Islam, démocratie et droits de l'homme( Télécharger le fichier original )par BOUGUERRA Faycel et BELLOUBET Nicole Université Sciences Sociales Toulouse I - Master 2 Recherche Droit Public Comparé des Pays Francophones 2007 |
MASTER 2 Recherche DROIT PUBLIC COMPAREÉ DES PAYS FRANCOPHONES "ÉTAT ET RELIGION" "ISLAM, DÉMOCRATIE & DROITS DE L'HOMME" Réalisé par Dirigé par BOUGUERRA Faycel BELLOUBET Nicole ANNÉE UNIVERSITAIRE 2006 - 2007 Miniature arabe montrant Socrate discutant avec ses disciples Socrate et ses etudiants (Mukhtar Al-Hikam Wa-Mahasin Al-Kalim :"choix des meilleures sentences" : La rencontre entre la pensee grecque et islamique) : miniature de Al-Mubashshir, Syrie, debut du 13e siecle, Musee du palais Topkapi, Istanbul. ILLUSTRATION DE LA COUVERTURE Avicenne (de son vrai nom Ibn Sînâ, 980-1037) entouré de quelques-uns de ses disciples. Grand médecin, ce persan originaire de l'actuel Ouzbékistan, était également philosophe, mathématicien et poète ! (Miniature illustrant un ouvrage de médecine rédigé en Arabe, Bibliothèque ambrosienne de Milan). PLAN SOMMAIRE INTRODUCTION P. 01 CHAPITRE I : LES GERMES D'UNE CONTRADICTION P. 11SECTION I : CONTRADICTION HISTORIQUE P. 11 ET CIVILISATIO - CULTURELLE A / CONTRADICTION HISTORIQUE P. 11 B / CONTRADICTION CIVILISATIO - CULTURELLE P. 15 SECTION II : CONTRADICTION POLITICO - JURIDIQUE P. 20 A / CONTRADICTION JURIDIQUE P. 20 B / CONTRADICTION POLITIQUE P. 25 CHAPITRE II : LES PRÉCURSEURS D'UNE CONCILIATION P. 30SECTION I : LES ÉCOLES DE PENSÉE MÉDIÉVALES P. 30 ou du début d'un âge d'or à la fin d'une épopée A / LES SECTES OU PARTIS MUSULMANS P. 31 B / LES PENSEURS MÉDIÉVAUX ou la tendance philosophique P. 35 SECTION II : DES PRÉ - RÉFORMISTES AUX NOUVEAUX PENSEURS P. 40
A / LES PRÉ - RÉFORMISTES ou / et les réformateurs modernes P .40 B / LES NOUVEAUX PENSEURS ou les penseurs contemporains P. 51 CONCLUSION P. 57 « L'État soi-disant chrétien a besoin de la religion chrétienne pour se compléter comme État. Au contraire, l'État démocratique, l'État véritable, n'a pas besoin de la religion pour son achèvement politique. Il peut s'en passer parce qu'en lui le fondement de la religion est réalisé d'une manière profane ». Karl Marx1(*) L es Arabes errent dans leur désert en une lente et continuelle migration qui les porte du Yémen trop dense vers la Méditerranée. Ils vivent chichement de quelques razzias. Rares sont ceux qui cultivent dans le Hedjaz. Certains commercent ou pratiquent l'usure dans les échoppes de La Mecque et au passage des caravanes qui relient l' Inde à la Syrie. Pour se divertir, certains font le Che'r (la poésie) pour raconter leurs voyages et aventures chevaleresques et épiques traversant le désert et les terres inconnues. D'autres font la poésie pour pleurer un cher emporté par la mort ou pour parler de leurs soirées arrosées de vins et de femmes. Certains font la poésie pour chérir leurs bien-aimées, ou simplement des poésies sarcastiques pour insulter leurs ennemis. Appauvris, certains en font du commerce en faisant couvrir de louanges un roi ou un riche. L'idolâtrie est la foi qui règne. Esclavage, inceste, corruption et enterrements vives des femmes sont pratiqués à tout va. Ainsi, la période de troubles politiques et économiques, le matérialisme des marchands à courte vue favorise la recherche de nouveaux horizons spirituels, et pourquoi pas vers le monothéisme des juifs, des chrétiens ou des mazdéens. Ainsi, l'Islam est apparu en Arabie au VIIe siècle sous l'impulsion du prophète Mahomet2(*). Son nom complet est `Abu-l-Qâsim Mouhammed Ibn`Abd Allâh Ibn`Abd Al-Mouttalib Ibn Hâshim3(*). La variante francisée « Mahomet » est proche des versions des langues romanes apparentées : Mahoma en espagnol, Maomé en portugais, Maometto en italien. Elle est cependant rejetée par une partie des musulmans francophones4(*). Il naît à la fin du 6e siècle, vers 570, à la Mecque, cité caravanière vivant du commerce de marchandises transitant de l' Inde vers l'Occident via Aden puis la