Faculté de Droit
Mohammedia
Mémoire de fin d'études sous le
thème :
« Prosélytisme et liberté
religieuse dans le droit privé »
Préparé par
Mlle AZDEM Meriem
Droit Privé - Section Française
Encadrement : A. M. BELGHITI
ANNEE UNIVERSITAIRE 2006 - 2007
Sommaire
Remerciements 3
Dédicaces 4
Table des sigles 5
Introduction 6
Plan 12
Chapitre 1 : Les aspects pratiques du prosélytisme et
de la liberté religieuse 13
Section 1 : La liberté d'expression comme moyen de
prosélytisme 13
Section 2 : Le prosélytisme abusif 22
Chapitre 2 : Les aspects juridiques du prosélytisme
et de la liberté de culte 33
Section 1 : Le principe de la liberté religieuse
34
Section 2 : L'incrimination du prosélytisme
42
Conclusion 50
Annexes 51
Sommaire des annexes 52
Bibliographie 65
Table des matières 66
Remerciements
Mes remerciements s'adressent :
A mes parents, mon fiancé, mon frère et tous les
membres de ma famille qui m'ont soutenue depuis le début.
A mon grand-père qui a toujours été
à mes côtés.
A un juriste et ami Taoufik Fadhil qui m'a orientée et
dont le concours m'était nécessaire.
A M. Belghiti qui a été le seul à
avoir accepté de m'encadrer pour ce travail dès le début
et qui m'a toujours soutenue.
A mon professeur Mme Toufik Saida qui m'a encouragée,
soutenue et aidée dans mes recherches.
Au journaliste et ami Abderrahim Tafnout qui m'a aidée
dans mes recherches et qui m'a encouragée.
A Mr Driss Ksikes directeur de publication du magasine Nichane
qui m'a apportée des informations précieuses.
À Youssef Chmirou journaliste reporter de La
Gazette du Maroc qui m'a apportée des informations précieuses.
A Mohamed El Boukili ami et membre du bureau central de l'AMDH
à Rabat qui a mis à ma disposition nombre de documents
importants.
Dédicaces
« Je dédie ce mémoire
à mon fiancé dont j'ai fait un prosélyte en le poussant -
légitimement - à se convertir à l'Islam, et qui n'aurait
jamais pu faire de moi une prosélyte, en outre, de peur d'être
traduit en justice »
Table des sigles
AEM Aide aux Eglises Martyres.
AFP Agence France Presse.
CEDH Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des
Libertés. Fondamentales usuellement appelée Convention
Européenne des Droits de l'Homme.
CERD Committee on the Elimination of Racial Discrimination
(Comité pour l'Elimination de la Discrimination Raciale).
CMDH Centre Marocain des Droits de l'Homme.
CND F.L Centre National de Documentation du Maroc.
CPI Cour Pénale Internationale.
ECAM Enseignement Catholique Au Maroc.
FIDH Fédération Internationale des Droits
de l'Homme.
ISJ Institut Supérieur de Journalisme.
ONU Organisation des Nations Unies.
PJD Parti islamiste Justice et Développement.
RAM Royal Air Maroc.
UNESCO United Nations Educational, Scientific and Cultural
Organization (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la
science et la culture)
Introduction
« Si dieu l'avait voulu, l'Univers
entier embrasserait la vrai foi ! Voudrais-tu contraindre les hommes
à se convertir ? (Sourate Jonas10/99) »
Le droit est l'ensemble des règles de conduite
extérieure, définies par des hommes pour régir les
rapports sociaux, et généralement sanctionné par la
contrainte publique. La sanction attachée à la règle de
droit est ce qui distingue cette dernière des autres règles,
telles que les règles morales et les règles de politesse ou les
règles religieuses.
S'il est aisé de définir le droit, la religion
quant à elle, pose problème. Elle est en réalité
« rebelle par essence à une définition unique, [elle]
couvre tant de sens différents et elle a connu de telles
évolutions dans ses représentations sociales, qu' [elle] est
difficilement saisissable »1(*).
Le dictionnaire Larousse la définit comme
« l'ensemble des croyances et des pratiques ayant pour objet les
rapports de l'homme avec la divinité ou le sacré ».
Mais cette définition reste littérale.
Le législateur marocain à l'instar du
législateur français passe sous silence toute définition
juridique. Pourtant la religion peut prendre la forme de commandements et elle
peut se confondre avec le droit, surtout lorsque l'Etat n'est pas laïc.
C'est le cas du Maroc qui est un pays multiconfessionnel, dont le droit positif
est fortement inspiré des préceptes religieux. L'islam reste la
religion d'Etat, et le Roi est le Commandeur des Croyants (Article 19 de la
constitution).
Néanmoins le législateur a prévu des
dispositions régissant chaque ethnie religieuse. D'ailleurs, le Dahir
des Obligations et des Contrats le souligne dans son article 3 en stipulant que
la capacité civile de l'individu est réglée par la loi qui
régit son statut personnel. Le Dahir n. 1-58-250 portant Code de la
nationalité marocaine reprend dans son article 3 : « la
nationalité et statut personnel. - à l'exception des marocains de
confession juive qui sont soumis au statut personnel hébraïque
marocain- le code du statut personnel et successoral2(*) régissant les marocains
musulmans s'applique à tous les nationaux. Toutefois, les prescriptions
ci-après s'appliquent aux marocains ni musulmans, ni israélites
.... ». Ce qui implique que les marocains musulmans sont régis
par la loi 70-03 instituant le code de la famille. Tandis que les marocains
juifs répondent au statut hébraïque marocain qui n'est pas
codifié. Ses dispositions sont limitées au statut personnel et
successoral - mariage, filiation, divorce, adoption, puissance paternelle,
validité des testaments, délivrance de legs et partages des
successions.
Par ailleurs, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a
solennellement annoncé à l'occasion de l'ouverture de la session
d'hiver du Parlement, le 10 octobre 2003 : « Soucieux de
préserver les droits de Nos fidèles sujets de confession juive,
Nous tenons à ce que soit réaffirmée dans le Nouveau Code
de la Famille, l'application à leur égard des dispositions au
statut personnel hébraïque marocain. »
Cependant, le nombre des juifs marocains diminue de plus en
plus. « Sur 164.000 juifs que comptait le Maroc en 1960, plus de la
moitié, soit 102.157 avaient émigré entre 1961 et 1964
pour Israël ou pour l'Europe et l'Amérique lors du grand exode
connu par les juifs marocains au cours de leur histoire millénaire. En
1963, le chiffre des départs pour Israël battit tous les records
(...). Il y eut un répit dès 1964 dès lors que les
intéressés avaient eu des assurances qu'ils pouvaient quitter
s'ils le voulaient à tout moment. Aujourd'hui seuls 3.000 juifs environ
vivent au Maroc. »3(*)
D'autre part, le 2nd alinéa de article 3 du
code de la nationalité suppose l'existence de marocains ni musulmans ni
israélites, qui sont régis par le code de la famille à
l'exclusion des dispositions pour lesquelles la qualité de musulman est
requise. En effet, selon The World Factbook 2007, sur une population
estimée à 33. 241.259 habitants en juin 2006, l'islam est la
religion majoritaire au Maroc avec 98,7 % de musulmans, 1,1 % de
chrétiens et 0,2 % de juifs. Mais ces chiffres ne sont pas figés.
En ce sens que le nombre des conversions s'accroît et
décroît d'année en années.
D'après la World Christian Data base du Centre pour
l'étude du christianisme mondial4(*), en comparaison avec les chiffres de 1985, le
christianisme est la religion dont le taux de croissance est le plus
élevé au Maroc. Les chrétiens indépendants,
notamment les protestants évangéliques connaissent une grande
croissance, environ 84.000 adhérents soit une augmentation de 3 % en
2005. Ce phénomène d'augmentation s'explique partiellement par
une recrudescence de l'immigration venue d'Afrique sub-saharienne, à
laquelle s'ajoute un certain nombre de conversions, entre 2.000 à 2.500
en 2005. Les chrétiens dits «marginaux» tels que les
témoins de Jéhovah ou les Mormons connaissent un faible taux de
croissance (+ 0,41 %). Viennent ensuite les athées (+ 2,51 %), les
bahaïs (+ 2,26 %), les « non religieux » (+ 1,75 %) et enfin les
musulmans classiques (+ 1,72 %).
Les conversions des marocains au christianisme, dont le nombre
est difficile à évaluer ont suscité beaucoup
d'intérêt ces dernières années. Le groupe
istiqlalien à la Chambre des Représentants a déjà
tiré les sonnettes d'alarme en interpellant le Ministre des Affaires
Islamiques et des Habous au sujet de l'évangélisation et le
danger qu'elle représente pour le Maroc.
Aujourd'hui, le Maroc rapporte que dans une interview
réalisée, en novembre 2003, par un site Internet
évangéliste, Abdellah, un jeune pasteur marocain soutenu par
l'association suisse « Aides aux Eglises Martyres »" (AEM)
affirme avoir été « un musulman pratiquant ».
Il souligne également qu'il n'y a pas de liberté religieuse au
Maroc. Selon lui, lorsqu'une personne se convertit au christianisme,
« la police essaie de la faire revenir à l'Islam et, si elle
n'y parvient pas, elle lui demande de signer un papier attestant son engagement
de ne pas prêcher l'Evangile à un musulman au risque de se voir
infliger une peine de trois à cinq ans de prison en cas de
désobéissance ».5(*)
En effet, le fait de prêcher l'Evangile ou toute autre
religion à un musulman, ou de manière générale, le
prosélytisme, constitue une infraction aux regards du droit
pénal. L'alinéa 2 de l'article 220 du Dahir n°1.59.415 du 26
novembre 1962 formant Code pénal dispose : « Est puni d'un
emprisonnement de 6 mois à 3 ans et d'une amende de 100 à 500
dirhams, quiconque emploie des moyens de séduction dans le but
d'ébranler la foi d'un musulman ou de le convertir à une autre
religion, soit en exploitant sa faiblesse ou ses besoins, soit en utilisant
à ces fins des établissements d'enseignement, de santé,
des asiles ou des orphelinats. En cas de condamnation, la fermeture de
l'établissement qui a servi à commettre le délit peut
être ordonnée, soit définitivement, soit pour une
durée qui ne peut excéder trois années.» Toutefois,
le code pénal, n'incrimine que le seul prosélytisme visant les
musulmans. Ce qui peut supposer qu'un prosélytisme visant des
chrétiens par exemple, ne constitue pas une infraction. De même,
un musulman peut faire de la propagande religieuse sans pour autant commettre
une infraction.
Cela dit, il convient tout d'abord de définir le
prosélytisme. « Le terme "prosélytos" a
été forgé par les traducteurs grecs de la Bible pour
traduire, en certains cas, le terme hébreux "gèr" qui signifiait
à l'origine, étranger résident. Le vocable "paroikos" est
conservé quand le texte ne comporte pas de connotation religieuse, par
contre prosélytos manifeste que l'étranger est admis dans la
communauté. (...) dans la langue d'aujourd'hui, le prosélytisme
désigne une ardeur intempestive à propager sa foi, et l'on oppose
le prosélytisme à l'esprit de dialogue. » 6(*)
Le législateur marocain ne donne pas de
définition juridique pour le terme prosélytisme. D'ailleurs, il
ne mentionne même pas le terme dans ses textes légaux.
En droit comparé, on retrouve dans l'arrêt du 25
mai 1993 à l'occasion de l'affaire Kokkinakis (Témoins de
Jéhovah), la définition donnée par la Cour
Européenne des Droits de l'Homme: « ...par
prosélytisme, il faut, entendre, notamment, toute tentative directe ou
indirecte de pénétrer dans la conscience religieuse d'une
personne de confession différente dans le but d'en modifier le contenu,
soit par toute sorte de prestation ou promesse de prestation ou de secours
moral ou matériel, soit par des moyens frauduleux, soit en abusant de
son inexpérience ou de sa confiance, soit en profitant de son besoin, sa
faiblesse intellectuelle ou sa naïveté ».7(*)
Le prosélytisme serait donc le zèle à
faire des prosélytes, des nouveaux convertis à une foi
religieuse, et par analogie de nouveaux adhérents à une secte.
Car lorsqu'on parle de prosélytisme, cela concerne aussi bien les
religions que les sectes.
Concernant ces dernières, le législateur
marocain ne donne pas de définition. Selon le Dictionnaire de Culture
Juridique « Une secte est un groupement qui poursuit des activités
ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la
sujétion psychologique ou physique des personnes, par l'exercice de
pressions graves ou réitérées ou de techniques propres
à altérer son jugement pour les conduire à un acte ou une
abstention qui leur sont gravement préjudiciables »8(*).
Il est vrai que le mouvement sectaire au Maroc reste
très timide et très discret, mais cela ne veut pas dire pour
autant qu'il n'existe pas. A la question « existe-t-il des
sectes au Maroc? », Ben Rochd Er Rachid répond
: « Oui. Mais elles sont plutôt liées aux
communautés occidentales vivant ici [au Maroc], si bien que pour nous,
afin de différencier les sectes des jamâat islamistes locales, on
peut estimer que les sectes sont des groupes plus ou moins religieux
importés. On peut les classer en deux familles : les sectes
d'obédience judéo-chrétiennes (Franc-maçonnerie,
Rose-croix, les Témoins de Jéhovah...) et les groupes
extrême-orientaux tels que La Méditation Transcendantale ou le
groupe japonais Soka Gakkaï. »9(*). D'autres considèrent des mouvements religieux
comme des sectes, telle la « Secte Chiite »10(*), ou la secte Bahaïste
qu'on retrouve dans la jurisprudence marocaine aux côtés de la
secte Satanique.
Quoiqu'il en soit, le prosélytisme - tendant à
déstabiliser la foi musulmane - qu'il soit du fait de religieux ou de
membres sectaires constitue un délit aux yeux de la loi pénale.
Et contrairement à ce que l'on pourrait croire, l'apostasie ne l'est
pas. Beaucoup font l'amalgame entre les poursuites ou condamnations pour
prosélytisme et le fait d'apostasier ou de changer de religion.
Littéralement, l'apostasie est définie par le
retour en arrière. Elle signifie le détournement
délibéré, sans contrainte aucune, du musulman, mature et
conscient, de l'Islam vers la dénégation. Cette définition
est aussi bien valable pour l'homme que pour la femme.
Juridiquement, aucun texte n'incrimine l'apostasie. D'ailleurs
Le Coran fait allusion dans un certain nombre de versets à l'apostasie.
Il énonce par exemple : « Et ceux parmi vous qui
adjureront leur religion et mourront infidèles, vaines seront pour eux
leurs actions dans la vie immédiate et la vie future. »
(Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 217) ;
« Ô les croyants ! Si vous obéissez à ceux
qui ne croient pas, ils vous feront retourner en arrière. Et vous
redeviendrez perdants. » (Sourate 3 intitulée la Famille
d'Amram, Âl `Imrân, verset 149) ; « Ô les
croyants ! Quiconque parmi vous apostasie de sa religion... Dieu fera
alors venir un peuple qu'Il aime et qui L'aime. » (sourate 5
intitulée la Table servie, Al-Mâ'idah, verset 54) ;
« Ceux qui sont revenus sur leurs pas après que le droit
chemin leur a été clairement exposé, le Diable les a
séduits et trompés. » (Sourate 47 intitulée
Muhammad, verset 25).
Tous ces versets font clairement allusion à l'apostasie
après l'Islam. Pourtant, aucun d'entre eux ne fait la moindre allusion
à un châtiment terrestre ou à une sanction pénale
que devrait subir l'apostat, contrairement à la sanction du meurtrier ou
du voleur. Dans le cas présent, la sanction terrible et effrayante est
la Colère de Dieu.
Toutefois, Ibn Rushd dans son livre « Bidâyat
Al-Mujtahid wa Nihâyat Al-Muqtasid », dans le paragraphe
dédié au « jugement de l'apostat », explique que si on
saisit l'apostat avant qu'il ne soit entré en guerre contre les
Musulmans, alors les juristes sont communément d'avis pour dire qu'il
doit être tué, conformément au hadith du Prophète :
« Quiconque change sa religion, tuez-le. »11(*)
Ce qui justifierait éventuellement la répression
de l'apostasie dans certains pays musulmans. Il en est ainsi en Egypte
où le quotidien Al-Ahrâm a fait savoir le 6 juillet 1977
que le Conseil d'Etat avait approuvé un projet de loi visant à
rétablir la peine de l'apostasie. Cette loi stipulait l'exécution
de l'apostat qui reniait l'Islam de son propre gré par une parole
explicite ou par un acte sans équivoque. Cette même loi condamnait
également à dix ans de prison ferme celui qui apostasiait plus
d'une fois puis se reconvertissait à l'Islam. Cette même loi
prévoyait enfin des sanctions répressives pour l'apostat
mineur.
Dans cette loi, l'apostasie était reconnue
avérée soit par l'aveu de l'accusé soit par le
témoignage de deux hommes. En outre, conséquence directe de ce
jugement, l'apostat ne pouvait plus disposer de ses biens. L'article paru dans
le quotidien Al-Ahrâm précise certains détails de
la loi en question. Ainsi, si le « criminel » - terme
employé par le quotidien Al-Ahrâm - avait entre sept et
dix ans, alors le juge pourrait le réprimander sévèrement
durant l'audience, ou ordonner qu'il fût remis à l'un de ses
parents ou à un tuteur, ou ordonner qu'il fût
transféré dans une fondation d'assistance sociale
spécialisée dans les crimes de mineurs. Si l'enfant avait entre
dix et quinze ans, alors le juge pourrait le sanctionner en ordonnant qu'il
fût bâtonné de dix à cinquante fois, etc.
Le problème qui se pose ici, est un problème de
liberté notamment de liberté de religion et de liberté de
conscience. L'islam prône la liberté de conscience. On retrouve
nombres de versets explicites à ce sujet. Par exemple « Nulle
contrainte en religion ! Car le bon chemin s'est distingué de
l'égarement. » Sourate 2 intitulée la Vache,
Al-Baqarah, verset 256. « Et dis à ceux à qui le Livre
a été donné, ainsi qu'aux illettrés :
Avez-vous embrassé l'Islam ? S'ils embrassent l'Islam, ils seront
bien guidés. Mais, s'ils tournent le dos... Ton devoir n'est que la
transmission du message. Dieu, sur Ses Serviteurs, est Clairvoyant. »
Sourate 3 intitulée la Famille d'Amram, Âl `Imrân, verset
20. Enfin, cette déclaration péremptoire du Coran qui
entérine la divergence des voies suivies et l'abandon de la conscience
à une liberté totale et sans entrave :
« Dis : Ô vous les dénégateurs ! Je
n'adore pas ce que vous adorez. Et vous n'êtes pas adorateurs de ce que
j'adore. Je ne suis pas adorateur de ce que vous adorez. Et vous n'êtes
pas adorateurs de ce que j'adore. A vous votre religion, et à moi ma
religion. » Sourate 109 intitulée les
Dénégateurs, Al-Kâfirûn. « C'en est ainsi,
par une déclaration explicite : Vous, vous êtes libres dans
votre choix et moi, je suis libre dans le mien. Y a-t-il plus grande
liberté ? »12(*)
Si le Coran est clair à ce sujet, les
législations des pays musulmans diffèrent. Cela s'explique par le
fait que cette liberté pourrait éventuellement, et dans certains
cas constituer une atteinte à l'ordre public dudit pays. Les exemples
sont nombreux dans le monde islamique.
En Afghanistan, Abdul Rahman Jawed, a été
inculpé d'apostasie en mars 2006, en vertu de la charia pour avoir
renoncé à l'islam en se convertissant au christianisme. S'il est
reconnu coupable, il est passible de la peine de mort. Ce n'est que sous la
pression internationale, qu'il été libéré le 28
mars 2006 pour folie. Réfugié dans un camp de l'ONU, il demande
l'asile politique, qu'il a enfin obtenu en Italie.
En Iran, la tradition chiite punit de mort ou de
réclusion à perpétuité l'apostasie. Des peines
sont régulièrement prononcées, et servent souvent
également à museler toute opposition politique intérieure
au pouvoir des mollahs.
En Libye, le rejet de l'islam est sanctionné par la
perte de la citoyenneté.
Le Maroc quant à lui, adopte une position plus souple.
En effet, juridiquement l'apostasie n'est pas un délit. Et quoique le
prosélytisme soit sanctionné par la loi pénale, la
liberté de conscience est consacrée par le droit. La constitution
marocaine révisée en 1996 stipule dans son article 6 :
« L'islam est la religion de l'Etat qui garantit à tous le
libre exercice des cultes. »
Mais, il se trouve que le prosélytisme est, ou peut
être un moyen de liberté d'expression et donc de liberté
religieuse, en ce sens que tout croyant est investi d'une mission de ramener
« les égarés » au droit chemin. De ce fait,
garantir la liberté religieuse reviendrait à dire,
« permettre » le prosélytisme. Cependant, ce
même prosélytisme peut constituer une atteinte aux
libertés individuelles. Notamment à la liberté
religieuse en ce sens qu'en essayant de convertir un croyant à une
autre religion, on peut heurter ses convictions ou dénigrer sa croyance.
De ce fait, la liberté de religion ne veut pas dire
uniquement liberté de se convertir, d'apostasier ou de changer de
religion, mais également la liberté de faire du
prosélytisme. Et du fait que la constitution garantit la liberté
de culte, la question qui se pose est de savoir « Quelle est
l'étendue de cette liberté religieuse dans le droit
marocain ? », puisque le code pénal sanctionne le
prosélytisme.
Nous essayerons de répondre à cette question en
étudiant dans un premier temps les aspects pratiques du
prosélytisme et de la liberté de culte (Chapitre 1er)
ensuite leurs aspects juridiques (Chapitre 2).
Plan :
Chapitre 1 : Les aspects pratiques du prosélytisme et
de la liberté religieuse
Section 1 : La liberté d'expression comme moyen de
prosélytisme :
A. Prosélytisme des actes :
1. La pratique et l'accomplissement des rites ;
2. L'exercice du culte ;
B. Prosélytisme de la parole :
1. Le dialogue ;
2. L'enseignement ;
Section 2 : Le prosélytisme abusif :
A. prosélytisme ségrégationniste :
1. Ségrégation par le verbe et les infractions de
presse ;
2. Ségrégation par les actes ;
B. prosélytisme destructeur :
1. Un prosélytisme constitutif de terrorisme
religieux ;
2. Un prosélytisme constitutif de
génocide ;
Chapitre 2 : Les aspects juridiques du prosélytisme
et de la liberté de culte
Section 1 : Le principe de la liberté
religieuse :
A. consécration de la liberté de religion :
1. Les instruments internationaux de protection ;
2. Les instruments nationaux de consécration ;
B. Atténuations au principe de la liberté de
religion :
1. Persécution des chrétiens et des renégats
de l'Islam au Maroc ;
2. Répression des sectes au Maroc ;
Section 2 : L'incrimination du prosélytisme :
A. Prosélytisme réalisé au moyen d'un
artifice :
1. La sanction pénale ;
2. La sanction civile ;
B. Prosélytisme réalisé au moyen d'une
contrainte :
1. La contrainte physique ;
2. La contrainte morale ;
Chapitre 1 : Les aspects pratiques du
prosélytisme et de la liberté religieuse
Nous avons tenté précédemment de
définir le prosélytisme. Or, la définition que nous avons
donnée reste insuffisante. Car la liberté de diffusion de ses
convictions ne tombe pas à tous les coups dans le prosélytisme,
quand bien même elle se manifeste dans l'objectif de convaincre autrui.
Dans l'arrêt précité de l'affaire Kokkinakis, la Cour
Européenne Des Droits de l'Homme a estimé que :
« (...) la liberté de manifester sa religion comporte en
principe, le droit de convaincre son prochain, par exemple au moyen d'un
enseignement (...) ».
