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De Laurent Désiré Kabila à Joseph Kabila. La désillusion d'un régime révolutionnaire en République Démocratique du Congo

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par Eder Kitapandi Luzau
Université de Kinshasa, RDC - Licence en Sociologie 2006
  

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3. Dissolution de l'AFDL, création des CPP et FAP.

1. De la nécessité de dissoudre l'AFDL

Le déclenchement de la guerre et la nécessité de mobiliser les masses populaires laissaient déjà profiler la mutation que l'AFDL devait subir pour s'adapter au nouveau contexte socio-politique. « Ne pas le faire, ne pas se transformer, comme l'indiquait M'zee LD Kabila lui-même, c'est aller à contre-courant de l'histoire, (...), l'AFDL deviendra réactionnaire, elle va disparaître, (...). L'AFDL ce n'est pas la recherche de positionnement individuel, c'est une cause et celle-ci est que le peuple gouverne. La lutte est encore très âpre, on doit entreprendre sa propre transformation, sinon on est dépassé par les événements »30(*)

Dans l'esprit de ses collaborateurs, nombreux d'entr'eux pensaient à la mutation de l'AFDL en un parti politique. Ainsi, en décembre 1998, le secrétaire général, Vincent Mutomb Tshibal, annonce que dans le cadre de la libéralisation des activités politiques, l'alliance va se transformer en un parti, tout en précisant que cela ne changera que la forme ; l'idéologie du mouvement restera inchangée et ses membres demeureront unis.31(*)

En lieu et place d'un parti politique, M'zee pensait plutôt à un vaste mouvement pour mobiliser les masses populaires autour de lui en vue de contrer l'avancée des troupes rebelles et d'agression et les partis politiques qui devaient reprendre leurs activités dans les prochains jours. Dans cette perspective, le président LD Kabila annonce le 20 avril « la disparition de l'AFDL en tant qu'organisation politique qui était destinée à se transformer en un parti politique ». Il faut renoncer ; dit-il, à faire de l'AFDL un parti parce que celui-ci ne pouvait être qu'  « un foyer de médiocrité et un conglomérat d'opportunisme ». Pour justifier ce sévère jugement, M'zee LD Kabila se livre à une intéressante et déroutante relecture critique de la courte aventure de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo.

Il rappelle que le mouvement s'est constitué à partir de l'union de quatre formations politiques, et il relève que trois de celles-ci, excepté bien entendu sa propre formation, le Parti de la Révolution Populaire, se sont révélées sans expérience révolutionnaire ni orientation idéologique. De ce fait, il n'hésite pas à affirmer, l'Alliance n'était qu'  « un Conglomérat d'opportunistes et d'aventuriers. »

Soulignons que l'AFDL, dit le président LD. Kabila avait accompli sa première mission, qui était de libérer le pays de l'oppression exercée par un « Etat anti - peuple » il dit « (....) a l'origine, lorsque nous avons crée l'AFDL comme mouvement, c'était pour la libération de notre pays, alors dirigé par un « Etat anti - peuple », un Etat dont la mission essentielle était de défendre les intérêts étrangers et de contenir le courroux des populations congolaises exploitées afin de permettre à ces intérêts étrangers de saigner à blanc la RDC. Le résultat : c'est la création de la misère un peu partout ; c'est l'économie dite ravagée, extravertie. Toutes les critiques ont convergé pour dire que l'Etat mobutiste d'alors n'était pas autre chose qu'une sorte de chien de garde, un Etat qui avait une seule mission : que les intérêts de grands pays et de petits pays priment sur l'intérêt national. »

Plus loin, le président explique que c'est pour avoir débarrassé le pays d'un Etat « compradore » que le nouveau régime est en butte à une propagande internationale hostile ».

La deuxième raison d'être de l'AFDL était de « créer un Etat populaire, un Etat du peuple, qui n'a plus (pour) mission de protéger uniquement les intérêts d'autrui, les intérêts des pays étrangers. »

Il ajoute, « ...maintenant que l'AFDL a assumé le pouvoir, il faut, parce que c'est dans le cadre des objectifs fondamentaux, organiser le peuple, le conscientiser (et non pas le sensibiliser), afin qu'il prenne son destin en mains. Organiser le peuple suppose le mettre en mobilisation permanente et lui confier des pouvoirs qui dans des administrations et à des gouvernements qui se disent représenter les intérêts du peuple ». La création de comités du pouvoir populaire sera le moyen de réaliser cette auto organisation du peuple. (« Dans notre cas, organiser le peuple c'est le prédisposer à s'assumer »). L'alliance doit dès lors accomplir une « mutation ». « L'AFDL, martèle le président, doit accepter la mutation, c'est-à-dire se transformer en comités du pouvoir populaire. C'est la finalité de ceux qui ont crée l'AFDL.

