De Laurent Désiré Kabila à Joseph Kabila. La désillusion d'un régime révolutionnaire en République Démocratique du Congo( Télécharger le fichier original )par Eder Kitapandi Luzau Université de Kinshasa, RDC - Licence en Sociologie 2006 |
INTRODUCTION GENERALE1. Etat de la questionTout chercheur hérite d'une littérature de ses prédécesseurs dans son domaine. Il en fait lecture pour situer l'objet de sa recherche par rapport au niveau du débat. Cette revue critique de la littérature existante appelée l'état de la question, aide le chercheur à se démarquer en montrant son originalité. Nous conformant à cette exigence de la recherche scientifique, nous revisitons un ensemble des travaux qui ont des accointances avec notre étude. Nyamoblema dans son travail de fin de cycle en sciences politiques s'est préoccupé de savoir si la lutte armée menée par l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL), a contribué à accélérer ou à ralentir le processus démocratique en RDC.1(*) Pour cet auteur, la lutte menée par l'AFDL a ralentie le processus démocratique. Il en veut pour preuve la remise en cause des acquis de la CNS, la suspension des activités des partis politiques et la traque des opposants politiques. Préoccupé par la même question, celle de savoir si l'AFDL a effectivement mis une croix sur le processus démocratique au Congo, Lumpungu Bakadi pense que l'AFDL avait plutôt accéléré ce processus, car elle avait publié et commencé à exécuter un calendrier politique reprenant toutes les étapes à franchir pour l'instauration d'une véritable démocratie dans notre pays ; avec quelques erreurs certes.2(*) Mais, en voulant justifier l'action politique exclusive de l'AFDL comme moyen de lutte contre les ingérences étrangères et particulièrement contre l'impérialisme occidental, l'auteur semble ignorer que l'AFDL, elle-même, devait son succès au soutien massif et déterminant de certaines puissances occidentales en complicité avec quelques pays africains notamment le Rwanda, l'Ouganda, le Burundi, l'Angola, la Zambie et le Zimbabwe. Donc, l'AFDL a été aussi le fruit de ces ingérences étrangères et de cet impérialisme occidental qu'elle prétend vouloir remettre en question. En outre, l'option militaire pour la conquête du pouvoir, l'auto proclamation de l'AFDL comme la seule et l'unique autorité de transition et la suspension de toutes les activités politiques au pays pour une durée de deux ans par l'AFDL, avaient mis en péril le processus démocratique en gestation depuis le 24 avril 1990. Ali Kikana M. dans son étude sur les gouvernements de transitions sous l'AFDL3(*), stigmatise la déviance de l'AFDL face à sa mission d'instaurer un Etat démocratique. Selon cet auteur, ce déviationnisme est la cause fondamentale de l'échec de tous les gouvernements AFDL et de la guerre qui a sévi à l'Est du pays d'août 1998 à 2003. Pour sa part, Mangaya Mutokenda4(*) a soutenu que le Président LD. Kabila avait instauré un régime de confusion des pouvoirs en RDC en concentrant tous les pouvoirs entre ses mains. Et pour rester le seul maître du jeu politique, comme le constate Kanyinda Tshamala5(*), le Président LD. Kabila, sous prétexte de préserver le pays de l'instabilité et de l'imbroglio politiques constatés depuis le 24 avril 1990, a exclu toutes les forces qui ne partageaient pas ses options politiques sur la gestion de la chose publique en suspendant les activités des partis politiques. Dans sa récente publication, Modeste Mutinga6(*) montre comment l'AFDL arrivée au pouvoir a offert au peuple congolais la démocrature en lieu et place de la démocratie. En effet, l'entrée à Kinshasa des troupes de l'AFDL a été vécue par la très grande majorité des congolais de Kinshasa comme un grand jour pour sa libération d'un régime vermoulu qui a déçu les espoirs placés en lui. Cette joie de la liberté retrouvée a été de très courte durée. Les « libérateurs» se sont très rapidement illustrés par des méthodes totalitaires et des exactions qui rappelaient l'époque coloniale léopoldienne : coups de fouet publics par-ci, bastonnade pour un oui ou un non par-là, occupation illégale de propriétés privées sous divers prétextes. Moins d'un an après sa prise de pouvoir, AFDL n'avaient plus la côte d'amour dans les coeurs des Kinois épris de liberté. Devant cette nouvelle dictature, certains parmi eux en étaient même venus à regretter le président Mobutu. Contrairement à ces études, nous nous proposons, à travers notre travail, d'analyser les fortunes et les misères du régimes AFDL qui s'est assigné le rôle historique d'affranchir le Congo de la tutelle impérialiste aux lendemains de sa victoire militaire sur le régime Mobutu considéré comme allié local de l'impérialisme. Aussi, de démontrer que contrairement à son engagement exprimé lors de sa prise des fonctions présidentielles de continuer et de parachever l'oeuvre politique de son prédécesseur assassiné, Joseph Kabila a bifurqué vers l'impérialisme occidental combattu par le régime AFDL dont il est l'émanation. Il s'agit, en fait, pour sortir du discours militant (impérialisme, révolution, anti-impérialisme, lutte de libération nationale) d'examiner comment ces deux figures de la « révolution du 17 mai » (LD Kabila et J. Kabila) ont négocié les défis de la mondialisation en RDC. Tant il est vrai que ce processus de mondialisation bouscule frontière et souveraineté et se réalise au seul profit des Etats puissants au détriment des nations faibles, telle la RDC. * 1 Nyabolema, L'impact de la lutte de l'AFDL sur le processus démocratique au Congo, TFC en SPA, FSSAP, UNIKIN, 1997. * 2 Lupungu B., L'AFDL et la transition vers la 3ème République en RDC : Essai d'analyse sociologique, Mémoire de licence en sociologie, FSSAP, UNIKIN, 1999 * 3 Ali- Kikana M., Les gouvernements de transition sous l'AFDL, TFC en sociologie, FSSAP, UNIKIN, 1999 * 4 Mangaya M., Les incidences sociopolitiques du régime LD Kabila en RDC, TFC en sociologie, FSSAP, UNIKIN, 2003 * 5 Kanyinda T., La suspension des activités des partis politiques par le pouvoir AFDL en RDC, TFC en SPA, UNIKIN, 2000 * 6 M. Mutinga M., La RDC à l'aube de la troisième République. Démocratie ou démocrature, éd. Espace Afrique, Bruxelles, 2005 |
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