Syrie, en traversant le désert de la péninsule arabique. Jusqu'à l'âge de 40 ans, il y a peu de détail écrit sur sa vie, elle est reconstituée d'après la tradition orale mise par écrit 140 ans après sa mort, grâce à de nombreux témoignages de ceux qui avaient connu ses premiers compagnons. Il aurait été berger puis caravanier avant d'entrer au service de Khadija, une riche veuve qui organisait des caravanes marchandes. À la Mecque, Mahomet se distinguera des gens de son âge. Il est fort, judicieux dans ses propos, énergique dans ses expressions, fidèle à ses amis et plus encore à ses promesses. Il évite avec un soin extrême tout ce qui peut faire soupçonner en lui quelque goût pour le vice. Il effectue de nombreuses retraites spirituelles. C'est en 610 que, pour la première fois, l'ange Gabriel (Jibril) lui serait apparu dans la grotte de Hira où il avait coutume de se recueillir et lui aurait transmis la Révélation, la parole de Dieu. Mahomet, qui a alors 40 ans, commence à transmettre des Versets qu'il déclare être révélés par Allah et dictés en arabe par l'ange Gabriel, cette dictée durera vingt-trois ans. Les Révélations se sont accomplies ponctuellement ou régulièrement selon les péripéties de la vie du prophète et de la Communauté des croyants. Ils formeront le Coran, que Mahomet prend soin d'enseigner oralement dès le début. Notamment, il a eu soin d'enseigner les cinq piliers de l'Islam qui constituent des préceptes fondamentaux obligatoires pour les musulmans sunnites et qui sont la base sur laquelle le musulman sunnite construit sa vie pour se conformer à la révélation. En revanche, les autres courants de l'Islam acceptent ces préceptes et en ajoutent d'autres. Le premier consiste pour le croyant, en toute connaissance de cause et non sous la contrainte, à accepter et proclamer deux choses qu'on appelle la confession de foi musulmane qui est très brève : Lâ ilâha illa-llâh, muhammad rasûlu-llâh, pouvant se traduire par « Je témoigne qu'il n'y a pas de vraie divinité sinon Dieu (Allah) et que Mahomet est son messager ». Il en découle que tout acte d'adoration ne doit être dirigé que vers Allah et Mahomet est le messager d'Allah, ce qui en fait un modèle pour le croyant. Le deuxième consiste à ce que, outre la prière à la demande ou subrogatoire (nâfilah), chaque musulman est tenu d'effectuer cinq prières quotidiennes obligatoires (faridah). Elle s'appelle namâz dans les pays de langue indienne ou perse. La prière doit s'effectuer en état de pureté. Si ce n'est pas le cas, il faut pratiquer les ablutions. Elle s'effectue tourné vers la Ka'ba (située à la Mecque, ville d'Arabie Saoudite). L'orant (le prieur) doit exprimer l'intention qui l'a conduit à la prière explicitement (ni-yah). Le troisième pilier étant la Zakat qui est un impôt légal purificateur calculé dans les pays musulmans sur les revenus du foyer et destiné aux pauvres. La zakat ne doit pas être confondue avec les aumônes. Elle correspond à 2,5 % (ou 1/40) de l'épargne du musulman si cette épargne dépasse un certain montant évalué à 85 grammes d'or soit actuellement à environ 1100 euros et si elle subit une révolution annuelle5(*). Le musulman est tenu de calculer chaque année lunaire ( hégire) ce montant et le donner aux gens les plus pauvres de sa communauté en commençant par sa famille (à l'exception de ceux qu'il a en charge) et ses voisins. Le quatrième étant le jeûne qui est effectué durant le mois lunaire du Ramadan. Ce jeûne est prescrit par le Coran, il consiste à s'abstenir de manger, de boire, de fumer et d'avoir des relations sexuelles depuis l'aube jusqu'au coucher du soleil : « Mangez et buvez jusqu'à ce que l'on puisse distinguer à l'aube un fil blanc d'un noir. Jeûnez, ensuite, jusqu'à la nuit»6(*). Le Ramadan est une période de recueillement et le jeûne une occasion de partager la situation des indigents. Le pèlerinage à la Mecque est le cinquième pilier qui doit être effectué au moins une fois dans sa vie pour qui en a les moyens matériels et la capacité