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Devenir professionnel des diplômés du système universitaire guinéen : étude exploratoire à partir des diplômés de l'Université de Conakry

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par Mamadou Gando BARRY
Université de Montréal - Maîtrise en Sociologie 2003
  

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Université de Montréal

Devenir professionnel des diplômés du système universitaire guinéen :
étude exploratoire à partir des diplômés de l'Université de Conakry

par
Mamadou Gando BARRY
Département de sociologie
Faculté des arts et des sciences

Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures
en vue de l'obtention du grade de Maître ès sciences (M.Sc.)
en sociologie

Mars, 2003
(c) Mamadou Gando BARRY, 2003

Université de Montréal
Faculté des études supérieures

Ce mémoire intitulé:

Devenir professionnel des diplômés du système universitaire guinéen :
étude exploratoire à partir des diplômés de l'Université de Conakry

présenté par :
Mamadou Gando BARRY
a été évalué par un jury composé des personnes suivantes:
Anne-Emmanuèle CALVÈS présidente du jury
Arnaud SALES directeur recherche
Paul BERNARD membre du jury

SOMMAIRE

La fin du XXème siècle et le début du XXIème siècle sont marqués dans de nombreux pays par le chômage et la précarité de l'emploi. Si la situation est variable d'un continent à l'autre et d'un pays à l'autre, il n'en demeure pas moins que l'époque est marquée par une situation d'emploi difficile et souvent instable. Dans le cas des pays africains, le chômage des diplômés universitaires constitue une préoccupation constante des gouvernements en général et particulièrement de ceux de l'Afrique sub-saharienne.

Cette étude exploratoire sur l'insertion des diplômés du système universitaire guinéen s'inscrit dans le champ de la sociologie de l'insertion professionnelle. Nous avons centré la recherche sur le rôle des formations complémentaires et les modalités d'accès à l'emploi ainsi que sur le rôle des réseaux de relations des diplômés dans le contexte du marché du travail en Guinée. L'étude de type qualitatif rend compte à partir d'interviews le processus d'insertion des diplômés.

L'analyse des données d'entrevues révèle que l'insertion des diplômés est modulée par les formations complémentaires et les réseaux de relations qui exercent une influence décisive sur les trajectoires professionnelles des diplômés du système universitaire guinéen. En d'autres termes, les formations complémentaires combinées au rôle des réseaux de relations donnent un avantage certain dans la recherche de l'emploi.

En résumé, les hypothèses sur les formations complémentaires et les réseaux sont congruentes en regard du rôle des réseaux de relations et des formations complémentaires quant à l'accès à un emploi. Par contre, en regard de l'hypothèse sur le rôle de l'origine sociale, il ressort que cette variable a peu d'effet, passé l'entrée à l'Université.

Mots-clés: Formations complémentaires, réseaux de relations, diplômés universitaires, marché du travail, Guinée-Conakry.

ABSTRACT

The end of the 20th century and the start of the 21st are marked by increased levels of unemployment and job insecurity across the globe. Although the experience of each continent or country varies, the overall picture remains one of difficult and often unstable job conditions. In Africa, particularly in countries south of the Sahara, unemployment among graduates is a constant concern of governments.

This exploratory study on the entry of graduates of the Guinean university system into the job market falls within the branch of sociology concerned with professional insertion. It focuses on the role of additional training, the means of accessing jobs and the role of contact networks in the context of the Guinean job market. This study is qualitative in nature, making use of interviews to gather information on graduates' insertion into the job market.

Analysis of the interview data reveals that the professional insertion of graduates is influenced by additional training and contact networks, both of which play a decisive role in determining the career direction of graduates of the Guinean university system. In other words, additional training and strong contact networks are advantageous in job search.

In summary, the hypotheses regarding contact networks and additional training confirm the utility of these two factors in the access to employment. The influence of social origin, however, has been shown to be of little consequence beyond university entry.

Keywords: Additional training, contact networks, graduates, job market, Guinea-Conakry.

TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE III

ABSTRACT IV

TABLE DES MATIÈRES V

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS VIII

LISTE DES ANNEXES X

LISTE DES TABLEAUX XI

REMERCIEMENTS XII

INTRODUCTION 1

PREMIÈRE PARTIE : EMPLOI, CHÔMAGE ET INSERTION SOCIOPROFESSIONNELLE 5

CHAPITRE I : L'INSERTION DANS LA LITTÉRATURE 7

1.1 LE COURANT DESCRIPTIF 7

1.2 THÉORIES FACTORIELLES 11

1.2.1 L'ÉCOLE 12

1.2.2 LA FAMILLE 15

1.2.3 LES RÉSEAUX DE RELATIONS 18

1.2.4 LES CLASSES SOCIALES 20

CHAPITRE II : PROBLÉMATIQUE ET ANALYSE CONCEPTUELLE 24

2.1 PROBLÉMATIQUE 24

2.2 HYPOTHESES 30

2.3 ANALYSE CONCEPTUELLE 31

2.3.1 LE MARCHÉ DU TRAVAIL 31

2.3.2 LE CHÔMAGE 33

2.3.3 L'INSERTION PROFESSIONNELLE 36

CHAPITRE III : CONTEXTE ET CADRE DE L'ÉTUDE 42

3.1 PRÉSENTATION DE LA GUINÉE 42

3.1.1 SITUATION GÉOGRAPHIQUE ET DÉMOGRAPHIQUE 43

3.1.2 SITUATION ÉCONOMIQUE 44

3.2 PRÉSENTATION DE L'UNIVERSITÉ DE CONAKRY 46

3.3 LES FORMATIONS DE BASE DES DIPLÔMÉS 48

CHAPITRE IV : DÉMARCHE DE RECHERCHE ET MÉTHODOLOGIE 51

4.1 LE CHOIX DU LIEU DE L'ENQUÊTE 51

4.2 LE CHOIX DES DIPLÔMÉS RETENUS DANS L'ENQUÊTE 52

4.3 L'ENTRETIEN 52

4.4 LE DÉROULEMENT DES ENTREVUES ET LES PROBLÈMES

RENCONTRÉS 54

4.4.1 LE DÉROULEMENT DE LA COLLECTE DES DONNÉES 54

4.4.2 L'ENREGISTREMENT DES ENTREVUES ET LEUR TRANSCRIPTION 55

4.4.3 PÉRIODES ET RYTHME DES ENTREVUES 56

4.5 L'ANALYSE 57

DEUXIÈME PARTIE: RÉSEAUX DE RELATIONS ET FORMATIONS COMPLÉMENTAIRES DANS L'INSERTION PROFESSIONNELLE 59

CHAPITRE V : PROFIL ET ORIGINE SOCIALE DES RÉPONDANTS 61

5.1 PROFIL GÉNÉRAL 61

5.2 SITUATION DE L'EMPLOI 62

5.3 ORIGINE SOCIALE 63

CHAPITRE VI : LES MODALITÉS D'INSERTION SUR LE MARCHÉ DU

TRAVAIL 68

6.1 LE RÔLE DES STAGES DANS L'OBTENTION DE L'EMPLOI 68
6.2 LE POIDS DES RÉSEAUX DE RELATIONS DANS LE CONTEXTE GUINÉEN

75

CHAPITRE VII : LES FORMATIONS COMPLÉMENTAIRES ET LEUR RÔLE

DANS L'ACCÈS À L'EMPLOI DES DIPLÔMÉS 84

7.1 LES TYPES DE FORMATIONS COMPLÉMENTAIRES 84

7.2 LE CALENDRIER DES FORMATIONS COMPLÉMENTAIRES 87

7.3 LES COMPÉTENCES ACQUISES APRÈS LES FORMATIONS 89

7.4 LES COÛTS DES FORMATIONS 91

7.5 L'ACCÈS AUX FORMATIONS 93

7.6 LE RÔLE DES FORMATIONS DANS L'ACCÈS À L'EMPLOI 95

vii

CONCLUSION 100

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 105

ANNEXES XII

ANNEXE 1 XIII

ANNEXE 2 XV

ANNEXE 3 XVI

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

A.C.D.I : Agence canadienne pour le développement international A.G.B.F : Association guinéenne pour le bien être familial A.GUI.P.E : Agence Guinéenne pour la Promotion de l'Emploi

B.I.C.I.GUI : Banque International pour le Commerce et l'Industrie de Guinée B.I.T : Bureau international du travail

B.M : Banque mondiale

B.N.R : Bureau National du recensement

C.E.L.A : Centre d'Études de la Langue Anglaise

C.É.R.E : Centre d'étude et de recherche en environnement C.H.U : Centre hospitalier universitaire

C.V : Curriculum Vitae

D.E.S : Diplôme d'Études Supérieures

D.N.S : Direction Nationale de la Statistique

E.I.B.C : enquête intégrale budget et consommation

F.A.O : Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture F.G : Franc guinéen

F.L.S.H : Faculté des Lettres et Sciences Humaines F.M.I : Fonds monétaire international

F.N.U.A.P : Fonds des Nations Unies pour la population F.S : Faculté des Sciences

I.E.S : Institutions d'Enseignement Supérieur

I.P.C : Institut Polytechnique de Conakry

I.P.G.A.N.C : Institut Polytechnique Gamal Abdel Nasser de Conakry I.S.F : Indice Synthétique de Fécondité

LA.S.A.D : Laboratoire statistique et d'analyse de données M.E.P.U : Ministère de l'enseignement pré-universitaire

O.C.D.E : Organisation de Coopération et de Développement en Economique O.N.E.MO : Office National de l'Emploi et de la Main d'oeuvre O.N.G : Organisation non gouvernemental

P.A.M : Programme Alimentaire Mondial

P.A.S : Programme d'ajustement structurel

P.C.B.F : Programme Canadien de Bourse de la Francophonie

P.A.D.E.S : Projet d'appui au développement de l'enseignement supérieur P.I.B : Produit Intérieur Brut

P.N.U.D : Programme des Nations Unies pour le développement P.R.E.F : Programme de reforme économique et financier

U.N.I.C.E.F : Fonds des Nations Unies pour l'enfance

LISTE DES ANNEXES Annexe 1 : Guide d'entretien

Annexe 2 : Calendrier des activités sur le terrain Annexe 3 : Carte géographique de la Guinée

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Profession du père et situation des diplômés par rapport au marché de l'emploi

Tableau 2 : Utilisation ou non du réseau par rapport à la profession du père Tableau 3 : Formations complémentaires et profession du père

Tableau 4 : Répartition des diplômés en emploi selon le mode d'obtention de l'emploi

REMERCIEMENTS

Pour réaliser cette étude, plusieurs personnes ont apporté aide et conseils. Je veux remercier les personnes qui ont contribué à la réalisation de ce mémoire.

D'abord mon directeur de recherche, Arnaud Sales, pour son encadrement rigoureux et sa constante disponibilité en dépit de ses charges de directeur de département. Il m'a assisté depuis mon entrée au département de Sociologie et a suivi de près la genèse et l'aboutissement de ce travail. Je lui en suis très reconnaissant. Je tiens aussi à remercier Mamadou dit Ndongo Dimé et Boubacar Bayero Diallo, qui m'ont écouté et guidé dans des étapes cruciales.

Je dois beaucoup l'ACDI et à son Programme canadien de bourses de la Francophonie pour l'appui financier qui nous a permis de venir au Canada et accomplir notre programme d'études de maîtrise.

Une mention toute spéciale à mon épouse, Safiatou Diallo, pour son amour et sa patience durant ces années d'études et de rédaction ; à mon jeune frère Amadou Tidiane Barry, à mes parents (Oumar Barry et Binta Sow) pour leurs encouragements soutenus; à Alpha Amadou Bano Barry, qui a été ma " balise " pour atteindre ce niveau de formation. C'est pourquoi je lui dédie ce mémoire, en témoignage de nos relations amicales.

Ce travail n'aurait pas été possible non plus sans la collaboration des diplômés qui ont accepté de donner leur temps pour faciliter le déroulement de nos activités de recherche. Nous tenons à les remercier. Aussi, nous remercions tous ceux qui ont de près ou de loin contribué à la réalisation de ce mémoire. Nous rendons finalement un hommage à Salimatou Barry une de nos interviewés décédée pendant la période de rédaction de ce mémoire.

INTRODUCTION

Cette recherche exploratoire se situe dans le champ de la sociologie de l'insertion et porte de manière précise sur l'insertion professionnelle des diplômés sur le marché du travail dans le contexte africain (guinéen). De nombreux auteurs (Boudon, 1974 ; Vincens, 1984, 1986, 1996 ; Lachaud, 1986 ; Bocquier, 1996 ; Dubar, 1996 ; Trottier, Diambomba et Perron, 1995 ; Fournier et Monette, 2000), avant nous, se sont déjà intéressés à cette question dans diverses sociétés et pour diverses catégories sociales aussi bien en Occident que dans les pays du Sud. Leur objectif était de comprendre les divers mécanismes d'ordre social, économique, culturel et familial susceptible d'influencer des individus lorsqu'ils sont dans une situation de recherche d'emploi. Le présent mémoire s'inscrit dans la même trajectoire et s'intéresse de façon particulière au processus d'insertion des diplômés du système universitaire guinéen à travers le cas des diplômés de l'Université de Conakry qui est la plus ancienne et la plus grande institution d'enseignement supérieur de la République de Guinée.

Nous avons retenu dans ce mémoire l'approche de type interactionniste qui utilise à la fois l'acteur et le contexte pour bien comprendre les phénomènes sociaux. L'analyse qualitative permet dans notre cas, à partir d'entrevues effectuées auprès des diplômés, d'analyser leur insertion et de connaître, à travers leurs discours, les caractéristiques des stratégies d'insertion professionnelle. Cette recherche exploratoire auprès de 40 diplômés âgés entre 23 - 30 ans nous a permis de comprendre ce qui pousse certains diplômés à réaliser des formations complémentaires et des stages. Nous montrerons à cet égard le rôle de ces derniers lors de la recherche de l'emploi.

L'idée générale de cette étude est que les types de formations complémentaires influencent les stratégies individuelles d'insertion sur le marché du travail guinéen. Cette étude a pour but de comprendre cette situation.

Soulignons que si les conditions d'entrée sur le marché de travail sont devenues moins contraignantes dans les pays développés, dans les pays en développement, il y a une détérioration de la position entre les diplômés des années 1970 et ceux de la décennie 1990- 2000. Cette situation pousse un nombre grandissant de diplômés universitaires à

entreprendre des formations complémentaires et des stages d'insertion après celle de la formation universitaire initiale. Ainsi, dans le contexte guinéen, les études sur l'insertion professionnelle, et en particulier sur celle des diplômés du système universitaire guinéen, sont rares. De surcroît, ces études sont pour la plupart effectuées par des planificateurs et rarement par des anthropologues ou des sociologues locaux. Ces études sont aussi, le plus souvent, le fait de chercheurs étrangers. Généralement, elles se présentent sous forme de travaux de consultation pour le compte d'organismes internationaux ou encore d'ONG étrangères oeuvrant dans le secteur de l'éducation. Aussi, nombre d'entre elles sont réalisées de façon non exhaustive selon une approche quantitative et visent, entre autres, à établir une évaluation de l'efficacité des programmes mis en place par des institutions internationales (Banque Mondiale, BIT) ou nationales (PADES).

En effet, depuis 19861, la Guinée a connu une hausse générale de la scolarisation à tous les niveaux. Par exemple à l'Université de Conakry cadre de notre étude, les effectifs sont passés de 2000 étudiants en 1986 à 9 722 en 1998 (SPS, 2000). Cette hausse des effectifs combinée avec le changement de politique économique (restructurations et liquidations des entreprises publiques du fait des exigences des programmes d'ajustement structurels ; désengagement de l'État, assainissement des finances publiques) a entraîné la suppression de l'embauche automatique par l'État, et par conséquent, le blocage du recrutement des jeunes diplômés. Ainsi, la garantie d'un emploi à la fin des études ayant été abolie en 1985, des milliers de jeunes diplômés sont au chômage. En exemple sur 75 000 demandeurs d'emplois du système éducatif guinéen, 25 000 seraient titulaires d'un diplôme d'études supérieures (Barry, 1999).

Par ailleurs, d'autres bouleversements survenus à l'échelle internationale et au niveau national, méritent de retenir notre attention, et ce, dans le but de situer certains enjeux politiques et économiques récents. Parmi ces changements, nous pouvons mentionner: la fin de l'idéologie socialiste dans les pays de l'Afrique subsaharienne, la mise en oeuvre des programmes d'ajustement structurel sous l'égide du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale en Guinée à partir de 1986, sans oublier l'introduction des nouvelles technologies. Enfin, ajoutons à ce tableau le passage de la Guinée d'un régime

socialiste (garantissant l'emploi à tous les diplômés) à celui d'une économie de marché en 1984. Ces récents bouleversements ont eu d'énormes conséquences dans tous les domaines. Par exemple l'embauche par l'État des diplômés des institutions a cessé d'être automatique. Dans le cas des diplômés universitaires, ces changements ont exigé de leur part la recherche de l'emploi, des formations complémentaires, des stages et une plus grande mobilité. Ce qui les a amené quelquefois à accepter de postes de travail précaires ou à développer plus de polyvalence et de compétences dans d'autres secteurs (informatique, anglais par exemple).

La présente recherche s'intéresse à l'insertion des diplômés du système universitaire guinéen, du pont de vue du rôle des réseaux de relations et du rôle des formations complémentaires dans l'accès au marché du travail guinéen. Pour atteindre ces objectifs, l'étude exploratoire pose les hypothèses suivantes : premièrement, l'origine sociale influence l'insertion des diplômés; deuxièmement les réseaux de relations jouent un rôle important dans l'accès aux emplois et le recours à ces réseaux peut revêtir plusieurs formes; troisièmement, le renforcement du diplôme universitaire par une formation complémentaire (en informatique, en anglais ou en gestion par exemple) ou par un stage augmente notablement les chances d'insertion professionnelle. Pour vérifier ces hypothèses, le présent mémoire privilégie une démarche de type qualitatif à travers la recherche documentaire et l'entretien semi-directif.

Ce mémoire est structuré en deux parties : la première porte sur l'emploi, le chômage et l'insertion professionnelle; la seconde porte sur l'origine sociale, le rôle des réseaux de relations et les formations complémentaires et leur rôle dans l'insertion. Le chapitre I fait le bilan de la littérature consacrée à l'insertion. On y fait notamment une revue de quelques théories relatives au processus d'insertion (singulièrement le courant descriptif et les théories factorielles). Dans les théories factorielles, nous nous appuyons sur l'école, la famille, les réseaux et les classes sociales. Le chapitre II traite de la problématique de l'emploi en rapport avec différents contextes géographiques (Occident, Afrique et Guinée), de l'objectif principal, des hypothèses et de l'analyse conceptuelle. Dans cette dernière sous-section, on y discute les définitions des concepts centraux utiles au mémoire soit : le marché du travail, le chômage et l'insertion

professionnelle. Le chapitre III présente le contexte et le cadre de l'étude. Le chapitre IV expose la démarche de recherche, on y décrit le choix du lieu de l'enquête, le choix des diplômés et le déroulement de la recherche documentaire, la phase d'entretiens et les problèmes que nous avons rencontrés, et enfin nous expliquons les modes d'analyse.

La seconde partie du mémoire présente l'analyse et l'interprétation des données recueillies auprès des diplômés. Le chapitre V commence par un bref profil des répondants tout en interrogeant le rôle de l'origine sociale. Dans le chapitre VI, nous traitons tout d'abord du rôle des stages dans l'obtention de l'emploi, puis du poids des relations sociales dans le contexte guinéen. Le chapitre VII est consacré aux formations complémentaires à leur rôle dans l'accès à l'emploi des diplômés.

Il est fort intéressant de constater dans nos entrevues, que seulement deux répondants ont obtenu un emploi directement, alors que les autres ont souvent utilisé des réseaux relationnels, des formations complémentaires, ou ont fait des stages pour accéder à un emploi. C'est pour cette raison que notre travail sur le processus d'insertion est focalisé sur les réseaux de relations et les formations complémentaires après l'obtention d'un diplôme à l'Université.

PREMIÈRE PARTIE : EMPLOI, CHÔMAGE ET INSERTION SOCIOPROFESSIONNELLE

La première partie de ce mémoire recense et expose la littérature sur l'insertion (chapitre I). La problématique de l'emploi, du chômage et de l'insertion socioprofessionnelle présentée de façon diachronique et en rapport avec des réalités territoriales multiples (Occident, Afrique et Guinée) et l'analyse conceptuelle sont exposées dans le chapitre II. Le contexte et le cadre de l'étude sont abordés dans le chapitre III. Enfin, le chapitre IV présente la démarche de recherche utilisée pour la collecte des données.

CHAPITRE I : L'INSERTION DANS LA LITTÉRATURE

Dans le domaine de la sociologie, l'insertion des diplômés se rattache à celui plus globale de la mobilité sociale. Les recherches qui ont pris pour base les sorties du système éducatif et l'emploi remontent au début des années 70. Elles ont été axées principalement sur :

· les trajectoires suivies par les sortants du système éducatif lors de leur entrée dans la vie active;

· leur insertion professionnelle;

· la relation formation/emploi.

Cette revue de la littérature se subdivise en deux sections qui correspondent grosso modo aux courants de la littérature sur la question. La première section porte sur le courant descriptif et la seconde sur les théories factorielles de l'insertion.

1.1 LE COURANT DESCRIPTIF

En France, les travaux du Centre d'études et de recherche sur les qualifications (CEREQ) réalisés depuis les années 70 font école à ce sujet, qu'il s'agisse des enquêtes d'insertion, des enquêtes de cheminement et des bilans formation/emploi (Teichler, 1989). Au Canada, on aura reconnu les enquêtes Statistiques Canada (Clark, Laing et Rechnitzer, 1986), et au Québec, les relances du Ministère de l'éducation et du Ministère de l'enseignement supérieur et de la science (Audet, 1991, 1993a, 1993b, 1994, Trottier, 1991), de même que celles d'établissements universitaires (Hamel et al., 1992; Sales et al., 1996).

En Afrique, la situation du chômage des diplômés de l'enseignement supérieur remonte à la décennie 1980-1990 avec une profonde crise économique et sociale. Tandis que les systèmes éducatifs des pays africains continuent à produire des diplômés dans des spécialités relativement saturées (Lachaud, 1994).

Dans le cas de la Guinée, on aurait pu espérer que l'accroissement du chômage génère une abondante littérature sur la question. Force est de constater que les recherches

sociologiques sur ce sujet sont rares. Les quelques études sur le sujet en Guinée, que nous avons pu consulter, sont essentiellement descriptives (N'DRI, 1993 ; PADES, 1997, 1998 ; Ministère de l'Économie et des Finances, 1996; The Economist Intelligence Unit, 1997-1998; Direction Nationale de la Statistique Guinée, 1996).

La plus volumineuse de ces études, en rapport avec l'emploi des diplômés du système universitaire, est celle portant sur l'efficacité externe des institutions d'enseignement supérieur. Cette étude avait pour cible les sortants des institutions d'enseignements supérieurs (IES) des 12 dernières années (1984-1996) qui ont précédé l'étude en question. C'est dans les années de sortie 1983-1984, 1984-1985 et 1985-1986 que se retrouve le plus fort contingent de répondants de cette étude, soit 36 %.

Au total, 1 139 sujets ont été interrogés, soit 1 026 hommes (90%) et 113 femmes (10%). Majoritairement, les répondants se retrouvent dans le groupe d'âge 26-30 ans, soit 61%, et 33% se retrouvent dans le groupe de 34 à 41 ans, les autres soit 6%, se retrouvent dans le groupe des 18 à 25 ans. Les auteurs de cette étude indiquent que 41% des répondants sont d'origine paysanne, 30% ont des pères fonctionnaires, 12% sont fils de commerçants et 17% déclarent avoir un père pratiquant une fonction libérale ou autre.

Au niveau des enseignements de cette étude, il faut signaler l'écart constaté entre la sortie de l'Université et la soutenance du mémoire2. Pour la majorité des répondants, il s'écoule plus d'une année avant d'accéder au premier emploi et 41% des répondants n'ont accédé au premier emploi que 24 mois après la soutenance. La participation à un stage semble (60% des répondants), pour les auteurs de cette étude, la voie royale pour obtenir un emploi même si certains (20%) ont accédé à un emploi par voie de concours.

Dans l'ensemble, les diplômés des institutions d'enseignement supérieur en situation de chômage ou pas, jugent assez positivement la formation. Cette appréciation de la formation reçue, les répondants la confirment en portant un regard positif sur la préparation des cours par les enseignants même si la majorité trouvait la pédagogie mise

en oeuvre peu dynamique et ennuyante. Toutefois, les répondants à 77% gardent un bon souvenir de leur séjour sur le campus.

Sur la question de la formation continue, les répondants font de la maîtrise de l'outil informatique (25%), de l'anglais (15%) et de l'économie (5%) des priorités. Cependant, la préférence des répondants semble être la poursuite des formations complémentaires et le changement de profil disciplinaire avec un score de 61%. Les auteurs de l'étude en arrivent, avec ces données, à estimer que la formation continue serait une avenue intéressante pour les institutions d'enseignement supérieur de Guinée en raison de la demande et des revenus qu'une telle formation pourrait générer.

Pour les employeurs, la formation des diplômés du système universitaire est satisfaisante. Ils sont, en revanche, plus critiques envers les diplômés de la gestion, des lettres, des polytechniques et des ingénieurs ruraux. En outre, les employeurs ont noté certaines faiblesses individuelles de leurs employés, notamment au plan de la rédaction française, de l'informatique, de la gestion des ressources humaines, du management, de la gestion d'unité de travail et autres.

A la suite de cette étude, le programme d'appui au développement de l'enseignement supérieur (PADES) en a financé une autre étude en 1998 portant exclusivement sur le chômage des diplômés des institutions d'enseignement supérieur. Dans cette étude, il ressort, par exemple, que la situation du marché de l'emploi en Guinée conduit plusieurs vagues de diplômés de l'enseignement supérieur à accepter des emplois et des rémunérations inférieures à leurs qualifications. Pour les auteurs de cette étude, les diplômés des quinze dernières années, lorsqu'ils trouvent un emploi, restent dans une situation précaire et reçoivent une rémunération nettement inférieure à celle des employés ayant un niveau de qualification amoindri, mais plus anciens dans l'entreprise. Cette situation suscite chez les diplômés un sentiment d'injustice et une exaspération croissante. Les diplômés sortis des institutions d'enseignement supérieur ces quinze dernières années ont le sentiment «d'appartenir> à une «génération abandonnée>. Les chances d'intégration à la fonction publique sont quasiment nulles. Les tentatives de création d'entreprise se heurtent à des obstacles financiers. Les banques exigeant

toujours 30% du capital de la part du promoteur n'arrivent pas à appuyer les jeunes diplômés.

L'étude du PADES sur l'évaluation de la situation des diplômés sans emploi (1998), suggère de façon générale que les causes du chômage des diplômés du système universitaire guinéen soient intra et extra. Les causes les plus citées, au niveau intra, sont les lacunes dans des disciplines majeures comme le français, la communication écrite (exposé des idées), l'anglais, l'informatique, l'insuffisance de la diversification des compétences, la sous-information des diplômés sur les réalités du marché du travail et la façon de l'aborder. A cela il faut ajouter le problème de l'orientation généralisante dans le système éducatif guinéen. Par exemple les diplômés ayant une formation en littérature, en histoire, ou en mathématiques, en physique, en chimie etc., se voient limités à des emplois d'enseignement. Au niveau extra, les contraintes sont l'interruption du recrutement dans la fonction publique et le faible nombre d'entreprises privées ou publiques offrant des emplois aux cadres supérieurs.

Évoquant les causes du chômage des diplômés du système universitaire guinéen, l'Agence Guinéenne pour la Promotion de l'Emploi (AGUIPE, 1999), fait remarquer que l'environnement socio-économique guinéen est caractérisé, d'une façon générale, par une détérioration du secteur de l'emploi; les possibilités de marché de l'emploi en matière d'insertion sont de plus en plus réduites.

