d'une
ou deux par jour, nous avons pu une fois réaliser trois entrevues le
même jour.
Si dans l'ensemble, la collecte s'est bien
déroulée, j 'ai cependant rencontré quelques
difficultés qui se résument sur les points suivants :
- Difficultés d'ordre financier liées aux
évènements du 11 septembre. En effet, au moment de
l'élaboration de notre budget de recherche au mois de juin 2001, nous
avions indiqué des prix du matériel de recherche en fonction du
taux de change du dollar canadien par rapport au Franc guinéen du
moment. Après les événements du 11 septembre 2001, le taux
du dollar a augmenté beaucoup par rapport au FG ce qui a faussé
certaines de nos prévisions d'achat de matériel de collecte. En
fait, avant le 11 septembre un dollar canadien s'échangeait à 1
147 FG. En date du 4 octobre 2001, le même dollar s'échangeait
contre 1 226,6873 FG. D'ailleurs ce taux ne cessera d'augmenter pendant tout
notre séjour de terrain en Guinée.
- Difficultés liées aux rencontres avec les
sujets à enquêter. Indépendamment de la semaine
référendaire comme nous le mentionnons plus haut, il faut
signaler des
difficultés d'identification de la population cible. En
effet, contrairement aux universités canadiennes, l'Université de
Conakry ne dispose pas de banque de données ou des adresses des
diplômés sortis de ses Facultés. Ce qui nous a amené
à passer par les connaissances dans les quartiers pour pouvoir obtenir
les adresses des diplômés. Également on ne peut
enquêter ni par téléphone ni par courrier postal. Sans
compter les rendez-vous ratés de la part des enquêtés. En
outre, nous étions obligés de faire à pied de longues
distances dans les quartiers pour joindre les diplômés
étant donné que le PCBF ne prend pas en charge le transport
urbain, ce qui nous amené à utiliser les dimanches pour prendre
des rendez-vous avec les enquêtés. Ce sont donc les
difficultés principales rencontrées lors de nos collectes de
données à Conakry.
4.5 L'ANALYSE
Tout récit peut être analysé à trois
niveaux correspondant à trois lectures différentes mais
nécessairement articulées :
Le niveau des fonctions est celui auquel se déploient les
épisodes du récit ;
Le niveau des actions concerne les éléments du
récit qui mettent en scène les << actants >>,
c'est-à-dire des << personnages >> qui agissent,
interviennent, jouent un rôle dans le récit ;
Le niveau de la narration se repère par la présence
de thèses, d'arguments, de propositions destinées à
convaincre l'interlocuteur (Demazière et Dubar, 1997 :113).
Selon Guibert et Jumel, une analyse qualitative s'effectue en
deux étapes constitutives l'une de l'autre, soit, le repérage
thématique et le traitement qualitatif des données. Le
repérage thématique nécessite deux lectures, la
première a pour but de repérer ce qui a trait aux thèmes
prévus par le schéma d'entrevue tandis que la seconde vise
à mettre en lumière le sens constitutif contenu dans les
entrevues. Quant à la deuxième séquence, le traitement
qualitatif, elle consiste <<en une étude comparative des
données et en une analyse des écarts>> (Guibert et Jumel,
1997: 141). Il s'agit d'abord de déceler la présence ou l'absence
des sous-thèmes, puis de mettre en évidence les analogies ou
oppositions entre ces derniers.
Ainsi, les thèmes recherchés auront pour source
l'ensemble des points abordés par le truchement du guide d'entrevue,
à savoir le devenir professionnel des diplômés
universitaires, l'origine sociale, les formations complémentaires, les
stages et le rôle des réseaux dans l'insertion. Enfin, l'analyse
des entrevues permettra de confirmer ou d'infirmer nos hypothèses sur le
devenir professionnel des diplômés du système universitaire
guinéen. Afin de vérifier nos hypothèses, nous avons
procédé dans un premier temps à la codification des
données recueillies par entrevues et qui ont été
codifiées par catégories et sous-catégories à
partir d'une grille de codage s'inspirant du schéma d'entrevue et
élaborée à la suite de la lecture du verbatim des
entrevues. Tous les passages des entrevues ayant trait à un même
sujet, par exemple la perception de l'insertion des diplômés, ou
à leurs moyens de recherche d'emploi, se sont vus attribuer le
même code. S'inspirant des étapes de Paillé (1994) sur
l'analyse par théorisation ancrée, qui se résument
à la codification, la catégorisation, la
mise en relation, l 'intégration, la modélisation
et la théorisation; les extraits d'entrevue ainsi
codifiés ont été traités au moyen du logiciel
d'analyse de données qualitatives (ATLAS.ti 4.2) qui a permis de
repérer tous les extraits des entrevues se rapportant à une
même catégorie. Dans un deuxième temps, nous avons
procédé à une codification plus détaillée
des extraits pertinents du point de vue de ces représentations
proprement dites.
Toutefois, pour notre cas où nous avons eu à
faire à plusieurs entrevues, celles-ci sont reconstituées non
seulement à partir des extraits portant explicitement sur les points de
vue que les diplômés se font de l'insertion, des formations
complémentaires, mais aussi de leurs commentaires sur d'autres sujets
qui ont été abordés lors des entrevues, notamment sur la
correspondance formation/emploi, les stages et du poids des réseaux de
relations dans l'accès à l'emploi dans le contexte
guinéen.
Au terme de cette première partie du mémoire qui
a présenté dans un ordre chronologique la revue de la
littérature, la problématique de la recherche et l'analyse
conceptuelle, le contexte et le cadre de l'étude enfin la
méthodologie d'analyse, nous allons maintenant aborder dans la seconde
partie la présentation et l'interprétation des données
issues des entrevues.
DEUXIÈME PARTIE: RÉSEAUX DE RELATIONS ET
FORMATIONS COMPLÉMENTAIRES DANS L'INSERTION PROFESSIONNELLE
Cette deuxième partie du mémoire porte
essentiellement sur la présentation des résultats de l'analyse
des données collectées auprès des diplômés
des Facultés des Lettres et celle des Sciences de l'Université de
Conakry effectuées dans le cadre de la présente étude.
Nous décrivons le profil général des répondants en
mettant l'accent tout d'abord sur l'origine sociale et dégageons le
rôle des réseaux de relations et des stages lors de l'insertion,
ensuite nous expliquons le rôle des formations complémentaires
dans le processus d'accès à l'emploi des diplômés,
enfin, nous procédons à une interprétation de ces
données.
CHAPITRE V : PROFIL ET ORIGINE SOCIALE DES
RÉPONDANTS
Cette partie présente d'abord les
caractéristiques des diplômés interviewés (sexe,
âge, option choisie à l'Université), ensuite l'origine
sociale et le statut professionnel des parents, ainsi que de la situation
d'emploi et de chômage des diplômés.
5.1 PROFIL GÉNÉRAL
Sur la base des informations recueillies auprès de nos
répondants, il ressort que quinze des diplômés proviennent
de la Basse Guinée5 dont 11 ont fréquenté la
Faculté des Lettres et Sciences Humaines (FLSH). Douze des
diplômés proviennent de la Moyenne Guinée dont neuf ont
fait leurs études à la Faculté des Sciences (FS). Tandis
que les six qui proviennent de la Guinée Forestière sont tous de
la Faculté des Lettres et Sciences Humaines. Six autres proviennent de
la Haute Guinée qui sont repartis comme suit : quatre en Faculté
de Sciences et deux en Lettres et sciences humaines. Un seul vient de
l'étranger (Sierra Leone) et a également fréquenté
la Faculté des Lettres.
Les répondants sont majoritairement de sexe masculin,
vingt neuf (soit 72,5 %) contre onze femmes. Sur les vingt neuf hommes, dix
sept sont de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines et douze de la
Faculté des Sciences. Alors que les filles se repartissent à peu
près à part égale entre les deux Facultés, six et
cinq respectivement. L'âge moyen de nos répondants est de 26 ans
à la Faculté des Sciences et de 27 à la Faculté des
Lettres et Sciences Humaines. Alors que le plus jeune diplômé de
la Faculté des Sciences a 23, le plus jeune de la Faculté des
Lettres a 24 ans. Par ailleurs, le plus âgé (30 ans) est
diplômé de Lettres, tandis que le plus avancé en âge
des Sciences a 29 ans. Sur les vingt interviewés retenus de la
Faculté des Sciences, nous avons cinq diplômés en
mathématiques, cinq en physique, cinq en biologie et cinq en chimie.
Quant à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines où les
filières sont beaucoup plus variées, quatre appartiennent
à l'option professeur de français, quatre en sociologie, quatre
en animation culturelle, trois en journalisme, trois en histoire et deux en
tourisme.
Sur la base des données collectées, le temps de
séjour à l'université est en moyenne de 4 ans tandis que
le plus long séjour est de 6 ans, soit deux redoublements au cours du
cursus universitaire. Il faut rappeler que le cycle normal à
l'Université de Conakry est de quatre ans sauf à la
Faculté de médecine et pharmacie (5 à 6 ans). Le nombre
d'années moyen mis entre l'entrée à l'école
primaire et la sortie de l'Université de Conakry est de 19 ans à
la Faculté des Sciences et de 18 ans à la Faculté des
Lettres et Sciences Humaines.
5.2 SITUATION DE L'EMPLOI
Du point de vue de l'emploi, sur un total de quarante
interviewés, près de la moitié est au chômage. Les
plus touchés sont les diplômés de la Faculté des
Sciences. Vu du Canada (voir Audet, 1995) cela peut paraître
étonnant mais dans un pays comme la Guinée, les biologistes, les
chimistes, les physiciens tout comme les mathématiciens ont du mal
à s'insérer sur le marché de travail. Cela peut
s'expliquer par le fait que laboratoires et industries ne sont pas très
développés en Guinée. Il y a là un
phénomène important que d'autres études devraient
approfondir. Par ailleurs, parmi les diplômés qui ont un emploi,
douze effectuent un travail à contrat renouvelable chaque année
dans le secteur public. Tandis que les neuf autres font un travail à
durée indéterminée. Parmi ces derniers, huit
évoluent dans le secteur privé et un dans le secteur public.
Par ailleurs, il faut noter qu'une grande proportion (62 %)
des répondants qui occupent un emploi, (qu'ils soient dans le secteur
privé ou public), font un travail dans un secteur non relié
à leur domaine d'études universitaires. Par exemple sur un total
de 21 diplômés en emploi, il résulte que seulement huit (38
%) ont un travail relié à leur domaine d'étude. Ils sont
quatre en provenance de la Faculté des Sciences et quatre de la
Faculté des Lettres et Sciences Humaines. Tandis que les 13 autres
occupent un emploi non relié à leur domaine d'études
universitaires. Cette situation peut s'expliquer par le fait que les
diplômés sont confrontés à un marché du
travail guinéen déprimé et par une demande moins
spécialisée d'experts qui valorisent les formations
complémentaires.
D'ailleurs, très souvent, les diplômés
suivent les formations en fonction des offres d'emploi et non en fonction de
leurs formations de base. Dans un marché d'emploi
déprimé comme celui de la Guinée,
où l'accès à un emploi est très rare, ce qui compte
pour les diplômés, c'est l'acquisition d'un emploi, le lien avec
le domaine d'étude vient au second rang.
5.3 ORIGINE SOCIALE
Du point de vue de l'origine sociale des répondants,
les interviewés sont majoritairement fils et filles de fonctionnaires
(soit 55 % de l'échantillon total) dont onze de la Faculté des
Lettres et Sciences Humaines et onze de la Faculté des Sciences, soit un
total de vingt deux sur quarante diplômés retenus. Les
fonctionnaires en Guinée, ont, par rapport aux autres catégories,
l'avantage statutaire de la stabilité de l'emploi et de la
rémunération. Parmi eux, il faut cependant distinguer les cadres
et professionnels et les semi-professionnels. Les diplômés qui ont
des parents cadres et professionnels sont au nombre de treize, tandis que neuf
diplômés ont des parents semi-professionnels. Ceux qui ont des
parents commerçants sont au nombre de huit (dont 6 de la Faculté
des Lettres et Sciences Humaines et 2 de la Faculté des Sciences). Sept
des interviewés ont un père cultivateur (dont 3 de la
Faculté des Lettres et 4 de la Faculté des Sciences), alors que
cette catégorie compte pour 60 % de la population guinéenne.
Seulement trois ont des parents ouvriers ou artisans et ils ont tous
fréquenté la Faculté des Lettres et Sciences Humaines.
Tableau 1 : Profession du père et
situation des diplômés par rapport au marché de l'emploi
Profession du père
|
En emploi
|
Au chômage
|
Total
|
Fonctionnaire6 dont :
|
11
|
11
|
22
|
- Cadre ou professionnel
|
8
|
5
|
13
|
- Semi-professionnel
|
3
|
6
|
9
|
Commerçant
|
5
|
3
|
8
|
Cultivateur
|
4
|
3
|
7
|
Ouvrier/artisan
|
1
|
2
|
3
|
Malgré les limites dues à la nature exploratoire
de notre étude, on peut penser à partir des chiffres
présentés dans le tableau 1 que les enfants issus de familles
modestes ont de la difficulté à entrer à
l'université. Ceci est cohérent avec les résultats de la
plupart des études sur les populations étudiantes qui ont
indiqué que l'origine sociale a un effet reconnu sur la capacité
à entrer à l'université. Les résultats sont
marqués par la spécificité du statut relativement
avantageux des fonctionnaires en Guinée et le très faible nombre
de fils d'ouvriers et artisans et en proportion de fils de cultivateurs.
