De Laurent Désiré Kabila à Joseph Kabila. La désillusion d'un régime révolutionnaire en République Démocratique du Congo( Télécharger le fichier original )par Eder Kitapandi Luzau Université de Kinshasa, RDC - Licence en Sociologie 2006 |
Section 2. LD. KABILA et la démocratisation de la R.D. CONGOEn vue de mettre un terme au refus du président Mobutu d'ouvrir le pays à une démocratie véritable, L.D. Kabila prendra le pouvoir à la faveur d'une lutte armée, largement soutenue, appuyée par le peuple qui attendait de ce dernier des changements politiques conformes à sa nouvelle aspiration démocratique. Mais, il sied de noter que L.D. Kabila avait une conception maoïste ou socialiste de la démocratie différente de la démocratie représentative qu'il avait trouvé en cours et qu'il qualifiait de « démocratie bourgeoise ». Dans la perspective maoïste, il y a démocratie véritable lorsqu'on en vient à la suppression du pouvoir d'Etat et des partis politiques qui sont des instruments dont se sert la bourgeoisie pour opprimer le peuple. Et Mao Tse Toung précise que la véritable démocratie, qu'il qualifie de la dictature démocratique populaire, consiste à « exercer une dictature sur les valets de l`impérialisme, sans tolérer de leur part aucun propos ou acte contre le pouvoir établi. Tout propos ou acte de ce genre sera aussitôt réprimé et puni. C'est au sein du peuple que la démocratie est pratiquée, le peuple jouit de la liberté de parole, de réunion, d'association, etc. Le droit de vote n'appartient qu'au peuple, il n'est point accordé aux réactionnaires.25(*) Il est donc clair que pour M'Zee L.D. Kabila, inspiré par ce précepte, la « démocratie bourgeoise à l'occidental » qu'il avait trouvée en cours de consolidation devait céder la place à la démocratie populaire. Comme le fait remarquer Lobho lwa Djugu Djugu, « le nouveau président tenta d'organiser le pays à sa manière avec un décret-loi constitutionnel élaboré à la hâte et qui portait tous les germes des turpitudes. Du processus de démocratisation qu'il trouva sur place, il n'en fit qu'une vague allusion. De toute les façons, personne dans son entourage, ni les rwandais, ni les ougandais et moins encore les alliés banyamulenge, n'avaient besoin de poursuivre un processus qui les laisseraient au bord de la chaussée politique. »26(*) Ainsi, l'ensemble des textes qui ont régi l'exercice du pouvoir, les activités des partis politiques comme celles des associations montre bien la volonté du président L.D. Kabila de restructurer le champ politique congolais à l'aulne des principes maoïstes. Nous examinerons, pour étayer notre affirmation, le décret-loi constitutionnel 003, la loi sur les partis politiques, la loi sur les manifestations publiques et la loi sur les Asbl. 1. Décret-loi n°003 du 27 mai 1997Sous le régime AFDL dirigé par M'zee LD Kabila, l'organisation et l'exercice du pouvoir sont consacrés par le décret-loi constitutionnel n°003 du 27 mai 1997. Ce texte instaurait une véritable autocratie. Le nouveau texte constitutionnel comprend quatre chapitres subdivisés en quinze articles qui semblent manquer, de toute évidence, toute cohérence entre eux. A la place d'une analyse formelle conséquente que nous ne saurons faire adéquatement à cause de la brièveté du texte, il est utile seulement d'analyser quelques dispositions en rapport avec la compétence et l'articulation des institutions de la République, les unes par rapport aux autres. Ce décret, bien qu'un texte provisoire, pour régir le pouvoir conformément à son article 1er la période transitoire jusqu'à l'adoption de la nouvelle constitution, se référait uniquement à la déclaration de prise du pouvoir par le Président de l'AFDL du 17 mai 1997. Politiquement, outre ce qui a été évoqué précédemment concernant le texte, les institutions de la République sont au nombre de trois : le président de la République, le gouvernement et les cours et tribunaux. Contrairement à la déclaration de prise de pouvoir par L.D. Kabila, l'AFDL n'apparaît pas dans le chapitre II, article 3 consacrés aux institutions comme l'autorité qui assume