La liberté de croyance et la liberté
d'expression sont deux notions indissociables. La première est
limitée au for intérieur et ne suscite donc que peu de
problème. La deuxième peut se traduire par la liberté de
révéler la première à autrui. Or,
l'extériorisation de cette liberté peut entraîner beaucoup
plus de difficultés dans la mesure où elle risque de se heurter
à certaines conceptions de l'ordre public, voire simplement des droits
et des libertés d'autrui.
Il peut paraître paradoxal que d'incriminer le
prosélytisme dans le code pénal, garantir la liberté de
culte dans la constitution, et enseigner la religion musulmane dans les
écoles publiques. En réalité, le code pénal
marocain ne prévoit que certains aspects du prosélytisme bien
déterminé. Et, en vertu du principe de la légalité
des peines et des délits, il ne peut étendre l'incrimination aux
autres aspects.
Afin de mieux faire la part des choses entre
prosélytisme et liberté religieuse, nous aborderons dans un
premier temps un prosélytisme plus ou moins toléré en
raison de son essence qui est la liberté d'expression (Section 1), et
dans un deuxième temps, un prosélytisme abusif et dangereux en
raison des conséquences qu'il engendre (Section 2).
Section 1 : La liberté d'expression comme
moyen de prosélytisme :
Dans les Etats autoritaires, les dirigeants veulent à
tout prix se maintenir au pouvoir. La peur du jeu démocratique les
mène en conséquence à supprimer la liberté
d'expression, au moins en matière politique.
Moins nombreux les régimes totalitaires qui s'assignent
la mission de créer une société conforme aux
modèles établis par une idéologie ou par une religion dans
laquelle l'individu est censé réaliser la plénitude de son
accomplissement en se sacrifiant au groupe. Logiquement, leur volonté de
créer une telle société les conduit à supprimer la
liberté d'expression qu'ils considèrent comme un facteur de
désagrégation sociale. A l'inverse, les démocraties
libérales font du droit de choisir ses opinions, et surtout de les
exprimer, un droit fondamental qui conditionne l'effectivité de la
plupart des autres libertés. Sans lui, la liberté religieuse,
notamment celle d'exprimer ses convictions, serait une coquille vide. Or, la
liberté de tenter de convaincre autrui appartient à tout
individu. Tout croyant est en effet, par essence, investi de la mission de
diffuser la bonne parole et de ramener dans le « droit
chemin » ceux qui s'en étaient éloignés.
La convention de la sauvegarde des Droits de l'Homme et des
libertés fondamentales énonce dans son article 9 que chacun
dispose du « droit à la liberté de manifester sa
religion par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des
rites ». Cela nous permet de distinguer les différentes formes
d'expression de la religion qui sont autant de moyens de
prosélytisme : le culte, la pratique et l'accomplissement des rites
qui traduisent le prosélytisme des actes (A) tandis que l'enseignement
représente le prosélytisme de la parole (B).
A. Prosélytisme des actes :
Moins perceptible que celui de la parole, et de ce fait moins
effrayant pour celui à qui il s'adresse, car il est confondu avec la
liberté d'exercice de culte, le prosélytisme des actes consiste
en des prières, sacrifices, jeûnes et attitudes diverses tendant
à exposer les croyances religieuses à la vue du plus grand
nombre. Celui qui l'exerce agit par l'exemple.
Comme tout prosélytisme, il est indissociable de la
liberté de conscience et de religion. En effet, le croyant doit pouvoir
montrer, par ses agissements et par son attitude, sa foi et ses convictions. Ce
type de prosélytisme se traduit par la pratique et l'accomplissement des
rites et par le culte.
1. La pratique et l'accomplissement des rites :
Pratiquer une religion consiste à respecter les
prescriptions qu'elle édicte. Ces prescriptions englobent à la
fois les pratiques et les rites religieux, qu'il convient tout d'abord de
distinguer. Le Littré définit les rites comme l'ensemble
des cérémonies d'une même religion et la pratique comme
l'accomplissement des devoirs, des vertus, des lois, des commandements et des
prescriptions de cette religion.
Les rites religieux sont célébrés en
particulier lors de certains événements de la vie privée.
Ils n'ont pas de valeur légale en soi et ne remplacent en aucun cas les
démarches auprès des autorités civiles. En cas de
naissance, de mariage ou de décès notamment, il est obligatoire
de communiquer ces événements aux autorités de
l'État civil. C'est ainsi que le mariage religieux ne peut être
célébré au Maroc qu'après un mariage civil, la
cérémonie de mariage, la présence des parents, des
témoins et d'autorités religieuses ne suffit pas pour
établir l'acte de mariage. Tel l'exemple de l'union dite « El Orf
el jari », mariage coutumier généralement dans les campagnes
reculées sur simple lecture de la Fatiha entre une dizaine de sages
représentants les familles des conjoints. D'ailleurs, l'acte de mariage
ne sera établi qu'après l'autorisation du juge de la famille, et
la procédure d'enregistrement de l'acte de mariage est soumise aux
dispositions du code de l'état civil conformément à
l'article 21 du code de la famille.
Les rites et les pratiques ne concernent pas seulement les
cérémonies de mariage, de naissance ou funéraires, mais
aussi toute action symbolique caractérisant une religion
déterminée. Il en est ainsi des symboles religieux.
Or, le port des symboles religieux crée une
véritable polémique en Europe. C'est le cas d'une institutrice
dans une école primaire en Suisse. De religion musulmane, elle porte le
foulard islamique à l'école. La direction générale
de l'enseignement l'a avisé qu'elle lui interdisait le port du foulard
islamique dans le cadre de ses activités professionnelles, invoquant
notamment le caractère laïc de l'école publique.
L'institutrice a dépose un recours devant la Cour Européenne des
Droits de l'Homme pour violation de l'article 9 de la Convention
Européenne des Droits de l'Homme. Cet article énonce le principe
du droit à la liberté de pensée, de conscience et de
religion de toute personne. Ce droit implique la liberté de changer de
religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa
religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en
privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement
des rites.
Le port des symboles religieux n'est pas
appréhendé au Maroc. Néanmoins, certains
établissement publics et privés marocains interdisent aux femmes
le port du voile. ATTAJDID affirme que plusieurs entreprises marocaines ont
expulsé des marocaines portant le voile après les attentats du 11
septembre 2001 aux Etats-Unis et ceux du 16 mai 2003 à Casablanca. Ainsi
des jeunes marocaines désirant intégrer les académies
militaires, de police, ou devenir hôtesses de l'air « se voient
imposer des règlements qui ne laissent pas la possibilité de
porter le voile ». Enfin une étudiante à l'Ecole
Mohammedia des ingénieurs, l'une des plus cotées au Maroc,
« ne porte son voile qu'à l'extérieur de
l'école, craignant d'être expulsée ».13(*)
Par ailleurs, TELQUEL a rapporté « que (...)
depuis qu'on a découvert un CD faisant l'apologie de l'islamisme,
circulant au sein de la compagnie, la direction de la RAM a effectivement pris
quelques mesures tout à fait banales pour éviter toute
dérive islamiste. Mais ces décisions internes ont
été montées en épingle par des employés
proches d'Al Adl Wal Ihsane. Ce qui n'a pas empêché le Centre
marocain des droits de l'homme (CMDH), une ONG de sensibilité islamiste,
de publier le 18 octobre un communiqué virulent, dans lequel il
dénonce les «violations commises à l'encontre des
employés de la RAM en matière de libertés
individuelles». L'organisation, présidée par Khalid
Cherkaoui Semmouni, y cite notamment la fermeture des lieux de prière,
la circulaire adressée le 22 septembre 2006 au personnel navigant, lui
interdisant de jeûner durant les vols, mais aussi la pression
exercée sur les femmes voilées. Des mesures constituant, au
regard de l'association, une violation de l'article 6 de la Constitution
marocaine, garantissant à tout citoyen la liberté d'exercer ses
convictions religieuses14(*).
Toutefois, malgré les nombreuses interpellations, aucun
cas d'employée officiellement licenciée pour « port du
foulard » n'a été enregistré. Il existe
cependant des professions où le voile est interdit, en raison de
l'obligation du port de l'uniforme, comme celui d'agent de police ou
d'hôtesse de l'air.
Mais, le Code du travail interdit l'introduction dans le
règlement intérieur de clauses discriminatoires. Seules les
conséquences du comportement du salarié sur l'exécution du
contrat de travail peuvent légitimer la restriction d'une pratique
religieuse.
Et pour cela, il faut démontrer clairement que le
salarié trouble, de manière volontaire ou non, la bonne marche de
l'entreprise.
Paradoxalement, c'est dans le monde des médias que l'on
semble avoir le plus de mal à accepter le voile. « À la
télévision, même si rien n'interdit à une jeune
fille voilée de se présenter pour un entretien, il est quasiment
sûr qu'elle ne sera pas rappelée », précise une
jeune lauréate de l'ISJ (Institut supérieur de journalisme), qui
a fait l'amère expérience de postuler à 2M (la
2ème chaîne de télévision marocaine) en
arborant son foulard. Dans la rédaction du défunt Maroc Soir, le
règlement intérieur interdisait tout simplement le port du voile.
« Mais il n'y a jamais eu de problème, parce qu'on n'a jamais
eu de candidates en foulard », rappelle une ancienne journaliste du
quotidien ATTAJDID.
Si la pratique et l'accomplissement des rites touchent un bon
nombre de la population du fait de leur intégration et leur enracinement
dans la vie sociale, tel le port du voile ou le jeune chez les marocains,
l'exercice du culte reste purement religieux.
2. L'exercice du culte :
Le culte est défini comme l'honneur rendu à la
divinité (dans les religion monothéiste) ou aux divinités
(dans les religions polythéistes). Ou encore par des manifestations
exotériques d'une religion donnée, quoique certaines
manifestations de celui-ci puissent être réservées aux
initiés et, de ce fait, relever de l'ésotérisme.
Le culte fait partie des obligations dont la négligence
est qualifiée d'impiété. Il peut se traduire
également par un ensemble d'exigences et de conduites, ainsi que par des
cérémonies ou des assemblées communautaires qui
réunissent les fidèles d'une même confession.
Les actes culturels impliquent nécessairement que les
pratiquants veuillent exprimer d'une certaine façon leur appartenance
à une religion afin de convertir aux dogmes, aux rites et à la
morale qu'elle comporte, des personnes qui n'y adhèrent pas encore.
La liberté de culte se situe aux confins de la
liberté individuelle et de la liberté collective. Le culte
représente en effet une liberté individuelle dans la mesure
où chaque individu en est titulaire. Tout croyant peut rendre hommage
à son Dieu. On parle alors de culte intérieur, siège de la
prière et de la dévotion intime. Il relève de la
liberté collective lorsqu'il est envisagé dans son exercice. Le
plus souvent, l'individu use de la liberté de culte en accord avec
d'autres. Tel est le cas lorsqu'il souhaite exercer son prosélytisme par
le biais de processions ou de manifestations ; on parle alors du culte
extérieur.
Chaque religion possède un culte particulier
composé de différents rites. Ainsi dans le judaïsme, le
culte dirigé dans les synagogues par les rabbins, est constitué
de prières, d'invocations, de lecture de Thora ou de psaumes et
bénédictions. Il existe également un culte dit
familial ; le culte du sabbat, qui comprend plusieurs
cérémonies domestiques suivant les périodes de
l'année.
L'islam est, quant à lui, fait pour l'essentiel de
rites, de prières, de la lecture du Coran, du jeûne pendant le
mois sacré du Ramadan, du pèlerinage à la Mecque, de la
charité, etc.
Enfin le culte chrétien pour ne citer que quelques
exemples, consiste en des pèlerinages, bénédictions et
commémorations diverses.
Au Maroc, et grâce à l'article 6 de la
Constitution qui garantit à toute personne le libre exercice des cultes,
le problème ne se poserait pas. Chaque ethnie religieuse est
habilitée, en principe, à exercer son culte dans la
quiétude.
Les problèmes relatifs à la manifestation de la
religion qui se posent, concernent le lieu où ce culte est
exercé. Un individu peut se voir opposer sa situation personnelle pour
justifier l'entrave mise à l'accès d'un lieu de culte. Il est
ainsi du prisonnier mis en cellule d'isolement qui se voit logiquement refuser
l'accès à une mosquée, église ou synagogue.
Même une personne libre peut, dans l'exercice de sa
liberté de manifester sa religion, tenir compte de sa situation
personnelle particulière. Tel est le cas d'un fonctionnaire musulman,
empêché, du fait de son emploi ou de ses horaires de travail, de
se rendre à la mosquée pour la prière du vendredi. En
dehors de ces deux hypothèses où l'accès au lieu de culte
est refusé par souci de protection de l'ordre (cas du prisonnier) ou en
raison de la situation professionnelle ou contractuelle du croyant,
l'accès aux lieux de culte reste libre.
En principe, l'Etat n'intervient pas en matière de
culte qui reste propre à chaque religion. Toutefois, il peut apporter
des restrictions de nature à protéger l'ordre public. En effet
depuis 2003, plusieurs imams et conseillers religieux ont été
accusés d'une part d'exploiter les mosquées à des fins
politiques et d'autre part de promouvoir les partis islamistes. Le
ministère des Habous et des Affaires Islamiques continue de
contrôler les prêches du vendredi dans les mosquées et
contrôle des écoles coraniques pour veiller à ce que
l'enseignement soit «bien conforme à la doctrine
autorisée15(*). La
police ferme habituellement les mosquées au public peu après les
services du vendredi pour empêcher toute utilisation de ces locaux
à des fins politiques non autorisées.
D'autres restrictions concernent les musulmans et les
organisations islamiques dont les activités sont jugées comme
excédant les limites de la pratique religieuse ou comme étant
devenues politiques dans leur nature. Ainsi, le gouvernement contrôle
strictement la construction des nouvelles mosquées ; les personnes
désireuses d'en construire doivent en obtenir l'autorisation. Les
autorités ont indiqué que toutes ces mesures avaient
été mises en place pour éviter l'exploitation des
mosquées à des fins de propagande politique, telle que la
distribution de brochures et la collecte de fonds, ou la propagation
d'idées extrémistes.16(*)
Dans le même sens, la Chambre des Représentants a
adopté, à l'unanimité, le projet de loi modifiant et
complétant le Dahir portant loi relative aux lieux de culte musulman. Le
texte stipule, entre autre, que le permis de construire exigé par la loi
sur l'urbanisme, doit être obtenu bien avant le début des travaux
de construction ou d'extension des mosquées ou de tout autre
édifice affecté au culte musulman (mosquées, zaouïas)
ou tout autre lieu où les musulmans accomplissement leur rite. Il exige
pour les bienfaiteurs désirant construire un lieu de culte de
créer une association à cet effet et ce, conformément au
Dahir portant création des associations.
Par ailleurs, la loi tend à protéger les cultes
et les lieux de culte. Le code pénal consacre une section pour les
infractions relatives à l'exercice des cultes. Les articles 220 à
223 sanctionnent les faits tendant à empêcher l'exercice des
cultes, souillant les édifices religieux, entravant les
cérémonies religieuses (...) sans distinction de religions.
Cela dit, le culte représente l'ensemble des conduites
par lesquelles le croyant extériorise, de façon plus ou moins
visible et audible, le sentiment intérieur de sa relation avec Dieu
quelque soit sa confession. Le culte est l'un des moyens utilisés par le
croyant pour diffuser sa foi. Il est au service de la perpétuation et de
la propagation de celle-ci. Même le culte intérieur, qui consiste
pourtant en des prières et dévotions intimes, n'est pas
étranger à l'action prosélytique. Les prières sont,
en effet, valorisées lorsqu'elles sont effectuées en commun dans
la mesure où l'action collective permet de créer une
émulation et de maintenir dans la foi le croyant dont la ferveur
déclinerait.
Ces modes de prosélytisme sont des exemples de vie et
des témoignages de croyants qui peuvent se révéler
particulièrement efficaces. Ainsi nombreuses conversions se sont faites
suite à l'observation de comportements religieux.
Malgré tout, le prosélytisme de parole vient
compléter efficacement le prosélytisme des actes.
B. Prosélytisme DE LA PAROLE :
La parole est l'instrument de prosélytisme par
excellence. Les philosophes de l'Antiquité l'avaient déjà
compris. Les discours venus à l'appui des actes ont été
à l'origine de nombreuses conversions. Les tentatives de faire des
prosélytes par le simple usage de la parole ont accompagné
l'histoire de la religion.
Passant par les prophéties, les
révélations, les exhortations, les enseignements, les discours ou
les écrits apologiques, tous les moyens de communication ont et peuvent
toujours servir d'outils prosélytiques. Ces instruments de propagande
religieuse sont liés à la liberté religieuse et à
la liberté d'expression. Comme il le fait déjà par les
actes, le croyant exprime sa foi et ses convictions par la parole. La
liberté de religion et de conscience implique l'acceptation de cette
forme de prosélytisme qui constitue le socle de la manifestation de la
liberté de religion.
Le fait de tenter de convaincre une personne n'est pas en soi
une atteinte à la liberté et aux croyances des autres tant qu'il
prend la forme de discussion entre individu (1) ou lorsqu'il se manifeste par
la diffusion d'un enseignement (2), sous réserve des disposition de
l'art. 220 du Code pénal.
1. Le dialogue :
L'histoire en est témoin, le dialogue a souvent servi
le prosélytisme. Le croyant, dans l'exercice de sa mission peut
être amené à dialoguer avec des personnes de tous milieux.
Aujourd'hui, certains considèrent le dialogue comme une mode,
« dialoguer est quand même plus élégant que se
battre »17(*).
D'autres pensent qu'il s'agit d'une tactique nouvelle. Comme
il n'est quasiment plus possible de faire des prosélytes actuellement,
on tente de les séduire, de les « posséder »
par le dialogue. Néanmoins, il faut distinguer le terme dialogue de
celui de négociation qui sont souvent utilisés de manière
ambiguë.
Le terme négociation est plus souvent employé
dans le champ commercial, social ou politique. Il se situe dans un rapport de
force ; on marchande pour trouver un compromis ou un terrain d'entente. La
négociation se situe dans le court terme et autorise la ruse et le
bluff. Chacun des partenaires devra céder sur un point ou un autre pour
trouver une solution, qui sera temporaire.
Le dialogue, notamment le dialogue existentiel, engage des
personnes. Il demande une égalité, une réciprocité
des partenaires, un vrai respect de l'autre. Il n'autorise pas de compromis,
car on ne cède rien de son identité. Il n'y a pas
d'intérêt immédiat. Un dialogue de qualité est celui
qui permet à des individus de s'enrichir mutuellement de leurs
différences, de se féconder l'un l'autre.
D'ailleurs, l'islam comme la plupart des religions, invite ses
adeptes au dialogue et à prêcher la bonne parole. Cependant, la
notion de bonne parole est difficile à cerner en ce sens qu'elle va de
la simple discussion objective au prosélytisme en passant par le conseil
et l'orientation. En effet, elle se traduit par un prosélytisme, lorsque
le prêcheur met une certaine ardeur dans son discours tentant de rallier
et de convaincre son interlocuteur, et de ce fait allant au-delà de la
simple discussion et du simple conseil.
C'est ainsi que quelque soit sa religion,
l'auteur du message prosélytique peut, au cours d'une discussion,
propager des idées - fussent-elles inquiétantes, voire
effrayantes pour le destinataire - dès lors qu'il
n'« ébranle pas la foi d'un musulman » aux termes de
l'article 220 du code pénal.
Le prosélytisme de dialogue n'est en principe qu'un
échange d'idées, le plus souvent inoffensif, que le sujet passif
a le choix d'accepter ou de rejeter. Il peut cependant changer de nature dans
le cadre de certaines relations. Tel peut être le cas lorsque le
destinataire du message prosélytique est uni par un lien de
dépendance à celui qui diffuse ce message. Dans cette
hypothèse, le sujet passif est subordonné au sujet actif du
prosélytisme. Il ne dispose pas de l'autonomie suffisante pour rejeter
les idées ainsi avancées.
Tel est le cas des enfants jusqu'à un certain âge
qui sont soumis à l'influence de leur instituteur ou encore les
militaires vis-à-vis de leurs supérieurs. C'est ainsi que la Cour
Européenne des Droits de l'Homme, s'était prononcée sur
l'affaire Larissis, le 24 février 1998, mettant aux prises des officiers
de l'armée de l'air grecque avec certains de leurs subordonnés et
des civils. Les soldats protestaient essentiellement contre le fait,
qu'étant placés sous le commandement des propagandistes, ils
s'étaient sentis obligés de participer aux discussions
théologiques organisées par les officiers
pentecôtistes18(*),
de lire les ouvrages religieux qu'ils leur avaient indiqués et de se
rendre à l'église pentecôtiste au cours de leurs
permissions. Les civils se plaignaient quant à eux d'avoir
été convertis à la suite de sermons et de
démarchages à domicile19(*).
Dans le paragraphe 51 de son arrêt, la Cour de
Strasbourg relève qu'un subordonné aura « du mal
à repousser un supérieur qui l'aborde ou à se soustraire
à une conversation engagée par celui-ci » ce qui, en
milieu civil, pourrait passer pour « un échange inoffensif
d'idée » que le destinataire est libre d'accepter ou de
rejeter peut, dans l'enceinte militaire, être perçu comme
« une forme de harcèlement ou comme un exercice de
pression »20(*)
excessive par un abus d'autorité.
Cette situation n'est pas sans rappeler celle des
élèves faces à leurs professeurs. On retrouve une certaine
forme de structure hiérarchique dans les relations entre
élèves et enseignants. Les élèves sont soumis
à l'influence de leur professeurs ou instituteurs, notamment en raison
de leur âge. A l'exception des professeurs de l'éducation
islamique, les professeurs de l'enseignement public sont tenus à la
neutralité. Il serait inconcevable qu'un professeur de philosophie ou
d'histoire géographie puisse, dans l'exercice de ses fonctions, faire
étalage de ses convictions religieuses surtout si celles-ci renient
l'islam. De même, les professeurs de l'éducation islamique ne
pourront excéder les limites de leur fonction en prêchant par
exemple tel ou tel rite. Ce genre de prosélytisme a valu des poursuites
et une condamnation à un an de prison - même s'il n'y a
passé que 3 semaines - à Gilberto Orellana avant d'être
expulsé du Maroc. Ce salvadorien qui travaillait comme professeur de
musique dans le conservatoire de Tétouan était aussi un pasteur
évangélique, et tentait discrètement de convertir ses
élèves et collègues dans la plus grande
discrétion21(*).
A l'exception de ce cas, aucune poursuite ni condamnation
n'est connue à ce sujet, car ce genre de prosélytisme est
appréhendé au sein même des écoles. Par contre, il
en va différemment lorsque le prosélytisme qui prend forme d'un
véritable enseignement.
2. L'enseignement :
Chaque religion implique l'adhésion de ses adeptes
à des valeurs morales et à un comportement
prédéterminé. Aussi, la transmission du savoir peut-elle
déboucher sur la conversion d'un individu.
Par ailleurs, le fait que l'enseignement religieux ou
spirituel démontrant le caractère erroné des autres
religions et par conséquent étant susceptible de détacher
d'éventuel disciples de celles-ci, constitue un prosélytisme.
Au Maroc, l'Alliance israélite compte quatre
écoles à Casablanca qui accueillent également des
élèves musulmans : il s'agit notamment de l'Ecole primaire
Narcisse Leven et du Lycée Maimonide. Au cycle primaire, les
élèves musulmans suivaient tous les cours de matières
hébraïques, excepté la liturgie. Dès la
rentrée scolaire 2000, ils n'assistent désormais qu'aux cours de
langue hébraïque. Ce changement est dû aux problèmes
rencontrés par les enseignants, principalement durant le cours de Torah.