La question est alors de savoir si l'effet de l'origine
sociale comme l'ont affirmé plusieurs auteurs (Bourdieu et Passeron,
1970; Kelley, 1976) continue à se manifester dans l'obtention d'un
emploi et nous en avons fait une de nos hypothèses. Malgré une
fois encore les limites de nos données, nos résultats ne semblent
pas corroborer clairement cette hypothèse. On observe en effet que sur
les 22 diplômés fils et filles de fonctionnaires, la moitié
est au chômage, et apparemment en proportion, n'ont pas le même
taux de réussite que les fils de commerçants et les fils de
cultivateurs. Il faut dire ici que le statut des commerçants est plus
précaire et moins aisé que celui des fonctionnaires. Deux
éléments viennent cependant tempérer quelque peu la mise
en question du lien origine sociale-emploi. D'abord le fait que deux parmi les
trois enfants d'ouvriers ou artisans n'ont pas d'emploi et ensuite qu'au sein
des enfants des
6 Dans le contexte guinéen, comprendre par
fonctionnaires, les employés de la fonction publique que nous avons pris
soins de regrouper en deux catégories : - en cadres et professionnels
regroupant des administrateurs, des cadres supérieurs, des professeurs
d'université;
-en semi-professionnels regroupant les enseignants du niveau
secondaire et primaire, des adjoints administratifs, des infirmiers.
fonctionnaires, les fils et filles des semi-professionnels
sont eux aussi nettement moins bien placés par rapport à la
catégorie supérieure des fonctionnaires.
Ces résultats sur un échantillon dont la
représentativité n'est pas contrôlée ont
évidemment une portée limitée. Néanmoins, dans ce
cas, l'origine sociale n'a pas d'effet clairement observable sur l'obtention
d'un emploi et ces résultats font douter de l'hypothèse initiale.
Ceci peut s'expliquer de la façon suivante. L'origine sociale a un effet
reconnu sur la capacité à entrer à l'université.
Cette variable n'aurait-elle pas lorsque l'on parle des diplômés,
déjà pleinement exercé son effet antérieurement,
laissant place à d'autres facteurs.
Nous montrerons un peu plus loin le rôle des
réseaux, des stages et des formations complémentaires. On
pourrait alors se demander si l'effet de l'origine sociale ne se manifesterait
pas de façon indirecte dans l'utilisation des réseaux sociaux ou
des formations complémentaires. Nous avons donc cherché à
éclairer ces sous-hypothèses à partir des tableaux 2 et 3.
En ce qui concerne les réseaux, la configuration de leur utilisation ne
coïncide pas avec l'idée que les catégories les plus
aisées seraient celles qui les utiliseraient le plus avec
succès.
Parmi les fonctionnaires, les fils de cadres ou de
professionnels utilisent peu les réseaux et les fils de
semi-professionnels n'ont pas grand succès pour trouver un emploi par ce
moyen. En revanche les fils de commerçants et de cultivateurs sont parmi
ceux qui les utilisent le plus avec succès. Là encore
l'hypothèse de l'effet de l'origine sociale montrant un avantage des
catégories les plus aisées en termes de réseaux pour
l'accès à l'emploi n'est pas cohérent avec les
résultats de ce petit échantillon.
Près de la moitié de nos interviewés ont
utilisé leur réseau. Le taux de succès des réseaux
est très bon, puisque douze sur dix huit (66,66 %) des répondants
ont obtenu un emploi par ce moyen. Parmi ceux qui n'ont pas utilisé les
réseaux ou qui n'ont pas de réseaux, le taux de succès est
inversé, neuf sur vingt deux seulement ont obtenu un emploi sans
utilisation des réseaux. Il faut préciser que parmi les neuf,
deux ont postulé directement.
Tableau 2 : Utilisation ou non du réseau
et profession du père
Profession du père
|
En emploi
|
Au chômage
|
|
Ont utilisé les
réseaux
|
N'ont pas utilisé les réseaux
|
Ont utilisé les réseaux
|
N'ont pas de réseaux7
|
Cadres et professionnels
|
2
|
6
|
2
|
3
|
Semi-professionnels
|
-
|
3
|
4
|
2
|
Commerçants
|
5
|
-
|
-
|
3
|
Cultivateurs
|
4
|
-
|
-
|
3
|
Ouvrier/artisan
|
1
|
-
|
-
|
2
|
Toutefois, si les réseaux sont utilisés
fréquemment par les diplômés, il faut préciser que
tous les réseaux de relations ne sont pas efficaces pour permettre de
décrocher un emploi en Guinée. Il arrive que des réseaux
soient plus forts que d'autres. En Guinée, les réseaux deviennent
faibles le plus souvent quand la personne qui soutient le diplômé
dans ses démarches est soit à la retraite, soit n'occupe plus une
fonction permettant d'influencer le réseau de relations. Sur dix neuf
diplômés en chômage, 6 ont essayé d'utiliser leur
réseau sans obtenir un emploi, tandis que les 13 autres ne disposent
d'aucune possibilité de recourir aux réseaux pour
s'insérer sur le marché de travail guinéen.
Le tableau 3 montre le lien entre formation
complémentaire et la profession du père. Ce qui frappe, c'est que
les formations complémentaires sont avant tout utilisées par les
fils de cadres et professionnels et quelque peu par les fils de
semi-professionnels alors que les autres catégories les utilisent de
façon marginale ou jamais comme pour les fils d'ouvriers. Ceci montre en
même temps l'efficacité d'insertion de ces formations puisqu'aucun
des diplômés ayant suivi de telles formations n'est en
chômage. Même ceux qui ont eu directement un emploi ont aussi suivi
une formation complémentaire.
On peut alors conclure que si l'origine sociale jouait un
rôle dans l'insertion en emploi, ce serait par le biais des formations
complémentaires. Ceux qui seraient les plus à l'aise
financièrement utiliseraient les formations complémentaires qui
supposent d'ailleurs un
déboursé ou l'aide d'une relation. En revanche, les
fils de commerçants et de cultivateurs feraient appel beaucoup plus
souvent aux réseaux.
Tableau 3 : formation complémentaire et
profession du père
Profession du père En emploi Au
chômage
|
Avec formation complément aire
|
Sans Avec
formation formation
complémentai complément
re aire
|
Sans formation complément aire
|
Cadres et professionnels
|
8
|
|
5
|
Semi-professionnels
|
3
|
|
6
|
Commerçants
|
1
|
4
|
3
|
Cultivateurs
|
1
|
3
|
3
|
Ouvrier/artisan
|
|
1
|
2
|
Après la présentation du profil et l'origine
sociale des répondants, nous allons dans les lignes qui suivent aborder
d'abord le rôle des réseaux de relation dans l'accès
à l'emploi, ensuite les formations complémentaires et leur
rôle dans l'accès à l'emploi des diplômés.
CHAPITRE VI : LES MODALITÉS D'INSERTION SUR LE
MARCHÉ DU TRAVAIL
Dans ce chapitre, nous traitons du rôle des stages dans
l'obtention de l'emploi, ensuite du poids des relations dans le contexte
guinéen, plus spécifiquement du rôle des réseaux.
6.1 LE RÔLE DES STAGES DANS L'OBTENTION DE
L'EMPLOI
Pendant longtemps, l'État guinéen était
le principal, si non l'unique employeur des diplômés. Or,
aujourd'hui la recherche de l'emploi est du ressort des diplômés.
C'est pourquoi, dans le contexte guinéen, comme d'une part, la fonction
publique recrute rarement ou pas du tout depuis plus d'une décennie,
d'autre part, le taux très faible d'embauche dans le secteur
privé, les stages et formations complémentaires sont devenus des
étapes incontournables dans le processus d'accès à
l'emploi. Par rapport au rôle des stages dans l'obtention de l'emploi,
les avis des répondants sont partagés. La grande majorité
des interviewés trouvent que les stages constituent un moyen d'insertion
efficace sur le marché de travail comme l'explique HLE3 :
«A mon avis, les stages jouent un rôle de
premier plan. C'est d'ailleurs grâce au premier stage que j 'ai fait
auprès d'un professeur du lycée que j 'ai réussi à
postuler pour l 'enseignement secondaire. Ensuite grâce au stage que j
'ai fait au centre Guinée-écologie association Internet, que j
'ai réussi à traiter mon thème de mémoire. Donc c
'est d'abord les stages ensuite les stages. Avec les stages, on a l
'expérience».
Dans une certaine mesure, les répondants estiment que
faire le stage permet de casser certaines barrières dans l'accès
à l'emploi comme les offres d'emploi qui nécessitent une
expérience de travail d'au moins deux à trois ans. Pour cette
catégories de diplômés, à défaut d'un emploi
dès la sortie, il faut nécessairement passer par un stage afin
d'enrichir son expérience et pouvoir accéder à certaines
catégories d'emploi notamment avec les institutions comme le PNUD,
l'UNICEF qui sont des employeurs potentiels des diplômés
universitaires.
Enfin, pour certains répondants même si le stage
ne donne pas directement accès à l'emploi, il faut le faire car
il peut servir dans le futur à décrocher un emploi ou tout au
moins à avoir des contrats de courte durée qui constitueront des
sommes d'expériences,
et en même temps enrichiront leur curriculum vitæ
pour d'éventuelles offres d'emplois. L'extrait ci-dessous illustre
l'intérêt de faire les stages pratiques dans le contexte
guinéen :
' A travers un stage au Centre Hospitalier Universitaire
de Donka, j 'ai décroché un contrat de 90
jours. il y avait une
enquête en cours qui demandait des laborantins et heureusement c 'est
à travers le stage que j 'ai eu à faire, j 'étais en
mesure de faire des prélèvements sanguins. Je faisais partie des
laborantins, mon travail consistait à faire le prélèvement
lors de cette enquête » (FSC36).
Si la grande majorité des interviewés pensent
que les stages constituent un moyen d'insertion efficace dans la mesure
où les diplômés qui réussissent à faire un
stage quelque part ont plus de chances d'être retenus dans leur lieu
d'apprentissage. Une minorité des répondants jugent que le stage
ne permet pas touj ours de décrocher un emploi. Au contraire ils jugent
que cela contribue à enliser davantage le diplômé.
D'ailleurs, certains interviewés disent rester dans un stage plus de
deux ans dans l'espoir d'être embauchés un jour. Mais
malheureusement beaucoup finissent par ne pas être employés. Dans
une telle situation, les stagiaires se retrouvent à la case de
départ. En effet, il faut le souligner, les employeurs profitent
quelques fois de la main-d'oeuvre abondante pour renouveler les stagiaires et
faire fonctionner leurs entreprises sans recruter d'autant plus que les
stagiaires ne sont pas rémunérés. Ainsi, les
diplômés passent d'un stage à un autre pendant plusieurs
années comme le montre l'extrait suivant :
' Il y a de lieux de stage où tu peux faire 6
à 7 mois, quelque fois même des années, tu ne seras pas
employé. L 'exemple le plus frappant en Guinée c 'est la Radio
Télévision Guinéenne, il y en a qui ont fait
déjà 10 ans de stage ils ne sont pas employés»
(HLE19)8.
Même si les répondants n'apprécient pas
tous le fait de faire de stages pour trouver de l'emploi, cependant, ils
aperçoivent qu'il serait mieux, à défaut d'un emploi
dès la fin des études, de faire un stage ou des formations
complémentaires. Ils justifient ce besoin par le fait que, les
universités guinéennes en général et celle de
Conakry en particulier ne
8 En Guinée, il y a une seule station de Radio
télévision, ce qui explique que les stagiaires n'ont pas de choix
que de rester dans cette situation. En réalité, ils vivent de
cadeaux que certains organismes ou personnes satisfait de leur travail leur
offre.
forment pas de spécialistes mais au contraire de
généralistes. Cela traduit le phénomène de
l'inadéquation formation/emploi, une tare majeure des système s
éducatifs africains en général et celui de la
Guinée en particulier C'est pourquoi, il est fréquent de voir un
diplômé faire un travail non relié à son domaine
d'étude. Ainsi, pour mieux faire valoir son travail, il lui faudrait
faire d'autres formations complémentaires ou un stage dans un centre
spécialisé à son domaine de travail.
Par ailleurs, les répondants insistent sur le fait que
les stages sont aussi essentiels que les formations additionnelles pour
décrocher un emploi en Guinée. En plus, ils affirment que dans la
plupart des stages effectués, il arrive le plus souvent que
l'expérience acquise concoure non seulement à enrichir leur
curriculum vitæ mais aussi à faciliter leur recrutement au niveau
du lieu de stage comme en témoigne l'extrait ci-dessous :
«Le stage est très intéressant pour
tous les jeunes diplômés, c 'est lui qui facilite l'obtention d'un
emploi. C'est pourquoi, il faut nécessairement faire des stages, c 'est
très avantageux pour les jeunes qui viennent fraîchement de sortir
de l'Université de Conakry» (FSE29).
Si les stages constituent un moyen d'insertion
professionnelle, les diplômés déplorent que l'accès
à ces derniers soit difficile pour eux. Certains disent rencontrer des
obstacles tels que le refus catégorique de certaines entreprises de les
prendre, le manque d'attention à l'égard des stagiaires par les
maîtres de stage. Les diplômés disent que s'ils ne
rencontraient pas une certaine hostilité de la part de certaines
entreprises, les stages peuvent bien favoriser l'accès à
l'emploi. Mais le constat est que les étudiants qui sortent maintenant
éprouvent de plus en plus de difficultés dans ce sens. Par
exemple il arrive qu'un diplômé présente officiellement une
demande de stage à une institution et qu'il se voit refuser
l'accès. Et même accepté, en pratique il ne fait absolument
rien, souvent il traîne toute la journée et finit par se
lasser.