réellement le pouvoir d'Etat pendant la transition. Car si cela était vrai, c'est bien un organe collectif de l'AFDL qui aurait pu apparaître comme organe suprême détenteur du pouvoir d'Etat. L'article 3 ne fait aucune place à une institution législative, ce qui ouvre la voie à la confusion des pouvoirs au profit du Président de la République qui est le chef de l'Etat, représente la nation ; il exerce le pouvoir législatif par décrets-lois délibérés en conseil des ministres ; il est le chef de l'exécutif et commandant suprême de forces armées congolaises. Concernant le fonctionnement des institutions politiques, ce décret-loi constitutionnel était loin de rencontrer les préoccupations démocratiques notamment la séparation des pouvoirs entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Cela apparaît dans le rôle prépondérant du chef de l'Etat sur les autres institutions. Dans son article 8, il est stipulé que « le gouvernement conduit la politique de la nation, telle que définie par le président de la République ; il exécute les lois de la République et les décrets du Chef de l'Etat. Il dispose de l'administration et des forces armées ; il négocie les accords internationaux sous son autorité » ce qui dénote la tendance d'une certaine concentration du pouvoir entre les mains du Chef de l'Etat. Le gouvernement est réduit à simple organe d'exécution des décisions du président de la République. Ce que confirme l'article 10 du décret, qui stipule : « les ministres sont responsable de la gestion de leurs ministères devant le président de la République. » C'est qui est fréquent dans les régimes présidentiels. En outre, à son article 5, il a précisé que le chef de l'Etat exerce le pouvoir réglementaire par voie de décret, il a le droit de battre la monnaie et d'émettre de papier-monnaie en exécution de la loi. C'est lui qui nomme et révoque discrétionnairement les grands cadres de l'Etat et du secteur paraétatique. Les cours et tribunaux ont la mission de dire les droits. La magistrature par ailleurs, est indépendante dans l'exercice de cette mission. Ainsi, l'ensemble des cours et tribunaux forme le pouvoir judiciaire, et celui-ci est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, donc du président de la République. C'est autant dire que le décret-loi constitutionnel 003 ne mentionne aucun mécanisme de contrôle légal, ni a priori, ni a posteriori. Ce manque préjudicie la meilleure gestion des affaires de l'Etat. Dans une telle situation comme il est difficile d'avoir totalement confiance en son entourage (sauf bien sur quelques exceptions), LD. Kabila n'a pas tardé à mettre de coté chaque fois qu'il trouvait nécessaire, certains membres de son gouvernement ainsi que des responsables militaires. Il aura retouché à plusieurs reprises son gouvernement et nommé à plusieurs reprises les chefs d'Etat major de l'armée sans compter d'autres services. A cet effet, Colette Braeckmann souligne que la « première année de pouvoir est erratique, difficile, la greffe ne parvient pas à s'implanter, car l'organisation manque des cadres, des moyens, de bases populaires ; elle se juxtapose aux partis existants, et bien rodés. En outre, soucieux de conquérir son autonomie, LD Kabila rompt avec les partenaire qui avaient cosigné avec lui l'acte de base de L'AFDL : Kisase Ngandu est mort, Anselme Masasu était arrêté, Bugera lui - même est peu à peu marginalisé et un an après la prise du pouvoir, il est écarté de la direction de L'AFDL au profit de Vincent Mutomb Tshibal, un neveu du président »27(*) La concentration du pouvoir entre les mains du président de la République a eu un impact majeur sur le paysage politique national. De l'espace libéral et pluraliste qu'il était, l'espace politique congolais était devenu monolithique et autoritaire. * 25 Mao Tse Toung, Textes choisis, éditions des langues étrangères, Pékin, 1972, p. 413 * 26 Lobho Lwa Djugu Djugu, Le Congo à l'épreuve de la démocratie. Essai d'histoire politique, PUK, Kinshasa, 2006, p.254 * 27 C. Braeckmann. Op.-cit, pp .319 - 329 |
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