Ces changements paraissent signifier une volonté de reprise en mains de l'espace politique par le président dans la perspective de libéralisation des activités politiques. Ils dévoilent également l'influence qu'avait commencé à exercer du leader Libyen Mouammar El Kadhafi sur les idées de LD Kabila, notamment en ce qui concerne l'organisation de l'espace politique à travers les CPP.

2. Création des CPP et FAP

La création des Comités du Pouvoir Populaire traduit la conception de M'Zee L.D. Kabila de l'organisation du champ politique conformément à son idéologie maoïste.

L'idée est exprimée pour la première fois par le chef de l'Etat Le 21 janvier 1999 dans un long discours prononcé au palais du peuple, discours qu'il adresse à ceux qu'il appelle ses camarades de l'AFDL et, en procédant par anticipation, ses amis des Comités du Pouvoir Populaire (CPP). Mais la thématique de la démocratie directe était déjà présente dans des interventions antérieures du président.

Le 08 décembre, il a tenu une conférence de presse à la cité de l'OUA, à Kinshasa. Interpellé sur la présence illégale d'étrangers (libanais et pakistanais surtout) dans les zones minières, il aurait préconisé la création des comités populaires afin de défendre les intérêts du pays, non seulement dans le secteur minier mais aussi dans tous les domaines de la vie nationale.

Trois mois plus tard, la promesse présidentielle se concrétise avec le premier congrès des CPP au palais du peuple. « Nous remettrons le pouvoir au peuple et faire participer le peuple à l'exercice du pouvoir » disaient les slogans. Ce congrès était tenu du 20 au 23 avril 1999. « Les CPP fixent la politique, assurent son exécution et son contrôle sur tous les aspects de la vie nationale et l'Etat assure le fonctionnement des CPP ». « Une assemblée populaire de base » organisera le peuple dans les cités, les groupements, secteurs, les chefferies, les cités, districts. « Les partis politiques ne peuvent avoir de représentants au seins des organes des CPP l'unique source de légitimité est le peuple »32(*)

Un tel discours en rappelle bien d'autres, prononcés au début des indépendances, par des leaders de défense de la révolution (CDR), Mouammar Kadhafi les « comités populaires », Julius Nyerere le « socialisme Africain ». Tous visaient comme LD Kabila, à instaurer une démocratie directe. »

01. Nature et rôle des Comites du Pouvoir Populaire

Le président LD Kabila entreprend de définir la nature du régime politique qu'institueront les CPP. Les CPP, dit-il, c'est la vraie démocratie, cette démocratie qui n'a jamais été réalisée. « Pouvoir du peuple, pour le peuple, par le peuple, mais ça n'a jamais été comme ça. C'est avec les comités du pouvoir populaire que la possibilité matérielle de ce que représentes la démocratie, va se réaliser ». « C'est le pouvoir dans les mains du peuple congolais, ce pouvoir à partir de la rue, du village qui doit être un pouvoir effectif et qui doit débattre de la vie de la communauté, soit de la rue, soit du village, soit du quartier, etc. ça doit être un pouvoir effectif ».

Abordant la question du rôle des CPP, le président LD Kabila met résolument l'accent sur l'économie. Le régime, adaptant des mesures de contrôle de la circulation monétaire et de l'activité économique, s'engage dans la mise en oeuvre d'une « économie de guerre ».

Plus concrètement, et plus modestement, le président assigne aux CPP le rôle d'une police économique, en les chargeant : de défendre la monnaie nationale (les CPP, qui « sont des gouvernement de rue », doivent « en découdre avec ceux qui, dans les rues, vont essayer de s'adonner au petit commerce frauduleux des cambistes »33(*)

02. Les CPP et les partis politiques

Le président annonce la promulgation d'une « loi légalisant les activités politiques des groupements ». Les propos qu'il tient le 21 janvier montrent ou plutôt confirment que le chef de l'Etat est en fait profondément hostile au système des partis politiques, générateur de division. L'institution des CPP apparaît alors comme un moyen de combattre l'influence néfaste que pourraient exercer les partis politiques si d'aventure ils remontaient sur la scène publique, en même temps que de leur couper l'herbe sous le pied en faisant d'un autre type d'organisation l'instrument de la vie politique. Donnons un extrait significatif du discours présidentiel ; « nous sommes à la veille de la promulgation de la loi légalisant les activités politiques de groupements. Chaque groupement politique va vendre ce qu'il pense être son projet de société, son programme, et tous vont s'adresser au peuple. (...) ils vont, vous en avez l'habitude, suggérer au peuple qui n'est pas organisé, mais éparpillé de, voter pour tel ou tel, voter pour ceci ou cela, tel parti. Et on lui donnera tout le miracle du monde, etc. »