L'étude de Barry (1997), indique que les diplômés sans emploi issus des institutions d'enseignement supérieur (IES) ont un âge compris entre 27 et 39 ans. Ce qui correspond à «l'âge critique» de l'intégration sociale et de l'insertion professionnelle. L'une des difficultés d'obtention d'emploi indiquée par cette étude reste liée au temps mis par les sortants des IES pour faire le mémoire de fin d'études supérieures. Le manque de moyens financiers suffisant pour financer leur recherche en est une des causes. Or, l'obtention du diplôme apparaît très souvent comme un préalable non moins important à l'acquisition d'un emploi. Aussi, cette étude révèle-t-elle qu'une fraction importante des répondants, qui résident tous à Conakry, était constituée de chômeurs de longue durée. En effet, 36 % d'entre eux avaient 5 ans et plus de chômage à compter de

la fin de leurs études. Tandis que pour 40 % de l'échantillon, la durée du chômage varie entre 1 et 4 ans.

Dans l'ensemble, l'interprétation théorique explicite de l'insertion des diplômés est pratiquement absente de ces études. Cependant, une lecture poussée de celle-ci permet de déceler en filigrane l'influence d'une théorie factorielle, c'est-à-dire des études qui cherchent à identifier des facteurs affectant l'insertion et donc la mobilité. Cette lecture de l'insertion s'inspire d'une tradition ancienne dans la littérature occidentale comme nous allons le voir dans les lignes qui suivent.

1.2 THÉORIES FACTORIELLES

Dans la littérature sur l'insertion, certaines théories sont dites factorielles, en raison du fait qu'elles mettent de l'avant une série de facteurs pour expliquer la mobilité sociale. Pour Lipset et Bendix (1958), un certain nombre de facteurs influencent positivement ou négativement la mobilité sociale. Parmi ces facteurs, ces deux auteurs mettent l'accent sur le développement économique, l'élévation du taux de scolarisation, l'existence ou la non-existence dans le passé d'un système de stratification sociale. Face aux difficultés d'évaluation du modèle, Lipset introduit, avec l'aide de Zetterberg, l'hypothèse selon laquelle le désir d'ascension sociale des individus est proportionnellement inverse à la visibilité des barrières sociales. Plus les barrières sociales seront invisibles moins sera le désir d'ascension sociale des individus au bas de l'échelle. Devant l'incapacité empirique d'infirmer ou de confirmer le désir d'ascension, les chercheurs se tournèrent vers d'autres formes d'explication de la mobilité sociale. C'est le cas de Boudon (1973), qui considère que la mobilité est le produit d'un processus impliquant simultanément un ensemble de facteurs ou variables. De ce fait, elle doit être vue comme le résultat complexe du filtrage des individus par une suite d'instances d'orientation (selection agencies). Ces instances sont nombreuses et ont pour fonction le maintien de la structure par-delà le mouvement des hommes. Les plus importantes de ces structures sont l'école, la famille et les classes sociales. Mais aujourd'hui, on reconnaîtra que l'école n'a pas pour simple fonction le maintien de la structure mais aussi et surtout sa transformation.

1.2.1 L'ÉCOLE

Pendant longtemps en Occident, dans les théories implicites ou explicites, dans la sociologie académique et spontanée, celle des hommes politiques et des acteurs de terrain, ils se partageaient la proposition selon laquelle la mobilité sociale résulterait du développement de la scolarisation. Une scolarisation qui est corrélative à l'industrialisation et qui devait conduire automatiquement à une égalisation des chances devant l'enseignement et devant l'ascension sociale. Cet optimisme se rattachait explicitement à la théorie de la modernisation qui voyait dans l'industrialisation, l'urbanisation et l'école des vecteurs correcteurs des inégalités et égalisateurs des conditions d'existence. Il était communément admis que, contrairement aux sociétés traditionnelles, dans les sociétés industrielles le statut social, pour reprendre le langage de Parsons, n'est pas imposé (ascribed) ; il est acquis par l'individu (achieved).

Pourtant, les études empiriques menées sur la base de ce postulat produisirent des résultats contraires et la plupart des auteurs relevèrent la persistance et l 'intensité de l 'inégalité des chances scolaires dans les sociétés industrielles. L'école, selon Boudon (1973), en qui l'Occident avait vu un mécanisme correcteur des inégalités dues à la naissance, apparaissait comme incapable de jouer le rôle qu'on attendait d'elle. C'est Lipset et Bendix (1989) qui ébranlèrent les premiers cette croyance largement répandue en arrivant à la conclusion que :

Parmi les diverses formes de l 'inégalité sociale, l 'inégalité des chances est celle qui apparaît, avec les inégalités économiques, comme la plus réfractaire au changement et la plus insensible au développement des sociétés industrielles (Boudon, 1973 : 12).

En tout état de cause, les études portant sur ce champ arrivent à admettre qu'il est possible d'une génération à l'autre de voir apparaître des améliorations quant au niveau de vie sans qu'il n'y ait des modifications dans les chances d'accès à l'enseignement supérieur pour les catégories sociales inférieures. Cette lecture microsociologique est appuyée par Bourdieu et Passeron (1964, 1970) qui précisent que l'égalité d'accès à l'école maintient l'inégalité d'origine sociale, puisque les enfants des classes supérieures ont des moyens culturels et des motivations qui leur permettent de mieux profiter de

l'école que les enfants des classes inférieures (Bourdieu, Passeron, 1970 : 27). Pour ces auteurs, l'école contribue à reproduire l'inégalité sociale observable au sein de la société globale car en venant à l'école, chaque enfant est héritier de sa famille de capitaux (social, culturel, économique, financier, symbolique) et le parcours scolaire de chacun serait équiprobable aux capitaux hérités dans la famille. L'école participe, à sa façon, à ce processus inégalitaire. Et même pour ceux qui arrivent à l'Université, l'intégration ne se fait pas par hasard. Cette lecture sociologique est soutenue par Bourdieu (1970 : 206) lorsqu'il dit :

"L 'école peut contribuer à la reproduction de l 'ordre établi, puisqu 'elle réussit mieux que jamais à dissimuler la fonction dont elle s 'acquitte. Loin d'être incompatible avec la reproduction de la structure des rapports de classe, la mobilité des individus peut concourir à la conservation de ces rapports, en garantissant la stabilité sociale par la sélection contrôlée d 'un nombre limité d 'individus ".

En épousant implicitement cette idéologie comme tant de recherches qui réduisent la question de la reproduction des rapports de classe à la question de la mobilité intergénérationnelle des individus, Bourdieu s'interdit de comprendre tout ce que les pratiques individuelles, et en particulier celles qui contribuent à la mobilité ou qui en résultent, doivent à la structure objective des rapports de classe où elles s'accomplissent.

Toutes ces études mentionnées ci-dessus font date. De nos jours, les études sur l'insertion des diplômés s'interrogent davantage sur le paradoxe des sociétés occidentales où les besoins en personnel hautement qualifié augmentent alors que les jeunes diplômés rencontrent des difficultés d'insertion (Sales et al. 1996). Pour Bernadette (1999), le niveau de qualification et de formation acquis est une variable déterminante dans les chances d'insertion et de stabilisation. La théorie du « capital humain », reflétée dans l'adage qui s'instruit s'enrichit est pertinente. Toujours selon elle, l'absence de diplôme est largement sanctionnée sur le marché de l'emploi.

Trottier et al. (1995) suggèrent que même si le taux de chômage des diplômés universitaires est moins élevé, ils sont néanmoins confrontés à des problèmes d'insertion professionnelle, de précarité d'emploi et de sous-emploi. Ce point de vue est partagé par Sales (1997), dans son article "The Employment Market Challenges of Knowledge

Workers" quand il indique que les diplômés du deuxième et troisième cycles répondent négativement à la question s'ils pensent qu'il sera facile de trouver un emploi après avoir reçu leurs diplômes. Cette population normalement optimiste, qui d'ailleurs est presque unanimement satisfaite de sa condition de vie universitaire, devient cependant inquiète et pessimiste quand l'entretien se tourne vers son futur professionnel (Sales, Drolet, Bonneau, Simard, Kuzminski, 1996).

Dans l'ouvrage les universités et le marché du travail, Alain Charlot (1977), souligne que les différentes populations étudiantes se situent de manière très distincte sur le marché du travail : le processus d'insertion professionnelle est complexe et non linéaire et la diversité des itinéraires procède d'une réalité sociale qui déborde largement le cadre de la simple relation formation/emploi.

A propos du chômage, d'Iribarne (1990), s'interroge sur les effets de l'enseignement sur l'emploi, car pour lui, il est essentiel de bien distinguer deux phénomènes tout à fait distincts : d'une part, les conséquences du niveau de formation d'un individu, le niveau de formation des autres étant supposé donné, sur ses chances de trouver un emploi ; et d'autre part, les conséquences sur le chômage global d'un relèvement général du niveau de formation. Le fait que le premier soit en général favorable n'implique nullement que le deuxième le soit.

Des auteurs contemporains s'interrogent aujourd'hui sur la question de savoir pourquoi certains jeunes diplômés s'en sortent relativement aisément alors que d'autres vont de difficultés en difficultés. Nombre d'entre eux ont apporté des éléments de réponse à cette question en étudiant les facteurs influençant le processus d'insertion. Ainsi, différentes recherches ont mis en évidence des variables de divers ordres (variables personnelles et variables situationnelles) qui jouent un rôle dans le déroulement du processus d'insertion (Riverin-Simard et al., 1992). Par exemple, les individus les plus scolarisés sont habituellement mieux placés dans la course à l'emploi (Gauthier, 1996 ; Limoges, 1998). En Europe, on relève aussi cet impact positif de la scolarité dans l'obtention d'un emploi, d'autant plus que les jeunes les plus scolarisés semblent aussi ceux qui sont les plus favorisés par les programmes d'aide à l'insertion professionnelle (Galland, 1996 ; Nicole-Drancourt et Rouleau-Berger, 1995).

En Afrique en général, en Guinée en particulier, la situation se présente autrement. On constate que le niveau de formation a un effet paradoxal sur l'accès à l'emploi : « plus le niveau augmente, plus le taux de chômage s'élève » (Gérard, 1997). Si le niveau de formation ne peut être retenu comme déterminant, le degré d'adéquation entre système scolaire et marché de l'emploi doit en revanche être examiné : l'évolution de ces deux grands systèmes ou champs et celle de leurs interactions sont en effet nécessairement à l'origine du phénomène de chômage. C'est en tenant compte d'une part, de la particularité du paradoxe entre formation et emploi en Guinée, d'autre part, de l'influence du réseau familial que nous avons élaboré nos hypothèses de recherche.

1.2.2 LA FAMILLE

Parsons, dans ses ouvrages de 1953 et 1970, abonde dans le même sens. Pour cet auteur, le sous-système familial exerce une fonction essentielle dans le processus de génération des inégalités en modelant les ambitions de chaque membre de la famille au statut social de la famille. La famille détermine ainsi, en première instance, qui va à l'école et pendant combien de temps et l'école fournit, à son tour, des compétences, sélectionne les individus et les oriente vers les positions sociales existantes.

L'étude de Girard et Clerc (1989c) en France, montre par exemple, que la réussite scolaire variait, à niveau de revenu égal, avec le niveau culturel des parents, mesuré sur la base du diplôme le plus élevé détenu par l'un ou l'autre des parents. Il est surtout apparu que la relation entre héritage culturel et réussite scolaire est plus manifeste dès le jeune âge au moment où, précisément, le langage (vocabulaire, syntaxe et niveau d'abstraction) est affecté par le milieu familial. C'est sur la base de cette théorie que Boudon se (1973 : 60) résume aux propositions suivantes :

1. Le développement linguistique est influencé par le milieu social ;

2. Le développement verbal à une incidence forte sur les performances intellectuelles en particulier l'aptitude à manipuler l'abstraction ;

3. La structure des relations familiales varie selon le milieu social ; ces relations sont plus simples, plus directes, plus autoritaires dans les classes sociales inférieures ;

4. La syntaxe des relations familiales exerce une influence sur la syntaxe linguistique de l'enfant.

La notion d'héritage familial (capital, symbolique et autres) a été élargie par Girard (1989c) en prenant en compte le nombre d'enfants dans la famille. Pour cet auteur, la probabilité pour un enfant d'atteindre un niveau élevé dans le système éducatif est très fortement affectée par le nombre d'enfants dans la famille.

Bernard et Renaud (1976), réfléchissant sur cet héritage familial qu'un fils peut recevoir de ses parents, arrivent à la conclusion que d'une génération à une autre il y a deux types de biens qui peuvent être transmis :

· Les biens inclusifs ;

· Les biens exclusifs.

Les biens inclusifs sont ceux qu'un père peut léguer à son fils sans s'en priver. Sur cette longue liste de biens, il semble, selon ces auteurs, que les aptitudes linguistiques, l 'éducation et les relations personnelles sont les plus importantes. Les biens inclusifs sont ceux qui ne peuvent être détenus que par une personne à la fois, de sorte qu'un père en est privé s'il les donne. Le capital, les terres et d'autres biens d'ordre économique sont de cet ordre. Cependant, certaines fonctions politiques (chef, maire, roi) et certains rôles économiques (gérant d'entreprise familiale) ont, selon ces auteurs, les mêmes caractéristiques que le capital. Ces biens sont ceux qu'un père lègue à sa mort ou à sa retraite.

Pour Bernard et Renaud (1976) le fait de n'accéder à ces biens exclusifs par le fils que tard dans sa vie explique les effets différés de l'origine familiale sur le statut. Cette conclusion est significativement nuancée par Kelley (1976) en mettant de l'avant trois considérations. D'abord, il y a le fait que certains biens inclusifs procurent des avantages non seulement au début mais bien tout au long de la carrière du fils. C'est le cas de

l'éducation qui facilite non seulement l'obtention du premier emploi mais donne un coup de pouce supplémentaire réel à toutes les étapes de la carrière. Ensuite, cet auteur fait remarquer que le devenir d'un individu peut aussi être affecté par celui de l'entreprise où l'on sert. Certaines entreprises sont en déclin d'autres sont en expansion. Certaines personnes sont ambitieuses, entreprenantes d'autres le sont moins. Ces paramètres joueront d'une certaine façon sur la carrière des individus. Enfin, cet auteur fait remarquer qu'un père peut transmettre des biens exclusifs à un fils avant même d'aller à la retraite. Car tout père, argumente Kelley, attache un certain prix au succès et au bien être de son fils. De sorte qu'il est possible pour un père de se priver pour un fils. Surtout que, défend-il, l'argent à une utilité marginale décroissante «les derniers cent dollars d'un important revenu ne seront pas aussi bénéfiques que les premiers cent dollars» (Kelley, 1976 : 101). Pour Kelley, l'origine familiale reste l'élément déterminant dans la mobilité des individus :

G'est un avantage permanent que de naître dans une famille ayant un statut élevé. Get avantage se manifeste à l 'école et lors de l 'obtention du premier emploi, ce qui a pour la suite des effets durables sur la carrière d'une personne (Kelley, 1976 :99).

En effet, un fils, selon Kelley, qui vient d'une famille d'un statut élevé obtient des ressources économiques dont il se sert pour acquérir une éducation et de l'équipement. Ce qui est impossible pour un fils dont le statut de la famille est moins élevé. Cet auteur en arrive à conclure que l'éducation contribue non seulement à obtenir un premier emploi enviable mais fournit aussi un avantage supplémentaire réel à toutes les étapes de la carrière. L'explication par l'héritage culturel transmis à l'enfant par sa famille est en opposition avec l'explication par la position sociale.

En Afrique, les écrits sur la valeur de l'enfant se présentent autrement. Dans ces sociétés pauvres, l'abondance d'enfants procurait traditionnellement aux parents considération, source de main-d'oeuvre de travail, respect, sécurité relative et espoir pour les vieux jours. Aujourd'hui, du fait de la rareté des emplois et de l'existence d'un système de sécurité sociale digne de ce nom, l'une des plus grosse amertumes qu'un individu puisse avoir est d'atteindre ses vieux jours sans avoir des enfants capables de prendre la relève

(Ouedrago, 1994). Au regard des parents, et plus particulièrement de ceux des classes pauvres, maximiser le nombre d'enfants survivants permet de maximiser la probabilité que l'un ou l'autre de ces enfants "réussisse dans la vie" et cette réussite est d'autant plus souhaitable que les règles de solidarité commandent encore une certaine redistribution sociale des richesses individuellement acquises. Cependant, les transformations socioéconomiques récentes d'une part et, de l'autre, les crises économiques et les programmes d'ajustement structurels ont profondément marqué les jeunes à la recherche de l'emploi.

Les enquêtes de Charmes (1994) au Mali et en Mauritanie à propos du chômage révèlent que ce sont les jeunes qui payent le plus lourd tribut. Dans les deux pays, le taux de chômage des diplômés est relativement élevé : plus de 58 % des actifs de 15-19 ans étaient au chômage en Mauritanie en 1988, et près de 41% des 20-24 ans, ces taux étant passés de 58,8% et 41% en 1992. Au Mali, en 1990, c'est chez les 20-24 ans et surtout les 25-29 que les taux de chômage étaient les plus élevés : 8,2 % et 8,5 % (Charmes, 1994). A Dakar, selon Bocquier (1991), ils étaient 67% demandeurs de premier emploi et l'étude concluait que "entre un tiers et un quart des jeunes nés après l'indépendance n'obtiendront pas un emploi avant l'âge de 30 ans. Tandis qu'en Guinée, plus des 2/3 des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur, situés dans la tranche 20-29 ans, sont au chômage (Lachaud, 1994).

Eu égard à toutes ces difficultés d'insertion, de nos jours, les stratégies des jeunes diplômés consisteraient à entreprendre des formations complémentaires et des stages et surtout à faire recours aux réseaux de relations lors de la recherche de l'emploi. Ce sont ces réseaux que nous verrons dans les lignes qui suivent.

1.2.3 LES RÉSEAUX DE RELATIONS

La notion de réseau social fut d'abord exploitée par l'anthropologue Barnes (1954) dans ses travaux au cours des années 1950. Depuis, elle a été adoptée par des chercheurs oeuvrant dans divers domaines. Récemment, elle a été utilisée pour définir le support social fourni aux individus vivant des situations difficiles. Les réseaux sociaux désignent simplement les systèmes particuliers de liens unissant des personnes

(Beausoleil et collaborateurs, 1988: 39). Les réseaux sociaux forment donc une trame de base de la société et constituent une voie importante d'intégration sociale. Plusieurs ont ainsi choisi d'y avoir recours dans une foule de situations comme l'intervention, la recherche de l'emploi ou la réinsertion sociale. Les réseaux sont enfin des entités dont les frontières ne sont jamais complètement délimitées; ils évoluent et s'adaptent rapidement, et se rendent facilement indépendants des institutions. Plusieurs auteurs ont démontré l'efficacité des réseaux sociaux comme mode d'accès à l'emploi, comme réponse au problème du chômage chez les jeunes. Pour Vincent Lemieux (2000 : 18), les réseaux sociaux sont faits de liens, généralement positifs, forts ou faibles, tels qu'il y a une connexion directe ou indirecte de chacun des participants à chacun des autres, permettant la mise en commun des ressources dans le milieu interne.

La plupart des thèses sur la théorie des liens trouvent leur origine dans les travaux de Granovetter (1973) et établissent simultanément les fondements théoriques de modes de régulation informels comme les réseaux. Dans un article The Strength of Weak Ties (1973, 1982), Granovetter distingue deux sortes de liens : des liens forts et des liens faibles qui sont présents dans la plupart des réseaux. Afin de pouvoir qualifier ces relations, Granovetter (1973, 1982) classe les liens interpersonnels en fonction de leur force. La force ou la faiblesse d'une relation s'évaluent à partir de la durée de la relation, de l'intensité émotionnelle, de l'intimité et finalement, des services réciproques que se rendent les individus (1973: 1361). Des liens forts prendront, par exemple, la forme de relations familiales ou de grandes amitiés, tandis que des liens faibles se concrétiseront souvent à travers des relations entre anciens collègues d'école ou de travail. L'auteur arrive à la conclusion que plus le réseau d'un individu est composé de gens avec lesquels il entretient des liens forts et plus ce réseau a de chances de constituer un milieu clos. Les liens faibles sont ceux qui peuvent jeter des ponts entre ces milieux. C'est à travers eux que circulent les informations et que des individus appartenant à des réseaux différents peuvent entrer en contact. L'enquête de Granovetter (1973) démontre que ceux qui obtiennent les meilleurs emplois sont ceux qui utilisent des contacts professionnels plutôt que des liens familiaux ou d'amitié, des liens faibles plutôt que des liens forts et des chaînes de relations courtes.

Abordant la notion de recours aux réseaux sociaux pour l'accès à l'emploi dans les pays en développement, Bocquier et Fall (1992) font remarquer que si a priori, la compétence détermine avant tout l'accès à l'emploi, la formation scolaire est un critère d'embauche essentiel dans certaines entreprises, en particulier dans le secteur public. Cependant, la mobilisation de la main-d'oeuvre par les entreprises, mêmes modernes, s'insère de fait dans un environnement relationnel, et on constate que le recours à un tiers chez les diplômés n'est pas un phénomène négligeable. Les auteurs de cette étude précisent que tout d'abord la difficulté de l'accès à l'emploi pour les jeunes générations s'est accompagnée d'un recours plus systématique à la parenté ; ensuite, lorsqu'il y a recours pour obtenir un emploi dans le secteur public, la personne ressource est plus souvent un parent. Ainsi, les parents sont plus souvent sollicités lorsque le service est difficile à rendre.

En effet, dans le contexte de raréfaction de l'offre d'emploi pour les jeunes, il est de plus en plus difficile de trouver une personne-ressource occupant une position privilégiée. Ainsi, le champ des possibles se resserre et les diplômés sont maintenant contraints de faire appel à des relations de plus en plus variées. C'est pourquoi, dans un contexte de crise et de saturation des filières d'embauche, les réseaux sociaux, du fait de leurs caractéristiques à la fois informelle et transversale, sont particulièrement mis à contribution pour l'accès à l'emploi.

On a vu avec Bourdieu que l'origine sociale influence l'insertion. En Afrique, ce sont les réseaux qui jouent ce rôle. Cependant, il faut préciser que les réseaux sont divers (niveau familial, amical et lointain) comme l'ont fait remarquer des auteurs comme Bocquier et Fall (1992) ; Gérard, (1997).

1.2.4 LES CLASSES SOCIALES

Pour Hyman (1980c) les inégalités qu'on observe à l'égard de la réussite sont fortement reliées à la classe sociale qui dicte à ses membres, d'une certaine façon, le système de valeurs par rapport à l'école et à la réussite. Sur la base de cette hypothèse forte, Hyman (1980c) montre que plus le statut socioprofessionnel est bas, plus les individus perçoivent l'instruction comme un moyen marginal dans la réussite, réussite associée

chez ces personnes à la simple sécurité matérielle et résultant de facteurs extraindividuels (chance, hasard, et destin). En fait, de la classe moyenne (middle class) aux classes inférieures, Hyman constate le passage d'une position volontariste et rationaliste de la réussite à celle de passivité et de fatalisme.

Sur la base des conclusions de l'étude de Hyman, des auteurs, comme Chinoy (1967), se sont demandés si les systèmes de valeurs des individus devaient être tenus pour des effets ou, au contraire, comme des causes. Cette interrogation capitale s'est imposée à Chinoy suite à sa célèbre étude sur les ouvriers de l'industrie automobile. Dans cette étude, il était apparu à cet auteur que les ouvriers, qui n'avaient aucune chance de promotion dans l'entreprise ou en la quittant, gardaient le sentiment que la réussite sociale leur était accessible. Cet espoir à l'accessibilité de la réussite découlait de la signification qu'ils donnaient à celle-ci. Pour ces ouvriers, réussir c'est gagner quelques cents de plus, changer de voiture, améliorer l'équipement domestique. On pourrait dire, pour reprendre Chinoy, que les conditions objectives ont, en quelque sorte, dicté leur lecture de la réussite qui équivaut à un peu plus de confort et de sécurité monétaire. En fait, Hyman pour asseoir sa démonstration s'est largement inspiré de la notion de "groupe de référence" développée par Merton (1986c). Pour cet auteur, les ambitions et les attitudes se construisent à partir du milieu social d'appartenance des individus. Bourdieu et Passeron abondent dans le même sens quand ils affirment : « De tous les facteurs de différenciations, l 'origine sociale est sans doute celui dont l 'influence s 'exerce le plus fortement sur le milieu étudiant » (1964 : 22).

Cependant, parlant des inégalités qu'on observe à l'égard des classes sociales, Bourdieu fait remarquer que l'avantage des étudiants originaires des classes supérieures est de plus en plus marqué à mesure que l'on s'éloigne des domaines de la culture directement enseignée et totalement contrôlée par l'école.

Ces schémas explicatifs, s'ils privilégient certains aspects par rapport à d'autres, se recoupent pour admettre que la mobilité est à faire. Les individus ont des chances différentes de réussir. Pour réussir, la famille et l'école jouent un rôle capital. La famille joue ce rôle par sa position sociale, ses capitaux (social et économique) et sa structure. Elle continuera à donner un appui important pendant la formation, par la mobilisation

des ressources, mais aussi pendant la phase d'insertion par la mobilisation d'autres types de ressources. En Guinée par exemple, c'est le cas des formations complémentaires, des stages et des réseaux relationnels.

En somme, l'étude de l'évolution de l'insertion professionnelle dans un contexte de crise est marquée par la présence de thèses aux présupposés antinomiques. Dès lors, il s'avère indispensable de multiplier les études en vue de mieux appréhender la complexification grandissante de l'insertion des diplômés en milieu urbain et d'arriver à une meilleure documentation des effets de la crise économique et des changements structurels sur le marché de l'emploi guinéen.

Modélisation de l'insertion des diplômés

Entrée sur le marché de travail

Relations familiales ou amicales

Origine sociale

Entrée à l'Université

Formation de spécialisation Formations complémentaires Stages

Emploi

Chômage temporaire ou précarité

Exclusion du marché de travail

CHAPITRE II : PROBLÉMATIQUE ET ANALYSE CONCEPTUELLE

2.1 PROBLÉMATIQUE

La fin du siècle dernier a été marquée dans le monde par le chômage et la précarité de l'emploi. Si la situation est variable d'un continent à l'autre d'un pays à l'autre, il n'en demeure pas moins que l'époque est marquée par une situation d'emploi difficile et souvent instable. D'après d'Iribarne (1990), dans les pays industrialisés, on pourrait être porté à penser, à première vue, que les diplômés universitaires, étant donné leur niveau de scolarité élevé ou la sélection dont ils ont fait l'objet, rencontrent peu de problèmes d'insertion professionnelle. Ils ont en effet un avantage relatif sur le marché du travail. Mais il importe, pour apprécier cet avantage, de replacer celui-ci dans la perspective du secteur public qui constituait le principal débouché de l'enseignement supérieur. En effet, le secteur public a subi, au cours des années 80, suite aux pressions sur les dépenses publiques, des transformations telles qu'il n'offre plus les mêmes possibilités de recrutement alors que l'enseignement supérieur a continué de se développer. Ces contraintes s'avèrent encore plus vives dans le contexte de la récession économique du début des années 90, et sont de nature à modifier profondément les débouchés pour les diplômés de l'enseignement supérieur. L'expansion du secteur privé n'a pas été suffisante pour compenser l'absence de croissance du secteur public, et le décalage entre l'offre et la demande se traduit par une dégradation des conditions d'insertion et le sousemploi des diplômés.

D'après Fournier et al. (2000), en Europe, il existe une incertitude quant à l'avenir professionnel des jeunes, avec des conséquences semblables à celles constatées en Amérique du Nord, que relèvent des auteurs comme Benedetto (1995), Demazière (1995, 1996), Dubar (1996), Galland (1996), Nicole-Drancourt et Rouleau-Berber (1995), Werquin (1996) et White et McRae (1988). Cette transition difficile de la formation à l'installation dans un emploi satisfaisant, marquée par la mouvance et l'insécurité, que l'on peut désigner par l'expression précarité d'insertion s'inscrit dans un contexte global de transformation de l'emploi qui affecte la majorité des travailleurs.

L'OCDE (1992), qui publie les taux de chômage standardisés pour les pays appartenant à cette organisation, abonde dans le même sens en indiquant que les contrastes entre les évolutions des taux de chômage de 1973 à 1988, dans les divers pays, sont spectaculaires. Aux États-Unis, après avoir crû vivement entre 1973 et 1982, le chômage a presque retrouvé en 1988 son niveau d'avant la crise (passant au total de 4,8% à 5,4 %). Il est resté faible au Japon (passant de 1,3% à 2,5 %). Par contre, sa croissance sur l'ensemble de la période a été très forte dans la plupart des pays de l'Union Européenne et en particulier en France (de 2,6% à 10,3 %). Cependant, il faut rappeler qu'il y a eu regain de l'emploi à la fin des années 90 et début 2000.