En effet, certains passages de la Bible sont interprétés
différemment par les élèves juifs et les
élèves musulmans (notamment le sacrifice d'Isaac ou
d'Ismaël). En outre, les enseignants craignent toujours d'être
accusés de faire du prosélytisme auprès des
musulmans.22(*)
Pour ce qui est de l'enseignement chrétien, il existe
un nombre d'établissements d'enseignement privés qui
relèvent de l'Eglise Catholique au Maroc - diocèse de Rabat -
dénommé ECAM (Enseignement Catholique Au Maroc). Aujourd'hui, ces
établissements n'enseignent plus la religion catholique. Mais à
l'origine, ils regroupaient en grande majorité des enfants
européens ; les parents marocains qui y mettaient leurs enfants
acceptaient un enseignement de type français.
Jusqu'au début des années 90, l'Ecole Charles de
Foucault, qui fait partie des écoles d'ECAM, comptait encore parmi son
corps d'enseignants, des instituteurs français chrétiens, ainsi
qu'une infirmière, deux inspecteurs pédagogiques, et le directeur
- qui était un père - de même confession. Il est vrai que
ces personnes n'ont jamais invoqué ni leur appartenance à leur
religion ni une quelconque allusion à la religion. Toutefois,
l'école rappelle fortement l'aspect religieux chrétien du fait de
l'existence de la chapelle des cloches un peu partout l'architecture même
de l'école...23(*).
Les enseignements juifs et chrétiens ne sont pas les
seuls susceptibles de constituer du prosélytisme. Mais, au sein
même de l'islam, des courants tentent de rallier de nouveaux adeptes. Il
en est ainsi de certains membres de la communauté chiite marocaine qui
professent des enseignement clandestins. « J'ai connu un Imam
Marocain Chiite diplômé en science politique, qui m'a donné
des cours traitant de l'Islam pendant plusieurs années. Dans son garage
transformé en bibliothèque, il égara les gens pour les
emmener petit à petit vers la croyance peu connu des chiites. Mais pour
cela, il utilisa la Takia. A chaque fois qu'on lui posait une question sur la
religion, il mettait du temps avant de répondre en touchant son bouc
afin de réfléchir sur la formule de Takia qu'il allait utiliser.
Cet Imam ne propageait pas trop son idéologie dans la mosquée, ni
dans les cours qu'il donnait les soirs ou pendant les khoutba (sermon). Il
diffusait méthodiquement sa croyance chez lui, en privé, dans son
garage en effectuant des soirées spirituelles et en privilégiant
les nouveaux convertis ou tous ceux qui avaient une tendance vers le
soufisme »24(*),
explique un blogger25(*).
Hormis l'enseignement dans les écoles privées et
l'enseignement clandestin, les instituts d'enseignement supérieurs
semblent être des endroits propices pour le prosélytisme.
L'université Al Akhawayn d'Ifrane et l'Ecole supérieure Roi Fahd
de traduction de Tanger sont deux instituts particulièrement
visés. L'université Al Akhawayn se veut par vocation un lieu
où les trois religions monothéistes (l'Islam, le Judaïsme et
le Christianisme) peuvent coexister. Elle se veut aussi comme un espace de
dialogue et d'échange entre les trois religions. Au sein de
l'Université, une église, une mosquée et une synagogue ont
été bâties.
L'atmosphère qui règne dans les enceintes de
l'Université a fait d'elle une parfaite base pour l'Eglise baptiste
(Église chrétienne évangélique), selon un certain
nombre d'étudiants et de professeurs. Les missionnaires de ce mouvement
évangéliste se servent des activités sportives ou autres
comme couverture.
Leur seul but est de créer une communauté
chrétienne marocaine dans la région de Fès. « Une
fois arrivés, notre priorité était d'établir une
communauté chrétienne dans le campus», affirme Karen Thomas
Smith «ambassadrice» d'Alliance Of Baptists dans un infobulletin du
mouvement évangéliste datant d'avril 2000. Karen Thomas Smith
reçoit de l'église baptiste un fonds d'aide pour pouvoir faire du
prosélytisme religieux. Durant leur séjour au Maroc, les
missionnaires du mouvement détectent les étudiants qui peuvent
faire l'objet de conversion. Résultat : plusieurs étudiants
marocains de confession musulmane, dont on ne connaît pas le nombre
exact, ont déjà basculé... La conversion touche aussi bien
les filles que les garçons. Un autre moyen privilégié de
ce mouvement d'évangélisation est les programmes
d'échanges d'étudiants qui entrent dans le cadre des conventions
signées par Al Akhawayn avec d'autres universités.
À l'Ecole supérieure Roi Fahd de traduction,
l'évangélisation se fait mais avec plus de discrétion.
Dans cette école, un prêtre âgé d'une quarantaine
d'années qui enseigne la traduction mène une action
d'évangélisation en toute discrétion. Ce prêtre
d'origine écossaise parlant l'arabe avec un accent égyptien est
connu pour être une personne très réservée. Selon
des témoignages, ce dernier promet aux étudiants qui se
convertissent au christianisme une bourse d'Etudes à l'étranger.
Toujours discret, l'homme cible ses «victimes» avec une grande
précision.
Bien que ce genre de prosélytisme puisse être
fondé sur la liberté d'expression et la liberté de
religion, il n'en reste pas moins sanctionné par la loi pénale
sur la base de l'alinéa 2 de l'article 220, chaque fois qu'il est
adressé à un musulman. Cependant, le prosélytisme
connaît d'autres formes qui sont sanctionnées non seulement par
l'article 220 du code pénal, mais également par d'autres textes
légaux.
Section 2 : Le prosélytisme
abusif :
Parfois le prosélytisme va au delà de la simple
tentative de convaincre autrui en vue de le rallier à une religion,
lorsque le croyant déploies une très grande ardeur pour
répandre sa foi et qu'il emploi des méthodes
répréhensibles pour parvenir à conquérir de
nouveaux adeptes. Quelques une de ces méthodes prennent la forme de
véritables combat : il s'agit pour le propagandiste, de s'opposer
à ceux qui ne partagent pas ses idées, parfois même par la
violence. Il exerce ainsi un prosélytisme agressif, un
prosélytisme d'affrontement du fait qu'il va au-delà de la
simple opposition d'idées pour verser dans la brutalité.
Ce prosélytisme est abusif, que la violence ait pour
but de mettre à l'écart une certaine communauté - il
s'agit alors du prosélytisme ségrégationniste26(*) (A) - ou qu'elle vise purement
et simplement à la réduire à néant -
prosélytisme destructeur (B).
A. prosélytisme
ségrégationniste :
Certains croyants trop désireux de faire respecter
scrupuleusement le commandement que leur fait leur religion de diffuser leur
foi, tombent dans l'excès et dans l'abus. Ils tentent parfois
d'amoindrir la concurrence en la dévalorisant aux yeux de tous. Dans les
cas les plus extrêmes, cette dévalorisation prend la forme d'une
véritable politique de ségrégation. Les propagandistes
oeuvrent alors à l'instauration d'un processus par lequel une distance
sociale est imposée à un groupe concurrent du fait de sa
religion.
La religion est en effet l'un des éléments
fondateurs de l'idéologie raciste qui constitue la base de toute
ségrégation. Cette idéologie est fondée sur la
croyance dans l'existence d'une hiérarchie entre les êtres humains
qui aboutit à une attitude d'hostilité systématique
à l'égard d'une catégorie déterminée de
personnes considérées comme inférieures. Le droit positif
appréhende la ségrégation sous toutes ses formes, qu'elle
soit manifestée par le verbe ou par l'acte.
1. Ségrégation par le verbe et les
infractions de presse :
L'un des meilleurs vecteurs de propagation de la foi
réside sans doute dans la parole27(*). Le propagandiste peut tenter de rallier à sa
foi de nouveaux adeptes en dénigrant, parfois violemment, les croyances
d'autrui afin de démontrer la supériorité de la sienne. En
agissant ainsi, le propagandiste peut se rendre coupable de discrimination,
d'injure ou de diffamation.
Sont considérées par le droit positif comme
discriminations verbales les infractions de provocation à la haine,
à la violence et à la discrimination raciale, ainsi que les
injures et les diffamations. Lorsqu'elles ont un mobile religieux, ces
infractions peuvent servir le prosélytisme
ségrégationniste en ce qu'elles permettent aux propagandistes de
mettre à l'écart, en les dénigrant et en les
dévalorisant, les adeptes d'autres religions et les non croyants.
C'est ainsi que le 4 juillet 1983 le
Tribunal de grande instance de Paris a condamné le directeur du journal
Libération pour avoir laissé paraître dans sa rubrique
« Le courrier des lecteurs » une lettre aux propos
violemment antisémites, appelant notamment « les frères
arabes à faire en sorte qu'aucun juif ne puisse se sentir en
sécurité : à Belleville, à saint Paul,
à Sarcelles (...).»28(*)
Si cette lettre incitait clairement à la violence,
d'autres publications ayant trait à la religion ont été
à l'origine d'autres violences. C'est le cas par exemple des
« caricatures du prophète ». En effet, pour
répondre à l'écrivain Kåre Bluitgen qui se que
plaignait de ce que personne n'osât illustrer son livre sur Mahomet
(pbsl29(*)), Koranen og
propheten Muhammeds liv (Le coran et la vie du prophète Mahomet), le
quotidien Jyllands-Posten publie le 30 septembre 2005, des caricatures du
prophète de l'Islam. Ces caricatures seront reprises mondialement, dans
plusieurs journaux. La première reprise date du 17 octobre 2005, dans le
journal égyptien Al Fagr.
Ces illustrations provoqueront de fortes tensions
internationales. Au Pakistan, en Iran, en Indonésie ou au Nigeria, des
milliers de manifestants descendent dans les rues et plusieurs dizaines
d'entres eux sont tués. Des ambassades du Danemark sont saccagées
notamment à Damas et Beyrouth30(*). Malgré les tensions engendrées, aucun
procès n'a été intenté contre le journal danois.
Contrairement à l'affaire du journal français Charlie
Hebdo qui dans son édition du 8 février 2006, a
publié en Une, sous le titre « Mahomet et les
intégristes », un dessin du prophète disant
« c'est dur d'être aimé par des cons ».
L'hebdomadaire satirique a également reproduit en pages
intérieures, les douze caricatures de Mahomet paru dans le
Jyllands-Posten. Philippe Val le directeur de la publication, est poursuivi
pour « injure envers un groupe de personnes à raison de leur
origine ou de leur appartenances ou de leur non appartenance à une
ethnie, un nation, une race ou une religion
déterminée ». Il encourt six mois de prison et une
amende en vertu de l'article 48 de la loi de 188131(*).
Au Maroc, l'affaire Nichane, un hebdomadaire
indépendant, avait suscité la solidarité des uns et
l'indignation des autres. Tout commence le 9 décembre 2006 avec une
titrée «Comment les Marocains rient de la religion, du sexe et de
la politique ». Le dossier recueillait des plaisanteries qui
mettaient en scène Mahomet, le roi Hassan II, les islamistes ou des
marocains à la recherche d'une sexualité performante. Dès
le 15 décembre, un site Internet islamiste32(*) affirmait vouloir
déposer plainte contre Nichane qui a «gravement offensé Dieu
et son prophète». Des voix s'étaient élevées
dans les groupes religieux marocains, et parfois étrangers, officiels ou
clandestins, pour appeler à «laver l'affront fait aux
musulmans» en prenant les «mesures les plus extrêmes»
à l'encontre de l'hebdomadaire33(*).
Driss Ksikes le directeur de publication de l'hebdomadaire
fait, dans des quotidiens marocains, des «excuses à ceux qui se
sont sentis offensés». Ce qui n'empêche pas le
ministère public de le poursuivre. Le 8 janvier 2007, dans son
réquisitoire, le parquet accuse l'hebdomadaire d'atteinte à la
religion musulmane, au respect dû à la personne du roi et aux
bonnes moeurs. Il demande alors 5 ans de prison ferme, et l'interdiction
professionnelle à vie contre Driss Ksikes et Sanaa El Aji34(*), le directeur et une
journaliste de Nichan, ainsi que la fermeture
définitive du magazine.
Le tribunal de première instance de Casablanca a
condamné les deux journalistes le 15 janvier pour atteinte à
l'islam35(*) et à
la monarchie, sur la base de l'article 41 du code de la presse36(*), à trois ans de prison
avec sursis et une amende collective de 80.000 dirhams. Il a par ailleurs
interdit durant deux mois la publication du magazine arabophone.
Nonobstant l'indignation provoquée par cette affaire
à l'égard de certaines personnes, l'hebdomadaire ne visait
nullement à dénigrer la religion et encore moins à inciter
à la haine ou à la discrimination, puisque le but dans cette
affaire était sociologique et avait pour objet l'étude de la
mentalité de la société marocaine37(*).
Quoiqu'il en soit, les conditions de la provocation à
la discrimination raciale, à la haine ou à la violence reste
toujours les mêmes. Elles sont définies par l'article 38 du code
la presse. Celui-ci stipule que « sont punis comme complices d'une
action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par discours, cris
ou menaces proférés dans les lieux ou réunions publiques,
soit par des écrits, des imprimés vendus, distribués, mis
en vente ou exposés dans les lieux ou réunions publics, soit par
des placards ou affiches exposés aux regards du public, soit par les
différents moyens d'information audiovisuelle et électronique,
qui auront directement provoqué le ou les auteurs à commettre une
action qualifiée de crime ou de délit si la provocation a
été suivie d'effet». Par ailleurs, cet article ne s'applique
pas uniquement aux journalistes, le législateur utilise le terme
«ceux» ce qui étend l'incrimination à toute personne
agissant de la sorte quelque soit sa profession.
Cette forme de prosélytisme
ségrégationniste verbal vise des personnes
déterminées en raison de leur croyance, quoiqu'en pratique il
soit difficile d'établir la preuve de cet objectif. Une autre
difficulté d'établissement de preuve se pose lorsqu'il s'agit
d'une ségrégation par l'acte.
2. Ségrégation par les actes :
Le prosélytisme prenant sa source dans les actions
ségrégationnistes vise à mettre au ban de la
société des vrais croyants ceux qui n'en sont pas. Or, le fait
qu'un individu ou un groupe religieux soit convaincu de la vérité
et de la supériorité de ses croyances, ne doit en aucun cas
justifier un acte illicite. Dès lors qu'un propagandiste fonde ses actes
sur une discrimination, il sort du champ de sa liberté pour entrer dans
l'abus des prérogatives que lui donne le droit.
Le principe de la non discrimination est consacré par
les articles 431-1 à 431-4 du code pénal38(*). L'article 431-1
définit la discrimination comme « toute distinction
opérée entre personnes physiques à raison de l'origine
nationale ou sociale, de la couleur, du sexe, de la situation de famille, de
l'état de santé, du handicap, de l'opinion politique, de
l'appartenance syndicale, de l'appartenance ou la non appartenance vraie ou
supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion
déterminée (...) ». Le code pénal ne
sanctionne pas tous les actes discriminatoires.
C'est ainsi, et en vertu de l'article 431-2, que les actes
discriminatoires sont sanctionnés lorsqu'ils consistent à refuser
la fourniture d'un bien ou d'un service, à entraver l'exercice normal
d'une activité économique, à refuser d'embaucher, à
sanctionner ou à licencier une personne et enfin à subordonner la
fourniture d'un bien ou d'un service ou l'offre d'un emploi à une
condition fondée sur l'un des éléments visés
à l'article 431-1.
Le refus de fourniture d'un bien ou d'un service suppose
préalablement une offre, autrement dit une personne qui n'a émis
aucune offre et qui se borne à opposer une fin de non recevoir à
une sollicitation ne saurait être poursuivi de ce chef39(*). Une fois l'offre
effectuée, le délit est consommé dès le refus de
fournir le bien ou le service requis. Il en est ainsi du refus opposé
à l'entrée de certaines discothèques françaises aux
seules personnes de couleur40(*). De même, a été
considéré comme suffisamment éloquent le refus d'une
tenancière de débits de boissons de servir deux magrébins
qui n'étaient pas pour autant en état
d'ébriété et qui ne causaient aucun scandale41(*). Le deuxième
comportement sanctionné est l'entrave à l'exercice normal d'une
activité économique. Les poursuites sur la base de ce chef
d'accusation sont rares, toutefois on retrouve un arrêt de la cour de
cassation datant du 21 novembre 199442(*). Le responsable d'une rencontre organisée
entre industriels et commerçants israéliens et leurs homologues
français avait invoqué lors de celle-ci « la loi du
boycott toujours en vigueur » et avait expliqué
« qu'officiellement il est demandé aux entreprises exportant
vers des pays arabes de signer une déclaration de boycott »
afin de ne pas mettre les participants israéliens en relation avec les
entreprises qui ont consenti à cette loi. Hormis le
boycott, ce délit prend souvent la forme de refus de contracter. C'est
ainsi qu'un détenu qui refuse l'assistance d'un avocat commis d'office
en raison de sa race ou de sa religion, commet le délit d'entrave
discriminatoire à l'exercice normal d'une activité
économique43(*).
L'article 431-2 cite également les actes
discriminatoires relatifs à l'emploi et à l'embauche. A ce
niveau, on retrouve encore le problème du voile. Après avoir
demandé à un responsable des ressources humaines de faire part
des critères de choix sur lesquels il se base pour la sélection
des candidates, le Courrier de Casablanca rapporte que celui-ci
« demande qu'elle ait un diplôme supérieur, une
expérience similaire d'un an au moins dans un poste similaire, qu'elle
soit dynamique, intelligente, compétente... et non
voilée »44(*). Selon la même source Nadia, 27 ans, est l'une
des employées victimes qu'on a obligé à quitter leur
travail juste parce qu'elles portaient le voile. « Malheureusement
le sérieux, la compétence, ne sont plus les critères
basiques pour faire une bonne carrière dans notre joli pays dit de
confession musulmane. Lorsque mon ancien patron français m'a
obligé à déposer ma démission à cause de mon
voile, cela m'a perturbé car aucune loi marocaine de travail ni
même le règlement intérieur de la société
à l'époque ne le dictait (...) »
Toutefois, comme nous l'avons signalé
auparavant45(*), aucun
procès n'est connu portant sur une discrimination à l'embauche,
ni pour licenciement ou sanction à cause de l'appartenance ou la non
appartenance à une croyance. Cela s'explique en partie par la
difficulté de rapporter la preuve de la volonté discriminatoire,
surtout en matière d'embauche. En effet, l'attitude discriminatoire ne
doit pas avoir pour effet de faire disparaître l'intuitu
personae qui est l'essence de certains contrats.
La jurisprudence française, en revanche, est riche en
la matière. Pour ne citer qu'un exemple, Mlle Tahiri qui porte le voile,
occupait le poste de téléopératrice dans une
société. Après un an, elle est mutée au
siège social de celle-ci, et est priée de porter son foulard en
bonnet de sorte qu'il ne couvre que ses cheveux (sans son front, son cou et ses
oreilles). A la suite de son refus, elle est licenciée pour faute. Le 19
juin 2003, la Cour d'Appel de Paris retient le caractère discriminatoire
de la lettre de licenciement qui va à l'encontre de la liberté
religieuse46(*).
Dans ces cas de figure, il s'agit d'un prosélytisme
anti-religieux, ou du moins contre un aspect religieux tel que le port du
voile. Bien que cette forme de prosélytisme abusif soit dangereuse pour
les libertés individuelles et collectives et pour la vie
professionnelle, une autre forme peut être encore plus dangereuse et
constituer une atteinte à la vie des personnes et à leur
intégrité, voire même une réelle menace pour
l'humanité.
B. prosélytisme destructeur :
Le fanatisme est la forme la plus extrême de la ferveur
qui peut être déployée pour convertir autrui. Dans la Rome
Antique, les fanatiques désignaient les devins inspirés
interprétant les augures et les prêtres de culte de la
déesse Me Bellone47(*), qui dans leur délire, s'assénaient de
coups d'épées et de hachette faisant gicler leur propre sang.
Le fanatisme religieux contemporain, comme tout autre, est
totalitaire. Les fanatiques, certains d'être seuls à
détenir la vérité, n'aspirent qu'à l'unité.
Leur foi est une, et indivisible et ils veulent l'imposer à tous et
partout. Pour ce faire, il n'hésite pas à substituer la
persécution aux modes traditionnels de prosélytisme. Cette
altération fondamentale de la dialectique religieuse s'épanouit
au travers de deux expressions criminelles extrémistes : les
actes terroristes et les idéologies responsable de génocides.
1. Un prosélytisme constitutif de terrorisme
religieux :
La violence religieuse est apparue pour la première
fois entre 66 et 73 après Jésus Christ lorsque la
société secrète de Sicaire s'est affirmée en
réaction de l'annexion administrative de la province de Judée par
Rome. « La religion et le terrorisme partagent donc une histoire
commune »48(*).
Les exemples de cette dernière décennie sont
éloquents : la secte religieuse japonaise Aum Shinrikyo dispersa du
gaz sarin dans le métro de Tokyo en juin 1995, l'organisation Jamaa Al
Islamiya du Sheikh Abdel Rahman a perpétré l'attentat contre le
World trade Center en 1993, le projet d'empoisonnement de l'eau courante par
les milices « chrétiennes-blanches»49(*) ou encore de contamination par
le bacille de la typhoïde par l'Ordre du soleil levant50(*).
Plus récemment un groupe islamiste algérien se
présentant comme une branche d'Al Qaida au Maghreb a revendiqué
une série d'attentats à la bombe à l'est d'Alger le 13
février 2007.
Tous les terroristes religieux semblent unis par la même
conviction que leurs actions sont sanctionnées, voire mandatées
par Dieu. En dépit d'origines, de doctrines, d'institutions, de
religions, ou de pratiques très diverses, ces fanatiques religieux se
rejoignent dans la même justification de l'emploi de la violence
sacrée : défendre ou étendre leur foi, celle qu'ils
décrivent comme la foi originelle. La foi serait donc utilisée
comme propulseur à travers le monde de pratiques destinées
conjointement à propager l'idéologie religieuse et à
sanctionner ceux qui n'y adhèrent pas. C'est ainsi qu'une populaire
animatrice - Nassima El Hor - de la chaîne 2M a été
menacée de mort par les Islamistes, si elle ne porte pas le voile
à l'écran.
Le recours à cette forme de prosélytisme n'est
pas nouveau. Il a commencé avec la secte des assassins51(*), mais s'est surtout
développé avec la prise d'otages de l'ambassade américaine
de Téhéran en 1979, pour atteindre son apogée avec les
attentats du 11 septembre 2001 à New York et à Washington. Le
phénomène se répète, seul les moyens ont
changé : les camions ou les avions-suicides ont remplacé les
poignards.
Le Maroc n'a pas était épargné. En
août 1994, l'hôtel Atlas Asni à Marrakech est attaqué
par deux français d'origine algérienne, armés et
cagoulés. Le 11 mai 2002, l'affaire "opération Gibraltar"
éclata avec l'arrestation de trois terroristes saoudiens, à
Casablanca. En juillet 2002, Youssef Fikri, l'émir du groupe islamiste
Al Hijra Wa Takfir52(*)
avoue devant la Cour d'Appel de Casablanca avoir commis des meurtres avec
préméditation. Parmi ses victimes un notaire de Casablanca
tué pour ses idées marxistes et son propre oncle qui avait
été assassiné car il sentait l'alcool ainsi que 154 autres
agressions perpétrées dans plusieurs villes du Royaume.
Le16 mai 2003, cinq attentats simultanés ont
visé la Casa de Espagna, l'Alliance israélite, le restaurant
italien Positano, l'hôtel Farah et le cimetière juif. Les faits
ont été attribués à des membres de la Salafiya
Jihadia53(*) et du Sirat
Al-Moustaqim54(*).
Plus récemment, le 11 mars 2007, un individu a
été emporté par une charge explosive dissimulée
sous ses vêtements dans un cybercafé55(*). Mais les autorités ne
parlent pas encore d'acte terroriste car on ne peut qualifier n'importe qu'elle
infraction d'acte terrorise.
De là, se pose un problème de définition.