physique. C'est entre le 8 et le 13 du mois lunaire de Dhou al-Hijja qu'a lieu le Grand Pèlerinage à La Mecque. Cependant, les chiites ainsi que d'autres factions ou sectes minoritaires réclament le Jihad (la guerre sainte ou sacrée) comme le sixième pilier de l'Islam. Le Jihad étant défini par la majorité des fûqaha (juristes musulmans) comme étant interne en combattant les dérives de sa foi et de son âme et externe en combattant les mécréants, les apostats, les athées et les associateurs. Plusieurs écoles d'interprétation de la foi ( Madhhab) sont apparues selon les conceptions religieuses des penseurs musulmans. Aux premiers temps de l' Islam, les plus importantes étaient celles de Kufa, Médine, Bassora et La Mecque. Par compétition, ces écoles ont peu à peu laissé place à certains courants de pensée inspirés par un grand juriste et son école et ne sont plus cantonnées à un emplacement géographique. On dénombre de nos jours plusieurs courants s'inspirant des écoles majeures, et autant de déclinaisons de la Charia7(*), ou Loi musulmane8(*). Il en existe quatre majeures pour le sunnisme et deux pour le chiisme. Un évènement très important eut lieu au Xe siècle (IVe siècle de l' Hégire), un calife abbasside ferme les "portes de l'interprétation" (Bab al-ijtihad) et fige les quatre écoles sunnites qui se reconnaissent mutuellement et qui, de fait, rejettent les autres y compris les écoles chiites. On a l'école hanafite, d' Abu Hanifa Al-Nu'man Ibn Thabit ( 699 - 760), dite école de la libre opinion car elle fait une grande place à l'interprétation. On la retrouve aujourd'hui en Turquie, Ex- URSS, Jordanie, Syrie,... L'école malékite, de Mâlik ibn Anas (env. 712 - env. 796), est celle qui s'inspire le plus de la Sunna ; on retrouve son influence aujourd'hui en Tunisie, Égypte, au Maroc, Algérie, Lybie, au Soudan, en Afrique occidentale. L'école shaféite, de Mouhammad abû àbd allah ben idrîs að-ðâfi`î ( 767 - 820), tente de trouver un moyen terme entre les deux écoles ci-dessus ; on la retrouve en Palestine, au Pakistan, au Kurdistan, en Asie du sud-est, et en Afrique de l'Est. L'école hanbalite, d' Ibn Hanbal ( 780 - 855), est exclusivement attachée à la Sunna ; on la retrouve aujourd'hui en Arabie saoudite et au Qatar. Il existe par ailleurs deux écoles chiites principales : L'école ja'farite, en Irak et en Iran et l'école zaydite, de Dawud ben`Alî al-Isfahânî, reprise par Ibn Hazm de Cordoue, Andalousie, actuellement rencontrée au Yémen. Plusieurs points de divergences séparent ces écoles. Par exemple, la différence de traitement des Versets du Coran abrogeant et abrogés, la pondération relative des diverses sources de savoir, ... Ce qui caractérise les fondamentalistes ou intégristes musulmans est, par définition, leur rejet de ces différentes écoles. Ils se définissent comme musulmans, sans aucune distinction, par conséquent pas d'obédience à une école de droit. Du coup, ils se conforment à l'Islam dans son intégralité. Il s'agit d'une position dogmatique et n'ayant que peu de prise sur les aspects pratiques inhérents à une école de droit pragmatique. Il est à noter que le Coran affirme que la venue de Mahomet comme Prophète de l' Islam pour toute l' humanité est annoncée dans la Torah et dans l'Injil (l' Évangile) sous le nom d'Ahmed9(*). Un siècle après sa mort, un empire islamique s'est étendu de l' océan Atlantique dans l'ouest vers l' Asie centrale dans l'est. Celui ci n'est pas resté unifié longtemps, le nouveau régime a rapidement fini en guerre civile ( Fitna) et plus tard affectée par une deuxième Fitna. Ensuite, il y eut des dynasties rivales réclamant le Califat, ou la conduite du monde musulman, et beaucoup d'empires islamiques furent gouvernés par un Calife incapable d'unifier le monde islamique. En dépit de ce morcellement de l'Islam en tant que communauté politique, les empires des Califes d' Abbassides, l' empire Mongols et les Seldjoukides étaient parmi les plus grands et les plus puissants au monde. Ce qui l'atteste, c'est le fait que les Arabes produisirent bon nombre de centres islamiques, de scientifiques, d'astronomes, de mathématiciens, médecins et d'illustres philosophes pendant l'âge d'or de l'Islam. La technologie s'épanouit, un investissement soutenu dans les infrastructures, telles que des systèmes d'irrigation et des canaux et surtout, l'importance de lire le Coran produisirent un niveau relativement élevé de l' instruction parmi la population. La philosophie avait droit de cité. Ainsi, les sources de la philosophie islamique proviennent à la fois de l' Islam en lui-même ( Coran et Sunna) ainsi que de la philosophie grecque, iranienne pré-islamique et indienne. Les Mutazilites marquèrent pour longtemps les esprits. En effet, la Madhhab motazilite est née d'une opposition aux vues traditionnelles des musulmans partisans du Califat. Puis, s'intéressant aux attaques que subissait l'Islam de la part des non-musulmans, ces Moutazilites devinrent rapidement obsédés par le débat avec les autres théologies et courants de pensée à l'intérieur de l'Islam lui-même. Très rapidement, encouragée par le Calife Al-Mamun qui fit du Mutazilisme la doctrine officielle en 827 et créera la Maison de la sagesse (Bibliothèque Dâr Al-`hikma) en 832, la philosophie grecques fut introduite dans les milieux intellectuels persans et arabes. L' École péripatétique commença à avoir des représentants parmi eux : ce fut le cas d' Al-Kindi10(*), d' Al-Farabi, d'Ibn Sina ( Avicenne), et d'Ibn Rushd ( Averroès). Ceux qui cherchaient par une démonstration philosophique à conforter et démontrer le bien-fondé de leur foi religieuse ont été recrutés par Hunayn ibn Ishaq, un arabe chrétien qui dirigea la maison de la sagesse vers 870. Ils ont collecté, traduit et synthétisé tout ce que le génie des autres cultures grec, indien, iranien a pu produire avant d'entreprendre les commentaires sur ces oeuvres et formé les bases de la philosophie musulmane du 9e et 10e siècle. Ceux qui utiliseront cette méthodologie dite ` Ilm al-Kalâm basée sur la dialectique grecque seront appelés Mutakalamin. En réponse au Mutazilisme, Abu al-Hasan al-Ash'ari, initialement un Moutazilite lui-même, développa le Kalâm et fonda l'école de pensée Ach'arite qui s'appuyait sur cette méthodologie. Ainsi le Kalâm et la Falsafa influenceront plusieurs Madhhabs (école de pensée). Les Karaïtes, une branche du judaïsme, s'inspirent aussi peu à peu de la forme dialectique de la kalâm pour s'opposer à leurs adversaires. Ces philosophes se font appelés les Mas'udi. Leurs arguments et raisonnement influenceront en retour les vues musulmanes. Sous le Califat des Abbassides, un certain nombre de penseurs et de scientifiques, et parmi eux de nombreux musulmans "hérétiques" ou des non-musulmans, jouèrent un rôle dans la transmission à l'Occident des savoirs grec, indien, et d'autres sagesses pré-islamiques, mésopotamiennes et iraniennes. Trois penseurs spéculatifs, les deux Persans Al-Farabi et Ibn Sinâ ( Avicenne), et l'Arabe Al-Kindi, combinèrent l' aristotélisme et le néoplatonisme avec d'autres courants dans l'Islam. Ils furent considérés par beaucoup comme déviants par rapport à l'orthodoxie religieuse, et certains les jugèrent même comme des philosophes non-musulmans voire hérétique (zendiq). Les Ismaéliens ne sont pas à l'écart de l'influence de la philosophie néoplatonicienne et plusieurs penseurs collaborent pour produire à Basra une encyclopédie : la Ikhwan al-Safa. C'est en cherchant à affiner la doctrine de l'Islam et à interpréter correctement les Hadith, tout en extrapolant sur les questions religieuses qui n'avaient pas été explicitement tranchées dans le Coran qu'avec la méthode de l' Ijtihad, s'ouvrent les premiers débats philosophiques et théologiques en Islam, notamment entre les partisans du libre arbitre ou Qadar (de l'arabe : qadara, qui a le pouvoir), et les Djabarites (de djabar force, contrainte), partisans du fatalisme. Pour ce qui est de la théologie en Islam, elle doit répondre à des interrogations concernant la Théodicée, l' eschatologie, l' anthropologie, la Théologie négative et de Religion comparée (La philosophie hellénistique de l'Islam ( falsafa), la théologie dialectique ( kalâm), le soufisme, théorie ésotérique de l'Islam, les écoles littéralistes [ Atharisme comme pour le madhhab Hanbalisme]). Le 12e siècle voit l'apothéose de la philosophie pure et le déclin du Kalâm, plus tard. Cette suprême exaltation de la philosophie doit être attribuée, pour une large part au persan Al-Ghazali et au juif Juda Halevi. En émettant des critiques, ils ont produit par réaction un courant favorable à la philosophie par une mise en cause des concepts et en rendant leurs théories plus logiques et plus claires. Ibn Bajjah et Averroès ont produit les plus belles oeuvres de la pensée islamique. Averroès clôt le débat par un oeuvre d'une grande hardiesse. La fureur des orthodoxes est en effet telle que le débat n'est plus possible. Les orthodoxes s'en prennent sans distinction à tous les philosophes et font brûler les livres. Avec la mort d'Averroès, l'école de pensée péripatétique arabe a décliné tandis que la perte de l'Espagne au profit des chrétiens permettra au débat de se poursuivre en Occident, par l'intermédiaire des juifs, et plus particulièrement des Maïmonides. En Orient, la philosophie péripatétique s'est poursuivie à la Cour des empereurs ottomans, en Iran ou en Inde comme par exemple avec les philosophes méconnus comme Chah Waliullah et Ahmad Sirhindi. Des écoles se sont fondées telle que celle de Ibn `Arabî, Sohrawardi et Mulla Sadra et sont toujours actives. De plus, la logique a continué à être enseignée dans les séminaires religieux jusqu'à aujourd'hui. Toutefois, il est de tradition de séparer les écoles philosophiques concernées par les croyances chiites et celles qui ne le sont pas. Plus tard, aux 18e siècle et 19e siècle, plusieurs régions islamiques tombèrent sous les puissances impériales européennes. Après la première guerre mondiale, les restes de l' Empire ottoman furent partagés sous forme de protectorats européens. Bien qu'affectée par diverses idéologies, telles que le communisme, pendant une bonne partie du 20e siècle, l'identité islamique et la prépondérance de l'Islam sur des questions politiques augmenta au cours de la fin du 20e siècle et le début du 21e siècle. La croissance rapide, les intérêts occidentaux dans des régions islamiques, les conflits internationaux et la globalisation influencèrent l'importance de l'Islam dans le moulage du monde du 21e siècle11(*). L'Islam est la seule religion dont le nom figure dans la désignation officielle de plusieurs États indépendants, sous la forme de « République islamique... ». Mais, ces États ne sont pas les seuls où l'imbrication du politique et du religieux est telle que la Chari'a y a force de loi. Il est à noter qu'il se produit souvent une confusion entre Arabes et musulmans à cause de deux facteurs : l'origine arabe de l'Islam et l'importance de la langue arabe dans cette religion12(*). Ce 21ème siècle est caractérisé par le conflit Sunnite - Chiite, dit nouvelle Fitna, ainsi que par l'avènement ou le retour marquant du panislamisme. Étant un facteur déstabilisateur en Islam, la résurrection de la Fitna tient au fait qu'il existe de nombreuses tensions entre Sunnites et Chiites. Le premier foyer d'affrontements est l' Irak depuis l'intervention américaine en 2003, puis le Pakistan depuis 1990. Le Panislamisme, quant à lui, est un mouvement politique réclamant soit l'union de toutes les Communautés musulmanes dans le monde, soit l'union de territoire considéré comme musulman. Cette idéologie a d'abord était défendue par les Sultans ottomans et devient influente après la première guerre mondiale, avec l'application de l' accord Sykes-Picot qui met fin aux espoirs des nationalistes arabes d'avoir un État arabe libre et indépendant. Le panislamisme était un courant de pensée anti-colonialiste et maintenant anti-impérialiste rentrant très souvent en conflit avec les courants nationalistes arabes13(*). Ce mouvement panislamiste s'explique par le choque de la modernité subit par la civilisation arabo-musulmane qui s'est trouvée trop faible devant la marrée montante d'une puissance occidentale envahissante. Du coup, cette civilisation se mis à se poser des questions embarrassantes sur les causes de sa faiblesse, de son retard technologique, culturel voire épistémologique. Étant donné qu'on ne peut concevoir la démocratie et les droits de l'Homme en dehors du cadre de l'État dans son acception institutionnelle, il est tout à fait logique que l'instauration de l'État, rapprochée parfois par des philosophes comme Hegel à « la venue du Dieu sur terre », serait un priori capital mais toutefois non suffisant. Or, l'instauration de l'État dans son acception institutionnelle et formelle, si l'on suit à la lettre la logique kelsenienne, débauche sur une crise de légitimité et de légalité dans le monde arabo-musulman. Partant, l'on est enclin à se poser la question suivante : faut-il démocratiser l'Islam ou islamiser la démocratie ? Les réponses sont dans tous les sens et les azimuts. Les uns disent que pour avancer, faut-il admettre d'emblée et en bloc, pour son propre compte, les principes et idées véhiculés par la modernité. D'autres disent que ces idées de démocratie, de justice, de droits de l'Homme, de la laïcité, de la liberté individuelle, de la sécularisation sont a priori en contradiction avec l'héritage historique, culturel et politico-juridique arabo-musulman (CHAPITRE I), alors faut-il les aménager pour ainsi chercher une possible conciliation (CHAPITRE II). L'effort d'aménagement se fait sentir, toutefois il prend différentes voies. Les uns ont choisi de revenir à l'Islam des premiers car, selon eux, la cause de notre faiblesse réside dans le fait qu'on a quitté les enseignements de l'Islam. D'autres réformistes croient en une possible retrouvaille entre l'Islam et ces idées "nouvelles" et ce en revenant aux travaux des écoles de pensée médiévales. D'autres, se proclamant contemporains, ont essayé de confronter l'Islam aux savoirs de nos jours en essayant, tant soit peu pour quelques uns d'entre eux, de fonder la démocratie et les autres principes sur la logique de la laïcité et la sécularisation pure et simple sans aucune référence théologique. « L'histoire dans son apparence ne fait que réciter les événements. Dans son essence, il invite à la réflexion et à l'enquête ». `Abd Arra'hmann Ibn Kholdoun14(*) * 1 Marx (Karl), La question juive, Union générale d'éditions, 10/18, Paris, 1968, p. 29 ; OEuvres choisies, Vol.1, Gallimard, Paris, 1963, p. 82. * 2 Dans le Coran et les hadiths, Mahomet est habituellement appelé le messager de Dieu ( rasoul) (« le messager », « l'envoyé »), plus de 200 fois dans le Coran. Il est également désigné par l'expression « le prophète » ( nabi). Ces deux appellations renvoient à une distinction faite en islam entre deux catégories de personnes investies d'une mission apostolique : les messagers de Dieu, appelés aussi envoyés de Dieu, sont d'après la terminologie islamique les personnages ayant reçu la révélation de lois abrogeant les lois des messagers qui les auront précédés, avec l'ordre de le transmettre aux hommes, tandis que les prophètes reçoivent une révélation par les mêmes voies ainsi que l'ordre de transmettre un message aux hommes mais ce message ne leur est pas propre, il est celui du messager qui les aura précédés. Selon cette classification, tout messager est un prophète mais ce n'est pas tout prophète qui est messager. Les uns comme les autres reçoivent la révélation mais seuls les messagers reçoivent un livre ou une loi nouvelle. Selon la tradition musulmane il y aurait 124 000 prophètes et 313 messagers, le premier d'entre eux étant Adam, le premier des humains, et le dernier, Mahomet, l'un comme l'autre étant des prophètes messagers. * 3 De nombreux autres noms lui ont été attribués, soit de son vivant, soit par la tradition islamique. On en