Selon le Conseil Supérieur de l'Éducation (CSE, 1997), au Canada, en 1997, chez les jeunes de 15 à 24 ans, le taux de chômage des personnes qui détenaient un grade universitaire était de 4,8 %. L'étude de Sales et al. (1996), a souligné aussi le haut taux de chômage au Québec chez les jeunes de 15 à 24 ans. Il était estimé par Statistique Canada à 11,8 % en 1996 et 9,8 % en 1997. Tandis que le taux de chômage des diplômés universitaires âgés de 20 à 24 ans était en 1991, de 13,2 %. L'inquiétude des jeunes face à la crise de l'emploi et à leur avenir professionnel incertain n'a cessé de grandir. En plus, une partie non négligeable des jeunes (22,1 % des hommes et 31,8 % des femmes âgés de 20 à 24 ans) ne trouvent que du travail à temps partiel dans de <<très petites entreprises>> de moins de 20 employés (CSE, 1997).

Cependant, Sales (1997 : 13) dans son article : "Marchés du travail des agents du savoir formel et défis dans une économie en restructuration" atténue cette situation en précisant : << A première vue, et contrairement à la vision pessimiste des étudiants, la situation de l'emploi entre 1982 et 1994 ne s'est pas détériorée. On constate que le taux de placement général s'est maintenu. Apparemment élevé (88,6%), il laisse cependant deux ans après l'obtention du diplôme de premier cycle plus de 11% des individus en chômage >>. Pour cet auteur (1997), on pourrait s'en accommoder sachant que cinq ans après être sortis de l'université, les diplômés voient leur taux de chômage diminuer de moitié. Mais il n'est pas dit qu'il s'agisse de "bons" emplois dits primaires en adéquation avec le niveau et le domaine d'études. Cette situation est imputée parfois à la disponibilité d'individus "surqualifiés" qui pour les employeurs se combine à une

mauvaise image des non ou des peu formés dans un contexte de détérioration de la situation de l'emploi, pour entraîner un relèvement des niveaux de recrutement et une déqualification des individus dans leurs postes par rapport à leur formation (d'Iribarne, 1990 cité par Sales) qui mène en fait au sous-emploi et qui n'est au fond qu'un déclassement. Sur des ensembles nombreux, cette tendance pourrait conduire à une diminution du niveau d'emploi moyen et des salaires afférents (OCDE, 1993). "Jusqu'à présent, les marchés du travail hautement qualifiés étaient réputés moins sensibles aux fluctuations de la conjoncture parce que les diplômés étaient fréquemment employés dans les services et particulièrement les services publics (OCDE, 1993:105). En revanche, les coupures massives réalisées dans le secteur public ont montré leur sensibilité aux tendances structurelles, le cas le plus fréquent dans plusieurs pays étant celui des enseignants". Enfin, Sales conclut que les taux de chômage ne sont pas obligatoirement le meilleur signe de la situation de l'emploi à cause des effets de substitution mentionnés plus haut.

Dans le cas des pays africains, le chômage des jeunes urbains est beaucoup plus grave et constitue une préoccupation constante des gouvernements africains en général et ceux de l'Afrique sub-saharienne en particulier. En effet, les jeunes de moins de 15 ans forment entre 40 et 60 % de la population de cette partie du continent (Bocquier, 1994) et, en vieillissant, ils viennent augmenter chaque année la masse de la main-d'oeuvre potentielle sur le marché de l'emploi. En conséquence, l'absorption des premiers demandeurs d'emploi sur les marchés du travail urbains est rendue plus difficile.

Comme les jeunes de moins de 30 ans sont les plus nombreux dans la population des actifs, les taux de chômage sont particulièrement élevés en Afrique sub-saharienne. Ils seraient de 22,8 % en 1986 à Abidjan, 24,4 % à Dakar en 1991, 14,8 % à Bamako en 1992, 24,6 à Yaoundé en 1992 et 35 % à Conakry en 1998. A partir de ces pourcentages, Bocquier, (1994) estime qu'au moins un quart de la population active en Afrique subsaharienne est au chômage, dont environ deux tiers sont des jeunes de moins de 30 ans, pour la plupart à la recherche de leur premier emploi. Ainsi, au fil des ans, les jeunes diplômés vont se transformer en une catégorie sociale revendiquant le statut de chômeur et exigeant des mesures spécifiques d'insertion sur le marché de l'emploi. Si le chômage

des jeunes en général constitue une préoccupation des gouvernements africains, celui des diplômés de l'enseignement supérieur demeure particulièrement préoccupant.

En Afrique sub-saharienne, la situation du chômage des diplômés de l'enseignement supérieur remonte aux années 80 avec la crise économique alors que les systèmes éducatifs des pays africains continuaient à produire des diplômés dans des spécialités relativement saturées (Lachaud, 1994 :16). Au cours de ces dernières années, il semble que plusieurs ajustements structurels aient été réalisés sur le marché du travail urbain de la plupart des pays d'Afrique subsaharienne et que le taux de chômage urbain a considérablement augmenté. Il a doublé entre 1975 et 1990, passant de 10 à 20% environ. En plus, dans cinq pays sur six enquêtés (Mali, Côte d'Ivoire, Burkina Faso, Cameroun et la Guinée), au moins 70 % des individus au chômage recherchaient un travail pour la première fois.

La même étude indique qu'en Guinée, l'incidence des restructurations et des liquidations d'entreprises publiques sur les pertes d'emploi a été plus accentuée que partout ailleurs en Afrique et que la situation de l'emploi est particulièrement préoccupante. Situation due à la suppression de l'embauche automatique, au blocage des recrutements des jeunes diplômés. Ainsi, la garantie d'un emploi en fin d'études ayant été abolie en 1985 et les embauches dans la fonction publique gelées, des milliers de jeunes diplômés sont au chômage. Pendant ce temps, le secteur privé, sur lequel repose l'espoir du gouvernement pour résorber ce monde de chômeurs, est en gestation avec une capacité d'embauche très limitée. Selon Lachaud (1994 :71), en Guinée, le chômage concerne plus particulièrement deux catégories de personnes : les membres de ménages pauvres, surtout lorsqu'ils sont chefs de ménage, et les jeunes de la tranche 20-29 ans lorsque ces derniers sont des diplômés de l'enseignement supérieur.

Dans le cas de la Guinée, le changement de régime politique en 1984 marque un tournant important dans le domaine de l'éducation. Au cours de la période de 1958- 1965, la politique éducative visait essentiellement la formation d'agents devant remplacer les fonctionnaires coloniaux ayant quitté le pays après l'indépendance. A partir de 1966 jusqu'en 1984, la politique éducative était fondée sur l'instauration d'un

système d'enseignement de masse avec une généralisation de l'utilisation des langues nationales.

Suites aux conférences nationales tenues à Conakry en mai et juin 1984 et en avril 1985 les objectifs de l'éducation ont été redéfinis pour assurer l'amélioration de la qualité de l'enseignement par la formation des enseignants, l'introduction du français comme langue d'enseignement et la réouverture des écoles privées. Depuis 1986, la Guinée a connu une hausse générale de la scolarisation à tous les niveaux. Par exemple à l'Université de Conakry qui fait l'objet de notre étude, les effectifs sont passés de 1500 étudiants en 1986 à 9 722 en 1998. Cette hausse des effectifs combinée avec le changement de politique économique (restructurations et liquidations des entreprises publiques, du fait des exigences des programmes d'ajustement structurels : désengagement de l'État, assainissement des finances publiques) a entraîné la suppression de l'embauche automatique par l'État, et par conséquent, le blocage du recrutement des jeunes diplômés.

D'après Diallo et al. (1996), le taux de chômage global en Guinée serait de 18% pour les titulaires d'un diplôme universitaire et de 17% pour ceux ayant accédé à l'enseignement technique et professionnel. Ce taux serait de 7% pour les individus ayant un niveau d'instruction équivalent au secondaire; de 3% pour les individus dont le niveau d'instruction n'excède pas le primaire. Selon les évaluations de l'Association Nationale des Diplômés sans Emploi de Guinée (ANDISEG, 1997), 75 000 diplômés du système éducatif guinéen seraient sans emploi. De ces diplômés, 25 000 seraient des titulaires de diplômes universitaires. Soit 33% de l'effectif global des chômeurs du système éducatif guinéen. Même parmi les 436 titulaires d'un doctorat, 54 seraient au chômage (PADES, 1998).

Le chômage des diplômés de l'enseignement supérieur en Guinée semble donc être une tendance majeure, sans perspective d'amélioration à court terme. Cette situation suscite chez les diplômés un sentiment d'injustice et une exaspération croissante. En fait, la Guinée semble se trouver dans une situation de crise marquée par la supériorité de l'offre par rapport à la demande. Une situation observée aussi dans d'autres pays africains, que Belloncle (1984) et Ki-Zerbo (1990) appellent la "sur-scolarisation" et que Furter (1977)

décrit par la stagflation. C'est-à-dire une situation économique où stagnent les offres d'emploi pour diplômés mais où augmentent de façon inflationniste les effectifs et les coûts scolaires.

Devant l'ampleur du chômage, des réflexions et quelques réformes ont été entreprises en Guinée. On peut noter la création de cycles universitaires plus courts comme les premiers cycles au niveau des Facultés des Sciences, des Lettres et Sciences Humaines et plus adaptés au besoin du marché de travail comme les filières professionnalisantes (Aménagement, Tourisme, Archives et Documentations, Journalisme et Animation culturelle). Toutes ces réformes visent à répondre aux modifications qui affectent le marché de l'emploi et surviennent à l'heure des interrogations sur le rôle de l'Université dans la recherche de solutions au problème du chômage.

Cependant, aucune étude, à notre connaissance, n'a été menée pour indiquer le processus d'insertion des diplômés de l'enseignement supérieur. Aux réponses de nature politique sur l'insertion, nous proposons une réflexion centrée sur deux interrogations :

· a)-les diplômés de l'Université de Conakry parviennent-ils à s'intégrer au marché de l'emploi, sous quelle condition, moyennant quels délais, aux prix de quelles difficultés ?

· b)-quels sont les atouts dont disposent certains diplômés qui accèdent à l'emploi plus facilement que la majorité des autres diplômés, dont l'accès au premier emploi demanderait plus de deux ans ?

La plupart des études portant sur l'insertion ont été conçues principalement pour répondre à des besoins de gestion et de planification des instances gouvernementales et des établissements d'enseignement. Plusieurs ont été réalisés en vue de mesurer l'adéquation entre formation/emploi (Trottier et al. 1995). Cependant, la crise économique des années 80 a remis en question ce postulat. Ainsi, depuis cette période, nombre d'auteurs sonnent l'alarme par rapport aux difficultés qu'éprouvent les jeunes diplômés à se tailler une place dans le monde du travail.

Au Québec, Deniger (1996), Sales et al. (1996), Fournier et St-Onge (1997), Gauthier (1988, 1990, 1996) et Fournier et al. (2000) sont parmi ceux qui ont mis en évidence la longue et difficile période de tâtonnement, de succession d'emplois précaires et d'interruptions de travail, d'essais de travail autonome, de participation à des mesures d'aide à l'employabilité, réalités qui entourent actuellement l'installation sur le marché du travail. Ces difficultés que connaissent ainsi la majorité des jeunes en situation de transition entre la formation et le travail peuvent entraîner un cortège d'effets indésirables, que différents auteurs (Attias-Donfut, 1996; Deniger, 1996; Fournier et StOnge, 1997; Gauthier, 1988, 1990, 1996; Laville, 1996) ont abondamment décrit : perte d'espoir dans l'avenir, démobilisation, confusion dans l'établissement d'une identité socioprofessionnelle, retard dans l'accession au statut d'adulte et délai dans la fondation d'une famille, baisse d'estime de soi, isolement, sinon marginalisation et dans une autre ligne de pensée, accroissement de la charge des parents qui continuent pendant plus longtemps à entretenir leurs grands enfants.

OBJECTIF PRINCIPAL

En Guinée, l'école en général, et l'enseignement supérieur en particulier, était avant 1984 un moyen sûr d'insertion professionnelle et de mobilité sociale. Au contraire, les quelques données disponibles sur la Guinée actuellement font ressortir une insertion professionnelle des diplômés du supérieur plutôt difficile. L'objet principal de cette recherche est de comprendre cette situation à travers la collecte, le traitement et l'interprétation des données portant sur le devenir professionnel de certains diplômés du système universitaire guinéen formés à l'Université de Conakry. Pour att eindre cet objectif, notre recherche sera structurée autour de trois hypothèses.

2.2 HYPOTHESES

Dans le cadre de cette recherche, à partir de notre revue de littérature, nous faisons les hypothèses suivantes :

1) premièrement, l'origine sociale influence l'insertion des diplômés ;

2) deuxièmement, les réseaux de relations jouent un rôle important dans l'accès aux emplois (effet direct et indirect) et le recours à ces réseaux peut revêtir plusieurs formes.

3) troisièmement, le renforcement du diplôme universitaire par une formation complémentaire (en informatique, en anglais ou en gestion par exemple) ou par un stage augmente notablement les chances d'insertion professionnelle.

La vérification de ces hypothèses et l'atteinte de l'objectif de recherches ci-dessus énoncées appellent la mise en oeuvre d'une analyse conceptuelle et d'une méthodologie de recherche appropriée.

2.3 ANALYSE CONCEPTUELLE

Dans cette partie, nous procéderons à une analyse des concepts : marché du travail, chômage et insertion professionnelle qui sont au centre de notre étude. Cette conceptualisation s'avère essentiel car c'est elle qui donne sens à la méthodologie de recherche qui a été adoptée.

2.3.1 LE MARCHÉ DU TRAVAIL

La notion de marché renvoie à la dynamique de l'offre et de la demande, à leur déséquilibre et à certaines conséquences qui en découlent, c'est-à-dire le manque d'emploi ou la rareté des travailleurs. Le Robert (2000 : 370) définit le marché comme un ensemble des offres et des demandes concernant une catégorie (ou un ensemble) de biens, de services ou de capitaux. Le marché du travail est composé de deux éléments qui tendent à s'ajuster l'un à l'autre pour ainsi être en situation d'équilibre. D'un côté il y a l'offre et, de l'autre, la demande. Ces deux facettes complémentaires décrivent respectivement la capacité des biens pouvant être vendus ou achetés. L'offre d'un bien représente, selon Claude (1990 : 317) « la quantité de ce bien qui peut être vendue sur un marché à un prix donné » tandis que la demande correspond à « la quantité de bien qu'un acheteur est disposé à acquérir et qu'il peut payer ». Ainsi, la réponse à la demande est donnée par l'offre et vice versa.

L'offre et la demande dépendent du point de vue adopté, en ce sens qu'elles s'interprètent à partir de ce qui est échangé. Par exemple, du point de vue de l'employeur, l'offre correspond au temps de travail (ou la compétence) qu'il peut acheter. La demande quant à elle, émane des individus à la recherche d'un emploi et correspond à la force de travail qui pourrait être vendue. Ainsi, l'employeur offre un emploi et le travailleur en demande un. Du point de vue du travailleur, l'offre correspond à sa force de travail et/ou ses compétences qu'il vend aux entreprises : il offre ses services. La demande, dans ce cas-ci, provient des entreprises et correspond à la demande de main-d'oeuvre. Ainsi, le travailleur offre son temps et sa force de travail et l'employeur demande de la main-d'oeuvre (Grenier, 1998).

L'écart entre l'offre et la demande engendre un manque d'emploi ou une rareté de travailleurs. Dans le premier cas, le chômage est lié aux faibles ventes des entreprises. Les employeurs, parce qu'ils ne vendent pas suffisamment, limitent leur recrutement laissant ainsi certains individus sans emploi. La demande de travail est donc supérieure à l'offre. Dans le second cas, le déséquilibre provient du fait que les entreprises ne parviennent pas à combler les postes disponibles, la main-d'oeuvre étant déficiente. Ici, l'offre de travail est supérieure à la demande (Gazier, 1991).

Par ailleurs, les acteurs qui interagissent sur le marché du travail (les employeurs et les demandeurs) ajustent donc leur comportement en fonction, d'une part, de ces situations de déséquilibre et, d'autre part, de leurs besoins et de ceux des autres. Le comportement des acteurs s'explique, comme le souligne Boudon (1977), en supposant qu'ils cherchent principalement à servir de manière satisfaisante leurs propres intérêts en employant les moyens qu'ils jugent les plus adéquats. Ils se fixent un objectif, déterminent les moyens susceptibles de les conduire à cet objectif et choisissent parmi ces moyens le plus avantageux ou celui qu'ils préfèrent.

En ce qui concerne les diplômés de l'enseignement supérieur, leur marché est complexe en fonction des types de formations ou domaine d'études. C'est pourquoi, à défaut de se diriger vers des marchés spécialisés propres aux diplômés, lorsque ces derniers sont saturés, ils sont obligés de s'orienter vers des marchés indifférents à la formation et à la limite donc plus indifférenciés.

Même si l'on parle du marché de travail dans son ensemble, il est apparu très tôt qu'il s'agissait d'une réalité très différenciée. En effet, comme le souligne Sales (1997 : 9), la spécialisation universitaire, puis l'expérience acquise dans un domaine professionnel empêchent de changer rapidement de filière professionnelle, à cause de la durée, des coûts et des risques d'un tel changement.

« Ceci conduit, pour aller au delà de la considération des rigidités des flux d'emploi, à reconnaître qu'il n'y a pas un marché du travail unifié pour les agents du savoir formel, mais plutôt de multiples marchés du travail propres à des filières de formation ou des sous-ensembles de filières qui d'une certaine façon reflètent ou transcrivent la balkanisation du savoir formel. Ces marchés compartimentés sont définis à la fois par les disciplines et les professions plus ou moins structurées qui leur sont associées, par les statuts choisis ou obtenus par les individus qui les placent sur des échelles spécifiques de carrière et de rémunération, et bien entendu par les types d'organisations qui emploient des diplômés universitaires en développant des marchés internes ou externes de qualité primaire ou secondaire. Pour comprendre en détail cette différenciation du marché du travail des diplômés universitaires, il faut faire appel à ce que Sales désigne : comme des trajectoires structurelles d'emploi (structural job trajectories) tout en tenant compte du type de rationalité qui caractérise chaque discipline ».

Le marché interne peut être défini comme étant "les mécanismes d'allocation de la main d'oeuvre internes aux entreprises, qui définissent l'ensemble des postes, des affectations et des rémunérations, et les règles de mouvements des travailleurs dans cet ensemble il s'agit ainsi d'un espace de mobilité que l'on peut observer surtout dans les grandes firmes, et constitué d'une séries de règles générales qui prévalent pour leurs employés, et ne sont donc pas négociables au coup par coup. Ce sont des filières d'utilisation et de promotion de la main d'oeuvre, largement déconnectées des confrontations entre offreurs et demandeurs sur le marché externe."(Gazier, 1992 : 223).

2.3.2 LE CHÔMAGE

Depuis le début des recherches sur le chômage, la définition du chômeur a présenté de grandes difficultés. C'est que le chômage n'est pas seulement le non-emploi ou le non-travail. Il fait intervenir les aptitudes d'un individu, son statut, et aussi les institutions,

notamment administratives, de la société dont il fait partie. On ne saurait donc s'étonner des approches successives et diverses d'un concept dont dépendent toutes les analyses qui peuvent être faites des populations de chômeurs et de la situation de chômage.

Ainsi, définir ce qu'est un chômeur ne semble pas a priori poser de problème; pourtant l'examen de la définition officielle du Bureau International du Travail (BIT) montre qu'en réalité cette notion n'est pas facile à appréhender. En fait, plusieurs interprétations sont possibles, ce qui explique la diversité des indicateurs nationaux et la difficulté des comparaisons à l'échelle internationale. D'une façon générale et formelle est considéré comme chômeur l'individu qui, ne travaillant pas, est capable de travailler et veut travailler.

Selon le dictionnaire de sociologie Le Robert/Seuil (1999 : 72), le chômage se définit d'abord comme une inactivité forcée due au manque de travail, d'emploi; il est aussi un statut reconnu et encadré par des règles qui le définissent et des institutions de gestion et de soutien des chômeurs; enfin, il est un vécu subjectif dans les trajectoires des individus privés d'emploi.

D'après Eurostat (1982), le chômage peut être défini comme l'ensemble des personnes âgées de 15 ans et plus, sans travail, disponibles pour commencer à travailler dans les deux semaines et qui ont cherché, d'une manière active, un emploi au cours des quatre semaines précédentes. Pour le BIT (1991 : 13), un chômeur est une personne sans travail, disponible pour en exercer un et à la recherche d'un emploi.

Dans l'Encyclopédia Universalis (1998 : 492), toujours selon le BIT, un chômeur est un individu ayant <<dépassé un âge spécifié>>, qui, <<au cours d'une période de référence>>, est <<sans travail>>, est <<disponible pour travailler dans un emploi salarié>>, a <<pris des dispositions spécifiques au cours d'une période récente spécifiée pour chercher un emploi salarié ou non salarié>>.

Dans une perspective sociologique, le chômeur est un travailleur privé d'emploi, c'est-àdire un sujet qui est plus ou moins poussé à trouver un emploi salarié par certaines

conditions sociales, et à qui il est plus ou moins prohibé de trouver un emploi par d'autres conditions sociales (Encyclopédia Universalis, 1998 : 499).

La recherche sociologique tente de déterminer ces conditions qui rendent un individu plus ou moins <<employable>>. Elle essaie de savoir si certains traits physiques, démographiques, professionnels et psychologiques ne rendent pas certaines personnes moins employables que les autres. S'il en est ainsi, le chômage est sélectif. La question que l'on peut se poser c'est de savoir si le chômage est-il sélectif? S'il est sélectif, quels sont les facteurs de cette sélectivité?

Le fait même de la sélectivité, le chômage a été l'objet de nombreuses controverses: les uns contestant cette sélectivité et considérant que les conditions économiques globales étaient seules déterminantes, les autres affirmant à l'opposé que des causes sociales particulières jouaient un rôle essentiel.

En effet, le chômage n'apparaît pas toujours également sélectif. Très sélectif dans certaines conjonctures, il l'est fort peu dans d'autres. D'une façon générale, on peut dire qu'il est d'autant plus sélectif que le niveau de l'emploi est élevé. En période de bas niveau de l'emploi, il tend à toucher plus régulièrement toutes les catégories d'actifs dans l'ordre démographique, professionnel, géographique. Le chômage de prospérité atteint certains groupes plus que d'autres. Le chômage de crise frappe davantage au hasard: les conditions globales l'emportent sur les causes démographiques (âge, sexe) ou professionnelles (métier, branche, etc.).

Si l'explication du chômage est l'objet de théories sophistiquées, elle continue parfois à prendre une forme que l'on pourrait qualifier de << pré-économique >> (en ce sens qu'elle se dispense de faire appel à une analyse des déterminants économiques de l'offre et de la demande de travail, ainsi que de leur ajustement). Le chômage est alors simplement attribué à la difficulté qu'il y aurait à << créer des emplois >>. Et il est censé devoir être d'autant plus important que la population active se développe plus vite (d'Iribarne, 1990 : 13).

Selon la définition du bureau national du recensement (BNR), le chômage : << sur le marché de l'emploi en Guinée, concerne les jeunes diplômés hommes et femmes âgés de plus de 23 ans, titulaires d'un diplôme académique>> (BNR, 1996). Le BNR révélait surtout la représentation communément partagée du chômage en soulignant que les jeunes diplômés devaient être << à la recherche d'un premier emploi>>.

2.3.3 L'INSERTION PROFESSIONNELLE

La question de la définition de l'insertion professionnelle fait l'objet d'un débat qui oppose aussi bien les sociologues que les économistes. C'est là un concept qui exige d'être manipulé avec soin. D'abord, il ne fait aucun doute que l'insertion se définit d'abord comme un processus. Le processus, par définition renvoie à une notion qui n'a rien d'un caractère définitif. Même si plusieurs critères objectifs permettent de le cerner selon ce qui apparaît comme souhaitable (emploi permanent par exemple), il n'en reste pas moins qu'au niveau subjectif les positions varient au gré des personnes et des situations.

D'après le dictionnaire encyclopédique de l'éducation et de la formation (1994), l'insertion professionnelle est définie comme "le processus d'accès à l'emploi, qui renvoie donc à la capacité d'effectuer avec succès la transition entre l'école et le marché de travail" Selon Dominique (1995), l'insertion consiste à aboutir à une certaine stabilisation professionnelle. Le Conseil supérieur de l'éducation du Québec (1997), définit l'insertion comme <<le processus d'accès à l'emploi>>, qui renvoie donc à la capacité d'effectuer avec succès la transition entre l'école et le marché du travail, pour aboutir à une certaine stabilisation professionnelle.

Quoique le concept d'insertion soit utilisé de façon courante, il faut reconnaître que les chercheurs ne s'entendent pas sur sa définition. Pour certains (Fournier et Monette 2000), elle suppose que les individus ont trouvé un travail salarié. Pour d'autres (Peletier et Pauline, 2000), l'autonomie financière ainsi que la possibilité de maintenir l'employabilité sont des critères dont on doit tenir compte dans la définition de l'insertion socioprofessionnelle. Certains encore (Vincens, 1996) estiment que, pour considérer l'individu vraiment inséré, il importe d'abord et avant tout que l'emploi

occupé corresponde à la formation reçue. D'autres (Trottier et al., 1995) accordent peu d'importance à cette relation ou une importance toute relative. Il existe en fait plusieurs perspectives différentes pour aborder la question de l'insertion socioprofessionnelle. A la suite d'un relevé de la documentation scientifique, Trottier (1995) propose une nomenclature des principales perspectives à partir desquelles l'insertion professionnelle est conceptualisée.

Selon Trottier, Laforce et Cloutier (1997), plusieurs indicateurs sont utilisés pour décrire l'insertion professionnelle des diplômés : durée d'accès au premier emploi, statut d'emploi (contrat à durée déterminée ou indéterminée), catégories socioprofessionnelles de l'emploi, durée du chômage, correspondance formation/emploi. Paradoxalement, on ne s'entend pas sur une définition de l'insertion professionnelle. Certes, on accepte aisément de la définir de façon générale comme la période d'entrée dans la vie active et de l'aborder sous l'angle d'un processus. Mais il s'avère difficile de cerner les caractéristiques du processus, d'en délimiter les frontières, de le distinguer de la mobilité professionnelle, et surtout d'en proposer une interprétation qui fasse consensus.

Selon Dupaquier (1986 : 65), l'insertion est la période qui suit la sortie du système de formation et qui correspond au moment où l'individu va chercher à utiliser les savoirs acquis pour accéder à un emploi. Pour Vincens (1981, 1986), la période d'insertion commence lorsqu'un individu cesse de partager son temps entre le loisir, les études et le temps non rémunéré pour consacrer du temps à un emploi rémunéré ou à la recherche de l'emploi. Elle se termine lorsque :

a) l'individu cesse de consacrer du temps à la recherche d'un emploi ;

b) l'individu a un emploi durable;

c) cet emploi correspond à son emploi préféré.

Dans un contexte régi par la flexibilité et l'économie, il apparaît que le passage de la scolarité à l'emploi est un processus à long terme plutôt qu'un événement ponctuel (Fournier et al., 1999). Le point de départ de ce processus est imprécis et son aboutissement n'est pas clair. Pour beaucoup de jeunes, ce processus prend la forme

d'un emploi à temps partiel ou d'études prolongées, de fréquents changements d'emplois, de retours à la formation, de périodes répétées de chômage (Laflamme, 1996 ; Tremblay, 1994 ; Trottier, Perron et Diambomba, 1995). Il est dorénavant plus évident de savoir où se termine la transition, ni ce que sont les critères de la « réussite » d'une transition vers la vie active (Fournier, 1999 ; Vincens, 1996).

Traditionnellement, l'insertion socioprofessionnelle est considérée comme étant le passage réussi entre la formation scolaire et la vie active. Cette conception suppose que, dans un temps court, les personnes munies d'un diplôme accèdent à un emploi permanent, à temps plein, en relation avec leur domaine d'études. L'idée est donc de considérer l'insertion comme un processus rationnel de recherche d'emploi. Dans ce cas, l'insertion débute lorsque les personnes consacrent leur temps à la recherche d'un emploi et se termine lorsqu'elles détiennent un emploi qui convient à leur formation et à leur projet de vie personnelle (Trottier, 1995).