Alors qu'il est aisé d'en donner une définition claire dans le
langage courant, la situation est plus délicate lorsqu'il s'agit de
donner une définition juridique au terrorisme.
Le droit marocain, en effet, ne définit pas le
terrorisme de manière précise. Il se contente
d'énumérer les infractions qui constituent des actes de
terrorisme dans les articles 218-1, 218-3 et 218-4 56(*) du code pénal57(*). Toutefois l'article 218-1
pose trois critères selon lesquels un acte terroriste peut être
reconnu comme tel. Il s'agit de la relation qui doit unir l'une des infractions
citées par l'article avec une entreprise individuelle ou collective, le
but de troubler gravement l'ordre publique et l'utilisation de l'intimidation,
la terreur ou la violence. Il semble difficile d'établir la relation
unissant l'infraction à l'entreprise individuelle ou collective,
d'autant plus que le terme « en relation » figurant dans le
texte pénal, prête à une incertitude qui peut
découler de son interprétation.
En pratique, la difficulté est néanmoins
écartée en matière de terrorisme religieux car les auteurs
de l'acte le revendiquent généralement ce qui permet
d'établir aisément l'existence de cette relation. Le but du
terrorisme religieux étant de convaincre ou de contraindre par la
violence, les terroristes doivent bien dévoiler la cause à
laquelle ils entendent rallier le plus grand nombre. La notion
« d'entreprise » quant à elle devra exclure toute
idée d'improvisation. Elle suppose l'existence de
« préparatifs et un minimum d'organisation, une certaine
préméditation (...), une organisation d'où le hasard est
à exclure »58(*).
L'infraction devra ensuite viser à troubler gravement
l'ordre public. Cette condition distingue le terrorisme des infractions du
droit commun puisqu'elle doit être le but du comportement et non pas son
effet59(*). Il faut donc
tenir compte du but de l'auteur, et non pas du mobile, car il s'agit là
d'une infraction à dol spécial60(*). Le but poursuivi caractérise le mobile et
constitue l'élément moral de l'infraction. Ce but est non
seulement la volonté immédiate de détruire, mais aussi
médiate de troubler gravement l'ordre public.
Le trouble de l'ordre ainsi causé, doit enfin
l'être par des moyens particuliers. L'intimidation qui consiste à
paralyser l'esprit de hardiesse nécessaire à l'action, la terreur
qui s'apparente à l'épouvante, à une peur extrême
qui paralyse et la violence qui est un comportement agressif qui provoque la
douleur, la peine. Toutefois, terroriser ne se limite pas seulement à
terrifier, mais - selon le Littré - à établir le
règne de la terreur. C'est une stratégie non pas limitée
dans le temps mais assurée d'une certaine continuité, d'où
sa gravité.
Le terrorisme religieux serait donc une forme de
prosélytisme qui tend à terrifier des personnes faute de pouvoir
les convaincre d'adhérer à une religion ou idéologie. Une
autre forme de prosélytisme ne tentera plus de rallier ces personnes
mais de les supprimer voir de les exterminer.
2. Un prosélytisme constitutif de
génocide :
Des mouvements extrémistes et totalitaires ont
engendré en plusieurs lieux et en diverses époques des crimes
odieux. Parmi eux, l'exemple du nazisme reste, à ce jour, le plus
frappant. Fanatisme, croyance et criminalité ont déterminé
l'orientation des génocides commis par le régime hitlérien
sur des victimes désignés notamment en fonction de leur
appartenance religieuse.
Pour Adolf Hitler, l'inscription de sa croisade
guerrière dans une dimension religieuse était devenue une
nécessité61(*). Son oeuvre destructrice était basée
sur son désir de mener à terme un prosélytisme
athée, un prosélytisme antireligieux. Son prosélytisme
s'est développé au début essentiellement à
l'encontre des juifs62(*).
Ceci l'a poussé à planifier des campagnes de destruction massive
d'assassinats de millions de juifs dans le monde.
Considérer Hitler comme le plus grand propagandiste
religieux peut paraître audacieux car on envisage les génocides de
la seconde guerre mondiale comme des génocides exclusivement raciaux.
D'ailleurs, Hitler prônait l'eugénique en faveur de la race
aryenne63(*). Cependant,
il avait stigmatisé les juifs comme appartenant à la race la plus
inférieure. Ceci établit un lien indissoluble entre les notions
de race et de religion.
L'antisémitisme, base du régime hitlérien
repose tant sur le reproche d'une appartenance fantasmée à une
« race inférieure » que sur un différent
proprement religieux. D'ailleurs, Hitler ne s'est pas contenté
d'assassiner les juifs en masse mais a également tenté de
démontrer la dangerosité des religions traditionnelles et a
combattu les églises auxquelles il s'est heurté en essayant de
contrôler la jeunesse.
Afin de définir ces crimes, commis dans l'Allemagne
nazie, le mot « génocide » a été
créé par le juriste Raphaël Lemkin en 1944, dans son livre
Axis Rule in occupied Europe. La définition juridique de
base du génocide est celle donnée par la Convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide du 9
décembre 1948, dans laquelle l'article 2 stipule que « le
génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après commis
dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national,
ethnique, racial ou religieux, comme tel :
· Meurtre de membres du groupe ;
· Atteinte grave à l'intégrité
physique ou mentale de membres du groupe ;
· Soumission intentionnelle du groupe à des
conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou
partielle ;
· Mesures visant à entraver les naissances au
sein du groupe ;
· Transfert forcé d'enfants du groupe à
un autre groupe. » 64(*)
Cette convention précise qu'il s'agit d'un crime se
distinguant d'une part, par l'intention d'extermination totale d'une
population, et d'autre part, par la mise en oeuvre systématique et donc
planifiée de cette volonté.
Toutefois, c'est souvent la contestation de l'un de ces
éléments qui fait débat pour la reconnaissance officielle
d'un crime en tant que génocide.
Néanmoins, et bien que critiquée par la
doctrine, l'exigence d'un plan concerté comme élément de
la définition du génocide, et plus généralement des
crimes contre l'humanité ne fait plus aucun doute. En effet, cette
exigence est expressément mentionnée dans le statut du tribunal
international de Nuremberg65(*) qui prévoit dans son article 6 la
responsabilité des « dirigeants, organisateurs, provocateurs
ou complices qui ont pris part à l'élaboration ou à
l'exécution d'un plan concerté ou d'un complot pour commettre
l'un des crimes ci-dessus définis » 66(*)
Le second élément repose sur l'exigence d'une
atteinte à la condition humaine connexe à une politique
d'extermination ou d'hégémonie idéologique. Autrement dit,
pour qualifier un crime de crime contre l'humanité il faut que celui-ci
suive un plan concerté et qu'il poursuive un but
déterminé, à savoir l'extermination partielle ou totale
d'un groupe donné.
La définition demeure inchangée à ce jour
en droit international. Elle a été reprise à l'identique
notamment dans les statuts des tribunaux pénaux internationaux pour
l'Ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, ainsi que dans le statut de la Cour
Pénale Internationale, notamment dans l'article 6 du Statut de
Rome67(*) adopté le
17 juillet 1998, et l'acte fondateur de la Cour pénale internationale
(CPI).
Il ressort de cette définition que, contrairement aux
idées reçues, un génocide n'implique pas
nécessairement un critère quantitatif. Ainsi, on évalue
à environ soixante millions le nombre de morts pendant la seconde guerre
mondiale. Parmi ceux-ci, seuls les six millions de juifs, de Tziganes et
d'autres minorités sont considérés comme victimes d'un
génocide perpétré par les nazis. À l'inverse, des
massacres de masse ne constituent pas forcément un génocide.
C'est ainsi que dans l'affaire Paul Touvier68(*), la qualification de crime
contre l'humanité a été retenue alors même que la
mise en accusation visait l'assassinat de sept otages en raison de leur
appartenance raciale et religieuse.
La jurisprudence marocaine est quasiment inexistante en ce
domaine. D'ailleurs, les textes de loi pénale ne prévoient pas
l'incrimination des crimes contre l'humanité en général. A
cet effet, le ministère de la justice a été invité
à incorporer dans la législation marocaine les crimes de
génocide, les crimes de guerre et les crimes contre
l'humanité69(*).
S'agissant du prosélytisme toutefois, seule
l'appartenance à un groupe religieux doit être envisagée.
Un tel groupe désireux d'éradiquer tous ses adversaires par la
mise en oeuvre d'un plan concerté peut donc être qualifié
de crime contre l'humanité, notamment de génocide.
Cela dit, le prosélytisme peut aller de la simple
discussion jusqu'au massacre en masse de population. C'est pourquoi la
législation se doit de se prémunir en mettant en place tous les
moyens afin d'éviter tout abus de prosélytisme. Cependant, de
tels dispositifs ne devront pas empiéter la liberté de religion
qui est un principe reconnu universellement.
Chapitre 2 : Les aspects juridiques du
prosélytisme et de la liberté de culte
Durant des siècles passés et aujourd'hui encore,
les cultures et les communautés minoritaires ont souffert de leur
situation. Parfois, l'épreuve les a écrasé. Parfois, elle
les a conduite à la révolte ou à la violence. Juifs et
musulmans en Europe, kurdes au Proche-Orient, catholiques en Angleterre,
protestants en France, noirs aux États-Unis, musulmans en
Bosnie-Herzégovine, chrétiens au Soudan, chiites en Irak...la
liste est longue. Ces conflits se sont soldés par de nombreuses pertes
humaines.
Dans les années qui suivirent la Deuxième Guerre
mondiale en particulier, la notion de liberté religieuse se trouva
progressivement assimilée à un droit de l'homme à
caractère international que tous les États du monde
étaient tenus de protéger. Ce droit ne tend pas seulement
à protéger la liberté d'exercice des cultes. En fait, le
respect du principe de liberté religieuse renforce incontestablement la
crédibilité des efforts en faveur du dialogue interconfessionnel,
et par conséquent, tend également à éviter tout
conflit interreligieux.
Aujourd'hui, les théologiens islamiques citent le Coran
Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 256
« Il n'y a pas de contrainte en religion » pour soutenir le
respect de l'islam à la liberté religieuse, et le pape
Benoît XVI invite les fidèles à prier « pour que le
droit à la liberté religieuse soit reconnu par les gouvernements
de tous les peuples de la Terre »70(*).
La communauté internationale prône la
liberté de culte et convie les Etats à en faire de même.
La liberté de religion, liberté de culte ou
liberté de conscience est une liberté qui lorsqu'elle est
accordée permet à chaque individu de pratiquer la religion de son
choix, de changer de religion, ou de ne pas avoir de croyance religieuse, dans
la mesure où l'expression des croyances en question « ne trouble
pas l'ordre public ».
Toutefois, comme tout autre droit ordinaire, le droit
d'exercice du culte peut en cas de dépassement des limites de l'usage
raisonnable, constituer un abus. Il peut même constituer une infraction
si ce droit est utilisé à des fins frauduleuses.
Afin de mieux cerner la portée juridique de la
liberté religieuse et du prosélytisme, nous développerons
d'abord le principe de la liberté de culte, son contenu, ses limites et
les textes qui le consacrent (Section 1), avant d'aborder ensuite les
excès de cette liberté qui constitue un prosélytisme puni
par la loi (Section 2).
Section 1 : Le principe de la liberté
religieuse :
La liberté religieuse est l'un des droits fondamentaux
de l'homme. Protéger cette liberté équivaut à
protéger un principe commun à tous les êtres humains, le
caractère sacré de la conscience dans les questions de
vérité ultime, de pratique du culte, de rites et de codes de
conduite. Ce droit n'a pas été créé par les
gouvernements ; il existait avant eux et avant les sociétés.
Comme le stipule la Déclaration universelle des droits de l'homme :
« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en
dignité et en droit. »
Il y a peu de chance pour qu'un gouvernement qui ne
protège pas la liberté de religion et de conscience respecte les
autres droits fondamentaux de l'homme tels que la protection contre toute
arrestation arbitraire ou contre la torture. De même,
l'élévation de la liberté religieuse au rang de droit est
le signe d'une démocratie saine, d'une démocratie qui accorde de
l'intérêt non seulement à la liberté de conscience
mais aux autres droits nécessaires à la liberté religieuse
comme le droit d'expression et de réunion71(*).
Le Maroc qui est un Etat musulman72(*) donne l'exemple en
garantissant et en protégeant la liberté de culte (A). Mais cela
ne veut pas dire que cette liberté est absolue, en ce sens qu'elle
comporte des atténuations (B).
A. consécration de la liberté de
religion :
Le Maroc, à l'instar de nombreux pays, tend à
protéger les droits des citoyens en garantissant et en protégeant
les libertés publiques et les libertés individuelles notamment la
liberté de religion. La Conférence interparlementaire sur les
Droits de l'homme et la liberté de religion dans sa déclaration
de conclusion de la 4ème session avait annoncé que la
liberté de religion ou de croyance est l'un des droits de l'homme les
plus fondamentaux et les plus précieux. Elle a ajouté que
là où cette liberté est garantie et protégée
par la loi, appliquée par les gouvernements et considérée
comme précieuse par les citoyens, le terrorisme au nom de la religion ne
s'épanouira pas.
Aujourd'hui, le Maroc dont la population est composée
de plus d'une ethnie religieuse, et dont l'emplacement géographique qui
est en fait la porte d'Afrique sur l'Europe, est un lieu de rencontre de
plusieurs religions. C'est pourquoi le Maroc se doit de protéger la
liberté religieuse afin d'éviter tout abus et de
préserver la tolérance. Pour ce faire, il ne s'est pas contenter
de ratifier ou d'adhérer aux déclarations et traités
internationaux déjà existants mais à
légiférer lui-même en ce sens en érigeant des textes
nationaux qui garantissent la liberté de culte.
1. Les instruments internationaux de protection :
La lutte pour la liberté religieuse dure depuis des
siècles. Le vingtième siècle a vu la codification de
valeurs communes liées à la liberté de religion et de
conviction.
Le Royaume du Maroc souscrit aux principes, droits et
obligations découlant des chartes d'organismes internationaux et
réaffirme son attachement aux droits de l'Homme tels qu'ils sont
universellement reconnus. En effet, les Nations Unies ont reconnu l'importance
de la liberté de religion ou de conviction dans la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme de 1948, dans laquelle l'article 18 dispose
que « toute personne a droit à la liberté de pensée,
de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer
de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa
religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en
privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement
des rites ».
Depuis la Déclaration Universelle, les tentatives de
développer un instrument obligatoire relatif aux droits de l'homme
applicable et se rapportant à la liberté de religion et de
conviction se sont révélées infructueuses.
D'autres conventions ont fait allusion à la question de
la liberté de religion telle que la Convention pour la
Prévention et la Répression du crime de Génocide de
194873(*) dans son
deuxième article74(*) dans lequel elle définit le génocide
comme tout acte commis « avec l'intention de détruire, en tout
ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. ».
Il en est de même de la Convention relative au Statut des
Réfugiés de 195175(*) qui a déclaré dans son article 4 que
l'on doit accorder aux réfugiés les mêmes droits qu'aux
nationaux en ce qui concerne «la liberté de pratiquer leur religion
et en ce qui concerne la liberté d'instruction religieuse de leurs
enfants. » 76(*)
Le 21 décembre 1965, la Convention internationale sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale77(*) est adoptée par
l'assemblée générale des nations unies. Son article 5
78(*) déclare que
pour se conformer totalement à cette convention, il faut inclure le
droit à la liberté de religion ou de conviction pour tous les
groupes ethniques et raciaux, suivi d'autres droits et libertés
fondamentales.
En 1966, deux pactes renforceront la liberté de
culte : il s'agit du Pacte International relatif aux Droits civils et
Politiques79(*) et du
Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et
Culturels80(*). L'Article
18 du Pacte relatif aux Droits civils et Politiques inclus quatre paragraphes
relatifs à cette question :
1. Toute personne a droit à la liberté de
pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la
liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son
choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction,
individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé, par le culte
et l'accomplissement des rites, les pratiques et l'enseignement.
2. Nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte
à sa liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction
de son choix.
3. La liberté de manifester sa religion ou ses
convictions ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues
par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la
sécurité, de l'ordre et de la santé publique, ou de la
morale ou des libertés et droits fondamentaux d'autrui.
4. Les Etats partis au présent Pacte s'engagent
à respecter la liberté des parents et, le cas
échéant, des tuteurs légaux de faire assurer
l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément
à leurs propres convictions.
Cet article affirme la liberté religieuse mais ne
mentionne pas d'une façon nette le droit de changer de confession.
Comparé à l'article 18 de la Déclaration de 1948, nous
remarquons dans ce pacte un certain recul, de moins au niveau de la forme.
Le second pacte quant à lui, assure dans son article
1381(*) le droit pour
chaque enfant à une éducation morale et religieuse
conformément aux propres convictions des parents ou des
représentants légaux, et parle de
« développement complet de la personnalité »
et de « respect des droits de l'homme ».
Plus tard, une déclaration viendra consolider cette
convention et raffermir le principe de la liberté de religion. Il s'agit
de la Déclaration sur l'Elimination de toutes les
Formes d'Intolérance et de Discrimination fondées sur la Religion
ou la Conviction82(*)
adoptée par l'assemblée générale sans passer par le
vote le 25 novembre 1981.
Cette déclaration n'établit de façon
nette ni le droit de changer de confession comme celle de 1948, ni le droit
d'en adopter une comme le pacte de 1966. Toutefois, nonobstant qu'elle ne
comporte pas de procédure de mise en vigueur, elle reste la codification
contemporaine la plus importante du principe de liberté de religion et
de conviction.
Par ailleurs, La Déclaration et le
Programme d'action de Vienne, adoptés le 25 juin 1993 par la
Conférence mondiale sur les droits de l'Homme, dans son article
4783(*) réaffirment
le droit des personnes appartenant à des minorités ethniques,
linguistiques ou religieuses de jouir de leur propre culture, de professer et
de pratiquer leur propre religion, et d'utiliser leur propre langue, en
privé et en public, librement et sans immixtion, ni aucune
discrimination en incitant tout les Etats à mettre en pratique ces
dispositions. Il demande également à tous les gouvernements de
prendre toutes les mesures nécessaires pour s'acquitter de leurs
engagements internationaux, en tenant compte obligatoirement des
systèmes législatifs en vigueur, et ceci pour affronter le
fanatisme religieux et faire face aux vagues de terrorisme qui
l'accompagnent.
Au niveau des pays islamiques et arabes, une
déclaration a été promulguée le 19 septembre
1981 à Paris, lors d'une réunion
organisée à l'UNESCO par la Conseil Islamique d'Europe. Il s'agit
de la Déclaration islamique universelle des droits de l'Homme qui
consacre l'article 1384(*)
à la liberté de culte dans les limites des lois islamiques.
Aussi, la Charte Arabe des Droits de l'Homme de 1994
qui a été adoptée par le conseil de la Ligue des
Etats Arabes et qui comporte 22 membres dont le Maroc, garantit la
liberté de religion dans ses articles 26 et 2785(*).
Hormis, ces textes et traités internationaux, et afin
de démontrer sa bonne volonté, le Maroc a érigé ses
propres textes qui garantissent la liberté de religion.
2. Les instruments nationaux de
consécration :
L'article 6 de la constitution de 1966 énonce que
« L'islam est la Religion de l'Etat qui garantit à
tous le libre exercice des cultes», ce qui fait de cette liberté un
principe constitutionnel. Cependant, l'article 6 stipule que l'Islam est la
religion d'Etat, ce qui n'implique pas automatiquement que l'Islam est la
religion de tout marocain. En effet, une religion d'État
également appelée religion officielle, est une religion ou une
profession de foi officiellement adoptée par un Etat. Aujourd'hui, la
notion de religion d'Etat s'oppose à la notion de la
laïcité.
La laïcité désigne le principe de
séparation du pouvoir politique et administratif de l'État du
pouvoir religieux. Celle-ci implique un enseignement étatique où
la formation religieuse est absente. Pour autant, l'enseignement des religions
n'est pas incompatible avec la laïcité, tant qu'il ne s'agit que de
décrire des « us et coutumes », et si l'on présente
chaque religion d'un point de vue objectif, par exemple dans le cadre d'un
cours d'histoire géographie.
Contrairement à la France qui est un Etat laïc, le
Maroc fait de l'Islam sa religion officielle et de son Roi Amir al Mouminine
(Commandeur des croyants) en vertu de l'article 19 de la constitution. En
outre, le Maroc inscrit l'enseignement religieux dans l'ensemble du parcours de
l'enseignement fondamental et secondaire sous forme de matière
intitulée « éducation islamique ».
Par ailleurs, l'article 6 de la constitution utilise
l'expression « garantit à tous », le terme
« tous » est un adverbe qui veut dire entièrement et
qui exprime la totalité, c'est-à-dire qu'il ne laisse rien en
dehors. Ce qui revient à dire que l'article 6 garantit le libre exercice
à tout un chacun et sans exception aucune. D'ailleurs, l'article ne cite
aucune religion ou profession déterminée ce qui pourrait mener
à penser que la liberté d'exercice est absolue. Toutefois, les
faits et la jurisprudence nous prouveront le contraire86(*).
Après la constitution, le code pénal vient
renforcer la garantit du principe de la liberté de religion, mais
timidement. Celui-ci consacre une section aux infractions relatives à
l'exercice des cultes dans laquelle il reconnaît implicitement la
liberté de culte. En effet, l'intitulé de la section suppose
l'existence de plus d'un culte, ensuite aucun article du code pénal ne
sanctionne l'apostasie, ce qui veut dire que le fait de quitter la religion -
notamment l'Islam - ou de la changer n'est nullement sanctionné par la
loi pénale.
Par contre, le fait d'ébranler la foi d'un musulman ou
de le convertir à une autre religion est passible de six mois à
trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 100 à 500 dirhams en vertu
de l'article 22087(*).
Cependant, cet article n'implique pas les cas où « des moyens
de séduction » ne sont pas employés. Seul le cas
où la séduction est utilisée comme moyen pour convertir un
musulman à une autre religion ou à apostasier ou en
général pour ébranler sa foi est sanctionné, telles
les promesses d'une vie meilleure, de faciliter pour émigrer ou autres.
Dans la pratique, cependant, les évangélistes par exemple,
n'utilisent pas toujours de tels moyens.
De plus, cet article ne vise que l'ébranlement de la
foi musulmane, il ne protége donc que les nationaux musulmans. Cela
revient à dire qu'il est interdit de faire du prosélytisme visant
les musulmans, tandis que le prosélytisme visant les autres religions
reconnues au Maroc (judaïsme et christianisme) n'est pas interdit.
Par ailleurs, le gouvernement autorise la présentation
et la vente de la Bible en français, en anglais et en espagnol, mais
confisque tous les exemplaires en arabe et refuse d'en autoriser l'importation
et la vente. Cependant, des bibles seraient en vente dans des librairies
locales. En mai 1998, un citoyen britannique a été
condamné à Tanger pour violation de la réglementation
douanière, pour avoir soi-disant omis de déclarer aux
services douaniers une quantité de bibles destinées à la
vente.88(*)
En 2004, un groupe religieux de langue anglaise s'est vu
accorder le statut d'association à but non lucratif d'«Eglise
Protestante». D'autres églises et associations enregistrées
incluent les Eglises catholique, russe orthodoxe, grecque orthodoxe,
protestante française et anglicane89(*). C'est dire que le gouvernement met en pratique
réellement les dispositions de l'article 6 de la constitution.
Cependant, cette liberté connaît des limites et des
atténuations.
B. atténuationS au principe de la liberté de
religion :
Les medias marocains ont souvent parlé de poursuites de
marocains musulmans convertis au christianisme ou de persécutions de
mouvements évangélistes, ou encore de condamnation pour
délit d'apostasie90(*). Ceci est dû à certaines erreurs
journalistiques assez communes, vu que les journalistes n'ont pas, en
général, des connaissances juridiques suffisantes, ils ont
tendance à confondre entre apostasie et prosélytisme.
Mais, il faut avoué également que certains faits
justifient la parution de ces articles. En effet, ces faits constituent les
atténuations au principe de la liberté de religion. Il faut dire
que le principe énoncé par la constitution garantit effectivement
une liberté de culte. Toutefois, cette liberté n'est pas absolue
d'autant plus que l'ambiguïté qui entoure la notion de
liberté de religion dans la législation marocaine - notamment la
loi pénale - laisse place à l'interprétation de la loi
par le juge.
Or, cette interprétation de la loi, qui peut être
parfois erronée, et l'ardeur que l'ordre judiciaire peut montrer dans
ses tentatives de condamner les apostats, les propagandistes chrétiens
et les sectateurs est probablement liée à l'application de la
charia, cette dernière peut notamment influencer les
décisions des juges.
D'ailleurs, on retrouve dans l'histoire et la jurisprudence
marocaine des affaires où des marocains ayant renié l'Islam pour
d'autres religions ont été poursuivis ou même
condamnés.
1. Persécution des chrétiens et des
renégats de l'Islam au Maroc :
Le Royaume du Maroc garantit le libre exercice des cultes
à tous ; les communautés juives et chrétiennes
pratiquent ouvertement leurs cultes. Cependant, certaines restrictions existent
notamment à l'encontre des chrétiens. Par ailleurs, plusieurs
petites minorités religieuses existent au Maroc et sont
tolérées avec des degrés variables de restrictions.
Lors de la 59ème session du Comité pour
l'élimination de la discrimination raciale en Mars 2003, le rapport de
la FIDH sur le Maroc et la question Amazigh rapporte que le Maroc, dans son
rapport au CERD91(*) ne
fait état que de la situation de la communauté juive, dont les
membres sont considérés comme des citoyens marocains à
part entière. (...)
Cependant, jusqu'en 1998, des convertis au christianisme ont
été emprisonnés. Si l'on ne relève pas de telles
atteintes depuis 1998, au cours de l'année 2000 et en septembre 2001,
plusieurs « missionnaires » chrétiens ont
été interrogés par la police. Cependant, les poursuites
judiciaires entamées n'ont pas eu de suites. D'autres ont même
été expulsés. Il en est ainsi du pasteur
sud-américain de l'église protestante de Marrakech Dean Malan qui
a été expulsé en Mars 2005, pour absence d'emploi
rémunéré, sept autres missionnaires ont été
interrogés pendant plusieurs heures avant d'être expulsés
en Mai 200492(*).
Par ailleurs, et d'après les informations recueillies
par la mission, il semble que les convertis au christianisme et les
athées font toujours l'objet d'un ostracisme social au Maroc et risquent
d'être poursuivis en justice pour « incitation à quitter
l'islam » ou prosélytisme. En effet, la presse nationale et
internationale ainsi que divers rapports ont relaté nombre de
persécutions ou de restrictions à divers degrés. Parmi les
cas les plus connus, on retrouve Mehedi Ksara, un marocain converti au
christianisme qui a été emprisonné à Tanger sur la
base de l'article 220 du code pénal le 5 août 1995 à
l'âge de 88 ans. Ont été emprisonnés avec lui trois
jeunes hommes accusés également de prosélytisme, Fouad
Jaafar âgé 27, Bel Haj de Mohcen Ibrahim âgés 20 ans
et Samir Ben Ali âgé 24 ans. Excepté Samir Ben Ali, chacun
des trois était des chrétiens. Samir était un musulman qui
avait fait des enquêtes au sujet du christianisme et avait
été trouvé en possession d'un nouveau testament. À
la différence de Mehedi, aucun d'eux n'a bénéficié
d'une représentation légale. Les quatre hommes ont
été acquittés par le tribunal de première instance
de Tanger sous la pression internationale.
Jamâa Ait Bakrim, berbère originaire du Douar
Jouabra (Massa), est un autre exemple illustrant les persécutions. Il a
été jugé et condamné le 26 septembre 1995 dans la
ville de Goulemine à l'emprisonnement d'une année pour avoir
partagé sa foi chrétienne avec d'autres (dossier n°.
919/95). En avril 1996, il a été transféré de la
prison à un hôpital psychiatrique d'Inezgane bien qu'il ne
présentait aucune instabilité mentale.
Avant d'être totalement libéré le 4 juin
1996, Jamaa ait Bakrim sera de nouveau condamné le 28 décembre
2003, par le tribunal de première instance d'Agadir, à quinze ans
de prison cette fois pour prosélytisme - sur la base de l'article 220 -
et pour destruction des biens d'autrui - sur la base de l'article 58 - avec
cumul d'infractions. Dans les procès verbaux de la gendarmerie comme
devant le juge d'instruction, Jamâa n'a, à aucun moment,
nié sa foi chrétienne. Il a toutefois démenti avoir
perturbé l'ordre public ou détruit les biens de ses voisins. Il a
avoué avoir mis le feu à deux poteaux de bois, mais il explique
qu'il avait contacté les autorités locales pour
débarrasser la voie de ces anciens poteaux électriques hors
d'usage depuis longtemps, encombrant le site. Dans l'instruction
complémentaire, il dément avoir approché ses voisins
« pour ébranler leur foi musulmane ». Il nie aussi
avoir « porté atteinte à la personne du Roi »
comme inscrit sur le procès verbal de gendarmerie.
Pour lui, les témoignages de ses voisins le mettant en
cause sont dus à ses convictions religieuses différentes des
leurs. Les juges ont estimé que « le fait que Jamaâ nie
les accusations de prosélytisme est en contradiction avec les aveux
tenus auparavant lors des procès verbaux préliminaires où
il proclamait qu'il était le fils du Christ et qu'il souhaitait que les
Marocains deviennent chrétiens... »93(*).
Enfin, pour ne citer que quelques exemples, Mustafa Zemada,
âgé de 29 ans, de Casablanca, a été
appréhendé le 19 octobre 1993 avec dix-neuf autres ressortissants
marocains qui ont été appelés pour avoir reçu de la
littérature chrétienne par courrier. Ils ont été
forcés par les autorités de signer des déclarations
où ils s'engageaient à cesser de recevoir cette
littérature. Mustafa Zemada a refusé de signer et de renoncer
à sa foi. Le 29 octobre 1993, il a été condamné le
tribunal Correctionnel de Casablanca Anfa (dossier n° 8075/93) sur la base
des articles 221 et 220 du code pénal en dépit des
réclamations de son avocat. Il sera relaxé par la suite,
après avoir renoncé à sa foi chrétienne et
prononcer devant je juge la « chahada94(*) ».
Les cas des persécutions sont assez nombreux,
d'ailleurs dans son dernier classement des pays persécuteurs de
chrétiens, publié par l'association Portes ouvertes en 2005, le
Maroc y figure en 23ème position, devant l'Algérie, la
Mauritanie ou le Koweït.
Aujourd'hui, il est vrai que ces pratiques n'ont plus la
même envergure que par le passé, mais les marocains
chrétiens se plaignent de ne pouvoir se réunir pour
célébrer leurs fêtes ou prier avec leurs coreligionnaires
car le principal motif d'interrogatoire de la police a été
jusqu'ici la constitution d'association clandestine. Qui dit réunion dit
organisation obscure, endoctrinement et prosélytisme aux yeux des
autorités. Ces réunions concernent aussi bien les marocains
chrétiens, ou athées que les chiites ou bahaïstes, ou toute
autre minorité religieuse ou sectaire.
2. Répression des sectes au Maroc :
Il est vrai que les sectes au Maroc ne connaissent pas le
même essor que celui connu en France ou aux Etats-Unis par exemple, en ce
sens que la scientologie reste quasiment absente sur le plan national actuel,
bien qu'il n'en a pas toujours été ainsi. Mais, cela ne veut pas
dire qu'il n'en existe pas.
Le code pénal marocain puni « quiconque qui
emploie des moyens de séduction dans le but d'ébranler la foi
d'un musulman ou de le convertir à une autre religion » chose qui
donne un large champ d'application à ce texte. En conséquence,
les adeptes d'autres courants religieux, ou de sectes, quand bien même
ils relèvent de l'Islam, peuvent tomber sous le coup de cette loi. En
effet, les chiites marocains pratiquent leurs rites dans une absolue
discrétion. Certes, aucune persécution ni poursuite n'a
été enregistrée à leur encontre mais cela est
dû principalement à la « Takia95(*) ».
Par ailleurs, le rapport annuel du département d'Etat
américain de 2006 sur la liberté de religion au Maroc, souligne
qu'en 2005 l'association marocaine Al Ghadir a demandé à
être régularisée. Le document précise que cette
organisation chiite « n'avait toujours pas reçu de réponse
à sa demande de statut officiel. » Le rapport note que c'est la
première fois au Maroc qu'une association chiite demande à
être reconnue officiellement ».
D'autres courants religieux ou sectes sont plus
concernés. Il s'agit par exemple du bahaïsme. Cette secte ou
religion - selon qu'il s'agisse de ses détracteurs ou de ses
défendeurs - est à l'origine une dissidence de l'islam chiite qui
a été fondée en 1863 par Baha Allah. Mais, les bahaïs
ne se considèrent pas comme une secte musulmane mais comme les adeptes
d'une religion aussi distincte de l'islam que l'est le christianisme du
judaïsme.
La population bahaïste marocaine est estimée
actuellement à 400 personnes96(*). Elle aurait été sûrement plus
importante s'il n'y avait pas eu l'affaire de 1962. En effet, un procès
a été ouvert dans la ville de Nador à l'encontre de 13
jeunes marocains originaires des villes marocaines septentrionales et d'un
syrien, directeur d'une coopérative artisanale à Fès. Ils
ont été accusés d'appartenir à la secte des
bahaïstes et poursuivis pour «rébellion, désordre,
atteinte à la sécurité publique, constitution
d'associations de malfaiteurs et atteinte à la foi religieuse». Le
14 décembre 1962, le tribunal régional de Nador prononce à
leur encontre 3 condamnations à mort, 5 aux travaux forcés
à perpétuité, une condamnation de 15 ans de travaux
forcés et 5 acquittements. Ce procès avait suscité une
véritable polémique médiatique. Le seul journal ayant
contesté le jugement de cette affaire était le quotidien
« Les Phares », fondé par Ahmed Réda
Guédira, ministre de l'Intérieur de l'époque, qui se
demandait «Au nom de quelle loi les Marocains convertis au bahaïsme
étaient-ils poursuivis ?». Les Phares soulignait alors
l'inexistence d'une loi marocaine qui punit de mort l'atteinte à la foi
religieuse et mettait en avant l'article 6 de la constitution marocaine, qui
garantit à tous le libre exercice du culte. Cependant, deux jours avant
le verdict, feu Sa Majesté le Roi Hassan II met fin à toute cette
polémique et donne son interprétation de cet article en affirmant
que le libre exercice des cultes ne signifie pas la liberté d'embrasser
n'importe quel culte. En effet, lors d'une conférence de presse le 12
décembre 1962, il déclara que les cultes hébraïque et
chrétien peuvent être pratiqués en toute liberté car
ce sont des religions admises par l'Islam, «ce qui ne veut pas dire que
demain le Maroc, dans son ordre public, acceptera qu'on vienne sur la place
publique officier au soleil ou au fétichisme. Il n'est pas dit qu'il
acceptera la secte des Bahaïs ou autres sectes qui sont de
véritables hérésies ».
Un an après le 3 avril 1963, le jugement de la cour
d'appel de Nador sera cassé par un pourvoi en cassation devant la cour
suprême. Une fois de plus, en 1987, plusieurs membres de cette même
communauté seront accusés et condamnés pour
prosélytisme puis relaxés sous la pression
internationale97(*).
Le procès des bahaïstes n'est pas un cas
isolé, puisque récemment a eu lieu un procès similaire. Il
s'agit de celui des quatorze musiciens ou encore de la «secte
satanique». Poursuivis et accusés d'appartenir à une
« secte satanique », d'« actes pouvant
ébranler la foi des musulmans », de « mépris
de la religion musulmane », de «complicité et
aménagement d'un local pour prostitution» et de
« détention d'objets contraires aux bonnes moeurs »,
les 14 musiciens hard rockers ont été condamnés à
des peines lourdes avant d'être graciés par le Roi.
Trois accusés écopent d'un an de prison ferme
dont un égyptien qui sera expulsé une fois sa peine
purgée, ainsi que des amendes de 500 DH chacun. Quatre d'entre eux on
été condamnés à une peine de 6 mois de prison ferme
et à des amendes qui varient entre 1200 et 3.000 DH. Quatre autres
prévenus se sont vus infliger des peines de réclusion de 3 mois
de prison ferme et d'une amende de 1200 DH chacun. Les 3 derniers ont
écopé des peines de 2 ou un mois de prison ferme et d'une amende
de 1200 DH chacun.
Les objets contraires aux bonnes moeurs en question
étaient des squelettes, des crânes, des T-shirts frappés du
signe du Pentagone, de cobras et de vipères rouges et «une
série de CD diaboliques». Ils ont été
présentés aux juges en tant que pièces à
conviction98(*).
Par ailleurs, il existe effectivement des sectes telle que la
Scientologie, les Témoins de Jéhovah, la Soka Gakkaï et les
loges maçonniques ainsi que la secte de la Méditation
transcendantale qui ont fait parler d'elles dans la presse nationale99(*). Ce genre de sectes utilisent
certaines méthodes susceptibles d'affaiblir l'aptitude analytique, le
pouvoir décisionnel et la clarté de compréhension afin de
rallier et de garder les adeptes. Ces méthodes peuvent aller même
jusqu'à la contrainte, chose qui est réprimée par la loi
pénale, et qui par ailleurs, peut produire des effets sur le plan
civil.
Section 2 : L'incrimination du
prosélytisme :
Le phénomène des nouveaux mouvements religieux
suscite l'intérêt et parfois même la passion. Le nombre des
articles de presse et le soulèvement de la question devant le parlement
en attestent. La plupart de leurs conclusions s'accordent pour stigmatiser les
nouveaux courants religieux qui ne poursuivent qu'un but : diffuser leur
croyance sans se préoccuper des moyens à employer pour y
parvenir.
Pourtant, si l'on étudie les décisions rendues
par les cours et les tribunaux, on se rend compte que ce qui est
présenté comme le fléau du XXe siècle n'a pas, en
réalité, l'importance que l'opinion publique semble lui accorder.
Certes quelques mouvements religieux et quelques membres de communautés
religieuses se sont rendus coupables d'infraction dans le but de convaincre ou
d'astreindre autrui à adopter les croyances qu'ils ont pour tâche
de répandre. Néanmoins, les décisions de condamnation
restent extrêmement rares.
L'étude de la jurisprudence relative à cette
question fait ressortir différentes catégories de contentieux.
L'une d'entre elles est liée au seul but parfois visé par
l'adhésion de nouveaux adeptes : l'enrichissement du mouvement,
voire du ministre du culte100(*). Une autre regroupe les infractions portant atteinte
à la liberté d'aller et venir de celui dont on veut faire le
prosélyte.
Ces deux catégories de contentieux attestent une
certaine domination du propagandiste sur ses cibles. La domination consiste en
effet à asseoir une certaine emprise sur autrui. Dans la première
hypothèse, cette emprise est seulement morale, psychologique, elle est
établit par l'usage d'artifice (A), dans la seconde, la domination est
physique, elle prend alors la forme d'une contrainte (B).
A. Prosélytisme réalisé au moyen d'un
artifice :
Le mensonge, la duperie, la mise en scène sont autant
d'artifices dont peut user un propagandiste peu scrupuleux pour tenter de
convertir autrui. Celui-ci fait en sorte que la nouvelle recrue se sente bien
dans sa nouvelle foi ou dans le groupe. Toutefois, la présentation qui
est faite à cette dernière ne correspond pas toujours à la
réalité. Cette présentation erronée fait partie du
processus sournois par lequel le prédicateur parvient à asseoir
une sorte de domination latente sur le prosélyte. C'est en cela que ces
méthodes sont abusives. Par ces méthodes, le propagandiste vise
à obtenir des avantages de ses prosélytes, ces avantages sont
souvent de simples avantages financiers.
L'idée selon laquelle quelques mouvements religieux
n'hésitent pas à user de ruses pour convaincre les
prosélytes de se départir de leur fortune est fort
répandue en France par exemple, mais bien moins au Maroc.
Les questions d'argent ont pourtant toujours été
liées à l'exercice du culte. Cependant, il ne faut pas les
associer systématiquement à des pratiques illégales. Tous
les chefs spirituels sont préoccupés par la
nécessité de s'assurer la plus grande indépendance
possible à l'égard des choses du monde afin de pouvoir mener
à bien leur mission.
La sollicitation des fidèles n'est pas contestable en
soi101(*). Elle ne le
devient que lorsqu'elle ne respecte plus la liberté individuelle.
Lorsque le consentement du prosélyte qui répond favorablement
à l'appel du chef spirituel enjoignant les fidèles à
contribuer au denier du culte a été forcé ou s'est
effectué alors que l'adepte n'est pas en état complet de
discernement, la sanction du droit est alors indispensable.
1. La sanction pénale :
Certains sectes ou courants se voulant religieux tentent par
tous les moyens de rallier des adeptes afin d'en tirer des avantages
pécuniaires. Il est, en effet, souvent facile d'exploiter les
aspirations spirituelles de l'homme. Le domaine religieux est
indéniablement un terrain de prédilection pour les
escrocs qui trompent aisément leur prochain en faisant naître
en eux l'espérance ou la crainte d'un événement purement
chimérique en vue d'obtenir, dans un premier temps, l'adhésion
à un groupement et, dans un second temps, la remise des fonds.
Une jurisprudence française récente102(*) démontre que les
marchands d'illusions font toujours fortune en exploitant le malheur et la
crédulité d'autrui. Les juridictions peuvent sanctionner sur le
fondement de l'escroquerie ceux qui se disent détenteurs de messages
célestes et qui font ainsi fortune au détriment de leur prochain.
C'est ainsi qu'en 1978 le tribunal correctionnel de Paris103(*) déclara coupable
trois dirigeants de l'église de scientologie de France pour avoir
dissimulé, sous l'apparence d'une association à but non lucratif
à vocation religieuse, une véritable « entreprise
commerciale » dispensant des promesses de guérison et de
vie meilleure. En effet, elle était censée guérir la
plupart des maladies grâce à une technique appelée audition
qui ressemble de très loin à la psychothérapie104(*).
Le Maroc n'est pas réellement visé par les
« escroqueries » des sectes de scientologie, mais les
charlatans et les guérisseurs remplacent largement celles-ci.
Chérif El Mekki de Skhirat ou encore Hajj Omar de Bouya Omar (village de
Alataouiya) en témoignent. Si le premier ne prend pas d'argent liquide,
le second exigent un versement liquide comptant avant même que le
« patient » ne soit interné105(*). La différence entre
le Maroc et la France à ce sujet réside dans le fait que les
marocains ne recourent pas à la justice suite aux préjudices
subis du fait de ces guérisseurs, charlatans ou vendeurs d'illusions,
d'autant plus que les autorités ferment les yeux sur ces pratiques,
alors qu'ils peuvent très bien être poursuivis sur la base de
l'escroquerie. En effet, l'élément matériel de
l'infraction en matière de prosélytisme se caractérise par
les agissements du propagandiste accomplis en vue de s'approprier la fortune de
l'adepte, tandis que l'élément moral consiste en ce domaine en la
connaissance du caractère frauduleux desdits agissements. Quant à
l'élément légal, il découle de l'article 540 du
code pénal qui définit l'escroquerie comme le fait d'induire
astucieusement une personne en erreur par des affirmations fallacieuses, ou par
la dissimulation de faits vrais, afin de se procurer ou de procurer à un
tiers un profit pécuniaire illégitime, ou le fait d'exploiter
astucieusement l'erreur où se trouvait une personne et la
déterminer ainsi à des actes préjudiciables à ses
intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.
En matière de prosélytisme, les affirmations
fallacieuses peuvent se traduire par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse
qualité car il est probablement le moyen le plus commode de
réaliser une escroquerie sur le plan religieux. Cet usage constitue en
lui-même un artifice c'est-à-dire une ruse, procédé
habile mais déloyal106(*), dont peut se servir le propagandiste pour tromper
celui dont il veut obtenir un avantage.
Cet artifice ne constitue cependant une infraction que s'il
est possible de prouver la fausseté du nom ou de la qualité, ou
en général, la fausseté des affirmations utilisées
par le propagandiste pour arriver à ses fins. Or, cette
vérification n'est pas toujours aisée à établir.
Les tribunaux peuvent par exemple condamner celui qui s'est fait remettre des
fonds ou valeurs quelconques en usant de la qualité d'imam, de
commandeur des croyants ou «aalim107(*)». En revanche, il est beaucoup plus difficile
de retenir la fausse qualité à l'encontre de celui qui
prétend être un taleb ou fqih108(*) qui aurait entendu des voix de l'au-delà ou
qui prétend avoir des pouvoirs surnaturel. Face à de telles
hypothèses, le droit se retrouve impuissant puisqu'une qualité
non susceptible de vérification, ne peut être qualifiée de
fausse.
Pour ce qui est du fait d'exploiter astucieusement l'erreur
où se trouvait une personne, la preuve est plus facile à
établir d'autant plus que la pratique en est plus courante. C'est ainsi
que nombre de personnes recourent au charlatanisme médical ou aux
exorcistes alors qu'elles peuvent ne souffrir que de maux bénins qui
nécessitent de simples soins médicaux. Ce genre de propagandistes
exploitent l'erreur dans laquelle se trouvent ces
« patients » du fait de leur désespoir ou de leur
ignorance - du pour une majorité à leur analphabétisme -
et doivent être punis pour leurs actes. Les victimes peuvent
également demander la restitution des sommes versées pour ces
soi-disant soins, ainsi que des dommages intérêts en
réparation des éventuels préjudices subis.
2. La sanction civile :
Dans l'hypothèse où il a été
victime d'une tromperie, d'une machination ou d'un artifice quelconque, le
prosélyte repenti peut avoir recours au droit civil, droit des contrats,
si contrat il y a - chose extrêmement rare au Maroc - ou droit de la
responsabilité délictuelle. En effet, nombre de personnes
reviennent de ces marabouts encore plus déséquilibrés
qu'ils ne l'étaient et cela est sûrement dû aux conditions
dans lesquelles ils sont maintenus, certaines personnes sont même
enchaînées. Le droit civil protège ces personnes dans la
mesure où il peut leur assurer la réparation des dommages
physiques et moraux qu'elles ont subi lors de leur séjour au sein des
enceintes de ces marabouts et ce en vertu des articles 77 et 78 du Dahir des
Obligations et des Contrats.
Toutefois, la victime devra apporter une triple preuve :
celle du dommage subi, celle de la faute, intentionnelle ou non, de l'auteur,
en l'occurrence le fqih, taleb ou gourou..., et enfin celle du lien de
causalité, c'est-à-dire que le préjudice subi est le fruit
direct des agissements fautifs de l'auteur. Cette responsabilité peut
être déclenchée au cas où le dommage serait
causé par l'un des disciples du fqih ou par son personnel, et ce sur la
base de la responsabilité du fait d'autrui selon l'article 85 du Dahir
des Obligations et des Contrats.
Dans le cadre des sectes venues de l'Occident, il en est
autrement. Ainsi, la méditation transcendantale commence par deux
premières conférences qui sont libres et gratuites. Mais comme la
personne qui désire apprendre la méditation transcendantale -
sachant que ses propagandistes font tout pour qu'il en soit ainsi - doit
obligatoirement suivre certaines étapes, les modalités pratiques
et le coût sont mentionnés dès la conférence
d'introduction. Toutefois, il n'est pas question d'argent dès le
début, les nouvelles recrues jouissent d'une longue période de
convivialité. Des instants de bonheur où leur argent n'est pas
sollicité, ou leurs biens leurs appartiennent encore. En revanche, pour
mettre les pieds dans le purgatoire, il faut s'inscrire au stage de la
méditation transcendantale, et l'inscription est payée rubis sur
ongle. Or, l'aveuglement, l'endoctrinement et l'obéissance constituent
des altérations aux capacités de discernement. Et pour faire un
acte valable, il faut être saint d'esprit. A défaut, l'acte est
considéré comme nul pour défaut du consentement.
La question qui se pose est de savoir si l'on peut assimiler
« les convictions religieuses » du prosélyte
à de l'insanité d'esprit et ainsi remettre en cause l'acte qu'il
aurait consenti suite à ces convictions, qu'il s'agisse d'un contrat
d'adhésion, d'un transfert de propriété ou d'une
décharge de responsabilité en faveur de la secte en cas de
suicide ou de décès par exemple. En effet, le prosélyte,
tout en étant capable juridiquement, peut être sous l'emprise d'un
trouble mental au moment de la conclusion de l'acte et, ce faisant, être
hors d'état de comprendre la portée de son acte. Mais, la
jurisprudence française estime que cela n'est pas suffisant pour
prononcer la nullité d'un acte dès lors que les facultés
intellectuelles de l'individu ne sont pas obérées.
Ainsi un homme qui était entraîné par ses
croyances à la pratique de la médecine homéopathique dont
il a fait « l'objet incessant de ses pensées, de ses
études et de sa correspondance » avec l'un de ses amis,
avait fait un testament en faveur de ce dernier. Ce testament fut
attaqué par sa famille pour insanité d'esprit du testateur dont
les croyances extravagantes en étaient la preuve. La cours d'appel de
Limoges109(*) a
refusé de prononcer l'annulation du testament aux motifs que, pour
apprécier l'existence du consentement libre et éclairé, la
loi civile se fonde non « sur l'aspect spéculatif de
l'intelligence, mais sur la conduite pratique de la vie, il ne suffit donc pas,
pour obtenir l'annulation du testament, de démonter que l'auteur s'est
laissé entraîner aux aberrations les plus absurdes, exemple
l'étude des sciences occultes, s'il s'est montré capable
d'administrer sa fortune ». Cet exemple distingue l'insuffisance de
l'intelligence et les aberrations métaphysiques de l'esprit qui peuvent
causer un dérangement partiel des idées, mais laissent à
la personne toute sa volonté pour passer des actes juridiques
conformément à la loi.
L'acte est alors présumé conclu en toute
liberté de son auteur. Par contre, il est des cas où la
liberté du prosélyte se retrouve tellement réduite qu'il
est quasiment sous l'emprise et la domination de son propagandiste. Ce dernier
peut user de la contrainte pour mener à terme sa quête de
prosélytisme.
B. Prosélytisme réalisé au moyen d'une
contrainte :
Rien, si ce n'est la volonté et la conviction fruit de
sa propre réflexion, ne doit contraindre la conscience du croyant.
Aucune pression excessive ne doit s'exercer en faveur ou à l'encontre
d'une option religieuse. Personne ne doit être amené vers un
chemin spirituel de force. Ainsi, le propagandiste qui exerce sa domination
dans le but de priver de sa liberté d'aller et de venir celui qu'il veut
convaincre ou contraindre à l'adhésion abuse de sa
liberté de religion.
L'exemple des petites filles contraintes par leurs parents
à porter le voile peut illustrer cette situation. Certes, le pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
stipule dans son article 13 que « les Etats parties s'engagent
à respecter la liberté des parents et, le cas
échéant, des tuteurs légaux, de choisir pour leurs enfants
des établissements autres que ceux des pouvoirs publics, mais conformes
aux normes minimales qui peuvent être prescrites ou approuvées par
l'Etat en matière d'éducation, et de faire assurer
l'éducation religieuse et morale de leurs enfants, conformément
à leurs propres convictions ». Mais, cela ne veut aucunement
dire que les parents ont le droit de contraindre leurs enfants à
pratiquer un culte sous peine de les punir d'une quelconque manière.
Par ailleurs, la contrainte en matière de religion ne
se limite pas aux relations parents enfants, mais une forme plus grave peut
être mise en question. Il s'agit des propagandistes qui, faute de pouvoir
convaincre par des moyens plus tempérés peuvent recourir à
des méthodes coercitives telles que les contraintes physiques ou
morales.
1. La contrainte physique :
Le prosélytisme prenant sa source dans des atteintes
aux personnes reste exceptionnel. Il est toutefois des cas où les
propagandistes cèdent à la facilité et usent de
méthodes coercitives pour faire de nouveaux adeptes tels
l'enlèvement, la séquestration ou la soustraction de mineur.
Quelques propagandistes, tentés de faire de nouveaux
adeptes à tout prix, pourraient user de la force pour amener certains
individus au sein du groupement. Ils les maintiendraient ensuite, parmi eux par
des méthodes illicites, jusqu'à ce que les nouveaux venus
adhèrent aux doctrines professées. Le code pénal
protège les croyants contre ces agissements en punissant les auteurs
d'enlèvement et de séquestration d'un emprisonnement qui peut
aller jusqu'à 20 ans. L'enlèvement est un fait instantané
qui consiste à appréhender physiquement, souvent par la force,
une personne et à la priver de sa liberté d'aller et de venir. La
séquestration suppose que la victime soit privée de cette
même liberté pendant un certain temps110(*).
En principe, une détention peut ne pas être
précédée d'un enlèvement, et inversement, un
enlèvement peut ne pas être suivi d'une détention.
Toutefois, dans un but prosélytique, l'enlèvement n'a
d'utilité que s'il est suivi par une séquestration, le temps de
« convaincre » l'individu enlevé d'adhérer.
En effet, contrairement à ce que à ce qu'affirment certains
auteurs111(*), aucune
conversion n'est instantanée surtout si elle est contrainte.
Logiquement, elle nécessiterait une
séquestration au cours de laquelle le future adepte sera
éduqué au sein de la communauté religieuse, la doctrine
lui sera enseignée et il sera initié aux diverses pratiques, et
peu à peu, il comprendra qu'il est en présence de la
vérité.
C'est du moins ce que suppose une telle méthode
prosélytique qui relève plus de l'imaginaire ou du fantasme que
de la réalité. Toutefois, si une telle hypothèse venait
à se présenter, elle sera sévèrement
sanctionnée par le droit pénal sur le fondement des articles 436
et suivants du code pénal.
La séquestration non précédée d'un
enlèvement en matière de prosélytisme est tout aussi rare,
mais elle n'en est pas moins concevable. La séquestration consiste
à retenir une personne dans un lieu quelconque contre sa volonté.
La question est de savoir s'il y a ou n'y a pas une rétention
véritable, car généralement les personnes décident
de leur propre chef de se joindre à telle ou telle communauté si
ce n'est leur entourage ou famille qui les y mène.
Si l'on prend l'exemple du marabout Bouya Omar,
généralement c'est la personne « malade » ou
son entourage qui demande à la faire interner dans l'enceinte pour
suivre le traitement de l'exorciste. En principe, ces personnes sont libres de
sortir quand elles veulent. Toutefois, le problème se pose lorsque cette
liberté de quitter la communauté est remise en question.
Par ailleurs, la séquestration ne peut être
retenue que si le propagandiste use de la force ou la violence afin de
maintenir les individus dans son rang. Or, ce n'est pas la violence ou la force
qu'on leur reproche, mais plutôt les pressions morales exercées
sur les néophytes qui supprimeraient chez eux « toute envie,
toute idée même de s'évader112(*)». On ne peut alors
considérer qu'il y a séquestration - faute
d'élément matériel - si les procédés
employés ne visent pas à empêcher matériellement, de
sortir du groupe mais plutôt à créer un conditionnement
psychologique qui devrait le mettre dans l'incapacité d'en sortir. On en
revient alors aux hypothèses de manipulations mentales voire
d'embrigadement ou plus généralement à la contrainte
morale.
2. La contrainte morale :
Certains comportements ne visent pas à contraindre
physiquement l'individu mais à l'inciter, par des pressions morales,
à faire ce qu'il n'aurait pas fait sans celles-ci. Le droit positif est
sensé protéger la sûreté morale, c'est-à-dire
« la tranquillité d'esprit113(*)» d'autrui en réprimant de tels
comportements.
Un propagandiste qui userait d'une contrainte, notamment
morale, pour obtenir un engagement ou une renonciation ou une remise de biens
patrimoniaux se rendrait coupable du délit de l'extorsion visé
par les articles 537 et 538 du code pénal. Cependant, pour être
constituée, l'infraction de l'extorsion doit réunir trois
éléments tenant respectivement à l'intention ayant
animé le propagandiste, à l'objet sur lequel porte l'extorsion et
aux moyens utilisés par le prédicateur malhonnête.
L'élément intentionnel du délit
d'extorsion réside dans « la conscience d'obtenir par la
force, la violence ou la contrainte ce qui n'aurait pas pu être obtenu
par un accord librement consenti 114(*)». Le mobile de lucre n'est donc pas
exigé. C'est ainsi qu'une jurisprudence française a jugé
que « la tentative d'extorsion de fonds par contrainte morale
n'exigeant pas, pour être constituée, la preuve d'un but de
cupidité illégitime de la part des auteurs, sont punissables de
ce délit [les auteurs] qui, quel que soit le mobile de solidarité
invoqué, ont eu conscience de recevoir de la victime une promesse de
remise de fonds qu'ils n'auraient pas pu obtenir par un accord librement
consenti 115(*)».
Pour être punissable sur la base de l'extorsion, le
propagandiste doit avoir employé la force, la violence ou la contrainte.
Si ce n'est que le résultat de promesses fallacieuses ou d'une
opération de séduction, l'infraction n'est pas constituée.
De ce fait, le simple fait de promettre la rédemption, le paradis sur
terre, la guérison, la délivrance des djinns par l'exorcisme ou
tout autre bienfait spirituel ne peut suffire à la constitution de
l'infraction, tout comme ne peut suffire l'entreprise de séduction
à laquelle se livrent très souvent les propagandistes, pour
rallier à leur cause les nouveaux adeptes.
Cependant, les violences nécessaires à
l'extorsion sont entendues largement ; il peut s'agir de violences
physiques ou morales. De même, la notion de contrainte est aussi
largement entendue. Elle vise notamment tous les cas dans lesquels le
prévenu a profité de l'état de dépendance
psychologique de la victime pour lui soutirer une partie de ses biens ou
l'inciter à souscrire ou à renoncer à un engagement. Il
faut donc, pour apprécier la contrainte, avoir égard, notamment,
à l'âge et à la condition physique et intellectuelle de la
victime. La chambre criminelle de la cour de cassation l'a rappelé dans
un arrêt du 30 octobre 1991116(*) au sujet d'un couple de personnes âgées
qui avaient été contraintes de remettre
l'intégralité de leurs économies à un tiers ayant
profité de leur déficience physique et psychique. C'est le cumul
de l'âge et des déficiences qui a permis aux juridictions
d'admettre plus facilement la contrainte caractérisant l'extorsion.
Dans le domaine strictement religieux, il faut noter la
condamnation de la cour d'appel de Lyon qui a déclaré coupable de
l'extorsion des adeptes de l'église scientologie qui avaient usé
de pressions proches du harcèlement pour forcer les victimes à
acheter un électromètre de Hubard indispensable pour suivre les
auditions qui allaient en faire de véritables adeptes117(*).
Il est vrai que le Maroc ne connaît pas une telle
extension de sectes et du prosélytisme du fait qu'il est
sérieusement sanctionné par la loi pénale, mais cela ne
décourage pas les propagandistes pour autant. D'ailleurs, l'existence et
l'implantation de sectes venues de l'Occident en attestent.
Conclusion
Au terme de cet examen, tel que nous avons essayé de
l'effectuer, nous pouvons déduire que le prosélytisme -
prohibé dans le droit marocain - est parti intégrante de la
liberté du culte. C'est pourquoi ce prosélytisme, dont les
aspects sont très divers ne tombe sous le coup de la loi pénale
que lorsqu'il dépasse certaines limites, notamment lorsqu'il revêt
la plus répandue et la plus dangereuse de ses formes, à savoir le
terrorisme. C'est ainsi que le Royaume du Maroc réprimande
sévèrement les infractions terroristes.
Toutefois, il ne faut pas croire que le droit marocain ne fait
que sanctionner les abus de prosélytisme, en ce sens qu'il fait de la
liberté de culte un principe constitutionnel. D'ailleurs, cette
liberté religieuse, dans sa formulation comme droit de l'homme, est une
notion laïque. Toutefois, elle n'est pas incompatible avec une perspective
religieuse, en ce sens qu'elle l'a rejoint, mais ne s'y insère pas.
L'expérience douloureuse de l'histoire a imposé
progressivement la reconnaissance d'un certain nombre de droits fondamentaux et
inaliénables dont le droit à la liberté de religion.
Les droits de l'Homme tendant ainsi à devenir, non pas
un droit international, mais un droit supranational et universel. D'ailleurs
juifs, chrétiens ou musulmans, nous terminons tous nos prières
par Amen. En arabe Amin (que la volonté de Dieu soit faite, ou
Ainsi soit-il). Un terme qui dérive de la même racine que
amàna et qui traduit bien la foi.
En somme, il n'y a pas de spiritualité, sans vraie
liberté. C'est bénévolement que l'homme s'est offert pour
porter la amàna. La liberté de choisir est
inhérente à son essence. C'est plus qu'un droit, c'est vocation
structurante et déterminante118(*).
Annexes
SOMMAIRE DES ANNEXES
ANNEXE 1 : LOI N° 03.03 RELATIVE A LA LUTTE
CONTRE LE TERRORISME (ARTICLES 218-1 À 218-9) 53
ANNEXE 2 : ACCORD DE LONDRES PORTANT STATUT
DU TRIBUNAL INTERNATIONAL DE NUREMBERG (8 AOÛT 1945) 55
ANNEXE 3 : CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES REFUGIES
ARTICLE 4. - RELIGION 56
ANNEXE 4 : CONVENTION POUR LA PREVENTION
ET LA REPRESSION DU CRIME DE GENOCIDE DE 1948 56
ANNEXE 5 : CONVENTION INTERNATIONALE SUR
L'ELIMINATION DE TOUTE FORME DE DISCRIMINATION RACIALE 57
ANNEXE 6 : PACTE INTERNATIONAL RELATIF
AUX DROITS ECONOMOQUES, SOCIAUX ET CULTURELS. 58
ANNEXE 7 : DECLARATION SUR L'ELIMINATION DE TOUTES FORMES
D'INTOLERANCE ET DE DISCRIMINATION FONDEE SUR
LA RELIGION OU LA CONVICTION. 59
ANNEXE 8 : LA DECLARATION ET LE PROGRAMME D'ACTION
DE VIENNE DU 25 JUIN 1993 62
ANNEXE 9 : DECLARATION ISLAMIQUE UNIVERSELLE
DES DROITS DE L'HOMME (19 SEPTEMBRE 1981) 62
ANNEXE 10 : LA CHARTE ARABE DES DROITS
DE L'HOMME (15 SEPTEMBRE 1994) 62
ANNEXE 11 : LES INFRACTIONS RELATIVES
A L'EXERCICE DU CULTE (ARTICLES 220 À 223) 62
ANNEXE 12 : LE PROCÈS DE KSIKES. 63
Annexe 1 : LOI N° 03.03 RELATIVE A LA LUTTE
CONTRE LE TERRORISME (articles 218-1 à 218-9)
Article 218-1
Constituent des actes terroristes, lorsqu'elles sont
intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective
ayant pour but l'atteinte grave à l'ordre public par l'intimidation, la
terreur ou la violence, les infractions suivantes :
1) l'atteinte volontaire à la vie des personnes ou
à leur intégrité, ou à leur liberté,
l'enlèvement ou la séquestration des personnes ;
2) la contrefaçon ou la falsification des monnaies ou
effets de crédit public, des sceaux de l'Etat et des poinçons,
timbres et marques, ou le faux et la falsification visés dans les
articles 360, 361 et 362 du présent code ;
3) les destructions, dégradations ou
détériorations ;
4) le détournement, la dégradation
d'aéronefs ou de navires ou de tout autre moyen de transport, la
dégradation des installations de navigation aérienne, maritime ou
terrestre et la destruction, la dégradation ou la
détérioration des moyens de communication ;
5) le vol et l'extorsion des biens ;
6) la fabrication, la détention, le transport, la mise
en circulation ou l'utilisation illégale d'arme, d'explosifs ou de
munitions ;
7) les infractions relations relatives aux systèmes de
traitement des données ;
8) le faux ou la falsification en matière de
chèque ou de tout autre moyen de paiement visés respectivement
par les articles 316 et 331 du code de commerce ;
9) la participation à une association formée ou
à une entente établie en vue de la préparation ou de la
commission d'un acte de terrorisme ;
10) le recel sciemment du produit d'une infraction de
terrorisme.
Article 218-2
Est puni d'un emprisonnement de 2 à 6 ans et d'une
amende de 10.000 à 200.000 dirhams, quiconque fait l'apologie d'acte
constituant des infractions de terrorisme, par les discours, cris ou menaces
proférés dans les lieux ou les réunions publics, ou par
des écrits, des imprimés vendus, distribués ou mis en
vente ou exposé dans les lieux ou réunions publics soit par des
affiches exposées aux regard du public par les différents moyens
d'information audio-visuels et électroniques.
Article 218-3
Constitue également un acte de terrorisme, au sens su
premier alinéas de l'article 218-1 ci-dessus, le fait d'introduire ou de
mettre dans l'atmosphère, sur le sol, dans le sous sol ou dans les eaux,
y compris celles de la mer territoriales, une substance qui met en péril
la santé de l'homme ou des animaux ou le milieu naturel.
Les fait prévus par l'alinéas ci-dessus sont
punis de dix à vingt ans de réclusion.
La peine est la réclusion à
perpétuité, lorsque les faits ont entraîné une
mutilation, amputation ou privation de l'usage d'un membre,
cécité, perte d'un oeil ou autres infirmités permanentes
pour une ou plusieurs personnes.
Article 218-4
Constituent des actes de terrorisme les infractions
ci-après :
- le fait de fournir, de réunir ou de gérer par
quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, des fonds, des valeurs
ou des biens dans l'intention de les voir utiliser ou en sachant qu'ils seront
utilisés, en tout ou en partie, en vue de commettre un acte de
terrorisme, indépendamment e la survenance d'un tel acte ;
- le fait d'apporter un concours ou de donner un conseil
à cette fin.
Les infractions visées au présent article sont
punies :
· pour les personnes physiques, de 5 à 20 ans de
réclusion et d'une amende de 500.000 à 2.000.000 de
dirhams ;
· pour les personnes morales, d'une amende de 1.000.000
à 5.000.000 de dirhams, sans préjudice des peines qui pourraient
être prononcées à l'encontre de leur dirigeants ou agents
impliqués dans les infractions.
La peine est portée à 10 ans et à 30 ans
de réclusion et l'amende au double :
- lorsque les infractions sont commises en utilisant les
facilités que procure l'exercice d'une activité
professionnelle.
- Lorsque les infractions sont commises en bande
organisée
- En cas de récidive
La personne coupable de financement de terrorisme encourt, en
outre, la confiscation de tout ou partie de ses biens.
Article 218-5
Quiconque, par des moyens que ce soit, persuade, incite ou
provoque autrui à commettre l'une des infractions, prévues par le
présent chapitre, est passible des peines prescrites pour cette
infraction.
Article 218-6
Outre les cas de complicité prévus par l'article
129 du présent code [code pénal], est puni de réclusion de
10 à 20 ans, quiconque, sciemment, fournit à une personne auteur,
coauteur ou complice d'acte terroriste, soit des armes, munitions, ou
instruments de l'infraction, soit des contributions pécuniaires, des
moyens de subsistances, de correspondance ou de transport, soit un lieu de
réunion, de logement ou de retraite ou qui les aide à disposer du
produit de leur méfaits, ou qui, de toute autre manière, leur
porte sciemment assistance.
Toutefois, la juridiction peut exempter de la peine encourue
les parents ou alliés jusqu'au quatrième degrés,
inclusivement, de l'auteur, du coauteur ou du complice d'un acte terroriste,
lorsqu'ils ont seulement fourni à ce dernier logement ou moyens de
subsistance personnel.
Article 218-7
Les maximum des peines prévues pour les infractions
visées à l'article 218-1 ci-dessus, est relevé comme suit,
lorsque les faits constituent des actes de terrorisme :
- la mort lorsque la peine prévue est la
réclusion perpétuelle.
- La réclusion perpétuelle lorsque le maximum de
la peine prévue est de 30 ans de réclusion
- Le maximum des peines privatives de liberté est
relevé au double, sans dépasser 30 ans lorsque la peine est la
réclusion ou l'emprisonnement.
- Lorsque la peine prévue est une amende, le maximum de
la peine est multiplié par cent sans être inférieur
à 100.000 dirhams.
- Lorsque l'auteur est une personne morale, la dissolution de
la personne morale ainsi que les deux mesures de sûreté
prévues à l'article 62 du code pénal doivent être
prononcées sous réserve des droits d'autrui.
Article 218-8
Est coupable de non révélation d'infraction de
terrorisme et puni de la réclusion de 5 à 10 ans, toute personne
qui, ayant connaissance des projets ou des actes tendant à la
perpétration de faits constituant des infractions de terrorisme, n'en
fait pas, dès le moment où elle les a connus, la
déclaration aux autorités judicaire, de sécurité,
administratives ou militaires.
Toutefois, la juridictions peut, dans le cas prévu au
premier alinéa du présent article, exempter de la peine encourue
les parents ou alliés jusqu'au quatrième degrés,
inclusivement, de l'auteur, du coauteur ou du complice d'une infraction de
terrorisme.
Lorsqu'il s'agit d'une personne morale, la peine est l'amende
de 100.000 à 1.000.000 de dirhams.
Article 218-9
Bénéficie d'une excuse absolutoire, dans les
conditions prévues aux articles 143 et 145 du présent code,
l'auteur, le coauteur ou le complice, qui avant toute tentative de commettre
une infraction de terrorisme faisant l'objet d'une entente ou d'une association
et avant toute mise en oeuvre d'une action publique, a le premier,
révélé aux autorités judiciaires, de
sécurité, administratives ou militaires l'entente établie
ou l'existence de l'association.
Lorsque la dénonciation a eu lieu après
l'infraction, la peine est diminuée de moitié pour l'auteur, le
coauteur ou le complice qui se présente d'office aux autorités
judicaire ci-dessus mentionnées ou qui dénonce les coauteurs ou
complices dans l'infraction.
Lorsque la peine prévue est la mort, elle est
commuée à la peine de réclusion perpétuelle,
lorsqu'il s'agit de réclusion perpétuelle, elle est
commuée à la réclusion de 30 ans.
Annexe 2 : ACCORD DE LONDRES PORTANT STATUT DU
TRIBUNAL INTERNATIONAL DE NUREMBERG (8 août 1945)
Article 6
Le Tribunal établi par l'Accord mentionné
à l'article premier ci-dessus pour le jugement et le châtiment des
grands criminels de guerre des pays européens de l'Axe, sera
compétente pour juger et punir toutes personnes qui, agissant pour le
compte des pays européens de l'Axe, auront commis, individuellement ou
à titre de membres d'organisations, l'un quelconque des crimes suivants
:Les actes suivants ou l'un quelconque d'entre eux sont des crimes soumis
à la juridiction du Tribunal et entraînant une
responsabilité individuelle :
a. Les crimes contre la paix : c'est à dire la
direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d'une
guerre d'agression ou d'une guerre de violation des traités, assurances
ou accords internationaux, ou la participation à un plan concerté
ou à un complot pour l'accomplissement de l'un quelconque des actes qui
précèdent ;
b. Les crimes de guerre : c'est à dire les violations
des lois et coutumes de la guerre. Ces violations comprennent, sans y
être limitées, l'assassinat, les mauvais traitements ou la
déportation pour des travaux forcés, ou pour tout autre but, des
populations civiles dans les territoires occupés, l'assassinat ou les
mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer,
l'exécution des otages, le pillage des biens publics ou privés,
la destruction sans motif, des villes et des villages ou la dévastation
que ne justifient pas les exigences militaires ;
c. Les crimes contre l'humanité : c'est à dire
l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la
déportation et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations
civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des
motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou
persécutions, qu'ils aient constitué ou non une violation du
droit interne du pays où ils ont été
perpétrés, ont été commis à la suite de tout
crime entrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce
crime.
Les dirigeants, organisateurs, provocateurs ou complices qui
ont pris part à l'élaboration ou à l'exécution d'un
plan concerté ou d'un complot pour commettre l'un quelconque des crimes
ci-dessus définis sont responsables de tous les actes accomplis par
toutes personnes, en exécution de ce plan
Annexe 3 : CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES
REFUGIES
ARTICLE 4. -- RELIGION
Les Etats contractants accorderont aux réfugiés
sur leur territoire un traitement au moins aussi favorable que celui
accordé aux nationaux en ce qui concerne la liberté de pratiquer
leur religion et en ce qui concerne la liberté d'instruction religieuse
de leurs enfants.
Annexe 4 : CONVENTION POUR LA PREVENTION ET LA
REPRESSION DU CRIME DE GENOCIDE DE 1948
Article 2
Dans la présente Convention, le génocide
s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention
de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial
ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe;
b) Atteinte grave à l'intégrité physique
ou mentale de membres du groupe;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions
d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du
groupe;
e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un
autre groupe.
Annexe 5 : CONVENTION
INTERNATIONALE SUR L'ELIMINATION DE TOUTE FORME DE DISCRIMINATION RACIALE
Article 5
Conformément aux obligations fondamentales
énoncées à l'article 2 de la présente Convention,
les Etats parties s'engagent à interdire et à éliminer la
discrimination raciale sous toute ses formes et à garantir le droit de
chacun à l'égalité devant la loi sans distinction de race,
de couleur ou d'origine nationale ou ethnique, notamment dans la jouissance des
droits suivants :
a) Droit à un traitement égal devant les
tribunaux et tout autre organe administrant la justice;
b) Droit à la sûreté de la personne et
à la protection de l'Etat contre les voies de fait ou les sévices
de la part soit de fonctionnaires du gouvernement, soit de tout individu,
groupe ou institution;
c) Droits politiques, notamment droit de participer aux
élections -- de voter et d'être candidat -- selon le
système du suffrage universel et égal, droit de prendre part au
gouvernement ainsi qu'à la direction des affaires publiques, à
tous les échelons, et droit d'accéder, dans des conditions
d'égalité, aux fonctions publiques;
d) Autres droits civils, notamment :
i) Droit de circuler librement et de choisir sa
résidence à l'intérieur d'un Etat;
ii) Droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de
revenir dans son pays;
iii) Droit à une nationalité;
iv) Droit de se marier et de choisir son conjoint;
v) Droit de toute personne, aussi bien seule qu'en
association, à la propriété;
vi) Droit d'hériter;
vii) Droit à la liberté de pensée, de
conscience et de religion;
viii) Droit à la liberté d'opinion et
d'expression;
ix) Droit à la liberté de réunion et
d'association pacifiques;
e) Droits économiques, sociaux et culturels, notamment
:
i) Droits au travail, au libre choix de son travail, à
des conditions équitables et satisfaisantes de travail, à la
protection contre le chômage, à un salaire égal pour un
travail égal, à une rémunération équitable
et satisfaisante;
ii) Droit de fonder des syndicats et de s'affilier à
des syndicats;
iii) Droit au logement;
iv) Droit à la santé, aux soins médicaux,
à la sécurité sociale et aux services sociaux;
v) Droit à l'éducation et à la formation
professionnelle;
vi) Droit de prendre part, dans des conditions
d'égalité, aux activités culturelles; f) Droit
d'accès à tous lieux et services destinés à l'usage
du public, tels que moyens de transport, hôtels, restaurants,
cafés, spectacles et parcs.
Annexe 6 : PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS
ECONOMOQUES, SOCIAUX ET CULTURELS.
Adopté et ouvert à la signature, à
la ratification et à l'adhésion par l'Assemblée
générale dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16
décembre 1966
Entrée en vigueur: le 3 janvier
1976, conformément aux dispositions de l'article 27
Article13
1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le
droit de toute personne à l'éducation. Ils conviennent que
l'éducation doit viser au plein épanouissement de la
personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le
respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ils
conviennent en outre que l'éducation doit mettre toute personne en
mesure de jouer un rôle utile dans une société libre,
favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre
toutes les nations et tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux et
encourager le développement des activités des Nations Unies pour
le maintien de la paix.
2. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent
qu'en vue d'assurer le plein exercice de ce droit:
a) L'enseignement primaire doit être obligatoire et
accessible gratuitement à tous;
b) L'enseignement secondaire, sous ses différentes
formes, y compris l'enseignement secondaire technique et professionnel, doit
être généralisé et rendu accessible à tous
par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration
progressive de la gratuité;
c) L'enseignement supérieur doit être rendu
accessible à tous en pleine égalité, en fonction des
capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment
par l'instauration progressive de la gratuité;
d) L'éducation de base doit être
encouragée ou intensifiée, dans toute la mesure possible, pour
les personnes qui n'ont pas reçu d'instruction primaire ou qui ne l'ont
pas reçue jusqu'à son terme;
e) Il faut poursuivre activement le développement d'un
réseau scolaire à tous les échelons, établir un
système adéquat de bourses et améliorer de façon
continue les conditions matérielles du personnel enseignant.
3. Les Etats parties au présent Pacte s'engagent
à respecter la liberté des parents et, le cas
échéant, des tuteurs légaux, de choisir pour leurs enfants
des établissements autres que ceux des pouvoirs publics, mais conformes
aux normes minimales qui peuvent être prescrites ou approuvées par
l'Etat en matière d'éducation, et de faire assurer
l'éducation religieuse et morale de leurs enfants, conformément
à leurs propres convictions.
4. Aucune disposition du présent article ne doit
être interprétée comme portant atteinte à la
liberté des individus et des personnes morales de créer et de
diriger des établissements d'enseignement, sous réserve que les
principes énoncés au paragraphe 1 du présent article
soient observés et que l'éducation donnée dans ces
établissements soit conforme aux normes minimales qui peuvent être
prescrites par l'Etat.
Annexe 7 : DECLARATION SUR L'ELIMINATION DE TOUTES
FORMES D'INTOLERANCE ET DE DISCRIMINATION FONDEE SUR LA RELIGION OU LA
CONVICTION.
Proclamée par l'Assemblée générale
des Nations Unies le 25 novembre 1981 (résolution 36/55)
L'Assemblée générale,
Considérant qu'un des principes fondamentaux de la
Charte des Nations Unies est celui de la dignité et de
l'égalité inhérentes à tous les êtres humains
et que tous les Etats Membres se sont engagés à agir, tant
conjointement que séparément, en coopération avec
l'Organisation des Nations Unies en vue de développer et d'encourager le
respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés
fondamentales pour tous, sans discrimination de race, de sexe, de langue ou de
religion,
Considérant que la Déclaration universelle des
droits de l'homme et les Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme
proclament les principes de non-discrimination et d'égalité
devant la loi et le droit à la liberté de pensée, de
conscience, de religion ou de conviction,
Considérant que le mépris et la violation des
droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier du droit
à la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de
conviction, quelle qu'elle soit, sont directement ou indirectement à
l'origine de guerres et de grandes souffrances infligées à
l'humanité, spécialement dans les cas où ils servent de
moyen d'ingérence étrangère dans les affaires
intérieures d'autres Etats et équivalent à attiser la
haine entre les peuples et les nations,
Considérant que la religion ou la conviction constitue
pour celui qui la professe un des éléments fondamentaux de sa
conception de la vie et que la liberté de religion ou de conviction doit
être intégralement respectée et garantie,
Considérant qu'il est essentiel de contribuer à
la compréhension, à la tolérance et au respect en ce qui
concerne la liberté de religion ou de conviction et de faire en sorte
que l'utilisation de la religion ou de la conviction à des fins
incompatibles avec la Charte, les autres instruments pertinents de
l'Organisation des Nations Unies et les buts et principes de la présente
Déclaration ne soit pas admissible,
Convaincue que la liberté de religion ou de conviction
devrait également contribuer à la réalisation des buts de
paix mondiale, de justice sociale et d'amitié entre les peuples et
à l'élimination des idéologies ou pratiques du
colonialisme et de la discrimination raciale,
Prenant note avec satisfaction de l'adoption, sous les
auspices de l'Organisation des Nations Unies et des institutions
spécialisées, de plusieurs conventions et de l'entrée en
vigueur de certaines d'entre elles, visant à éliminer diverses
formes de discrimination,
Préoccupée par les manifestations
d'intolérance et par l'existence de discrimination en matière de
religion ou de conviction que l'on constate encore dans certaines parties du
monde,
Résolue à prendre toutes les mesures
nécessaires pour éliminer rapidement toutes les formes et
manifestations de cette intolérance et à prévenir et
combattre toute discrimination fondée sur la religion ou la conviction,
Proclame la présente Déclaration sur
l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de
discrimination fondées sur la religion ou la conviction:
Article premier
1. Toute personne a droit à la
liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit
implique la liberté d'avoir une religion ou n'importe quelle conviction
de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa
conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé,
par le culte et l'accomplissement des rites, les pratiques et l'enseignement.
2. Nul ne subira de contrainte pouvant porter
atteinte à sa liberté d'avoir une religion ou une conviction de
son choix.
3. La liberté de manifester sa
religion ou sa conviction ne peut faire l'objet que des seules restrictions qui
sont prévues par la loi et qui sont nécessaires à la
protection de la sécurité publique, de l'ordre public, de la
santé ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux
d'autrui.
Article 2
1. Nul ne peut faire l'objet de
discrimination de la part d'un Etat, d'une institution, d'un groupe ou d'un
individu quelconque en raison de sa religion ou de sa conviction.
2. Aux fins de la présente
Déclaration, on entend par les termes "intolérance et
discrimination fondées sur la religion ou la conviction" toute
distinction, exclusion, restriction ou préférence fondées
sur la religion ou la conviction et ayant pour objet ou pour effet de supprimer
ou de limiter la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice des droits de
l'homme et des libertés fondamentales sur une base
d'égalité.
Article 3
La discrimination entre les êtres humains pour des
motifs de religion ou de conviction constitue une offense à la
dignité humaine et un désaveu des principes de la Charte des
Nations Unies et doit être condamnée comme une violation des
droits de l'homme et des libertés fondamentales proclamés dans la
Déclaration universelle des droits de l'homme et énoncés
en détail dans les Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme,
et comme un obstacle aux relations amicales et pacifiques entre les nations.
Article 4
1. Tous les Etats prendront des mesures
efficaces pour prévenir et éliminer toute discrimination
fondée sur la religion ou la conviction, dans la reconnaissance,
l'exercice et la jouissance des droits de l'homme et des libertés
fondamentales dans tous les domaines de la vie civile, économique,
politique, sociale et culturelle.
2. Tous les Etats s'efforceront d'adopter des
mesures législatives ou de rapporter celles qui sont en vigueur, selon
le cas, à l'effet d'interdire toute discrimination de ce genre, et de
prendre toutes mesures appropriées pour combattre l'intolérance
fondée sur la religion ou la conviction en la matière.
Article 5
1. Les parents ou, le cas
échéant, les tuteurs légaux de l'enfant ont le droit
d'organiser la vie au sein de la famille conformément à leur
religion ou leur conviction et en tenant compte de l'éducation morale
conformément à laquelle ils estiment que l'enfant doit être
élevé.
2. Tout enfant jouit du droit
d'accéder, en matière de religion ou de conviction, à une
éducation conforme aux voeux de ses parents ou, selon le cas, de ses
tuteurs légaux, et ne peut être contraint de recevoir un
enseignement relatif à une religion ou une conviction contre les voeux
de ses parents ou de ses tuteurs légaux, l'intérêt de
l'enfant étant le principe directeur.
3. L'enfant doit être
protégé contre toute forme de discrimination fondée sur la
religion ou la conviction. Il doit être élevé dans un
esprit de compréhension, de tolérance, d'amitié entre les
peuples, de paix et de fraternité universelle, de respect de la
liberté de religion ou de conviction d'autrui et dans la pleine
conscience que son énergie et ses talents doivent être
consacrés au service de ses semblables.
4. Dans le cas d'un enfant qui n'est sous la
tutelle ni de ses parents ni de tuteurs légaux, les voeux
exprimés par ceux-ci, ou toute autre preuve recueillie sur leurs voeux
en matière de religion ou de conviction, seront dûment pris en
considération, l'intérêt de l'enfant étant le
principe directeur.
5. Les pratiques d'une religion ou d'une
conviction dans lesquelles un enfant est élevé ne doivent porter
préjudice ni à sa santé physique ou mentale ni à
son développement complet, compte tenu du paragraphe 3 de l'article
premier de la présente Déclaration.
Article 6
Conformément à l'article premier de la
présente Déclaration et sous réserve des dispositions du
paragraphe 3 dudit article, le droit à la liberté de
pensée, de conscience, de religion ou de conviction implique, entre
autres, les libertés suivantes:
a) La liberté de pratiquer un culte et de tenir des
réunions se rapportant à une religion ou à une conviction
et d'établir et d'entretenir des lieux à ces fins;
b) La liberté de fonder et d'entretenir des
institutions charitables ou humanitaires appropriées;
c) La liberté de confectionner, d'acquérir et
d'utiliser, en quantité adéquate, les objets et le
matériel requis par les rites ou les usages d'une religion ou d'une
conviction;
d) La liberté d'écrire, d'imprimer et de
diffuser des publications sur ces sujets;
e) La liberté d'enseigner une religion ou une
conviction dans les lieux convenant à cette fin;
f) La liberté de solliciter et de recevoir des
contributions volontaires, financières et autres, de particuliers et
d'institutions;
g) La liberté de former, de nommer, d'élire ou
de désigner par succession les dirigeants appropriés,
conformément aux besoins et aux normes de toute religion ou conviction;
h) La liberté d'observer les jours de repos et de
célébrer les fêtes et cérémonies
conformément aux préceptes de sa religion ou de sa conviction;
i) La liberté d'établir et de maintenir des
communications avec des individus et des communautés en matière
de religion ou de conviction aux niveaux national et international.
Article 7
Les droits et libertés proclamés dans la
présente Déclaration sont accordés dans la
législation nationale d'une manière telle que chacun soit en
mesure de jouir desdits droits et libertés dans la pratique.
Article 8
Aucune disposition de la présente Déclaration ne
sera interprétée comme constituant une restriction ou une
dérogation à un droit énoncé dans la
Déclaration universelle des droits de l'homme et dans les Pactes
internationaux relatifs aux droits de l'homme.
Annexe 8 : LA DECLARATION ET LE PROGRAMME D'ACTION
DE VIENNE DU 25 JUIN 1993
Article 47 du programme d'action :
Exhorte les États à garantir le droit
qu'ont les membres des minorités nationales ou ethniques, religieuses et
linguistiques, agissant à titre individuelle ou en communauté
avec les autres membres de leur groupe, de cultiver leurs propres traditions,
de professer et de pratiquer leur propre religion, d'utiliser leur propre
langue en privé comme en public librement et sans contrainte, et de
participer effectivement à la vie culturelle, sociale, économique
et politique du pays dans lequel ils vivent, afin de les protéger de
toute forme de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et
d'intolérance qui y est associée, dont ils sont ou pourraient
être victimes
ANNEXE 9 : DECLARATION ISLAMIQUE UNIVERSELLE DES
DROITS DE L'HOMME (19 SEPTEMBRE 1981)
Article 13 - Droit à la liberté
religieuse. Toute personne a droit à la liberté de conscience et
de culte conformément à ses convictions religieuses.
ANNEXE 10 : LA CHARTE ARABE DES DROITS DE L'HOMME
(15 SEPTEMBRE 1994)
Article 26
Toute personne a droit à la liberté de religion,
de pensée et d'opinion.
Article 27
Les personnes de diverses confessions ont le droit de
manifester leur religion ou leur conviction par le culte et l'accomplissement
des rites, les pratiques et l'enseignement, sans porter atteinte aux droits
d'autrui. Les droits à la liberté de religion, de pensée
et d'opinion ne peuvent faire l'objet que des seules restrictions
prévues par la loi.
Annexe 11 : LES INFRACTIONS RELATIVES A L'EXERCICE
DU CULTE (articles 220 à 223)
Article 220
Est puni d'un emprisonnement de 6 mois à 3 ans et d'une
amende de 100 à 500 dirhams, quiconque emploie des moyens de
séduction dans le but d'ébranler la foi d'un musulman ou de le
convertir à une autre religion, soit en exploitant sa faiblesse ou ses
besoins, soit en utilisant à ces fins des établissements
d'enseignement, de santé, des asiles ou des orphelinats. En cas de
condamnation, la fermeture de l'établissement qui a servi à
commettre le délit peut être ordonnée, soit
définitivement, soit pour une durée qui ne peut excéder
trois années.
Article 221
Quiconque entrave volontairement l'exercice d'un culte ou
d'une cérémonie religieuse, ou occasionne volontairement un
désordre de nature à troubler la sérénité,
est puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de
100 à 500 dirhams.
Article 222
Celui qui notoirement connu pour son appartenance à la
religion musulmane, rompt ostensiblement le jeûne dans un milieu public
pendant le temps du ramadan, sans motif admis par cette religion, est puni de
l'emprisonnement d'un à six mois et d'une amende de 12 à 120
dirhams.
Article 223
Quiconque, volontairement détruit, dégrade ou
souille les édifices, monuments ou objets servant au culte, est puni
d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 100
à 500 dirhams.
ANNEXE 12 : Le procès de K.
Par Driss Ksikes
K. a eu l'outrecuidance de publier au Maroc des blagues,
salées, salaces, et d'autres perçues comme subversives. Il a
été poursuivi pour atteinte à la religion, aux bonnes
manoeuvres et pour manquement au respect dû à la personne du roi.
A l'arrivée, il a été condamné à 3 ans de
prison avec sursis. Le jugement frôlait-il l'inquisition ou le
ridicule ? Jugez par vous-mêmes. En voici les minutes. Une
pièce de théâtre, sans décorum.
Le Juge Comme ça, vous avez
décidé de publier des blagues qui mettent en scène Dieu et
le roi. Ne considérez-vous pas cela comme un sacrilège ?
K. Non. Nous sommes dans le domaine du
rire. Et la blague ne se prend jamais au sérieux. Rire du sacré
fait partie des moyens qu'ont inventé les sociétés pour
survivre.
Le Juge Vous reconnaissez donc que le
discours contenu dans ces blagues est grave, par essence, mais vous l'acceptez
au nom de la blague. Cela ne vous disculpe pas.
Le fait de traiter la blague comme si c'était un
discours politique construit ou une opinion répréhensible, est
tout simplement absurde.
Le Juge Il ne s'agit pas de n'importe
quelles blagues. Celles-ci sont particulièrement osées.
Le choix est tendancieux.
K. Le tri s'est fait grâce à des
gens qui apprennent les blagues par coeur au sein de la société.
Le Juge Et qui vous dit qu'ils
ne sont pas mal intentionnés ou hostiles à notre
culture ?
K. Tout ce que je sais, c'est
qu'ils ont le coeur léger et le rire facile.
Le Juge Mais qui sont ces
personnes ? Ce sont bien « vos sources », comme on dit
en journalisme. Alors, parlez nous d'eux ?
K. M. le président, soyons
sérieux. La blague n'a ni source ni origine. Elle naît orpheline
et se fraie un chemin au milieu de la société.
Le Juge Ceux qui racontent des blagues
aussi irrespectueuses de « nos valeurs » ne peuvent pas
être représentatifs de la société. Ils ne peuvent
provenir que de la marge. Qui sont-ils ?
K. Il serait absurde de faire le
procès des transmetteurs d'une tradition orale, telle que la blague.
Celle-ci existe grâce à eux et indépendamment de leur
origine ou de leur obédience.
Le Juge Raison de plus pour qu'on sache
qui ils sont, musulmans, juifs, athées, républicains, dignes de
foi ou suspects ...
K. Vous savez, M. le
président, même certains hadiths du prophète Mohammed,
également transmis oralement, se sont avérés être
des faux. De là à juger la crédibilité des
transmetteurs de blagues, je trouve cela ridicule.
Le Juge Avec les hadiths, au moins, nous
connaissons l'identité des transmetteurs. Chaque texte est
précédé par la mention « d'après Untel,
d'après Untel ... ». Vos blagues sont d'après
qui ?
K. Comparaison n'est pas
raison M. le président. Qui oserait mettre hadith et blagues sur un
pied d'égalité ? (Rires)
.................................
Le Juge Venons-en au contenu. L'une des
blagues met en scène Dieu et le prophète. Ignorez- vous que nous
sommes dans un Etat islamique ?
K. Et ignorez-vous M. le juge, que
notre société est encline à rire de tout, même des
divinités les plus sacrées.
Le juge Pas toute la société.
Il y a des gens pieux et d'autres qui n'aiment pas le rire.
K. Ils ne font pas partie de
nos lecteurs. Personnellement, je sais que les marocains, même
pieux, se racontent des blagues sans en faire un drame. Mieux, la tradition
nous apprend qu'à Fès, les oulémas les plus savants se
racontent des blagues très osées entre deux prières. Ils
ne mélangent pas les registres.
Le juge Ne dévions pas la
discussion. Reconnaissez-vous que ces blagues, sur le roi montant au ciel et
celle-ci sur Dieu et le prophète, peuvent mettre à mal la
société marocaine ?
K. Je refuse de prendre des blagues, qui sont du
domaine du rire, pour des obus. Et puis, je ne pense pas que la
société soit un bloc unique, monolithique.
Le Juge Et celle-ci qui met en scène
une vieille dame les jambes en l'air priant pour son fils qui a fait
découvert au vieux le Viagra ?
K. Une bonne blague, ni plus ni moins. Le but
derrière la manoeuvre était de décoder la mentalité
des marocains à travers ces blagues que n'atteignait jamais
(jusqu'à ce procès) l'auto censure.
Le Juge N'attaquez pas la justice.
N'oubliez pas que vous êtes poursuivis par le ministère public, au
nom de la société.
K. Je dirais au nom de l'Etat.
La société ne peut être réduite à un
jugement. Ces blagues aussi proviennent de la société.
Le Juge D'une certaine
société. Reconnaissez-vous avoir été très
sélectif ?
K. Non. Ce sont les conteurs de blagues qui ont
déterminé nos choix, et ils ne provenaient ni du même
milieu social, ni de la même classe d'âge, ni même de la
même ville.
..................................
Le Juge Le hic est que ces blagues circulent
oralement. Le fait de décider de les transcrire et les publier leur
donne tout de suite une autre dimension. Vous êtes aujourd'hui
responsable de leur diffusion à une large échelle.
K. Quel mal y a-t-il à écrire
des blagues ? Oubliez-vous que la blague, chez les arabes et les
marocains, est d'abord un genre
littéraire ? Et puis qui a dit
qu'une blague à l'écrit était plus subversive qu'à
l'oral ?
Le juge Le scandale de cette affaire le
prouve.
K. Je vous contredirai, encore une
fois, M. le président. Une blague, à l'oral, circule au sein de
milliers de cellules fermées de cinq à six personnes, dans les
familles, entre amis, dans les cafés, et j'en passe. Une fois à
l'écrit, la blague est lue individuellement par celui qui décide
d'acheter le support et de lire les blagues en question.
Le Juge Il n'empêche, le passage de
l'oral à l'écrit a eu un effet boule de neige ...
K. Seuls sont responsables de ce
scandale les islamistes qui ont sorti les blagues de leur contexte initial et
les ont fait circuler sur un site nous excommuniant. De la sorte, ils ont
orienté la lecture et le jugement que pouvait en faire des lecteurs
incidents, qui ne font même pas partie de notre lectorat habituel.
Le Juge Vu ces complications, ne regrettez
vous pas d'avoir publié ces blagues ?
K. Aucunement. Je regrette
l'hypocrisie ambiante. N'oubliez pas que ces blagues à l'oral touchent
même les analphabètes et qu'en les transcrivant, nous les mettons
uniquement à la disposition des lettrés. Que faut-il en
déduire ? Que la lutte contre l'analphabétisme est un vain
mot ?
Le Juge Les gens rient de ces sujets (le
sexe, la religion et la politique) en privé, alors que vous en avez fait
une affaire publique. C'est cela qu'on vous reproche.
K. Initialement, ce sont les islamistes qui me le reprochaient.
Cela se comprend. Ils n'ont pas le sens de l'humour. Mais l'Etat sait
très bien que nous sommes un peuple épris de mots d'esprit. Et la
blague ne se raconte pas dans des boudoirs ou des alcôves, mais aussi
dans les terrasses de café, les réunions de politiciens, etc. Les
blagues sont donc initialement dans l'espace public. Nous avons invité
les lecteurs à y voir de plus près. C'est un appel à
l'intelligence. Ce n'est pas de notre faute si on nous fait ce procès au
nom de l'ignorance.
.......................................
Le Juge Faire d'Allah un personnage de
blague, cela ne vous choque-t-il pas ?
K. Non. La
pratique est monnaie courante au Maroc.
Le Juge Quel Maroc ? La
société se sent offensée.
K. Quelle société,
celle orthodoxe, qui ne rit pas ? Elle ne peut pas se
substituer à toutes les autres franges. Les marocains que je connais et
que les autres journalistes côtoient ne se sentent pas touchés
dans leur foi suite à la publication d'une blague.
Le Juge Et les blagues sur le roi ?
La politique se résume-t-elle à la monarchie ?
K. Vous ne croyez pas si bien
dire. Un sociologue explique que les marocains ne rient que des personnages qui
comptent à leurs yeux. Ni le Premier ministre, ni aucun membre du
gouvernement, encore moins les parlementaires, trouvent grâce à
leurs yeux. Excepté l'ancien ministre de l'intérieur, omnipotent,
personne n'a droit de cité dans les blagues.
Le Juge Le roi actuel peut être
offensé par des blagues qui s'attaquent méchamment à son
père défunt. N'en êtes vous pas conscient ?
K. L'objet de l'étude était
la mentalité de la société. Cela prouve que les marocains
n'ont pas oublié le roi défunt. Qu'ils soient durs avec lui est
révélateur en soi.
Le Juge Et la sacralité du
monarque, qu'en faites vous ?
K. Il n'est pas question
là de ce que je pense ni d'un article d'opinion, mais de ce que pense la
société, à travers un discours quasi inconscient,
formulé à travers des blagues.
Le Juge Pensez-vous que tout ce qui se
dit mérite publication ?
K. Tout dépend de
l'objectif recherché. Le but dans cette affaire était
sociologique. Et puis, vous voyez, M. le président, les blagues ont
été isolées du texte, sciemment. La maquette d'un
magazine, c'est un peu comme le code de la route du lecteur. La signalisation
permet à chacun de faire ses choix, individuellement et de les assumer.
Lire ces blagues est un choix non une obligation.
Le Juge Et si
c'était à refaire, l'auriez-vous refait ?
K. Oui. D'autant que le rire est
le propre de l'homme ... marocain.
Ce texte inédit paraîtra en 2008 à la fin du
récit « Quand le rire fait peur ».
Driss Ksikes est écrivain, dramaturge et journaliste.
Bibliographie
- Le prosélytisme religieux à
l'épreuve du droit privé, PLANA Sandrine, l'Harmattan
collection, la Librairie des Humanitaires.
- la liberté religieuse et le régime du
culte, ROBERT jacques, Ière éd.,
4ème trimestre 1977.
- L'islam et la liberté de culte,
bâtonnier A. Benzakoura et maître T. BOUAB, éd., El
Ofok, juin 1992.
- Dictionnaire de religions, sous la
direction de Paul POUPARD, presses universitaires 3 éd., PUF volume 2 -
septembre 1993
- Etudes sur la tolérance, Abdelatif
AMOR, Néji BACCOUCHE et Mohammed TALBI, académie Tunisienne des
sciences des lettres et arts « Beït Al-Hikma » et
institut arabe des droits de l'Homme, 1995 Tunis, les éditions du
Nord.
- les islamistes marocains, le défi de la
Monarchie, Malika ZEGHAL, éd., Le Fennec, Casablanca 2005.
- Les nouveaux convertis, enquête sur des
chrétiens, des juifs et des musulmans pas comme les autres,
Pierre ASSOULINE, collection « Illustrations »,
éd. Albin Michel 1982.
- Monothéisme et tolérance
(colloque du centre international de recherche sur les juifs du Maroc)
- présence du judaïsme, éd. Albin Michel 1998.
- Droit pénal général,
G. STAFANI et G. LEVASSEUR, 10ème édition,
collection Précis Dalloz.
- Droit pénal général marocain,
François Paul BLANC, collection Sochepress
- Le petit Larousse illustré 1995,
Larousse, Paris, 1994
- Lexique des termes juridiques, Raymond
GUILLIEN et Jean VINCENT, 15ème édition 2005,
collection Dalloz.
- Code pénal, présenté
pat M'Hammed LAFROUJI 1ère édition 2006, collection
« recueil des textes juridiques »
- Dahir des Obligations et des Contrats, sous
la direction de Abdelali MRANI ALAOUI, éd.2001 collection LEGISPLUS
Webographie :
- www.amdh.ma
- www.wikipadia.org
- www.islamophile.org
-
http://www.ohchr.org/french/index.htm
- http://www.aidh.org/
Table des Matières
Sommaire 2
Remerciements 3
Dédicaces 4
Table des sigles 5
Introduction 6
Plan 12
Chapitre 1 : Les aspects pratiques du prosélytisme et
de la liberté religieuse : 13
Section 1 : La liberté d'expression comme moyen de
prosélytisme : 13
A. Prosélytisme des actes : 14
1. La pratique et l'accomplissement des rites : 14
2. L'exercice du culte : 16
B. Prosélytisme de la parole : 18
1. Le dialogue : 18
2. L'enseignement : 20
Section 2 : Le prosélytisme abusif : 22
A. prosélytisme ségrégationniste :
23
1. Ségrégation par le verbe et les infractions de
presse : 23
2. Ségrégation par les actes : 25
B. prosélytisme destructeur : 27
1. Un prosélytisme constitutif de terrorisme
religieux : 27
2. Un prosélytisme constitutif de génocide :
30
Chapitre 2 : Les aspects juridiques du prosélytisme
et de la liberté de culte : 33
Section 1 : Le principe de la liberté
religieuse : 34
A. consécration de la liberté de religion :
34
1. Les instruments internationaux de protection : 35
2. Les instruments nationaux de consécration :
37
B. Atténuations au principe de la liberté de
religion : 38
1. Persécution des chrétiens et des renégats
de l'Islam au Maroc : 39
2. Répression des sectes au Maroc : 40
Section 2 : L'incrimination du prosélytisme :
42
A. Prosélytisme réalisé au moyen d'un
artifice : 43
1. La sanction pénale : 44
2. La sanction civile : 45
B. Prosélytisme réalisé au moyen d'une
contrainte : 47
1. La contrainte physique : 47
2. La contrainte morale : 48
Conclusion 50
Annexes 51
Sommaire des annexes 52
Bibliographie et Webographie 66
* 1 V. Fortier, justice,
religions et croyances, Ed du CNRS, paris, 2000 p18
* 2 Actuellement code de la
famille.
* 3 Une certaine histoire des
juifs du Maroc Robert Assaraf, Ed Jean-Claude Gawsewitch janvier 2005
* 4 (Center for the Study of
Global Christianity) rattaché au Séminaire universitaire
Gordon-Conwell (États-Unis) d'orientation protestante
* 5 Aujourd'hui Le Maroc
03-06-2004 « L'évangélisation soulevée au
parlement » par Abdelmohsin EL HASSOUNI
* 6 Dictionnaire des
Religions, sous la direction de Paul Poupard. 3ème Ed PUF
(vol 2) Septembre 1993
* 7« La
liberté de diffusion des convictions religieuses en droit international
des droits de l'Homme » Par
Moumouni Ibrahim
http://oumma.com/spip.php?article1359
* 8 Dictionnaire de la
culture juridique. Collection Grands dictionnaires. Ed PUF octobre 2003
(p.401)
* 9 Maroc hebdo international
N°488 du 30 Novembre au 6 décembre 2001, p 27, propos recueillis
par Abdellatif El Azizi
* 10 Les Sectes Chiites
Mashkour,
Javad Edition: Maisonneuve - 1980
* 11 Hadith d'Ibn Abbas,
Sahîh de al-Bukhari, vol. 9, livre 84, numéro 57, (rapporté
par l'ensemble des compilateurs de hadiths sauf Muslim)
* 12 Réponse de la
Commission de Fatwâ d'Al-Azhar,
http://www.islamophile.org/spip/article537.html
* 13 Attajdid journal du
Parti islamiste Justice et développement (PJD). 12 juin 2004 (AFP)
* 14 TELQUEL N° 245 du
27 octobre au 3 novembre par Abdellatif El Azizi
* 15 Le Maroc suit le rite
Malékite
* 16 Rapport du
département de l'Etat Américain sur la situation des droits de
l'Homme au Maroc de 2005
* 17 Monothéisme et
tolérance, dialogue et liberté religieuse, par jacques Levrat, La
Source, Rabat - page 67
* 18 L'Eglise
pentecôtiste est une confession chrétienne protestante qui
adhère au principe selon lequel tous les croyants doivent
évangéliser.
* 19 En vertu de l'art9 de
la Convention européenne des droits de l'Homme, le prosélytisme
est toléré jusqu'à un certain degré.
* 20 CEHD Larissis et autres
c/Grèce, 24 février 1998, recueil des arrêts et
décisions 1998-I (n°65)
* 21
http://www.courrierinternational .com/article.asp ?obj_id=67693#
* 22 Juifs et Musulmans aux
mêmes pupitres : l'interculturel dans les écoles juives de
Casablanca (Maroc) par Annick Mello
http://www.unige.ch/fapse/SSE/groups/aric/Textes/Mello.pdf
* 23 Nous avons
été élève à l'école Charles de
Foucauld de 1988 à 1996
* 24 Chiites, Bahaïstes,
Évangélistes : Les pratiques religieuses occultes au Maroc
par B. Mokhliss et M. El Hamraoui in Le Reporter du 19
février 2007
* 25
http://chiite.over-blog.com/
* 26 La
ségrégation est une inégalité et une
hiérarchisation de fait qui ressurgissent, à l'occasion, dans une
société fondée, en droit, sur le principe essentiel de
l'égalité de tous. L. Dumont, Caste, Racisme et stratification,
in homo hierarchicus, 1966, réed. Gallimard, coll. Tel., 1979,
p320-323
* 27 Voir supra
* 28 TGI Paris,
17ème chambre correctionnelle, 4 juillet 1983, cité in
traité de droit français des religions p 544
* 29 Paix et
bénédiction sur lui
* 30 Telquel n° 253-254
du 23.12.2006 au 05.01.2007 Religion. Le choc des civilisations bis par Youssef
ait Akdim
* 31 LIBERATION.FR :
vendredi 22 septembre 2006 par Alexandra BOGAERT
* 32
http://khorafa.org/ rattaché
au groupe salafiste.
* 33 Le nouvel observateur
n°2202 Semaine du 18.01.2007 par René Backmann
* 34 Voir annexe n° 12.
* 35 Rapport annuel 2007
reporters sans frontières, pour la liberté de la presse
p.157
* 36 Article 41
« Est punie d'un emprisonnement de 3 à 5 ans et d'une amende
de 10.000 à 100.000 dirhams toute offense, par l'un des moyens
prévus à l'article 38, envers Sa Majesté le Roi, les
princes et princesses royaux. La même peine est applicable lorsque la
publication d'un journal ou écrit porte atteinte à la religion
islamique, au régime monarchique ou à l'intégrité
territoriale. En cas de condamnation prononcée en application du
présent article, la suspension du journal ou de l'écrit pourra
être prononcée par la même décision de justice pour
une durée qui n'excèdera pas trois mois. (...) »
* 37 Le procès de Ksikes
(annexe)
* 38 Ajoutés par la
loi n°24.03
* 39 A. Vitu, droit
pénal spécial n°1976
* 40 Un arrêt du 12
septembre 2000 de haute juridiction a reconnu la légitimité du
« testing », opération menée par SOS racisme
à l'entrée des discothèques soupçonnées de
sélectionner au faciès, comme preuve en matière de
discrimination.
* 41 Tribunal correctionnel
de Strasbourg
* 42 Cass. Crim., 21
novembre 1994, Dr pén. 1995, comm. N°62, obs. M Véron
* 43 La cour de Toulouse a
estimé le 1er décembre 1988 que même dans
l'hypothèse d'une désignation d'office, l'exercice de la
profession d'avocat constitue une activité économique. Juris
data n°049083
* 44 Courrier de Casablanca,
le 16/06/2006, monde du travail : le voile en question par
Asmaa Yassine
* 45 Voire supra
* 46 Paris 19 juin 2003, D
2004, p.175, A. Pousson
* 47 Culte d'origine
orientale
* 48 B. Hoffman, Holly
Terror : The Implication Motivated by a religious, Santa Monica, RAND 1993
* 49 Projet d'attentats aux
Etats-Unis (N. Cettina, op. cit. P 242)
* 50 Projet d'attentat
mené aux Etats-Unis où en 1972 un mouvement religieux
contestataire avait envisagé de répandre les dizaines de kilos de
virus dont il disposait dans les réservoirs d'eau des grandes villes du
Midwest (N. Cettina, op. cit. P 242)
* 51 Ces chiites
exécutaient en public leurs ennemis considérés comme des
traîtres à l'Islam, avant de se laisser immoler sans regret,
certains que leur statuts de martyr leur donnerai un raccourci vers bonheur et
leur ouvrirait d'emblée les portes du Paradis.
* 52 Groupuscule islamiste
extrémiste, fondé au début des années 1980 à
Sidi Moumen dont l'émir est Youssef Fikri
* 53 Organisation
fondée après la guerre du Golf dont l'émir au Maroc est
Adbelhaq Moul es Sebbat
* 54 Branche de la Salafia
Jihadia née à Sidi Moumen. Elle s'est lancée dans la
« purification » des comportements par la violence dont
l'émir est Miloudi Zakaria. Ses membres combinent surveillance et police
religieuse avec crimes crapuleux.
* 55 Rapporté par la
direction générale de la sûreté nationale (DGSN) in
Maroc : Attentat à Casablanca : Un mort et 4 blessés
dans une explosion dans cybercafé,
http://www.infosdumaroc.com/modules/news/article-4151.html
source la MAP
* 56 Annexe 1
* 57 Chapitre premier bis
ajouté par le Dahir n° 1-031.140 du 28 mai 2003 (26 rabii I 1424),
B.O. n° 5114 du 05-06-2003, p. 416-420
* 58 Déclaration du
garde des sceaux, Albin Chalandon à l'Assemblée nationale et au
Sénat (JORF Débats, août 1986, p3795 et p.4125)
* 59 B. Bouloc, le
terrorisme, in problèmes actuels des sciences criminelles,
PUAM, 1989, p.65.
* 60 Cette technique est
également utilisée en matière de génocides et de
crimes contre l'humanité où il est également tenu compte
du mobile pour caractériser l'infraction.
* 61 Voir Adolf Hitler, Mein
kampf, p 209 et s
* 62 E. Jackel, Hitler
idéologie, Gallimard, 1995
* 63 Les nazis
utilisèrent le terme d'« Aryen » pour identifier la race
humaine qu'ils considéraient supérieure à toute autre
race, la plus pure, la plus noble. Les scientifiques de cette époque
utilisaient le terme de race « nordique », dans un contexte où
la notion de race humaine n'était pas encore rejetée.
* 64 Ratifiée par le
Maroc le24 janvier 1958
* 65 Charte de Londres, 8
août 1945, résolution de l'ONU du 13 février 1946
* 66 Annexe 2
* 67 Signé par le
Maroc le 8 septembre 2000
* 68 Cass. Crim. 6
février 1975, Touvier, bull. n°42, D. 1975, p. 386,
rapport Chapar et note P. coste-Floret, RSC 1976, p.97,obs. A. Vitu
* 69 Lors des conclusions de
la mission d'information et de contacts avec les autorités et la
société civile marocaines du 4 au 7 octobre 2005 organisée
par la FIDH
* 70Intention de
prière de septembre : le droit à la liberté religieuse
bulletin quotidien de ZENIT, Rome, Mardi 30 août 2005
* 71 Tom Farr, directeur du
Bureau de la liberté religieuse dans le monde, Démocratie et
droits de l'homme, novembre 2001 in
http://usinfo.state.gov/journals/itdhr/1101/ijdf/frfarr.htm
* 72 Préambule de la
constitution marocaine de 1996.
* 73 Convention pour la
Prévention et la Répression du crime de Génocide de 1948
ratifiée par le Maroc le 24 janvier 1958
* 74 Annexe 3
* 75 Convention relative au
Statut des Réfugiés de 1951 ratifiée 20 avril 1971
* 76 Annexe 4
* 77 Convention
internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
raciale signée par le Maroc le 18 septembre 1967 et ratifiée le
18 décembre 1970
* 78 Annexe 5
* 79 Pacte international
relatif aux droits civils et politiques signé par le Maroc le 19
janvier 1977 et ratifié le 3 mai 1979.
* 80 Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels signé par le
Maroc le 19 janvier 19/77 et ratifié le 03 mai 1979
* 81 Annexe 6
* 82 Annexe 7
* 83 Annexe 8
* 84 Annexe 9
* 85 Annexe 10
* 86 Voir ultra
* 87 Annexe 11
* 88 Rapport du
département d'Etat américain sur la situation des droits de
l'Homme au Maroc en 1998, par collecte CND F.L
* 89 Rapport 2006 sur la
liberté de religion au Maroc
* 90 Exemple
« Un Marocain a été condamné à 15 ans
de prison pour apostasie après avoir embrassé le christianisme et
en avoir fait l'apologie. » par Hicham Houdaïfa, Nadia
Hachimi Alaoui et Younès Alami in lejournal-hebdo
* 91 Committee on the
Elimination of Racial Discrimination (Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale)
* 92 Rapport du
département américain de 2006 sur la liberté religieuse au
Maroc.
* 93 « Des
marocains sur le chemin de la croix » le journal hebdo n°190 du
8 au 14 janvier 2005
* 94 Confession de foi
musulmane est très brève : áÂ
ÇöáóÜåó
ÇöáÇóø ááå
ãÍãÏ ÑÓæá
Çááå, pouvant se traduire par « Je
témoigne qu'il n'y a pas de divinités sinon Le Dieu (Allah) et
que Mohammad est son messager.
* 95 Le principe de la
« Takia » signifie la crainte de Dieu, mais aussi des ennemis. Les
chiites préfèrent exercer clandestinement leur foi pour
échapper aux persécutions. Il ne s'agit pas, selon eux, de renier
l'islam mais bien de cacher aux autres musulmans leurs propres convictions.
* 96 Selon le 8ème
rapport annuel sur la liberté de culte émis par le
secrétariat d'Etat américain aux Affaires
étrangères couvrant la période allant de juillet 2005
à juillet 2006
* 97 Une communauté
très secrète par Majdouline ElAtouabi in Maroc Hebdo
International n° 655 du 3 au 9 Juin 2005 p. 34 et 35.
* 98 Affaire des 14 hard
rockers par Youssef Chmirou in Maroc Hebdo International - N° 548- Du 7 au
13 mars 2003 p. 8
* 99 La descente aux enfers
par Abdellatif El Azizi in Maroc Hebdo International - N° 488 - Du 30 nov.
au 6 déc. 2001 p.26 et 27
* 100 Souvent appelé
« gourou » dans le cas des sectes
* 101 Par exemple
l'église catholique en France, fait, comme toute les autres religions,
très largement appel à la contribution des fidèles. Ainsi
pour la seule année 2002 l'élise de France a reçu 436
millions d'euro de ses fidèles dont 130 millions provenant de la
quête (L'Expansion, janvier 2004, n°682, p. 31)
* 102 A ce sujet regarder
E. Michelet, religion et droit pénal, in Mélanges offert
à P. Reynaud, p 475
* 103 Trib. Corr. Paris, 14
février 1976, inédit cité par P. Bouzat, RTD com.
1977. 800 et J.-M. Florand, les petites affiches, 17 octobre 1986.
* 104 Sur ce point et sur
les possibilités d'engager des poursuites sur la base de l'exercice
illégal de la médecine, voir A. Palisson, op. cit. p.
199 et suivants.
* 105
Reportage/enquête Week-end chez les fous de Bouya Omar par Hanane Hachimi
in
http://www.lereporter.ma/article.php3?id_article=316
* 106 Définition de
la « ruse » donnée par le dictionnaire
encyclopédique Larousse
* 107 Terme arabe qui
signifie savant. Son pluriel est
ÚõáóãÇÁ qui se lit
ouléma. Le aalim est celui qui détient la science, effectue des
recherches dans le domaine de la tradition musulmane, la sunna, mais son savoir
peut aller bien au-delà de la connaissance théologique.
Généralement indépendant du pouvoir séculier, il
est le gardien de la tradition et un homme de référence.
* 108 Voir
« croyance et référence, l'utilisation de l'Islam par
le fqih et par la suwafa à Kenitra » par Saâdia Radi p
189 à 199
* 109 Limoges, 6
février 1889, DP 1890. II. 73, note M. Planiol
* 110 Merle et Vitu,
traité du droit criminel, tome 2, droit pénal spécial,
Cujas, Paris 1982, p. 1485 §1834
* 111 Sur la
rapidité de certaines conversions, voir notamment, J-P Morin, le
viol psychique : un projets de sectes et la loi, Futuribles
novembre 1993, n°181, p.49. L'auteur affirme que certains mouvements
religieux « arrivent à convertir en moins de deux heures des
individus équilibrés et saints d'esprit » avec des
méthodes très sophistiquées auxquelles il donne le nom de
« lavage de cerveau »,
« programmation » ou « viol
psychique ».
* 112 P. Boinot, sectes
religieuses et droit pénal, RSC 1983, p.409 et s., spéc. P. 430,
§ 43
* 113 Ph. Conte, droit
pénal spécial, Litec, paris, 1ère éd.,
2003, p.277, § 478
* 114 Cass. Crim., 9janvier
1991, bull. n°17
* 115 Paris, chambre acc.
27 mars 1987 ; journ. not 1987, p.1357, comm. E.S. de la Marniere.
* 116 Cass. Crim. 30
octobre 1991, Dr. Pénal, 1997, comm. N°94, obs. M.
Véron ; JCP 1997, IV, 1543
* 117 Lyon, 28 juillet
1997, juris-data n° 045013 ; D.1997 I.R . 197 ; Gaz. Pal 8-9
août 1997, somm., 17 ; JCP 1998, II, 10025, note M-R. Renard et sur
pourvoi Cass. Crim., 30 juin 1999, D. 2000. juris. 655, note B. Giard.
* 118 Etudes sur la
tolérance, « la liberté religieuse
droit de l'homme ou vocation de l'homme, réflexion sur l'insertion de la
foi dans les exigences spirituelles de notre temps » Mohammed TALBI,
1995 Tunis, les éditions du Nord, p. 142 et 148
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