Plan :
Chapitre 1 : Les aspects pratiques du prosélytisme et
de la liberté religieuse
Section 1 : La liberté d'expression comme moyen de
prosélytisme :
A. Prosélytisme des actes :
1. La pratique et l'accomplissement des rites ;
2. L'exercice du culte ;
B. Prosélytisme de la parole :
1. Le dialogue ;
2. L'enseignement ;
Section 2 : Le prosélytisme abusif :
A. prosélytisme ségrégationniste :
1. Ségrégation par le verbe et les infractions de
presse ;
2. Ségrégation par les actes ;
B. prosélytisme destructeur :
1. Un prosélytisme constitutif de terrorisme
religieux ;
2. Un prosélytisme constitutif de
génocide ;
Chapitre 2 : Les aspects juridiques du prosélytisme
et de la liberté de culte
Section 1 : Le principe de la liberté
religieuse :
A. consécration de la liberté de religion :
1. Les instruments internationaux de protection ;
2. Les instruments nationaux de consécration ;
B. Atténuations au principe de la liberté de
religion :
1. Persécution des chrétiens et des renégats
de l'Islam au Maroc ;
2. Répression des sectes au Maroc ;
Section 2 : L'incrimination du prosélytisme :
A. Prosélytisme réalisé au moyen d'un
artifice :
1. La sanction pénale ;
2. La sanction civile ;
B. Prosélytisme réalisé au moyen d'une
contrainte :
1. La contrainte physique ;
2. La contrainte morale ;
Chapitre 1 : Les aspects pratiques du
prosélytisme et de la liberté religieuse
Nous avons tenté précédemment de
définir le prosélytisme. Or, la définition que nous avons
donnée reste insuffisante. Car la liberté de diffusion de ses
convictions ne tombe pas à tous les coups dans le prosélytisme,
quand bien même elle se manifeste dans l'objectif de convaincre autrui.
Dans l'arrêt précité de l'affaire Kokkinakis, la Cour
Européenne Des Droits de l'Homme a estimé que :
« (...) la liberté de manifester sa religion comporte en
principe, le droit de convaincre son prochain, par exemple au moyen d'un
enseignement (...) ».
La liberté de croyance et la liberté
d'expression sont deux notions indissociables. La première est
limitée au for intérieur et ne suscite donc que peu de
problème. La deuxième peut se traduire par la liberté de
révéler la première à autrui. Or,
l'extériorisation de cette liberté peut entraîner beaucoup
plus de difficultés dans la mesure où elle risque de se heurter
à certaines conceptions de l'ordre public, voire simplement des droits
et des libertés d'autrui.
Il peut paraître paradoxal que d'incriminer le
prosélytisme dans le code pénal, garantir la liberté de
culte dans la constitution, et enseigner la religion musulmane dans les
écoles publiques. En réalité, le code pénal
marocain ne prévoit que certains aspects du prosélytisme bien
déterminé. Et, en vertu du principe de la légalité
des peines et des délits, il ne peut étendre l'incrimination aux
autres aspects.
Afin de mieux faire la part des choses entre
prosélytisme et liberté religieuse, nous aborderons dans un
premier temps un prosélytisme plus ou moins toléré en
raison de son essence qui est la liberté d'expression (Section 1), et
dans un deuxième temps, un prosélytisme abusif et dangereux en
raison des conséquences qu'il engendre (Section 2).
Section 1 : La liberté d'expression comme
moyen de prosélytisme :
Dans les Etats autoritaires, les dirigeants veulent à
tout prix se maintenir au pouvoir. La peur du jeu démocratique les
mène en conséquence à supprimer la liberté
d'expression, au moins en matière politique.
Moins nombreux les régimes totalitaires qui s'assignent
la mission de créer une société conforme aux
modèles établis par une idéologie ou par une religion dans
laquelle l'individu est censé réaliser la plénitude de son
accomplissement en se sacrifiant au groupe. Logiquement, leur volonté de
créer une telle société les conduit à supprimer la
liberté d'expression qu'ils considèrent comme un facteur de
désagrégation sociale. A l'inverse, les démocraties
libérales font du droit de choisir ses opinions, et surtout de les
exprimer, un droit fondamental qui conditionne l'effectivité de la
plupart des autres libertés. Sans lui, la liberté religieuse,
notamment celle d'exprimer ses convictions, serait une coquille vide. Or, la
liberté de tenter de convaincre autrui appartient à tout
individu. Tout croyant est en effet, par essence, investi de la mission de
diffuser la bonne parole et de ramener dans le « droit
chemin » ceux qui s'en étaient éloignés.
La convention de la sauvegarde des Droits de l'Homme et des
libertés fondamentales énonce dans son article 9 que chacun
dispose du « droit à la liberté de manifester sa
religion par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des
rites ». Cela nous permet de distinguer les différentes formes
d'expression de la religion qui sont autant de moyens de
prosélytisme : le culte, la pratique et l'accomplissement des rites
qui traduisent le prosélytisme des actes (A) tandis que l'enseignement
représente le prosélytisme de la parole (B).
A. Prosélytisme des actes :
Moins perceptible que celui de la parole, et de ce fait moins
effrayant pour celui à qui il s'adresse, car il est confondu avec la
liberté d'exercice de culte, le prosélytisme des actes consiste
en des prières, sacrifices, jeûnes et attitudes diverses tendant
à exposer les croyances religieuses à la vue du plus grand
nombre. Celui qui l'exerce agit par l'exemple.
Comme tout prosélytisme, il est indissociable de la
liberté de conscience et de religion. En effet, le croyant doit pouvoir
montrer, par ses agissements et par son attitude, sa foi et ses convictions. Ce
type de prosélytisme se traduit par la pratique et l'accomplissement des
rites et par le culte.
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