03. Les CPP et pouvoir d'Etat

Le CPP est le détenteur du pouvoir, les organes du pouvoir d'Etat populaire, ils assument le pouvoir politique donc la direction. Vous êtes à la direction des affaires ». « c'est ça le pouvoir ».mais il précise en quel sens il faut entendre que les CPP « ont un pouvoir gouvernement », dit-il encore le reste, ils « ont l'obligation d'appliquer et de faire appliquer les décisions du gouvernement, les lois, les décret-loi, les arrêtés ministériels ou des gouvernorats ». Même si ses détracteurs dénonçaient la confusion entre les organes des CPP et ceux de l'administration publique, pour LD Kabila, il n' y avait pas de télescopage entre les deux, d'ailleurs les premiers devaient remplacer les seconds. Les CPP étaient donc une institution publique émargeant du budget de l'Etat.

04. Les CPP et les ONG

Alors que dans son discours de janvier le président LD Kabila, tout en annonçant leur retour sur la scène politique, disqualifiait les partis politiques au profit des CPP. Cette fois il entend remettre à leur place les ONG en leur rappelant que par définition elles ne participent pas au gouvernement de la société, donc n'ont pas de pouvoir politique, ce qui les différencie radicalement des CPP.

Il se livre à une sévère critique des ONG congolaises, les accusant d'avoir, en laissant politiser et corrompre le société civile, pris la relève des politiciens de la deuxième République : il dit : « les CPP sont venus mettre fin à la politisation et au pourrissement de la société civile entrepris par ceux qui, à l'époque, avaient fait pourrir la classe politique de la deuxième République s'étant rendu compte, ce sont eux-mêmes qui les disent, que les politiciens zaïrois sont pourris, corrompus, incapables, et tous les mots ont été déversés pendant la conférence nationale souveraine ».

Lors de la tentative de prise de la ville de Kinshasa, les Kinois, en soutien aux Forces armées congolaises et alliées, avaient repoussé les rebelles. C'est alors que le président LD Kabila eut l'idée de créer les FAP (forces d'autodéfense populaires) pour que le peuple se prenne en charge pour défendre le territoire national. Christophe Muzungu, vice gouverneur de la ville de Kinshasa sera chargé de recrutement.

Pour clore cette section consacrée aux CPP, nous constatons que pour M'zee LD Kabila les CPP constituaient l'instrument par lequel il comptait créer en RDC, une « société nouvelle ». Il en a montré l'importance à travers les moyens financiers mis à la disposition de cette institution.

En somme, la redémocratisation inspirée du maoïsme initiée par LD.Kabila s'est inscrite en faux au processus démocratique enclenchée en 1990 qui se déroulait dans le cadre d'un multipartisme intégral, de la liberté d'expression et d'association. En cherchant à contrôler le champ politique congolais pour le soustraire de l'influence des grandes puissances, L.D.kabila était conduit à entreprendre certaines actions qui rappelaient malheureusement la deuxième République de triste mémoire : suspension des activités des partis politiques, traque des opposants, arrestation et emprisonnement des journalistes, etc. ceci a contribué à le fragiliser sur le plan interne en lui privant du consensus politique avec les forces socio-politiques dont il avait pourtant besoin pour lutter efficacement contre l'impérialisme occidental. Il a ainsi trahi un des principes indispensables à la réussite de la lutte contre l'impérialisme, à savoir : la constitution d'un front uni anti-impérialiste que Edouard Dominique Longandjo appelle Bloc historique nouveau. En effet, la révolution anti-impérialiste ne peut aboutir, postule Mao Tse Toung, que si « à l'intérieur du pays, on éveille les masses populaires. Cela signifie unir la classe ouvrière, la paysannerie, la petite bourgeoisie urbaine et la bourgeoisie nationale en vue de former un front uni placé sous la direction de la classe ouvrière et, à partir de là, édifier un Etat de dictature démocratique populaire dirigé par la classe ouvrière et basé sur l'alliance des ouvriers et des paysans. »34(*)

Ainsi, M'Zee L.D. Kabila, avec une telle conception de l'organisation du champ politique et de la démocratie que certains ont considérée comme surannée, ne pouvait bénéficier du soutien ni des forces politiques internes ni de la communauté internationale qui ne reconnaissent que la démocratie représentative.

* 30 Discours prononcé au Palais du Peuple le 21 janvier 1999

* 31 Le Potentiel du 21 décembre 1998

* 32 C. Christian « La démocratie directe s'installe », in Jeune Afrique économique, n°286 du 03 au 16 mai 1999, p.32

* 33 Discours prononcé le 21 janvier 1999

* 34 Mao Tse Toung, Op-Cit, p.409

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld