VI- Communication des risques
La phase de communication constitue le pivot du processus de
gestion des risques. Elle vise notamment à ce que les risques
associés au projet et les options disponibles en vue d'en réduire
les conséquences soient bien comprises, permettant ainsi de faire des
choix éclairés qui tiennent compte des exigences auxquelles le
projet doit répondre.
La mise en oeuvre d'une communication efficace est simple en
apparence mais difficile en pratique. La détermination des informations
essentielles à transmettre n'est pas toujours évidente au cours
du déroulement d'un projet. Dans un contexte de gestion des risques, la
phase de communication est rendue plus difficile en ce sens qu'elle traite de
conséquences négatives qui ne font pas toujours l'objet d'un
accueil favorable auprès des intervenants à qui l'information est
destinée. Sous l'influence de certains paramètres tels que le
climat caractérisant le projet, l'organisation dans laquelle il
s'inscrit, le niveau de confiance entre les membres de l'équipe de
projet, l'historique des conflits interpersonnels, le respect qu'ont les
membres de l'équipe de projet entre eux, le rapport établi entre
les gestionnaires et les spécialistes de domaine et l'état des
relations clients fournisseurs, l'information relative aux risques sera
communiquée de diverses façons.
Elle pourra être dissimulée, transmise par des
intermédiaires, propagée sous forme de rumeurs provenant de
sources non identifiées ou enfin, et heureusement, partagée de
façon à être prise en compte rapidement et efficacement.
Par ailleurs, la recherche d'une phase de communication efficace ne doit pas
non plus compromettre la structure organisationnelle et les voies
hiérarchiques existantes ou dégénérer en un
exercice de démotivation systématique.
La phase de communication, pour être efficace, doit
faire appel au principe de communication libre, c'est-à-dire un
échange d'information libre de contraintes entre intervenants de
même niveau hiérarchique et de niveaux hiérarchiques
différents. Elle doit également valoriser les opinions
individuelles tout en stimulant le travail d'équipe qui favorise
l'échange de points de vue et contribue ainsi à améliorer
la qualité et la pertinence des informations.
Les entrées et les sorties de la phase de communication
sont présentées dans le diagramme suivant :(page suivante)
Détail de la phase de communication
La phase de communication n'étant pas une étape
proprement dite du processus de gestion des risques, en ce sens qu'elle n'est
pas précédée ou suivie d'une autre phase, ses
entrées en sont également les sorties, possiblement
reformulées sur la base de différents points de vue de
l'équipe de projet. Les entrées en sont les fiches de risque
découlant de chacune des phases du processus de gestion des risques. Les
sorties en sont des plans de travail, une répartition des tâches
à réaliser et un calendrier de réalisation. L'effet
résultant de la phase de communication est une meilleure
compréhension des risques considérés et de leur
évolution, des mesures de mitigation ou de contingence envisagées
ou mises en oeuvre, des résultats obtenus et des décisions prises
à leur égard.
Le transfert d'information sur les risques en fonction des
phases de gestion des risques et des intervenants les plus à même
d'être concernés est illustré dans le diagramme
suivant :
À noter que l'information disponible à la suite
de l'application de la phase d'analyse peut également être
transmise à la phase de contrôle avant d'être transmise
à la phase de planification, car il est possible qu'une décision
(p. ex. fermer le dossier) puisse être prise à ce moment.
L'information résultant de l'application de la phase de contrôle
est ensuite utilisée dans le cadre de l'application de la phase de
planification et transférée à la phase de suivi.
L'information associée à cette dernière sera
traitée par la phase de contrôle et les tendances qui pourront
être dégagées influenceront vraisemblablement la phase
d'identification. Trois grandes catégories de facteurs doivent
être prises en considération dans l'établissement de la
phase de communication, soit l'attitude individuelle face aux risques, la
nature des groupes et la culture organisationnelle.
1) Attitude individuelle face aux risques
Les personnes se répartissent en trois
catégories : celles qui évitent les risques, celles qui en
prennent et celles qui ont une attitude neutre vis-à-vis les risques. La
caractéristique dominante du groupe d'individus auquel il est
demandé de se prononcer sur les risques aura nécessairement une
influence importante sur la nature et le contenu des informations
communiquées dans le cadre de la mise en oeuvre d'un processus de
gestion des risques. Il est donc souhaitable de s'assurer que la composition de
l'échantillon d'individus consultés est équilibrée
tout au long de la mise en oeuvre de ce processus.
2) Nature des groupes
Au niveau des groupes participant à la
réalisation du projet et du projet lui-même, leur envergure et
leur localisation influenceront également la mise en oeuvre de la phase
de communication. La dynamique d'une petite équipe est significativement
différente de celle d'une grande équipe et la communication est
en principe beaucoup plus facile à établir à
l'intérieur de la première que de la seconde. La communication au
sein d'une équipe partageant un même local est également
plus facile que dans une équipe répartie dans plusieurs locaux,
particulièrement si ceux-ci sont éloignés les uns des
autres.
3) Culture organisationnelle
La culture organisationnelle caractérisant
l'entité dans laquelle le projet s'inscrit aura aussi une influence
importante sur la façon dont la phase de communication est
établie. Quatre cultures dominantes ont ainsi été
identifiées par Larry Constantine dans le cadre de ses travaux à
ce sujet [«Work Organization : Paradigms for Project Management and
Organization», Communications of the
ACM, Oct. 93, Vol. 36, No. 10], notamment:
§ la culture organisationnelle dite fermée
(réfractaire au risque), représentée par la
hiérarchie traditionnelle rigide où le groupe est valorisé
par rapport à l'individu;
§ la culture organisationnelle dite aléatoire,
qui caractérise les entreprises en démarrage, où
l'individu est valorisé et où la prise de risque est
encouragée;
§ la culture organisationnelle dite ouverte
(caractérisée par une attitude neutre vis-à-vis le
risque), souvent observée dans les organismes de normalisation où
l'atteinte d'un consensus a une grande valeur et où les discussions sont
encouragées;
§ la culture organisationnelle dite synchrone
(plutôt réfractaire au risque), caractérisant une
organisation où chacun a une vision et une compréhension communes
de la façon dont celle-ci opère (une salle d'urgence, par
exemple).
§ Une approche éprouvée permettant de faire
en sorte que les informations essentielles circulent au sein d'un projet
consiste à faire appel à des mécanismes d'assurance
qualité. En raison de la position de cette dernière dans une
organisation et de la perspective qu'elle a des orientations de la direction,
des besoins dont il a été entendu que le projet doit combler, de
la façon dont le projet se déroule et des produits de travail qui
en découlent, l'assurance qualité est particulièrement
bien positionnée pour assumer ce rôle. Le personnel d'assurance
qualité agit alors en tant qu'intermédiaire objectif dans la
transmission des informations de la direction vers la clientèle et
l'équipe de projet, de la clientèle vers l'équipe de
projet et la direction et de l'équipe de projet vers la clientèle
et la direction.
Par ailleurs, la façon de mettre en oeuvre l'assurance
qualité dans un projet dépendra largement de la composante
dominante de la culture organisationnelle.
Les fiches de risque constituent le véhicule
privilégié de communication des risques. Les fiches en question
peuvent être segmentées selon les phases composant le processus de
gestion des risques (identification, analyse, planification, suivi et
contrôle) ou autrement, les informations qui y sont contenues peuvent
être intégrées dans une seule fiche fournissant une
perspective globale de chaque risque.
Des approches complémentaires peuvent être
utilisées afin d'appuyer la communication des risques.
Diverses méthodes peuvent être envisagées;
celles présentées ci-après ont été
observées au sein d'organisations ayant fait l'objet
d'évaluations de risques et se sont avérées utiles.
1. Identifiez dans l'organisation ou dans le projet un
intervenant ayant un talent de caricaturiste confiez-lui le soin de
représenter le déroulement du projet en y ajoutant sa touche
personnelle.
Une organisation ayant assumé la responsabilité
d'un projet de grande envergure a grandement bénéficié de
cette approche qui avait été initiée spontanément
par un membre de l'équipe doué à cet égard. Une
caricature humoristique était ainsi produite de façon
hebdomadaire et l'intervenant en question était
régulièrement alimenté par ses collègues, par les
gestionnaires, par les partenaires du projet et à l'occasion, par le
client lui-même. À la fin du projet, un compendium de toutes ces
caricatures fut compilé et distribué au sein de plusieurs
organisations au Canada et aux États-Unis. La popularité de la
bande dessinée « Dilbert » est d'ailleurs éloquente
à cet égard.
2. Si vous avez un rôle de gestion ou de direction,
explorez la pertinence d'établir un groupe de travail ayant la
responsabilité de recueillir les problèmes potentiels entrevus
par les membres de l'équipe et d'agir. Ce rôle est souvent
assumé de façon informelle par un ou plusieurs intervenants ayant
établi une relation de confiance avec l'interlocuteur auquel cette
information est destinée.
3. Tirez parti des réunions périodiques et
spontanées entre gestionnaires et spécialistes de domaine afin de
sonder le personnel sur les événements susceptibles de
dégénérer en crises.
4. Établissez un journal de bord qui permet aux membres
de l'équipe de projet de noter les situations qui leur semblent
problématiques. Assurez-vous cependant que certaines règles sont
respectées vis-à-vis le type d'observations qui peuvent y
être notées. Une version électronique d'un tel
véhicule peut également être envisagée si un
intranet est disponible.
5. Établissez un mécanisme de sondages
périodiques auprès des membres de l'équipe de projet. Il
s'agit là d'une technique qui peut grandement contribuer à
améliorer l'efficacité d'une organisation.
6. Finalement, assurez-vous que les mesures de
prévention sont aussi visibles que les mesures de résolution de
problèmes et qu'elles font l'objet d'une reconnaissance proportionnelle
aux difficultés qu'elles ont permis d'éviter.
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