D'un autre point de vue, l'insertion professionnelle rend compte d'un champ professionnel où interagissent trois lieux distincts d'investissement, soit la préparation professionnelle (connaissances acquises et expériences), la transition professionnelle (recherche d'emploi) et l'intégration professionnelle (relative stabilité d'emploi, attente d'un emploi, marginalisation du marché du travail) (Fournier et al. 2000). Par ailleurs, l'insertion professionnelle est vue comme étant un processus de socialisation au monde du travail qui s'étire sur toute la vie professionnelle. Cette approche considère à la fois les contenus de formation, les orientations, les comportements des divers agents de socialisation avant l'entrée sur le marché du travail et une fois celle-ci réalisée, la culture des occupations et des organisations dans lesquelles se produit l'insertion (Trottier, 1995).

Dans une autre perspective, Doray (1995) examine le processus d'insertion du point de vue de la demande des entreprises. Il part du postulat que le marché du travail n'est pas qu'un aboutissement ou qu'une destination pour les diplômés, mais un agent régulateur de l'accès aux emplois. Son objectif était de montrer en quoi les pratiques de mobilisation de la main-d'oeuvre des entreprises contribuent à structurer le champ de l'insertion professionnelle. Ce processus n'est pas d'abord analysé sous l'angle des

trajectoires individuelles mais d'un processus structuré en aval et en amont par des pratiques pédagogiques, l'intervention de l'État et des politiques d'embauche des entreprises. Selon Doray, les entreprises interviennent tout d'abord en vue de structurer l'offre de formation, d'influencer les orientations et les objectifs de formation de même que le processus de socialisation professionnelle. De plus, les pratiques de recrutement ont un impact direct sur les capacités d'insertion et les trajectoires professionnelles des diplômés.

Quant à Paquet (1995), c'est sous l'angle des « produits » du système d'enseignement universitaire et des savoirs qui y sont privilégiés qu'il aborde l'analyse des problèmes relatifs à l'insertion des diplômés universitaires et de la relation formation/emploi. Cette perspective lui permet de poser un regard critique sur la formation universitaire, le type de qualification qu'elle génère en regard des compétences réclamées par les employeurs. L'auteur montre que le type de savoirs privilégiés par le système universitaire peut être source de problèmes dans l'insertion professionnelle. Il remet en question le postulat selon lequel les connaissances coulent des disciplines de base vers l'application, et propose un recadrage des formations universitaires qui suppose des changements dans la gestion du système éducatif.

Du point de vue de l'analyse de l'insertion professionnelle, cette perspective implique que l'on redéfinisse la notion d'insertion professionnelle et qu'on repense la relation formation/emploi. Une analyse basée strictement sur la demande ou l'offre de diplômés serait insuffisante si elle ne prenait pas en considération les produits du système universitaire et les types de savoirs que les diplômés maîtrisent. Pour y parvenir, il faudra aussi repenser le partage des responsabilités entre les universités et les entreprises en matière de formation.

Pour élaborer une typologie d'insertion, nous nous inscrivons dans le courant de pensée selon lequel l'insertion professionnelle est définie comme un processus qui se déroule sur une période où s'enchevêtrent des situations de recherche d'emploi, de chômage, de formation et d'inactivité (Vincens, 1981, 1986 ; Paul, 1984 ; Dupaquier et al., 1986 ; Trottier, Cloutier et Laforce, 1994, 1997). Cette perspective tient compte à la fois des trajectoires professionnelles des individus et de leurs cheminements scolaires. Elle nous

paraît particulièrement adéquate pour analyser les divers modes d'insertion professionnelle dans le contexte guinéen où après la formation principale, les diplômés, pour s'insérer sont obligés de passer par des formations supplémentaires, des stages ou d'emploi précaires ou non adaptés à leur domaine d'étude (Barry, 2001).

Pour cerner les caractéristiques de ce processus, nous nous inspirons plus particulièrement de l'approche de Vincens, 1981 ; Trottier, Cloutier et Laforce, 1997. Ils ont centré leur « exploration » du concept sur le modèle de la quête d'emploi (job search). Leur approche est basée sur deux idées. La première renvoie à la période d'entrée dans la vie active, période marquée par un changement dans l'utilisation du temps : la personne cesse de partager son temps entre le loisir, les études et le travail non rémunéré pour consacrer du temps à un emploi rémunéré ou à la recherche d'emploi. La seconde s'appuie sur le postulat selon lequel une personne a un comportement rationnel dans sa recherche d'emploi et essaie de trouver un emploi en relation avec son projet de vie. Elle est amenée, dans sa quête d'emploi, à poser un ensemble de gestes et d'actes rationnels, finalisés, ordonnés en fonction d'un échéancier. Selon cette perspective, l'objectif de l'analyse de l'insertion ne consiste pas seulement à décrire la période qui sépare la décision d'entrer dans la vie active et le premier emploi, mais aussi celle qui s'étend jusqu'à la réalisation du projet. Ce dernier n'est cependant pas arrêté définitivement au début de la recherche d'emploi. Il peut se préciser ou être modifié à partir des informations que les personnes diplômées acquièrent en occupant un emploi ou des contraintes qu'elles découvrent dans la concurrence qu'elles affrontent pour y accéder.

Selon cette lecture, l'insertion commence lorsqu'un individu cesse de partager son temps entre le loisir, les études et le travail non rémunéré pour consacrer du temps à un emploi rémunéré ou à la recherche d'emploi. Elle se termine lorsque : a) l'individu cesse de consacrer du temps à la recherche d'un emploi ou à des études poursuivies en vue d'accéder à un emploi, b) l'individu a un emploi durable c'est-à-dire qu'il ne possède pas d'informations lui permettant de penser qu'il devra changer d'emploi dans un avenir plus ou moins proche, c) cet emploi correspond à celui qu'il considère devoir garder ou accepter compte tenu à la fois de son projet initial, des informations qu'il a acquises, de

la perception qu'il a des contraintes et de la concurrence sur le marché du travail (Trottier et al., 1997 : 74).

La notion d'insertion professionnelle sur laquelle va s'appuyer notre recherche renvoie à la période d'entrée dans la vie active. Il importe cependant de préciser le début et la fin de cette période. Il ne s'agit pas de la réduire à la période où une personne commence à chercher un emploi et qui se termine au moment où elle le trouve. Ce premier emploi peut être provisoire, et se combiner avec la poursuite de la formation. Si tel est le cas, on pourrait penser qu'un étudiant qui travaille pendant ses études est inséré en emploi.

CHAPITRE III : CONTEXTE ET CADRE DE L'ÉTUDE

L'objet de ce chapitre est de fournir tout particulièrement des informations pertinentes sur le contexte socio-économique et culturel du lieu où s'est déroulé l'étude en Guinée. De ce point de vue, sont passés en revue les caractéristiques géographique, démographique et économique de la Guinée, la présentation de l'Université de Conakry et les formations de base des diplômés. Pour décrire ces éléments, nous avons utilisé des sources documentaires et des informations orales. Le cadre immédiat de la recherche a été l'Université de Conakry, l'une des deux universités que compte la Guinée. Auparavant simple Institut polytechnique de Conakry (IPC), en 1989, l'IPC a été élevé au rang de l'Université.

3.1 PRÉSENTATION DE LA GUINÉE

La Guinée, indépendante depuis 1958, en dépit de ses potentialités minières (bauxite : 2/3 des réserves mondiales, diamant, fer, etc.) et agricoles, reste un pays du Tiers-monde (plus de 40 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté), dépendant en bonne partie de l'étranger sur le plan alimentaire et celui de ses exportations minières (l'état du monde 2001, 2000).

En effet, la situation économique actuelle de la Guinée est la conséquence des politiques économiques et sociales centralisées et de la mauvaise gestion qui ont caractérisé l'histoire du pays, notamment au cours du quart de siècle qui a suivi l'accession du pays à l'indépendance en 1958. Jusqu'en 1984, la politique de développement économique était axée essentiellement sur l'industrialisation et la modernisation du monde rural. Les stratégies de développement de ces deux secteurs, basées sur un renforcement considérable du secteur public (nationalisation et création d'entreprises publiques) et la forte protection tarifaire, se sont révélées coûteuses et inefficaces (EDSG-II 1999).

Dans le domaine de l'éducation, les conférences nationales tenues à Conakry en mai et juin 1984 et en avril 1985 ont redéfini les objectifs de ce secteur. Cette nouvelle politique visait essentiellement: l'amélioration de la qualité de l'enseignement, la formation des enseignants ; la réouverture des écoles privées.

C'est dans ce contexte, que le système éducatif de l'enseignement supérieur en Guinée connaîtra une augmentation de ces effectifs. Suite à la crise économique que le pays a connu en 1990 et l'application des programmes d'ajustements structurels du Fonds monétaire et de la Banque Mondiale, une crise de l'emploi en général et des diplômés de l'enseignement supérieur en particulier se pose avec acuité. Ainsi, dès 1991, le problème de chômage des diplômés du supérieur n'a cessé de s'aggraver suite au gèle de recrutement à la fonction publique. C'est dans ce contexte de crise de chômage qu'il faut replacer l'Université de Conakry, cadre de notre étude.

3.1.1 SITUATION GÉOGRAPHIQUE ET DÉMOGRAPHIQUE

La République de Guinée est un pays côtier qui est situé dans la partie occidentale du continent africain, couvrant une superficie de 245 857 km2, elle est limitée à l'Ouest par la Guinée Bissau et l'Océan Atlantique, au Nord par le Sénégal et le Mali, à l'Est par la Côte d'Ivoire et au Sud par la Sierra Leone et le Liberia. Du point de vue géographique, la Guinée est subdivisée en quatre régions naturelles (la Basse Guinée, la Moyenne Guinée, la Haute Guinée et la Guinée Forestière) qui sont assez distinctes et très riches en ressources naturelles.

Le dernier recensement de 1996 réalisé en Guinée évalue la population guinéenne à 7 156 406 habitants. Les données de ce recensement indiquent que 15 % de cette population vivent à Conakry, 20 % vivent en Basse Guinée, 23 % en Moyenne Guinée, 20 % en Haute Guinée et 22 % en Guinée Forestière. (DNS, 1999).

La population guinéenne vit essentiellement en milieu rural (70 %) et plus de la moitié de la population urbaine (51 %) réside dans la capitale. Le poids des personnes âgées de moins de 15 ans (46 %) traduit l'extrême jeunesse de celle-ci. C'est la conséquence d'une fécondité élevée (l'ISF est de 5,5), caractérisée par sa précocité et sa stabilité, en dépit de tous les efforts de sensibilisation menés par les programmes de planification familiale. Le taux brut de natalité est estimé à 39,7 %. Quant à la mortalité, son niveau reste encore élevé (taux brut de mortalité estimé à 14,2 %). L'espérance de vie à la naissance est de 54 ans pour les deux sexes (55,4 ans pour les femmes et 52,7 % pour les hommes) (DNS, 2000 : 6).

3.1.2 SITUATION ÉCONOMIQUE

Depuis avril 1984, la République de Guinée, pays ouest africain a connu un changement politico-économique majeur; le passage d'un régime socialiste à celui d'un régime à économie de marché. Ce changement a eu d'énormes conséquences dans tous les domaines. Par exemple l'emploi par l'État des diplômés des institutions de formation a cessé d'être automatique. La recherche de l'emploi est désormais du ressort des diplômés. D'après les indications de l'Office National de l'Emploi et de la Main d'oeuvre (ONEMO, 1994), il y avait en 1990 près de 40 000 demandeurs d'emplois inscrits dont plus de 2 000 diplômés de l'enseignement supérieur. Ces chiffres ne sont, à notre avis, que le sommet de l'iceberg du chômage des diplômés. Le chômage des diplômés de l'enseignement supérieur en Guinée semble être donc une tendance majeure.

En effet, au niveau de la fonction publique par exemple, des mesures ont été prises : une réforme administrative suivie d'une forte réduction des effectifs de la fonction publique conduisant à un blocage systématique de recrutement.

Selon la Direction Nationale de la Statistique (2000 : 5), l'essentiel, des objectifs macroéconomiques de court et moyen termes ont été atteints au cours de la première phase (1986-1988) et de la deuxième phase (1989-1991) du programme de réforme économiques et financières. La dévaluation de la monnaie en 1986 a permis une relance de l'agriculture et, en particulier, des exportations agricoles (café notamment). L'inflation a été contenue, car son taux est successivement passé de 72 % en 1986 à 27 % en 1990 et de 5 % en 1994 pour atteindre 1,9 % en 1997, grâce à une plus grande rigueur dans la gestion des finances publiques. Le déficit budgétaire a été sensiblement réduit, passant de 10,7 % du PIB en 1986 à 7,5 % en 1993. L'économie guinéenne a connu un taux de croissance annuel moyen de l'ordre de 4% au cours de la période de 1990-1994. Parmi les autres résultats obtenus, il y a le taux brut de scolarisation qui est passé de 28,6% en 1990 à 50,4 % en 1996/1997, puis de 53,5 % en 1999 à 56,7 % en 2000. La proportion de la population ayant accès à l'eau potable est de 55 % en 1995 contre 28 % en 1989. Tandis que le taux d'accès aux soins de santé primaire est de 40 % en 1996 contre 10 % en 1986.

Nonobstant, de nombreux handicaps et déséquilibres économiques subsistent. Le rapport sur le profil de pauvreté en Guinée indique qu'environ 40,3 % de la population se trouvent dans une situation de pauvreté absolue c'est-à-dire vivent avec un niveau de revenu en dessous du seuil de pauvreté de 293 714 FG par personne et par an (soit 239 dollars canadiens). L'extrême pauvreté concerne près de 13 % de la population. Le rapport précise que la pauvreté est surtout un phénomène rural : 52,2 % de la population vivant dans ce milieu est pauvre contre 6,7 % à Conakry et 24,3 % au niveau des autres centres urbains (Diallo et al, 1994-1995 :2).

En ce qui concerne le chômage, selon l'enquête intégrale budget et consommation (EIBC), près de 55 % des chômeurs sont en quête du premier emploi. Il faut aussi noter que le sous-emploi de la population occupée est manifeste. Le taux de sous-emploi visible est de 16,6 %. La situation de l'emploi en 1995 d'après les indicateurs fournis par l'EIBC est préoccupante et nécessite des politiques de promotion ou de relance de l'emploi plus appropriées et efficaces. Ce d'autant plus que depuis décembre 1985, le gouvernement guinéen a adopté et appliqué le Programme de réforme économique et financier (PREF). L'application de ce programme d'ajustement a contribué à déséquilibrer le marché du travail :

- par le licenciement massif dans la Fonction Publique et le gel de tout recrutement de nouveaux agents;

- par une désaffection de la main d'oeuvre des emplois ruraux;

- par l'afflux incessant de migration de la main d'oeuvre des campagnes vers les centres urbains et surtout vers la capitale;

- par la fermeture de nombreuses usines suite à l'application des mesures de restructuration et une économie qui connaît des difficultés énormes de reprise.

Ainsi, suite à la mise en oeuvre du PREF en décembre 1985, la situation de l'emploi a connu une crise qui est, de nos jours, préoccupante. Elle est caractérisée par un sousemploi et un chômage massif, affectant particulièrement les jeunes diplômés des universités.

Le secteur privé sur lequel le gouvernement a fondé son espoir dans la mise en oeuvre du programme n'a jusqu'à présent pas répondu à cette attente. L'offre d'emploi est insignifiante par rapport à la demande toujours croissante parce que les entreprises privées qui ont été créées sont généralement de petite taille et souvent confrontées à la concurrence du secteur informel. Cette crise au niveau de l'emploi moderne a non seulement amplifié le taux de chômage mais elle a modifié la structure globale de l'emploi en faveur du secteur informel.

3.2 PRÉSENTATION DE L'UNIVERSITÉ DE CONAKRY

L'Université de Conakry est sise dans la Commune de Dixinn en plein centre de Conakry et compte dans cette localité trois campus A, B et C. Le campus A est le campus principal et abrite l'administration centrale de l'université, qui comprend le Rectorat, les services administratifs et logistiques communs, la bibliothèque universitaire et les facultés (à l'exception de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines), institut et centres autonomes. Le campus B abrite le Département d'Anglais et le Centre d'Études de la Langue Anglaise (CELA). Le campus C, abrite la Faculté des Lettres et Sciences Humaines et le département de langue Arabe. En plus de ces campus, l'Université de Conakry compte les campus de Foulaya-Kindia, à environ 130 Km de Conakry et le Centre Universitaire de Labé situé quant à lui en moyenne Guinée à 430 Km de la capitale Conakry.

L'Université de Conakry, cadre de notre étude est le plus ancien établissement d'enseignement supérieur de la République de Guinée. Elle a été créée en 1962 sous le nom d'Institut Polytechnique de Conakry pour répondre aux nécessités de formation de cadres dont devait se doter la Guinée nouvellement indépendante. La première promotion comptait 47 étudiants, répartis en quatre (4) facultés (agronomie, génie civil, géologie-mines et sciences de la nature). En 1970, l'Institut Polytechnique de Conakry est dénommé Institut Polytechnique Gamal Abdel Nasser de Conakry (IPGANC), du nom de l'ancien Président de la République Arabe d'Égypte.

En 1984, l'IPGANC devient L'Université de Conakry. En 2000, elle compte un effectif de 7 318 étudiants dont 1 083 filles répartis entre les structures de formation suivantes :

Institut Polytechnique ; Faculté des Sciences ; Faculté de Droit, Sciences Économiques et Gestion ; Faculté des Lettres et Sciences Humaines ; Faculté de Médecine, Pharmacie et Odontostomatologie ; Centre d'Etudes et de Recherche en Environnement.

Si les femmes présentes en première année de l'Université de Conakry proviennent, en grande partie, des Sciences Expérimentales, elles sont inégalement réparties entre les Facultés et leur nombre varie considérablement d'une Faculté à une autre. En effet, 34% des femmes inscrites en première année de l'Université de Conakry le sont à la Faculté de Lettres et des Sciences Humaines, 28% sont à la Faculté des Sciences, 21% en Médecine, 13% en Droit et Sciences Économiques et 4% à l'Institut Polytechnique (Barry et al., 2000).

Dans l'ensemble, les femmes sont en minorité à l'Université de Conakry. A titre d'exemple, en 2000, sur un effectif global de 7 318 étudiants, il n'y avait que 1 083 filles soit 14,79%. Cet écart se traduit également dans les deux Facultés qui ont servi le cadre de notre étude exploratoire. Selon Barry et al. (2000 : 9), par rapport aux effectifs de chaque Faculté, il apparaît que les filles représentent 19% des effectifs de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines et 17% de la Faculté des Sciences. Rappelons qu'au Québec, 55% des étudiants sont des femmes (Sales et al., 1996).

Quant au personnel enseignant, l'Université de Conakry comptait en 2000, 425 enseignants intra-muros dont 3 de grade professeur, 170 docteurs, 65 titulaires d'un diplôme d'études approfondies/diplôme d'études supérieures spécialisées (DEA/DESS) et 187 possédant un diplôme d'études supérieures (D.E.S). A ce niveau aussi, les femmes sont sous-représentées (24 contre 401 hommes) soit 6% contre 94%. En termes de pourcentage, l'enseignement est assuré à l'Université de Conakry à 5 9,29 % par les détenteurs d'un DEA/DESS/et ou DES, quant aux détenteurs d'un Ph.D., vu leur nombre, ils n'assument que 40% de l'enseignement. Tandis que ceux qui ont un grade de professeur ne représentent que 0,70 % (SPS : 2000 : 42).

En ce qui concerne le personnel expatrié enseignant à l'Université de Conakry, il est majoritairement composé de Russes (44 docteurs et 3 professeurs) suivi des Canadiens (2 professeurs, un détenteur d'un doctorat et un possédant une maîtrise), enfin un

Français nanti d'un DESS. Rappelons ici que les Russes enseignent à l'Institut Polytechnique tandis que les Canadiens interviennent au Centre d'étude et de recherche en environnement (CÉRE).

3.3 LES FORMATIONS DE BASE DES DIPLÔMÉS

L'Université de Conakry, créée en 1962, comprend quatre facultés (Sciences ; Médecine et Pharmacie; Droit, sciences économiques et de gestion; Lettres et Sciences Humaines), un Institut Polytechnique, un centre informatique, et un centre d'études et de recherche en environnement. L'admission à l'Université est conditionnée en Guinée par un concours national, censé favoriser le contrôle de la croissance des étudiants. Le taux de réussite est faible (un tiers en 1996). Cependant, il faut préciser que le problème des effectifs pléthoriques se pose moins en Guinée que dans d'autres pays d'Afrique.

Il est important de noter que la population étudiante est relativement âgée. Selon le Service de Planification et Statistique de l'enseignement supérieur (SPSES, 1999), en 1997, 13% des étudiants ont trente ans et plus, et l'âge médian est de 26 ans. La présence d'étudiants âgés pourrait s'expliquer par le fait qu'ils ont commencé tardivement leurs études primaires, retard auquel se surajoutent les redoublements enregistrés possibles au primaire et au secondaire. A l'Université de Conakry, en 1996, entre 60 et 70% des étudiants achevaient leurs études sans redoubler. Le taux d'attrition est de 10% à la Faculté des Lettres et de 25% en Faculté des Sciences (PADES, 1998).

A propos de la durée moyenne de finition du cycle universitaire normal, chaque programme définit un délai (qui est de 4 années) normal à l'intérieur duquel un étudiant devrait terminer son programme d'études. Cette me sure est prise afin d'éviter ce que l'on appelle « les perpétuels étudiants », qui restent à l'université indéfiniment ; c'est également une mesure d'équité pour les lycéens qui désirent entrer à l'université. Enfin, c'est une mesure d'économie, car un étudiant perpétuel occasionne des frais à l'État. Or, il est important de gérer judicieusement les fonds public.

Par exemple, à la Faculté des sciences, 61% des inscrits complètent dans les délais normaux (4 ans), 9% complètent après un an de plus, alors que les autres réussissent après deux ans de plus ou décrochent. À la Faculté des lettres et des sciences humaines,

68% des inscrits ont complété le cycle normal (4 ans) des études dans les délais normaux, 18% un an après et 12% deux ans plus tard tandis que 2% décrochent.

En ce qui concerne notre population cible, les 40 diplômés sont repartis comme suit : 20 de la Faculté des Sciences (FS) dont 5 femmes et 20 de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines (FLSH) dont 6 femmes. A l'intérieur de chacune des Facultés, nous avons ciblé l'ensemble des options ou filières. En FS, ce sont les options suivantes : mathématiques, chimie, physique et biologie. Étant donné qu'il y a peu de laboratoires et d'industries (chimique, physique et biologique) dans le pays, les finissants de ces options sont confrontés aux difficultés du marché de l'emploi dès leur sortie.

Quant à la FLSH, les filières sont les suivantes : professeurs de français, sociologie, animation culturelle, journalisme, histoire et tourisme. Les répondants de ces options trouvent généralement de l'emploi dans le domaine de l'enseignement, ensuite dans les ONG. Par ailleurs, les compétences de base ne sont pas toujours acquises par les étudiants sortants. Des lacunes héritées de l'enseignement primaire et secondaire, ainsi que la mauvaise articulation entre le marché de l'emploi et les différents programmes universitaires expliqueraient en partie ce constat. La forte généralisation des programmes contribue également à l'expliquer. Contrairement aux ambitions des responsables de l'enseignement supérieur, le diplômé sortant est souvent dépourvu de compétences indispensables pour décrocher un emploi, comme l'anglais, l'informatique et la comptabilité gestion (PADES, 1999).

Cependant, des filières et/ou des cours nouveaux sont mis en place, mais leur accès reste très limité. Nous donnons l'exemple du fonctionnement du centre informatique de l'Université de Conakry. Il est un des rares laboratoires à disposer d'un matériel moderne en bon état de marche. Pourtant, les étudiants, à l'exception de ceux de la filière informatique (qui ne sont pas plus de vingt cinq par promotion), n'y ont pas accès.

En outre, l'enseignement de l'anglais ne s'est pas généralisé à l'ensemble des départements et les heures de cours sont trop peu nombreuses pour être efficaces. Les étudiants qui en bénéficient ne progressent pas. Ce qui signifie que l'enseignement reste très théorique. L'absence d'équipement et de laboratoire (ce, malgré quelques

aménagements récents, financés par la coopération internationale) peut expliquer cette tendance. En plus, les possibilités de réaliser un stage sont peu nombreuses, en conséquence, les étudiants n'y ont souvent que des tâches élémentaires de base à réaliser. Ainsi, les diplômés sortants de l'Université de Conakry ont un profil inadapté au marché de l'emploi.

Certains diplômés s'insèrent bien dans leur cadre de travail et donnent à terme satisfaction à leurs employeurs; mais la majorité des diplômés ont des lacunes indépendantes de leur volonté dans des disciplines comme l'anglais, l'informatique (ces dernières ne sont pas enseignées au cours du cursus universitaire). Dans le cas de notre échantillon par exemple, sur les 20 diplômés qui occupent un emploi, 18 ont fait une formation complémentaire avant de décrocher leur emploi actuel. Par ailleurs, les diplômés ne sont pas préparés à entrer sur le marché du travail, à s'informer, à chercher efficacement du travail. Sans oublier que le système d'enseignement universitaire est insuffisamment relié au monde du travail et produit des diplômés mal informés du marché de l'emploi. Ils sont souvent peu productifs tant qu'ils n'ont pas suivi de formations spécifiques dans le cadre de l'entreprise qui les embauche. C'est pourquoi des spécialisations sont utiles dans le contexte économique guinéen. En plus, des compétences liées au marché de l'emploi (en anglais, en informatique, en gestion, à l'initiation à la création et la gestion de micro entreprises) sont nécessaires dans les programmes universitaires (Barry, 2001). Dans un tel contexte, à la sortie de la formation principale universitaire, les diplômés sont obligés de faire des formations additionnelles afin de s'adapter aux besoins du marché de travail guinéen, de suivre des stages ou de faire appel à leurs réseaux relationnels. Les résultats de cette situation amènent à poser la question sur la valeur de la formation universitaire principale. Est-ce que tous les diplômes obtenus sont en adéquation avec les besoins du marché de l'emploi guinéen ?

CHAPITRE IV : DÉMARCHE DE RECHERCHE ET MÉTHODOLOGIE

Ce chapitre porte sur la démarche de recherche utilisée dans le cadre de ce mémoire. Cette démarche de type exploratoire s'appuie sur une méthodologie qualitative avec un usage conséquent de l'entretien. La présentation de cette démarche de recherche se fera à l'intérieur de cinq sections. La première porte sur le choix du lieu de l'enquête, la recherche documentaire; la seconde sur le choix des diplômés, la troisième sur l'entretien, la quatrième sur le déroulement des entrevues et les problèmes rencontrés et la cinquième sur l'analyse.

4.1 LE CHOIX DU LIEU DE L'ENQUÊTE

Nos objectifs et le caractère exploratoire de notre recherche nous ont engagé à choisir l'Université de Conakry qui compte en son sein cinq Facultés et deux centres d'études. En effet, le choix de Conakry se justifie d'abord parce que la ville abrite plus de la moitié de la population urbaine du pays (5 1,1%) sur une population totale de 7 156 406 habitants. Par conséquent, cette ville abrite le plus grand nombre de diplômés du système universitaire guinéen. Ensuite, par le fait que l'Université de Conakry est la plus grande institution guinéenne d'enseignement supérieur de par le nombre d'étudiants et ses différentes options. En outre, Conakry abrite la quasi-totalité des entreprises offrant des emplois aux diplômés universitaires. Finalement, nous sommes familiers de ce milieu universitaire sur lequel nous nous proposons de recueillir des informations auprès des diplômés (tant de facteurs utiles à notre recherche).

Pour mettre en place notre étude, des démarches ont été entreprises auprès des autorités de l'Université de Conakry, plus précisément auprès de l'Observatoire de l'insertion des diplômés. L'objectif était d'obtenir leur appui logistique pour la réalisation de notre recherche sur le terrain. C'est ainsi que nous leur avons fait parvenir une demande d'autorisation de recherche dans laquelle étaient expliqués succinctement les objectifs de la recherche envisagée, ainsi que la nature de l'appui attendu de leur part. L'Observatoire a accepté notre proposition, cela était d'autant plus intéressant que cette structure, en plus d'avoir son siège au sein de l'Université de Conakry, a dans ses objectifs un volet insertion des diplômés.

