§2. La conformité des traités
à la constitution.
Une constitution est par définition la loi
fondamentale qui régit de manière organisée et
hiérarchique l'ensemble des rapports entre gouvernants et
gouvernés au sein d'un même espace politique dont elle
détermine fondamentalement la dimension démocratique. C'est elle
qui établit la hiérarchie des normes sur le plan interne. Cet
acte se situe au sommet du système juridique de l'Etat. Ainsi, tout
autre acte juridique doit être conforme à ses prescriptions. Selon
la théorie de la hiérarchie des normes développée
notamment par Hans Kelsen, chaque règle de droit est
légitimée par une règle de droit supérieure et
à laquelle elle doit être conforme. La constitution se trouve
ainsi être la loi à la base de la légitimité de
toutes les normes inférieures(le traité y compris). C'est
d'ailleurs elle qui détermine la place du droit international. Le titre
XVII de la constitution congolaise s'intitule:« Des traités et
des accords internationaux». Cette portion du texte constitutionnel
définit les conditions d'insertion et le régime des engagements
internationaux dans l'ordre juridique interne.
Pour faire valoir sa supériorité par rapport
aux normes internationales, la constitution congolaise a institué un
contrôle de constitutionnalité des actes internationaux(A) tout en
prévoyant la possibilité d'une révision constitutionnelle
en cas de conflit entre le traité et la constitution (B).
A. Le contrôle de constitutionnalité des
traités internationaux.
Le principe de constitutionnalité suppose que la
constitution est le principe suprême du droit de l'Etat et que son
respect obligatoire et nécessaire doit être assuré.
Les engagements internationaux ne peuvent s'imposer aux
dispositions constitutionnelles par l'effet de la primauté existentielle
proclamée par le droit international. Il est nécessaire
qu'intervienne, soit le juge constitutionnel pour vérifier la
compatibilité de la convention internationale avec la constitution,
soit le juge administratif pour contrôler sa régularité.
Dans le premier cas il s'agit d'un contrôle a priori (1) alors que le
second fait allusion au contrôle a posteriori (2).
1- Le contrôle a priori.
Si aux Etats Unis le contrôle de
constitutionnalité aussi bien des lois que des traités
internationaux est assuré par la cour suprême(article 3, section2
de la constitution), en France par contre, la constitution de 1958 a
institué un organe spécial: le conseil constitutionnel ( article
54 ). Toutefois, la Vé République française a largement
influencé les systèmes politiques africains francophones. Les
liens avec la France restant très forts, la culture politique et
juridique de nouveaux dirigeants africains étant tout français,
les constitutions démocratiques qui vont apparaître seront
calquées sur le modèle français. Ainsi, en est-il de la
constitution béninoise de 1990, malienne de 1992,
sénégalaise de 2001 et congolaise de 1992
lesquelles(constitutions) instituent chacune un organe spécialisé
en matière de contrôle de constitutionnalité. Si ici il est
appelé conseil constitutionnel, de l'autre côté on le nomme
cour constitutionnelle.
Le Congo connaît cette expérience depuis sa
constitution de 1958. Cependant, ce n'est qu'en 1992 à la suite de la
conférence nationale dite souveraine, sous les orientations de laquelle
fut conçue une constitution démocratique, que le Congo s'est vu
institué un organe spécialisé en matière de
contrôle de constitutionnalité des lois et des traités
internationaux. Malheureusement, cet organe ne connut une
longévité car il n'a commencé à fonctionner qu'en
juillet 1997 pendant la guerre civile de Brazzaville. Le Président
Pascal LISSOUBA l'installa précipitamment dans le seul but de lui faire
prendre une décision prorogeant son mandat de trois mois. L'acte
fondamental d'octobre 1997 abrogea la constitution de 1992 entraînant
ainsi la dissolution de toutes les institutions qui en découlaient. La
réalité de la spécialisation institutionnelle sur le
contrôle de constitutionnalité connut une période
d'hibernation. Il fallait attendre le 20 janvier 2002, à l'issue d'un
référendum constitutionnel pour que le Congo se voit à
nouveau doté d'un appareil institutionnel jouissant d'une
compétence exclusive pour prononcer avec effet arga omnes
l'inconstitutionnalité des normes même internationales.
En vertu de son article 146, la nouvelle constitution
précise l'étendue de la compétence de la cour
constitutionnelle pour juger, dans le cadre de la constitution, les actes des
pouvoirs publics notamment ceux édictés en exécution du
droit international. Ainsi, eu égard aux droits et obligations
constitutionnels, dans la mesure où est contesté devant la cour,
un acte international susceptible de porter atteinte à un droit
fondamental, il revient au juge de connaître de cette requête sans
chercher à savoir si cet acte est régulier ou non au regard de la
constitution. Dans cette hypothèse, la cour veillera au respect de la
constitution en prononçant l'invalidité de l'acte.
Pour réduire le risque de conflit entre la norme
internationale et la norme constitutionnelle, il est donc utile de disposer
d'un mécanisme de contrôle a priori des engagements
internationaux. Dans une procédure de contrôle a priori, la cour
prononce l'inconstitutionnalité d'un traité ou d'une disposition
particulière de ce dernier. Dans ce cas, aucune possibilité d'un
contrôle a posteriori n'est permise. La décision ainsi rendue
acquiert ''l'autorité de la chose jugée'' qui
empêche un nouveau recours portant sur la même disposition.
Mais quelle est la solution à retenir si une norme
constitutionnelle intervient postérieurement au traité ou est
découverte postérieurement à celui-ci comme ce fut le cas
en France du principe fondamental reconnu par les lois de la République
selon lequel l'extradition doit être refusé quand celle-ci est
demandée dans un but politique? Il est vrai que de ce point de vue un
contrôle a posteriori s'avère opportun. En outre, si le conseil
constitutionnel , juridiction naturelle de contrôle de
constitutionnalité, se refuse à le pratiquer, les juges
ordinaires devraient pouvoir ainsi sanctionner les atteintes à la norme
supérieure. Le déclinatoire de compétence a pour fondement
l'article 54 de la constitution française , article de nature
procédurale mais ne cache t-il pas un message aux juges ordinaires,
à l'instar de la décision 54 DC ''IVG'' qui incitait
à pratiquer un contrôle de conventionnalité de la loi?
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