compte 201, dont Al-Mustafâ et Al-Mukhtâr qui signifient « l'élu », Al-Amine qui signifie « le loyal », Ahmad et Mahmoud qui sont dérivés de la même racine que Mohammed. La version arabe Mouhammed qui signifie en arabe « Celui qui est digne de louanges ». Le terme français Mahomet est une déformation du turc Mehmet. Mouhammed devient Muhammet ou Mehmet en Turquie, Mohand en langue berbère, et Mamadou dans certains pays d' Afrique noire par déformation de la forme déclinée au nominatif Mouhammadou. * 4 Un débat récent qui a fait l'objet d'une pétition expédiée à l' Académie française estimait : « Mohammed signifie en arabe, "le Béni". Et ce sens est parfaitement apparent dans le terme lui-même alors que Mahomet proviendrait au dire de ces pétitionnaires de l'expression Mâ `houmid qui en est la négation, c'est-à-dire en langue arabe "qu'il soit non béni"». * 5 Il est à noter que l'épargne musulmane étant calculée en grammes d'or et non en monnaie contemporaine, le nombre ci-dessus est variable d'années en années. * 6 Le Coran, Sourate 2, La génisse, Verset 185, Traduction Régis Blachère, Éditions Maisonneuve et Larose, Paris, 1999. * 7 La Chariaen langue arabe veut dire « la voie » à suivre. * 8 Cependant, il est préférable, à notre sens, d'utiliser le terme "droit musulman ou loi islamique" au lieu du terme "Loi musulmane" car la loi, bien entendu, n'a pas de foi. * 9 As-Saff 61.6 : « Et quand Jésus fils de Marie dit : "ô Enfants d'Israël, je suis vraiment le Messager d'Allah [envoyé] à vous, confirmateur de ce qui, dans la Thora, est antérieur à moi, et annonciateur d'un Messager à venir après moi, dont le nom sera «Ahmad». Puis quand celui-ci vint à eux avec des preuves évidentes, ils dirent : «C'est là une magie manifeste». Il ne parlera pas de lui-même, mais tout ce qu'il aura entendu, il le dira, et il vous annoncera les choses à venir"». * 10 Il est considéré comme étant le premier philosophe arabo-musulman. * 11 L'islam est la religion la plus répandue après le Christianisme, et actuellement celle avec la croissance la plus rapide. Selon certains, il comporte maintenant plus que 1,5 milliards de croyants, soit plus que 20 % de la population du monde. La diffusion de l'Islam hors du monde arabo-musulman traditionnel s'explique par la croissance des flux migratoires à partir des pays de religion et de culture musulmane, ainsi que du prosélytisme de certains musulmans. * 12 Il y a 300 millions d'Arabes, dont 20 millions sont chrétiens. Au final, seulement 25 % des musulmans vivent dans le monde arabe, un cinquième sont situés en Afrique sub-saharienne, et la plus grande population musulmane du monde est en Indonésie. Il y a des populations musulmanes importantes au Nigeria, Bangladesh, Afghanistan, Pakistan, en Iran, en Indonésie, en Chine mais aussi en Europe, dans l'ancienne Union soviétique, et en Amérique du Sud. Il y a presque sept millions de musulmans aux États-Unis et presque autant en France. * 13 Aujourd'hui, le panislamisme est largement représenté par des mouvements religieux comme les frères musulmans, des organisations anti-nationalistes qui préfère l' Oumma (Communauté des croyants) à la nation (watan). Cette idéologie connaît beaucoup de succès dans les pays arabes, mais elles semblent moins séduire les foules dans les pays non-arabes. Au niveau politique, Al-Qaida se place en tant que panislamique, réclamant une nation musulmane allant du Maroc jusqu'aux Philippines. Le ` Hamas est un parti dont l'idéologie est panislamique. Pour le Front islamique d'Action, le panislamisme représente le Proche-Orient (sans l'Égypte et sans la moitié de l'Irak). * 14 Ibn Kholdoun (`Abd Arra'hmann), Al-mouqaddima (Le prolégomène), Trad. Monteil, Dâr Al-kalam, Beyrouth, 1967 et 1981, Paris, Sindbad, 1979 : Père fondateur de la sociologie, né en Tunisie en 1332 et mort en Égypte en 1395. Connu pour ses intrigues politiques échouées, tissues pour renverser les rois en Afrique du nord. |
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