Dans le cadre de la présente étude, la recherche documentaire nous a permis de consulter, d'analyser les ouvrages généraux et spécialisés relatifs au thème de recherche. A ces ouvrages s'ajouteront des thèses, des mémoires, des journaux, des revues, des rapports d'étude et des annuaires statistiques. A ces consultations documentaires écrites s'ajouteront enfin des consultations orales.

4.2 LE CHOIX DES DIPLÔMÉS RETENUS DANS L'ENQUÊTE

Sous ce point, nous développons les critères ayant déterminé le choix des diplômés retenus lors de l'enquête. Ensuite, nous procédons à l'évaluation de la qualité des données collectées.

Pour permettre à l'influence de certaines variables de s'exercer, nous avons choisi de contrôler l'influence d'autres variables en les maintenant constantes. C'est ainsi que les diplômés retenus diffèrent quant aux options ou filières faites à l'université de Conakry mais ont aussi des caractéristiques communes à plusieurs autres égards. Ils sont tous sortis il y a un an ou deux ans, diplômés, ils résident dans la capitale Conakry et sont âgés de 23 à 30 ans.

Le recrutement des diplômés retenus dans l'enquête s'est fait par deux moyens : premièrement à l'aide des listes des résultats de fin de cycle afin de déterminer tous les admis ; deuxièmement le registre des soutenances des mémoires afin de s'assurer que l'étudiant possède son diplôme d'études supérieures (D.E.S). Ce qui nous a permis de cibler en tout cinquante diplômés sortis au cours des deux dernières années dont vingt cinq en FLSH et vingt cinq en FS que nous avons pu interviewer effectivement. Cependant, conformément à nos objectifs de départ, nous avons retenu quarante3 interviews qui ont servi à bâtir le corpus de notre recherche.

4.3 L'ENTRETIEN

L'entretien est généralement considéré comme «une voie d'accès privilégiée pour appréhender le point de vue et l'expérience des acteurs» (Poupart, 1997: 205). Les propos recueillis dans cette voie permettent de mettre au jour les représentations

3 Nous avons retenu 40 parce que nous avons constaté après audition des cassettes, il y en avait dont les informations n'étaient pas pertinentes.

recherchées telles qu'elles apparaissent dans l'expérience des acteurs, laquelle trahit leurs attributs sociaux. Selon Poupart: <<l'interviewé est vu comme un informateur susceptible précisément <<d'informer>> non seulement sur ses propos pratiques et ses propres façons de penser, mais aussi, dans la mesure où il est <<représentatif>> de son groupe ou d'une fraction de son groupe, sur les diverses composantes de la société et sur ses divers milieux d'appartenance>> (Ibid: 181).

Dans la panoplie des types d'entrevues possibles en sociologie, l'entrevue semi-directive a été retenue dans la mesure où elle est << la mieux adaptée aux travaux de terrain en sciences sociales >> (Guibert et Jumel, 1997: 120). L'entrevue semi-directive s'amorce en fonction d'un canevas constitué des différents thèmes à aborder et qui servent de guide. Ce canevas est toutefois ouvert aux thèmes (formations complémentaires, réseau de relation) qui surgissent au fil de l'entrevue. L'entrevue semi-directive donne donc droit à l'interviewé de formuler l'information recherchée sous forme de récit. Les représentations recherchées en fonction des thèmes mis de l'avant par l'étude transparaissent ainsi à travers le récit de son expérience. Voilà la ligne de force de l'entrevue.

En effet, selon Poupart, il existe une opinion largement répandue dans la plupart des traditions sociologiques selon laquelle le recours aux entretiens demeure l'un des meilleurs moyens pour saisir le sens que les acteurs donnent à leurs conduites, la façon dont ils se représentent le monde et la façon dont ils vivent leur situation, les acteurs étant vus comme les mieux placés pour en parler (Poupart, 1997: 175).

L'entrevue a ainsi l'avantage de permettre de saisir en profondeur l'expérience des acteurs sociaux et les représentations qui s'y rattachent d'emblée. Ces dernières sont la clef de voûte pour bien comprendre les informations recueillies au moyen de l'entrevue.

Elle comporte toutefois des limites. Seul un nombre restreint d'individus peut être atteint. Cela pose le problème de la représentativité. Dans le cadre d'une recherche qualitative, l'accent est mis sur les caractéristiques sociologiques des individus selon le thème étudié. <<L'échantillon est donc élaboré en fonction des qualités sociologiques de la population étudiée, ce qui donne lieu à un échantillon représentatif et qui permet, tout

comme pour un échantillon d'ordre quantitatif, d'extrapoler les conclusions d'une étude effectuée dans cette voie à une population plus large» (Poupart, 1997: 176).

Par ailleurs, l'entretien repose sur la relation entre le chercheur et l'interviewé, laquelle est sujette à diverses interférences. En effet, l'attitude du chercheur, selon Poupart (1997), ses interventions et sa personnalité peuvent altérer la qualité des informations recueillies. Sans entrer dans les détails, la formulation rigoureuse et explicite du canevas d'entrevue au départ permet de juguler les influences que peut produire la relation chercheur-interviewé, tout au moins permet de mieux les contrôler. Mais, en définitive, rappellent Guibert et Jumel, tout instrument possède des avantages et des inconvénients, ce qui importe d'abord et avant tout, c'est l'utilisation qui en est faite (Guibert et Jumel, 1997: 121).

4.4 LE DÉROULEMENT DES ENTREVUES ET LES PROBLÈMES RENCONTRÉS

Avant de procéder aux entrevues proprement dites, nous avons fait un pré-test du guide d'entretien sur trois diplômés afin de déceler les lacunes des outils de collecte. Grâce à l'écoute des entrevues, nous avons repéré des points inutiles et les parties à améliorer du guide. On peut dire que ce pré-test a permis d'apporter les corrections nécessaires.

4.4.1 LE DÉROULEMENT DE LA COLLECTE DES DONNÉES

Conformément à la méthodologie et aux hypothèses de recherche, notre collecte a consisté à administrer un guide d'entretien auprès de quarante diplômés de l'Université de Conakry sortis il y a un ou deux ans. Les quarante diplômés sont repartis comme suit : 20 de la Faculté des Sciences (FS) dont 5 femmes4 et 20 de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines (FLSH) dont 6 femmes. A l'intérieur de chacune des facultés, nous avons ciblé l'ensemble des options ou filières. En FS, ce sont les options suivantes : mathématiques, chimie, physique et biologie. Quant à la FLSH, les filières sont les suivantes : professeurs de français, sociologie, animation culturelle, journalisme, histoire et tourisme. En effet, nous avons fait une étude exploratoire auprès de deux

Facultés de l'université de Conakry. Sur les interviewés de la FS, nous avons 5 mathématiciens, 5 physiciens, 5 biologistes et 5 chimistes. Tandis qu'en FLSH où les filières sont beaucoup plus variées, nous avons interviewé 4 professeurs de français, 4 en sociologie, 4 en animation culturelle, 3 en journalisme, 3 en histoire et 3 en tourisme.

Des rendez-vous ont été pris pour les entrevues en accord avec les personnes interviewées. Ce sont les personnes interviewées elles-mêmes qui ont proposé les dates et les heures auxquelles les entrevues ont été effectuées. Lors de la première prise de contact nous leur avons laissé le soin de choisir ces dates et heures en tenant compte de leur disponibilité. Nous avions loué une salle pour faire les entrevues car notre recherche coïncidait avec la saison hivernale, et n'ayant aucune possibilité d'interviewer au dehors. Dans la majorité des cas, les entrevues se sont déroulées correctement dans la salle prévue à cet effet. Cependant, pour les quelques diplômés que nous n'avons pas pu interroger dans la salle prévue à cet effet, l'entrevue a été souvent très difficile à faire car des perturbations intervenaient souvent. D'ailleurs, nous avons fini par éliminer certains entretiens du corpus d'analyse. C'est en prévision d'une telle situation que nous avons pris soin d'interviewer une cinquantaine de diplômés pour en retenir quarante qui ont constitué le corpus d'analyse.

4.4.2 L'ENREGISTREMENT DES ENTREVUES ET LEUR TRANSCRIPTION

L'ensemble des entretiens qui étaient enregistrés sur cassette en langue française ont été transcrits mot à mot sur papier et ensuite saisie sur ordinateur. La transcription du verbatim comprend, outre le discours des personnes, les interventions pendant nos questions ainsi que les éléments contextuels qui ont ponctué le déroulement de l'entrevue tels les arrêts et les interjections de l'interviewé.

Il faut signaler quelques difficultés lors de l'enregistrement. En fait, certains diplômés étaient réticents à l'enregistrement de l'entretien, pensant que nous faisions une enquête politique au compte du gouvernement guinéen. Il a fallu expliquer que cette étude n'avait aucun objectif politique et qu'elle était réalisée dans le cadre d'études universitaires au Canada. Cependant, il faut comprendre cette attitude à partir circonstances politiques qui ont caractérisé la vie politique en Guinée ces deux dernières

années (arrestations et incarcérations de leaders politiques et de leurs partisans ; incursions rebelles sur les frontières guinéennes).

En outre, d'autres ont exigé de réécouter l'intégralité de l'entrevue enregistrée, ce que nous avons fait au terme des entrevues. Ceci a aidé à les mettre en confiance et à obtenir leur collaboration à la recherche.

4.4.3 PÉRIODES ET RYTHME DES ENTREVUES

Les semaines du 24 septembre au 14 octobre 2001 ont été consacrées à la préparation du terrain et au pré-test. Nous n'avons pu continuer à effectuer nos entrevues dans la semaine du 5 au 10 novembre à cause de l'organisation d'un référendum constitutionnel en République de Guinée. Les autorités du pays ont mis en congé pendant une semaine tous les établissements d'enseignement en interdisant toutes les autres activités qui ne sont pas liées à la campagne référendaire.

Les entrevues se sont déroulées au rythme d'une ou deux par jour, nous avons pu une fois réaliser trois entrevues le même jour.

Si dans l'ensemble, la collecte s'est bien déroulée, j 'ai cependant rencontré quelques difficultés qui se résument sur les points suivants :

- Difficultés d'ordre financier liées aux évènements du 11 septembre. En effet, au moment de l'élaboration de notre budget de recherche au mois de juin 2001, nous avions indiqué des prix du matériel de recherche en fonction du taux de change du dollar canadien par rapport au Franc guinéen du moment. Après les événements du 11 septembre 2001, le taux du dollar a augmenté beaucoup par rapport au FG ce qui a faussé certaines de nos prévisions d'achat de matériel de collecte. En fait, avant le 11 septembre un dollar canadien s'échangeait à 1 147 FG. En date du 4 octobre 2001, le même dollar s'échangeait contre 1 226,6873 FG. D'ailleurs ce taux ne cessera d'augmenter pendant tout notre séjour de terrain en Guinée.

- Difficultés liées aux rencontres avec les sujets à enquêter. Indépendamment de la semaine référendaire comme nous le mentionnons plus haut, il faut signaler des

difficultés d'identification de la population cible. En effet, contrairement aux universités canadiennes, l'Université de Conakry ne dispose pas de banque de données ou des adresses des diplômés sortis de ses Facultés. Ce qui nous a amené à passer par les connaissances dans les quartiers pour pouvoir obtenir les adresses des diplômés. Également on ne peut enquêter ni par téléphone ni par courrier postal. Sans compter les rendez-vous ratés de la part des enquêtés. En outre, nous étions obligés de faire à pied de longues distances dans les quartiers pour joindre les diplômés étant donné que le PCBF ne prend pas en charge le transport urbain, ce qui nous amené à utiliser les dimanches pour prendre des rendez-vous avec les enquêtés. Ce sont donc les difficultés principales rencontrées lors de nos collectes de données à Conakry.

4.5 L'ANALYSE

Tout récit peut être analysé à trois niveaux correspondant à trois lectures différentes mais nécessairement articulées :

Le niveau des fonctions est celui auquel se déploient les épisodes du récit ;

Le niveau des actions concerne les éléments du récit qui mettent en scène les << actants >>, c'est-à-dire des << personnages >> qui agissent, interviennent, jouent un rôle dans le récit ;

Le niveau de la narration se repère par la présence de thèses, d'arguments, de propositions destinées à convaincre l'interlocuteur (Demazière et Dubar, 1997 :113).

Selon Guibert et Jumel, une analyse qualitative s'effectue en deux étapes constitutives l'une de l'autre, soit, le repérage thématique et le traitement qualitatif des données. Le repérage thématique nécessite deux lectures, la première a pour but de repérer ce qui a trait aux thèmes prévus par le schéma d'entrevue tandis que la seconde vise à mettre en lumière le sens constitutif contenu dans les entrevues. Quant à la deuxième séquence, le traitement qualitatif, elle consiste <<en une étude comparative des données et en une analyse des écarts>> (Guibert et Jumel, 1997: 141). Il s'agit d'abord de déceler la présence ou l'absence des sous-thèmes, puis de mettre en évidence les analogies ou oppositions entre ces derniers.

Ainsi, les thèmes recherchés auront pour source l'ensemble des points abordés par le truchement du guide d'entrevue, à savoir le devenir professionnel des diplômés universitaires, l'origine sociale, les formations complémentaires, les stages et le rôle des réseaux dans l'insertion. Enfin, l'analyse des entrevues permettra de confirmer ou d'infirmer nos hypothèses sur le devenir professionnel des diplômés du système universitaire guinéen. Afin de vérifier nos hypothèses, nous avons procédé dans un premier temps à la codification des données recueillies par entrevues et qui ont été codifiées par catégories et sous-catégories à partir d'une grille de codage s'inspirant du schéma d'entrevue et élaborée à la suite de la lecture du verbatim des entrevues. Tous les passages des entrevues ayant trait à un même sujet, par exemple la perception de l'insertion des diplômés, ou à leurs moyens de recherche d'emploi, se sont vus attribuer le même code. S'inspirant des étapes de Paillé (1994) sur l'analyse par théorisation ancrée, qui se résument à la codification, la catégorisation, la mise en relation, l 'intégration, la modélisation et la théorisation; les extraits d'entrevue ainsi codifiés ont été traités au moyen du logiciel d'analyse de données qualitatives (ATLAS.ti 4.2) qui a permis de repérer tous les extraits des entrevues se rapportant à une même catégorie. Dans un deuxième temps, nous avons procédé à une codification plus détaillée des extraits pertinents du point de vue de ces représentations proprement dites.

Toutefois, pour notre cas où nous avons eu à faire à plusieurs entrevues, celles-ci sont reconstituées non seulement à partir des extraits portant explicitement sur les points de vue que les diplômés se font de l'insertion, des formations complémentaires, mais aussi de leurs commentaires sur d'autres sujets qui ont été abordés lors des entrevues, notamment sur la correspondance formation/emploi, les stages et du poids des réseaux de relations dans l'accès à l'emploi dans le contexte guinéen.

Au terme de cette première partie du mémoire qui a présenté dans un ordre chronologique la revue de la littérature, la problématique de la recherche et l'analyse conceptuelle, le contexte et le cadre de l'étude enfin la méthodologie d'analyse, nous allons maintenant aborder dans la seconde partie la présentation et l'interprétation des données issues des entrevues.

DEUXIÈME PARTIE: RÉSEAUX DE RELATIONS ET FORMATIONS COMPLÉMENTAIRES DANS L'INSERTION PROFESSIONNELLE

Cette deuxième partie du mémoire porte essentiellement sur la présentation des résultats de l'analyse des données collectées auprès des diplômés des Facultés des Lettres et celle des Sciences de l'Université de Conakry effectuées dans le cadre de la présente étude. Nous décrivons le profil général des répondants en mettant l'accent tout d'abord sur l'origine sociale et dégageons le rôle des réseaux de relations et des stages lors de l'insertion, ensuite nous expliquons le rôle des formations complémentaires dans le processus d'accès à l'emploi des diplômés, enfin, nous procédons à une interprétation de ces données.

CHAPITRE V : PROFIL ET ORIGINE SOCIALE DES RÉPONDANTS

Cette partie présente d'abord les caractéristiques des diplômés interviewés (sexe, âge, option choisie à l'Université), ensuite l'origine sociale et le statut professionnel des parents, ainsi que de la situation d'emploi et de chômage des diplômés.

5.1 PROFIL GÉNÉRAL

Sur la base des informations recueillies auprès de nos répondants, il ressort que quinze des diplômés proviennent de la Basse Guinée5 dont 11 ont fréquenté la Faculté des Lettres et Sciences Humaines (FLSH). Douze des diplômés proviennent de la Moyenne Guinée dont neuf ont fait leurs études à la Faculté des Sciences (FS). Tandis que les six qui proviennent de la Guinée Forestière sont tous de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines. Six autres proviennent de la Haute Guinée qui sont repartis comme suit : quatre en Faculté de Sciences et deux en Lettres et sciences humaines. Un seul vient de l'étranger (Sierra Leone) et a également fréquenté la Faculté des Lettres.

Les répondants sont majoritairement de sexe masculin, vingt neuf (soit 72,5 %) contre onze femmes. Sur les vingt neuf hommes, dix sept sont de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines et douze de la Faculté des Sciences. Alors que les filles se repartissent à peu près à part égale entre les deux Facultés, six et cinq respectivement. L'âge moyen de nos répondants est de 26 ans à la Faculté des Sciences et de 27 à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines. Alors que le plus jeune diplômé de la Faculté des Sciences a 23, le plus jeune de la Faculté des Lettres a 24 ans. Par ailleurs, le plus âgé (30 ans) est diplômé de Lettres, tandis que le plus avancé en âge des Sciences a 29 ans. Sur les vingt interviewés retenus de la Faculté des Sciences, nous avons cinq diplômés en mathématiques, cinq en physique, cinq en biologie et cinq en chimie. Quant à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines où les filières sont beaucoup plus variées, quatre appartiennent à l'option professeur de français, quatre en sociologie, quatre en animation culturelle, trois en journalisme, trois en histoire et deux en tourisme.

Sur la base des données collectées, le temps de séjour à l'université est en moyenne de 4 ans tandis que le plus long séjour est de 6 ans, soit deux redoublements au cours du cursus universitaire. Il faut rappeler que le cycle normal à l'Université de Conakry est de quatre ans sauf à la Faculté de médecine et pharmacie (5 à 6 ans). Le nombre d'années moyen mis entre l'entrée à l'école primaire et la sortie de l'Université de Conakry est de 19 ans à la Faculté des Sciences et de 18 ans à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines.

5.2 SITUATION DE L'EMPLOI

Du point de vue de l'emploi, sur un total de quarante interviewés, près de la moitié est au chômage. Les plus touchés sont les diplômés de la Faculté des Sciences. Vu du Canada (voir Audet, 1995) cela peut paraître étonnant mais dans un pays comme la Guinée, les biologistes, les chimistes, les physiciens tout comme les mathématiciens ont du mal à s'insérer sur le marché de travail. Cela peut s'expliquer par le fait que laboratoires et industries ne sont pas très développés en Guinée. Il y a là un phénomène important que d'autres études devraient approfondir. Par ailleurs, parmi les diplômés qui ont un emploi, douze effectuent un travail à contrat renouvelable chaque année dans le secteur public. Tandis que les neuf autres font un travail à durée indéterminée. Parmi ces derniers, huit évoluent dans le secteur privé et un dans le secteur public.

Par ailleurs, il faut noter qu'une grande proportion (62 %) des répondants qui occupent un emploi, (qu'ils soient dans le secteur privé ou public), font un travail dans un secteur non relié à leur domaine d'études universitaires. Par exemple sur un total de 21 diplômés en emploi, il résulte que seulement huit (38 %) ont un travail relié à leur domaine d'étude. Ils sont quatre en provenance de la Faculté des Sciences et quatre de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines. Tandis que les 13 autres occupent un emploi non relié à leur domaine d'études universitaires. Cette situation peut s'expliquer par le fait que les diplômés sont confrontés à un marché du travail guinéen déprimé et par une demande moins spécialisée d'experts qui valorisent les formations complémentaires.

D'ailleurs, très souvent, les diplômés suivent les formations en fonction des offres d'emploi et non en fonction de leurs formations de base. Dans un marché d'emploi

déprimé comme celui de la Guinée, où l'accès à un emploi est très rare, ce qui compte pour les diplômés, c'est l'acquisition d'un emploi, le lien avec le domaine d'étude vient au second rang.

5.3 ORIGINE SOCIALE

Du point de vue de l'origine sociale des répondants, les interviewés sont majoritairement fils et filles de fonctionnaires (soit 55 % de l'échantillon total) dont onze de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines et onze de la Faculté des Sciences, soit un total de vingt deux sur quarante diplômés retenus. Les fonctionnaires en Guinée, ont, par rapport aux autres catégories, l'avantage statutaire de la stabilité de l'emploi et de la rémunération. Parmi eux, il faut cependant distinguer les cadres et professionnels et les semi-professionnels. Les diplômés qui ont des parents cadres et professionnels sont au nombre de treize, tandis que neuf diplômés ont des parents semi-professionnels. Ceux qui ont des parents commerçants sont au nombre de huit (dont 6 de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines et 2 de la Faculté des Sciences). Sept des interviewés ont un père cultivateur (dont 3 de la Faculté des Lettres et 4 de la Faculté des Sciences), alors que cette catégorie compte pour 60 % de la population guinéenne. Seulement trois ont des parents ouvriers ou artisans et ils ont tous fréquenté la Faculté des Lettres et Sciences Humaines.

Tableau 1 : Profession du père et situation des diplômés par rapport au marché de l'emploi

Profession du père

En emploi

Au chômage

Total

Fonctionnaire6 dont :

11

11

22

- Cadre ou professionnel

8

5

13

- Semi-professionnel

3

6

9

Commerçant

5

3

8

Cultivateur

4

3

7

Ouvrier/artisan

1

2

3

Malgré les limites dues à la nature exploratoire de notre étude, on peut penser à partir des chiffres présentés dans le tableau 1 que les enfants issus de familles modestes ont de la difficulté à entrer à l'université. Ceci est cohérent avec les résultats de la plupart des études sur les populations étudiantes qui ont indiqué que l'origine sociale a un effet reconnu sur la capacité à entrer à l'université. Les résultats sont marqués par la spécificité du statut relativement avantageux des fonctionnaires en Guinée et le très faible nombre de fils d'ouvriers et artisans et en proportion de fils de cultivateurs.

La question est alors de savoir si l'effet de l'origine sociale comme l'ont affirmé plusieurs auteurs (Bourdieu et Passeron, 1970; Kelley, 1976) continue à se manifester dans l'obtention d'un emploi et nous en avons fait une de nos hypothèses. Malgré une fois encore les limites de nos données, nos résultats ne semblent pas corroborer clairement cette hypothèse. On observe en effet que sur les 22 diplômés fils et filles de fonctionnaires, la moitié est au chômage, et apparemment en proportion, n'ont pas le même taux de réussite que les fils de commerçants et les fils de cultivateurs. Il faut dire ici que le statut des commerçants est plus précaire et moins aisé que celui des fonctionnaires. Deux éléments viennent cependant tempérer quelque peu la mise en question du lien origine sociale-emploi. D'abord le fait que deux parmi les trois enfants d'ouvriers ou artisans n'ont pas d'emploi et ensuite qu'au sein des enfants des

6 Dans le contexte guinéen, comprendre par fonctionnaires, les employés de la fonction publique que nous avons pris soins de regrouper en deux catégories : - en cadres et professionnels regroupant des administrateurs, des cadres supérieurs, des professeurs d'université;

-en semi-professionnels regroupant les enseignants du niveau secondaire et primaire, des adjoints administratifs, des infirmiers.

fonctionnaires, les fils et filles des semi-professionnels sont eux aussi nettement moins bien placés par rapport à la catégorie supérieure des fonctionnaires.

Ces résultats sur un échantillon dont la représentativité n'est pas contrôlée ont évidemment une portée limitée. Néanmoins, dans ce cas, l'origine sociale n'a pas d'effet clairement observable sur l'obtention d'un emploi et ces résultats font douter de l'hypothèse initiale. Ceci peut s'expliquer de la façon suivante. L'origine sociale a un effet reconnu sur la capacité à entrer à l'université. Cette variable n'aurait-elle pas lorsque l'on parle des diplômés, déjà pleinement exercé son effet antérieurement, laissant place à d'autres facteurs.

Nous montrerons un peu plus loin le rôle des réseaux, des stages et des formations complémentaires. On pourrait alors se demander si l'effet de l'origine sociale ne se manifesterait pas de façon indirecte dans l'utilisation des réseaux sociaux ou des formations complémentaires. Nous avons donc cherché à éclairer ces sous-hypothèses à partir des tableaux 2 et 3. En ce qui concerne les réseaux, la configuration de leur utilisation ne coïncide pas avec l'idée que les catégories les plus aisées seraient celles qui les utiliseraient le plus avec succès.

Parmi les fonctionnaires, les fils de cadres ou de professionnels utilisent peu les réseaux et les fils de semi-professionnels n'ont pas grand succès pour trouver un emploi par ce moyen. En revanche les fils de commerçants et de cultivateurs sont parmi ceux qui les utilisent le plus avec succès. Là encore l'hypothèse de l'effet de l'origine sociale montrant un avantage des catégories les plus aisées en termes de réseaux pour l'accès à l'emploi n'est pas cohérent avec les résultats de ce petit échantillon.

Près de la moitié de nos interviewés ont utilisé leur réseau. Le taux de succès des réseaux est très bon, puisque douze sur dix huit (66,66 %) des répondants ont obtenu un emploi par ce moyen. Parmi ceux qui n'ont pas utilisé les réseaux ou qui n'ont pas de réseaux, le taux de succès est inversé, neuf sur vingt deux seulement ont obtenu un emploi sans utilisation des réseaux. Il faut préciser que parmi les neuf, deux ont postulé directement.

Tableau 2 : Utilisation ou non du réseau et profession du père

Profession du père

En emploi

Au chômage

 

Ont utilisé les

réseaux

N'ont pas utilisé les réseaux

Ont utilisé les réseaux

N'ont pas de
réseaux7

Cadres et professionnels

2

6

2

3

Semi-professionnels

-

3

4

2

Commerçants

5

-

-

3

Cultivateurs

4

-

-

3

Ouvrier/artisan

1

-

-

2

Toutefois, si les réseaux sont utilisés fréquemment par les diplômés, il faut préciser que tous les réseaux de relations ne sont pas efficaces pour permettre de décrocher un emploi en Guinée. Il arrive que des réseaux soient plus forts que d'autres. En Guinée, les réseaux deviennent faibles le plus souvent quand la personne qui soutient le diplômé dans ses démarches est soit à la retraite, soit n'occupe plus une fonction permettant d'influencer le réseau de relations. Sur dix neuf diplômés en chômage, 6 ont essayé d'utiliser leur réseau sans obtenir un emploi, tandis que les 13 autres ne disposent d'aucune possibilité de recourir aux réseaux pour s'insérer sur le marché de travail guinéen.

Le tableau 3 montre le lien entre formation complémentaire et la profession du père. Ce qui frappe, c'est que les formations complémentaires sont avant tout utilisées par les fils de cadres et professionnels et quelque peu par les fils de semi-professionnels alors que les autres catégories les utilisent de façon marginale ou jamais comme pour les fils d'ouvriers. Ceci montre en même temps l'efficacité d'insertion de ces formations puisqu'aucun des diplômés ayant suivi de telles formations n'est en chômage. Même ceux qui ont eu directement un emploi ont aussi suivi une formation complémentaire.

On peut alors conclure que si l'origine sociale jouait un rôle dans l'insertion en emploi, ce serait par le biais des formations complémentaires. Ceux qui seraient les plus à l'aise financièrement utiliseraient les formations complémentaires qui supposent d'ailleurs un

déboursé ou l'aide d'une relation. En revanche, les fils de commerçants et de cultivateurs feraient appel beaucoup plus souvent aux réseaux.

Tableau 3 : formation complémentaire et profession du père

Profession du père En emploi Au chômage

 

Avec formation complément aire

Sans Avec

formation formation

complémentai complément

re aire

Sans formation complément aire

Cadres et professionnels

8

 

5

Semi-professionnels

3

 

6

Commerçants

1

4

3

Cultivateurs

1

3

3

Ouvrier/artisan

 

1

2

Après la présentation du profil et l'origine sociale des répondants, nous allons dans les lignes qui suivent aborder d'abord le rôle des réseaux de relation dans l'accès à l'emploi, ensuite les formations complémentaires et leur rôle dans l'accès à l'emploi des diplômés.

CHAPITRE VI : LES MODALITÉS D'INSERTION SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL

Dans ce chapitre, nous traitons du rôle des stages dans l'obtention de l'emploi, ensuite du poids des relations dans le contexte guinéen, plus spécifiquement du rôle des réseaux.

6.1 LE RÔLE DES STAGES DANS L'OBTENTION DE L'EMPLOI

Pendant longtemps, l'État guinéen était le principal, si non l'unique employeur des diplômés. Or, aujourd'hui la recherche de l'emploi est du ressort des diplômés. C'est pourquoi, dans le contexte guinéen, comme d'une part, la fonction publique recrute rarement ou pas du tout depuis plus d'une décennie, d'autre part, le taux très faible d'embauche dans le secteur privé, les stages et formations complémentaires sont devenus des étapes incontournables dans le processus d'accès à l'emploi. Par rapport au rôle des stages dans l'obtention de l'emploi, les avis des répondants sont partagés. La grande majorité des interviewés trouvent que les stages constituent un moyen d'insertion efficace sur le marché de travail comme l'explique HLE3 :

«A mon avis, les stages jouent un rôle de premier plan. C'est d'ailleurs grâce au premier stage que j 'ai fait auprès d'un professeur du lycée que j 'ai réussi à postuler pour l 'enseignement secondaire. Ensuite grâce au stage que j 'ai fait au centre Guinée-écologie association Internet, que j 'ai réussi à traiter mon thème de mémoire. Donc c 'est d'abord les stages ensuite les stages. Avec les stages, on a l 'expérience».

Dans une certaine mesure, les répondants estiment que faire le stage permet de casser certaines barrières dans l'accès à l'emploi comme les offres d'emploi qui nécessitent une expérience de travail d'au moins deux à trois ans. Pour cette catégories de diplômés, à défaut d'un emploi dès la sortie, il faut nécessairement passer par un stage afin d'enrichir son expérience et pouvoir accéder à certaines catégories d'emploi notamment avec les institutions comme le PNUD, l'UNICEF qui sont des employeurs potentiels des diplômés universitaires.

Enfin, pour certains répondants même si le stage ne donne pas directement accès à l'emploi, il faut le faire car il peut servir dans le futur à décrocher un emploi ou tout au moins à avoir des contrats de courte durée qui constitueront des sommes d'expériences,

et en même temps enrichiront leur curriculum vitæ pour d'éventuelles offres d'emplois. L'extrait ci-dessous illustre l'intérêt de faire les stages pratiques dans le contexte guinéen :

' A travers un stage au Centre Hospitalier Universitaire de Donka, j 'ai décroché un contrat de 90 jours. il y avait une enquête en cours qui demandait des laborantins et heureusement c 'est à travers le stage que j 'ai eu à faire, j 'étais en mesure de faire des prélèvements sanguins. Je faisais partie des laborantins, mon travail consistait à faire le prélèvement lors de cette enquête » (FSC36).

Si la grande majorité des interviewés pensent que les stages constituent un moyen d'insertion efficace dans la mesure où les diplômés qui réussissent à faire un stage quelque part ont plus de chances d'être retenus dans leur lieu d'apprentissage. Une minorité des répondants jugent que le stage ne permet pas touj ours de décrocher un emploi. Au contraire ils jugent que cela contribue à enliser davantage le diplômé. D'ailleurs, certains interviewés disent rester dans un stage plus de deux ans dans l'espoir d'être embauchés un jour. Mais malheureusement beaucoup finissent par ne pas être employés. Dans une telle situation, les stagiaires se retrouvent à la case de départ. En effet, il faut le souligner, les employeurs profitent quelques fois de la main-d'oeuvre abondante pour renouveler les stagiaires et faire fonctionner leurs entreprises sans recruter d'autant plus que les stagiaires ne sont pas rémunérés. Ainsi, les diplômés passent d'un stage à un autre pendant plusieurs années comme le montre l'extrait suivant :

' Il y a de lieux de stage où tu peux faire 6 à 7 mois, quelque fois même des années, tu ne seras pas employé. L 'exemple le plus frappant en Guinée c 'est la Radio Télévision Guinéenne, il y en a qui ont fait déjà 10 ans de stage ils ne sont pas employés» (HLE19)8.

Même si les répondants n'apprécient pas tous le fait de faire de stages pour trouver de l'emploi, cependant, ils aperçoivent qu'il serait mieux, à défaut d'un emploi dès la fin des études, de faire un stage ou des formations complémentaires. Ils justifient ce besoin par le fait que, les universités guinéennes en général et celle de Conakry en particulier ne

8 En Guinée, il y a une seule station de Radio télévision, ce qui explique que les stagiaires n'ont pas de choix que de rester dans cette situation. En réalité, ils vivent de cadeaux que certains organismes ou personnes satisfait de leur travail leur offre.

forment pas de spécialistes mais au contraire de généralistes. Cela traduit le phénomène de l'inadéquation formation/emploi, une tare majeure des système s éducatifs africains en général et celui de la Guinée en particulier C'est pourquoi, il est fréquent de voir un diplômé faire un travail non relié à son domaine d'étude. Ainsi, pour mieux faire valoir son travail, il lui faudrait faire d'autres formations complémentaires ou un stage dans un centre spécialisé à son domaine de travail.

Par ailleurs, les répondants insistent sur le fait que les stages sont aussi essentiels que les formations additionnelles pour décrocher un emploi en Guinée. En plus, ils affirment que dans la plupart des stages effectués, il arrive le plus souvent que l'expérience acquise concoure non seulement à enrichir leur curriculum vitæ mais aussi à faciliter leur recrutement au niveau du lieu de stage comme en témoigne l'extrait ci-dessous :

«Le stage est très intéressant pour tous les jeunes diplômés, c 'est lui qui facilite l'obtention d'un emploi. C'est pourquoi, il faut nécessairement faire des stages, c 'est très avantageux pour les jeunes qui viennent fraîchement de sortir de l'Université de Conakry» (FSE29).

Si les stages constituent un moyen d'insertion professionnelle, les diplômés déplorent que l'accès à ces derniers soit difficile pour eux. Certains disent rencontrer des obstacles tels que le refus catégorique de certaines entreprises de les prendre, le manque d'attention à l'égard des stagiaires par les maîtres de stage. Les diplômés disent que s'ils ne rencontraient pas une certaine hostilité de la part de certaines entreprises, les stages peuvent bien favoriser l'accès à l'emploi. Mais le constat est que les étudiants qui sortent maintenant éprouvent de plus en plus de difficultés dans ce sens. Par exemple il arrive qu'un diplômé présente officiellement une demande de stage à une institution et qu'il se voit refuser l'accès. Et même accepté, en pratique il ne fait absolument rien, souvent il traîne toute la journée et finit par se lasser.

Sur la base des données colligées, il apparaît que le stage donne une aptitude pour la recherche de l'emploi dans la mesure où dans certains ministères ou offices, on embauche le diplômé, parce qu'il a fait deux ans de stage et connaît bien le travail. Et même les milieux de stage qui n'ont pas la possibilité d'embaucher, les stages sont considérés comme indispensables par les répondants dans l'accès à l'emploi. Car selon

eux, la compétence apprise peut toujours permettre d'avoir autre chose ailleurs. Ainsi, le stage permet de décrocher un emploi même si ce n'est pas sur le lieu de stage préalable.

Enfin, il y a lieu de souligner qu'en dehors des stages et des formations, certains diplômés utilisent d'autres procédés pour accéder à l'emploi. Il s'agit par exemple de l'expérience de travail accumulée pendant les études. Rappelons qu'il s'agit de rares étudiants qui allient études et travail généralement dans une entreprise familiale. À la sortie de l'université, cette catégorie d'étudiant trouve très tôt de l'emploi car disposant déjà d'une expérience de travail recherchée par les employeurs.

En somme, il ressort que les stages, les formations complémentaires et l'expérience de travail pendant les études constituent les premiers recours dans le processus d'accès à l'emploi des diplômés en Guinée.

L'analyse des résultats de l'étude sur le rôle des stages dans l'obtention de l'emploi permet de comprendre que la valorisation des stages par les répondants va en conformité avec les perceptions des employeurs qui privilégient ces aspects chez eux. L'importance accordée au stage trouve sa justification par le fait que depuis plus d'une décennie, les entreprises guinéennes préfèrent employer des diplômés ayant déjà une expérience de stage. En fait, les possibilités d'embauches étant très faibles sur un marché de travail guinéen déprimé, les répondants préfèrent passer par les stages pour accéder aux emplois; pour cela, ils font tout ce qu'il faut pour augmenter leurs chances d'insertion. De cette manière, ils agissent en conformité avec les attentes de leurs employeurs potentiels.

La valorisation du stage qui se manifeste tant chez le diplômé que chez l'employeur potentiel s'explique en grande partie par le fait que cette main d'oeuvre participe à la bonne marche des entreprises mais aussi le stage facilite l'insertion professionnelle des diplômés. Le stage présente des retombées non seulement pour le diplômé, mais également pour l'employeur d'autant plus que nous l'avons dit plus haut, certains employeurs profitent de la main d'oeuvre abondante pour faire fonctionner leurs sociétés sans pour autant faire de recrutement.

Le statut du diplômé au sein de l'entreprise est donc défini en grande partie par ses capacités à contribuer à rentabiliser l'entreprise où il fait son stage. Pour le cas des entreprises guinéennes, un ensemble de conditions sont là pour garantir son embauche définitive. Entre autres on peut retenir : l'acquisition de l'expérience à travers le stage, la compétence, la maîtrise des nouvelles technologies de l'informatique etc. De plus sans avoir reçu d'avertissement de mauvaise conduite durant toute la période de stage. C'est dire contrairement à ce qu'on est porté croire à première vue, l'insertion professionnelle des diplômés de l'Université de Conakry n'est pas aisée.

Des situations similaires à celle existant à l'Université de Conakry ont été observées dans certains pays industrialisés notamment européens tels la France et l'Allemagne. Parlant de la situation française, D'Iribarne (1990 : 175), fait le constat suivant :

« Dans les pays industrialisés, on pourrait être porté à penser, à première vue, que les diplômés universitaires, étant donné leur niveau de scolarité élevé ou la sélection dont ils ont fait l'objet, rencontrent peu de problèmes d'insertion professionnelle. Ils ont en effet un avantage relatif sur le marché du travail. Mais il importe, pour apprécier cet avantage, de replacer celui-ci dans la perspective du secteur public qui constituait le principal débouché de l'enseignement supérieur. En effet, le secteur public a subi, au cours des années 80, suite aux pressions sur les dépenses publiques, des transformations telles qu'il n'offre plus les mêmes possibilités de recrutement alors que l'enseignement supérieur a continué de se développer. Ces contraintes s'avèrent encore plus vives dans le contexte de la récession économique du début des années 90, et sont de nature à modifier profondément les débouchés pour les diplômés de l'enseignement supérieur. [...] Le décalage entre l'offre et la demande se traduit par une dégradation des conditions d'insertion et le sous-emploi des diplômés ».

Enfin, pour comprendre de manière plus large l'influence des stages, on ne saurait se limiter aux considérations socio-économiques. Il importe en outre de tenir compte des programmes d'ajustement structurel mise en oeuvre sous l'égide du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale qui touche de manière toute particulière la capitale Conakry, lieu de concentration des entreprises susceptibles d'offrir des emplois aux diplômés. On peut à juste titre rappeler ici l'existence d'un dicton très popularisé au niveau des interviewés et dans lequel, ils donnent l'importance des stages dans l'obtention du premier emploi : "on ne recrute jamais sans stage, c 'est d'abord les stages ensuite les stages".

Dans le cas de HLE1 0, la richesse de son expérience en matière de stages et de travail9, lui a permis de décrocher un emploi dès sa sortie de l'Université devant des spécialistes du poste demandé. A ce niveau, on peut dire que l'accumulation de stages a été en conformité avec les perceptions des employeurs, qui disent qu'ils recrutent de préférence des diplômés ayant déjà une expérience en stage ou en emploi. Ceci nous fait dire que le recrutement de HLE10 est en conformité avec les conceptions qu'ont les employeurs dans le marché de travail guinéen. Plus le diplômé a une grande expérience de stage et de formations complémentaires, plus il a de "chances" de décrocher un emploi par rapport à celui qui n'a pas fait encore de stage.

Dans certains cas, le diplômé combine stage et réseau relationnel afin de trouver un emploi, c'est l'exemple de FSE30 où le réseau relationnel a largement joué lors de l'obtention de son emploi. Au départ, son intention était de faire un stage, c'est cette intention qui lui a permis de décrocher un emploi. C'est dire que même si FSE30 déclare n'avoir pas eu recours seulement à un stage, il reconnaît que c'est par l'intermédiaire de ce dernier que le travail a été obtenu, même si le réseau relationnel a davantage de liens directs avec l'embauche. Il est vrai que d'un certain point de vue, ce sont les relations qui semblent avoir davantage d'influence lors de la recherche de l'emploi. Toutefois, une analyse basée uniquement sur les niveaux d'intensité des relations ne suffit pas pour comprendre les démarches qu'un diplômé entretient avec son réseau relationnel en ce qui concerne l'insertion professionnelle. En effet, il faut prendre également en considération les rapports d'amitié qui existent entre le diplômé et ses collègues de

9 «Depuis ma classe de 12ème année (équivalent au niveau collégial), compte tenu de ma situation, il fallait que j'ai de l'emploi pour pouvoir subvenir à mes besoins. Alors j'ai commencé très jeune, j'ai travaillé dans les usines de plastique où je faisais des dessins, où j'imprimais de la peinture, c'est à dire mettre un peu d'art sur les chaussures pour que ça soit bien vendu. Après la 12ème année, j'avais mon grand frère qui avait un atelier de sérigraphie, c'est un atelier qui fait, l'impression des images sur les tricots, qui fait des banderoles, qui fait des panneaux publicitaires pour les sociétés. J'ai toujours gardé le contact travailleur et commercial. J'allais voir les sociétés, leur proposer les produits que nous faisions. Donc elles (les sociétés) m'ont connu dans ce sens. Quand elles avaient besoin de moi, elles m'appelaient et je faisais leur boulot. J'ai toujours gardé ce même boulot (travail) jusqu'à l'université. A l'université, à mes débuts, je suis passé par la Shell où j 'avais été pompiste pendant six mois, et après ma période de six mois, j'ai été le responsable d'une station service. Et quand les études ça ne marchait pas bien, j'ai démissionné du travail. Quand j'étais en dernière année d'études universitaires, j'ai organisé une quinzaine commerciale avec un monsieur qui venait d'ouvrir un centre commercial. Et ce monsieur m'a proposé le poste d'assistant. A ce poste, je m'occupais de tout ce qui était gestion des boutiques, gestion des commerçants et tout ce qui est administration : payer les impôts, l'électricité, l'eau, le personnel. J'ai passé pratiquement trois ans là. C'est la somme de tous ces petits boulots qui m'a permis de connaître pas mal de personnes dans le milieu de travail».

promotion. En effet, FSE30 a réussi son insertion suite à une recommandation du père de son amie de classe.

Dans le cas de FSE30, qui a obtenu son emploi sans durer dans le stage, l'influence du réseau relationnel est assez perceptible. Par conséquent on peut établir un lien entre le rôle des stages et les appuis des amis dans les embauches. Il arrive souvent que des diplômés combinent stages et réseau dans le but de décrocher un emploi. La combinaison de ces différents paramètres pour leur insertion est la conséquence de l'inadéquation formation/emploi qui caractérise les pays africains.

Par exemple, l'étude de Lachaud (1994), réalisée au Mali, indique que le déséquilibre formation/emploi affecte le marché du travail de sorte qu'il n'absorbait au cours des années 1990 qu'entre 30 et 50 pour cent des diplômés de l'enseignement supérieur. Les plus faibles taux d'absorption étant relatifs aux formations générales, encore que certaines formations techniques ne soient pas épargnées. Comme c'est le cas en particulier des diplômés de la Faculté des Sciences de l'Université de Conakry où l'insertion sur le marché de travail est problématique. A titre d'illustration, dans notre étude, les diplômés de la Faculté des Sciences sont les plus touchés par le chômage. Par exemple sur les 20 diplômés de cette Faculté, 5 seulement sont en emploi (soit 25 % des répondants de ladite Faculté. Alors que 75 % sont encore à la recherche de leur premier emploi. Tandis qu'en Faculté des Lettres, sur les 20 diplômés retenus, 75 % ont un emploi. Habituellement, on est porté croire que les diplômés des sciences ont plus de possibilités d'insertion sur le marché de travail. Cependant, dans notre étude, les résultats des données indiquent que les répondants qui ont fait Lettres s'insèrent mieux. A notre entendement, cela pourrait s'expliquer à deux niveaux. Le premier est qu'en Guinée, les laboratoires de biologie, de chimie ou de physique sont peu développés sinon inexistants. Par conséquent, les diplômés des sciences éprouvent de difficultés d'insertion. Le second s'explique par le fait que, la plupart des ONG (employeurs potentiels) intervenant en Guinée s'intéressent beaucoup plus dans le domaine des sciences sociales.

Cette situation caractérisant la Guinée est présente ailleurs au Québec où l'insertion de certains diplômés est à plusieurs égards problématique, du moins elle est devenue en

cette fin de siècle plus complexe dans la mesure où les rapports formation/emploi se sont transformés de différentes manières (Trottier, Diambomba et Perron, 1995 : 196). Pour ces auteurs, souvent, la formation initiale universitaire ne peut trouver à s'actualiser, au moins sur le court terme. Tel est par exemple la situation au Québec où des proportions de diplômés de l'enseignement supérieur ne trouvent que des emplois précaires ou encore sans rapport avec leur formation10

On peut donc conclure à propos du rôle des stages que dans certains cas les perceptions des diplômés sont en conformité avec les réalités du marché de l'emploi guinéen. Sans stage, il est très difficile de faire son insertion professionnelle sur le marché de l'emploi. Toutefois, lorsque le diplômé a des relations, il peut être employé sans passer par un stage. Ainsi, on peut dire qu'un stage appuyé par un réseau relationnel conduit à une insertion facile.

6.2 LE POIDS DES RÉSEAUX DE RELATIONS DANS LE CONTEXTE GUINÉEN

Dans le contexte guinéen, le réseau relationnel comme on a commencé à le voir occupe une place importante lors de la recherche d'un emploi. D'une manière générale, les répondants ayant un emploi déclarent majoritairement avoir fait usage de leurs relations afin d'accéder à un emploi. Même ceux qui sont encore à la recherche d'un emploi comptent également faire usage de leurs relations si l'opportunité s'offre à eux. Dans l'une ou l'autre catégorie de ces répondants, le réseau relationnel constitue une ressource à l'insertion à côté des formations complémentaires et des stages effectués.

Cette réalité du marché de l'emploi guinéen semble corroborer la théorie de Kelley (1976 : 99) selon laquelle, la relation familiale donne un avantage certain dans la recherche de l'emploi. En Guinée, cet avantage se traduit par la possibilité de se faire offrir un stage en milieu de travail, le financement d'une formation complémentaire (en informatique, en anglais ou en gestion par exemple) ou la création de sa propre entreprise. Cette situation n'est pas spécifique à la Guinée. Une étude réalisée au Canada par Guédon (2000 : 80), confirme cette analyse en montrant que : « Les diplômés

10 Audet (1988), Relance du ministère de l'Éducation rappelle qu'en 1987, période de relative prospérité, seulement 54% des étudiants détenant un baccalauréat depuis deux ans avaient à la fois un emploi permanent et relié à leur champ de spécialisation.

soutenus par un milieu familial bien pourvu sur le plan socio-économique, ceux qui peuvent s'identifier à un père heureux au travail ou ceux qui savent utiliser les ressources mises à leur disposition sont en meilleure position d'insertion que les diplômés dépourvus de soutien social et contraints à se tourner vers des "jobines" de survie plus ou moins déviantes ». Cette position est partagée par certains auteurs comme Fournier (1997) et Gauthier (1990) qui soutiennent que les diplômés pénalisés par une histoire familiale tumultueuse, par des difficultés scolaires chroniques, courent plus de risque de s'exclure à long terme du marché de travail régulier. Il faut préciser que le réseau relationnel s'étend au-delà de la famille. A ce niveau, on peut distinguer deux catégories de répondants :

La première catégorie regroupe ceux qui ont obtenu un emploi par le biais de leur réseau relationnel qu'ils soient dans le secteur privé ou public. Pour les répondants, sans une relation amicale ou familiale, c'est très difficile d'avoir un emploi en Guinée. Il faut être recommandé ou avoir des parents qui soient bien placés ou encore une connaissance qui puisse apporter de l'aide comme le souligne FSE30 :

Moi particulièrement, si je n 'avais pas eu vent du concours, je suis sûr que je n 'allais pas apprendre qu 'il y avait un recrutement ici (lieu de travail). Et là aussi, si je n 'avais pas de connaissances (relations), c 'est sûr que je n 'allais pas réussir le concours ».

Ce phénomène d'usage de relation pour décrocher un emploi n'est pas propre aux diplômés guinéens. Des situations similaires ont été observées dans une étude faite au Mali par Piché et Antoine (1995). Les auteurs de cette étude révèlent que c'est à travers les réseaux sociaux, parentaux et culturels que les jeunes diplômés parviennent à s'insérer sur le marché urbain de Bamako. L'étude de Badji (1997 : 51) sur le « devenir professionnel des étudiants de la Faculté des sciences économiques et de gestion » révèle également qu'à Dakar, trouver du travail nécessite beaucoup de connaissances pratiques sur le marché de l'emploi, sur les pourvoyeurs potentiels d'emploi et sur les personnes influentes. Cela suppose l'établissement d'un réseau de relations susceptibles de donner des informations indispensables.

La seconde catégorie regroupe les répondants n'ayant pas encore de l'emploi mais qui envisagent de faire usage des relations pour leur insertion. Ils considèrent

indépendamment de leurs formations universitaires et des compétences dont ils disposent, que sans les relations, les "chances" de trouver un emploi sont faibles. Si certains répondants pensent seulement faire usage de leurs relations, d'autres vont plus loin pour expliquer l'impact du réseau relationnel sur le marché de l'emploi guinéen tout en dénonçant certaines attitudes qu'ils considèrent inconcevables telle que la relégation au second plan du volet formation au profit de la primauté des relations qui conduisent souvent à des pratiques de népotisme comme l'explique HSC24:

« Je connais un ami, il a fait un test, c 'était pour occuper un poste vacant d'expert comptable. L 'expert comptable était rentré, il fallait le remplacer par un guinéen. Un test formel a été organisé, mais il se trouve que son père était un haut responsable du ministère dont relevait l 'entreprise en question. Donc l 'ami a été "pistonné" comme on le dit vulgairement et aujourd 'hui il occupe ce poste, il est très bien payé avec une voiture de commandement à sa disposition, un chauffeur sans compter d'autres avantages. Alors qu 'en réalité, il n 'a pas les compétences requises pour exercer cette fonction. C 'est dire que le volet formation n 'est pas en Guinée le volet le plus important, il faut aussi avoir des relations, des relations très solides sinon il est pratiquement impossible d'avoir du travail ».

Cette situation caractérisant les diplômés universitaires guinéens est présente ailleurs comme au Mali où certains diplômés font appel à la < solidarité familiale » pour accéder à un emploi. D'ailleurs, l'étude de Gérard (1997) portant sur < Marginalisation et recherche d 'intégration des "jeunes diplômés "Bamakois au chômage » démontre le besoin de relations pour les diplômés dans leur insertion professionnelle. Cette étude révèle que 81,6% des jeunes interrogés estiment que, sans les relations, on ne peut pas trouver de travail à Bamako; 5 8,5% des diplômés qui travaillent ont obtenu leur emploi par ce moyen.

Pour le cas spécifique des diplômés de l'Université de Conakry, suite à plusieurs déceptions en rapport aux résultats du test de recrutement, certains répondants considèrent désormais les relations ou les moyens financiers comme l'unique possibilité pour accéder à un emploi en Guinée. Nous reviendrons plus loin sur cet aspect des moyens financiers qui constitue une forme de corruption généralisée dans le marché du travail guinéen et par conséquent un handicap à surmonter par les diplômés en quête du premier emploi.

Si une proportion importante des interviewés met l'accent sur la portée des relations pour décrocher un emploi, il faut cependant, noter des exceptions. Car, les diplômés qui ont obtenu un emploi sans passer par un réseau relationnel le mentionnent avec fierté en précisant quand même le rôle des formations et stages:

«Moi personnellement je n 'ai pas eu de relations. Je me suis débrouillée toute seule avec ce que j 'ai eu à faire comme formations et stages. C 'est grâce à ça (formations et stages) que j 'ai eu cet emploi là aujourd'hui. Je n 'ai bénéficié d'aucune relation, que ça soit de la part des amis ou des parents » (FSE29).

Enfin, d'autres interviewés, même s'ils ont décroché leur emploi par un simple dépôt de dossier, ne manquent pas de mettre l'accent sur le poids des relations en Guinée. Certains vont jusqu'à distinguer deux modes communément utilisés par les diplômés à savoir : les relations parentales et les jeux d'influence assortis d'argent. A propos de ce dernier, des répondants font état de l'existence de la corruption en soutenant que des emplois sont obtenus parfois sur paiement de pots de vin. Ce qui revient à dire que les diplômés qui n'ont pas de moyens financiers ou de soutien de la part des réseaux, ne peuvent rien faire face à la concurrence quand on sait que les sommes d'argent fréquemment sollicitées sont trois fois supérieures à celles d'un salaire mensuel d'un cadre supérieur de la fonction publique guinéenne.

Par exemple en ce qui concerne les tests de recrutement, selon nos interviewés, on demanderait entre 500 000 et 1 million de FG11 pour trouver un emploi dans le secteur public. Toujours selon nos répondants, une fois que la somme demandée est acquittée, plus besoin de se soucier du déroulement du concours. Ce qui compte c'est de savoir à qui donner, à quel moment le donner, un arrêté ministériel sortira pour indiquer que le diplômé est employé.

Aussi, d'après eux, cette attitude est justifiée par les conditions socio-économiques précaires qui caractérisent particulièrement Conakry la capitale guinéenne. En effet, les répondants jugent que les bas salaires des fonctionnaires pousseraient ces derniers à la corruption lors d'organisations de concours de recrutement. Ces pratiques confirment de nouveau l'usage de la corruption et du népotisme qui caractérisent les administrations

11 Environ entre 407 et 814 dollars canadiens au moment de notre collecte de données (novembre 2001).

des pays en voie de développement en général et celle de la Guinée en particulier. C'est ce que Badji (1997, ibid.) qualifie à Dakar de "genre de pratique" qui a favorisé la titularisation de personnes parfois incompétentes à des postes stratégiques. Ce qui ne manque pas d'avoir des répercussions négatives sur la compétitivité, l'efficacité ainsi que la validité de ces structures économiques.

L'interprétation des données de la présente section permet de conclure que près de 56 % des répondants sont unanimes sur l'influence des réseaux relationnels en Guinée. On constate que les perceptions des répondants et singulièrement celles des personnes ayant obtenu de l'emploi sont similaires avec les conceptions de ceux qui n'ont pas encore d'emploi.

En effet, les réseaux de relations et les formations complémentaires ont des impacts dans le contexte guinéen lors de la recherche de l'emploi. En exemple, cinq fils de commerçants (62,5 %) sur 8 sont en emploi. De même, quatre sur sept des diplômés dont le père est cultivateur (soit 57,14 % de cette catégorie) sont en emploi. Ce taux d'insertion de ces deux catégories peut s'expliquer par le fait qu'elles font appel aux réseaux de relation combinés aux formations complémentaires. En outre, les données du tableau ci-dessous illustrent cette situation. Sur 21 diplômés occupés, sept (33,33 %) ont eu leur emploi à travers leurs relations, cinq (23,80 %) à la suite des réseaux combinés aux formations complémentaires, sept (33,33 %) à partir d'une formation complémentaire et deux (9,52 %) ont décroché leur emploi en postulant directement. Les relations et/ou les formations complémentaires sont très déterminantes en Guinée pour trouver du travail. Comme l'ont si bien dit d'ailleurs des diplômés " les relations sont privilégiées au détriment de la compétition. Elles priment sur la compétence; on use d'abord de celles-ci avant de faire jouer la compétence".

Tableau 4 Répartition des diplômés en emploi selon le mode d'obtention de l'emploi

Mode d'obtention de l'emploi

Effectif

%

Par les réseaux sociaux

7

33,33

Par les réseaux sociaux + formation complémentaire

5

23,80

Par formation complémentaire

7

33,33

Ont postulé directement

2

9,52

Tout d'abord, la mise à contribution des relations pendant la quête d'emploi est fortement conseillée, cette démarche devant s'effectuer bien avant la fin des études. La préparation du point de "chute" se fait le plus souvent pendant les études. Dans la même optique, certains répondants comptent seulement sur l'appui des réseaux afin d'accéder au marché de l'emploi. Par ailleurs, les répondants sont quasi unanimes à admettre que la mise à contribution des réseaux se fait régulièrement sur le marché de l'emploi guinéen comme l'illustre l'extrait suivant :

« J'ai participé récemment à un concours de recrutement à la fonction publique, les sujets donnés étaient très faciles pour moi en plus, je sais que j 'ai bien traité les sujets. Confiant, je n 'ai même pas voulu faire des démarches parallèles. Quelle a été ma surprise, lors de la publication des résultats j 'ai vu des gens qui avaient abandonné l'école il y a près de 10 ans [...] et qui étaient admis ou des gens qui n 'ont pas fait l 'option qui se retrouvent admis finalement. Je me suis dis que ce sont les relations. Effectivement tous mes amis qui furent admis, soit ont des parents au Ministère de l 'Éducation nationale ou bien ils ont des parents au niveau de la fonction publique» (HLE19).

En d'autres termes, l'appartenance aux réseaux des relations des familles exerce une influence décisive sur les trajectoires professionnelles des diplômés du système universitaire guinéen. Pour le cas spécifique de l'Université de Conakry, cet avantage se traduit par la possibilité de se faire offrir un stage en milieu de travail, le financement d'une formation complémentaire. Car, en Guinée, le système de réseau familial est encore déterminant lors de l'accès au premier emploi. Cela diffère de ce qui se passe dans les pays développés comme le Canada où le réseau familial est nettement moins déterminant pour accéder à un emploi ou à une formation.

Lorsque l'on fait référence aux propos des diplômés et surtout à ceux qui sont sans emploi, on comprend vite que l'utilisation de réseaux familiaux ait à la fois une portée tant sociale qu'économique. Dans la situation du premier emploi, le répondant et sa famille sont confrontés à des paramètres sociaux importants. Pour la famille, c'est entres autre la perpétuation du réseau relationnel et la survie économique de la famille qui sont mis en cause alors que pour le diplômé, c'est son statut social qui se modifie pour s'améliorer (surtout quand il s'agit d'un emploi à durée indéterminée). Mais la portée sociale de l'emploi du diplômé se vérifie aussi sur la base de son autonomie vis à vis de ses parents et de sa contribution à l'épanouissement du réseau relationnel.

En effet, en Guinée, les réseaux de familles constituent l'une des principales ressources pour accéder à un emploi. Cette lecture sociologique du rôle du réseau familial dans l'accès à l'emploi est partagée par Paul et Renaud (1976), qui défendent l'idée selon laquelle un fils qui vient d'une famille de statut élevé obtient des ressources économiques dont il se sert pour acquérir une éducation, de l'équipement et des réseaux de relations. Cette situation est présente en Guinée et dans beaucoup d'études africaines (Fall, 1992 ; Gérard, 1997 ; Badji, 1997). Même si dans la perspective de Granovetter (1992) ce sont les "petits liens" qui sont plus déterminants que le réseau familial.

D'ailleurs, certains auteurs, comme Vinokur (1995), font remarquer que les facteurs comme le parcours scolaire, le niveau et le type de diplôme n'expliquent pas tout dans l'accès au premier emploi puisque des personnes ayant le même cursus scolaire peuvent avoir des parcours professionnels différents. Ainsi, pour Vinokur (1995), à niveau de diplôme identique, l'accès à l'emploi des jeunes issus de milieux favorisés/et ou ayant des relations se passe dans de meilleures conditions comparativement aux autres jeunes. En fait, il semble se dégager que l'origine sociale traduit implicitement la capacité à recourir à des réseaux professionnels, familiaux ou amicaux constitués par l'entourage familial pour accéder au premier emploi.

Cette lecture met donc au centre de la réflexion le réseau familial et son rôle dans le rythme de l'insertion professionnelle des individus et de leur ascension sociale. Selon les termes de Passeron (1970 : 27) :

« Tout sous système familial joue un rôle essentiel dans le processus d 'insertion à l 'emploi en modelant les ambitions de chaque membre de la famille au statut social familial. La famille détermine donc, en première instance, l 'accès et, par la suite, le maintien à l 'emploi. L 'emploi, à son tour, fournit des compétences et prépare les individus dans l 'occupation des positions sociales disponibles ».

Pour le cas de la Guinée en général et de l'Université de Conakry en particulier, les diplômés ont des chances différentes de réussir leur insertion. Par sa position sociale, ses capitaux (culturels et financiers) et sa structure, le réseau familial et/ou relationnel joue effectivement un rôle capital. Il continuera à apporter un appui important pendant la formation, par la mobilisation des ressources, mais pendant la recherche de l'emploi par la mobilisation d'autres types de ressources. Les données dans le tableau 4 montrent que les répondants ayant bénéficié d'une formation complémentaire soutenue par une relation s'insèrent plus facilement que les autres.

Une autre forme de manifestation des réseaux sociaux d'insertion pour les diplômés c'est le "piston". Est-ce que les affichages ou les communiqués radio aident à la recherche de l'emploi? A cette question, plus de 3/4 des répondants affirment que les annonces dans les journaux et les communiqués radio ne permettent pas l'accès à l'emploi. Ils invoquent, entre autres arguments, le délai très court entre le moment où ces annonces sont publiées et le jour de l'organisation du test. Ensuite, ils considèrent que les candidats qui ont des appuis sont informés très tôt de façon informelle et ont le temps nécessaire de se préparer au dit test sans compter les recommandations faites en leur faveur par les organisateurs du test de recrutement. C'est pourquoi les répondants qualifient ces annonces et communiqués de simples formalités pour légitimer des choix préalables dans la mesure où les admis sont connus d'avance. L'extrait ci-dessous illustre bien ce genre de pratique sur le marché de l'emploi guinéen :

«En Guinée, les annonces dans les journaux et les communiqués radio, ne sont que des simples formalités, parce que dans la pratique les places offertes au niveau d'un département ministériel ou d'une entreprise sont déjà destinées à des personnes. Par conséquent, l 'information donnée n 'est là que pour légitimer des emplois déjà attribués. Ainsi, ceux qui viennent là, font tout juste le test pour la

forme, mais en réalité ceux qui ont donné de l 'argent ou ceux qui ont des parents bien placés sont déjà pris par avance» (HLC12).

Ce phénomène de "pistonnage" en Guinée est présent dans des études comme celle de Bocquier et Fall (1992) effectuée au Sénégal. Les auteurs de cette étude résument cette situation en ces termes : «Dans un contexte de raréfaction de l'offre d'emploi, les jeunes diplômés sont contraints de faire appel à des relations de plus en plus proches, en l'occurrence les relations de parenté». L'étude de Badji (1997 : 51) à Dakar, arrive à la conclusion que tous les diplômés qui n'ont pas utilisé ce moyen affirment qu'ils n'ont personne pour les "pistonner". Ailleurs, c'est ce que Granovetter (1974, 1995) appelle les ponts (bridges) qui relieront les groupes et feront passer l'information entre eux. Ces réseaux sont effectivement intéressants parce que moins coûteux, plus riches et plus détaillés en informations et plus fiables.

CHAPITRE VII : LES FORMATIONS COMPLÉMENTAIRES ET LEUR RÔLE DANS L'ACCÈS À L'EMPLOI DES DIPLÔMÉS

Dans ce chapitre, nous présentons successivement les types de formations complémentaires, les coûts de ces formations, les compétences acquises, l'accès aux formations et enfin le rôle des formations dans l'accès à l'emploi. Les données ont montré que les points de vue des diplômés sur certains points correspondent parfaitement alors que sur d'autres points cette correspondance n'est que partielle, quelques fois différente. Par exemple, en ce qui a trait à la nécessité des formations en informatique, en anglais et en comptabilité-gestion; aux rôles des stages dans l'accès à l'emploi, les perceptions des interviewés convergent.

7.1 LES TYPES DE FORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Pour la majorité des interviewés, les données montrent l'importance accordée par les diplômés à compléter leurs formations principales afin d'élargir les chances d'insertion. Dans ce cadre, les types de formations complémentaires les plus sollicités sont l'informatique, l'anglais, la comptabilité ou encore la gestion. Tous mettent l'accent sur la nécessité de faire ces formations pendant ou après les études universitaires. Ce point de vue est partagé non seulement par ceux qui sont en emploi, mais aussi ceux qui sont au chômage encore.

Trois types de formations sont à distinguer. D'abord, il y a ceux qui ont fait informatique et anglais ou qui comptent le faire. Ensuite ceux qui ont fait comptabilité-gestion, enfin, ceux qui ont fait des formations particulières en pédagogie de l'enseignement (HLE3) ou en langue allemande (FSC39 et HSE34).

Dans le premier cas, l'informatique et l'anglais sont considérées comme indispensables pour pouvoir entrer sur le marché du travail guinéen. Ce qui expliquerait que certains diplômés fas sent des formations complémentaires parallèlement aux cours universitaires. Cependant, il n'est pas toujours évident de les cumuler et d'arriver au bout comme l'explique HLE11 :

« Pendant mes études universitaires, je suivais parallèlement des cours d'anglais et d'informatique qui ont été bloqués à un moment

donné faute de moyens financiers parce que je n 'avais personne qui me prenait en charge. Pourtant, ces genres de formation peuvent bien aider pour la recherche de l 'emploi et cela compte tenu de mes expériences sur le terrain à la recherche de l 'emploi. Partout oil je suis passé, les employeurs ont exigé la formation en anglais et en informatique».

Si certains ne parviennent pas à cumuler la formation universitaire et les formations complémentaires, d'autres le font correctement et parviennent à trouver un emploi. C'est le cas de HLE14 qui, d'ailleurs, a fait de multiples formations comme la comptabilité gestion, l'informatique. C'est pourquoi, l'apprentissage de l'outil informatique et l'anglais est primordial dans la formation des jeunes diplômés parce tout passe actuellement par l'informatique. Donc ce manque à gagner doit être rattrapé dans la mesure où les diplômés ne peuvent se passer de ces deux éléments.

Cependant, en raison du caractère payant de ces formations, l'accès est très limité. Par exemple pour apprendre un logiciel comme Word, le diplômé doit payer 50 000 FG pour une durée de formation d'un mois. Quand il s'agit des trois logiciels (Word, Excel et Access) les plus sollicités, le paiement est de 150 000 FG12. C'est dire que ce ne sont pas tous les étudiants qui ont cette possibilité de pouvoir s'acquitter d'un tel montant. Quelques répondants ont certainement eu de la chance en faisant un stage dans un endroit où il y avait des ordinateurs mis à leur disposition. Par contre, pour ceux qui n'ont pas eu une telle chance, il serait important que les universités, les différentes Facultés prennent les dispositions pour pouvoir faciliter l'accès à cet outil non seulement incontournable dans la formation des étudiants mais aussi lors de la recherche de l'emploi.

Dans le second cas, il y a ceux qui ont fait la comptabilité-gestion, "l'esprit d'entreprise"13 ou qui comptent le faire dès que possible. Pour beaucoup d'entre eux, la multiplication des formations favorise l'insertion professionnelle sur le marché de travail. Pour cette catégorie de répondants, les formations complémentaires constituent des atouts indiscutables pour décrocher un emploi en Guinée. Parmi eux, il y en a qui

12 Soit 41 dollars canadiens (un dollar canadien = à 1 228 FG environ pendant la période de notre enquête).

13 L'esprit d'entreprise est une formation initiée par l'USAID en Guinée qui a pour objectif de conduire les diplômés à l'auto-emploi.

pensent que le fait d'avoir eu le courage de faire ces formations supplémentaires, leur a permis d'échapper au régiment de diplômés sans emploi.

Dans le troisième cas, les répondants ont fait des formations particulières en pédagogie de l'enseignement (HLE3) ou la langue allemande (FSC39 et HSE34) cela indépendamment de l'apprentis sage de l'informatique. Dans ce groupe, se confirme davantage la nécessité de varier les formations complémentaires afin de s'adapter au marché de l'emploi. Comme le précise l'extrait ci-dessous :

« Quand j 'étais à l 'université, je me suis débrouillé pour obtenir une formation en psychopédagogie ça c 'est pour qu 'à la fin de mes études universitaires je puisse me lancer dans l'enseignement. Elle m 'a permis surtout de m 'orienter sans attendre longtemps à la carrière enseignante. Ainsi, j 'ai pu m 'insérer dans l 'enseignement dès ma sortie » (HLE3).

Dans d'autres cas, les diplômés apprennent la langue allemande comme formation complémentaire estimant qu'elle les aidera à trouver de l'emploi. En effet, en Guinée, il y a des sociétés qui favorisent le recrutement en leur sein de diplômés qui ont la maîtrise de la langue allemande comme la société d'importation de véhicules GETMA. Ce fut la chance de HSE34 par exemple qui après une formation en Allemand a pu décrocher un emploi.

Rappelons que la GETMA est une société qui importe en Guinée des véhicules en provenance du port de Hambourg en Allemagne. Ainsi, tous les connaissements se font en langue allemande. Dès lors, la compréhension de cette dernière constitue un atout pour trouver de l'emploi au sein de cette société. Il peut aussi arriver que des diplômés apprennent l'allemand pour d'autres fins, soit pour travailler dans une ONG allemande installée en Guinée : la GTZ, soit pour des études à l'étranger.

En effet, les étudiants qui postulent pour mener des études universitaires en Allemagne, devraient avoir des notions de base de la langue allemande. C'est la raison pour laquelle ils s'intéressent à cette formation complémentaire car ils pensent que leur insertion sera plus facile après des études à l'étranger.

En somme, s'il y a plusieurs types de formations complémentaires que les répondants ont eu à faire ou comptent faire, afin d'élargir leurs chances d'insertion professionnelle, celle de l'informatique reste prioritaire chez tout le monde suivie de l'anglais et de la comptabilité. Ensuite viennent en dernière position les formations en pédagogie de l'enseignement et la langue allemande.

7.2 LE CALENDRIER DES FORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

De manière générale, les interviewés accordent une place importante aux formations dans l'optique que ces dernières faciliteront leur insertion sur le marché de travail, cependant, les avis sont partagés quant aux meilleurs moments de faire ces formations.

Pour les uns, le moment idéal pour faire les formations, c'est pendant le cursus universitaire car à la sortie, les diplômés sont beaucoup plus préoccupés par la recherche de l'emploi que par d'autres formations additionnelles. C'est pourquoi certains répondants pensent que le moment idéal, c'est pendant les études universitaires. D'un autre point de vue, on peut dire que si les étudiants bénéficiaient de ces formations, cela aurait facilité leur insertion professionnelle, ensuite cela leur aurait permis de se consacrer à la recherche de l'emploi car les répondants pensent qu'après les études, ils ont d'autres choses à faire, et sont souvent très occupés par la recherche de l'emploi pour faire en même temps des formations de longue durée.

D'autres pensent que le fait de faire les formations complémentaires en même temps que les études universitaires conduit immédiatement après la sortie à l'obtention de l'emploi comme l'explique FSE30 :

« Pendant que j 'étais étudiante, j 'ai fait de l 'informatique et "l 'esprit d 'entreprise ", j 'ai cumulé les deux, après mes cours normaux je prenais des cours du soir, ça c 'était en 4ème année et d 'ailleurs c 'est ce qui m 'a beaucoup aidé pour avoir le boulot (le travail) que j 'ai maintenant ».

De plus, les répondants de cette catégorie estiment que l'acquisition des formations dans le cadre du cursus universitaire constituent un atout et élargit en même temps les chances d'insertion professionnelle et éviterait par la même occasion de payer des coûts supplémentaires que certains d'entre eux ne sont pas en mesure de couvrir. Nous l'avons

souligné dans la section précédente que les formations sont généralement coûteuses pour les diplômés.

Dans cette catégorie, certains répondants vont jusqu'à réclamer que les Facultés intègrent lesdites formations dans les programmes officiels de l'université :

' Une formation en informatique ou en anglais est un atout pour un étudiant en quête de premier emploi par ce que la langue fondamentale de nos jours c 'est l 'anglais et puis l 'informatique est un outil de travail, et d 'ailleurs, j 'exige aux autorités de faire apprendre la langue anglaise et l 'inform atique dans nos institutions d 'enseignement supérieur» (HSE34).

Pour les autres, la période la mieux indiquée pour faire les formations complémentaires, c'est après les études universitaires car les répondants estiment que le programme d'étude universitaire est lourd de sorte qu'il est difficile d'adjoindre une autre formation comme l'illustre l'extrait ci-dessous:

' Je pense pour ce qui est de mon cas, j 'ai appris l 'informatique et l 'anglais après mes études. Donc quand j 'étais à l 'université, j 'ai évolué strictement dans le cadre des études universitaires et c 'est après que j 'ai fini mon cursus universitaire que j 'ai eu à faire d'autres formations parce que avant on faisait des cours de révision à la maison, on s 'occupait un peu de la maisonnée, des travaux de ménage, le lendemain, on avait les cours jusqu 'à 15h. Après il faut encore aller dans les bibliothèques. Pratiquement le programme universitaire ne permettait pas une autre formation » (FLC7).

Si dans cette catégorie, certains répondants préfèrent la fin des études pour les formations supplémentaires parce qu'ils estiment que les programmes universitaires sont incompatibles avec d'autres formations, d'autres par contre préfèrent les effectuer après les études tout simplement parce qu'ils ne disposent pas de moyens financiers pour faire face à ces formations. C'est à dire qu'il leur faut finir les études, se trouver un travail qui leur rapporte de l'argent afin de faire des petites économies et pouvoir financer lesdites formations.

7.3 LES COMPÉTENCES ACQUISES APRÈS LES FORMATIONS

Les répondants qui se sont prononcés sur la question concernant les compétences acquises après les formations complémentaires en informatique qui est surtout l'apprentissage de l'usage de l'ordinateur et de quelques logiciels, ont majoritairement répondu être capables de faire du traitement de texte, de saisir et d'analyser des données d'enquête à partir d'Excel. Un sentiment de satisfaction et de confiance se dégage surtout dans le cas de saisie et de traitement des données d'enquête.

Si de façon générale les interviewés ont des compétences dans les logiciels comme Word et Excel, rares sont ceux qui disent avoir la maîtrise des logiciels de traitement des bases de données comme par exemple Access. Cependant, ceux qui ont la maîtrise de ce dernier l'affirment avec satisfaction :

' Aujourd'hui, avec ces formations, je peux créer une base de données d'Access et assurer l 'exploitation, faire des calculs statistiques et analyser certaines données statistiques » (HSC28).

Parmi ceux qui ont pu recevoir une formation en informatique, un seul répondant affirme être à mesure de faire des traitements de données sur SPSS. L'apprentissage de ce logiciel se fait généralement en Faculté des Sciences si un étudiant par exemple, éprouve la nécessité de travailler sur des données statistiques pour son mémoire. L'extrait suivant l'illustre :

' J'ai eu à suivre une formation particulièrement en SPSS parce que là il fallait un complément de cours dans ce logiciel pour pouvoir traiter mes données statistiques. Or mon mémoire portait sur des données statistiques. J'ai appris ce logiciel à travers le laboratoire statistique et d'analyse de données (LASAD) où je faisais mon stage. J'ai fait le traitement de toutes mes données du mémoire de fin d'études sur le logiciel SPSS, ce qui m 'a permis d'avoir des compétences sur ce logiciel » (HSC25).

De manière générale, les formations en informatique sont basées sur les logiciels de bureautique, cependant, certains répondants de la Faculté des Sciences suivent des formations dans des logiciels de scientifiques selon leur intérêt futur ou domaine de stage tels que : Mathématica, Labio et finissent par obtenir des compétences dans ces

logiciels qui facilitent l'obtention d'emplois dans les projets ou ONG implantés en Guinée.

Au delà des formations aux logiciels bureautiques, d'autres répondants ont élargi leurs compétences informatiques en cherchant à maîtriser la navigation et la recherche à partir du net. «Aujourd'hui, je ne suis pas un professionnel en la matière (recherche sur Internet), mais je me vante avoir navigué et de pouvoir tirer des informations sur le Net à partir de ces nouvelles technologies » commente HLE3. La crainte du chômage après les études conduit souvent les diplômés à multiplier les formations et d'avoir des compétences afin d'élargir leur chance d'insertion sur le marché de travail. En plus, comme l'a constaté Barry (2000), c'est sur le conseil des parents instruits que les diplômés se lancent dans de multiples formations.

Concernant les compétences en anglais, tous ceux qui ont pu bénéficier de cette formation, dans la majorité des cas affirment se débrouiller dans la langue. Trois seulement disent avoir la maîtrise de cette dernière. D'ailleurs deux parmi les trois ont trouvé de l'emploi grâce à la maîtrise de l'anglais qui a été déterminant lors de leur test de recrutement. A notre avis, beaucoup de diplômés apprennent l'anglais, mais peu ont la compétence lors d'une entrevue ou d'un test d'embauche. Ceci constitue un handicap majeur dans l'accès à l'emploi en Guinée où la plupart des projets et ONG mettent l'anglais comme premier critère dans leur offre d'emploi. Ce qui est paradoxal, puisque la Guinée est un pays Francophone et la langue de travail, le français. Ainsi, c'est comme si l'exigence de l'anglais constituerait une autre épreuve à franchir pour les diplômés en quête du premier emploi.

Quant aux formations liées à la pédagogie de l'enseignement, tous ceux qui ont bénéficié d'une telle formation reconnaissent avoir obtenu de l'expérience et sont capables de donner un enseignement efficace dans les classes du secondaire. Rappelons que ces formations sont payantes, du fait que tous les diplômés n'ont y pas accès.

Enfin il faut dire que les compétences acquises sont liées aux qualités de formations reçues qui, elles mêmes, sont liées au coût de ces formations comme nous allons le voir

plus loin. Plus le diplômé passe par un paiement pour sa formation, plus la qualité y est. Par contre, plus il fait usage de ses relations, moins il acquiert de compétences.

7.4 LES COÛTS DES FORMATIONS

Dans l'ensemble, les données indiquent que les répondants qui ont suivi des formations complémentaires ont tous payé leur formation qu'elle soit en informatique, en anglais, en pédagogie ou en allemand. Cependant, les coûts varient d'un centre de formation à un autre. Pour payer moins cher, certains répondants combinent les moyens financiers et les relations dont ils disposent. De manière générale, les coûts varient entre 50 000 FG et 100 000 FG (entre 41 et 82 dollars canadiens environ) par logiciel selon les cas de figure. Les uns utilisent à la fois moyens financiers et relations (ils paient moins cher), les autres ne pouvant bénéficier de ces formations que par les moyens financiers (ils paient plus cher).

En moyenne le coût de la formation en informatique est de 50 000 FG par logiciel. Comme nous l'avons souligné plus haut, étant donné que les logiciels les plus utilisés sont au nombre de trois (Word, Excel et Access), cela signifie qu'un diplômé paie en moyenne 150 000 FG pour une initiation auxdits logiciels. Dans le cas où le diplômé ne dispose pas de relations, il peut payer jusqu'à 300 000 FG pour les trois logiciels nécessaires à son initiation. Un coût inaccessible, estiment les répondants car le montant est si élevé qu'il est supérieur quelques fois au salaire mensuel d'un cadre supérieur de la fonction publique guinéenne. Par conséquent inaccessible aux diplômés en situation de chômage. Ce qui explique que l'origine sociale ou le statut économique des parents est déterminant pour accéder à ces formations qui sont capitales lors de la recherche de l'emploi comme le précise l'extrait suivant :

« En ce qui concerne l 'informatique, chez nous ici (en Guinée), c 'est une nécessité. Alors, je cherche de l 'argent puisqu 'un intellectuel aujourd 'hui sans la maîtrise de l 'inform atique, c 'est un intellectuel paresseux. C'est l 'une de mes luttes permanentes, l 'initiation aux acquis informatiques. Le manque de moyens fait que je ne suis pas jusqu 'à présent dans la possibilité de faire cette formation supplémentaire, je n 'ai pas quelqu 'un qui peut m 'épauler dans ce sens. Raison pour laquelle d'ailleurs je suis dans une école privée oil je fais du sous-emploi. Le premier salaire que je vais percevoir sera

consacré à financer une formation en informatique. Si j 'étais formé largement dans le domaine de l 'inform atique, je suis sûr et certain que je serais plus chanceux dans mon insertion» (HLC 13).

Si la formation en informatique est considérée coûteuse par les répondants, celle liée à l'anglais et à la comptabilité-gestion coûte plus cher et nécessite plus de temps affirment les mêmes répondants. Ce qui explique en partie que seuls les diplômés ayant des parents qui ont des moyens financiers peuvent s'offrir une telle formation comme le confirme l'extrait ci-dessous :

' L 'anglais, ça pris disons de 1995 à 1998 comme cours du soir (2heures par semaine) c 'était 75 000 FG par trimestre. Ce qui représente beaucoup d 'argent et se sont mes parents qui ont assuré le financement pendant les trois ans. Cette formation en anglais m 'a permis de décrocher le boulot que j 'ai aujourd'hui » (FSE29).

Certains diplômés qui voient dans l'anglais un outil indispensable et qui ne disposent pas d'un soutien financier de la part des parents, utilisent des stratégies particulières pour accéder à la formation comme l'explique HLE3 :

' Je compte me lancer pleinement dans l 'enseignement. D 'abord je compte renouveler mon contrat de contractuel dans les lycées ensuite organiser des cours de soir afin de bénéficier des fruits (argent) des cours que je donnerai aux élèves. Là, je tiendrai à économiser l'argent que j 'obtiendrai afin que je puisse dans un, deux, trois mois plus tard financer les formations au moins une à une. Or, la formation en anglais pour qu 'elle soit rapide et efficace, il faudrait être dans un centre de formation et ça demande à peu près 80 000 FG par mois. C'est pourquoi il faut avoir ses propres stratégies d'épargne pour y arriver ».

C'est pourquoi d'ailleurs, même ceux qui ont déjà un travail cherchent à maîtriser ces deux outils de travail dans le but de conserver leur emploi. C'est le cas de deux répondants (5 % de notre échantillon) qui, dès la fin de leurs études ont pu obtenir un emploi sans passer par une formation en informatique ou en anglais. Mais pour conserver leur emploi, on exige qu'ils suivent une formation dans ce sens. Ce qui revient à dire que les coûts des formations n'échappent à personne et que c'est le moment qui varie d'un répondant à un autre. Ces formations peuvent être catégorisées en deux :

celles qu'on peut considérer comme simples (logiciels de Word, Excel) et les formations complexes telles que Access, SPSS et l'anglais qui exigeraient plus de temps.

7.5 L'ACCÈS AUX FORMATIONS

Sur la base des réponses de nos répondants sur la façon dont ils accèdent aux formations complémentaires, nous avons distingué trois modes : la mise à contribution du réseau relationnel, le financement propre des répondants ou leurs parents et les offres des Facultés (offres très rares).

S'agissant du premier mode, les répondants se servent des réseaux de relations dont ils disposent auprès des amis, des professeurs et surtout des parents pour accéder aux différentes formations. En effet, les relations jouent un rôle considérable en Guinée. Nous reviendrons en détail plus loin sur le poids des relations dans le contexte guinéen. C'est pourquoi, c'est à défaut de relations que les répondants ont recours aux deux autres modes comme l'illustre l'extrait ci-dessous :

« J'ai fait 9 mois de formation en informatique. C'était Windows, Word et Excel. C 'est mon père qui m 'a envoyé là bas. La boîte (le lieu de l'apprentissage) appartenait à ses amis et c 'est lui qui m 'a recommandé, donc je n 'ai rien payé pour faire la formation. Je peux dire c 'est par les relations des parents que j 'ai pu faire cette formation » (FLE6).