Sur la base des données colligées, il
apparaît que le stage donne une aptitude pour la recherche de l'emploi
dans la mesure où dans certains ministères ou offices, on
embauche le diplômé, parce qu'il a fait deux ans de stage et
connaît bien le travail. Et même les milieux de stage qui n'ont pas
la possibilité d'embaucher, les stages sont considérés
comme indispensables par les répondants dans l'accès à
l'emploi. Car selon
eux, la compétence apprise peut toujours permettre
d'avoir autre chose ailleurs. Ainsi, le stage permet de décrocher un
emploi même si ce n'est pas sur le lieu de stage préalable.
Enfin, il y a lieu de souligner qu'en dehors des stages et des
formations, certains diplômés utilisent d'autres
procédés pour accéder à l'emploi. Il s'agit par
exemple de l'expérience de travail accumulée pendant les
études. Rappelons qu'il s'agit de rares étudiants qui allient
études et travail généralement dans une entreprise
familiale. À la sortie de l'université, cette catégorie
d'étudiant trouve très tôt de l'emploi car disposant
déjà d'une expérience de travail recherchée par les
employeurs.
En somme, il ressort que les stages, les formations
complémentaires et l'expérience de travail pendant les
études constituent les premiers recours dans le processus d'accès
à l'emploi des diplômés en Guinée.
L'analyse des résultats de l'étude sur le
rôle des stages dans l'obtention de l'emploi permet de comprendre que la
valorisation des stages par les répondants va en conformité avec
les perceptions des employeurs qui privilégient ces aspects chez eux.
L'importance accordée au stage trouve sa justification par le fait que
depuis plus d'une décennie, les entreprises guinéennes
préfèrent employer des diplômés ayant
déjà une expérience de stage. En fait, les
possibilités d'embauches étant très faibles sur un
marché de travail guinéen déprimé, les
répondants préfèrent passer par les stages pour
accéder aux emplois; pour cela, ils font tout ce qu'il faut pour
augmenter leurs chances d'insertion. De cette manière, ils agissent en
conformité avec les attentes de leurs employeurs potentiels.
La valorisation du stage qui se manifeste tant chez le
diplômé que chez l'employeur potentiel s'explique en grande partie
par le fait que cette main d'oeuvre participe à la bonne marche des
entreprises mais aussi le stage facilite l'insertion professionnelle des
diplômés. Le stage présente des retombées non
seulement pour le diplômé, mais également pour l'employeur
d'autant plus que nous l'avons dit plus haut, certains employeurs profitent de
la main d'oeuvre abondante pour faire fonctionner leurs sociétés
sans pour autant faire de recrutement.
Le statut du diplômé au sein de l'entreprise est
donc défini en grande partie par ses capacités à
contribuer à rentabiliser l'entreprise où il fait son stage. Pour
le cas des entreprises guinéennes, un ensemble de conditions sont
là pour garantir son embauche définitive. Entre autres on peut
retenir : l'acquisition de l'expérience à travers le stage, la
compétence, la maîtrise des nouvelles technologies de
l'informatique etc. De plus sans avoir reçu d'avertissement de mauvaise
conduite durant toute la période de stage. C'est dire contrairement
à ce qu'on est porté croire à première vue,
l'insertion professionnelle des diplômés de l'Université de
Conakry n'est pas aisée.
Des situations similaires à celle existant à
l'Université de Conakry ont été observées dans
certains pays industrialisés notamment européens tels la France
et l'Allemagne. Parlant de la situation française, D'Iribarne (1990 :
175), fait le constat suivant :
« Dans les pays industrialisés, on pourrait
être porté à penser, à première vue, que les
diplômés universitaires, étant donné leur niveau de
scolarité élevé ou la sélection dont ils ont fait
l'objet, rencontrent peu de problèmes d'insertion professionnelle. Ils
ont en effet un avantage relatif sur le marché du travail. Mais il
importe, pour apprécier cet avantage, de replacer celui-ci dans la
perspective du secteur public qui constituait le principal
débouché de l'enseignement supérieur. En effet, le secteur
public a subi, au cours des années 80, suite aux pressions sur les
dépenses publiques, des transformations telles qu'il n'offre plus les
mêmes possibilités de recrutement alors que l'enseignement
supérieur a continué de se développer. Ces contraintes
s'avèrent encore plus vives dans le contexte de la récession
économique du début des années 90, et sont de nature
à modifier profondément les débouchés pour les
diplômés de l'enseignement supérieur. [...] Le
décalage entre l'offre et la demande se traduit par une
dégradation des conditions d'insertion et le sous-emploi des
diplômés ».
Enfin, pour comprendre de manière plus large
l'influence des stages, on ne saurait se limiter aux considérations
socio-économiques. Il importe en outre de tenir compte des programmes
d'ajustement structurel mise en oeuvre sous l'égide du Fonds
Monétaire International et de la Banque Mondiale qui touche de
manière toute particulière la capitale Conakry, lieu de
concentration des entreprises susceptibles d'offrir des emplois aux
diplômés. On peut à juste titre rappeler ici l'existence
d'un dicton très popularisé au niveau des interviewés et
dans lequel, ils donnent l'importance des stages dans l'obtention du premier
emploi : "on ne recrute jamais sans stage, c 'est d'abord les stages
ensuite les stages".
Dans le cas de HLE1 0, la richesse de son expérience en
matière de stages et de travail9, lui a
permis de décrocher un emploi dès sa sortie de
l'Université devant des spécialistes du poste demandé. A
ce niveau, on peut dire que l'accumulation de stages a été en
conformité avec les perceptions des employeurs, qui disent qu'ils
recrutent de préférence des diplômés ayant
déjà une expérience en stage ou en emploi. Ceci nous fait
dire que le recrutement de HLE10 est en conformité avec les conceptions
qu'ont les employeurs dans le marché de travail guinéen. Plus le
diplômé a une grande expérience de stage et de formations
complémentaires, plus il a de "chances" de décrocher un emploi
par rapport à celui qui n'a pas fait encore de stage.
Dans certains cas, le diplômé combine stage et
réseau relationnel afin de trouver un emploi, c'est l'exemple de FSE30
où le réseau relationnel a largement joué lors de
l'obtention de son emploi. Au départ, son intention était de
faire un stage, c'est cette intention qui lui a permis de décrocher un
emploi. C'est dire que même si FSE30 déclare n'avoir pas eu
recours seulement à un stage, il reconnaît que c'est par
l'intermédiaire de ce dernier que le travail a été obtenu,
même si le réseau relationnel a davantage de liens directs avec
l'embauche. Il est vrai que d'un certain point de vue, ce sont les relations
qui semblent avoir davantage d'influence lors de la recherche de l'emploi.
Toutefois, une analyse basée uniquement sur les niveaux
d'intensité des relations ne suffit pas pour comprendre les
démarches qu'un diplômé entretient avec son réseau
relationnel en ce qui concerne l'insertion professionnelle. En effet, il faut
prendre également en considération les rapports d'amitié
qui existent entre le diplômé et ses collègues de
9 «Depuis ma classe de 12ème année
(équivalent au niveau collégial), compte tenu de ma situation, il
fallait que j'ai de l'emploi pour pouvoir subvenir à mes besoins. Alors
j'ai commencé très jeune, j'ai travaillé dans les usines
de plastique où je faisais des dessins, où j'imprimais de la
peinture, c'est à dire mettre un peu d'art sur les chaussures pour que
ça soit bien vendu. Après la 12ème année, j'avais
mon grand frère qui avait un atelier de sérigraphie, c'est un
atelier qui fait, l'impression des images sur les tricots, qui fait des
banderoles, qui fait des panneaux publicitaires pour les
sociétés. J'ai toujours gardé le contact travailleur et
commercial. J'allais voir les sociétés, leur proposer les
produits que nous faisions. Donc elles (les sociétés) m'ont connu
dans ce sens. Quand elles avaient besoin de moi, elles m'appelaient et je
faisais leur boulot. J'ai toujours gardé ce même boulot (travail)
jusqu'à l'université. A l'université, à mes
débuts, je suis passé par la Shell où j 'avais
été pompiste pendant six mois, et après ma période
de six mois, j'ai été le responsable d'une station service. Et
quand les études ça ne marchait pas bien, j'ai
démissionné du travail. Quand j'étais en dernière
année d'études universitaires, j'ai organisé une quinzaine
commerciale avec un monsieur qui venait d'ouvrir un centre commercial. Et ce
monsieur m'a proposé le poste d'assistant. A ce poste, je m'occupais de
tout ce qui était gestion des boutiques, gestion des commerçants
et tout ce qui est administration : payer les impôts,
l'électricité, l'eau, le personnel. J'ai passé
pratiquement trois ans là. C'est la somme de tous ces petits boulots qui
m'a permis de connaître pas mal de personnes dans le milieu de
travail».
promotion. En effet, FSE30 a réussi son insertion suite
à une recommandation du père de son amie de classe.
Dans le cas de FSE30, qui a obtenu son emploi sans durer dans
le stage, l'influence du réseau relationnel est assez perceptible. Par
conséquent on peut établir un lien entre le rôle des stages
et les appuis des amis dans les embauches. Il arrive souvent que des
diplômés combinent stages et réseau dans le but de
décrocher un emploi. La combinaison de ces différents
paramètres pour leur insertion est la conséquence de
l'inadéquation formation/emploi qui caractérise les pays
africains.
Par exemple, l'étude de Lachaud (1994),
réalisée au Mali, indique que le déséquilibre
formation/emploi affecte le marché du travail de sorte qu'il n'absorbait
au cours des années 1990 qu'entre 30 et 50 pour cent des
diplômés de l'enseignement supérieur. Les plus faibles taux
d'absorption étant relatifs aux formations générales,
encore que certaines formations techniques ne soient pas
épargnées. Comme c'est le cas en particulier des
diplômés de la Faculté des Sciences de l'Université
de Conakry où l'insertion sur le marché de travail est
problématique. A titre d'illustration, dans notre étude, les
diplômés de la Faculté des Sciences sont les plus
touchés par le chômage. Par exemple sur les 20
diplômés de cette Faculté, 5 seulement sont en emploi (soit
25 % des répondants de ladite Faculté. Alors que 75 % sont encore
à la recherche de leur premier emploi. Tandis qu'en Faculté des
Lettres, sur les 20 diplômés retenus, 75 % ont un emploi.
Habituellement, on est porté croire que les diplômés des
sciences ont plus de possibilités d'insertion sur le marché de
travail. Cependant, dans notre étude, les résultats des
données indiquent que les répondants qui ont fait Lettres
s'insèrent mieux. A notre entendement, cela pourrait s'expliquer
à deux niveaux. Le premier est qu'en Guinée, les laboratoires de
biologie, de chimie ou de physique sont peu développés sinon
inexistants. Par conséquent, les diplômés des sciences
éprouvent de difficultés d'insertion. Le second s'explique par le
fait que, la plupart des ONG (employeurs potentiels) intervenant en
Guinée s'intéressent beaucoup plus dans le domaine des sciences
sociales.
Cette situation caractérisant la Guinée est
présente ailleurs au Québec où l'insertion de certains
diplômés est à plusieurs égards
problématique, du moins elle est devenue en
cette fin de siècle plus complexe dans la mesure
où les rapports formation/emploi se sont transformés de
différentes manières (Trottier, Diambomba et Perron, 1995 : 196).
Pour ces auteurs, souvent, la formation initiale universitaire ne peut trouver
à s'actualiser, au moins sur le court terme. Tel est par exemple la
situation au Québec où des proportions de diplômés
de l'enseignement supérieur ne trouvent que des emplois précaires
ou encore sans rapport avec leur formation10
On peut donc conclure à propos du rôle des stages
que dans certains cas les perceptions des diplômés sont en
conformité avec les réalités du marché de l'emploi
guinéen. Sans stage, il est très difficile de faire son insertion
professionnelle sur le marché de l'emploi. Toutefois, lorsque le
diplômé a des relations, il peut être employé sans
passer par un stage. Ainsi, on peut dire qu'un stage appuyé par un
réseau relationnel conduit à une insertion facile.
6.2 LE POIDS DES RÉSEAUX DE RELATIONS DANS LE
CONTEXTE GUINÉEN
Dans le contexte guinéen, le réseau relationnel
comme on a commencé à le voir occupe une place importante lors de
la recherche d'un emploi. D'une manière générale, les
répondants ayant un emploi déclarent majoritairement avoir fait
usage de leurs relations afin d'accéder à un emploi. Même
ceux qui sont encore à la recherche d'un emploi comptent
également faire usage de leurs relations si l'opportunité s'offre
à eux. Dans l'une ou l'autre catégorie de ces répondants,
le réseau relationnel constitue une ressource à l'insertion
à côté des formations complémentaires et des stages
effectués.
Cette réalité du marché de l'emploi
guinéen semble corroborer la théorie de Kelley (1976 : 99) selon
laquelle, la relation familiale donne un avantage certain dans la recherche de
l'emploi. En Guinée, cet avantage se traduit par la possibilité
de se faire offrir un stage en milieu de travail, le financement d'une
formation complémentaire (en informatique, en anglais ou en gestion par
exemple) ou la création de sa propre entreprise. Cette situation n'est
pas spécifique à la Guinée. Une étude
réalisée au Canada par Guédon (2000 : 80), confirme cette
analyse en montrant que : « Les diplômés
10 Audet (1988), Relance du ministère de
l'Éducation rappelle qu'en 1987, période de relative
prospérité, seulement 54% des étudiants détenant un
baccalauréat depuis deux ans avaient à la fois un emploi
permanent et relié à leur champ de spécialisation.
soutenus par un milieu familial bien pourvu sur le plan
socio-économique, ceux qui peuvent s'identifier à un père
heureux au travail ou ceux qui savent utiliser les ressources mises à
leur disposition sont en meilleure position d'insertion que les
diplômés dépourvus de soutien social et contraints à
se tourner vers des "jobines" de survie plus ou moins déviantes ».
Cette position est partagée par certains auteurs comme Fournier (1997)
et Gauthier (1990) qui soutiennent que les diplômés
pénalisés par une histoire familiale tumultueuse, par des
difficultés scolaires chroniques, courent plus de risque de s'exclure
à long terme du marché de travail régulier. Il faut
préciser que le réseau relationnel s'étend au-delà
de la famille. A ce niveau, on peut distinguer deux catégories de
répondants :
La première catégorie regroupe ceux qui ont
obtenu un emploi par le biais de leur réseau relationnel qu'ils soient
dans le secteur privé ou public. Pour les répondants, sans une
relation amicale ou familiale, c'est très difficile d'avoir un emploi en
Guinée. Il faut être recommandé ou avoir des parents qui
soient bien placés ou encore une connaissance qui puisse apporter de
l'aide comme le souligne FSE30 :
Moi particulièrement, si je n 'avais pas eu vent du
concours, je suis sûr que je n 'allais pas apprendre qu 'il y avait un
recrutement ici (lieu de travail). Et là aussi, si je n 'avais
pas de connaissances (relations), c 'est sûr que je n 'allais
pas réussir le concours ».
Ce phénomène d'usage de relation pour
décrocher un emploi n'est pas propre aux diplômés
guinéens. Des situations similaires ont été
observées dans une étude faite au Mali par Piché et
Antoine (1995). Les auteurs de cette étude révèlent que
c'est à travers les réseaux sociaux, parentaux et culturels que
les jeunes diplômés parviennent à s'insérer sur le
marché urbain de Bamako. L'étude de Badji (1997 : 51) sur le
« devenir professionnel des étudiants de la Faculté des
sciences économiques et de gestion » révèle
également qu'à Dakar, trouver du travail nécessite
beaucoup de connaissances pratiques sur le marché de l'emploi, sur les
pourvoyeurs potentiels d'emploi et sur les personnes influentes. Cela suppose
l'établissement d'un réseau de relations susceptibles de donner
des informations indispensables.
La seconde catégorie regroupe les répondants
n'ayant pas encore de l'emploi mais qui envisagent de faire usage des relations
pour leur insertion. Ils considèrent
indépendamment de leurs formations universitaires et
des compétences dont ils disposent, que sans les relations, les
"chances" de trouver un emploi sont faibles. Si certains répondants
pensent seulement faire usage de leurs relations, d'autres vont plus loin pour
expliquer l'impact du réseau relationnel sur le marché de
l'emploi guinéen tout en dénonçant certaines attitudes
qu'ils considèrent inconcevables telle que la relégation au
second plan du volet formation au profit de la primauté des relations
qui conduisent souvent à des pratiques de népotisme comme
l'explique HSC24:
« Je connais un ami, il a fait un test, c
'était pour occuper un poste vacant d'expert comptable. L 'expert
comptable était rentré, il fallait le remplacer par un
guinéen. Un test formel a été organisé, mais il se
trouve que son père était un haut responsable du ministère
dont relevait l 'entreprise en question. Donc l 'ami a été
"pistonné" comme on le dit vulgairement et aujourd 'hui il occupe ce
poste, il est très bien payé avec une voiture de commandement
à sa disposition, un chauffeur sans compter d'autres avantages. Alors qu
'en réalité, il n 'a pas les compétences requises pour
exercer cette fonction. C 'est dire que le volet formation n 'est pas en
Guinée le volet le plus important, il faut aussi avoir des relations,
des relations très solides sinon il est pratiquement impossible d'avoir
du travail ».
Cette situation caractérisant les diplômés
universitaires guinéens est présente ailleurs comme au Mali
où certains diplômés font appel à la <
solidarité familiale » pour accéder à un emploi.
D'ailleurs, l'étude de Gérard (1997) portant sur <
Marginalisation et recherche d 'intégration des "jeunes
diplômés "Bamakois au chômage » démontre le
besoin de relations pour les diplômés dans leur insertion
professionnelle. Cette étude révèle que 81,6% des jeunes
interrogés estiment que, sans les relations, on ne peut pas trouver de
travail à Bamako; 5 8,5% des diplômés qui travaillent ont
obtenu leur emploi par ce moyen.
Pour le cas spécifique des diplômés de
l'Université de Conakry, suite à plusieurs déceptions en
rapport aux résultats du test de recrutement, certains répondants
considèrent désormais les relations ou les moyens financiers
comme l'unique possibilité pour accéder à un emploi en
Guinée. Nous reviendrons plus loin sur cet aspect des moyens financiers
qui constitue une forme de corruption généralisée dans le
marché du travail guinéen et par conséquent un handicap
à surmonter par les diplômés en quête du premier
emploi.
Si une proportion importante des interviewés met
l'accent sur la portée des relations pour décrocher un emploi, il
faut cependant, noter des exceptions. Car, les diplômés qui ont
obtenu un emploi sans passer par un réseau relationnel le mentionnent
avec fierté en précisant quand même le rôle des
formations et stages:
«Moi personnellement je n 'ai pas eu de relations. Je
me suis débrouillée toute seule avec ce que j 'ai eu à
faire comme formations et stages. C 'est grâce à ça
(formations et stages) que j 'ai eu cet emploi là aujourd'hui.
Je n 'ai bénéficié d'aucune relation, que ça soit
de la part des amis ou des parents » (FSE29).
Enfin, d'autres interviewés, même s'ils ont
décroché leur emploi par un simple dépôt de dossier,
ne manquent pas de mettre l'accent sur le poids des relations en Guinée.
Certains vont jusqu'à distinguer deux modes communément
utilisés par les diplômés à savoir : les relations
parentales et les jeux d'influence assortis d'argent. A propos de ce dernier,
des répondants font état de l'existence de la corruption en
soutenant que des emplois sont obtenus parfois sur paiement de pots de vin. Ce
qui revient à dire que les diplômés qui n'ont pas de moyens
financiers ou de soutien de la part des réseaux, ne peuvent rien faire
face à la concurrence quand on sait que les sommes d'argent
fréquemment sollicitées sont trois fois supérieures
à celles d'un salaire mensuel d'un cadre supérieur de la fonction
publique guinéenne.
Par exemple en ce qui concerne les tests de recrutement, selon
nos interviewés, on demanderait entre 500 000 et 1 million de
FG11 pour trouver un emploi dans le secteur public. Toujours selon
nos répondants, une fois que la somme demandée est
acquittée, plus besoin de se soucier du déroulement du concours.
Ce qui compte c'est de savoir à qui donner, à quel moment le
donner, un arrêté ministériel sortira pour indiquer que le
diplômé est employé.
Aussi, d'après eux, cette attitude est justifiée
par les conditions socio-économiques précaires qui
caractérisent particulièrement Conakry la capitale
guinéenne. En effet, les répondants jugent que les bas salaires
des fonctionnaires pousseraient ces derniers à la corruption lors
d'organisations de concours de recrutement. Ces pratiques confirment de nouveau
l'usage de la corruption et du népotisme qui caractérisent les
administrations
11 Environ entre 407 et 814 dollars canadiens au moment de notre
collecte de données (novembre 2001).
des pays en voie de développement en
général et celle de la Guinée en particulier. C'est ce que
Badji (1997, ibid.) qualifie à Dakar de "genre de pratique" qui a
favorisé la titularisation de personnes parfois incompétentes
à des postes stratégiques. Ce qui ne manque pas d'avoir des
répercussions négatives sur la compétitivité,
l'efficacité ainsi que la validité de ces structures
économiques.
L'interprétation des données de la
présente section permet de conclure que près de 56 % des
répondants sont unanimes sur l'influence des réseaux relationnels
en Guinée. On constate que les perceptions des répondants et
singulièrement celles des personnes ayant obtenu de l'emploi sont
similaires avec les conceptions de ceux qui n'ont pas encore d'emploi.
En effet, les réseaux de relations et les formations
complémentaires ont des impacts dans le contexte guinéen lors de
la recherche de l'emploi. En exemple, cinq fils de commerçants (62,5 %)
sur 8 sont en emploi. De même, quatre sur sept des diplômés
dont le père est cultivateur (soit 57,14 % de cette catégorie)
sont en emploi. Ce taux d'insertion de ces deux catégories peut
s'expliquer par le fait qu'elles font appel aux réseaux de relation
combinés aux formations complémentaires. En outre, les
données du tableau ci-dessous illustrent cette situation. Sur 21
diplômés occupés, sept (33,33 %) ont eu leur emploi
à travers leurs relations, cinq (23,80 %) à la suite des
réseaux combinés aux formations complémentaires, sept
(33,33 %) à partir d'une formation complémentaire et deux (9,52
%) ont décroché leur emploi en postulant directement. Les
relations et/ou les formations complémentaires sont très
déterminantes en Guinée pour trouver du travail. Comme l'ont si
bien dit d'ailleurs des diplômés " les relations sont
privilégiées au détriment de la compétition. Elles
priment sur la compétence; on use d'abord de celles-ci avant de faire
jouer la compétence".
Tableau 4 Répartition des
diplômés en emploi selon le mode d'obtention de l'emploi
Mode d'obtention de l'emploi
|
Effectif
|
%
|
Par les réseaux sociaux
|
7
|
33,33
|
Par les réseaux sociaux + formation
complémentaire
|
5
|
23,80
|
Par formation complémentaire
|
7
|
33,33
|
Ont postulé directement
|
2
|
9,52
|
Tout d'abord, la mise à contribution des relations
pendant la quête d'emploi est fortement conseillée, cette
démarche devant s'effectuer bien avant la fin des études. La
préparation du point de "chute" se fait le plus souvent pendant les
études. Dans la même optique, certains répondants comptent
seulement sur l'appui des réseaux afin d'accéder au marché
de l'emploi. Par ailleurs, les répondants sont quasi unanimes à
admettre que la mise à contribution des réseaux se fait
régulièrement sur le marché de l'emploi guinéen
comme l'illustre l'extrait suivant :
« J'ai participé récemment à un
concours de recrutement à la fonction publique, les sujets donnés
étaient très faciles pour moi en plus, je sais que j 'ai bien
traité les sujets. Confiant, je n 'ai même pas voulu faire des
démarches parallèles. Quelle a été ma surprise,
lors de la publication des résultats j 'ai vu des gens qui avaient
abandonné l'école il y a près de 10 ans [...] et qui
étaient admis ou des gens qui n 'ont pas fait l 'option qui se
retrouvent admis finalement. Je me suis dis que ce sont les relations.
Effectivement tous mes amis qui furent admis, soit ont des parents au
Ministère de l 'Éducation nationale ou bien ils ont des parents
au niveau de la fonction publique» (HLE19).
En d'autres termes, l'appartenance aux réseaux des
relations des familles exerce une influence décisive sur les
trajectoires professionnelles des diplômés du système
universitaire guinéen. Pour le cas spécifique de
l'Université de Conakry, cet avantage se traduit par la
possibilité de se faire offrir un stage en milieu de travail, le
financement d'une formation complémentaire. Car, en Guinée, le
système de réseau familial est encore déterminant lors de
l'accès au premier emploi. Cela diffère de ce qui se passe dans
les pays développés comme le Canada où le réseau
familial est nettement moins déterminant pour accéder à un
emploi ou à une formation.
Lorsque l'on fait référence aux propos des
diplômés et surtout à ceux qui sont sans emploi, on
comprend vite que l'utilisation de réseaux familiaux ait à la
fois une portée tant sociale qu'économique. Dans la situation du
premier emploi, le répondant et sa famille sont confrontés
à des paramètres sociaux importants. Pour la famille, c'est
entres autre la perpétuation du réseau relationnel et la survie
économique de la famille qui sont mis en cause alors que pour le
diplômé, c'est son statut social qui se modifie pour
s'améliorer (surtout quand il s'agit d'un emploi à durée
indéterminée). Mais la portée sociale de l'emploi du
diplômé se vérifie aussi sur la base de son autonomie vis
à vis de ses parents et de sa contribution à
l'épanouissement du réseau relationnel.
En effet, en Guinée, les réseaux de familles
constituent l'une des principales ressources pour accéder à un
emploi. Cette lecture sociologique du rôle du réseau familial dans
l'accès à l'emploi est partagée par Paul et Renaud (1976),
qui défendent l'idée selon laquelle un fils qui vient d'une
famille de statut élevé obtient des ressources économiques
dont il se sert pour acquérir une éducation, de
l'équipement et des réseaux de relations. Cette situation est
présente en Guinée et dans beaucoup d'études africaines
(Fall, 1992 ; Gérard, 1997 ; Badji, 1997). Même si dans la
perspective de Granovetter (1992) ce sont les "petits liens" qui sont plus
déterminants que le réseau familial.
D'ailleurs, certains auteurs, comme Vinokur (1995), font
remarquer que les facteurs comme le parcours scolaire, le niveau et le type de
diplôme n'expliquent pas tout dans l'accès au premier emploi
puisque des personnes ayant le même cursus scolaire peuvent avoir des
parcours professionnels différents. Ainsi, pour Vinokur (1995), à
niveau de diplôme identique, l'accès à l'emploi des jeunes
issus de milieux favorisés/et ou ayant des relations se passe dans de
meilleures conditions comparativement aux autres jeunes. En fait, il semble se
dégager que l'origine sociale traduit implicitement la capacité
à recourir à des réseaux professionnels, familiaux ou
amicaux constitués par l'entourage familial pour accéder au
premier emploi.
Cette lecture met donc au centre de la réflexion le
réseau familial et son rôle dans le rythme de l'insertion
professionnelle des individus et de leur ascension sociale. Selon les termes de
Passeron (1970 : 27) :
« Tout sous système familial joue un
rôle essentiel dans le processus d 'insertion à l 'emploi en
modelant les ambitions de chaque membre de la famille au statut social
familial. La famille détermine donc, en première instance, l
'accès et, par la suite, le maintien à l 'emploi. L 'emploi,
à son tour, fournit des compétences et prépare les
individus dans l 'occupation des positions sociales disponibles ».
Pour le cas de la Guinée en général et de
l'Université de Conakry en particulier, les diplômés ont
des chances différentes de réussir leur insertion. Par sa
position sociale, ses capitaux (culturels et financiers) et sa structure, le
réseau familial et/ou relationnel joue effectivement un rôle
capital. Il continuera à apporter un appui important pendant la
formation, par la mobilisation des ressources, mais pendant la recherche de
l'emploi par la mobilisation d'autres types de ressources. Les données
dans le tableau 4 montrent que les répondants ayant
bénéficié d'une formation complémentaire soutenue
par une relation s'insèrent plus facilement que les autres.
Une autre forme de manifestation des réseaux sociaux
d'insertion pour les diplômés c'est le "piston". Est-ce que les
affichages ou les communiqués radio aident à la recherche de
l'emploi? A cette question, plus de 3/4 des répondants affirment que les
annonces dans les journaux et les communiqués radio ne permettent pas
l'accès à l'emploi. Ils invoquent, entre autres arguments, le
délai très court entre le moment où ces annonces sont
publiées et le jour de l'organisation du test. Ensuite, ils
considèrent que les candidats qui ont des appuis sont informés
très tôt de façon informelle et ont le temps
nécessaire de se préparer au dit test sans compter les
recommandations faites en leur faveur par les organisateurs du test de
recrutement. C'est pourquoi les répondants qualifient ces annonces et
communiqués de simples formalités pour légitimer des choix
préalables dans la mesure où les admis sont connus d'avance.
L'extrait ci-dessous illustre bien ce genre de pratique sur le marché de
l'emploi guinéen :
«En Guinée, les annonces dans les journaux et les
communiqués radio, ne sont que des simples formalités, parce que
dans la pratique les places offertes au niveau d'un département
ministériel ou d'une entreprise sont déjà destinées
à des personnes. Par conséquent, l 'information donnée n
'est là que pour légitimer des emplois déjà
attribués. Ainsi, ceux qui viennent là, font tout juste le test
pour la
forme, mais en réalité ceux qui ont
donné de l 'argent ou ceux qui ont des parents bien placés sont
déjà pris par avance» (HLC12).
Ce phénomène de "pistonnage" en Guinée
est présent dans des études comme celle de Bocquier et Fall
(1992) effectuée au Sénégal. Les auteurs de cette
étude résument cette situation en ces termes : «Dans un
contexte de raréfaction de l'offre d'emploi, les jeunes
diplômés sont contraints de faire appel à des relations de
plus en plus proches, en l'occurrence les relations de parenté».
L'étude de Badji (1997 : 51) à Dakar, arrive à la
conclusion que tous les diplômés qui n'ont pas utilisé ce
moyen affirment qu'ils n'ont personne pour les "pistonner". Ailleurs, c'est ce
que Granovetter (1974, 1995) appelle les ponts (bridges) qui relieront
les groupes et feront passer l'information entre eux. Ces réseaux sont
effectivement intéressants parce que moins coûteux, plus riches et
plus détaillés en informations et plus fiables.
CHAPITRE VII : LES FORMATIONS COMPLÉMENTAIRES ET
LEUR RÔLE DANS L'ACCÈS À L'EMPLOI DES
DIPLÔMÉS
Dans ce chapitre, nous présentons successivement les
types de formations complémentaires, les coûts de ces formations,
les compétences acquises, l'accès aux formations et enfin le
rôle des formations dans l'accès à l'emploi. Les
données ont montré que les points de vue des
diplômés sur certains points correspondent parfaitement alors que
sur d'autres points cette correspondance n'est que partielle, quelques fois
différente. Par exemple, en ce qui a trait à la
nécessité des formations en informatique, en anglais et en
comptabilité-gestion; aux rôles des stages dans l'accès
à l'emploi, les perceptions des interviewés convergent.
7.1 LES TYPES DE FORMATIONS COMPLÉMENTAIRES
Pour la majorité des interviewés, les
données montrent l'importance accordée par les
diplômés à compléter leurs formations principales
afin d'élargir les chances d'insertion. Dans ce cadre, les types de
formations complémentaires les plus sollicités sont
l'informatique, l'anglais, la comptabilité ou encore la gestion. Tous
mettent l'accent sur la nécessité de faire ces formations pendant
ou après les études universitaires. Ce point de vue est
partagé non seulement par ceux qui sont en emploi, mais aussi ceux qui
sont au chômage encore.
Trois types de formations sont à distinguer. D'abord,
il y a ceux qui ont fait informatique et anglais ou qui comptent le faire.
Ensuite ceux qui ont fait comptabilité-gestion, enfin, ceux qui ont fait
des formations particulières en pédagogie de l'enseignement
(HLE3) ou en langue allemande (FSC39 et HSE34).
Dans le premier cas, l'informatique et l'anglais sont
considérées comme indispensables pour pouvoir entrer sur le
marché du travail guinéen. Ce qui expliquerait que certains
diplômés fas sent des formations complémentaires
parallèlement aux cours universitaires. Cependant, il n'est pas toujours
évident de les cumuler et d'arriver au bout comme l'explique HLE11 :
« Pendant mes études universitaires, je
suivais parallèlement des cours d'anglais et d'informatique qui ont
été bloqués à un moment
donné faute de moyens financiers parce que je n
'avais personne qui me prenait en charge. Pourtant, ces genres de formation
peuvent bien aider pour la recherche de l 'emploi et cela compte tenu de mes
expériences sur le terrain à la recherche de l 'emploi. Partout
oil je suis passé, les employeurs ont exigé la formation en
anglais et en informatique».
Si certains ne parviennent pas à cumuler la formation
universitaire et les formations complémentaires, d'autres le font
correctement et parviennent à trouver un emploi. C'est le cas de HLE14
qui, d'ailleurs, a fait de multiples formations comme la comptabilité
gestion, l'informatique. C'est pourquoi, l'apprentissage de l'outil
informatique et l'anglais est primordial dans la formation des jeunes
diplômés parce tout passe actuellement par l'informatique. Donc ce
manque à gagner doit être rattrapé dans la mesure où
les diplômés ne peuvent se passer de ces deux
éléments.
Cependant, en raison du caractère payant de ces
formations, l'accès est très limité. Par exemple pour
apprendre un logiciel comme Word, le diplômé doit payer 50 000 FG
pour une durée de formation d'un mois. Quand il s'agit des trois
logiciels (Word, Excel et Access) les plus sollicités, le paiement est
de 150 000 FG12. C'est dire que ce ne sont pas tous les
étudiants qui ont cette possibilité de pouvoir s'acquitter d'un
tel montant. Quelques répondants ont certainement eu de la chance en
faisant un stage dans un endroit où il y avait des ordinateurs mis
à leur disposition. Par contre, pour ceux qui n'ont pas eu une telle
chance, il serait important que les universités, les différentes
Facultés prennent les dispositions pour pouvoir faciliter l'accès
à cet outil non seulement incontournable dans la formation des
étudiants mais aussi lors de la recherche de l'emploi.
Dans le second cas, il y a ceux qui ont fait la
comptabilité-gestion, "l'esprit d'entreprise"13 ou qui
comptent le faire dès que possible. Pour beaucoup d'entre eux, la
multiplication des formations favorise l'insertion professionnelle sur le
marché de travail. Pour cette catégorie de répondants, les
formations complémentaires constituent des atouts indiscutables pour
décrocher un emploi en Guinée. Parmi eux, il y en a qui
12 Soit 41 dollars canadiens (un dollar canadien = à 1 228
FG environ pendant la période de notre enquête).
13 L'esprit d'entreprise est une formation initiée par
l'USAID en Guinée qui a pour objectif de conduire les
diplômés à l'auto-emploi.
pensent que le fait d'avoir eu le courage de faire ces
formations supplémentaires, leur a permis d'échapper au
régiment de diplômés sans emploi.
Dans le troisième cas, les répondants ont fait
des formations particulières en pédagogie de l'enseignement
(HLE3) ou la langue allemande (FSC39 et HSE34) cela indépendamment de
l'apprentis sage de l'informatique. Dans ce groupe, se confirme davantage la
nécessité de varier les formations complémentaires afin de
s'adapter au marché de l'emploi. Comme le précise l'extrait
ci-dessous :
« Quand j 'étais à l
'université, je me suis débrouillé pour obtenir une
formation en psychopédagogie ça c 'est pour qu 'à la fin
de mes études universitaires je puisse me lancer dans l'enseignement.
Elle m 'a permis surtout de m 'orienter sans attendre longtemps à la
carrière enseignante. Ainsi, j 'ai pu m 'insérer dans l
'enseignement dès ma sortie » (HLE3).
Dans d'autres cas, les diplômés apprennent la
langue allemande comme formation complémentaire estimant qu'elle les
aidera à trouver de l'emploi. En effet, en Guinée, il y a des
sociétés qui favorisent le recrutement en leur sein de
diplômés qui ont la maîtrise de la langue allemande comme la
société d'importation de véhicules GETMA. Ce fut la chance
de HSE34 par exemple qui après une formation en Allemand a pu
décrocher un emploi.
Rappelons que la GETMA est une société qui
importe en Guinée des véhicules en provenance du port de Hambourg
en Allemagne. Ainsi, tous les connaissements se font en langue allemande.
Dès lors, la compréhension de cette dernière constitue un
atout pour trouver de l'emploi au sein de cette société. Il peut
aussi arriver que des diplômés apprennent l'allemand pour d'autres
fins, soit pour travailler dans une ONG allemande installée en
Guinée : la GTZ, soit pour des études à
l'étranger.
En effet, les étudiants qui postulent pour mener des
études universitaires en Allemagne, devraient avoir des notions de base
de la langue allemande. C'est la raison pour laquelle ils s'intéressent
à cette formation complémentaire car ils pensent que leur
insertion sera plus facile après des études à
l'étranger.
En somme, s'il y a plusieurs types de formations
complémentaires que les répondants ont eu à faire ou
comptent faire, afin d'élargir leurs chances d'insertion
professionnelle, celle de l'informatique reste prioritaire chez tout le monde
suivie de l'anglais et de la comptabilité. Ensuite viennent en
dernière position les formations en pédagogie de l'enseignement
et la langue allemande.
7.2 LE CALENDRIER DES FORMATIONS COMPLÉMENTAIRES
De manière générale, les
interviewés accordent une place importante aux formations dans l'optique
que ces dernières faciliteront leur insertion sur le marché de
travail, cependant, les avis sont partagés quant aux meilleurs moments
de faire ces formations.
Pour les uns, le moment idéal pour faire les
formations, c'est pendant le cursus universitaire car à la sortie, les
diplômés sont beaucoup plus préoccupés par la
recherche de l'emploi que par d'autres formations additionnelles. C'est
pourquoi certains répondants pensent que le moment idéal, c'est
pendant les études universitaires. D'un autre point de vue, on peut dire
que si les étudiants bénéficiaient de ces formations, cela
aurait facilité leur insertion professionnelle, ensuite cela leur aurait
permis de se consacrer à la recherche de l'emploi car les
répondants pensent qu'après les études, ils ont d'autres
choses à faire, et sont souvent très occupés par la
recherche de l'emploi pour faire en même temps des formations de longue
durée.
D'autres pensent que le fait de faire les formations
complémentaires en même temps que les études universitaires
conduit immédiatement après la sortie à l'obtention de
l'emploi comme l'explique FSE30 :
« Pendant que j 'étais étudiante, j 'ai
fait de l 'informatique et "l 'esprit d 'entreprise ", j 'ai cumulé les
deux, après mes cours normaux je prenais des cours du soir, ça c
'était en 4ème année et d 'ailleurs c 'est ce qui m 'a
beaucoup aidé pour avoir le boulot (le travail) que j 'ai
maintenant ».
De plus, les répondants de cette catégorie
estiment que l'acquisition des formations dans le cadre du cursus universitaire
constituent un atout et élargit en même temps les chances
d'insertion professionnelle et éviterait par la même occasion de
payer des coûts supplémentaires que certains d'entre eux ne sont
pas en mesure de couvrir. Nous l'avons
souligné dans la section précédente que les
formations sont généralement coûteuses pour les
diplômés.
Dans cette catégorie, certains répondants vont
jusqu'à réclamer que les Facultés intègrent
lesdites formations dans les programmes officiels de l'université :
' Une formation en informatique ou en anglais est un atout
pour un étudiant en quête de premier emploi par ce que la langue
fondamentale de nos jours c 'est l 'anglais et puis l 'informatique est un
outil de travail, et d 'ailleurs, j 'exige aux autorités de faire
apprendre la langue anglaise et l 'inform atique dans nos institutions d
'enseignement supérieur» (HSE34).
Pour les autres, la période la mieux indiquée
pour faire les formations complémentaires, c'est après les
études universitaires car les répondants estiment que le
programme d'étude universitaire est lourd de sorte qu'il est difficile
d'adjoindre une autre formation comme l'illustre l'extrait ci-dessous:
' Je pense pour ce qui est de mon cas, j 'ai appris l
'informatique et l 'anglais après mes études. Donc quand j
'étais à l 'université, j 'ai évolué
strictement dans le cadre des études universitaires et c 'est
après que j 'ai fini mon cursus universitaire que j 'ai eu à
faire d'autres formations parce que avant on faisait des cours de
révision à la maison, on s 'occupait un peu de la
maisonnée, des travaux de ménage, le lendemain, on avait les
cours jusqu 'à 15h. Après il faut encore aller dans les
bibliothèques. Pratiquement le programme universitaire ne permettait pas
une autre formation » (FLC7).
Si dans cette catégorie, certains répondants
préfèrent la fin des études pour les formations
supplémentaires parce qu'ils estiment que les programmes universitaires
sont incompatibles avec d'autres formations, d'autres par contre
préfèrent les effectuer après les études tout
simplement parce qu'ils ne disposent pas de moyens financiers pour faire face
à ces formations. C'est à dire qu'il leur faut finir les
études, se trouver un travail qui leur rapporte de l'argent afin de
faire des petites économies et pouvoir financer lesdites formations.
7.3 LES COMPÉTENCES ACQUISES APRÈS LES
FORMATIONS
Les répondants qui se sont prononcés sur la
question concernant les compétences acquises après les formations
complémentaires en informatique qui est surtout l'apprentissage de
l'usage de l'ordinateur et de quelques logiciels, ont majoritairement
répondu être capables de faire du traitement de texte, de saisir
et d'analyser des données d'enquête à partir d'Excel. Un
sentiment de satisfaction et de confiance se dégage surtout dans le cas
de saisie et de traitement des données d'enquête.
Si de façon générale les
interviewés ont des compétences dans les logiciels comme Word et
Excel, rares sont ceux qui disent avoir la maîtrise des logiciels de
traitement des bases de données comme par exemple Access. Cependant,
ceux qui ont la maîtrise de ce dernier l'affirment avec satisfaction :
' Aujourd'hui, avec ces formations, je peux créer
une base de données d'Access et assurer l 'exploitation, faire des
calculs statistiques et analyser certaines données statistiques »
(HSC28).
Parmi ceux qui ont pu recevoir une formation en informatique,
un seul répondant affirme être à mesure de faire des
traitements de données sur SPSS. L'apprentissage de ce logiciel se fait
généralement en Faculté des Sciences si un étudiant
par exemple, éprouve la nécessité de travailler sur des
données statistiques pour son mémoire. L'extrait suivant
l'illustre :
' J'ai eu à suivre une formation
particulièrement en SPSS parce que là il fallait un
complément de cours dans ce logiciel pour pouvoir traiter mes
données statistiques. Or mon mémoire portait sur des
données statistiques. J'ai appris ce logiciel à travers le
laboratoire statistique et d'analyse de données (LASAD) où je
faisais mon stage. J'ai fait le traitement de toutes mes données du
mémoire de fin d'études sur le logiciel SPSS, ce qui m 'a permis
d'avoir des compétences sur ce logiciel » (HSC25).
De manière générale, les formations en
informatique sont basées sur les logiciels de bureautique, cependant,
certains répondants de la Faculté des Sciences suivent des
formations dans des logiciels de scientifiques selon leur intérêt
futur ou domaine de stage tels que : Mathématica, Labio et finissent par
obtenir des compétences dans ces
logiciels qui facilitent l'obtention d'emplois dans les
projets ou ONG implantés en Guinée.
Au delà des formations aux logiciels bureautiques,
d'autres répondants ont élargi leurs compétences
informatiques en cherchant à maîtriser la navigation et la
recherche à partir du net. «Aujourd'hui, je ne suis pas un
professionnel en la matière (recherche sur Internet), mais je me vante
avoir navigué et de pouvoir tirer des informations sur le Net à
partir de ces nouvelles technologies » commente HLE3. La crainte du
chômage après les études conduit souvent les
diplômés à multiplier les formations et d'avoir des
compétences afin d'élargir leur chance d'insertion sur le
marché de travail. En plus, comme l'a constaté Barry (2000),
c'est sur le conseil des parents instruits que les diplômés se
lancent dans de multiples formations.
Concernant les compétences en anglais, tous ceux qui
ont pu bénéficier de cette formation, dans la majorité des
cas affirment se débrouiller dans la langue. Trois seulement disent
avoir la maîtrise de cette dernière. D'ailleurs deux parmi les
trois ont trouvé de l'emploi grâce à la maîtrise de
l'anglais qui a été déterminant lors de leur test de
recrutement. A notre avis, beaucoup de diplômés apprennent
l'anglais, mais peu ont la compétence lors d'une entrevue ou d'un test
d'embauche. Ceci constitue un handicap majeur dans l'accès à
l'emploi en Guinée où la plupart des projets et ONG mettent
l'anglais comme premier critère dans leur offre d'emploi. Ce qui est
paradoxal, puisque la Guinée est un pays Francophone et la langue de
travail, le français. Ainsi, c'est comme si l'exigence de l'anglais
constituerait une autre épreuve à franchir pour les
diplômés en quête du premier emploi.
Quant aux formations liées à la pédagogie
de l'enseignement, tous ceux qui ont bénéficié d'une telle
formation reconnaissent avoir obtenu de l'expérience et sont capables de
donner un enseignement efficace dans les classes du secondaire. Rappelons que
ces formations sont payantes, du fait que tous les diplômés n'ont
y pas accès.
Enfin il faut dire que les compétences acquises sont
liées aux qualités de formations reçues qui, elles
mêmes, sont liées au coût de ces formations comme nous
allons le voir
plus loin. Plus le diplômé passe par un paiement
pour sa formation, plus la qualité y est. Par contre, plus il fait usage
de ses relations, moins il acquiert de compétences.
7.4 LES COÛTS DES FORMATIONS
Dans l'ensemble, les données indiquent que les
répondants qui ont suivi des formations complémentaires ont tous
payé leur formation qu'elle soit en informatique, en anglais, en
pédagogie ou en allemand. Cependant, les coûts varient d'un centre
de formation à un autre. Pour payer moins cher, certains
répondants combinent les moyens financiers et les relations dont ils
disposent. De manière générale, les coûts varient
entre 50 000 FG et 100 000 FG (entre 41 et 82 dollars canadiens environ) par
logiciel selon les cas de figure. Les uns utilisent à la fois moyens
financiers et relations (ils paient moins cher), les autres ne pouvant
bénéficier de ces formations que par les moyens financiers (ils
paient plus cher).
En moyenne le coût de la formation en informatique est
de 50 000 FG par logiciel. Comme nous l'avons souligné plus haut,
étant donné que les logiciels les plus utilisés sont au
nombre de trois (Word, Excel et Access), cela signifie qu'un
diplômé paie en moyenne 150 000 FG pour une initiation auxdits
logiciels. Dans le cas où le diplômé ne dispose pas de
relations, il peut payer jusqu'à 300 000 FG pour les trois logiciels
nécessaires à son initiation. Un coût inaccessible,
estiment les répondants car le montant est si élevé qu'il
est supérieur quelques fois au salaire mensuel d'un cadre
supérieur de la fonction publique guinéenne. Par
conséquent inaccessible aux diplômés en situation de
chômage. Ce qui explique que l'origine sociale ou le statut
économique des parents est déterminant pour accéder
à ces formations qui sont capitales lors de la recherche de l'emploi
comme le précise l'extrait suivant :
« En ce qui concerne l 'informatique, chez nous ici
(en Guinée), c 'est une nécessité. Alors, je
cherche de l 'argent puisqu 'un intellectuel aujourd 'hui sans la
maîtrise de l 'inform atique, c 'est un intellectuel paresseux. C'est l
'une de mes luttes permanentes, l 'initiation aux acquis informatiques. Le
manque de moyens fait que je ne suis pas jusqu 'à présent dans la
possibilité de faire cette formation supplémentaire, je n 'ai pas
quelqu 'un qui peut m 'épauler dans ce sens. Raison pour laquelle
d'ailleurs je suis dans une école privée oil je fais du
sous-emploi. Le premier salaire que je vais percevoir sera
consacré à financer une formation en
informatique. Si j 'étais formé largement dans le domaine de l
'inform atique, je suis sûr et certain que je serais plus chanceux dans
mon insertion» (HLC 13).
Si la formation en informatique est considérée
coûteuse par les répondants, celle liée à l'anglais
et à la comptabilité-gestion coûte plus cher et
nécessite plus de temps affirment les mêmes répondants. Ce
qui explique en partie que seuls les diplômés ayant des parents
qui ont des moyens financiers peuvent s'offrir une telle formation comme le
confirme l'extrait ci-dessous :
' L 'anglais, ça pris disons de 1995 à 1998
comme cours du soir (2heures par semaine) c 'était 75 000 FG par
trimestre. Ce qui représente beaucoup d 'argent et se sont mes parents
qui ont assuré le financement pendant les trois ans. Cette formation en
anglais m 'a permis de décrocher le boulot que j 'ai aujourd'hui »
(FSE29).
Certains diplômés qui voient dans l'anglais un
outil indispensable et qui ne disposent pas d'un soutien financier de la part
des parents, utilisent des stratégies particulières pour
accéder à la formation comme l'explique HLE3 :
' Je compte me lancer pleinement dans l 'enseignement. D
'abord je compte renouveler mon contrat de contractuel dans les lycées
ensuite organiser des cours de soir afin de bénéficier des fruits
(argent) des cours que je donnerai aux élèves.
Là, je tiendrai à économiser l'argent que j 'obtiendrai
afin que je puisse dans un, deux, trois mois plus tard financer les formations
au moins une à une. Or, la formation en anglais pour qu 'elle soit
rapide et efficace, il faudrait être dans un centre de formation et
ça demande à peu près 80 000 FG par mois. C'est pourquoi
il faut avoir ses propres stratégies d'épargne pour y arriver
».
C'est pourquoi d'ailleurs, même ceux qui ont
déjà un travail cherchent à maîtriser ces deux
outils de travail dans le but de conserver leur emploi. C'est le cas de deux
répondants (5 % de notre échantillon) qui, dès la fin de
leurs études ont pu obtenir un emploi sans passer par une formation en
informatique ou en anglais. Mais pour conserver leur emploi, on exige qu'ils
suivent une formation dans ce sens. Ce qui revient à dire que les
coûts des formations n'échappent à personne et que c'est le
moment qui varie d'un répondant à un autre. Ces formations
peuvent être catégorisées en deux :
celles qu'on peut considérer comme simples (logiciels de
Word, Excel) et les formations complexes telles que Access, SPSS et l'anglais
qui exigeraient plus de temps.
7.5 L'ACCÈS AUX FORMATIONS
Sur la base des réponses de nos répondants sur
la façon dont ils accèdent aux formations complémentaires,
nous avons distingué trois modes : la mise à contribution du
réseau relationnel, le financement propre des répondants ou leurs
parents et les offres des Facultés (offres très rares).
S'agissant du premier mode, les répondants se servent
des réseaux de relations dont ils disposent auprès des amis, des
professeurs et surtout des parents pour accéder aux différentes
formations. En effet, les relations jouent un rôle considérable en
Guinée. Nous reviendrons en détail plus loin sur le poids des
relations dans le contexte guinéen. C'est pourquoi, c'est à
défaut de relations que les répondants ont recours aux deux
autres modes comme l'illustre l'extrait ci-dessous :
« J'ai fait 9 mois de formation en informatique.
C'était Windows, Word et Excel. C 'est mon père qui m 'a
envoyé là bas. La boîte (le lieu de l'apprentissage)
appartenait à ses amis et c 'est lui qui m 'a recommandé,
donc je n 'ai rien payé pour faire la formation. Je peux dire c 'est par
les relations des parents que j 'ai pu faire cette formation »
(FLE6).
Certains répondants affirment avoir fait usage non
seulement des relations qu'ils avaient avec leur professeur, mais aussi de
l'autorité administrative de leur parent afin d'accéder aux
formations dont ils avaient besoin. Le népotisme n'est donc pas exempt
de l'accès à ces formations dans de nombreux cas. Étant
donné que tous les diplômés ne sont pas dans les
mêmes conditions face à l'accès aux formations
complémentaires, c'est là qu'on saisit l'impact non seulement des
réseaux de relations mais aussi du statut économique de la
famille.
Dans le deuxième mode, les répondants
accèdent aux formations soit par un financement des parents, soit par
leur propre financement. Dans le premier cas, le financement intervient souvent
dès la fin des études, tandis que dans le second cas, les
répondants doivent attendre de trouver un travail
rémunéré pour pouvoir économiser de l'argent
afin
de financer ces formations ou bien se servir de leur
pécule (bourse d'entretien) économisé au cours du cursus
universitaire. Cela démontre que les diplômés tiennent
à ces formations mais aussi l'importance de la maîtrise de ces
dernières comme condition sine qua non pour décrocher un emploi
en Guinée.
Quant au troisième mode d'accès aux
différentes formations, il est récent au sein des
Facultés. Les répondants disent qu'à ce niveau ils ont
deux alternatives : la première est que les Facultés offrent
gratuitement les formations en informatique; la seconde qu'ils y
accèdent moyennant un paiement qu'ils trouvent abordable par rapport aux
formateurs privés comme le précise HSC37 : « j 'ai
payé par logiciel 30 000 FG, j 'ai fait Word, Excel et Access. J'ai fait
cette formation au centre informatique de l'Université ».
Cependant, il faut préciser que ces genres d'offres sont non
seulement rares dans les Facultés, mais aussi que le temps alloué
à la formation est souvent insuffisant pour permettre aux
étudiants d'en avoir la maîtrise pour être compétitif
sur le marché de l'emploi.
D'ailleurs, comme nous l'avons souligné plus haut, ces
formations en informatique ne dépassent guère les logiciels de
bureautique. En plus, il faut noter que même si les coûts des
formations offertes par les Facultés sont considérés comme
abordables par les répondants, ces derniers ne sont pas
harmonisés. En fait, au niveau de chaque Faculté, il y a un prix
différent pour les mêmes logiciels et les mêmes
formations.
En ce qui concerne l'accès aux formations en anglais,
comme dans le cas de l'informatique, les répondants, dans leur
majorité, estiment que le temps alloué à l'anglais par les
Facultés ne leur permet pas d'acquérir des compétences
nécessaires. Par conséquent, à la fin de leurs
études, ils se trouvent dans l'obligation de se tourner vers les centres
privés afin d'être compétitifs sur le marché de
l'emploi. Il faut rappeler ici que l'informatique et l'anglais sont
considérées par les répondants comme des outils essentiels
pour décrocher un emploi en Guinée. Il y a lieu de
préciser ici que les diplômés n'ont pas d'ordinateurs.
Ainsi, pour faire leurs formations, ils vont dans des centres privés.
Or, au regard des besoins croissants des formations, les propriétaires
allongent la durée de la formation qui, en principe ne devrait pas
dépasser un mois afin de se faire de l'argent. En réalité,
pour eux, plus la période de formation est longue, plus
ils se font de bénéfices. Sinon, il aurait fallu
par exemple à un diplômé de payer la documentation
nécessaire et faire l'autoformation en ce qui concerne les simples
logiciels (tels Word, Power point) pour répondre aux exigences du
marché de l'emploi guinéen.
7.6 LE RÔLE DES FORMATIONS DANS L'ACCÈS
À L'EMPLOI
Sur la base des données colligées, les
répondants, qu'ils soient en emploi ou au chômage, indiquent le
rôle important des formations complémentaires dans l'accès
à l'emploi en Guinée. C'est pourquoi à la fin de leurs
études, ils se voient dans l'obligation de faire des formations
additionnelles pour accéder au marché de travail, du moins
prétendre accéder à ce dernier. Or, tous les
répondants ayant obtenu un emploi sans une longue période de
chômage, affirment que leur atout a été d'avoir suivi une
formation supplémentaire pendant le cursus universitaire comme
l'illustre l'extrait cidessous :
« Moi, l 'inform atique m 'a beaucoup aidé
pour le boulot que je cherchais. On chercha it quelqu 'un pour la saisie inform
atique des données des agences de la société qui m 'a
employé et comme à ce moment j 'avais fait l 'inform atique, j
'avais un diplôme, c 'était un atout pour moi. Ça m 'a
beaucoup aidé dans l 'obtention de mon emploi » (FSE30).
Selon les répondants, indépendamment de la
formation principale universitaire et des relations dont ils peuvent disposer,
sans les formations complémentaires, il serait très difficile,
voire impossible de décrocher un emploi dans le contexte actuel de la
Guinée. Il s'agit de la maîtrise de l'anglais (et du
français évidement), la maîtrise minimale de l'utilisation
des logiciels (traitement de texte, tableur, base de données etc.).
Cela dénote combien de fois ces formations ont un
rôle très important dans la recherche de l'emploi pour un
diplômé et d'ailleurs, le plus souvent quand il y a par exemple
des appels d'offre d'emploi, il est question que les diplômés
présentent des dossiers ayant trait à une autre formation qu'ils
ont faite ailleurs. C'est pourquoi, bon nombre d'étudiants
s'intéressent davantage à l'informatique, à l'anglais
comme c'est le cas
aujourd'hui en Guinée partout où on demande des
candidats, il y a ces deux compétences qui sont demandées
indépendamment de la formation universitaire.
Même les répondants qui n'ont pas encore
bénéficié des formations complémentaires pensent le
faire dès que possible dans la mesure où elles constituent une
alternative inévitable pour les diplômés en emploi ou en
quête du premier emploi comme le précise HLE1 5 : «
Pratiquement je n 'ai pas fait de formations complémentaires mais je
pense faire une, surtout, je mise précisément sur la
comptabilité-gestion car mon emploi actuel est lié aux finances
».
Dans une certaine me sure, les répondants s'accordent
à admettre que le manque de formations supplémentaires constitue
un frein dans l'accès à l'emploi notamment au niveau des ONG
présentes en Guinée. En effet, la plupart de ces ONG
privilégient dans leurs critères d'embauche la maîtrise de
l'anglais et/ou de l'informatique, d'où la nécessité de
faire ces formations comme l'explique l'extrait suivant:
« Le man que de maîtrise de l 'informatique, le
man que de maîtrise de la langue anglaise constitue un handicap pour moi.
Puisqu 'on est pas sans savoir que les produits scientifiques aujourd'hui sont
en anglais. Quand bien même chez nous ici (la Guinée) c 'est un
pays francophone, mais l 'apprentissage de l 'anglais peut conduire à
une réussite de 60% sur le marché de l 'emploi
particulièrement dans les ONG » (HLC 13).
En somme, il faut rappeler que si tous les répondants
s'accordent de façon générale sur le rôle des
formations complémentaires dans l'accès à l'emploi en
Guinée, cependant, dans leur majorité, ils focalisent leur
apprentissage sur l'informatique et l'anglais qui sont les plus
sollicités par les employeurs. Ce qui suppose que les
diplômés font ces formations en fonction de leurs objectifs de
recherche d'emploi.
L'interprétation des données relatives à
cette section permet de comprendre que les points de vue des interviewés
sont similaires au niveau des deux Facultés quant à la
nécessité des formations complémentaires afin de
s'insérer sur le marché de l'emploi. Ainsi, le fait d'avoir une
possibilité de faire une autre formation que la principale, donne des
chances d'insertion. Autant chez les répondants de la Faculté des
Lettres et Sciences Humaines que ceux de la Faculté des Sciences, on
s'accorde sur le fait que les
formations constituent une étape inévitable.
Nous l'avons dit plus haut la majorité des interviewés ont en
effet fait une formation complémentaire dans le but d'accroître
les possibilités d'accès à l'emploi.
Si on tente d'approfondir les démarches des
diplômés en ce qui concerne leurs formations et l'implication de
leurs réseaux relationnels dans celles-ci, on doit se
référer à l'ensemble des propos des diplômés
ayant fait une formation complémentaire. En premier lieu, on constate
que les diplômés, au cours des premiers mois de leur sortie,
gardent l'espoir de trouver un emploi. Ainsi, un diplômé va
commencer à s'intéresser davantage aux formations quand il va
rencontrer des difficultés (exigences de connaissances des langages de
base de l'informatique ou de l'anglais imposées par les employeurs) sur
le marché de travail. C'est en ce moment qu'il fait intervenir les
réseaux relationnels, en même temps il exploite son statut
d'appartenir à une famille à statut élevé.
Cependant, aujourd'hui, certains diplômés
prennent de plus en plus conscience de cette situation et n'attendent plus de
rencontrer des difficultés sur le marché du travail pour suivre
ces formations complémentaires. En exemple, les diplômés
sortis entre 1997 et 1999 ayant fait une formation complémentaire ne
représentaient que 10 %. Par contre, depuis 2000, quarante pour cent des
diplômés ont fait une formation complémentaire en
prévision des difficultés d'insertion sur le marché du
travail (SPS, 2000). Concernant cette attitude des diplômés dans
le processus permettant l'acquisition de la formation, nous donnons
différentes raisons sur ce comportement prévalant en
Guinée.
La période des tout premiers mois de la fin des
études est foncièrement une période d'angoisse. En fait,
le diplômé peut se voir le plus souvent refuser un emploi à
cause de son inexpérience de travail ou de son manque de maîtrise
de l'outil informatique. Par conséquent, il ne peut se prévaloir
d'une garantie d'emploi aussitôt après la sortie de
l'université. De plus, cette situation d'inquiétude met le
diplômé dans une position de faiblesse car il peut être
victime d'exploitation (sous-emploi, droits sociaux, etc.) : par exemple,
l'employeur peut exiger une reconversion ou un stage non payant pendant
plusieurs mois, voire des années. L'exemple le plus frappant en
Guinée c'est la Radio
Télévision Guinéenne, il y a des
diplômés qui ont fait déjà plus de deux ans de
stage, ils ne sont pas employés.
Les données recueillies au cours des entrevues montrent
qu'à l'Université de Conakry, dans le cas des
diplômés dont les parents n'ont pas les possibilités
financières, ils utilisent leur réseau relationnel (amis,
professeurs, cousins, tantes, oncles etc.) pour bénéficier des
formations complémentaires. Cette réalité du marché
de travail guinéen n'est pas unique en son genre. Si on se rapporte par
exemple aux écrits de Granovetter (1995) in "The Strength of
Weak Ties", cet auteur précise que, le plus souvent, l'accès au
marché de travail se passe beaucoup plus par des relations lointaines
que des relations issues directement des parents. Par contre les
répondants ne possédant pas un réseau relationnel ou non
issus d'une famille à statut élevé, ont deux
possibilités: la première consisterait à faire du
sous-emploi afin d'épargner et faire ses propres financements. La
deuxième quant à elle consisterait à renoncer aux
formations complémentaires, conduisant généralement
à un chômage chronique et/ou à l'exclusion du marché
de travail.
Par ailleurs, après l'étape transitoire de
trois, six ou neuf mois de formations supplémentaires, le
diplômé cherche véritablement à confirmer ses
compétences soit en informatique ou en anglais. En effet, c'est lorsque
le diplômé sait faire du traitement de texte, saisir et analyser
des données d'enquête que la plupart des employeurs songent
à l'embaucher. De plus, la maîtrise d'Access et/ou de l'anglais
fait l'objet d'une appréciation positive de la part des employeurs qui
privilégient la gestion des bases de données et la
compréhension de l'anglais.
Pour saisir cette situation, on doit dire que les entreprises
guinéennes disposent de très rares analystes programmeurs. Ce qui
explique en partie leur exigence de la connaissance des logiciels de gestion de
bases de données. L'apprentissage de l'informatique et de l'anglais est
donc une démarche importante pour le diplômé car
l'acquisition de compétences entraîne des modifications
importantes dans sa vie d'insertion professionnelle.
Cette situation présente en Guinée existe aussi
dans d'autres pays comme le Canada où l'étude
réalisée par Audet (1995 : 484) dans "Relance de
l'Université de Montréal" montre que l'informatique occupe une
place de choix car, d'après cette étude, les
diplômés de la filière informatique, après 12
semaines de leur sortie ont une insertion de 100%. Cependant, il faut nuancer,
qu'il s'agit ici des spécialistes de l'informatique, tandis qu'en
Guinée il s'agit d'apprentissage de logiciels de base. Une autre
étude réalisée par Piché et Ouédraogo (1995)
au Mali, et au Sénégal confirme nos recherches faites en
Guinée en montrant que, de manière globale, la maîtrise de
l'informatique comme formation complémentaire constitue un atout
d'insertion sur le marché de l'emploi.
En Guinée, les employeurs potentiels valorisent
également d'autres formations (comptabilité-gestion, la recherche
à partir du Net) lorsqu'il s'agit d'un domaine en rapport avec leurs
entreprises. Toutefois, leurs points de vue divergent par rapport à
internet. En effet, chez certains employeurs, la maîtrise d'Internet est
une manière d'intégrer à long terme leurs activités
à la mondialisation de l'information. Pour d'autres, une telle formation
n'a rien à voir avec leurs entreprises.
Un autre point non moins important à souligner, c'est
l'écart constaté entre la sortie de l'Université et la
soutenance du mémoire. En fait, sans le diplôme, pas de
possibilité de postuler à un emploi donc l'étudiant reste
dans le chômage. Même après la soutenance de son
mémoire, le diplômé est confronté à des
lenteurs administratives pour l'acquisition de celui-ci. Ensuite, pour ces
répondants, ils préfèrent se consacrer à des
"stages pratiques" dans des entreprises afin d'obtenir une certaine
expérience professionnelle. Cette «fameuse» expérience
est régulièrement mise en avant dans les offres d'emploi.
Globalement dans cette partie consacrée à la
présentation et l'interprétation des données, nous avons
montré que les hypothèses de notre recherche se vérifient
par rapport au rôle des formations complémentaires et au poids des
réseaux de relation dans l'accès à l'emploi en
Guinée. Par contre, à propos de l'origine sociale, les
résultats de nos données montrent qu'elle a peu d'effet
observable après l'entrée à l'Université.
CONCLUSION
Cette étude exploratoire avait pour but de comprendre
l'insertion professionnelle d'un petit échantillon de
diplômés du système universitaire guinéen
formés à l'Université de Conakry. Ce mémoire a mis
en relief quelques uns des procédés ayant le plus d'influence sur
le passage entre les études et le marché du travail chez les
diplômés universitaires guinéens. De plus, quelques
archétypes d'insertion des diplômés ont été
décrits en fonction de diverses variables objectives et subjectives.
Sur le plan de la problématique, l'analyse qui cible la
sortie du système universitaire et l'insertion dans le marché du
travail a été privilégiée. En fait, elle conduit
à cesser de considérer l'insertion professionnelle comme un
simple passage sans interruption du système universitaire au
marché du travail. Elle signifie une conjugaison de situations allant de
la formation principale, aux formations complémentaires et aux stages,
à la recherche de l'emploi, à l'emploi, au chômage ou
à l'exclusion (inactivité). L'analyse vient remettre en question
le lien entre la formation reçue et l'emploi chez les
diplômés universitaires guinéens. D'où
l'éternelle question de l'inadéquation de la formation et de
l'emploi.
Quand on considère le rôle de l'origine sociale,
les résultats de l'analyse de nos données montrent qu'elle ne
joue pas beaucoup sur le processus d'insertion des diplômés. Par
exemple dans notre échantillon, force est de constater que sur les 22
diplômés (55% de l'échantillon total) issus d'une origine
sociale aisée, la moitié est au chômage. L'origine sociale
a probablement peu d'effet, passé l'entrée à
l'Université. Même si pendant longtemps certains auteurs ont
souvent affirmé que l'origine sociale est déterminante dans
l'accès à l'emploi (Bourdieu et Passeron, 1970 ; Kelley, 1976).
Dans notre étude, cette influence est loin de se manifester
clairement.
Du point de vue des réseaux sociaux, nous avons
souligné la pertinence des réseaux relationnels pour comprendre
le processus d'insertion professionnelle des diplômés du
système universitaire guinéen et particulièrement ceux de
l'Université de Conakry. La quasi totalité des interviewés
confirment dans leur discours le rôle des réseaux relationnels
dans le contexte guinéen afin de décrocher un emploi. Les
répondants sont aussi unanimes sur le fait que ces pratiques se font
régulièrement sur le marché de
l'emploi guinéen et 56 % des interviewés
soutiennent que les réseaux constituent un moyen efficace d'insertion
professionnelle. Ce phénomène est accentué par la
corruption et le "pistonnage". Ce qui permet d'arriver à la conclusion
qu'en Guinée, les réseaux constituent l'une des ressources
importantes pour accéder à un emploi. Ainsi, de façon
générale en Guinée et de l'Université de Conakry en
particulier, les diplômés ont des chances différentes de
réussir l'insertion. Pour réussir, les réseaux jouent
effectivement un rôle capital.
Du point de vue des formations complémentaires et des
stages, comme on l'a montré plus haut, ce sont les diplômés
de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines qui présentent la
meilleure situation d'emploi après la sortie de l'Université.
Contrairement à ce qu'on est porté croire habituellement que les
diplômés de la Faculté des Sciences auraient dû avoir
une meilleure insertion professionnelle par rapport à ceux qui ont fait
Lettres, ils sont les plus touchés par le chômage. C'est pourquoi,
la crainte du chômage après les études conduit souvent les
diplômés à multiplier les formations et à
acquérir des compétences afin d'élargir leurs chances
d'insertion sur le marché du travail. Ainsi, l'analyse sur les besoins
de formations complémentaires montre que contrairement à la
logique habituelle, dans un marché de travail déprimé, le
diplôme universitaire dans sa forme traditionnelle ne semble plus suffire
pour permettre aux diplômés de décrocher un emploi en
Guinée.
En ce qui concerne les formations complémentaires, les
répondants font de la maîtrise des logiciels et de l'outil
informatique, de l'anglais et de la comptabilité-gestion une de leurs
priorités. Ainsi, avec cet intérêt des
diplômés, on peut dire que l'intégration des formations
complémentaires dans les programmes universitaires serait une avenue
intéressante pour les institutions d'enseignement supérieur de
Guinée en raison de la demande et des revenus que de telles formations
pourraient générer.
Une autre tendance est apparue de façon évidente
et corroborée par d'autres études. En fait, il appert qu'en
Guinée, l'ensemble des diplômés ayant connu simplement une
formation principale connais sent après la sortie de l'Université
de Conakry une situation de chômage ou d'emploi précaire. Cela
explique pourquoi une grande proportion d'entre eux choisissent de faire une
formation complémentaire dans le but évidemment
d'augmenter leurs chances d'occuper un emploi même si ce
dernier n'est pas relié à leur formation universitaire.
Selon PADES, la participation à un stage semble (60%
des répondants), pour les auteurs de cette étude, la voie royale
pour obtenir un emploi en Guinée. A ce niveau, notre étude
recoupe celle de PADES et confirme en même temps notre hypothèse 3
de recherche que les formations complémentaires et les stages sont
incontournables pour décrocher un emploi sur le marché de travail
guinéen. Toutefois, contrairement à l'étude menée
par le PADES qui révélait que les diplômés des
Institutions d'enseignement supérieur jugent assez positivement la
formation universitaire, notre recherche montre que les diplômés
de l'Université de Conakry ne jugent pas assez positivement la formation
reçue. Cette appréciation de la formation, nos répondants
la confirment en portant un regard négatif sur les programmes
enseignés par rapport aux besoins du marché de l'emploi
guinéen.
A propos de l'emploi, la comparaison montre que ce sont les
diplômés ayant fait au moins une formation complémentaire
(soit en informatique, soit en anglais ou encore en compabilité-gestion)
qui tirent le mieux leur épingle du jeu, le fait est qu'aujourd'hui en
Guinée, sans une formation supplémentaire, ou sans stage, il est
difficile voire impossible de décrocher un emploi.
Les résultats de cette recherche amènent
à poser la question de la valeur de la formation universitaire
principale. Est-ce que tous les diplômes obtenus sont en
adéquation avec les besoins du marché de l'emploi guinéen
? A notre avis les diplômes sanctionnés par une formation
complémentaire ou un savoir pratique, professionnel et technique, ont
une longueur d'avance sur les autres. Ajoutons qu'il existe souvent un certain
décalage entre les programmes que l'Université de Conakry offre
à ses étudiants et la réalité du marché de
l'emploi guinéen.
A notre avis, l'intérêt de cette étude
réside dans le fait qu'elle contribue à faire avancer les
connaissances dans le champ de la sociologie de l'insertion et porte de
manière précise sur l'insertion professionnelle des
diplômés sur le marché du travail dans le contexte
africain.
Dans l'ensemble, les données suggèrent que les
jeunes diplômés (hommes et femmes) auraient plus de
difficultés que leurs aînés sur le marché du travail
de Conakry, difficultés caractérisées par un accès
moins rapide à un premier emploi, une plus grande implication dans le
secteur informel, mais davantage dans des statuts "dépendants" et un
accès moins élevé à un premier emploi dans le
secteur public. Ainsi, les données permettent de suggérer
également que le passage d'un régime centralisé (où
la garantie de l'emploi pour tous était assurée par
l'État) à un régime de libéralisme
économique, accompagné de l'application des programmes
d'ajustements structurels du Fonds Monétaire International et de la
Banque Mondiale auraient effectivement affecté les diplômés
en rendant encore plus problématique leur insertion sur le marché
du travail guinéen.
Dans notre étude, il ressort par exemple, que cette
situation conduit plusieurs diplômés de l'enseignement
supérieur à accepter des emplois non reliés à leur
domaine d'étude. En outre, de manière générale, les
diplômés de ces dernières années, lorsqu'ils
trouvent un emploi, restent dans une situation précaire et
reçoivent une rémunération nettement inférieure
à celle des employés plus anciens ayant un niveau de
qualification inférieur dans l'entreprise. L'analyse des
résultats sur le rôle des stages dans l'obtention de l'emploi
permet de comprendre que la valorisation des stages par les répondants
va en conformité avec les points de vue des employeurs qui
privilégient ces stages. On note aussi une forte adéquation entre
les perceptions des répondants et celles des employeurs sur la
nécessité de commencer par un stage avant l'embauche. La
valorisation du stage qui se manifeste tant chez le diplômé que
chez l'employeur potentiel s'explique en partie par le fait que cette force de
main-d'oeuvre participe à la bonne marche des entreprises mais aussi
contribue à faciliter l'insertion du diplômé.
Par ailleurs, en ce qui concerne les causes du chômage
des diplômés, nos résultats concordent avec ceux du PADES
(1998). Les auteurs de cette étude soulignent que de façon
générale les causes du chômage sont intra et extra
universitaire. Les causes les plus citées, au niveau intra, sont les
lacunes dans des disciplines comme le français, la communication
écrite (exposée des idées), l'anglais, l'informatique,
ensuite l'insuffisance de la diversification des compétences et la sous
information des diplômés sur les réalités
du marché du travail. Au niveau extra, les contraintes
sont l'interruption du recrutement dans la fonction publique et le faible
nombre d'entreprises privées ou publiques offrant des emplois aux
diplômés universitaires.
Maintenant il importe de signaler les limites de notre
étude. Notre recherche présente des limites à cause de son
caractère exploratoire, notre population est réduite à
deux Facultés de l'Université de Conakry alors que cette
dernière compte en son sein cinq Facultés et deux centres
d'études. Ainsi, nos résultats ne sont pas
généralisables à tout le système universitaire
guinéen ou même de l'Université de Conakry. Si nous avions
à faire une étude ultérieure, elle devrait utiliser un
échantillon représentatif des diplômés de
l'Université de Conakry incluant toutes les Facultés.
Plusieurs possibilités s'offrent, notamment de comparer
les différentes Facultés de l'Université de Conakry et
établir un rapport entre les diplômés qui ont fait,
sciences économiques ou informatique ou encore anglais par rapport
à ceux qui ont choisi des disciplines différentes. Car, dans
notre étude il apparaît que les connaissances de la
comptabilité-gestion, de l'informatique et de l'anglais constitue un
atout d'insertion professionnelle importante.
Après avoir tracé un bilan général
de notre étude, prenons un peu de recul dans le but d'élargir
notre réflexion. Quelles sont les perspectives de devenir professionnel
qui attendent les diplômés guinéens à la sortie de
l'université ? D'entrée de jeu, quelques faits nouveaux sont
inscrits au centre de la réflexion sur l'insertion professionnelle :
« diminution des possibilités d'emploi dans le secteur public,
modification de la relation formation-emploi, "délinéarisation"
du processus d'insertion professionnelle et diversification des modes
d'insertions » (Trottier, Perron et Diambomba, 1995 : 7). Si la
présente recherche a pour mérite de rappeler aux yeux des
premiers concernés, les diplômés, qui seront susceptibles
d'y trouver des informations de première utilité. Alors, cette
étude n'aura pas été vaine.
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ANNEXES
GUIDE D'ENTRETIEN
Thème I : Histoire de vie
1°) Votre présentation personnelle ?
- statut à la naissance
- cheminement scolaire
- statut actuel
2°) Qui sont vos parents ?
3°) Quelles sont les relations dont ils disposent pour vous
aider à avoir un emploi ?
4°) Quelle est l'activité professionnelle de votre
père ?
Thème II : Trajectoires des formations
complémentaires
1°) Avez-vous suivi une formation en informatique, en
anglais ou en gestion ?
2°) Quels sont les types de formations
complémentaires que vous avez faites ou que
vous comptez faire ?
3°) Comment accédez-vous à ces formations ?
4°) A quel moment jugez-vous que ces formations sont
nécessaires ?
5°) Après ces formations complémentaires
quelles compétences obtenez-vous ?
6°) Comment jugez vous les coûts des formations ?
7°) Comment trouvez-vous ces formations reçues ?
Thème III : Le rôle des formations
complémentaires
1°) Parlez moi du rôle des formations
complémentaires dans l'accès à l'emploi ?
2°) Comment les formations complémentaires aident
elle à maintenir un emploi ?
3°) Est-ce que les formations complémentaires peuvent
contribuer à l'insertion professionnelle ?
4°) Comment expliquez-vous que la formation universitaire
principale ne suffit plus pour trouver un travail ?
Thème IV : Les modalités d'accès
à l'emploi
1°) Parlez moi du rôle des stages lors de la recherche
de l'emploi ? 2°) Comment avez-vous décroché votre emploi
?
3°) Comment cherchez vous à accéder à
un emploi ?
4°) Pour vous que représente les stages dans la
recherche de l'emploi ?
5°) Pensez-vous que les diplômés qui postulent
comme ça ont la chance de décrocher un emploi ?
6°) Parlez moi de l'impact des annonces et
communiqués radio pendant la quête de l'emploi ?
- le rôle des affichages ?
- le rôle annonces dans les journaux ?
Thème V : Le rôle des réseaux de
relations dans l'accès à l'emploi
1°) Pensez-vous qu'en Guinée, les relations
influencent beaucoup l'obtention de l'emploi. Si oui comment ?
2°) Comment les réseaux relationnels jouent ils dans
l'accès à l'emploi ? - le rôle des parents
- le rôle des amis
3°) Comment expliquez-vous le poids des relations dans le
contexte guinéen ?
CALENDRIER DES ACTIVITÉS ET DÉPLACEMENTS
PRÉ VUS DU 24
SEPT. AU 29 DÉC. 2001
No
|
Périodes
|
Lieu
|
Activités prévues
|
1
|
24
sept. au 29 sept. 2001
|
Conakry
|
Rencontre avec les autorités de l'université de
Conakry (Rectorat, les Décanats de la faculté des lettres et de
la faculté des sciences)
Rencontre avec le directeur de l'observatoire de
l'Université de Conakry
|
2
|
1er
oct. au 6 oct. 2001
|
Conakry
|
Identification et ciblage des diplômés à
interviewés dans les deux facultés (Faculté des lettres et
sciences humaines et Faculté des sciences)
Reprographie des instruments de collecte
|
3
|
Du 8
oct. au 13 oct. 2001
|
Conakry
|
Démarches auprès de la population ciblée
pour demande de consentement verbal
Réunion d'explication des instruments de collecte avec les
répondants.
|
4
|
Du 15
oct. au 20 oct. 2001
|
Conakry
|
Pré-test du guide d'entretien, et éventuels
réajustement (après discussion avec le directeur de recherche par
courriel ou téléphone)
|
5
|
Du 22
oct. au 27 oct. 2001
|
Conakry
|
Administration des instruments de collecte
|
6
|
29
oct. au 3 nov. 2001
|
Conakry
|
Administration des instruments de collecte
|
7
|
Du 5
nov. au 11 nov. 2001
|
Conakry
|
Repos (Semaine référendaire en Guinée)
|
8
|
Du 12
nov. au 17 nov.2001
|
Conakry
|
Administration des instruments de collecte
|
9
|
Du 19
nov. au 24 nov.2001
|
Conakry
|
Administration des instruments de collecte
|
10
|
Du 26
nov. au 1er déc 2001
|
Conakry
|
Administration des instruments de collecte
|
11
|
Du 3 déc.. au 8 déc. 2001
|
Conakry
|
Administration des instruments de collecte
|
12
|
Du 10
déc. au 15 déc. 2001
|
Conakry
|
Administration des instruments de collecte
|
13
|
Du 17
déc. au 22 déc. 2001
|
Conakry
|
Début de codification des données
collectées
Transcription des cassettes, codification
et catégorisation du matériel recueilli
|
14
|
du 24
déc. au 29 déc. 2001
|
Conakry
|
Transcription des cassettes
Recherche de documentation complémentaire auprès
des institutions et bibliothèques de la place
|
15
|
Semaine du 1er janv.2002
|
|
Retour au Canada
|
Côte d'Ivoire
Carte géographique de la Guinée
|