Certains répondants affirment avoir fait usage non seulement des relations qu'ils avaient avec leur professeur, mais aussi de l'autorité administrative de leur parent afin d'accéder aux formations dont ils avaient besoin. Le népotisme n'est donc pas exempt de l'accès à ces formations dans de nombreux cas. Étant donné que tous les diplômés ne sont pas dans les mêmes conditions face à l'accès aux formations complémentaires, c'est là qu'on saisit l'impact non seulement des réseaux de relations mais aussi du statut économique de la famille.

Dans le deuxième mode, les répondants accèdent aux formations soit par un financement des parents, soit par leur propre financement. Dans le premier cas, le financement intervient souvent dès la fin des études, tandis que dans le second cas, les répondants doivent attendre de trouver un travail rémunéré pour pouvoir économiser de l'argent afin

de financer ces formations ou bien se servir de leur pécule (bourse d'entretien) économisé au cours du cursus universitaire. Cela démontre que les diplômés tiennent à ces formations mais aussi l'importance de la maîtrise de ces dernières comme condition sine qua non pour décrocher un emploi en Guinée.

Quant au troisième mode d'accès aux différentes formations, il est récent au sein des Facultés. Les répondants disent qu'à ce niveau ils ont deux alternatives : la première est que les Facultés offrent gratuitement les formations en informatique; la seconde qu'ils y accèdent moyennant un paiement qu'ils trouvent abordable par rapport aux formateurs privés comme le précise HSC37 : « j 'ai payé par logiciel 30 000 FG, j 'ai fait Word, Excel et Access. J'ai fait cette formation au centre informatique de l'Université ». Cependant, il faut préciser que ces genres d'offres sont non seulement rares dans les Facultés, mais aussi que le temps alloué à la formation est souvent insuffisant pour permettre aux étudiants d'en avoir la maîtrise pour être compétitif sur le marché de l'emploi.

D'ailleurs, comme nous l'avons souligné plus haut, ces formations en informatique ne dépassent guère les logiciels de bureautique. En plus, il faut noter que même si les coûts des formations offertes par les Facultés sont considérés comme abordables par les répondants, ces derniers ne sont pas harmonisés. En fait, au niveau de chaque Faculté, il y a un prix différent pour les mêmes logiciels et les mêmes formations.

En ce qui concerne l'accès aux formations en anglais, comme dans le cas de l'informatique, les répondants, dans leur majorité, estiment que le temps alloué à l'anglais par les Facultés ne leur permet pas d'acquérir des compétences nécessaires. Par conséquent, à la fin de leurs études, ils se trouvent dans l'obligation de se tourner vers les centres privés afin d'être compétitifs sur le marché de l'emploi. Il faut rappeler ici que l'informatique et l'anglais sont considérées par les répondants comme des outils essentiels pour décrocher un emploi en Guinée. Il y a lieu de préciser ici que les diplômés n'ont pas d'ordinateurs. Ainsi, pour faire leurs formations, ils vont dans des centres privés. Or, au regard des besoins croissants des formations, les propriétaires allongent la durée de la formation qui, en principe ne devrait pas dépasser un mois afin de se faire de l'argent. En réalité, pour eux, plus la période de formation est longue, plus

ils se font de bénéfices. Sinon, il aurait fallu par exemple à un diplômé de payer la documentation nécessaire et faire l'autoformation en ce qui concerne les simples logiciels (tels Word, Power point) pour répondre aux exigences du marché de l'emploi guinéen.

7.6 LE RÔLE DES FORMATIONS DANS L'ACCÈS À L'EMPLOI

Sur la base des données colligées, les répondants, qu'ils soient en emploi ou au chômage, indiquent le rôle important des formations complémentaires dans l'accès à l'emploi en Guinée. C'est pourquoi à la fin de leurs études, ils se voient dans l'obligation de faire des formations additionnelles pour accéder au marché de travail, du moins prétendre accéder à ce dernier. Or, tous les répondants ayant obtenu un emploi sans une longue période de chômage, affirment que leur atout a été d'avoir suivi une formation supplémentaire pendant le cursus universitaire comme l'illustre l'extrait cidessous :

« Moi, l 'inform atique m 'a beaucoup aidé pour le boulot que je cherchais. On chercha it quelqu 'un pour la saisie inform atique des données des agences de la société qui m 'a employé et comme à ce moment j 'avais fait l 'inform atique, j 'avais un diplôme, c 'était un atout pour moi. Ça m 'a beaucoup aidé dans l 'obtention de mon emploi » (FSE30).

Selon les répondants, indépendamment de la formation principale universitaire et des relations dont ils peuvent disposer, sans les formations complémentaires, il serait très difficile, voire impossible de décrocher un emploi dans le contexte actuel de la Guinée. Il s'agit de la maîtrise de l'anglais (et du français évidement), la maîtrise minimale de l'utilisation des logiciels (traitement de texte, tableur, base de données etc.).

Cela dénote combien de fois ces formations ont un rôle très important dans la recherche de l'emploi pour un diplômé et d'ailleurs, le plus souvent quand il y a par exemple des appels d'offre d'emploi, il est question que les diplômés présentent des dossiers ayant trait à une autre formation qu'ils ont faite ailleurs. C'est pourquoi, bon nombre d'étudiants s'intéressent davantage à l'informatique, à l'anglais comme c'est le cas

aujourd'hui en Guinée partout où on demande des candidats, il y a ces deux compétences qui sont demandées indépendamment de la formation universitaire.

Même les répondants qui n'ont pas encore bénéficié des formations complémentaires pensent le faire dès que possible dans la mesure où elles constituent une alternative inévitable pour les diplômés en emploi ou en quête du premier emploi comme le précise HLE1 5 : « Pratiquement je n 'ai pas fait de formations complémentaires mais je pense faire une, surtout, je mise précisément sur la comptabilité-gestion car mon emploi actuel est lié aux finances ».

Dans une certaine me sure, les répondants s'accordent à admettre que le manque de formations supplémentaires constitue un frein dans l'accès à l'emploi notamment au niveau des ONG présentes en Guinée. En effet, la plupart de ces ONG privilégient dans leurs critères d'embauche la maîtrise de l'anglais et/ou de l'informatique, d'où la nécessité de faire ces formations comme l'explique l'extrait suivant:

« Le man que de maîtrise de l 'informatique, le man que de maîtrise de la langue anglaise constitue un handicap pour moi. Puisqu 'on est pas sans savoir que les produits scientifiques aujourd'hui sont en anglais. Quand bien même chez nous ici (la Guinée) c 'est un pays francophone, mais l 'apprentissage de l 'anglais peut conduire à une réussite de 60% sur le marché de l 'emploi particulièrement dans les ONG » (HLC 13).

En somme, il faut rappeler que si tous les répondants s'accordent de façon générale sur le rôle des formations complémentaires dans l'accès à l'emploi en Guinée, cependant, dans leur majorité, ils focalisent leur apprentissage sur l'informatique et l'anglais qui sont les plus sollicités par les employeurs. Ce qui suppose que les diplômés font ces formations en fonction de leurs objectifs de recherche d'emploi.

L'interprétation des données relatives à cette section permet de comprendre que les points de vue des interviewés sont similaires au niveau des deux Facultés quant à la nécessité des formations complémentaires afin de s'insérer sur le marché de l'emploi. Ainsi, le fait d'avoir une possibilité de faire une autre formation que la principale, donne des chances d'insertion. Autant chez les répondants de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines que ceux de la Faculté des Sciences, on s'accorde sur le fait que les

formations constituent une étape inévitable. Nous l'avons dit plus haut la majorité des interviewés ont en effet fait une formation complémentaire dans le but d'accroître les possibilités d'accès à l'emploi.

Si on tente d'approfondir les démarches des diplômés en ce qui concerne leurs formations et l'implication de leurs réseaux relationnels dans celles-ci, on doit se référer à l'ensemble des propos des diplômés ayant fait une formation complémentaire. En premier lieu, on constate que les diplômés, au cours des premiers mois de leur sortie, gardent l'espoir de trouver un emploi. Ainsi, un diplômé va commencer à s'intéresser davantage aux formations quand il va rencontrer des difficultés (exigences de connaissances des langages de base de l'informatique ou de l'anglais imposées par les employeurs) sur le marché de travail. C'est en ce moment qu'il fait intervenir les réseaux relationnels, en même temps il exploite son statut d'appartenir à une famille à statut élevé.

Cependant, aujourd'hui, certains diplômés prennent de plus en plus conscience de cette situation et n'attendent plus de rencontrer des difficultés sur le marché du travail pour suivre ces formations complémentaires. En exemple, les diplômés sortis entre 1997 et 1999 ayant fait une formation complémentaire ne représentaient que 10 %. Par contre, depuis 2000, quarante pour cent des diplômés ont fait une formation complémentaire en prévision des difficultés d'insertion sur le marché du travail (SPS, 2000). Concernant cette attitude des diplômés dans le processus permettant l'acquisition de la formation, nous donnons différentes raisons sur ce comportement prévalant en Guinée.

La période des tout premiers mois de la fin des études est foncièrement une période d'angoisse. En fait, le diplômé peut se voir le plus souvent refuser un emploi à cause de son inexpérience de travail ou de son manque de maîtrise de l'outil informatique. Par conséquent, il ne peut se prévaloir d'une garantie d'emploi aussitôt après la sortie de l'université. De plus, cette situation d'inquiétude met le diplômé dans une position de faiblesse car il peut être victime d'exploitation (sous-emploi, droits sociaux, etc.) : par exemple, l'employeur peut exiger une reconversion ou un stage non payant pendant plusieurs mois, voire des années. L'exemple le plus frappant en Guinée c'est la Radio

Télévision Guinéenne, il y a des diplômés qui ont fait déjà plus de deux ans de stage, ils ne sont pas employés.

Les données recueillies au cours des entrevues montrent qu'à l'Université de Conakry, dans le cas des diplômés dont les parents n'ont pas les possibilités financières, ils utilisent leur réseau relationnel (amis, professeurs, cousins, tantes, oncles etc.) pour bénéficier des formations complémentaires. Cette réalité du marché de travail guinéen n'est pas unique en son genre. Si on se rapporte par exemple aux écrits de Granovetter (1995) in "The Strength of Weak Ties", cet auteur précise que, le plus souvent, l'accès au marché de travail se passe beaucoup plus par des relations lointaines que des relations issues directement des parents. Par contre les répondants ne possédant pas un réseau relationnel ou non issus d'une famille à statut élevé, ont deux possibilités: la première consisterait à faire du sous-emploi afin d'épargner et faire ses propres financements. La deuxième quant à elle consisterait à renoncer aux formations complémentaires, conduisant généralement à un chômage chronique et/ou à l'exclusion du marché de travail.

Par ailleurs, après l'étape transitoire de trois, six ou neuf mois de formations supplémentaires, le diplômé cherche véritablement à confirmer ses compétences soit en informatique ou en anglais. En effet, c'est lorsque le diplômé sait faire du traitement de texte, saisir et analyser des données d'enquête que la plupart des employeurs songent à l'embaucher. De plus, la maîtrise d'Access et/ou de l'anglais fait l'objet d'une appréciation positive de la part des employeurs qui privilégient la gestion des bases de données et la compréhension de l'anglais.

Pour saisir cette situation, on doit dire que les entreprises guinéennes disposent de très rares analystes programmeurs. Ce qui explique en partie leur exigence de la connaissance des logiciels de gestion de bases de données. L'apprentissage de l'informatique et de l'anglais est donc une démarche importante pour le diplômé car l'acquisition de compétences entraîne des modifications importantes dans sa vie d'insertion professionnelle.

Cette situation présente en Guinée existe aussi dans d'autres pays comme le Canada où l'étude réalisée par Audet (1995 : 484) dans "Relance de l'Université de Montréal" montre que l'informatique occupe une place de choix car, d'après cette étude, les diplômés de la filière informatique, après 12 semaines de leur sortie ont une insertion de 100%. Cependant, il faut nuancer, qu'il s'agit ici des spécialistes de l'informatique, tandis qu'en Guinée il s'agit d'apprentissage de logiciels de base. Une autre étude réalisée par Piché et Ouédraogo (1995) au Mali, et au Sénégal confirme nos recherches faites en Guinée en montrant que, de manière globale, la maîtrise de l'informatique comme formation complémentaire constitue un atout d'insertion sur le marché de l'emploi.

En Guinée, les employeurs potentiels valorisent également d'autres formations (comptabilité-gestion, la recherche à partir du Net) lorsqu'il s'agit d'un domaine en rapport avec leurs entreprises. Toutefois, leurs points de vue divergent par rapport à internet. En effet, chez certains employeurs, la maîtrise d'Internet est une manière d'intégrer à long terme leurs activités à la mondialisation de l'information. Pour d'autres, une telle formation n'a rien à voir avec leurs entreprises.

Un autre point non moins important à souligner, c'est l'écart constaté entre la sortie de l'Université et la soutenance du mémoire. En fait, sans le diplôme, pas de possibilité de postuler à un emploi donc l'étudiant reste dans le chômage. Même après la soutenance de son mémoire, le diplômé est confronté à des lenteurs administratives pour l'acquisition de celui-ci. Ensuite, pour ces répondants, ils préfèrent se consacrer à des "stages pratiques" dans des entreprises afin d'obtenir une certaine expérience professionnelle. Cette «fameuse» expérience est régulièrement mise en avant dans les offres d'emploi.

Globalement dans cette partie consacrée à la présentation et l'interprétation des données, nous avons montré que les hypothèses de notre recherche se vérifient par rapport au rôle des formations complémentaires et au poids des réseaux de relation dans l'accès à l'emploi en Guinée. Par contre, à propos de l'origine sociale, les résultats de nos données montrent qu'elle a peu d'effet observable après l'entrée à l'Université.

CONCLUSION

Cette étude exploratoire avait pour but de comprendre l'insertion professionnelle d'un petit échantillon de diplômés du système universitaire guinéen formés à l'Université de Conakry. Ce mémoire a mis en relief quelques uns des procédés ayant le plus d'influence sur le passage entre les études et le marché du travail chez les diplômés universitaires guinéens. De plus, quelques archétypes d'insertion des diplômés ont été décrits en fonction de diverses variables objectives et subjectives.

Sur le plan de la problématique, l'analyse qui cible la sortie du système universitaire et l'insertion dans le marché du travail a été privilégiée. En fait, elle conduit à cesser de considérer l'insertion professionnelle comme un simple passage sans interruption du système universitaire au marché du travail. Elle signifie une conjugaison de situations allant de la formation principale, aux formations complémentaires et aux stages, à la recherche de l'emploi, à l'emploi, au chômage ou à l'exclusion (inactivité). L'analyse vient remettre en question le lien entre la formation reçue et l'emploi chez les diplômés universitaires guinéens. D'où l'éternelle question de l'inadéquation de la formation et de l'emploi.

Quand on considère le rôle de l'origine sociale, les résultats de l'analyse de nos données montrent qu'elle ne joue pas beaucoup sur le processus d'insertion des diplômés. Par exemple dans notre échantillon, force est de constater que sur les 22 diplômés (55% de l'échantillon total) issus d'une origine sociale aisée, la moitié est au chômage. L'origine sociale a probablement peu d'effet, passé l'entrée à l'Université. Même si pendant longtemps certains auteurs ont souvent affirmé que l'origine sociale est déterminante dans l'accès à l'emploi (Bourdieu et Passeron, 1970 ; Kelley, 1976). Dans notre étude, cette influence est loin de se manifester clairement.

Du point de vue des réseaux sociaux, nous avons souligné la pertinence des réseaux relationnels pour comprendre le processus d'insertion professionnelle des diplômés du système universitaire guinéen et particulièrement ceux de l'Université de Conakry. La quasi totalité des interviewés confirment dans leur discours le rôle des réseaux relationnels dans le contexte guinéen afin de décrocher un emploi. Les répondants sont aussi unanimes sur le fait que ces pratiques se font régulièrement sur le marché de

l'emploi guinéen et 56 % des interviewés soutiennent que les réseaux constituent un moyen efficace d'insertion professionnelle. Ce phénomène est accentué par la corruption et le "pistonnage". Ce qui permet d'arriver à la conclusion qu'en Guinée, les réseaux constituent l'une des ressources importantes pour accéder à un emploi. Ainsi, de façon générale en Guinée et de l'Université de Conakry en particulier, les diplômés ont des chances différentes de réussir l'insertion. Pour réussir, les réseaux jouent effectivement un rôle capital.

Du point de vue des formations complémentaires et des stages, comme on l'a montré plus haut, ce sont les diplômés de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines qui présentent la meilleure situation d'emploi après la sortie de l'Université. Contrairement à ce qu'on est porté croire habituellement que les diplômés de la Faculté des Sciences auraient dû avoir une meilleure insertion professionnelle par rapport à ceux qui ont fait Lettres, ils sont les plus touchés par le chômage. C'est pourquoi, la crainte du chômage après les études conduit souvent les diplômés à multiplier les formations et à acquérir des compétences afin d'élargir leurs chances d'insertion sur le marché du travail. Ainsi, l'analyse sur les besoins de formations complémentaires montre que contrairement à la logique habituelle, dans un marché de travail déprimé, le diplôme universitaire dans sa forme traditionnelle ne semble plus suffire pour permettre aux diplômés de décrocher un emploi en Guinée.

En ce qui concerne les formations complémentaires, les répondants font de la maîtrise des logiciels et de l'outil informatique, de l'anglais et de la comptabilité-gestion une de leurs priorités. Ainsi, avec cet intérêt des diplômés, on peut dire que l'intégration des formations complémentaires dans les programmes universitaires serait une avenue intéressante pour les institutions d'enseignement supérieur de Guinée en raison de la demande et des revenus que de telles formations pourraient générer.

Une autre tendance est apparue de façon évidente et corroborée par d'autres études. En fait, il appert qu'en Guinée, l'ensemble des diplômés ayant connu simplement une formation principale connais sent après la sortie de l'Université de Conakry une situation de chômage ou d'emploi précaire. Cela explique pourquoi une grande proportion d'entre eux choisissent de faire une formation complémentaire dans le but évidemment

d'augmenter leurs chances d'occuper un emploi même si ce dernier n'est pas relié à leur formation universitaire.

Selon PADES, la participation à un stage semble (60% des répondants), pour les auteurs de cette étude, la voie royale pour obtenir un emploi en Guinée. A ce niveau, notre étude recoupe celle de PADES et confirme en même temps notre hypothèse 3 de recherche que les formations complémentaires et les stages sont incontournables pour décrocher un emploi sur le marché de travail guinéen. Toutefois, contrairement à l'étude menée par le PADES qui révélait que les diplômés des Institutions d'enseignement supérieur jugent assez positivement la formation universitaire, notre recherche montre que les diplômés de l'Université de Conakry ne jugent pas assez positivement la formation reçue. Cette appréciation de la formation, nos répondants la confirment en portant un regard négatif sur les programmes enseignés par rapport aux besoins du marché de l'emploi guinéen.

A propos de l'emploi, la comparaison montre que ce sont les diplômés ayant fait au moins une formation complémentaire (soit en informatique, soit en anglais ou encore en compabilité-gestion) qui tirent le mieux leur épingle du jeu, le fait est qu'aujourd'hui en Guinée, sans une formation supplémentaire, ou sans stage, il est difficile voire impossible de décrocher un emploi.

Les résultats de cette recherche amènent à poser la question de la valeur de la formation universitaire principale. Est-ce que tous les diplômes obtenus sont en adéquation avec les besoins du marché de l'emploi guinéen ? A notre avis les diplômes sanctionnés par une formation complémentaire ou un savoir pratique, professionnel et technique, ont une longueur d'avance sur les autres. Ajoutons qu'il existe souvent un certain décalage entre les programmes que l'Université de Conakry offre à ses étudiants et la réalité du marché de l'emploi guinéen.

A notre avis, l'intérêt de cette étude réside dans le fait qu'elle contribue à faire avancer les connaissances dans le champ de la sociologie de l'insertion et porte de manière précise sur l'insertion professionnelle des diplômés sur le marché du travail dans le contexte africain.

Dans l'ensemble, les données suggèrent que les jeunes diplômés (hommes et femmes) auraient plus de difficultés que leurs aînés sur le marché du travail de Conakry, difficultés caractérisées par un accès moins rapide à un premier emploi, une plus grande implication dans le secteur informel, mais davantage dans des statuts "dépendants" et un accès moins élevé à un premier emploi dans le secteur public. Ainsi, les données permettent de suggérer également que le passage d'un régime centralisé (où la garantie de l'emploi pour tous était assurée par l'État) à un régime de libéralisme économique, accompagné de l'application des programmes d'ajustements structurels du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale auraient effectivement affecté les diplômés en rendant encore plus problématique leur insertion sur le marché du travail guinéen.

Dans notre étude, il ressort par exemple, que cette situation conduit plusieurs diplômés de l'enseignement supérieur à accepter des emplois non reliés à leur domaine d'étude. En outre, de manière générale, les diplômés de ces dernières années, lorsqu'ils trouvent un emploi, restent dans une situation précaire et reçoivent une rémunération nettement inférieure à celle des employés plus anciens ayant un niveau de qualification inférieur dans l'entreprise. L'analyse des résultats sur le rôle des stages dans l'obtention de l'emploi permet de comprendre que la valorisation des stages par les répondants va en conformité avec les points de vue des employeurs qui privilégient ces stages. On note aussi une forte adéquation entre les perceptions des répondants et celles des employeurs sur la nécessité de commencer par un stage avant l'embauche. La valorisation du stage qui se manifeste tant chez le diplômé que chez l'employeur potentiel s'explique en partie par le fait que cette force de main-d'oeuvre participe à la bonne marche des entreprises mais aussi contribue à faciliter l'insertion du diplômé.

Par ailleurs, en ce qui concerne les causes du chômage des diplômés, nos résultats concordent avec ceux du PADES (1998). Les auteurs de cette étude soulignent que de façon générale les causes du chômage sont intra et extra universitaire. Les causes les plus citées, au niveau intra, sont les lacunes dans des disciplines comme le français, la communication écrite (exposée des idées), l'anglais, l'informatique, ensuite l'insuffisance de la diversification des compétences et la sous information des diplômés sur les réalités

du marché du travail. Au niveau extra, les contraintes sont l'interruption du recrutement dans la fonction publique et le faible nombre d'entreprises privées ou publiques offrant des emplois aux diplômés universitaires.

Maintenant il importe de signaler les limites de notre étude. Notre recherche présente des limites à cause de son caractère exploratoire, notre population est réduite à deux Facultés de l'Université de Conakry alors que cette dernière compte en son sein cinq Facultés et deux centres d'études. Ainsi, nos résultats ne sont pas généralisables à tout le système universitaire guinéen ou même de l'Université de Conakry. Si nous avions à faire une étude ultérieure, elle devrait utiliser un échantillon représentatif des diplômés de l'Université de Conakry incluant toutes les Facultés.

Plusieurs possibilités s'offrent, notamment de comparer les différentes Facultés de l'Université de Conakry et établir un rapport entre les diplômés qui ont fait, sciences économiques ou informatique ou encore anglais par rapport à ceux qui ont choisi des disciplines différentes. Car, dans notre étude il apparaît que les connaissances de la comptabilité-gestion, de l'informatique et de l'anglais constitue un atout d'insertion professionnelle importante.

Après avoir tracé un bilan général de notre étude, prenons un peu de recul dans le but d'élargir notre réflexion. Quelles sont les perspectives de devenir professionnel qui attendent les diplômés guinéens à la sortie de l'université ? D'entrée de jeu, quelques faits nouveaux sont inscrits au centre de la réflexion sur l'insertion professionnelle : « diminution des possibilités d'emploi dans le secteur public, modification de la relation formation-emploi, "délinéarisation" du processus d'insertion professionnelle et diversification des modes d'insertions » (Trottier, Perron et Diambomba, 1995 : 7). Si la présente recherche a pour mérite de rappeler aux yeux des premiers concernés, les diplômés, qui seront susceptibles d'y trouver des informations de première utilité. Alors, cette étude n'aura pas été vaine.

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ANNEXES

GUIDE D'ENTRETIEN

Thème I : Histoire de vie

1°) Votre présentation personnelle ?

- statut à la naissance

- cheminement scolaire

- statut actuel

2°) Qui sont vos parents ?

3°) Quelles sont les relations dont ils disposent pour vous aider à avoir un emploi ?

4°) Quelle est l'activité professionnelle de votre père ?

Thème II : Trajectoires des formations complémentaires

1°) Avez-vous suivi une formation en informatique, en anglais ou en gestion ?

2°) Quels sont les types de formations complémentaires que vous avez faites ou que

vous comptez faire ?

3°) Comment accédez-vous à ces formations ?

4°) A quel moment jugez-vous que ces formations sont nécessaires ?

5°) Après ces formations complémentaires quelles compétences obtenez-vous ?

6°) Comment jugez vous les coûts des formations ?

7°) Comment trouvez-vous ces formations reçues ?

Thème III : Le rôle des formations complémentaires

1°) Parlez moi du rôle des formations complémentaires dans l'accès à l'emploi ?

2°) Comment les formations complémentaires aident elle à maintenir un emploi ?

3°) Est-ce que les formations complémentaires peuvent contribuer à l'insertion professionnelle ?

4°) Comment expliquez-vous que la formation universitaire principale ne suffit plus pour trouver un travail ?

Thème IV : Les modalités d'accès à l'emploi

1°) Parlez moi du rôle des stages lors de la recherche de l'emploi ? 2°) Comment avez-vous décroché votre emploi ?

3°) Comment cherchez vous à accéder à un emploi ?

4°) Pour vous que représente les stages dans la recherche de l'emploi ?

5°) Pensez-vous que les diplômés qui postulent comme ça ont la chance de décrocher un emploi ?

6°) Parlez moi de l'impact des annonces et communiqués radio pendant la quête de l'emploi ?

- le rôle des affichages ?

- le rôle annonces dans les journaux ?

Thème V : Le rôle des réseaux de relations dans l'accès à l'emploi

1°) Pensez-vous qu'en Guinée, les relations influencent beaucoup l'obtention de l'emploi. Si oui comment ?

2°) Comment les réseaux relationnels jouent ils dans l'accès à l'emploi ? - le rôle des parents

- le rôle des amis

3°) Comment expliquez-vous le poids des relations dans le contexte guinéen ?

CALENDRIER DES ACTIVITÉS ET DÉPLACEMENTS PRÉ VUS DU 24 SEPT. AU 29 DÉC. 2001

No

Périodes

Lieu

Activités prévues

1

24 sept. au 29 sept. 2001

Conakry

Rencontre avec les autorités de l'université de Conakry (Rectorat, les Décanats de la faculté des lettres et de la faculté des sciences)

Rencontre avec le directeur de l'observatoire de l'Université de Conakry

2

1er oct. au 6 oct. 2001

Conakry

Identification et ciblage des diplômés à interviewés dans les deux facultés (Faculté des lettres et sciences humaines et Faculté des sciences)

Reprographie des instruments de collecte

3

Du 8 oct. au 13 oct. 2001

Conakry

Démarches auprès de la population ciblée pour demande de consentement verbal

Réunion d'explication des instruments de collecte avec les répondants.

4

Du 15 oct. au 20 oct. 2001

Conakry

Pré-test du guide d'entretien, et éventuels réajustement (après discussion avec le directeur de recherche par courriel ou téléphone)

5

Du 22 oct. au 27 oct. 2001

Conakry

Administration des instruments de collecte

6

29 oct. au 3 nov. 2001

Conakry

Administration des instruments de collecte

7

Du 5 nov. au 11 nov. 2001

Conakry

Repos (Semaine référendaire en Guinée)

8

Du 12 nov. au 17 nov.2001

Conakry

Administration des instruments de collecte

9

Du 19 nov. au 24 nov.2001

Conakry

Administration des instruments de collecte

10

Du 26 nov. au 1er déc 2001

Conakry

Administration des instruments de collecte

11

Du 3 déc.. au 8 déc. 2001

Conakry

Administration des instruments de collecte

12

Du 10 déc. au 15 déc. 2001

Conakry

Administration des instruments de collecte

13

Du 17 déc. au 22 déc. 2001

Conakry

Début de codification des données collectées

Transcription des cassettes, codification et
catégorisation du matériel recueilli

14

du 24 déc. au 29 déc. 2001

Conakry

Transcription des cassettes

Recherche de documentation complémentaire auprès des institutions et bibliothèques de la place

15

Semaine du 1er janv.2002

 

Retour au Canada

Côte d'Ivoire

Carte géographique de la Guinée






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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery