UNIVERSITE CATHOLIQUE D'AFRIQUE CENTRALE
INSTITUT CATHOLIQUE DE YAOUNDE
FACULTE DES SCIENCES SOCIALES
ET DE GESTION
ASSOCIATION POUR LA PROMOTION DES DROITS DE L'HOMME EN
AFRIQUE CENTRALE
L'EMERGENCE DE LA NOTION DE SECURITE HUMAINE DANS LA PROTECTION
INTERNATIONALE DES DROITS DE L'HOMME
Mémoire présenté et soutenu
publiquement en vue de l'obtention du diplôme de Master en droits de
l'homme et action humanitaire
Par :
JIEKAK MOUGOUE
Sabine Nicole
Maîtrise en droit et carrières
judiciaires
Sous la direction de : Et la supervision de :
Dr. Jean Claude TCHEUWA Pr.
Jean Didier BOUKONGOU
Chargé de cours associé à
Directeur du Master en Droits de l'Homme
l'UCAC et Action Humanitaire
Année académique 2004-2005
A ceux qui m'ont inculqués les valeurs de la
vie et du travail,
mes parents Jiekak Paul et Siendeu Cécile,
mon oncle Ndento Rigobert.
A Kelyan, qu'il puisse vivre dans un monde sans peur et
à l'abri du besoin.
REMERCIEMENTS
Ce travail est le fruit de longues recherches. Il n'aurait pas
pu être réalisé sans le concours de certaines personnes
à qui j'aimerai exprimer ma gratitude.
Mes remerciements s'adressent tout particulièrement
à mon Directeur de mémoire le Dr TCHEUWA Jean Claude qui m'a
guidé dans la conception et la rédaction de ce travail, avec
patience, simplicité et sympathie. Je lui exprime toute ma
reconnaissance.
J'exprime ma profonde gratitude à tous les enseignants
de l'APDHAC pour leur apport considérable dans ma formation.
Un merci particulier à monsieur KENFACK Jean pour ses
commentaires, ses critiques et sa disponibilité.
Je tiens à remercier toute ma grande famille qui m'a
soutenu moralement et financièrement. Je pense particulièrement
à mes frères et mes soeurs, Sandrine et Olivier, Carine, Edmond,
Steve, Madeleine, à mes tantes Mougoue Joséphine et Ngaleu Marie.
Je n'oublie pas mes amies Sylvie, Ariane et Sorelle.
Je tiens également à remercier tous mes
camarades de promotion, spécialement ceux avec qui ce thème
à suscité beaucoup de débats. Je pense principalement
à Ngartebaye Eugène, Sandrine Bakam et Blaise Zalagoye.
Je ne saurais finir sans remercier toute l'équipe de
formation du Corps de la Paix américain au Cameroun pour leur soutien
moral et pour tous leurs conseils. Spécialement Ibrahim Salle, Djanabo
Talajo et Monique Ngo Ngi.
RESUME
Les nouvelles menaces auxquelles doit faire face le monde
contemporain a conduit la communauté internationale à rechercher
de nouvelles méthodes pour protéger la vie et la dignité
humaine. C'est dans ces circonstances qu'est née la notion de
sécurité humaine avec pour ambition de révolutionner la
société du XXIe siècle. Elle place l'individu
au coeur de toute action, dans le but de le libérer de la peur et de le
prémunir contre le besoin, par le respect de ses droits fondamentaux et
la mise sur pied de politiques de prévention pouvant éradiquer
toutes les menaces contre l'individu. Cependant, l'objectif et les moyens de la
notion ont tendance à se confondre à ceux mis en place par le
droit international des droits de l'homme qui a dispositif juridique de
protection de l'individu.
Cependant, la seule émergence de la notion de
sécurité humaine attire l'attention sur les nouvelles
manifestations des atteintes à l'individu, en s'attardant sur des
questions qui ne sont pas toujours prises en compte par les droits de l'homme.
Par conséquent, elle appelle à réexaminer les
mécanismes et les instruments de protection de la personne dans un angle
sécuritaire et aux actions préventives à cet effet.
MOTS ET EXPRESSIONS CLES
Sécurité humaine - Droits de l'homme -
Protection des individus - Menaces - Souveraineté - Politique
internationale - Communauté internationale - Prévention -
Coopération - Humanité.
ABSTRACT
The new threats that the world today has to face have lead the
international community to find new means to protect human life and dignity.
The notion of human security launched under these circumstances with the
ambition to bring huge changes into the 21st century society. It places the
individual at the heart of all actions, in order to liberate him from fear and
protect him against poverty through respect of his basic rights and the
implementation of preventive policies liable to eradicate threats of all kinds
to the individual. However, the objective and means of this notion tend to be
similar to those put in place by the international law of human rights, which
has the judicial obligation to protect the individual.
Nevertheless, the simple emergence of the notion of human
security draws attention on new signs of threats to the individual, while
dwelling on questions that are often left aside by human rights. It thus
appeals to us to re-examine the mechanisms and instruments of human protection
from the security and preventive actions perspective related to the issue.
KEYS WORDS
Human security - Human rights - Individual defence -
Threats - Sovereignty - international affairs - International community -
Prevention - Cooperation - Mankind
SIGLES ET ABREVIATIONS
B. M : Banque Mondiale
CADHP : Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples
CICR : Convention Internationale de la Croix Rouge
CNU : Charte des Nations Unies
CPI : Cour Pénale Internationale
CSH : Commission sur la Sécurité Humaine
DIDH : Droit International des Droits de l'Homme
DUDH : Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme
DIH : Droit International Humanitaire
FMI : Fonds Monétaire International
OCDE : Organisation de Coopération et de
Développement économique
OIT : Organisation Internationale du Travail
OMC : Organisation Mondiale du Commerce
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ONU : Organisation des Nations Unies
PIDCP : Pacte International relatif aux Droits Civils et
Politiques
PIDESC : Pacte International relatif aux Droits
Economiques, Sociaux et Culturels
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
PNUE : Programme des Nations Unies pour
l'Environnement
RSH : Réseau de la Sécurité
Humaine
TPIR : Tribunal Pénal International pour le
Rwanda
TPIY : Tribunal Pénal International pour l'ex
Yougoslavie
SOMMAIRE
Introduction.....................................................................................
|
2
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Première Partie :
La faible densité juridique de la notion de
sécurité humaine...
|
18
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Chapitre I : l'Imprécision de la
notion de sécurité humaine.............................
|
19
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Section I : Naissance et
évolution de la notion de sécurité
humaine..................
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21
|
Section II : Débats autour d'une
notion ambiguë.........................
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34
|
Chapitre 2: La sécurité
humaine : une notion difficilement opératoire.................
|
39
|
Section I : L'absence de
consécration textuelle de la « sécurité
humaine »...........
|
39
|
Section II : La
« sécurité humaine », socle de la
multiplication des interventions
internationales..................................................................................
|
49
|
Deuxième Partie:
la portée politique éventuelle de la
sécurité humaine............
|
58
|
Chapitre 3 : La sécurité
humaine comme guide des politiques des Etats ..............
|
60
|
Section I : L'intégration de la
sécurité humaine dans l'agenda de la communauté
internationale....................................................................................
|
61
|
Section II : La prise en compte
indirecte de la sécurité humaine dans l'action des
gouvernements..................................................................................
|
68
|
Chapitre 4 : De la nécessite de
réaffirmer la notion de sécurité humaine...............
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76
|
Section I : Les faiblesses de la notion
de sécurité humaine...........................
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76
|
Section II : Les perspectives ouvertes
à la notion de sécurité humaine.................
|
82
|
Conclusion
Générale.........................................................................
|
88
|
Introduction
La scène internationale est de plus en plus
caractérisée par les échanges individuels et de moins en
moins par les relations interétatiques. La lutte idéologique
imposée par la guerre froide ainsi que la menace de l'emploi de l'arme
nucléaire a laissé la place à des préoccupations
plus élémentaires, mais non moins importantes. Les
incertitudes liées aux maladies, à la faim, au chômage,
à la criminalité, les conflagrations sociales, la
répression politique, les catastrophes naturelles et le terrorisme font
plus partie du quotidien des individus que les questions relatives aux
armements. Ces dernières n'en sont toutefois pas exclues car, les
conflits ethnico-religieux prolifèrent. La communauté
internationale ne semble pas récuser la prolifération des armes
en tant que tel. Mais elle recherche plus de mesures capables d'aider les pays
pauvres à se développer tout en maintenant la croissance des pays
riches. Or, tandis que les menaces énoncées par le PNUD1(*) semblent être
maîtrisables dans ces pays riches, elles s'accroissent de jour en jour
dans les pays pauvres, aidées en cela par l'instabilité politique
qui y règne. La notion de sécurité humaine apparaît
dès lors sur la scène internationale comme une
préoccupation majeure à laquelle il faut répondre. Cette
notion semble être un concept nouveau, qui émerge à peine
et qui ne se retrouve pas encore réellement dans les instruments
internationaux. Mis à part le PNUD2(*) et le Canada3(*) qui se prononcent comme étant les pionniers, le
concept fait progressivement son entrée aussi bien sur la scène
des relations internationales que dans le domaine des droits de l'homme. En
effet, l'évolution des relations internationales, marquée par la
mondialisation et la prolifération des échanges entre les
peuples, a poussé la communauté internationale à jeter un
regard nouveau sur les menaces qui pèsent sur les individus. La fin de
la guerre froide a marqué une nette évolution dans le climat
politique international et a permis d'attirer l'attention sur divers
problèmes qui mettent en danger le genre humain, problèmes qui
étaient asphyxiés sous les conflits armés. Un constat a
été fait, ces conflits engendrent d'énormes coûts,
aussi bien matériels qu'humains, dont les conséquences peuvent se
prolonger à long terme. En outre, les facteurs comme la pollution, la
déforestation, la pauvreté, la prolifération des
endémies et des pandémies telles que le VIH/SIDA engendrent des
conséquences semblables et même pires que celles d'une guerre. Ces
fléaux dépassent les frontières étatiques et ont
une incidence transnationale dont la portée n'est pas encore clairement
définie : d'où la nécessité de
redéfinir les objectifs de l'ONU à savoir la paix et la
sécurité. La sécurité ne se définit plus
seulement par opposition aux situations de conflits armés, mais par la
recherche d'un certain bien être des individus à travers ce qu'ils
ont de fondamental et de commun, leur dignité. En ceci, elle rejoint
l'un des objectifs poursuivis par la Déclaration Universelle des Droits
de l'Homme du 10 décembre 1948 qui dispose dans son préambule
que : « la reconnaissance de la dignité inhérente
à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux
et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la
justice et de la paix dans le monde ». Devant l'émergence de
cette notion dans le domaine de la protection des droits de l'homme, il se pose
de prime abord la question de savoir quels sont les rapports entre la
sécurité humaine et les droits de l'homme.
Beaucoup de débats sont nés depuis
l'émergence de cette notion. Ses précurseurs insistent sur la
nécessité de faire une précision :
sécurité humaine et droits de l'homme ne signifient pas la
même chose ; il ne s'agit pas de concepts qui se recoupent, mais
d'idées différentes aux visées distinctes4(*). En outre, les droits de l'homme
et la sécurité humaine peuvent être complémentaires,
les premiers énoncent les droits auxquels peuvent prétendre tous
les individus, la seconde repère les droits qui sont en péril
dans une situation particulière5(*). Mais avant de pousser plus loin une quelconque
analyse, il convient d'apporter quelques précisions terminologiques.
I- Définition des concepts
Le thème de notre recherche tourne autour de deux
concepts qui méritent d'être clairement circonscrits : les
droits de l'homme et la sécurité humaine.
1- Droits de l'homme
La notion de droits de l'homme est issue de la théorie
du droit naturel énoncée par GROTUIS et se définit comme
un ensemble de prérogatives que possède tout individu,
inhérentes à sa nature et qu'on ne peut méconnaître
sans porter atteinte à celles-ci. Plusieurs définitions ont
été données à ce concept mais toutes sont unanimes
sur les éléments qui la constituent. Selon Nicolas VALTICOS
« la notion des droits de l'homme s'entend au-delà des droits
des individus, à des droits dont l'homme peut et doit être le
bénéficiaire, soit directement, soit à travers les
communautés dont il fait partie »6(*). Et Yves MADIOT d'ajouter que
les droits de l'homme sont des droits subjectifs qui traduisent, dans l'ordre
juridique, les principes naturels de justice qui fondent la dignité de
la personne humaine7(*).
Les droits de l'homme sont classiquement classés en
trois catégories : D'abord, les droits de la première
génération qui sont les droits civils et politiques et qui
concernent les libertés que l'Etat doit assurer aux individus et aux
citoyens. Ce sont ces droits qui constituent les droits fondamentaux et
indérogeables, le « noyau intangible » ou
« noyau dur » des droits de l'homme. Ils ont un
caractère absolu qui consiste souvent en interdictions faites aux Etats
et dont la mise en oeuvre doit être immédiate et intégrale.
Ces droits peuvent donner directement lieu à un contrôle de type
judiciaire. Ensuite, les droits de la deuxième génération,
droits économiques et sociaux, se traduisent par des sortes de
créances reconnues à des individus qui devraient
bénéficier de certaines conditions de vie ou prestations comme
travailleurs et membres de la société. La réalisation de
ces droits est progressive et dépend très souvent du niveau de
développement des pays considérés. Enfin, les droits de la
troisième génération ou droits de solidarité
comprennent le droit à un environnement sain, à la paix, au
développement harmonieux des cultures mais surtout en faveur de
l'humanité et plus spécifiquement au profit des
générations futures, de l'homme de demain. Ces droits sont en
grande partie prospectifs. Ce qui les rapproche e la sécurité
humaine qui fait partie du droit prospectif.
On remarque donc que la notion de droits de l'homme est une
notion évolutive. Ce qui lui confère une double signification
selon Nicolas VALTICOS : D'une part, elle signifie que le contenu de
plusieurs des droits qu'elle englobe évolue avec le temps et que la
portée et même la signification de plusieurs de ces droits se
modifient en conséquence. Elle peut aussi vouloir dire, d'autre part que
la liste et le nombre de ces droits évoluent et que de nouveaux droits
viennent souvent s'ajouter aux droits existants. La sécurité
humaine peut-elle être considérée comme l'un de ces
droits ?
2- Sécurité humaine
Le dictionnaire Robert définit la
sécurité comme l'absence réelle de danger, de
pauvreté et de toute appréhension. Sur le plan international,
elle est définie comme la protection face aux agressions
extérieures ou encore la protection des intérêts nationaux
en politique étrangère ou enfin comme la protection globale
contre un holocauste nucléaire. En y adjoignant l'adjectif humain, la
sécurité humaine peut donc s'entendre comme l'absence
réelle de danger, de la pauvreté et de toute appréhension
de la part des êtres humains et de protection des individus contre les
agressions et les intérêts extérieurs à leurs Etats.
Mais cette définition ne révèle pas vraiment le contenu de
cette notion. En fait, aucune définition de la sécurité
humaine n'a encore réellement été donnée. De
nombreuses initiatives ont été prises pour la définir,
sans toutefois arriver à un consensus. Il en résulte deux
courants de pensée susceptibles de regrouper la plupart des
définitions données. Le premier8(*) donne un sens large au concept : la
sécurité humaine englobe une longue liste de menaces potentielles
à la sécurité des individus, les unes classiques -conflits
armés- et les autres plus axées contre le développement
comme les atteintes à la santé, à l'environnement, la
pauvreté. C'est cette définition qui est retenue par le PNUD dans
son Rapport 1994 sur le Développement Humain et par une grande partie de
la doctrine. La sécurité humaine est donc une notion
intégrante et s'applique aux individus en tant que particuliers et
collectivités vivant dans un Etat et sur un territoire
donné9(*). Elle se
concentre entièrement sur l'individu et le protège des menaces,
qu'elles s'accompagnent ou non de violence. Lloyd AXWORTHY définit la
sécurité humaine comme le fait « d'être à
l'abri des privations économiques, de jouir d'une qualité de vie
acceptable et de se voir garantir l'exercice de ses droits humains
fondamentaux »10(*).
Le second courant est plus restreint et rejoint en de nombreux
points la définition de la sécurité classique. En effet,
il définit la sécurité humaine comme axée sur les
personnes, intégrant beaucoup plus de menaces que la
sécurité classique, mais limitée aux plus violentes comme
les mines terrestres, les armes légères et de petit calibre, la
violence et les conflits intra étatiques. Si elle a l'avantage de donner
des limites précises à la notion de sécurité
humaine, cette définition se rapproche cependant de celle de la
sécurité classique en intégrant uniquement l'idée
de conflit armé et de menace pour la sécurité physique de
la personne dans le cadre d'un Etat. C'est la raison pour laquelle nous ne
retiendrons pas cette approche dans le cadre de notre étude, car elle
pourra amener une confusion avec la sécurité classique. Or, cela
ira à l'encontre des raisons qui expliquent le choix de ce
thème.
Contexte de l'étude
Notre recherche intervient dans un contexte de changement
perpétuel sur la scène internationale. En effet, après la
chute du communisme qui a marqué un tournant décisif dans les
relations internationales, la mondialisation vient renforcer les
échanges internationaux, mais crée aussi du même coup une
nouvelle forme de violence, le terrorisme. D'où la
nécessité d'assurer une protection des Etats et des individus non
plus à un niveau national, mais plutôt à un niveau
international. Ainsi la coopération entre les Etats s'est
renforcée pour assurer non seulement la sécurité des
individus mais aussi la protection de leurs droits fondamentaux. La notion des
droits de l'homme s'inscrit ainsi dans une perspective évolutive et son
caractère universel est de plus en plus renforcé. De même,
les mécanismes de protection de ces droits sont renforcés et
l'Etat n'en est plus le seul garant. Cet état de fait remet en cause les
attributs classiques de l'Etat.
En outre, il s'est développé une pratique qui
tend à réduire la souveraineté des Etats : le droit
d'ingérence humanitaire11(*). Cette doctrine, inspirée par Hugo GROTUIS
reconnaît comme licite le recours à la force par un ou plusieurs
Etats afin d'empêcher les mauvais traitements infligés à un
Etat et/ou à ses ressortissants, dans l'hypothèse où ces
traitements seraient si cruels et massifs que la conscience de la
communauté internationale en serait heurtée. Toutefois, de
fréquents abus ont entaché l'intervention humanitaire : trop
souvent elle sert de prétexte pour occuper ou envahir les pays les plus
faibles12(*).
II- MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS.
La mise en place des mécanismes de protection des
droits de l'homme est en cours aussi bien au niveau international que
régional et national ; ce qui démontre l'actualité de
la question. En outre, l'ère de la mondialisation renforce la
focalisation sur les individus, ceux-ci ne se définissant plus seulement
par rapport aux Etats.
En envisageant une étude sur l'émergence de la
notion de sécurité humaine dans la protection des droits de
l'homme, nous sommes portés à nous appesantir sur la recherche de
la satisfaction d'un besoin non matériel essentiel à l'être
humain. En effet, tous les individus recherchent la sécurité sous
quelque forme qu'elle soit. Celle-ci est assurée par divers moyens, en
passant de la sécurité au sein de l'unité familiale, du
clan ou de la tribu et de la communauté ; ensuite au sein des Etats
qui dans cette optique ont crée des armées pour protéger
leur peuple et leurs citoyens ; enfin par le regroupement des Etats au
sein d'organisations internationales qui cherchent à garantir la
sécurité entre les Etats et cela à l'échelle
mondiale, parfois même en dehors des Etats. Comme les droits de l'homme
qui ont amorcé une évolution considérable du droit
international depuis 1948, la sécurité humaine tendrait à
devenir pour beaucoup le nouveau principe directeur des relations
internationales. Et par ce fait, elle entraînera sans aucun doute des
bouleversements dans le système de protection des droits de l'homme en
cours.
III- INTÉRÊT DU SUJET
La sécurité humaine s'impose sur la
scène internationale comme une donnée incontournable qui
s'avère importante pour l'individu et pour la société
internationale. Le thème de notre recherche présente un double
intérêt, théorique et pratique.
Intérêt scientifique
La notion de sécurité humaine est une notion
relativement nouvelle qui fait une apparition progressive dans le discours
international sur la protection des individus. En effet, ses instruments
découlent des concepts de valeur et de dignité humaine, concepts
que reprend la sécurité humaine. Notre étude s'inscrit
d'une part dans la dynamique des droits de l'homme qui est marquée par
une évolution permanente ; en plus de l'évolution de la
notion, elle cherche à clarifier les ambiguïtés
éventuelles et à éviter les confusions qui peuvent se
créer entre la notion de sécurité humaine et les droits de
l'homme. D'autre part, nous aspirons à apporter notre modeste
contribution sur la réflexion engagée au niveau
international ; en effet, la nouveauté de la question lui
confère un vaste domaine d'exploration, par rapport à son contenu
et à l'impact qu'elle ne manquera pas d'avoir sur le droit positif.
Intérêt social
La question que l'on peut se poser à ce niveau est
celle de savoir en quoi la sécurité humaine contribuera à
influencer et à accélérer le processus de protection des
droits de l'homme. La sécurité humaine s'attelle à la
satisfaction des besoins primaires de l'individu énoncés dans la
Déclaration de 1948. Or, la violation de ces droits fondamentaux a
comme conséquence de constituer des menaces pour ces individus. La
sécurité humaine, en se focalisant sur ces diverses menaces,
impose de prendre des mesures pour les prévenir. Pour cela, il convient
de susciter une grande mobilisation des acteurs internationaux et nationaux
pour la recherche des mécanismes pouvant assurer la
sécurité humaine. Or cela semble de prime abord pouvoir se faire
à travers la protection des droits de l'homme. Ce qui est somme toute un
préalable à la paix, au bien être des individus et à
la préservation de la vie. La sécurité humaine, en
s'insérant dans l'optique de la protection des droits de l'homme
dénote le souci d'apporter un éclairage sur la question.
La prise en compte de la sécurité humaine dans
les politiques nationales et internationales permettra à n'en point
douter une amélioration des conditions de vie des individus et ainsi du
capital humain pour le développement, notamment dans les pays les moins
avancés. En effet, la sécurité humaine est susceptible
d'éclairer les processus propres aux sociétés africaines
qui sont assez sensibles à l'influence internationale.
IV- REVUE DE LA LITTÉRATURE.
Plus d'un demi siècle après la création
et la mise en oeuvre progressive des instruments de protection internationale
des Droits de l'Homme, on assiste chaque jour à des violations massives
des droits qui y sont énoncés : massacres, tortures,
atrocités en tout genre aussi bien par les Etats que par des individus
et groupes d'individus. Ce qui nous amène avec plusieurs auteurs
à nous poser cette question : la multitude d'organisations
internationales et la kyrielle de conventions internationales ne servent-elles
donc à rien ? Répondre par l'affirmative serait faire
preuve d'un pessimisme qui ne traduit pas entièrement la
réalité. En effet, les instruments de protection internationale
des Droits de l'Homme sont effectifs, même si cette protection reste
assez précaire. Cette précarité peut s'expliquer par
l'intrusion progressive de l'individu dans un champ clos de la
société internationale, classiquement dévolu aux Etats.
Une telle intrusion prend une ampleur considérable, de sorte qu'il n'est
plus seulement question de protéger les droits des individus, mais
d'assurer la protection non matérielle de l'être humain, sa
sécurité qui est « au coeur de l'expérience
humaine »13(*).
La précarité de la protection
internationale des Droits de l'Homme.
La protection internationale des Droits de l'Homme s'analyse
en un ensemble de techniques de protection des Droits de l'Homme et de
contrôle de la mise en oeuvre des règles adoptées à
cet effet. Les auteurs s'accordent pour reconnaître la faiblesse de la
protection juridique. Yves MADIOT fait une remarque qui s'avère
pertinente d'entrée de jeu : les nombreux textes internationaux
adoptés dans le domaine des droits de l'homme ont donné naissance
à une « inflation conventionnelle »14(*) constituée de
déclarations, conventions, pactes, chartes, résolutions et
recommandations diverses qui ont donné naissance à des
institutions variées : comités, commissions assorties de
sous commissions, groupe de surveillance et juridictions internationales. En
outre, les techniques diverses comme les pressions médiatiques sont
mises en place avec l'appui des organisations non gouvernementales et des
associations. Gérard COHEN-JONATHAN pense que cette
institutionnalisation est encore insuffisante, du moins au niveau des
mécanismes de contrôle internationaux15(*). En effet, selon lui,
l'absence de sanction permettrait aux acteurs internationaux de mieux
méconnaître tous ces instruments. Pour Yves MADIOT, ce
foisonnement de textes et conventions s'avère fragile du fait que le
droit international des droits de l'homme est « tributaire de la
qualité des relations internationales et du degré d'avancement de
l'Etat de droit dans les sociétés internes »16(*). En effet, les techniques et
instruments de contrôle mis en place sont le fruit de conventions entre
Etats : toutefois, les institutions internationales non juridictionnelles
comme la Commission des droits de l'homme, organe à compétence
générale (né du conseil économique et social)
peuvent être saisies aussi bien par des pétitions, par un Etat que
par des ONG. Il met en exergue le fait que la crédibilité de la
Commission est proche de zéro et qu'elle est, à de trop
nombreuses reprises, purement et simplement ridiculisée. Son bilan n'est
pas brillant et « il ne serait sans doute pas nécessaire de
l'inventer si elle n'existait pas »17(*).
Pour ce qui est des comités et des commissions, ils
ont une compétence déterminée. Crées par certains
textes relatifs aux droits de l'homme, ils sont chargés de
contrôler l'application du texte qui les fonde. Cependant, les Etats,
méfiants à l'égard de toute procédure qui pourrait
entraver leur souveraineté, ont prévu de nombreux verrous de
sécurité qui limitent sensiblement l'efficacité des
comités. Yves MADIOT préconise la recherche par les
comités et commissions d'une plus grande autonomie à
l'égard des Etats pour qu'ils puissent constituer la première
étape d'un système généralisé de protection
des droits de l'homme. Ce système serait couronné par une Cour
universelle des Droits de l'Homme18(*) . Il remarque en outre que ces institutions ont des
compétences limitées et une faible efficacité qui donnent
aux Etats bonne conscience car le risque d'une condamnation n'est pas
très élevé. Jean Didier BOUKONGOU se range à cet
avis en constatant qu'il est très difficile d'organiser au niveau
international de véritables sanctions juridiques19(*). Il en va de même de
Jean Marie BECET et Daniel COLARD pour qui les sanctions demeurent imparfaites
car lorsqu'elles existent, elles sont mineures, partielles et d'une
portée limitée20(*).
En ce qui concerne les institutions juridictionnelles, la
Cour Internationale de Justice, organe judiciaire principal des Nations Unis se
confine dans un carcan juridique restrictif en face des violations des droits
de l'homme21(*) . Car seul
les Etats peuvent la saisir et pas les individus. La création de la Cour
Pénale Internationale pourra apporter des compensations aux limites
avérées de la Cour Internationale de Justice. Au niveau
régional, il existe deux systèmes juridictionnels permanents
opérationnels de protection des droits de l'homme. La Cour
interaméricaine des droits de l'homme, pour le continent
américain, les différents comités européens et la
Cour européenne des droits de l'homme, la Commission africaine des
droits de l'homme et la cour africaine des droits de l'homme et des peuples.
Yves MADIOT relève que ces juridictions internationales de protection
des droits fondamentaux constituent le stade suprême de la grande
institutionnalisation des droits de l'homme22(*). Cependant ces organes peuvent être
amenés à connaître d'affaires à contenu politique
qui fragilisent le système de protection car, les Etats acceptent mal
de se soumettre à une juridiction (tel est le cas surtout avec les
saisines individuelles).
La souveraineté des Etats, acteurs principaux des
relations internationales et instigateurs de normes de protection
internationale des droits de l'homme, se pose comme un obstacle à la
protection internationale. Or, celle-ci suppose l'acceptation par les Etats
d'une entité supérieure, supra étatique à laquelle
doivent se soumettre les gouvernements. En effet, constituant pour les Etats et
pour leur population une protection et une garantie de leur
sécurité, la souveraineté étatique constitue bien
souvent un obstacle à la protection des droits de l'homme. Yves MADIOT
exhorte à admettre que les droits fondamentaux ne font pas partie des
affaires intérieures des Etats ni de leur compétence
exclusive23(*). En effet,
l'écart entre la proclamation de ces droits par les Etats et la
protection effective est frappant, et il est de plus en plus important d'aller
dans le sens d'une évolution. Jean Marie BECET et Daniel COLARD
soulignent que « le progrès consistera à limiter la
souveraineté de l'Etat, faciliter aux individus l'accès à
des organisations de protection »24(*). Etat qui ne sera possible qu'avec la
juridictionnalisation de la protection des droits fondamentaux, facteur
déterminant de discipline des souverainetés étatiques, de
nature à créer une habitude progressive de soumission au droit. A
défaut, il n'est pas possible de parler de régime de
droit25(*).
2-Sécurité humaine et droits de
l'homme
La souveraineté de l'Etat est au centre du
débat sur la sécurité humaine. Le concept de
sécurité humaine est un « concept
ambigu »26(*)
selon lequel la sécurité va bien au-delà de la sauvegarde
de l'intégrité de l'Etat. En effet, elle opère un
détachement entre la sécurité de l'individu et celle de
l'Etat qui a pourtant la tâche de prendre soin de ses citoyens. La
sécurité humaine concrétiserait une volonté
internationale d'ingérence, en dépit ou à l'encontre de la
souveraineté étatique, lorsque des populations sont en
détresse, pour Charles Philippe DAVID et Jean François
RIOUX27(*). Cette
ingérence s'appuie sur les droits universels de la personne
codifiés par la Déclaration de 1948 et sur les concepts
fondamentaux du droit des gens de l'avis de Daniel COLARD. Selon lui,
puisqu'elle crée deux conceptions de la souveraineté (celle de
l'Etat et celle de l'individu), il faut assurer une double conciliation :
« celle des droits de l'homme avec les droits de l'Etat et celle des
droits de l'homme avec les droits entre les Etats, la seconde devant garantir
la première ». Ce qui relève selon lui de
l' « Ideal Politik »28(*) ou diplomatie humaniste et multilatérale,
privilégiant les droits de la personne. La protection de
l'humanité semble être cher à la sécurité
humaine. Elle en est à la fois la garante et le
bénéficiaire. Selon Jean Jacques ROCHE l'homme devrait de
plus en plus se tourner vers l'humanité pour assurer sa
sécurité et non plus vers la traditionnelle protection
étatique lorsqu'il est confronté à une menace moyenne
à la dimension individuelle de sa sécurité.29(*)
Les différentes études menées sur les
rapports entre la sécurité humaine et les droits de l'homme sont
arrivées à une conclusion : la sécurité
humaine et les droits de l'homme sont deux notions distinctes, mais
complémentaires. Kevin BOYLE et Sigmund SIMONSEN l'ont
résumé en ces termes : « ... même si
elles sont proches, la politique de la sécurité humaine et celle
des droits de l'homme n'ont pas encore été combinées. Si
la littérature sur la sécurité humaine reconnaît
l'importance des droits de l'homme, la théorie et la pratique des droits
de l'homme n'ont pas encore vraiment admis la
réciproque »30(*) En effet, et selon Taylor OWEN, si les droits de
l'homme représentent généralement les conditions de vie
auxquelles peuvent prétendre tout individu, la sécurité
humaine concerne la survie même de ces individus. Cela s'explique par le
fait que la notion de sécurité humaine implique une certaine
gravité qui ne peut concerner que des désastres imminents. Ce qui
implique aussi que certaines violations des droits de l'homme,
spécifiquement données, constituent clairement une menace pour la
sécurité humaine, tandis que d'autres ne peuvent pas être
considérées comme telles, à l'exemple de l'interdiction de
la liberté religieuse31(*).
Mais ces difficultés, apparemment opposées
n'empêchent pas les deux notions d'être interactives et
complémentaires : en effet, comme le relève la Commission
pour la Sécurité Humaine, les droits de l'homme et la
sécurité humaine sont [...], dans une relation de synergie. La
sécurité humaine aide à repérer les droits qui sont
en péril dans une situation particulière. Les droits de l'homme
aident à répondre à la question de savoir comment la
sécurité humaine doit être défendue. La notion des
droits et obligations complète la reconnaissance de l'importance
à la fois éthique et politique de la notion de
sécurité humaine32(*). En outre, la sécurité humaine,
centrée sur les individus et leurs communautés, met l'accent sur
d'égales opportunités afin que les personnes puissent
développer tout leur potentiel humain. Les droits de l'homme sont
centraux à tout cela, en ceci qu'ils constituent le cadre qui doit
être nécessairement appliqué à la construction et
à la mise en oeuvre de la notion de la sécurité humaine.
De plus en plus, la sécurité humaine et les droits de l'homme se
renforcent mutuellement. Taylor OWEN relève que, dans tous les rapports
et les liens que l'on peut chercher ou trouver entre les deux notions, ce qui
est le plus important est la reconnaissance que la protection contre les
violations des droits de l'homme est une des composantes de la protection de la
sécurité humaine même si cette protection n'est pas une
condition suffisante de la sécurité humaine33(*). Cette position est celle
adoptée par la Commission pour la Sécurité Humaine dans
son rapport de 2003. Selon ce rapport, l'intérêt du paradigme de
sécurité humaine réside dans les concepts clés que
sont la protection et l'habilitation, concepts qui sont semblables aux
objectifs formulés en matière de droits de l'homme. Ce qui
amène Kevin BOYLE à tirer la conclusion selon laquelle
« l'heure semble donc venue d'inscrire dans les actions des droits de
l'homme une analyse, un discours et des perspectives de sécurité
humaine »34(*).
En effet, les deux notions s'embrigadent car, toutes les fois que survient une
violation des droits de l'homme, il s'ensuit une conséquence certaine
sur la sécurité des individus, et vice versa.
Tous ces débats semblent éviter de toucher
à la question fondamentale à savoir la nature juridique de la
notion de sécurité humaine et de répondre par une
définition positive et pratique. Ce que nous nous proposons de faire
dans cette recherche.
Problématique
De ce qui précède, il s'avère
que la sécurité humaine, nouvelle logique émergente du
droit international présente un intérêt certain du point de
vue de la protection internationale des droits de l'homme. Plusieurs questions
mèneront notre étude : Quels sont les facteurs qui ont
contribué à la genèse de la sécurité
humaine ? La notion de sécurité humaine a-t-elle
engendré une pratique suffisante pour avoir une incidence sur les droits
de l'homme ? En effet, les mécanismes traditionnels
érigés par la communauté internationale, en l'occurrence
l'ONU et les Etats dans leurs rapports mutuels, sont-ils préparés
à l'intrusion d'une notion comme la sécurité
humaine ? Quels sont les dangers potentiels de l'émergence de cette
notion ? Les promoteurs de la notion recherchent un impact sur les ordres
juridiques international et national et une incidence sur les
pôles de décisions politiques. Cependant, est-il possible de
concevoir la notion de sécurité humaine comme un
véritable droit individuel ayant une incidence sur le système
international de protection des droits de l'homme et dont l'application est
possible à tous les niveaux de décisions ?
V- HYPOTHÈSES
L'émergence de la sécurité humaine
traduit la nécessité de réorienter le débat sur la
protection de l'individu pris comme sujet de droit international.
Cependant, si cette notion semble pouvoir aider à
consolider le système de protection internationale des droits de
l'homme, c'est dû au fait que l'individu n'est plus
considéré comme appartenant à une entité
étatique et territoriale bien définie, mais plutôt comme
faisant partie d'un tout dont la survie des uns et des autres dépend de
chacun. Il n'en demeure pas moins que c'est une notion à faible
densité juridique. En effet, ses contours baignent dans un flou textuel
qui ne permet pas encore une quelconque codification. Il convient d'en
déterminer avec la plus grande exactitude son contenu et ses limites
pour pouvoir préciser son domaine et ainsi son utilisation dans le
domaine des droits de l'homme.
En outre, la sécurité humaine est
utilisée par les acteurs internationaux comme la plupart des instruments
de droits de l'homme est utilisée par les gouvernants africains: une
parure, un habit de gala que l'on sort pour faire valoir sa
respectabilité et son appartenance à la communauté
internationale35(*). La
connotation politique de la notion est incertaine.
VI- CADRE MÉTHODOLOGIQUE
L'étude la sécurité humaine comme notion
indépendante et son entrée dans le système de protection
des droits de l'homme exige la détermination d'un ensemble de moyens et
de procédés qui seront utilisés pour asseoir les
théories développées et les agencer dans un contexte
pratique de façon à faciliter leur utilisation.
Pour conduire notre étude, nous combinerons la
méthode dialectique à la méthode systémique.
1- La méthode dialectique
La sécurité humaine étant en pleine
mouvance évolutive, cette méthode nous permettra d'analyser les
étapes de son évolution et de celle des institutions qui la
consacrent Elle semble être une méthode plus complète que
les autres, car elle part de la constatation simple des contradictions qui nous
entourent, et notamment qui entoure la sécurité humaine. Elle est
d'abord une attitude vis-à-vis de l'objet : empirique et
déductive, elle commande par là une certaine façon de
recueillir des données concrètes. Elle représente aussi
une tentative d'explication des faits et des phénomènes et est
directement liée à la notion de totalité36(*).. En outre, c'est la
méthode qui appelle l'analyse juridique Ce qui suppose une idée
d'évolution dans laquelle se situe l'objet de notre recherche.
2 - La méthode systémique
Elle a pour but de construire un modèle ou un cadre
théorique adapté à l'analyse d'un système social,
culturel ou juridique. Elle met en relation les différents
éléments qui le composent et qui sont susceptibles de
l'influencer (rôle des institutions, normes valeurs) et nous permet de
voir comment un système réagit devant les facteurs qui menacent
son équilibre. Cette méthode est préconisée pour
traiter des grandes organisations car elle apporte une synthèse
là où existent de nombreuses interactions. Elle incite à
une rigueur à la fois conceptuelle et logique qui nous semble
primordiale pour l'étude d'un système international de protection
des droits de l'homme. En effet, aussi bien les droits de l'homme que la
sécurité humaine ne peuvent s'analyser concrètement que
par une étude approfondie de tout l'arsenal institutionnel mis en place
pour appliquer ces notions.
Nous utilisons principalement l'analyse du contenu
documentaire qui est une technique de recherche qui décrit objectivement
et de manière systématique le contenu des documents dans le but
de les interpréter, de les vérifier ou tout simplement de les
explorer. Les documents dont il est question ici s'entendent de texte
écrits : documents officiels, livres, journaux, publications en
ligne.
IX. JUSTIFICATION DU PLAN
La première partie de notre recherche, intitulée
La faible densité juridique de la notion de
sécurité humaine dans le système de protection
internationale des droits de l'homme cherche à offrir une
vision globale et claire de la notion en insistant sur le fait qu'elle
nécessite une définition plus précise pour pouvoir
être mise en oeuvre et le cas échéant
bénéficier d'une protection effective.
La seconde partie, nommée La
sécurité humaine, une notion à portée politique
incertaine vise à déterminer et à
évaluer les actions prises jusqu'à l'heure actuelle au niveaux
des Etats pour aboutir au but ultime des différentes notions, à
savoir le bien être de l'individu.
PREMIÈRE PARTIE: LA FAIBLE DENSITÉ
JURIDIQUE DE LA NOTION DE SÉCURITÉ HUMAINE.
La sécurité des personnes a été
assurée de diverses manières depuis les débuts de
l'humanité. D'abord par le développement des organisations
sociales et ethniques visant à combattre la violence par le violence.
C'était là l'ère de la loi du talion. La quête de la
sécurité pour soi et pour ses semblables se confond avec
l'histoire des institutions politiques dont le rôle premier fut sans
doute de mobiliser les ressources des groupes sociaux dans le but d'assurer
leur défense. La famille, le clan et la tribu sont ainsi les premiers
organes de sécurité. Puis, les royaumes et les empires ont
bâti des armées pour se protéger de l'occupation d'autres
royaumes. Les républiques modernes ont amorcé une guerre
industrielle (commerciales, nucléaires, pharmaceutiques)en plus de
celles qu'elles mènent avec leurs armées. De nos jours, les
organisations internationales constituent le nouveau moyen d'assurer la
sécurité37(*).
La sécurité humaine réoriente le discours
sur la sécurité mondiale vers l'axe de la dignité humaine,
de la reconnaissance des libertés publiques, des droits individuels
inhérents à la condition d'être humain et vers les
obligations des Etats et des organisations intergouvernementales pour que ces
droits soient effectivement respectés. Les droits de l'homme sont
historiquement constitués en référence à un droit
naturel à la sécurité, et ses principes normatifs sont des
obligations juridiques contraignantes admises par les Etats, en temps de paix
comme en temps de conflits armés. Or, la sécurité humaine,
du moins les principes qui la soutendent n'ont pas encore cette force
juridique. Cela peut s'expliquer par deux raisons. La première
résulte du flou qui persiste au niveau du contenu de la
sécurité humaine ; elle englobe des éléments
tellement divers et variés qu'il est quasi impossible de la mettre dans
une catégorie juridique déterminée. En second, bien
qu'elle soit incontournable dans le discours international, il n'existe ni
mécanismes ni institutions qui la concrétisent.
Nous nous proposons d'analyser la notion de
sécurité humaine dans ce qu'elle a d'imprécis sur le plan
juridique dans un premier chapitre, et dans un second de nous attarder sur
l'absence d'institutions internationales chargées de consacrer cette
notion.
CHAPITRE I : L'IMPRÉCISION DE LA NOTION DE
SÉCURITÉ HUMAINE
« La définition n'est autre que la fin du
sujet qui se présente: si elle n'est pas bien fondée, tout
ce qui sera bâti sur icelle ruinera peu après ».
Jean BODIN,
Six livres de la République
La notion de sécurité humaine suscite une
profusion d'écrits qui la conduisent à évoluer sans cesse.
Cette évolution n'est pas toujours salutaire pour son avenir. Le
débat qui est née autour de la notion vient sans aucun doute de
l'étendue de son contenu. Celui-ci n'est pas simplifié par les
sept grandes menaces à la sécurité des individus
énumérées par le PNUD dans son rapport de 1994 sur le
Développement Humain :les menaces économique, alimentaire,
sanitaire, environnementale, personnelle, politique et les menaces qui
pèsent sur les communautés. Ces différentes menaces sont
présentes en temps de paix comme en période de conflits
armés et ne sont pas le seul apanage des pays les moins
avancés ; même les pays développés en font les
frais. Elles varient selon les régions, parce qu'une menace peut
être accentuée dans une région et demeurée quasi
inexistante dans une autre. Elles ont toutefois des conséquences
transfrontières incommensurables. Une analyse de ces menaces
révèle que la plupart peuvent bien être classées
dans la catégorie des violations graves des droits de l'homme.
Du point de vue de ses promoteurs, la sécurité
humaine en englobant toutes les menaces au genre humain se veut être une
méthode préventive contre un certain nombre de dangers et de
besoins. Elle semble être conçuée pour corriger les grands
déséquilibres socio-économiques que la
sécurité traditionnelle a refusé de prendre en charge
jusque là. La généralisation faite par le PNUD dans sa
définition dissimule les dangers liés à des groupes
précis. La prise en considération de ces groupes requiert
l'existence d'un modèle de société dans lequel une de ces
menaces n'existe pas ; or, ce type de société ne peut
être que le fruit de considérations utopistes et
irréalisables. La volonté de pallier à l'échec de
la politique internationale dans les sociétés où ces
menaces font partie du quotidien a fait de la sécurité humaine le
nouveau slogan scandé par tous, avec en tête de file le
Secrétaire Général des Nations unies, Kofi ANNAN38(*).
Nous assistons donc à une expansion de la notion de
sécurité humaine sur le plan international et même national
dans une certaine mesure. Mais, qu'en est-il exactement de cette notion ?
Quelle est sa nature juridique ? Le discours international est loin
d'être uniforme sur la question. Envisagé cumulativement sous
l'angle des relations internationales comme une nouvelle approche de la
sécurité internationale et comme une nouvelle catégorie
des droits de l'homme, la sécurité humaine a des fondements
multiples (section I) qui lui donnent un contenu extensible (section II).
SECTION 1 : NAISSANCE ET EVOLUTION DE LA
« SECURITE HUMAINE ».
Contrairement à la pratique juridique courante, la
notion de sécurité humaine semble toute droite sortie du
néant. Elle apparaît comme un contenant qui a été
fabriqué sans trop savoir de prime abord à quoi il servira.
N'ayant d'antécédent ni dans un texte international ni sous
l'impulsion d'un Etat ou d'une ONG, la naissance de la notion peut s'expliquer
par plusieurs raisons : En premier lieu, la sécurité humaine
est apparue dans le contexte des relations internationales ; or, comme le
remarque Keith KRAUSE, la plupart des contributions à la
littérature sur les normes et idées dans les relations
internationales n'accordent pas d'importance à la source d'une
idée nouvelle, mais se concentrent sur l'impact que cette idée
pourrait avoir39(*).
Apparue d'abord dans un grand flou de discours philosophiques, les contours de
la notion ont commencé à se dessiner avec l'édiction des
principes réglementant les guerres et les différents
problèmes auxquels devait faire face le monde (paragraphe I). Par la
suite, ses concepteurs ont défini un contenu constitué d'autant
de menaces que possible à la vie des individus ce qui a commencé
à préciser la notion, (paragraphe II), même si elle reste
encore en fin de compte dans la phase d'élaboration.
Paragraphe 1 - Les origines diverses de la
sécurité humaine.
Des écrits des philosophes du XVIIIe siècle aux
traités de guerre, les considérations pour la
sécurité humaine semblent avoir de tout temps fait l'objet de
diverses préoccupations, même si cela a été à
des degrés variables. Par conséquent, on relève dans la
notion une forte influence des courants philosophiques (A) qui se sont traduits
dans les premiers traités relatifs à la protection des individus,
à savoir les lois de la guerre (B). Les idées qui y sont
développées ont été consolidées avec les
crises sociales, politiques et économiques du début du
20e siècle (C).
A- Une notion à forte influence philosophique.
L'idée première de la notion de
sécurité humaine remonterait au XVIIIe siècle, lorsque les
penseurs orientent leurs idées sur la protection des individus. Les
protagonistes de ce courant philosophique sont Montesquieu, Smith et Condorcet.
Montesquieu préconisait de mettre l'accent sur la liberté et les
droits subjectifs des personnes plutôt que sur la sécurité
assurée par l'Etat. Adam Smith lui, envisageait la
sécurité comme la protection des individus contre des attaques
violentes et soudaines contre leurs personnes ou leurs biens ; c'est cette
sécurité qui assurerait une société prospère
et opulente. Pour Condorcet enfin, la sécurité des personnes
devrait être le principe fondamental du contrat social. Toutefois, ces
convictions libérales n'étaient pas partagées unanimement.
C'est ainsi que certains penseurs comme Kant, Hobbes et Grotuis, tout en
prenant en compte l'intérêt qu'il y a à préserver la
sécurité individuelle, soutiennent que la primauté doit
revenir à la sécurité étatique40(*). L'idée a fait son
chemin à travers les siècles et on la retrouve sous la forme de
sécurité collective exprimée, selon Kevin BOYLE et Sigmund
SIMONSEN41(*), dans les
Quatre libertés proclamées par Franklin Delano Roosvelt dans son
discours sur l'Etat d'union de janvier 1941, à savoir les
libertés d'expression et de culte, les libertés de vivre à
l'abri du besoin et de la peur
Cantonnée au niveau de la pensée pendant un
moment, cette notion refait surface avec plus d'acuité dans les
écrits des auteurs qui contestent l'approche réaliste de l'Etat
et du modèle westphalien. Dans les années 1960-1970, des auteurs
comme John GALTUNG soutiennent que la paix n'est pas seulement l'absence de
violence organisée mais aussi la quête d'une justice sociale et de
facteurs de coopération et d'intégration entre groupes humains,
susceptible d'effacer la violence structurelle qui émane des structures
étatiques. En 1972, John BURTON explique que les conflits sont la
résultante de la privation des besoins humains individuels et
préconise une société fondée sur la paix, la
justice et le bien être. A la même période, les
libéraux américains représentés par Lester BROWN et
Richard ULLMAN tentent de redéfinir la sécurité en
fonction des menaces qui pèsent sur la qualité de la vie des
habitants d'un Etat et non plus par rapport à la dimension militaire. A
l'aube des années 1990, les constructivistes apportent une autre vision
à la sécurité : ils pensent qu'il est
nécessaire de reconstruire des normes ainsi que de changer les
comportements au sein du système international ; ses acteurs
doivent favoriser et institutionnaliser les interventions humanitaires en cas
de besoins, défiant ainsi les notions d'intérêt, de
puissance et de souveraineté42(*). Cette vision de la sécurité est
renforcée avec l'émergence du concept de développement
durable issu du Rapport de Bruntland de 1987 accueilli favorablement par la
communauté internationale. Il dépasse le cadre environnemental et
englobe les aspects écologiques, économiques, sociaux, culturels
et politiques. C'est cet intérêt pour le développement
durable qui sans doute conduit cette même communauté à se
pencher sur la question de sécurité43(*) et du même coup sur le
respect, la promotion et la protection des droits de l'homme. C'est finalement
en 1994 que le concept de sécurité humaine trouve une
consécration officielle dans le rapport du PNUD sur le
« développement humain » qui le présente
sous forme d'un impératif : « il nous faut passer de la
sécurité nucléaire à la sécurité
humaine »44(*);
Ce rapport donne des indicateurs permettant de déterminer les contours
et les éléments du concept.
B- La sécurité humaine dans les lois de
la guerre.
D'un point de vue pratique, les idées qui soutendent
la sécurité humaine se retrouvent au XVIIème
siècle, dans le De jure belli ac Paci45(*) de Hugo De GROOT, juriste hollandais dit GROTIUS. Cet
ouvrage est la première élaboration d'un traité visant
à protéger les victimes des conflits. Selon GROTIUS, les
personnes qui ne participent pas à un conflit ou qui en subissent des
dommages méritent une protection de la part des belligérants. Un
siècle plus tard (1762), Jean Jacques ROUSSEAU dans le fameux
« Du contrat social » reprend GROTIUS et pose le principe
fondamental qui sera celui des Conventions de Genève. Mais, c'est
véritablement le 24 avril 1863 qu'intervient un ensemble de
règles visant à limiter les exactions commises par les
belligérants. En effet, avant cette date, la guerre était
régie par des règles non écrites fondées sur la
coutume. Ces règles sont pour la plupart issues de traités
bilatéraux plus ou moins élaborés (des cartels) que les
parties ratifiaient même après la bataille. Ils n'avaient pas
véritablement force de loi. C'est la rédaction du Code dit de
Lieber46(*) qui marque le
premier essai de codification des lois et coutumes de guerre existantes
à cette époque. Le texte est orienté vers la protection de
la vie et de la dignité humaine. Ce sont les principes incorporés
dans ces lois de la guerre qui sont repris et améliorés avec la
fondation du CICR par Henri DUNANT en 1860 dans une tentative de défense
et de protection de la dignité humaine en période de conflit
armé. Une partie de la doctrine situe l'origine du concept à
cette période47(*),
en ce sens que cette instance a, de façon particulière,
attiré l'attention sur la nécessité de préserver la
sécurité des individus et des personnes, notamment en
période des conflits armés.
C- Les considérations politiques et
socio-économiques ayant favorisé l'expansion de la
notion.
Le discours sur la sécurité humaine prend de
l'ampleur au fur et à mesure que s'accroissent les tensions politiques
comme le terrorisme, les conflits armés internes et les
génocides. Sur un plan socio-économique, la chute des
barrières économiques et sociales sous l'effet de la
mondialisation impose la mise en oeuvre d'une politique intègrant toutes
ces données.
- Sur le plan politique : Aux niveaux
international, régional et national, la multiplication des crises et
tensions a conditionné la recherche d'une autre forme de
sécurité. C'est ainsi que la prolifération des conflits
armés de toutes sortes et la montée en puissance du terrorisme
rendent plus que nécessaire la recherche d'une nouvelle forme de
sécurité. En premier, les menaces militaires qui étaient
à l'origine de la création de la SDN, puis de l'ONU
s'éloignent de plus en plus (mis à part quelques exceptions). On
est en face des conflits armés internes, qui sont l'apanage de groupes
à la conquête du pouvoir ou de groupes ethniques
différents. Ces conflits se déroulent pour la plupart sur le
continent africain et dans les pays du tiers monde, mais ont une forte
incidence sur la communauté internationale toute entière. Face
à cette nouvelle donne, il a semblé nécessaire, voir
urgent de penser une nouvelle façon de conduire les relations
internationales, pour appeler les gouvernements -gouvernants et
gouvernés- des pays en cause à adopter des mesures permettant de
réduire l'impact humain et transfrontalier de ces conflits. En effet,
chaque conflit entraîne des pertes humaines subséquentes, mais
peut aussi créer de nouveaux conflits dans les frontières et dans
les Etats voisins. C'est donc dans un souci de prévention des conflits
que s'analyse le recours à la « sécurité
humaine ». En second, et malgré différentes
méthodes pour prévenir les conflits, ils ne cessent de
prospérer. Une nouvelle forme de conflit s'est amplifiée sur la
scène internationale depuis le 11 septembre 2001 avec les attaques des
tours jumelles de New York. Le terrorisme, qui se caractérise par des
attaques armées à des endroits différents et pour des
raisons les plus diverses, n'obéit à aucune logique. Il
vulnérabilise aussi bien les populations que les Etats et les
organisations internationales. En effet, les tentatives de lutte de front
contre le phénomène n'ont engendré que d'autres violences
et une insécurité grandissante. C'est dans l'objectif d'y trouver
des solutions que l'on s'accroche au concept de sécurité
humaine.
- Sur le plan socio-économique :
Le contexte socio-économique actuel regorge de crises. La
pauvreté touche environ un milliard de personnes et prend une envergure
croissante. Hommes, femmes et enfants vivent dans des conditions
déplorables dans lesquelles ils ne peuvent pas subvenir à leurs
besoins les plus élémentaires. Cette pauvreté sévit
le plus dans les pays du tiers monde et entrave toute tentative de
développement. Elle est renforcée par le phénomène
de la mondialisation : faire de la terre un énorme village
où les hommes, les services et les biens pourront circuler librement,
simplement sous l'influence de la volonté, des désirs et des
besoins des individus et sans le contrôle des Etats est l'ambitieux
projet que recouvre ce terme. Si elle a de nombreux avantages, le
phénomène s'accompagne de conséquences négatives
qui pourront très rapidement faire oublier les aspects positifs :
l'élargissement des écarts de rémunération entre
les travailleurs de pays industrialisés, les délocalisations des
entreprises vers les pays en voie de développement avec des pressions
à la baisse sur la rémunération et l'emploi des
travailleurs locaux, le non respect ou la mauvaise application des droits
fondamentaux qui accroissent les exclusions sociales. Ces effets sont des
menaces insidieuses à la sécurité des individus qui
peuvent aisément se répandre par le biais de la mondialisation. A
ce propos, la Commission des droits de l'homme de l'ONU conclut que
« l'extrême pauvreté et l'exclusion sociale constituent
une violation de la dignité humaine et par conséquent
requièrent des actions urgentes, nationales et internationales pour y
remédier48(*) ».
C'est donc dans cet environnement politique et socio-
économique qui appelle des actions urgentes que naît la
sécurité humaine comme tentative de réponse. Toutefois,
comme réponse à des préoccupations claires, la
sécurité humaine pose à son tour quelques problèmes
du fait de son ambiguïté.
Paragraphe 2- L'intégration continue de nouveaux
paradigmes dans la notion de sécurité humaine
La sécurité humaine vise la protection des
individus contre des menaces violentes ou non. Elle est réalisée
dans une situation ou un état caractérisé par l'absence
d'atteintes aux droits fondamentaux des personnes. Elle apparaît ainsi
comme un principe de l'idéal, plein de multiples préalables et
signifiant plusieurs choses à la fois. En effet, elle couvre à
l'heure actuelle plusieurs domaines, de la sécurité personnelle
à la sécurité des communautés en passant par la
recherche du bien être économique, et de la sécurité
environnementale. En plus de cela il est à tout moment possible d'y
insérer un élément nouveau (A) auquel on rattachera
à coup sûr les caractéristiques attribuées à
la notion (B).
A- Le contenu extensible de la sécurité
humaine
La sécurité humaine est définie
négativement par un ensemble de faits pouvant constituer des menaces
pour elle. La recherche des solutions à ces menaces constituent la
seconde composante de la sécurité, à savoir la
prémunition contre le besoin (individuel) qui a de tout temps
été écartée au profit de la libération de la
peur (collective), première composante. Le rapport 1994 sur le
Développement humain cite sept (7) éléments de la
sécurité humaine : La sécurité personnelle, la
sécurité économique, la sécurité
alimentaire, la sécurité sanitaire, la sécurité
environnementale, la sécurité politique et la
sécurité de la communauté.
- La sécurité personnelle :
Définie par le PNUD comme la sécurité de tout
individu contre la violence physique, la sécurité personnelle est
le premier aspect de la sécurité humaine. Les menaces à la
sécurité personnelle couvrent un vaste domaine : violences
étatique, conflits armés, violences urbaines, conjugales,
sexuelles, mauvais traitements, les violences faites aux femmes et aux enfants,
les accidents de circulation, les violences sur le lieu de travail, les
violences contre soi même. Cette liste est loin d'être exhaustive.
La sécurité personnelle signifie aussi que tout individu peut
demander et obtenir auprès des organes juridictionnels et non
juridictionnels des sanctions pour atteinte à son
intégrité physique. Plusieurs affaires relatives à la
sécurité personnelle ont fait l'objet de décisions des
organes internationaux et régionaux de protection des droits de la
personne. On peut citer à titre d'exemple l'affaire Rojas Garcia
contre l'Etat de Colombie dans laquelle le Comité des droits de
l'homme de l'ONU qualifie de contraire à la dignité humaine
l'immixtion illégale et arbitraire, même en cas de perquisition
par des autorités légale dans le domicile d'un individu sans
respect des considération élémentaires de droits
fondamentaux et de dignité humaine49(*).
- La sécurité
économique : La sécurité économique
confère un sentiment de bien être ; elle suppose la garantie
d'un revenu minimum provenant soit d'un travail rémunéré,
soit d'un système de protection financé par les pouvoirs publics.
Elle correspond à un niveau de vie assuré et stable qui fournit
aux individus et aux familles le niveau nécessaire de ressource pour
pouvoir participer économiquement, politiquement, socialement,
culturellement et avec dignité à la vie de leur
communauté. Elle va au delà de la simple survie physique et
comprend un niveau de ressource qui favorise l'insertion sociale de
tous50(*). D'après
l'OIT, la sécurité économique favoriserait la
tolérance et serait bénéfique pour la croissance et la
stabilité sociales51(*). Ses manifestations varient selon qu'on se trouve
dans un pays riche ou dans un pays pauvre. Dans le premier, il est de plus en
plus difficile de trouver un emploi, le taux de chômage des jeunes est
revu à la hausse. Dans le second par contre, le taux de chômage
est très élevé ; il dépasse les 10% de la
population active et c'est l'une des causes profondes de la montée des
tensions politiques et des violences ethniques dans plusieurs pays. Le secteur
informel représente généralement la source d'emploi la
plus élevée, même si les conditions de travail y sont
précaires. En outre, l'insécurité des revenus, la question
de l'emploi des handicapés, l'absence de système de
sécurité sociale sont autant de maux qui la minent. Dans un
langage plus pratique, la sécurité économique s'entend de
la volonté générale d'éradication de la
pauvreté. Or, à l'heure actuelle, seul ¼ de la population
mondiale peut prétendre bénéficier d'une telle
sécurité économique.
- La sécurité alimentaire :
La sécurité alimentaire existe lorsque tous les
êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et
économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur
permettant de subvenir à leurs besoins énergétique et
leurs préférences alimentaires52(*). Elle implique l'aptitude des pays à assurer
un approvisionnement suffisant en nourriture. La recherche de la
sécurité alimentaire est complexe car elle dépend
étroitement de la situation économique et géographique
d'un pays, du niveau et de la stabilité des revenus. Elle dépend
aussi de considérations politiques telles que la paix, l'existence et la
sécurité des transports. L'insécurité alimentaire
peut être à l'origine de conflit comme cela été le
cas au Darfour. Dans les pays à l'abri de la pénurie et de la
malnutrition, on recherche une couverture qualitative et quantitative des
besoins élémentaires en aliments et eau. Depuis une vingtaine
d'années, des crises alimentaires successives ont alarmé les
consommateurs et incité les pouvoirs publics à mettre en oeuvre
des dispositifs de contrôle de la sécurité alimentaire. Sur
le plan international, la Commission sur la sécurité humaine a
elle aussi pris des engagements, même s'ils n'ont pas force juridique
contraignante et obligatoire. Dans une Déclaration sur la
Sécurité Alimentaire53(*), les membres du Réseau de la
Sécurité humaine ont reconnu la place primordiale qui doit
être accordée à la question alimentaire. Car le droit
à une alimentation suffisante est partie intégrante des droits
humains dont il est indissociable dans le cadre du renforcement de la
sécurité humaine. La sécurité alimentaire constitue
donc un défi prioritaire pour la sécurité humaine.
- La sécurité sanitaire :
Garantir l'accès de tous aux services de santé tel est
le but de la sécurité sanitaire. Elle se définie comme un
ensemble de procédures destinées à prévenir ou
contrôler les risques susceptibles d'altérer la santé
physique et psychique, individuelle ou collective54(*). Forgée dans les
années 1990 après les crises successives qui ont affecté
différents systèmes de santé publique, la
sécurité sanitaire vise la réduction des
conséquences dommageables pour la santé humaine liées
à des risques divers. Les changements apportés aux
méthodes de culture et d'élevage peuvent avoir des
conséquences sur la santé des êtres humains comme
l'illustre la propagation du VIH/SIDA, la maladie de la vache folle ou encore
la grippe aviaire. La sécurité humaine appelle à la
précaution en face des risques sanitaires de différents produits,
de la prolifération des gaz radioactif due à l'exploitation et
la transformation de certaines substances chimiques à la consommation
d'aliment susceptible de nuire à la santé55(*). Il s'avère urgent,
pour l'accès aux systèmes de santé, aux ressources
dégagées par les Etats et la communauté internationale,
d'étendre à la santé les principes de gestion publique,
d'universalité, d'intégralité, de
tranférabilité et d'accessibilité à tous.
- La sécurité de l'environnement :
C'est un des aspects de la sécurité humaine et des
droits de l'homme qui a connu une expansion des plus importantes dans les deux
dernières décennies. Juste après la guerre froide, les
questions environnementales ont été reliées à la
sécurité. Le phénomène du changement climatique
représente une profonde menace et est reconnu comme tel par la
communauté internationale. On peut citer à titre d'exemple les
dommages causés par les navires pétroliers comme l'Erika et le
Prestige en Europe, par le Tsunami en Asie et l'ouragan katrina aux Etats Unis.
Mais l'argument le plus convaincant a été, pour Simon DALBY, les
risques évidents de la violence technologique envers toutes les victimes
potentielles d'une guerre nucléaire. En outre, « les menaces
futures pour la sécurité des pays nantis de
l'hémisphère Nord viennent de la famine et de la chute des
sociétés du Sud causées par la dégradation de
l'environnement et entraînant à leur tour une migration massive
des réfugiés environnementaux »56(*). La recherche d'une
sécurité environnementale va de pair avec l'idée de
développement durable qui se soucie des besoins relatifs en
environnement des générations présentes et
futures57(*). La CIJ a eu
maintes fois à rappeler l'importance des questions environnementales
pour les individus et pour les communautés. Dans son arrêt du 25
septembre 1997, affaire relative au projet Gabcikovo/Nagymaros
(Hongrie/Slovaquie) « La Cour rappellera qu'elle a eu
récemment l'occasion de souligner dans les termes suivants toute
l'importance que le respect de l'environnement revêt à son avis,
non seulement pour les Etats, mais aussi pour l'ensemble du genre
humain... »58(*)
. La sécurité environnementale pourrait s'assimiler par
déduction au droit à un environnement sain.
- La sécurité de la
communauté : La communauté sous son acception
traditionnelle peut être victime ou perpétrer de graves pratiques
oppressives. Cela s'avère le plus souvent pour les communautés
ethniques et religieuses qui ont été victimes et auteurs
d'atteintes graves et même d'extermination. Pour éviter la
marginalisation, les minorités s'efforcent souvent plus vigoureusement
de préserver et protéger leur identité. Le durcissement
des forces antagonistes -assimilation d'un côté et
préservation d'une identité minoritaire de l'autre- peut
engendrer une intolérance accrue et dans le pire des cas, un conflit
armé ethnique59(*).
Lorsque les Etats sont dépourvus d'éléments de base
nécessaires pour protéger le droit des minorités ou que
les gouvernements encouragent activement l'intolérance ou l'exploitation
des groupes minoritaires, une atmosphère lourde de conflit s'installe.
Au cours des dix dernières années seulement, les conflits
ethniques ont durement éprouvé une poignée de pays comme
le Rwanda et le Burundi, l'ex-République de Yougoslavie, le Soudan et,
plus récemment, l'Indonésie, le Timor oriental et les
îles Fidji.
- La sécurité politique :
La sécurité politique semble étroitement
liée à l'expression des idées et des opinions, au respect
des libertés et droits fondamentaux. Pour qu'il y ait
sécurité politique, il faut que soient appliqués les
principes de bonne gouvernance que l'on doit retrouver dans un Etat de droit.
Si la majorité des Etats du monde se reconnaissent comme Etat
démocratique, bon nombre d'entre eux tardent à appliquer et
à respecter les principes d'un Etat de droit. Les arrestations
arbitraires, les censures, et la répression politique sont encore
monnaie courante dans plusieurs pays, en particulier les pays du tiers monde et
notamment ceux de l'Afrique subsaharienne.
Au regard de toutes ses composantes, le contenu de la
sécurité humaine paraît un peu surfait ainsi que les
caractéristiques qui lui sont attribuées, ce qui lui vaut de
sérieuses critiques.
B- Les caractéristiques attribuées
à la « sécurité humaine ».
Le Rapport du PNUD de 1994 donne à la
sécurité humaine quatre caractéristiques
essentielles : axée sur les individus, elle se veut universelle,
préventive, et ses composantes sont interdépendantes.
- La sécurité humaine est axée
sur l'individu : L'objet de la sécurité humaine est
entièrement et uniquement l'individu. Mais cela ne constitue pas une
innovation car l'individu est au centre de toutes les actions des droits de
l'homme. Cette position de l'individu s'explique par le fait que la
mondialisation le place inconditionnellement au coeur des affaires mondiales et
même nationales. Sa sécurité est devenue « un
nouvel étalon de mesure de la sécurité mondiale et imprime
une nouvelle impulsion à l'action internationale »60(*). Les futures guerres entre
États et dans les Etats feront un nombre effarant de victimes parmi les
civils ; les dégradations écologiques comme les menaces pour
la santé et les dangers dus à l'ouverture des frontières
ont des conséquences désastreuses sur la sécurité
des individus en général et des plus vulnérables en
particulier.
- L'universalité du désir de
sécurité humaine : L'universalité de la
sécurité humaine signifie, selon le Rapport du PNUD, que le
désir de sécurité humaine est partagé par tous,
dans les pays riches comme dans les pays pauvres car les menaces sont
ressenties par tous, même si c'est à des niveaux variés
selon les régions du monde. Cette caractéristique n'est point
discutable si on se limite au niveau du psychique, du
« désir » de sécurité. Mais si
l'on l'analyse plus concrètement, on peut envisager une
universalité dans son écriture, pas dans son contenu. En effet,
elle couvre un domaine beaucoup trop large pour avoir le minimum
d'unicité requise pour être universelle.
- Le caractère préventif de la
notion : La sécurité humaine met l'accent davantage
sur la nécessité de penser à des actions
préventives : prévention des conflits et situations
menaçant la sécurité et ressources à y consacrer.
Cela est valable le plus souvent dans les situations de violence de masse. La
sécurité humaine suppose donc un redoublement des efforts fournis
pour la prévention des conflits dans le monde et ainsi éviter des
souffrances humaines. Cette nouvelle approche de la sécurité
exige d'aller à la source des conflits et des tensions et de prendre des
mesures préventives comme par exemple la consolidation de la paix avant
l'éclatement d'un conflit ou encore l'égale répartition
des ressources alimentaires pour éviter les situations de famine. En
effet, il existe des mécanismes d'alerte rapide aux conflits et
situations de crise malgré que la sécurité humaine soit
invoquée bien après leur éclatement. Cela peut s'expliquer
par le fait qu'il est difficile aux Etats de mobiliser des ressources avant que
n'apparaissent des pertes. On peut aussi relever que les ressources
internationales, notamment celles de l'ONU ne sont pas mobilisées de
façon proactive. La sécurité humaine comme
stratégie préventive implique des dilemmes moraux et
opérationnels ainsi que des questions de compromis à
régler. Les populations, lorsqu'elles subissent une quelconque pression,
font ce qu'elles ont à faire ou peuvent faire pour survivre et pour
changer leurs conditions sociales. Il arrive souvent que leurs actions soient
en contradiction avec les principes de sécurité humaine.
« Si l'on prend par exemple les efforts déployés pour
faire interdire la conscription d'enfants et les armes de petits calibres,
aurions-nous appliqué le principe aux lycéens armés de
Soweto ? »61(*).
- L'interdépendance de ses composantes :
Les sept composantes de la sécurité humaine forment un
tout et l'atteinte à une des composantes a une incidence énorme
sur une autre ou sur tous les aspects. En outre, quelque soit l'endroit du
monde où la sécurité des individus est compromise, les
répercussions de cette violation risquent de s'étendre à
tous les autres pays (ou du moins des pays frontaliers). Des bouleversements de
quelque ordre que ce soit dans une partie du monde peuvent rapidement provoquer
des crises dans une autre, entraînant des conséquences
désastreuses pour la sécurité de tous et
particulièrement des groupes les plus vulnérables que sont les
femmes et les enfants. L'objectif de la sécurité humaine est de
tirer la sonnette d'alarme sur l'impact transfrontière des menaces aux
individus.
A y regarder de près, ces caractéristiques se
rapprochent étroitement de celles des droits de l'homme. Malgré
la polémique qui a été engendré sur sa
généralité, il ne fait plus aucun doute que les droits de
l'homme sont universels, absolus, imprescriptibles et indérogeables.
Cette assimilation qui ne dit pas son nom crée la polémique
autour de la notion de sécurité humaine.
SECTION II : DEBATS AUTOUR D'UNE NOTION DE
SECURITE HUMAINE AMBIGUE.
La sécurité humaine semble bien
admise comme concept nouveau et indépendant par la majorité de la
doctrine et par ses usagers. Cependant, l'analyse de cette notion montre
combien est grand le risque de la confondre aux droits de l'homme. Une partie
de la doctrine pense que ce n'est point un risque, mais plus une
réalité : la « sécurité
humaine » ne serait plus ou moins qu'une version des droits de
l'homme; d'autres par contre voient dans la notion un nouveau principe de
coopération internationale qui viendrait ravir la vedette au
« développement durable ». Face à ces deux
thèses (paragraphe I) qui ne font que compliquer les données, il
est nécessaire de penser une thèse médiane susceptible de
faire avancer le débat, ce qui contribuerait à une
codification62(*) de la
« sécurité humaine » (paragraphe II).
Paragraphe I : Les thèses en
présence
Nous examinerons successivement la thèse qui
tente d'assimiler la sécurité humaine aux droits de l'homme (A)
et celle qui considère la sécurité humaine comme le
nouveau principe de coopération internationale (B).
A- Le risque d'assimilation de la notion de
sécurité humaine aux droits de l'homme.
Les précurseurs de la notion de
sécurité humaine se sont évertués à
démontrer que la sécurité humaine est une notion
indépendante, nouvelle, qui se distingue des autres notions existantes
en droit international et dans les relations internationales, et notamment
des droits de l'homme. Plusieurs tournures linguistiques ont été
utilisées pour cela : droits de l'homme et sécurité
humaine sont deux notions autonomes mais complémentaires, la
sécurité humaine aiderait à repérer les droits de
l'homme qui sont en péril dans une situation particulière et
protègerait les vies humaines de façon à améliorer
l'exercice des libertés et faciliter l'épanouissement
humain63(*) ; la
sécurité humaine est un concept protecteur des droits et
libertés fondamentales qui sont l'essentiel de la vie humaine64(*). Pour qu'elle soit
menacée, il faut qu'existe une situation de violation des droits de
l'homme ayant atteint un seuil de gravité telle qu'elles doivent
susciter le déclenchement d'une réaction internationale et si
nécessaire militaire65(*). Toutes ces tentatives de distinction des deux
notions contribuent plutôt à renforcer le flou qui existait
déjà en la matière. De tout ce qui précède,
il apparaît que le concept réitère les principes de
droits de l'homme déjà admis ; la sécurité
humaine n'est rien d'autre qu'une interprétation particulière des
situations de violations des droits de l'homme et de moyens pour y faire face.
La sécurité humaine apparaît comme une situation, un
état de respect parfait des droits de l'homme : respect des droits
civils, politiques, sociaux, économiques et culturels; « sans
le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
l'objectif de paix durable est impossible et la sécurité humaine
illusoire »66(*). Les droits de l'homme ont eu dès leur origine
pour but ultime que les individus vivre dans la paix et la
sécurité, de manière à exploiter au mieux leurs
capacités et potentialités. L'universalité et la non
discrimination qui les caractérisent ont permis d'aller vers des
sociétés équitables où les individus peuvent vivre
dans un minimum de sécurité. La preuve en est que dans les
sociétés qui respectent un minimum des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, il existe un minimum de sécurité
humaine.
Cependant, si la réalisation des droits de
l'homme aboutit à une situation de sécurité humaine, la
logique inverse n'est pas vérifiée. Toutes les violations des
droits de l'homme ne sont pas des menaces à la sécurité
humaine ; l'interdiction de la liberté religieuse ou de la
liberté de pensée, si elle constitue des atteintes
sérieuses aux droits de l'homme, elle n'en est pour autant pas une
menace à la sécurité humaine- du moins pas directement. Le
concept englobe toute une série d'actions prises et menées sur un
grand ensemble de problèmes mondiaux et n'a pas le caractère
contraignant reconnu aux droits de l'homme et aux libertés
fondamentales. Ce qui a amené à dire que la
sécurité humaine est une version allégée des droits
de l'homme qui peut être plus acceptable pour les gouvernements mais
ferait l'impasse sur les libertés qui protègent
précisément le droit de participation et le pouvoir
d'action »67(*).
En outre, les questions de désarmement et de développement
durable chères à la sécurité humaine ne sont pas
spécifiques aux droits de l'homme. Sont-ils plus proches de la
coopération internationale ?
B- La sécurité humaine comme nouveau
principe de coopération internationale.
La coopération internationale correspond
à l'ensemble des mesures prises au titre de l'aide publique au
développement tel que définies par l'OCDE. Elle comprend aussi
bien les contributions financières aux organismes multilatéraux,
aux gouvernements, aux banques internationales et régionales, aux ONG
que les ressources consacrées à des projets et programmes
bilatéraux ainsi qu'à l'aide humanitaire. Point focal d'une
dynamique institutionnelle, sociale et économique au service du
développement dans la décennie passée68(*), elle semble aujourd'hui se
mettre au service de la sécurité humaine. En effet, le
développement est en train de se transformer en mondialisation, mais
avec la conservation des spécificités acquises durant les
quarante dernières années, « avec simplement un
déplacement de l'objet d'étude, mais une conservation de
l'objectif final à savoir la construction d'une société
plus juste et plus vivable »69(*). Cette transformation est due à l'effusion des
attaques terroristes de toutes parts, des différentes menaces
analysées plus haut et la globalisation des rapports économique,
politique et juridique. Les acquis de la coopération internationale se
trouvent ainsi bouleversés, devant apporter des solutions aux
problèmes globaux de l'humanité, et cela suscite des
interrogations sur l'impact et le rôle de la coopération
internationale. Il devient nécessaire de recadrer la coopération
internationale en mettant un accent particulier sur la cohérence des
actions entreprises à l'échelle gouvernementale et au niveau
international. Les actions de coopération dans le domaine de la
santé, de l'éducation ou de l'environnement doivent aller de pair
avec l'exigence de respect des droits de l'homme et de bonne gouvernance.
Les Etats mènent leurs politiques juridiques
intérieure et extérieure en recherchant des consensus dans le but
de se rapprocher le plus possible des normes et valeurs propres à la
communauté internationale. Le droit international se transforme ainsi en
un droit de coopération et de solidarité comme le dit Daniel
COLARD70(*) dans lequel
la sécurité humaine est un élément clé.
Le développement mis à part, un
autre aspect de la coopération internationale dans lequel la
« sécurité humaine » a un impact certain est
la question de la paix. Cette dernière a jusqu'ici reposé sur le
postulat selon lequel dans l'ordre interne d'un Etat, la paix publique va de
pair avec le maintien de la tranquillité publique, elle même gage
de la sécurité des biens et des personnes. Avec la notion de
sécurité humaine, la sécurité internationale n'est
plus définie comme un état de tranquillité, du moins de
stabilité existant au sein d'un groupe d'Etats et résultant de
l'absence de menaces militaires contre la paix ; il devient de plus en
plus possible de dissocier sécurité et paix dans l'ordre
international71(*). Dans
un souci de préservation de la paix, la communauté internationale
multiplie ses interlocuteurs : acteurs publiques, privés ou
société civile doivent s'allier pour développer des
actions et mesures intégrées de paix. Les Etats ne sont plus les
seuls « faiseurs de paix »72(*) à l'intérieur de leurs
frontières n'ayant de compte à rendre à personne.
Restreindre la sécurité humaine au
domaine des droits de l'homme ou le jeter en pâture sur le devant de la
scène internationale ne traduit pas exactement des
réalités qu'elle recouvre. Il est nécessaire de
repérer dans ces deux thèses les éléments
susceptibles de mieux exprimer la notion.
Paragraphe II- Une tentative d'élaboration d'une
thèse médiane.
Des deux thèses évoquées ci-dessus il
apparaît que la sécurité humaine est une nouvelle forme de
réalisation de certains droits de l'homme sans toutefois leur
reconnaître le caractère de droit pour faciliter leur insertion
dans les politiques des Etats et de la communauté internationale. En
effet, comme droits, ils ont un caractère contraignant et commandent
l'action des Etats ; en outre, leur non respect ou leur violation
engagerait des responsabilités individuelles et collectives. Or, axer
l'approche de la sécurité humaine sur les droits de l'homme
contribuerait à leur faire perdre la rigueur qui leur a
été durement acquise. Elle présente toutefois
l'intérêt d'initier des actions au niveau mondial qui participent
à la protection des droits de l'homme. La sécurité humaine
peut être pensée comme un principe de coopération
internationale qui permet la réalisation des droits de l'homme,
même dans les domaines qui posent le plus souvent des problèmes.
Elle n'engage pas non plus de responsabilité individuelle, mais elle
implique une obligation morale à la simple conscience des gouvernements.
Mais puisqu'elle peut faire l'objet de catégorisation et même de
classification (entre les différentes menaces, de la plus grave à
la moins grave), elle peut attirer l'attention de la communauté
internationale sur une violation des droits de l'homme pendant une
période donnée et sur un territoire précis. En effet,
les priorités en matière de droits de l'homme et de
sécurité ne sont pas les mêmes dans les différentes
régions du monde ; c'est comme le beau temps de l'agriculteur qui
aspire à la pluie n'est pas le même que celui du vacancier qui
aspire au soleil. Il faut remarquer que le désarmement, la paix et le
développement sont des autres grandes questions de la
sécurité humaine qui n'ont en définitive que pour but la
création d'un cadre propice à l'expression des droits de l'homme
et de la dignité humaine. La sécurité humaine permettrait
donc d'analyser le problème sous des angles différents, de
manière à satisfaire toutes les parties en cause. Si les droits
de l'homme ne sont pas protéger sur leurs fronts normaux, la notion
ouvre une autre brèche de protection.
CHAPITRE 2: LA SÉCURITÉ HUMAINE :
UNE NOTION DIFFICILEMENT OPERATOIRE.
La profusion d'écrits ayant entraîné des
controverses sur la notion de sécurité humaine est loin
d'être bénéfique à son application. Les
difficultés d'application sont d'autant plus grandes que la notion ne
fait l'objet d'aucune consécration textuelle propre, elle semble relever
du prospectif. Cependant, il est possible d'interpréter les Conventions
existantes et de rattacher la « sécurité
humaine » à des sources juridiques formelles (section I). La
sécurité humaine est donc saisie par le droit. Les efforts
d'objectivation de la notion n'ont pas encore abouti aux résultats
escomptés en terme de précision. D'où les
difficultés à dégager concrètement les droits
qu'elle véhicule, pour en assurer la protection par les organes
appropriés. C'est la raison pour laquelle on assiste aujourd'hui
à un certain désordre caractérisé par une
multiplication maladroite des interventions de la part des institutions
onusiennes et interétatiques (section II) sous le couvert de l'objectif
général de protection de l'humanité.
SECTION I- L'ABSENCE DE CONSECRATION TEXTUELLE DE LA
« SECURITE HUMAINE ».
Le terme « sécurité
humaine » ne figure dans aucun texte juridique international. A
l'heure actuelle, on ne lui reconnaît que des sources matérielles
traduisant des idéologies dominantes dans les relations internationales
et de la mise en place de structures comme la Commission des Nations Unies sur
la Sécurité Humaine (CSH) ou le Réseau pour la
sécurité humaine (RSH). Elle n'a pas encore de sources formelles
qui lui permettraient d'être intégrée entièrement
dans le droit positif. Cependant, une exploration doublée d'une
interprétation adéquate des textes existant dans le domaine des
relations internationales et des droits de l'homme (paragraphe 1) permet de
trouver des éléments d'une force juridique susceptible
d'être attachée à la sécurité humaine
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 - La tentative d'encadrement
juridique de la « sécurité
humaine ».
Lorsqu'on considère la notion de sécurité
humaine à travers ses éléments constitutifs, il est
possible de la rattacher à des sources juridiques formelles. D'abord, en
tant qu'aspect de la sécurité nationale et internationale, elle
est définie par les instruments de l'ONU (A). Ensuite,
appréhendés sous l'angle des droits de l'homme, ses sept
composantes bénéficient de la protection des instruments et
mécanismes du DIDH (B). Enfin, « la sécurité
humaine » a un aspect humaniste et se rapproche plus ou moins de
l'idée de protection des individus en période de guerre,
développée par les normes du droit international humanitaire
(C).
Par les instruments des Nations Unies relatifs à
la paix et à la sécurité internationale.
La sécurité des individus a toujours
été la principale préoccupation de la communauté
internationale. D'abord avec la SDN, maintenant avec l'ONU. En effet, la paix
mondiale s'articule de plus en plus autour des questions de
sécurité mondiale qui se veut toute entière centrée
sur la sécurité et la paix des Etats aussi bien que des
individus. La communauté internationale a pris conscience de cet aspect
dans la Charte des Nations Unies. Lorsque l'idée de créer une
organisation internationale sur les cendres de la SDN naît, ses
fondateurs, Wilson ChurChill et Franco D. Roosevelt se rencontrent pour
rédiger une Charte qui proclame l'attachement au droit des peuples
à se gouverner eux-mêmes et à un système
étendu de sécurité générale. La
sécurité est l'objet de la première résolution de
la CNU. Dans son préambule, la Charte dispose en effet que :
« Nous, les peuples des Nations Unies, résolus à unir
nos forces pour maintenir la paix et la sécurité
internationale... ». C'est aussi l'un de ses buts premiers :
« maintenir la paix et la sécurité internationale et
à cette fin, prendre des mesures collectives efficaces en vue de
prévenir et d'écarter les menaces à la paix et
réaliser par des moyens spécifiques, conformément aux
principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le
règlement de différends ou des situations de caractère
international susceptibles de mener à une rupture de la
paix »73(*). Il
est assez évident dans cet article que la sécurité,
étroitement liée à la paix est appréhendée
sous un aspect militaire : sécurité des individus contre
toute menace militaire sur le territoire étatique et
sécurité collective, celle de l'ensemble des Etats à
travers le système onusien de maintien de la paix. Cependant, cette
définition approche la sécurité de façon
restrictive. Si la CNU concerne d'abord les relations entre Etats, on y trouve
de nombreux éléments sur la sécurité des peuples et
des hommes. Les Etats se déclarent résolus « à
préserver les générations futures du fléau de la
guerre... à proclamer à nouveau notre foi dans les droits
fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne
humaine, dans l'égalité des droits des hommes et des femmes,
ainsi que des nations grandes et petites ... ; à favoriser le
progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie
dans une liberté plus grande ». Et à ces fins
« à pratiquer la tolérance, à vivre en paix l'un
avec l'autre dans un esprit de bon voisinage... et à recourir aux
institutions internationales pour favoriser le progrès économique
et social de tous les peuples »74(*). Au sens large donc, la sécurité
internationale est conçue en termes économique, social,
politique, écologique, démographique et
énergétique. « Autrement dit, la sécurité
des personnes, des peuples et des Etats est synonyme de moyens pacifiques, mais
aussi justes, démocratiques et durables mis en oeuvre à tous les
niveaux géographiques, en particulier au niveau
internationale »75(*). A ce niveau la sécurité humaine semble
être synonyme de paix internationale. Les termes
« sécurité » et « paix »
sont employés de manière indistincte dans la Charte. La
sécurité humaine apparaît à ce niveau comme un
synonyme de sécurité collective.
A- Par le Droit International des Droits de
l'Homme.
Le droit international des droits de l'homme, né sous
les auspices de l'ONU a pour ambition d'effacer la distinction traditionnelle
entre l'ordre juridique interne et l'ordre juridique international. Plusieurs
textes sont affectés à cet effet dont les plus importants sont la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1945
et les Pactes de 1966, l'un sur les droits civils et politiques, l'autre sur
les droits économiques, sociaux et culturels. L'art 10 de la DUDH pose
le principe de la sécurité individuelle : « toute
personne a droit à la liberté et à la sûreté
de sa personne ». Si cet article énonce un seul aspect de la
sécurité humaine, elle est complétée tout au long
de la Déclaration par plusieurs autres articles. On peut noter l'article
28 qui dispose que ; « toute personne a droit à ce
que règne sur le plan social et sur le plan international un ordre tel
que les droits et libertés énoncés dans la présente
Déclaration puissent y trouver plein effet ». Daniel COLARD
établit une liaison fort intéressante entre le « plan
social » et le « plan international » et le fait
que ce texte soit présenté comme l'idéal commun à
atteindre par tous les peuples et toutes les nations76(*). Il convient de noter aussi
que si la Déclaration n'est pas en elle même juridiquement
contraignante, ses principes sont communément admis par les Etats comme
principes fondamentaux de droit coutumier ou principes généraux
de droit international. Pour éviter toute polémique sur sa force
juridique, ses principes ont été réaffirmés dans
les Pactes de 1966 qui convertissent en normes juridiques obligatoires pour les
Etats les principes énoncés par la Déclaration de 1948.
Tous ces droits de l'homme s'articulent autour des droits à la vie,
à la sûreté personnelle et physique, à
l'alimentation, à l'éducation, à la santé, à
l'accès à la justice...etc. qui sont tous des
éléments de la sécurité humaine. Une lecture
superficielle mènera à une confusion de ces deux notions. La
sécurité personnelle est synonyme de sûreté des
individus telle que définie dans le DIDH77(*). Les textes relatifs aux droits de l'homme ont bien
prévu cette situation. En effet, selon l'art. 25 de la DUDH,
« Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour
assurer sa santé et son alimentation... » et l'art. 11al.1 du
PIRDESC, les « Etats parties à ce Pacte reconnaissent le droit
de toute personne à un niveau de vie suffisante, y compris une
nourriture adéquate et s'engagent eux-mêmes à prendre
toutes dispositions nécessaires pour rendre effective la
réalisation de ce droit. ». La Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples reprend en substance ces dispositions dans son article
16. Les droits politiques qui assurent la sécurité politique sont
énoncés dans les articles 19 à 21 de la DUDH, les art.
19, 21 et 22 du PDCP et les art.10, 11 et 13 de la CADHP. Ces articles
reconnaissent à tout individu la liberté d'expression et
d'opinion, la liberté de réunion et d'association et le droit de
participer à la gestion et à la direction des affaires publiques
de l'Etat. Un droit des communautés n'est pas expressément
mentionné dans la DUDH ou le PIDSEC, mais dans des conventions
différentes. On peut citer par exemple la Convention sur
l'élimination de toute forme de discrimination raciale ou la Convention
sur les populations autochtones. Seule la CADHP a expressément
incorporé ces droits dans son texte dans les art. 20 à 24 qui
reconnaissent aux « peuples » le droit à
l'existence, à la disposition de leurs richesses, au
développement économique, à la paix et à la
sécurité et le droit à un environnement sain. Droit que la
Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a consolidé
dans l'affaire Social and Economic Rights Action Center for Economic and Social
Rigths contre le Nigéria78(*). En l'espèce, le Nigéria a
autorisé l'exploitation du pétrole par des compagnies
pétrolières internationales, exploitation qui a été
faite au mépris des droits fondamentaux des autochtones, le peuple
Ogoni, et des considérations environnementales. La Commission a
renforcé les droits reconnus aux communautés et aux peuples comme
droits de plusieurs hommes constituant les citoyens d'un pays.
La sécurité humaine est envisagée ici
dans un sens individuel, chaque individu étant titulaire de ces droits
de manière indivisible et sans considération
spécifique.
B- Par les normes du Droit International
Humanitaire.
Fondé par Henri DUNANT en 1860, ce droit s'est
développé au 20ème siècle avec
l'humanisation du jus ad bello avant et après les deux grandes
conflagrations mondiales. Le DIH s'applique en période de conflit
armé interétatique ou se déroulant dans les
frontières d'un Etat. Il vise la protection des individus parties ou non
au conflit. La fondation du CICR, les Conventions de la Haye de 1899 et 1907,
les quatre conventions de Genève de 1949 et les deux protocoles
additionnels de 1977 qui le constituent sont un ensemble de règles
internationales d'origine conventionnelle ou coutumière qui sont
principalement destinées à régler les problèmes
humanitaires découlant directement des conflits armés,
internationaux ou non. Ses normes protègent les individus, les
communautés et les biens de ces derniers. Le droit international
humanitaire est cependant limité aux Etats belligérants ou
groupes impliqués dans un conflit interne donc à des acteurs
étatiques et à des groupes organisés. Il a
été élaboré pour normer le comportement des
Etats ; ces derniers étant, en tant que titulaires de la
souveraineté et des droits qui en découlent, seuls titulaires du
droit d'exercer légitimement la force, dans le but de protéger
les individus vivant sur leurs territoires.
Le DIH a pour but la protection des personnes qui ne
participent pas au conflit (civils) ou ne participent plus au conflit. Il
impose plus d'obligations et de ce fait, engage la responsabilité
pénale individuelle en cas de violation des Conventions de Genève
et du Protocole additionnel I. Malgré les grandes différences
dans la formulation, l'essence de certaines règles du DIH et de la
sécurité humaine sont identiques. Ils visent tous les deux
à protéger la vie humaine des menaces contre sa personne et
contre les biens nécessaires à sa survie. Par ailleurs,
plusieurs des principes qui soutendent la sécurité humaine couvre
des aspects qui ne relèvent pas du DIH. De même, le DIH traite
d'aspects qui ne relèvent pas du domaine d'application de la
sécurité humaine comme le statut des combattants et des
prisonniers de guerre, la conduite des hostilités et la protection des
emblèmes. En outre, compte tenu de l'évolution actuelle du DIH
dans son application - réglemente toujours le comportement des Etats,
mais donne de plus en plus la priorité aux individus qui se trouvent
malgré eux au coeur de leurs factions- il se retourne vers ses objectifs
premiers, la protection des individus. Et en cela, il se confond à la
sécurité humaine des individus en période de conflit
armé. La notion est appréhendée ici sous un angle
collectif, dans un souci de protection de l'humanité et
d'allègement des souffrances.
Paragraphe 2- La Protection par détour de la
sécurité humaine.
Le rattachement de la « sécurité
humaine » à des sources formelles de droit a pour
conséquence immédiate le déclenchement des
mécanismes de protection. Cette protection ne peut malheureusement pas
être totale car certains éléments comme le
développement et le désarmement ne sont pas des droits et ne
peuvent être protégés. Suivant la logique adoptée
supra, la sécurité humaine peut être protégée
au titre de sécurité internationale et nationale (A) d'une part
et au titre des droits de l'homme (B) d'autre part.
A- La protection de la sécurité humaine
comme sécurité classique.
Le concept de sécurité est à l'origine de
la théorie de l'État puisque sa première mission est de
protéger les membres de la collectivité qui en retour lui
prêtent allégeance. Il se met ainsi au service de la
collectivité qui lui donne le pouvoir d'assurer certaines fonctions. Ces
fonctions sont reconnues dans la CNU au paragraphe 7, art.2 : l'Etat
souverain est habilité en droit international à exercer une
compétence exclusive et totale à l'intérieur des
frontières de son territoire. Les autres Etats ont l'obligation
correspondante de ne pas intervenir dans les affaires intérieures de
l'Etat. Ce pouvoir, la souveraineté qui lui est donnée est
aujourd'hui en cours de redéfinition due au fait de la primauté
que prend l'individu sur l'Etat par les phénomènes de
mondialisation et de coopération internationale. Les individus
reprennent petit à petit les pouvoirs qu'ils ont octroyés
à l'Etat. Il en résulte une sorte de conflit entre l'Etat et
l'individu qu'il est pourtant censé protéger. La
souveraineté de l'Etat s'oppose à la
« souveraineté de l'individu »79(*), la nécessité
d'assurer la conciliation entre ces deux souverainetés dans les
relations de l'individu avec l'Etat et de l'Etat avec les autres Etats. La
consécration de la suprématie de la souveraineté des
individus a donné naissance à l'ingérence pour causes
humanitaires. La consécration de la souveraineté de l'individu
tel que le veut la sécurité humaine peut avoir des
conséquences négatives sur ceux mêmes que le principe veut
protéger. Avant d'ôter sa souveraineté aux Etats, il
faudrait clairement définir qui exercera ses fonctions. En l'état
actuel des choses, la question n'a pas encore de réponse claire, car si
l'ONU tente de jouer ces fonctions elle a toutefois recours aux Etats en ce qui
concerne les modalités pratiques. Il semble approprier pour une
meilleure protection d'associer sécurité humaine et
sécurité nationale.
La sécurité nationale est en effet la
première acception du terme de sécurité sur le plan
international. Cependant, les conflits sont de moins en moins étatiques
et de plus en plus internes aux Etats-nations. En outre, l'abolition des
distances et l'interdépendance chez les populations ont permis la
fusion progressive de la sécurité nationale avec la
sécurité internationale : Il n'est plus possible de
concevoir la sécurité internationale lorsque les
sécurités nationales et la paix civile sont incertaines. En
outre, comme le relève judicieusement Yves MADIOT, l'équation
selon laquelle la réduction de l'Etat serait égale à plus
de liberté et plus de développement humain est non
vérifiée et dangereuse, car elle marque une régression qui
aboutira à la suppression des services publics pourtant
déterminant pour la mise en oeuvre des droits de l'homme80(*).
La sécurité est de plus en plus pensée
dans son environnement social et culturel, la paix est de plus en plus fonction
du développement, de la sécurité des ressources, de la
protection de l'environnement et des droits de l'homme. Bertrand RAMCHARAN
résume ainsi le nouveau paradigme des sécurités :
« La sécurité individuelle doit être la base de
la sécurité nationale et une sécurité nationale
fondée sur la sécurité individuelle doit être la
base de la sécurité internationale. La sécurité
nationale et la sécurité internationale sont impossibles sans la
sécurité individuelle qui passe par le respect des droits de
l'homme et des libertés fondamentales »81(*).
Cependant, avec les évènements du 11 septembre
2001, la logique de la sécurité nationale a fait un retour en
force sur le plan international. Les considérations pour la
sécurité militaire et la défense des territoires ont
été accrues, sans doute avec vigueur en raison du
caractère imprévisible des attaques terroristes. La
sécurité nationale est maintenant utilisée pour justifier
les invasions et les ingérences dans les affaires des pays plus faibles.
Cet état de fait plonge le monde dans un lourd climat
d'insécurité. Dans ce contexte, « l'appel de la
sécurité humaine doit être plus fort que
jamais »82(*),
car les menaces s'aggravent et la tentation est grande de reléguer
l'individu au second plan comme avant 1948.
B- La protection au titre des droits de
l'homme
Elle s'effectue au niveau de nombreuses institutions
internationales et régionales. Nous nous attarderons
spécialement sur la protection au niveau africain.
Sur le plan international, les organes non juridictionnels de
protection des droits de l'homme sont les commissions et les comités. Le
Conseil économique et social des Nations Unies a crée une
Commission des droits de l'homme, qui est saisie par des pétitions, les
Etats et les ONG qui lui signalent les violations des droits de l'homme. Les
Etats doivent lui présenter des rapports sur l'état des droits
de l'homme aux niveaux nationaux, selon un cycle triennal. Cette
procédure est prisée par les Etats parce qu'elle n'est pas
contraignante ; par conséquent, son efficacité est presque
nulle83(*). Les
Comités quant à eux examine les rapports transmis par les Etats
sur la situation de leur législation au regard des textes auxquels ils
ont adhéré. Ils examinent aussi les communications d'un Etat
contre un autre Etat, ainsi que celles des particuliers ou groupe de
particuliers. Mais pour ces dernières, il faut que l'Etat
concerné ait préalablement accepté la compétence du
comité sous la forme d'adhésion à un protocole ou d'une
déclaration spéciale84(*). Si les individus ne peuvent pas saisir directement
les comités ou les commissions (dans certains cas), tous les cas qui y
sont débattus concernent leur protection. La commission des droits de
l'homme de l'ONU a compétence générale en ce qui concerne
les droits de l'homme, tandis que celle des comités est
déterminée par les textes qui les créent. Plusieurs
critiques sont faites à leurs égards, relative à leur
compétence limitée, leur faible intensité, le fait qu'ils
donnent « bonne conscience » aux Etats et que leur
coût politique soit moindre85(*). En outre, le caractère programmatoire de
certains droits comme le droit à la santé et le droit aux
conditions de vie satisfaisantes ne donne pas la possibilité de
contrôler vraiment leur mise en oeuvre86(*). Toutefois, quelques limites entravent
l'efficacité de ces institutions. Elles sont relatives au cadre
même de l'action de l'ONU, au caractère politique des organes et
des autorités de décisions auxquels il faut ajouter le manque
de cohérence dans son action87(*).
Dans le cadre régional africain, la Charte laisse le
choix aux Etats entre une procédure de négociation et le recours
devant la Commission et la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples.
La procédure de négociation est relative à la
communication -négociation selon laquelle si un Etat partie a de bonnes
raisons de croire qu'un autre membre de l'Union africaine commet des violations
des droits de l'homme, il peut lui exiger des explications ou
déclarations écrites contenant les indications adéquates
susceptibles de résoudre le problème. Cette procédure,
malgré le fait qu'elle laisse la surveillance des droits de l'homme aux
Etats n'a pas pu séduire les Etats africains. Les commentateurs de la
Charte n'y accordent que quelques pâles et brèves observations,
incitant même à une insignifiance de la norme88(*). Le recours devant la
Commission et la Cour (bien que celle-ci ne soit pas encore effective)
institué dans la deuxième partie de la Charte semble avoir plus
de succès. Dans sa mission de prévention, sa principale fonction
est d'examiner les communications introduites par les individus, les ONG et les
Etats parties à la Charte alléguant des violations des droits de
l'homme par ces Etats. Sa saisine est soumise à plusieurs conditions
dont les plus importantes sont la condition préalable
d'épuisement de voies de recours internes et lorsqu'il existe une
situation de violences graves et massives des droits de l'homme. La Commission
tente de mener à bien sa mission, même si son efficacité
peut être relativisée devant les situations d'atteintes graves aux
droits de l'homme et du fait de son caractère non contraignant. C'est
pour cela qu'il a été crée une Cour africaine des droits
de l'homme et des peuples qui est un apport important au mécanisme
régional existant et au DIDH en général. Ses
décisions ont force contraignante, autorité de la chose
jugée et sont définitives. En outre, elle décide des
réparations contrairement à la Commission qui attire simplement
l'attention des chefs d'Etats sur les situations de violations
constatées. Ces différents mécanismes de protection de
droits de l'homme ne sont pas fixés dans la pratique sociale du
continent africain et doivent faire l'objet d'une consolidation.
Par conséquent, les éléments de la
sécurité humaine qui peuvent en faire parti
bénéficient a priori de la protection qui leur est
accordée par les institutions non juridictionnelles, les institutions
juridictionnelles, les ONG et différents groupes de pression et
même des individus.
SECTION II- LA « SECURITE
HUMAINE », TITRE POUR LA MULTIPLICATION DES INTERVENTIONS
INTERNATIONALES.
La sécurité des personnes, sous quelque angle
qu'elle se présente, oblige la mise en place à l'échelle
internationale de mesures de responsabilité du fait des atteintes qui
lui sont portées. La mise en cause des responsabilités se fait
auprès d'institutions spécifiques. Cependant, le fait que la
sécurité humaine couvre plusieurs domaines différents
suppose que plusieurs institutions lui sont affectées. C'est ainsi que
le Conseil de sécurité des Nations Unies (paragraphe 1), les
institutions financières mondiales (paragraphe 2) ainsi que les
juridictions pénales internationales (paragraphe 3) interviennent
concomitamment dans le but de protéger l'humanité et d'en assurer
sa survie.
Paragraphe 1 : Les interventions des institutions
politiques et financières internationales.
Les institutions internationales dont il s'agit ici sont le
Conseil de sécurité de l'ONU et les institutions
financières mondiales. Tandis que le premier agit de manière
directe et légitime dans le souci d'assurer la sécurité
des individus dans un cadre qui dépasse maintenant de loin sa
compétence originelle (A), les secondes s'y prennent avec plus de
subtilité (B).
A- La position du conseil de sécurité de
l'ONU
L'art. 24 de la CNU confère au Conseil de
sécurité la responsabilité première du maintien de
la paix et de la sécurité internationale, initialement entendues
au sens militaire et dans un cadre interétatique. Au delà de
cette approche qui est certes toujours d'actualité, la
réalité est un peu plus complexe. Puisqu'il est admis depuis
longtemps que les menaces à la sécurité humaine ne sont
plus du seul ordre militaire, mais de tout ce qui porte atteinte à la
vie humaine et à l'humanité, le Conseil de sécurité
tend à s'intéresser « à ceux là
mêmes qui conduisent les opérations et à ceux qui en sont
les bénéficiaires, les individus »89(*). Cette nouvelle
préoccupation pour la sécurité humaine a servi d'alibi
pour l'adoption de nombreuses résolutions ayant pour objet des questions
humanitaires et légitimant des interventions militaires à des
fins humanitaires.
Cependant, ces interventions s'effectuent au mépris de
la souveraineté étatique. Or la souveraineté,
compétence de la compétence selon JELLINEK, synonyme
d'indépendance dans les relations entre Etats90(*) a pour corollaire la
liberté d'action des Etats exprimée par la non intervention. Mais
ce principe est remis en cause par l'exclusion des droits de l'homme du domaine
réservé des Etats. Leur protection et leur promotion sont une
obligation commune internationale. La reconnaissance de l'impératif de
protéger la personne humaine a donné lieu à la
consécration d'un droit d'ingérence humanitaire en vertu duquel
les Etats -et les organisations d'Etats- seraient fondées à
apporter une aide d'urgence aux populations se trouvant en
détresse91(*).
Quand des individus souffrent gravement du fait de l'Etat ou de
l'incapacité de celui-ci à leur assurer une certaine protection,
la « responsabilité internationale de protéger prend le
pas sur le principe de non intervention »92(*). Le Conseil de
sécurité a appliqué ce principe à plusieurs cas, et
toutes les fois, l'intervention humanitaire a suscité des controverses
du fait de sa présence ou de son absence93(*). On peut, à titre d'illustration, citer les
cas du Rwanda, du Kosovo, de la Bosnie et de la Somalie, et plus
récemment de la Côte d'Ivoire. Au Rwanda, l'ONU avait connaissance
de la préparation du génocide de 1994, mais le Conseil de
Sécurité a refusé de prendre des mesures propres à
l'empêcher sur la base de la non ingérence dans les affaires
internes du pays ; le génocide a eu lieu, entraînant une
catastrophe humanitaire au Rwanda et la déstabilisation de toute la
région des Grands Lacs. Certains peuples africains en ont conclu que la
non intervention de l'ONU manifestait de l'infériorité de
certaines vies humaines sur d'autres94(*). Lorsque survient la crise en ex-Yougoslavie une
année plus tard, l'ONU prend des mesures concrètes en
créant des zones de sécurité en Srebrenica pour abriter
des réfugiés ; malheureusement, des milliers de ces
réfugiés sont massacrés. Cet état de fait permet de
mesurer les répercussions possibles de la politique d'intervention
à des fins humanitaires et ainsi de légitimer certaines
réticences à son sujet. En 1999, tirant une leçon des
erreurs du Conseil de sécurité, la communauté
internationale tente de rectifier le tir face à la crise du Kosovo, et
l'OTAN décide d'une intervention. Son intervention est vivement
critiquée. Ainsi, des questions comme la légitimité de
l'intervention militaire dans un Etat souverain, la détermination de la
gravité des violences commises, la juste cause de l'intervention sont
soulevées. Il en va de même de l'impact de cette intervention sur
l'ordre juridique international. La grande question qui est posée est de
savoir si l'OTAN n'était pas intervenu, le Kosovo aurait-il fait face
à une guerre civile sanglante et sans fin ou pire encore à un
génocide comme au Rwanda et en Bosnie ? Quoi qu'il en soit, une
intervention afin de sauver des vies humaines doit être bien
préparée et focalisée sur son objectif. Le retrait
précoce des opérations de paix en Somalie dû à une
mauvaise planification et à une forte dépendance de
l'intervention à la force militaire a eu des conséquences
désastreuses sur les individus qui en subissent encore les effets
aujourd'hui, après plus de 10 ans.
Cet ensemble de prises de positions du Conseil de
sécurité traduit deux choses : primo, il s'opère un
véritable changement culturel sur la scène internationale,
même si le Conseil ne manque pas de rappeler à tout moment sa
responsabilité première en matière de maintien de la paix.
Secundo, son action tend à donner un contenu de plus en plus concret
à la notion de sécurité humaine, même si
l'expression en elle même n'est pas employée. Josiane TERCINET
appelle cependant à la mesure et à la prudence à ce
propos, car « ne sont visés que les aspects de
sécurité humaine liés aux opérations de paix,
autrement dit ce que l'on pourrait appeler la sécurité humaine de
base »95(*). Les
interventions sont censées réparer les dégâts
politiques et économiques des situations de crises et de tensions.
L'action des institutions financières mondiales reflète le soucis
de la communauté internationale d'éviter que ne se produisent des
crises politiques ayant pour causes des problèmes économique ou
ayant des incidences économiques graves.
B- Les interventions des institutions
économiques mondiales pour une sécurité des individus.
La Banque Mondiale, le FMI, l'OCDE, l'OMC intègrent de
plus en plus les considérations de sécurité humaine dans
leur arsenal normatif et dans leurs actions sans toutefois employer le terme
sécurité humaine, mais plutôt celui de
« conséquences sociales des politiques
économiques » ou de « développement
humain »96(*).
La lutte contre la pauvreté, les inégalités sociales et le
VIH/SIDA, la mise sur pied des actions en vue du développement durable
et la participation de la société civile font partie
intégrante du discours des institutions de Bretton Woods. Elles font
désormais valoir que la lutte efficace contre la pauvreté ne se
résume pas simplement à encourager la croissance
économique, mais également à aborder la question des
inégalités politiques et sociales qui maintiennent les pauvres
dans la pauvreté. Dans son Rapport 2005 relatif à l'Objectif de
développement pour le millénaire, la Banque Mondiale incite les
pays riches à viser plus haut et faire mieux du point de vue de leurs
programmes politiques et mesures de gouvernance en ce qui concerne l'aide, les
échanges commerciaux et l'allègement de la dette des pays en voie
de développement. Entre la lutte contre la pauvreté, la bonne
gouvernance et le développement, elle a fait de la santé son
domaine prioritaire pour l'année 200597(*).
On peut également voir dans les accords sur les Aspects
de la propriété intellectuelle touchant au commerce (ADPIC) et la
Déclaration de Doha issus de l'OMC des considérations de
sécurité humaine, notamment dans le domaine de la santé
publique et de l'accès aux médicaments essentiels. L'OMC fait
sienne les préoccupations des pays les moins avancés concernant
l'accès aux soins de santé et aux médicaments et prend des
mesures pour permettre à leurs populations de ne pas succomber aux
pandémies comme le VIH/SIDA ou le paludisme à cause de la
règlementation commerciale internationale.
Toutes ces interventions ont une origine et une forte
incidence politique qui malheureusement ne contribuent pas à
responsabiliser la société internationale sur les questions de
sécurité humaine. Pour arriver à cette fin, il faut
compter sur les interventions des juridictions répressives.
Paragraphe 2 : L'action des juridictions
pénales internationales dans une perspective de protection de
l'humanité.
Lorsqu'on évoque la sécurité humaine on
n'y voit de prime abord pas de relation avec le droit pénal ; mais
la violation massive des droits de l'homme et du DIH installe un climat
d'insécurité. Des foyers de conflits ont contribué
à faire sauter les barrières de la souveraineté et des
immunités pour faire répondre les responsables des crimes odieux.
Cet état implique une sécurité juridique, corollaire de la
sécurité humaine qui doit permettre de sanctionner les coupables
et d'indemniser les victimes dans le respect de certains principes
fondamentaux98(*). Des
tentatives ont été amorcées avec les tribunaux
pénaux spéciaux, mais une véritable protection de la
sécurité humaine s'exercera par la Cour Pénale
Internationale (CPI) même si elle a circonscrit son domaine aux menaces
les plus graves (A). Cette protection s'analyse autour des sanctions des
responsables des situations d'insécurité humaine et la
prévention des exactions possibles par les gouvernements et les
belligérants (B).
A - La prévention et la sanction des crimes
contre l'humanité les plus
graves
Les violations contre la dignité humaine du fait des
conflits armés internes ou internationaux sont sanctionnées par
les juridictions pénales internationales. Les atrocités commises
pendant les deux grandes conflagrations mondiales ainsi que lors des
génocides rwandais et yougoslave ont justifié le titre de
compétence attribué à des juridictions, qu'elles soient
préexistantes aux faits ou créées spécialement
à cet effet. De fait, pour le TPIY les crimes contre l'humanité
relèvent de la catégorie de ceux qui attirent l'attention de la
communauté internationale : « La raison pour laquelle les
crimes contre l'humanité scandalisent tellement la conscience de
l'humanité et justifient l'intervention de la communauté
internationale tient à ce que les actes résultent d'une tentative
délibérée de cibler une population
civile »99(*).
Ces juridictions précisent le contenu des différents crimes dans
un sens qui est favorable aux victimes. C'est ainsi que dans l'affaire
Akayesu, le TPIR a condamné l'accusé pour viol entendu comme
crime contre l'humanité. Le jugement énonce
que : « les violences sexuelles faisaient partie
intégrante du processus de destruction particulièrement
dirigé contre les femmes tutsies et ayant contribué de
manière spécifique à un anéantissement du groupe
tutsi considéré comme tel »100(*).
Lorsqu'une juridiction a vocation d'assurer le respect du
droit international humanitaire, elle a le devoir de respecter elle-même
les principes fondamentaux de la matière pénale101(*). La CPI a un
caractère permanent, contrairement aux TPIS. Elle couvre un large
éventail des crimes contre l'humanité et de crimes de guerre
reconnus, dont certains sont décrit de manière plus
détaillée dans son statut, notamment la catégorie des
violences sexuelles constitutives de crime contre l'humanité. Elle
incrimine de nouveaux faits, par exemple le recrutement d'enfants soldats.
L'action de la CPI est cependant limitée aux crimes les plus graves
contre l'humanité. Claude GARCIN à ce propos note qu'il ne
convient pas « d'asphyxier la CPI avec une compétence trop
large... il fallait se concentrer sur les infractions les plus
graves »102(*). Le traité de Rome a ainsi distingué
quatre crimes : le crime de génocide, les crimes contre
l'humanité, les crimes de guerre et le crime d'agression. Ces
différents crimes portent une atteinte directe à la
sécurité des individus. Un exemple illustratif de la
compétence pénale en matière de sécurité
humaine est l'action du conseil de sécurité qui
défère la situation du Darfour à la CPI le 31 mars 2005
par la résolution 1593.
B- La sanction des responsables de
l'insécurité de l'humanité
La menace d'adoption ou d'application effective de sanctions
juridiques internationales est devenue ces dernières années un
nouvel élément important de la panoplie des outils de
prévention internationale et de sécurité des individus.
Les tribunaux pénaux spéciaux chargés de connaître
des crimes contre l'humanité commis au cours de conflits précis-
ceux de l'ex-Yougoslavie, du Rwanda et, plus récemment, de la Sierra
Léone amènera les éventuels auteurs de crimes contre
l'humanité commis à réfléchir davantage aux risques
de sanctions internationales qu'ils courent. La CPI quant à elle,
établit un mécanisme qui permet de juger des responsables de
crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. En effet, les
juridictions pénales internationales sont compétentes à la
base pour connaître des crimes commis par des personnes physiques. Elles
soulèvent la responsabilité individuelle des personnes physiques
ayant participé à des crimes contre l'humanité, à
des infractions graves aux Conventions de Genève, à un
génocide. La CPI renforce cet aspect car elle a compétence pour
mettre en cause la responsabilité des gouvernants et des chefs d'Etats.
Ces deux mesures constituent des applications importantes de la
sécurité humaine103(*). Ce processus avait déjà
été entamé par les TPIS qui ont jugés des
responsables publics ayant participé aux exactions. Tel a
été la cas du TPIY dans l'affaire Dusko Tadic104(*) dans laquelle le TPIY a
reconnu coupable Dusko Tadic, qui a été président du parti
démocrate serbe, secrétaire de la communauté locale et
représentant de l'assemblée municipale de Priejor de
persécution, traitement inhumains et cruels, viol, homicide, atteinte
à l'intégrité physique et mentale dans des camps serbes
pendant le conflit en ex-Yougoslavie en 1992. Le TPIR a rendu une
décision semblable contre l'ancien premier ministre rwandais Jean
Kabanda qui a été condamné à vie le 4 septembre
1998. Le TPIR estime avoir établi un précédent en
matière de justice internationale en envoyant un message fort aux
dirigeants politiques : ils peuvent désormais être
appelés à répondre de leurs actes devant une juridiction
internationale. La création de la Cour Pénale Internationale est
dans ce sens une initiative positive en tant que moyen d'éviter
l'instauration de « deux poids, deux mesures » et de
« justice des vainqueurs », accusations dont font
régulièrement l'objet des tribunaux spéciaux
mentionnés plus haut105(*). En tout état de cause, le droit
international coutumier reconnaît la compétence universelle en
matière de génocide et de crime contre l'humanité, et
plusieurs pays ont promulgué des lois conférents à leurs
tribunaux la compétence de juger ces affaires. Certes, dans le
passé, on parlait plus souvent de ces textes pour déplorer leur
violation que pour rendre hommage à ceux qui respectaient leurs
dispositions, mais le jugement et la condamnation par un tribunal belge, en
2001, de religieuses rwandaises accusées de complicité dans le
génocide rwandais montre bien que la compétence universelle
instaurée par les instruments commence à être prise au
sérieux. La décision de la Chambre des Lords britannique dans
l'affaire de l'extradition du général Pinochet en 1998/1999 a
constitué un autre évènement juridique important qui a
largement contribué à vider de sa substance la notion
d'immunité souveraine des anciens chefs de gouvernement accusés
d'avoir commis des crimes contre l'humanité pendant qu'ils
étaient au pouvoir106(*). Pour une action plus efficace dans le domaine de la
sécurité humaine, la CPI devrait dépasser l'étroite
corrélation qui existe entre le système juridique et le
système politique. En effet, l'extrême lenteur dont ont fait
preuve les tribunaux pénaux spéciaux est symptomatique des liens
forts entre le juridique et le politique tant sur le plan international qu'au
niveau interne des Etats concernés.
Avec l'action des tribunaux pénaux spéciaux et
celle de la CPI, l'impunité ne sera plus la règle, même
s'il reste encore des initiatives à améliorer. Le TPIS
fonctionnent sans le consentement des Etats tandis que la CPI est
créé par traité et s'inscrit dans le cadre de
consensualisme même s'il est tempéré par l'institution
d'une procédure de coopération assez contraignante pour les
Etats. Qu'à cela ne tiennent, la création d'une CPI prouve qu'il
sera de plus en plus difficile pour un Etat de protéger les auteurs de
crimes contre l'humanité et de génocide.
« L'humanité dispose désormais d'un organe qui
représente et garantit ses intérêts »107(*). Les Etats semblent
s'être mis d'accord pour que la souveraineté n'empêche plus
la poursuite des responsables des crimes les plus odieux.
Les juridictions pénales internationales aideront donc
à réparer les ravages de l'impunité des coupables et
à rehausser la stabilité internationale et la
sécurité humaine. « L'homme et l'humanité sont
indissociables, l'homme appartient à l'humanité et
l'humanité subsume l'homme »108(*). L'un et l'autre forcent ainsi les portes du droit
international et les rapports entre gouvernants et gouvernés entrent
désormais dans sa compétence
DEUXIEME PARTIE: LA PORTEE POLITIQUE EVENTUELLE DE LA
SECURITE HUMAINE.
« Mettre les personnes au centre de toutes nos
préoccupations, voilà qui doit désormais guider notre mode
de pensée et notre façon d'agir, c'est l'essence même de la
sécurité humaine ». Kofi ANNAN, SG des Nations Unies.
La naissance de la notion de sécurité humaine
montre l'aspiration à un droit global qui fait peu à peu jour. Ce
droit global impliquera la transformation des droits spécifiques
-liés à un Etat donné- et des règles de conduites
dans les relations entre les Etats qui pourrait aboutir à leur
disparition au profit d'un Etat universel. Cependant, avant d'en arriver
là, il est nécessaire que les Etats mettent effectivement en
application ces principes de sécurité humaine, de façon
harmonisée et cohérente pour arriver partout à un
résultat plus ou moins semblable. Ils disposent pour cela d'un cadre
politique, plus approprié à mener leurs actions. En effet, les
politiques internationales sont les moyens par lesquelles les Etats
érigent des actions à mener dans leurs relations avec les autres
Etats ou avec des groupes d'Etats (les organisations internationales ou
interétatiques). C'est dans ce cadre que se joue une partie de la vie
des individus et des communautés. Au début du XXème
siècle, le sociologue allemand Max WEBER définissait la politique
essentiellement par rapport à l'Etat qui était l'unique
détenteur de la force légitime. Si l'Etat garde encore
aujourd'hui cette autonomie politique, l'évolution des rapports
individuels par le biais de la mondialisation amenuise cette autonomie dans les
domaines économique et social. Pour défendre certains
intérêts propres aux Etats et pour faire face aux menaces à
caractère transnational qui instaurent un climat
d'insécurité, il doit développer des réseaux et des
stratégies de coopération internationale. C'est là que la
« sécurité humaine » intervient, car
l'entrée de nouveaux paradigmes confère un caractère
extrêmement mouvant et évolutif à la notion ; les
menaces d'aujourd'hui ne seront pas forcément celles de demain. C'est
ainsi qu'elle commence à inspirer les actions politiques de la
communauté internationale (chapitre un), en premier celles de l'ONU,
même si elle trouve difficilement un écho dans les systèmes
politiques africains. Malgré tout le tambourinage fait autour de la
notion, elle reste encore entravée par un épais brouillard qu'il
faudrait dissiper (chapitre deux)pour lui assurer une entière
effectivité.
CHAPITRE 3 : LA SECURITE HUMAINE COMME GUIDE DES
POLITIQUES DES ETATS.
Les relations internationales reposent principalement sur les
intérêts des Etats, qui peuvent être divergents, voire
conflictuels les uns des autres. Cette diversité des projets
étatiques entraîne souvent des tensions internationales,
même si elles ne tournent plus au conflit comme c'était le cas
dans la première cinquantaine du XXème siècle. La
recherche de l'accroissement de la sécurité nationale et la
poursuite d'intérêts économiques étatiques
particuliers peut aboutir à l'insécurité
frontalière109(*)
et la naissance de menaces. C'est un cercle vicieux qui est défini comme
« dilemme de la sécurité »110(*) et qui conduit à la
course aux armements, qui lui même constitue un véritable
fléau, surtout dans les sous régions africaines où la
mobilisation des armes a crée l'effet contraire. Car si les armes ne
suffisent pas seules à créer la violence, il n'en reste pas moins
que les poudrières explosent plus souvent que les
bibliothèques »111(*). C'est la raison pour laquelle il est mis en place
des politiques internationales à caractère préventif
à des fins de sécurité humaine (section I). En effet, la
sécurité humaine prône des valeurs comme le respect des
droits de l'homme, la tolérance, la démocratie. Or, ces valeurs
se retrouvent bien dans les politiques internes des gouvernements qui ont le
souci de libérer leurs citoyens de la peur et de les prémunir
contre le besoin. C'est l'un des objectifs des politiques publiques des
gouvernements (même si comme nous l'avons vu un peu plus haut, la
sécurité humaine n'y est pas mentionnée
expressément) , les citoyens étant les principaux
bénéficiaires de toutes formes de sécurité(section
II).
SECTION I : L'INTEGRATION DE LA SECURITE HUMAINE
DANS L'AGENDA DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE.
Le caractère irréversible et insidieux de
certaines atteintes à la personne humaine combiné aux
polémiques nées des interventions d'humanité ont
stimulé la communauté internationale avec en tête de file
l'ONU à prendre des mesures propres à les éviter,
plutôt que d'essayer de réparer112(*). Les actions préventives semblent être
les plus appropriées au développement d'une
sécurité humaine (paragraphe I). Si les Etats occidentaux
semblent avoir, même tacitement admis ce principe, il n'en va pas de
même pour les pays du tiers monde, et spécifiquement l'Afrique
où l'insécurité qui règne rend plus que
nécessaire la prise de dispositions sécuritaires curatives
(paragraphe II).
Paragraphe 1 : La mise en place de politiques
internationales à caractère préventif
Les différentes mesures prises pour faire face aux
difficultés que rencontre l'humanité ont été
pendant longtemps des mesures curatives : A cet égard, le
déploiement de la communauté internationale se manifestait par
des résolutions et de commissions dont le but était rechercher
des solutions appropriées. Avec la prise de conscience des
conséquences irréversibles des dommages causés à
l'environnement du fait de l'homme, plusieurs principes ont fait irruption dans
l'ordre juridique internationale, de façon à inspirer
actuellement l'action de la communauté internationale. Nombre de ces
principes ont progressivement intégré le domaine des principes
généraux du droit international. Tel est le cas du principe de
prévention appliquée à la sécurité humaine
(A). Cependant, cette logique de sécurité humaine
préventive a du mal à percer sur le continent africain dont les
nombreux problèmes sociaux et conflits armés internes obligent
à rechercher en priorité la sécurité classique et
collective qui est essentiellement défensive (B).
A- Une nouvelle application du principe de
prévention
Le principe de prévention est inspiré par les
politiques de protection de l'environnement venues avec la vague des
écologistes des années quatre-vingt et devenu depuis les
années quatre-vingt dix un des principes généraux de droit
international. La prévention se rapporte à l'action de
devancer ; elle consiste à anticiper, à prendre des mesures
pour éviter objectivement un risque ou au moins à en
réduire les dommages alors que celui-ci ou ceux-ci sont connus. La
sécurité humaine ne dépend pas de l'apparition d'une
situation conflictuelle, mais du pressentiment de la menace de conflit ;
elle peut dépendre aussi, lorsqu'il est déjà apparu, de la
possibilité d'extension. Son objectif est de diminuer au maximum des
risques auxquels sont exposés les individus et ainsi de réduire
leur vulnérabilité, dans un souci de protection. Comme il a
déjà été mentionné, la réalisation
des menaces à la sécurité humaine produit des effets
insidieux et diffus. Ces effets peuvent eux-mêmes être des causes
d'apparition d'autres menaces nécessitant la mobilisation de ressources
énormes et dont les responsabilités ne peuvent pas directement
être imputées. « La prévention devient une
priorité et cela n'est pas dénué de conséquences
sur la question de responsabilité car en donnant plus de consistance au
principe de diligence, l'accroissement des obligations de nature
préventive permet une mise en cause plus aisée de la
responsabilité »113(*). Elle rejoint en ce sens l'application du principe
qui est faite en matière de droits de l'homme et dont Gérard
COHEN JONATHAN soutient que « en matière de droits de l'homme,
la prévention est naturellement fondamentale... » et que
l'amélioration d'une action préventive repose sur une
solidarité plus étroite des Etats114(*). Cela est valable pour la
sécurité humaine qui peut servir de base globale pour une
prévention sur plusieurs fronts, car elle présume que les menaces
à la sécurité ont souvent des causes multiples et sont
assez complexes et connus suivant la maxime « les mêmes causes
produisent les mêmes effets » : en matière de
menaces à la sécurité humaine, qu'elles soient relatives
à l'environnement, aux communautés ou à l'alimentation,
lorsqu'un fait s'est déjà produit, il est certain que s'il se
produit encore dans un milieu différent, il produira sans doute les
mêmes effets, la relation de risque à effet étant connu.
Or, la prévention s'appuie sur des certitudes115(*). Le principe est
opérationnel lorsque les menaces ne se sont pas encore
réalisées ou qu'il est encore possible d'enrayer son extension.
Des mesures préventives concrètes peuvent être prises,
comme l'établissement d'une liste de contrôle pour assurer
l'intégration des résolutions thématiques dans les
résolutions par pays, renforcer la collaboration et maintenir un
échange des informations116(*). Une autre possibilité est l'intervention du
Conseil de sécurité pour arrêter les massacres dus aux
guerres civiles qui empêche leur renouvellement dans l'avenir. Les
mesures préventives des politiques internationales peuvent juguler les
impacts spécifiques d'une activité (par exemple, le trafic
d'armes légères dans une région) ou appréhender
toutes les incidences d'une activité sur la sécurité des
individus (la privatisation de la santé) car ces menaces peuvent se
combiner et interagir de manière complexe durant une longue
période, constituant ainsi des véritables poudrières
prête à éclater au moindre faux geste117(*).
Le caractère préventif de la
sécurité humaine pose cependant un léger
problème. Il est difficile de déterminer le champ
d'application ratione materiae et ratione tempori et ratione loci de la mesure
préventive, les menaces évoluant différemment dans le
temps et dans l'espace. Cette difficulté peut être
contournée pour le moment par la possibilité
d'hiérarchiser les menaces mais elle en sera véritablement
surmonter que lorsqu'un régime juridique propre à la notion sera
déterminée.
B- Les limites du principe au niveau régional
africain.
Si la « sécurité humaine »
est bien admise sur le plan international comme principe de coopération,
elle semble ne pas encore avoir entièrement franchi les
frontières de beaucoup de pays sur le continent africain. Les conflits
intra étatiques s'y développent à une vitesse remarquable
et aucun pays n'a l'assurance d'être à l'abri vu l'impact
transfrontaliers de tous les problèmes internationaux. Il y a de fortes
chances à cette allure pour que la sécurité humaine, au
moment éventuelle de sa consécration ne soit qu'une autre notion
importée de l'occident. Le bon sens recommande de prendre à temps
des mesures pour prévenir toutes les menaces imminentes ou pressenties
à la sécurité des individus. Toutefois, sur le continent
africain, les menaces détectées se réalisent dans la
majorité des cas, en dépit du déclenchement de tous les
codes d'alerte. La communauté internationale et la communauté
régionale doivent à chaque fois reconstruire sur les
décombres d'un conflit social ou d'un fléau pour permettre aux
individus de rebâtir leurs vies. La notion de sécurité
humaine est encore appréhendée sous un sens curatif comme un
autre moyen pour faire face aux conséquences des conflits et aux
problèmes sociaux. Cet état des choses peut s'expliquer de
différentes manières. D'abord, l'héritage de la
colonisation a mis le continent dans une position d'assisté qui persiste
avec la nouvelle logique de l'aide au développement. Ensuite, la
prolifération des conflits sur le continent oblige encore à
penser la sécurité dans le sens militaire du terme. Cette
situation est due aux politiques menées par les gouvernants qui sont
loin de respecter les principes de démocratie et de bonne gouvernance,
ainsi qu'à la facilité de circulation des armes
légères sur le continent. Ces dernières facilitent les
nombreuses violences internes et la régionalisation des conflits.
L'Afrique, sur la question de renforcer la protection des droits de l'homme et
d'améliorer le bien être de leurs populations se trouve
marginalisé. Cette situation engendre, selon Charles ZORBIBE118(*), la formation de spirales
dramatiques du sous développement, la présence massive des pays
africains dans le groupe des pays les « moins
avancés », l'effondrement de la production alimentaire et des
systèmes de santé, la multiplication du nombre de
réfugiés chassés par les guerres civiles, bref, une
véritable catastrophe sur le plan de la sécurité humaine.
Les règles de la coopération nécessaire pour le
développement de la sécurité et de la paix sont
faussées sur le continent. Les relations diplomatiques se
déploient au sein de nombreuses « sous régions
africaines », Afrique du Nord, Afrique de l'Ouest, Afrique du Centre,
Afrique de l'Est et encouragent le développement de jeux politiques
égalitaires et fractionnés. Cette situation peut être la
cause de la multiplication des initiatives sous régionales à
mi-chemin des alliances classiques et de la sécurité collective.
Sous un autre angle, on peut remarquer que ce qui constitue les
activités des Etats sur le plan international n'est pas le reflet de la
pratique normale sur le plan national, ainsi que le fonctionnement des
institutions qu'ils ont crées et qu'ils contrôlent. En effet, ils
s'engagent rapidement à signer les conventions et autres textes
internationaux qui ne sont pas entièrement insérés dans
l'ordre juridique interne. Enfin, toutes les menaces à la
sécurité humaine sont présentes sur le continent de
manière cumulative. Les atteintes à la sécurité
personnelle, la montée croissante de la criminalité dans les
villes sont monnaie courante sur un continent qui vit une situation
économique difficile ; la pauvreté y a ses racines
profondément ancrées et la nécessité de survivre
entraîne un désintéressement pour les questions telles que
la protection de l'environnement. Les gouvernements se déchargent au
profit du secteur privé d'un nombre de leurs obligations, comme celle
d'assurer l'accès aux services de santé ou de la
répartition équitable des ressources nationales comme les
produits agricoles pour assurer un minimum alimentaire pour tous. Cette
situation n'est que trop renforcée par la croissance
démographique et le flux migratoire d'une population à la
recherche du rêve urbain.
Ces conditions sont de nature à freiner l'insertion des
considérations de sécurité humaine sur le continent
africain ; toutefois elles peuvent produire l'effet contraire ; elles
peuvent susciter la réflexion sur la recherche des solutions dans une
« approche communautaire de sécurité
humaine »119(*). Pour cela, il faudrait que des propositions
émanent des africains eux-mêmes et ne soient plus des politiques
importées de l'occident120(*). En outre, il est primordial qu'elles
intègrent tous ceux qui sont, dans une mesure ou une autre, capables
d'apporter une aide efficace et effective.
Paragraphe 2 : L'élargissement des acteurs
internationaux pour la sécurité humaine.
Il n'est plus de domaine interdit à la notion de
sécurité humaine tant la globalisation des approches est
inévitable par le développement des rapports humains
transnationaux, de l'activité économique, environnementale
relevant de plus en plus de normes internationales. Cette globalisation porte
atteinte aux souverainetés et fait apparaître un panel nouveau,
allant des recommandations des organisations intergouvernementales à
celle des organismes spécialisés dont la portée est de
plus en plus normative. Par conséquent, le débat sur les acteurs
du droit international est de nouveau ouvert (A). Ces derniers doivent, pour
chacun des domaines concernés par la sécurité humaine,
constituer des alliances (B).
A- Une redéfinition des acteurs de droit
international
L'objet référent de la sécurité
humaine étant l'être humain et non plus l'Etat, il est
nécessaire d'ouvrir les portes de la politique internationale à
quiconque pourra garantir ou assurer à l'individu la protection contre
les menaces qui l'obstruent. La sécurité humaine ne peut
être possible qu'avec la prise en compte de tous les partenaires de la
société internationale menant des actions en matière de
sauvegarde de la dignité humaine. C'est ainsi que les organisations
intergouvernementales, les ONG, les entreprises privées, les groupes de
pressions, les médias et les associations ont une importance croissante.
L'individu lui même est désormais titulaire de droits directs
à l'échelle internationale dans maintes procédures et il
« est appelé à la barre : sa seule
présence fait basculer l'antique décor des relations entre les
Etats »121(*).
En effet, étant le seul destinataire véritable des normes
juridiques et des politiques, il peut maintenant en devenir le créateur,
ce qui est assez inattendu. C'est ainsi que les ONG et les associations se sont
vues reconnaître une existence officielle dans la politique
internationale et ont contribué au renouvellement du droit dans des
domaine majeurs ; Ce sont elles qui attirent l'attention de la
communauté internationale sur un certain nombre de menaces à la
sécurité humaine qu'il s'agisse des violations des droits de
l'homme, des impacts négatifs de la recherche scientifique dans un
domaine précis, des dégradations de l'environnement par un Etat,
des ingérences injustifiées, etc.... Le Canada va plus loin et
propose la participation des représentants élus aux niveaux
internes et locaux dans la recherche de la sécurité humaine au
niveau international.
B- Les exigences de coopération entre les
acteurs de la sécurité humaine.
Pour assurer leur sécurité nationale, les Etats
ont établi entre eux des mécanismes de coopération
fonctionnelle en vue d'harmoniser leurs politiques monétaire,
financière, commerciale et militaire. La recherche de la
sécurité humaine les pousse de plus en plus à instaurer
des mécanismes de coopération politique qui appellent
impérativement à établir des relations avec les autres
acteurs périphériques. Sous l'angle de la sécurité
humaine, aucun Etat ne peut développer seul des stratégies de
défense et de sécurité et ne peut ni conserver son
indépendance122(*), ni se prémunir seul contre les menaces
connus ou diffuses. Cette coopération doit être
multilatérale et être la source de possibilités d'actions
diverses. Les acteurs publics, privés et la société civile
doivent se constituer en alliance pour développer des approches et des
activités intégrées ; ces alliances, qui peuvent se
constituer avec la promotion de la bonne gouvernance, pourraient établir
une nouvelle légitimité horizontale au delà des
frontières et viendraient utilement compléter les structures
verticales traditionnelles et accompagner le renforcement d'une opinion
publique internationale123(*).
La coopération entre ces acteurs implique une
mobilisation des ressources financière, matérielle et humaine. A
ce propos, la Commission sur la sécurité humaine propose la
redistribution des moyens existant sur le plan international vers les
priorités de la sécurité humaine d'une part, et
d'identifier de nouvelles sources de financement pour donner une réponse
plausible aux menaces affectant les groupes les plus démunis d'autre
part. Les institutions comme le NEPAD au niveau africain pourraient jouer un
rôle très important en insérant directement dans leur plan
d'action des priorités impliquées par l'intégration de la
sécurité humaine.
La sécurité humaine introduit des
éléments nouveaux dans l'ensemble des échanges entre les
sociétés nationales et les individus, éléments qui
sont de nature politique et commande des effets, des actions politiques et
humanitaires de la part des Etats. Cela est tangiblement mesurable dans les
politiques publiques de ces gouvernements.
SECTION II- LA PRISE EN COMPTE INDIRECTE DE LA
SECURITE HUMAINE DANS L'ACTION DES GOUVERNEMENTS
Les Etats, comme les ensembles qu'ils forment sont
perçus aujourd'hui à travers leurs actions, positives ou
négatives. Ces actions sont de plus en plus dirigées par des
logiques économique, sociale et politique dépassant le cadre de
la nation. Elles s'expriment en termes de processus par lesquels sont
élaborés et mis en place des programmes d'action publique,
c'est-à-dire des dispositifs politiques et administratifs
coordonnés autour d'objectifs explicites124(*). Un retour aux menaces qui
pèsent sur la sécurité humaine montre qu'elles peuvent
faire l'objet d'actions des gouvernements seulement par le truchement de leur
insertion dans les politiques publiques (paragraphe I). L'efficacité de
ces actions dépend du degré d'assimilation des valeurs
démocratiques par les gouvernements en question (paragraphe II).
Paragraphe 1- La sécurité humaine dans
les politiques publiques des gouvernements.
Le caractère préventif de la
sécurité humaine incite les gouvernements à prendre des
mesures de protection dans leurs politiques publiques. Les politiques
publiques, construits sociaux et construits de recherche, sont
concrètement des programmes d'action gouvernementale dans un secteur de
la société (santé, sécurité,
alimentation...) ou dans un espace géographique (ville, région,
pays tout entier...). Mais pour que la sécurité humaine fasse
l'objet d'une politique publique, il faut qu'elle soit inscrite dans l'agenda
politique, qui comprend l'ensemble des problèmes perçus comme
appelant un débat public, voir l'intervention des autorités
publiques légitimes. Le bien être des individus, par la
satisfaction de leurs besoins primaires et le sentiment de
sécurité est sans aucun doute une question primordiale de cet
agenda. Mais, pour être inscrit sur l'agenda du décideur, un
problème doit :
- être perçu par des élites et/ou des
citoyens comme une situation existante s'écartant de celle qu'elle
devrait ou pourrait être
- subir une procédure d'étiquetage qui le
qualifie comme relevant de la sphère de compétence des
autorités publiques
- donner lieu à l'intervention des décideurs
politiques sous formes de mesures législative, financière,
humaine et matérielle ou de non décision.
Le terme sécurité humaine même s'il ne
ressort pas toujours dans les discours politiques des gouvernements leur est
néanmoins sous-jacent. En effet, ce sont les différentes menaces
à la sécurité humaine qui font l'objet d'actions
concrètes, visibles et évaluables. Cet état de fait
s'opère à travers la facilitation de l'accès aux services
sociaux de base (A), qui participe à la construction et au renforcement
du développement (B).
A- La facilitation de l'accès aux services
sociaux de base.
Comment les Etats peuvent-ils atteindre un état de
sécurité pour leurs citoyens dans des conditions sociales
déplorables et avec des ressources limitées ? Comment
doivent-ils procéder pour que les actions menées soient
efficaces ? Comment peuvent-ils procéder pour arriver à une
répartition égalitaire des ressources pour améliorer le
bien-être des catégories les plus démunies et des exclus
sociaux ? L'amélioration du système judiciaire, le
renforcement des droits des femmes et des enfants, la protection des
populations marginalisées l'élaboration des systèmes de
santé publique conformément aux principes de droits de
l'homme confèrent aux populations une sécurité à la
fois sociale et politique qui est faite pour aboutir à la
sécurité humaine. Armatya Sen125(*) est convaincu qu'il faut mettre à la
disposition des individus des moyens spéciaux (éducation de base,
soins médicaux primaires, ressources économiques comme la terre)
pouvant leur permettre de renforcer leurs capacités d'améliorer
leurs vies. Les gouvernants devraient réfléchir aux politiques et
aux modes de gouvernement qui peuvent favoriser le respect des droits et des
libertés précises dans les principales conventions sur les droits
de l'homme ; C'est ce qui les amènera, pour Bertrand RAMCHARAN
à définir les stratégies pour protéger la personne
humaine126(*).
Le premier aspect qui permet une mise en oeuvre des
politiques publiques dans un objectif de sécurité humaine est la
détermination d'objectifs prioritaires; en effet, il convient de
déterminer les populations menacées, en fonction de la
gravité des menaces. Ce sont ces populations qui doivent prioritairement
bénéficier des programmes envisagés. Toutes les politiques
publiques s'insérant dans un processus de lutte contre la
pauvreté ou de développement ainsi que celles relatives à
l'assainissement des finances et la répartition équitable des
ressources contribueront à l'instauration d'un climat de
sécurité. Car, c'est l'argent qui est le nerf de la guerre, dans
les différents conflits contemporains. Ces politiques peuvent avoir des
objectifs larges ou spécifiques. Les premiers touchent une grande partie
de la population et il s'agit de promouvoir le développement des
infrastructures pouvant offrir un minimum de sécurité
économique et sociale, avec la création d'emplois; ces
infrastructures permettront d'offrir les services sociaux de base :
santé, éducation des populations dans les zones les plus
enclavés, circulation des vivres dans toutes les régions d'un
Etat et même dans les Etats voisins, fourniture d'eau potable, etc. Pour
ce qui est des objectifs spécifiques, il s'agit d'assister les personnes
qui pour des raisons quelconques se trouvent dans des situations
précaires : par exemple, les réfugiés, les
handicapés, les personnes atteintes du VIH/SIDA... Ces politiques
doivent tenir compte du caractère multidimensionnel de la
« sécurité humaine » et doivent être
cohérentes. Les gouvernements prennent ainsi des mesures
concrètes qui doivent mobiliser des ressources qui confèrent aux
acteurs la capacité d'agir. Nous pouvons prendre comme exemple le Plan
Sectoriel de lutte contre le VIH/SIDA qui participe aussi bien à la
politique de santé publique, à la politique de lutte contre la
pauvreté et à celle de développement au Cameroun. C'est
une politique à caractère essentiellement préventive
faisant partie d'un grand ensemble de la politique internationale
d'éradication du fléau.
On peut prendre aussi l'exemple du Canada qui a
entièrement intégré la sécurité humaine dans
toutes ses actions politiques. Cette promotion de la sécurité
humaine est due au fait que la notion incarne des valeurs qui depuis longtemps
sont chères au peuple canadien : la tolérance, la
démocratie et le respect des droits de l'homme, selon le sous ministre
canadien adjoint aux politiques globales et à la sécurité
au ministère des affaires étrangères et du commerce
international, Paul HEINBECKER127(*). La sécurité y est axée sur la
« défense avancée »128(*) et la sécurité
collective sur le plan interne. Dans la politique extérieur du pays la
sécurité humaine est omniprésente (le pays poursuit des
activités visant d'un côté à prévenir les
conflits armés et, en cas d'échec, intervenir afin de faire
cesser la souffrance humaine, et de l'autre, à offrir une riposte
efficace aux menaces posées à la sécurité des
personnes, qu'il s'agisse de mines terrestres en Afrique ou du terrorisme en
Amérique du Nord129(*)).
B- L'institutionnalisation d'un développement
basé sur des objectifs de sécurité humaine
Le concept de développement a subi une
évolution remarquable en très peu de temps. D'abord strictement
économique, il s'est fait durable dans les années 1980
après le Rapport Bruntland et enfin humain dans les années 1990
après Armatya SEN. Avec l'avènement de la notion de
sécurité humaine, le terrorisme et la persistance de la
pauvreté dans le Sud, il semble que le monde ait amorcé une
nouvelle ère dans laquelle le développement tend de plus en plus
à se faire sécuritaire.
La promotion et la protection accrue de la personne font
aujourd'hui partie des objectifs communément reconnus au
développement ; c'est une condition sine qua none pour qu'un pays
puisse vraiment accéder à un certain niveau de
développement. C'est par le respect des droits de l'homme que la
sécurité des personnes est garantie : les droits de l'homme
constitue ainsi une condition et un objectif de développement. Le
Rapport 1994 du PNUD institue la sécurité humaine comme un
concept qui renforce le développement : puisque le concept de
sécurité humaine implique que tous les individus ont les moyens
de se prendre eux-mêmes en charge, ils doivent pouvoir satisfaire leurs
besoins essentiels et gagner leur vie ; ce n'est qu'ainsi qu'ils
accèderont à la liberté et qu'ils pourront contribuer
à leur développement et à celui de leurs
communauté, pays et du monde. La sécurité est un
élément essentiel du développement
participatif 130(*), ils convergent vers le même
objectif131(*) et sont
interdépendants : « la sécurité humaine
crée un contexte propice au développement humain et la
progression du développement humain peut considérablement la
faire progresser »132(*). Les objectifs de développement peuvent
être retardés par la violence ou les risques de violence. Dans un
tel contexte, il devient essentiel d'accroître la sécurité
des personnes ; de même, en s'attaquant aux causes profondes des
conflits, en renforçant les structures de la gestion des affaires
publiques, les initiatives de développement complètent l'action
entreprise par les gouvernements. De ce fait, il existe une étroite
corrélation entre développement durable et humain et les enjeux
de sécurité. La sécurité humaine au sens large
inclut la paix durable et la prospérité. Le PNUD soutient que les
stratégies internationales et nationales de développement doivent
s'appuyer sur les principes de droits de l'homme. C'est dire qu'elles doivent
constamment être imprégnées dans leur conception et leur
mise en oeuvre par les normes internationales des droits de l'homme.
L'idée d'un développement fondé sur la
sécurité humaine rejoint celle d'un développement
fondé sur les droits de l'homme lancée par le programme de
réforme du secrétaire général de l'ONU qui
appelait à la prééminence des droits de l'homme dans les
activités de fond de l'organisation. Une approche fondée sur ces
deux aspects de la dignité humaine a pour but de résoudre les
questions de la discrimination, l'impuissance et les faiblesses des
systèmes de responsabilités qui sont à la base des
problèmes sociaux tout en appliquant des standards ainsi que des valeurs
des droits de l'homme133(*). En effet, là où règne
l'oppression, la corruption, la discrimination, la faiblesse des
systèmes de responsabilité comme c'est le cas dans la
majorité des pays les moins avancés, le développement est
impossible. Le développement est la conséquence de la
démocratie134(*)
et non sa cause. Mais cette relation entre la sécurité et le
développement renvoie, selon Jean DAUDELIN, à la situation des
pays pauvres et elle n'engage les pays riches que du point de vue de leur
responsabilité morale ; mais elle devient aussi une
conséquence du développement durable, car le
sous-développement du Sud et toutes les menaces qui y sont logées
représentent une menace pour la sécurité de
l'humanité entière et dès lors des habitants du
Nord135(*).
Paragraphe 2- Les exigences de bonne gouvernance, une
condition de sécurité humaine.
L'objectif de la sécurité humaine est de
libérer les individus de la peur et de les prémunir contre le
besoin. Or, ces éléments ont des causes multiples allant de
l'instabilité économique à l'insécurité en
passant par le non accès aux services sociaux de base. Cette situation
résulte de la mauvaise gestion des affaires étatiques autant que
de la pauvreté, de la « mal gouvernance ». La bonne
gouvernance est sur plusieurs aspects une condition de sécurité
en général et de sécurité humaine en particulier.
La gouvernance suppose l'instauration de nouveaux modes d'élaboration
des politiques publiques, centrés sur la négociation entre les
différents acteurs économiques, sociaux et politiques en se
fondant sur le principe de la « relativisation de la puissance
publique à différents niveaux, local, national,
international »136(*). Elle est définie par le PNUD comme
l'autorité politique, économique ou administrative pour
gérer les affaires d'une communauté. Elle renvoie à
l'idée de gestion, de partenariat, de pluralité d'acteurs et de
pouvoirs multi centrés. Cette idée de coopération des
différents acteurs de la société renforce le
dépassement de la conception stato-centré de la toute puissance
de l'Etat et concourt à la mise en place de réseaux d'acteurs
divers dialoguant et interagissant.
Si la sécurité humaine peut être
considérée comme la somme de tous les droits formulés par
le droit international au bénéfice des populations de tous les
Etats ayant souscrit aux textes législatifs à la protection de
l'être humain et de son environnement, le garant de la
sécurité humaine et son application relève, en premier
lieu du système politique dont s'est dotée chaque
société. En ce sens la sécurité humaine a une
finalité politique137(*). Cependant, la gouvernance va-t-elle
véritablement aboutir à la sécurité humaine ?
Cette question a tout son sens si on confronte la gouvernance à la
réalité sociale contemporaine. En effet, les guerres civiles qui
s'étalent en Afrique, les crises alimentaires ou sanitaire, les
victimes de catastrophes naturelles qui se heurtent à l'inexistence de
services sociaux même dans les pays les plus riches prouvent que la
sécurité est plus une question de gestion que d'abondance. La
gouvernance est donc un aspect important de la sécurité humaine
et son objectif majeur est l'institutionnalisation de l'approche de
développement basée sur les droits des individus. La
démocratie étant un processus d'expansion de l'espace politique
et des droits fondamentaux permettant aux masses populaires de prendre part
à la prise de décision. Pour ce faire, il faut un changement de
paradigme sur la nature de l'Etat, qui doit être perçu comme un
ensemble d'institutions oeuvrant dans l'intérêt
général. Cette vision est indispensable dans la lutte contre la
corruption et l'arbitraire138(*).
La gouvernance devient ainsi le symbole de la
démocratie participative qui permet l'organisation de débats
publics initiant une « délibération rationnelle
à laquelle chaque citoyen serait convié par delà le mandat
représentatif donné aux élus »139(*). La démocratie est
à la fois un impératif moral (l'aspiration permanente des
êtres humains pour la liberté et pour un ordre social et politique
meilleur, plus humain et moins égalitaire) et un processus social
d'élargissement des droits fondamentaux. C'est une pratique politique ou
un mode de gouvernance basé sur les principes politiques universels de
représentation, de légitimité, de respect des lois, de
participation et d'alternance. Par ce mode de gouvernance, tous les individus
doivent prendre part aux décisions et aux interventions dont ils sont
censés être les bénéficiaires. Elle commande
à la fois des mécanismes participatifs et d'autogestion, et
promeut la sécurité humaine et le renforcement d'un Etat de
droit, car « l'idéologie libérale tend à
privilégier la protection de la propriété privée au
détriment de la sécurité humaine au sens
large »140(*).
Toutefois, le succès de la gouvernance démocratique et
participative dépend de la volonté des gouvernants de mettre la
sécurité humaine au centre de leurs politiques et de leurs
préoccupations et surtout reconnaître son importance et ses
incidences dans les rapports avec les autres Etats. C'est ainsi qu'il est
reconnu qu'en Afrique, l'absence de démocratie est une des causes
majeures des conflits, de la persistance du sous-développement, de la
recrudescence de la criminalité, de l'institutionnalisation de la
corruption, de l'arbitraire et de la violation flagrante des droits de l'homme,
sont les causes majeures de l'insécurité, de l'effondrement de
l'Etat et de ses moyens d'actions. Certains de ces phénomènes
comme la corruption et la criminalité sont présents dans les
sociétés du Nord et sont le résultat de l'alliance entre
démocratie et transformation économique mal
préparée.
On peut donc remarquer que démocratie,
développement et droits de l'homme sont des corollaires de la
sécurité humaine. C'est ce que Boutros Boutros GHALI a
appelé les « 3D » dans les trois Agendas
célèbres à l'occasion du 50ème
anniversaire de la fondation de l'ONU, et qui ont été approfondis
par son successeur Kofi ANNAN. Ces concepts « sont au centre de la
notion de sécurité humaine qui se confond avec la protection sous
toutes ces formes de l'éminente dignité de la
personne »141(*).
CHAPITRE 4 : DE LA NECESSITE DE REAFFIRMER LA
NOTION DE SECURITE HUMAINE
L'incorporation de la notion de sécurité humaine
dans les politiques publiques contribue à rendre les individus moins
vulnérables et à prévenir les situations qui les rendent
vulnérables. Ainsi, la sécurité humaine renforce un
certain nombre de politiques de protection des individus. Cependant, du fait de
son imprécision et de son trop vaste domaine d'application, il y a des
risques qu'elle constitue plus une entrave qu'un véritable moyen de
protection. En effet, on peut se poser la question de savoir si elle est assez
précise pour que l'on puisse en déduire des effets juridiques.
Contenu dans des instruments qui ne sont pas nécessairement comparables,
sa normativité est susceptible de varier : portée politique
plus ou moins douteuse dans un cas et principe d'interprétation et
d'orientation d'un certain nombre de règles de droit établies
dans l'autre, la « sécurité humaine » a de
nombreuses facettes qui sont quelques fois positives, mais constituent plus des
faiblesses entravant son efficacité (section I). Toutefois, des
applications faites dans certains pays, notamment le Canada, montrent qu'une
reformulation ou une clarification de la notion lui ouvrira sans aucun doute
un avenir plus prometteur, spécialement dans la protection des droits de
l'homme (section II).
SECTION I : LES FAIBLESSES DE LA NOTION DE
SECURITE HUMAINE
La première insuffisance que l'on rencontre face
à la notion de sécurité humaine est d'ordre
conceptuelle : elle englobe trop de choses et le risque est grand qu'elle
ne veuille rien dire à la fin (paragraphe I). La seconde tient du fait
qu'elle n'est consacrée pour elle-même par aucun texte à
caractère juridique sur le plan international (paragraphe II).
Paragraphe 1 : Les limites conceptuelles de la
sécurité humaine.
La sécurité humaine est conçue comme une
liberté négative (freedom for) mais aussi comme une
liberté positive (freedom to, freedom for)142(*). Notion
« extrêmement large »143(*), concept fourre-tout dans
lequel tout ou à peu près peut rentrer144(*), projet ambitieux145(*), les critiques de la notion
de sécurité humaine ne manquent pas. Ses précurseurs font
de lui une notion « salvatrice », mais sans lui donner
exactement les armes nécessaires pour accomplir sa tâche.
L'utilisation du terme sécurité humaine pour rallier les appuis
politiques et justifier le bien fondé des interventions à
l'échelle internationale par différents acteurs a
été faite sans s'assurer d'un véritable consensus quant au
sens spécifique à lui donner. Quelle que soit la situation,
« l'urgence d'agir ou l'action concertée doit se transposer au
plan de la réflexion conceptuelle »146(*). La sécurité
humaine change le système de références conceptuelles de
la sécurité d'un sens exclusivement orienté vers la
sécurité des territoires à un sens plus vaste de la
sécurité des individus. Et même lorsque cette
réflexion conceptuelle est menée, force est de constater que la
sécurité humaine n'acquiert de signification ou de substance
qu'appréhendée en termes de menaces ou de dangers susceptibles de
compromettre la survie et la sécurité des individus et des
collectivités ; elle est plus « définie par son
absence plutôt que par sa présence et s'avère davantage
pour ceux qui s'y réfèrent un concept
intuitif »147(*).
Les raisons qui justifient la naissance de la notion sont
certes pertinentes, à savoir influencer les politiques des Etats pour
une reconceptualisation des liens entre développement et
sécurité148(*), avec en toile de fond l'idée que la
sécurité est un corollaire du développement. Cependant,
à force d'étendre le champ d'application de la notion, elle est
devenue un concept creux dont l'impact politique est faible et la portée
juridique insuffisante. Or, la sécurité humaine ne peut
acquérir un minimum de valeur juridique que si l'on s'accorde à
lui donner un contenu si léger soit-il et un domaine d'application si
réduit soit-il pour que son insertion dans
« l'univers » juridique soit assurée. Or,
« si chaque chose entraînant une dégradation du bien
être humain est qualifiée de menace à la
sécurité, ce terme perd toute son utilité analytique et
devient un synonyme au sens large de mauvais »149(*). Elle ne peut ainsi ni
être véritablement appliquée dans les rapports sociaux ni
dicter un code de conduite aux Etats ou aux individus. De ce fait, aucune
sanction ne découlerait de l'atteinte à la sécurité
humaine ou du non respect de ses principes directeurs. Un point important est
aussi le fait que les Etats et même la communauté internationale
n'a pas encore intégré de manière formelle les pratiques
impliquées par la notion de la sécurité humaine dans ses
us. En effet, bien que reprise sur la scène internationale, sa
diffusion est restreinte et elle n'a pas véritablement influencé
les pratiques en cours, hormis celle du Canada.
Une autre limite de la notion tient à la
difficulté de la démarquer des notions et pratique du droit
international comme les droits de l'homme, la sécurité
collective, l'ingérence humanitaire et même le
développement durable150(*). Cette difficulté découle de
l'imprécision des menaces à la sécurité humaine et
des questions liées à leur localisation. En effet, c'est une
chose de clamer que les individus sont exposés à des menaces
beaucoup plus importantes et plus graves que celles prises en charge par les
systèmes actuels de sécurité -et de droits de l'homme-,
c'en est une autre d'identifier, de mesurer et d'évaluer les
fléaux potentiels. Pour ces trois aspects, il convient de trouver une
méthode adaptée. Or, avec une définition au sens large,
toutes les menaces qui pourraient nuire aux individus devraient être
prises en considération. Ce critère ne permet pas une
évaluation globale151(*). Il est donc impossible, pour des raisons pratiques,
de couvrir toutes les menaces à la sécurité humaine.
Taylor OWEN propose une évaluation basée sur le principe
fondamental de la sécurité humaine, à savoir
l'insécurité152(*) . La liste des menaces potentielles est longue, mais
si on l'analyse sous l'angle des fléaux présents dans une
région précise ou dans un pays déterminé, elles
tendent à être plus précises. Ainsi, faire de la
validité régionale le critère permettant de retenir ou non
les menaces signifie qu'aucune menace grave ne sera exclue153(*). En outre, il est nettement
mieux d'utiliser les données locales plutôt que nationales ou
internationales car, il existe des différences considérables
entre pays et à l'intérieur d'un même pays. Les menaces
à la sécurité humaine doivent donc être retenues en
raison de leur gravité et de leur pertinence régionale
plutôt que sur la base d'une liste préétablie ou des
données disponibles au niveau mondial154(*) pour respecter l'esprit original de la notion. Pour
établir si une question donnée mérite d'être
énoncée en terme de sécurité humaine, il convient
de déterminer dans quelle mesure la sécurité des individus
est en danger155(*).
Pour que la sécurité humaine puisse
véritablement servir à une protection plus efficace des droits de
l'homme, ou des individus dans leur ensemble, il apparaît indispensable
d'en affirmer la portée. Or, la sécurité humaine n'est pas
assez précise pour qu'on puisse en tirer les effets juridiques. Pour
se faire, il faudrait que ses nouvelles idées confèrent ou
privent de pouvoir les différents acteurs politiques. Et cela n'est
réellement possible que si la notion est insérée ou prise
comme référence dans des instruments juridiques.
Paragraphe 2 : Les insuffisances textuelles de la
sécurité humaine.
A force de vouloir tout embrasser, la notion de
sécurité humaine risque d'être semblable aux slogans vides
de contenu que la communauté internationale, par le biais des organes
des Nations Unies a pour habitude d'initier avec d'autant plus
de facilité qu'ils ressortissent de recommandations de politique
générale et qu'ils n'engagent juridiquement personne156(*), une sorte
« d'habit de gala que l'on sort pour montrer son appartenance au beau
monde »157(*).
La perpétuité d'une idée est garantie
lorsque ses promoteurs l'embrigadent dans des normes qui, à
défaut d'être insérées dans un texte fondamental,
ont une valeur juridique certaine. Le bilan normatif de la
sécurité humaine reflète le manque de consensus sur la
définition même de la notion. Aucun texte international ne
l'institue formellement. Quelques organismes internationaux y font
référence158(*) mais il n'est octroyé aucun statut à
la notion. La sécurité humaine ne fait malheureusement l'objet de
textes ayant une valeur obligatoire et contraignante pour ses usagers. Elle est
ballottée dans des déclarations d'intentions comme par exemple le
G8 qui dans une réunion du 10 juin 1999, fait part de sa
détermination à lutter contre les menaces multiples à la
sécurité des personnes ; le symposium du millenium
organisé par l'ONU en septembre 2000 a inscrit ses préoccupations
de développement dans le cadre de la sécurité humaine.
Ces différents forums ont contribué à ce que nous pouvons
appelé une tentative de codification de la notion de
sécurité humaine. La mise en place par quelques pays d'un
Réseau de la Sécurité Humaine159(*) qui a pour but d'exhorter le
dialogue direct des ministres avec le monde académique a fait une
tentative d'énoncer des principes liés à la
sécurité humaine, mais ne leur donne aucune autonomie à la
notion. De la sorte, le RSH lie la notion aux droits de l'homme dans une
Déclaration de Graz sur les Principes de l'Education aux droits de
l'homme et à la Sécurité humaine160(*) lors de sa
cinquième réunion ministérielle du 8 au 10 mai 2003
à Graz. Elle suit ainsi de près les principes
énoncés dans la Déclaration de San José du 2
décembre 2001 de la Commission des droits de l'homme sur les
droits de l'homme en tant que composante de la sécurité
humaine. Celle-ci réaffirme l'inclusion du DIH comme composante de
la sécurité humaine, mais comme la première, elles n'ont
qu'une valeur morale. En outre, le nombre réduit de pays engagés
dans le RSH constitue une autre faiblesse. Il convient donc de se pencher
sérieusement sur la validité juridique de nouvelles normes
consacrant la sécurité humaine ou la liant clairement aux droits
de l'homme. En plus, la notion n'est pas entérinée par la
jurisprudence. A titre de rappel, une notion peut être établie par
les juges sans avoir fait l'objet de reconnaissance textuelle formelle et
être intégrée dans le droit positif. Tel a
été le cas pour la notion de développement durable.
La difficile recherche des formules équilibrées
et consensuelles dans un domaine politique où se manifestent des
intérêts nationaux divergents illustre parfaitement que nous
sommes en face d'une notion émergente. La sécurité humaine
apparaît comme une carrefour dans lequel se rattache un ensemble
d'instruments juridiques dans la mesure où ils ont pour objet la
protection de l'individu. Ce carrefour doit maintenant se transformer en un
corpus juridique. Sinon, « elle entre dans cette catégorie de
concepts nouveaux, seulement formulés et non opératoires...dans
l'espoir qu'ils finiront peut être par produire des effets
réformateurs souhaités dans l'ordre juridique
international »161(*).
Lloyd AXWORTHY propose de renforcer les normes juridiques
existantes et de créer la capacité de les faire respecter d'une
part, et de créer de nouvelles normes pour les nouveaux problèmes
comme la prolifération des armes légères, du VIH/SIDA,
permettre l'applicabilité des normes juridiques aux acteurs non
étatiques et aux situations de violence ne pouvant être
qualifiées de conflit armé. Car, « si les Etats n'ont
pas la capacité de faire respecter les normes actuelles ni celle de
protéger les droits déjà reconnus, il est inutile de
définir de nouvelles normes et de nouveaux droits »162(*) . Changer les textes
juridiques ou créer de nouvelles normes ne sert en conséquence
à rien surtout si ceux existants ne sont pas appliqués ou
respectés faute de volonté politique.
SECTION II : LES PERSPECTIVES OUVERTES À LA
NOTION DE SÉCURITÉ HUMAINE.
La notion émergente de sécurité humaine
peut constituer sur un plan politique un réel atout pour la promotion et
la protection des droits de l'homme en général et dans les pays
les moins avancés en particulier.
Paragraphe 1- Sécurité humaine, atout
non négligeable pour la protection internationale des droits de
l'homme.
La sécurité humaine traduit une conception
révélatrice de la protection internationale des droits de
l'homme (A). Comme les menaces ont changé, les mesures de protection
sont appelées à évoluer elles aussi. Mais cela ne se fera
pas sans accrochage (B).
A- Une conception révélatrice de
l'état de la protection des droits de l'homme.
La sécurité humaine apparaît comme le
reflet de la situation de la protection des droits de l'homme. Elle exige la
défense de l'individu contre toutes les menaces réelles ou
potentielles à sa sécurité, lesquelles menaces ne sont
autres que les atteintes aux droits politiques, sociaux, économiques et
culturels. Son champ d'action se confond alors avec l'ensemble des mesures que
l'on pourrait « théoriquement prendre pour assurer
l'émancipation et le développement de la
personne »163(*). L'émergence de la notion dans les
sphères internationales peut s'analyser comme une réaction
d'anticipation face à l'échec ou la faiblesse des mesures
internationales et régionales de protection des droits de l'homme.
Quoi qu'il en soit, elle est appelée à renforcer
les mécanismes et institutions de protection des droits de l'homme tels
que prévus dans les organismes internationaux. Elle interpelle une
pluralité d'acteurs à se concentrer systématiquement sur
la sécurité des personnes et fait ainsi ressortir la
nécessité d'accorder une attention accrue aux grandes questions
auxquelles la communauté internationale ne s'intéresse pas encore
suffisamment164(*).
C'est d'abord tous les Etats qui sont les redevables de la
sécurité humaine - comme des droits de l'homme- mais ce sont
également les autres individus et toutes les entités publiques et
privées, qui sont des détenteurs d'un pouvoir de droit ou de fait
susceptible de porter atteinte à un droit ou à la
sécurité de l'homme. En effet, chacun de ces acteurs peut
être appelé à accomplir des objectifs de
sécurité humaine sans préjudicier à sa mission
première, même les institutions à caractère
économique et financier. Le concept doit à cet effet être
relié à une pratique pour donner une impulsion à de
nouvelles initiatives, et permettre de développer de nouveaux modes de
fonctionnement ou conférer le pouvoir à de nouveaux acteurs ou de
nouvelles coalitions165(*). « La pérennité d'une
idée se confirme lorsque des acteurs principaux vont plus loin que
l'emploi du concept pour formuler de nouveaux intérêts et quand
cette idée est transcendée dans l'identité même de
ces acteurs »166(*).
Elle permet de tirer la sonnette d'alarme a priori sur les
manquements aux droits de l'homme, renforce les mesures de protection de ces
droits et instaure un climat favorable à l'épanouissement de
l'individu. La sécurité humaine est sur la voie de la
reconnaissance d'une valeur universelle pour les hommes du monde entier
nonobstant leur origine, race et situation sociale, -au même titre que
les droits de l'homme- car elle est basée sur le postulat de
l'universalité des droits de la personne167(*). Dans la Déclaration
de San José du 2 décembre 2001 sur les droits de l'homme en tant
que composante essentielle de la sécurité humaine, les membres du
RSH énoncent que « les droits de l'homme constituent un cadre
normatif et un point de référence conceptuelle qui doivent
nécessairement être appliqués à la construction et
à la mise en oeuvre de la notion de sécurité
humaine ». La notion de sécurité humaine permet
d'identifier des indicateurs dynamiques pouvant servir aux
décisionnaires chargés d'évaluer la probabilité
d'évènements futurs pour ne pas être réduit à
réagir aux situations de manière statique168(*). Elle s'inscrit dans
l'évolution des droits de l'homme, mais il est nécessaire de
l'appréhender avec prudence.
Les conséquences envisageables
L'une des conséquences possible de la
sécurité humaine est la reforme des institutions internationales
chargés de la protection des droits de l'homme. On l'a vu plus haut avec
les interventions d'humanité du Conseil de sécurité des
Nations Unies. Le secrétaire général de l'ONU a dans cette
optique proposé à l'Assemblée générale en
mars 2005 une proposition de réforme de l'organisation avec la
sécurité humaine comme principe fondamental de la réforme.
Projet particulièrement ambitieux, son objectif étant de
transformer l'organisation internationale pour améliorer son
fonctionnement, renforcer sa légitimité et l'adapter au contexte
international actuel. Le point le plus important étant la proposition
d'élargissement du Conseil de sécurité par
l'intégration de pays ayant joué un rôle international
majeur comme l'Allemagne, le Japon et la Brésil. Il a proposé
ensuite la réforme de la Commission des droits de l'homme et l'adoption
d'une définition internationale du terrorisme « pour restaurer
la confiance des opinions publiques envers l'organisation
internationale »169(*). Cette réforme a suscité des
débats immenses et inextricables pour aboutir à ce que beaucoup
d'observateurs craignaient : les jeux de puissance ont paralysé le
projet ambitieux de Kofi Annan.
L'autre conséquence est le renforcement du pouvoir des
Etats. La sécurité humaine veut protéger les individus
tout en maintenant la suprématie politique de l'Etat. La plupart des
initiatives ou des solutions politiques suggérées exigent le lien
de renforcement du rôle et des ressources de l'Etat170(*). En outre, il faut admettre
« qu'en ce moment, la principale méthode pour assurer la
sécurité des populations dans le cas des violations et des
pénuries graves semble encore être de renforcer l'état de
droit plutôt que de l'affaiblir au profit d'organisations politiques
utopiques mal définies »171(*) . Ce qui peut attiser les désirs
hégémonistes de certains Etats car, sous le prétexte de
soutenir ses citoyens, l'Etat peut se servir de la sécurité
humaine comme argument au service de ses intérêts nationaux et
même utiliser la force pour les atteindre. C'est la raison pour laquelle
le discours et la pratique de la sécurité humaine seront
jugés selon sa capacité à initier une pratique politique
réellement critique, conférant un pouvoir aux individus qui sont
les sujets de la sécurité, leur permettant de limiter et de
canaliser l'action des Etats.
Ils pourront ainsi contrôler eux-mêmes leur
sécurité.
Paragraphe 2- Sécurité humaine,
réel espoir pour la protection régionale africaine des droits de
l'homme
Le continent africain souffre de lourdes atteintes aux droits
individuels sur un fond d'effondrement économique. Les mécanismes
régionaux se superposent aux mécanismes mondiaux de protection
des droits de l'homme, de maintien de la paix et de la sécurité
sans beaucoup de succès. Les conflits armés traînent
derrière eux un cortège de fléaux comme la question des
réfugiés, la famine, les maladies qu'une fois installées
persistent et résistent à toute forme de solutions. Les
séquelles du génocide rwandais sont encore présents dix
ans après, le conflit fratricide dans la région des grands lacs,
le conflit casamançais qui dure depuis plus de deux décennies et
qui n'est pas près d'arriver à son terme, le conflit au Darfour
et la récente crise ivoirienne dont le début est connu mais la
fin ne peut être présupposée. Ce contexte est
favorisé par des régimes autoritaires dans lesquelles les
obstacles institutionnels, organisationnels et politiques empêchent la
mise en oeuvre effective des instruments des droits de l'homme et des droits
de l'homme. Ils permettent aussi le maintien de l'impunité au sommet des
Etats et encourage la création de foyers de conflits par la
« manipulation des leviers sensibles comme support électoral
tels l'ethnie, la région, la religion, la
nationalité »172(*).
La sécurité humaine est accueillie par les
intellectuels africains comme une notion salvatrice un « concept
prophétique » qui signifierait l'épanouissement total
de l'homme dans toue sa plénitude par la préservation de son
intégrité physique, morale, intellectuelle dans un environnement
stable et économique viable » 173(*). Cet enthousiasme pour la
sécurité humaine, qui traduit une vision idéaliste de la
nation et des politiques qu'elle peut générer doit être
relativisé. En effet, il est absolument nécessaire d'approfondir
le débat régional africain sur ce que signifie la
sécurité et l'insécurité humaine et sur les
priorités à établir, le cas échéant, pour
intégrer cette dernière dans les cadres régionaux
conçus pour maintenir la paix, l'ordre et la sécurité
physique174(*). Ce
débat permettrait de sacrifier par ordre de gravité les menaces
à la sécurité humaine sur le continent et appellerait les
différents acteurs à collaborer dans la recherche des solutions
possibles. Alioune TINE, président de l'Union Africaine donne une
esquisse de ce qui constitue sur le contient les menaces les plus
redoutables : la question de la paix, de la stabilité, de la
sécurité des personnes et des biens, mais aussi la garantie de la
jouissance des droits économiques, sociaux et culturels des
individus175(*). Vaste
programme. De ce fait, l'instauration de la sécurité humaine en
Afrique suppose avant tout la mise en oeuvre de mécanismes de la
prévention des conflits sur la bonne gouvernance politique,
économique et culturelle, sur le respect strict et continu des droits
humaines et la mise en oeuvre des engagements solennels des chefs d'Etat
relatifs aux droits de l'homme en particulier. Ces mécanismes ne seront
d'une quelconques efficacité que si tous les acteurs de la
société sont associés à leur élaboration.
Dans cette optique, l'Union Africaine et le NEPAD doivent jouer un rôle
capital car, comme le relève pertinemment Denis THIBAUT « l'un
des principes fondamentaux du NEPAD est que la paix, la sécurité,
la démocratie, la bonne gestion des affaires publiques, les droits
humains et une saine gestion de l'économie sont des conditions
préalables à un développement durable en Afrique (...) il
sera donc de l'intérêt des pays de faire un effort dans la
direction indiquées par le NEPAD, entre autres sur le terrain des droits
humains, s'ils ne veulent pas être laissés pour comptes176(*). Ces ambitions ne se
réaliseront certes pas en période expresse, mais il y a des
raisons objectives d'espérer. Après l'identification des nombreux
et difficiles facteurs qui supposent la stabilité et la paix sur le
continent, par le biais de menaces à la sécurité humaine,
il faudra renforcer et créer le cas échéant des
stratégies et mécanismes de prévention et de gestion des
conflits. On peut arguer contre cette proposition que la
sécurité humaine ne serait plus ou moins qu'un nouveau
mécanisme se surajoutant aux mécanismes mondiaux et
régionaux existants dont l'efficacité semble bien faible. Mais,
il faut garder en esprit que la situation serait probablement pire si tout le
frêle mécanisme en place n'existait pas.
CONCLUSION GENERALE
En quelques années, la notion de
sécurité humaine a généré une foule
d'interpellations et a engendré toutes sortes de spéculations
quant à l'impact possible qu'elle pourrait avoir sur la scène
internationale et les droits fondamentaux. Au début de notre recherche,
nous nous sommes penchés sur les droits de l'homme. Il était
question de déterminer si la notion de sécurité humaine,
individuelle ou collective aurait une incidence sur le système
international de protection des droits de l'homme et serait applicable à
tous les pôles de décision. Nous sommes partis du postulant selon
lequel l'émergence de la notion est un indicateur de l'évolution
des droits de l'homme et qu'il est nécessaire de réorienter le
débat sur la protection internationale de l'individu : les menaces
ayant changé, il faut que les systèmes de protection
évoluent177(*).
La sécurité humaine offre un angle de réorientation
certain, mais qu'il faut analyser avec prudence.
Son atout majeur tiendrait au fait qu'elle attire l'attention
et appelle aux actions concrètes sur plusieurs situations dans
lesquelles la sécurité de l'individu est menacée. Dans ces
situations, il est nécessaire de renforcer les mécanismes de
protection existants ou d'en créer de nouveaux pour faire face aux
nouvelles menaces. La quintessence de la sécurité humaine confie
cette responsabilité à un panel varié d'acteurs de la
société internationale et nationale en insistant sur la
collaboration et la coopération qui doivent exister entre entités
étatiques et acteurs non étatiques. C'est ainsi que les
institutions financières et économiques par exemple se voient
imposer des objectifs de protection sociale des individus.
Cependant, la notion de sécurité humaine est
pleine d'ambiguïtés dues à l'absence de définition
claire et précise. De la sécurité personnelle et politique
à la sécurité des communautés, elle englobe les
aspects économiques, alimentaires, sanitaires et environnementaux, tout
en laissant ouverte la voie à toute nouvelle donnée susceptible
d'entravée la sécurité des individus. Elle confronte
l'individu à l'Etat en consacrant la primauté du premier. En
outre, elle permet aux instances supra nationales d'intervenir dans les
affaires internes des Etats tout en renforçant les pouvoirs de ces
derniers par la consolidation de l'Etat de droit et la responsabilité
qui lui est confiée de mettre sur pied des politiques publiques
sécuritaires. Toutefois, la notion de sécurité humaine ne
peut être invoquée pleinement que dans les sphères du
politique, n'ayant aucune base juridique propre. C'est de loin sa plus grande
faiblesse. Son application est donc laissée à la
discrétion des gouvernements qui peuvent y tirer des idées utiles
mais n'ont pas d'obligations positives envers ceux qui sont sensés
être les principaux bénéficiaires : les individus.
Bien qu'elle guide effectivement les politiques des pays comme le Canada, la
Suisse ou la Norvège, la notion a du mal à forcer les portes
nationales aussi bien dans certains pays riches que dans les pays pauvres. Les
premiers voient une tentative d'appropriation par les
« pauvres » des riches du Nord dans son objectif
d'instaurer un système d'égalité . Les seconds quant
à eux n'y voient qu'une tentative pour leur ôter leur
« indépendance » et leurs « pouvoirs
politiques » chèrement acquis.
On pourrait donc trouver dans la notion de
sécurité humaine des idées utiles à la protection
et à l'amélioration des conditions de vie de l'individu, mais de
là à y voir un nouveau mécanisme révolutionnaire de
protection des droits de l'homme, il y a une marge. Toutefois, on est loin de
la redéfinition radicale de la sécurité ainsi que du
renversement de la primauté de l'Etat voulus par le PNUD dans son
rapport 1994.
Ce travail sur l'émergence de la notion de
sécurité humaine dans la protection internationale des droits de
l'homme n'a pas la prétention d'avoir épuisé tous les
aspects de la question. Notamment la relation entre la sécurité
humaine, les conflits armés et les questions relatives au
désarmement. Toutefois, quelques précisions terminologiques
permettront de mieux appréhender la notion dans la dynamique de
l'évolution des droits de l'homme dans le droit international.
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PASCAL (B) et DAVID (C.P), « Précurseurs de
la sécurité humaine, le sénateur Raoul DANDURAND
(1861-1942) »,
www.upm.ca.
PETRASEK (D), « Une version allégée
des droits de l'homme ? réflexions sur la sécurité
humaine », forum du désarmement3 , Les doits de l'homme, la
sécurité humaine et le désarmement, 2004, pp. 67-71.
QUENEUDEC (J), « Les nouvelles menaces contre la
paix et la sécurité internationales, l'ordre publique
internationale », Les nouvelles menaces contre la paix et la
sécurité internationales, Société
française pour le droit international, A. Pedone, 2004, pp. 287-293.
RAMCHARAN (B), « Les droits de l'homme et la
sécurité humaine », Forum du désarmement 3 , Les
doits de l'homme, la sécurité humaine et le désarmement,
2004, pp.
RIST (G), « Les enjeux critiques de
l'après- « développement » , Repenser
le développement et la coopération internationale, Etats et
savoirs universitaires, Firouzeh NAHAVANDI (éd), Kharthala, 2003,
pp.
TOUREILLE (J), `'La sécurité humaine au coeur
de la réforme de l'ONU'',
www.uqm.ca
VALTICOS (N), « La notion des droits de l'homme en
droit international » , Le droit international au service de la
paix, de la justice et du développement, Mélanges Michel
VIRALLY, Paris, Pedone, 1991, pp 483-491
III- RAPPORTS
Rapport du PNUD sur le Développement humain,
1994
Rapport du PNUE sur le Développement durable,
2003
Rapport de la conférence mondiale sur le racisme.
Etats multiethniques et protection des droits des minorité,
Durban, Afrique du Sud, 1er août 7 septembre 2001
Rapport de la Commission sur la Sécurité
Humaine, La sécurité humaine maintenant, 2004
Rapport de la Commission internationale de l'intervention
humanitaire et de la souveraineté des Etats : l'obligation de
protéger, Déc. 2004
IV- TEXTES
Déclaration universelle des droits de l'homme du 10
décembre 1948.
Pacte international relatif aux droits civils et politiques
du 16 décembre 1966.
Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels du 16 décembre 1966.
Charte des Nations Unies du 25 juin 1945.
Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, juin
1981.
Déclaration de Graz sur les principes
d'éducation aux droits de l'homme et à la sécurité
humaine, 10 mai 2003.
Déclaration de San José du 2 décembre
2001 de la Commission des droits de l'homme sur les droits de l'homme en
tant que composante de la sécurité humaine
V- JURISPRUDENCE
Comité des droits de l'homme, affaire Rojas Garcia
contre l'Etat de Colombie, communication n° 687/1996, constatations
adoptées le 3 avril 2001, 71e session
Commission Africaine des droits de l'homme et des peuples,
affaire Social and Economic Rights Action Center for Economic and Social
Rigths contre le Nigéria (SERAC), communication 155/96,
adoptée à la 30ème session ordinaire, Banjul,
octobre 2001
Tribunal Pénal International pour le Rwanda , affaire
Akayesu, jugement du 2 septembre 1998
Tribunal Pénal International pour l ex- Yougoslavie,
affaire Dusko Tadic, jugement du 7 mai 1997.
CIJ, affaire relative au projet Gabcikovo/Nagymaros
(Hongrie/Slovaquie), arrêt du 25 septembre 1997
V- SITES INTERNET
www.ccsd.ca/français/
www.ilo.org/public/french/bureau
www.sécurité-sanitaire.org
http://www.un.org/
www.humansecurity.gc.ca/
www.humansecuritynetwork.org
www.oecd.org/
www.uqm.ca
Table des matières
Dédicace.......................................................................................
|
i
|
Remerciements...............................................................................
|
ii
|
Résumé.......................................................................................
|
iii
|
Abstract.......................................................................................
|
iv
|
Sigles et
abréviations........................................................................
|
v
|
Sommaire
|
1
|
Introduction.................................................................................
|
2
|
I- Définition des
concepts....................................................................
|
4
|
II- Motivations et
justifications.............................................................
|
6
|
III- Intérêt du
sujet...........................................................................
|
7
|
IV- Contexte de
l'étude.....................................................................
|
8
|
V- Revue de la littérature.
..................................................................
|
9
|
VI-
Problématique.........................................................................
|
15
|
VII-
Hypothèses..............................................................................
|
16
|
VIII- Cadre
méthodologique...............................................................
|
17
|
IX- Justification du
plan..................................................................
|
18
|
Première Partie : La faible densité
juridique de la notion de sécurité humaine
|
19
|
Chapitre I : L'imprécision de la notion de
sécurité humaine.....................
|
21
|
Section I : Naissance et évolution de la
« sécurité humaine ».
........................
|
22
|
Paragraphe 1 : Les origines diverses de la
sécurité humaine...........................
|
23
|
A. Une notion à forte influence philosophique.
...................................
|
23
|
B. La sécurité humaine dans les lois de la
guerre.................................
|
25
|
C. Les considérations politiques et
socio-économiques ayant favorise l'expansion de la
notion..........................................................
|
26
|
Paragraphe 2 : L'intégration continue de nouveaux
paradigmes dans la notion de sécurité
humaine..........................................................................
|
28
|
A. Le contenu extensible de la sécurité
humaine.....................
|
28
|
B. Les caractéristiques attribuées a la
« sécurité humaine ». ...............
|
33
|
Section II : Débats autour d'une notion de
sécurité humaine ambiguë...............
|
36
|
Paragraphe 1 : Les thèses en
présence....................................................
|
36
|
A. Le risque d'assimilation de la notion de
sécurité humaine aux droits de
l'homme...........................................................................
|
37
|
B. La sécurité humaine comme nouveau principe de
coopération
internationale.........................................................................
|
38
|
Paragraphe 2 : Une tentative d'élaboration d'une
thèse médiane......................
|
40
|
Chapitre 2 : La sécurité humaine, une
notion difficilement opératoire.........
|
42
|
Section I : L'absence de consécration textuelle de
la « sécurité humaine ».........
|
42
|
Paragraphe 1 : La tentative d'encadrement juridique de la
« sécurité humaine »...
|
43
|
A. Par les instruments des Nations Unies relatifs à la
paix et à la sécurité internationale.
.....................................................................
|
43
|
B. Par le droit international des droits de
l'homme...............................
|
45
|
C. Par les normes du droit international
humanitaire.............................
|
47
|
Paragraphe 2 : La protection par détour de la
sécurité humaine......................
|
48
|
A. La protection de la sécurité humaine comme
sécurité internationale et
nationale............................................................................
|
48
|
B. La protection au titre des Droits de
l'Homme................................
|
50
|
Section II : La « sécurité
humaine », socle de la multiplication des interventions
internationales.................................................................................
|
52
|
Paragraphe 1 : les interventions des institutions
politiques et financières
internationales.................................................................................
|
53
|
A. La position du Conseil de Sécurité de
l'ONU...................................
|
53
|
B. Les interventions des institutions économiques
mondiales pour une sécurité des individus.
.........................................................
|
56
|
Paragraphe 2 : L'action des juridictions pénales
internationales dans une perspective de protection de
l'humanité...................................................
|
57
|
A. La prévention et la sanction des crimes contre
l'humanité les plus graves..
|
57
|
B. La sanction des responsables de l'insécurité
de l'humanité..................
|
59
|
Deuxième Partie : La portée
politique éventuelle de la sécurité
humaine
|
62
|
Chapitre 3 : La sécurité humaine
comme guide des politiques des Etats ......
|
64
|
Section I : L'intégration de la
sécurité humaine dans l'agenda de la communauté
internationale.................................................................................
|
65
|
Paragraphe 1 : La mise en place de politiques
internationales à caractère préventif
|
65
|
A. Une nouvelle application du principe de
prévention........................
|
66
|
B. La persistance de l'aspect curatif de la notion au niveau
régional africain
|
68
|
Paragraphe 2 : L'élargissement des acteurs
internationaux pour la sécurité
humaine.................................................................................................................
|
70
|
A. Une redéfinition des acteurs de droit
international.............................
|
70
|
B. Les exigences de coopération entre les acteurs de
la sécurité humaine...
|
71
|
Section II : La prise en compte indirecte de la
sécurité humaine dans l'action des
gouvernements..............................................................................
|
72
|
Paragraphe 1 : La sécurité humaine dans les
politiques publiques des
gouvernements................................................................................
|
73
|
A. La facilitation de l'accès aux services sociaux de
base........................
|
74
|
B. L'institutionnalisation d'un développement
basé sur des objectifs de sécurité
humaine..................................................................
|
76
|
Paragraphe 2 : Les exigences de bonne gouvernance, une
condition de sécurité
humaine.......................................................................................
|
78
|
Chapitre 4 : De la nécessite de
réaffirmer la notion de sécurité humaine...
|
81
|
Section I : les faiblesses de la notion de
sécurité humaine.............................
|
81
|
Paragraphe 1 : les limites conceptuelles de la
sécurité humaine......................
|
82
|
Paragraphe 2 : les insuffisances textuelles de la
sécurité humaine.....................
|
84
|
Section II : les perspectives ouvertes à la notion
de sécurité humaine...............
|
87
|
Paragraphe 1 : Sécurité humaine, atout non
négligeable pour la protection internationale des Droits de
l'Homme.
...................................................
|
87
|
A. Une conception révélatrice de l'état
de la protection des droits de
l'homme............................................................................
|
87
|
B. Les conséquences
envisageables.............................................
|
89
|
Paragraphe 2 : Sécurité humaine,
réel espoir pour la protection régionale africaine des droits de
l'homme........................................................................
|
90
|
Conclusion
Générale.......................................................................
|
93
|
Bibliographie.................................................................................
|
95
|
Table des
Matières.........................................................................
|
102
|
* 1 Rapport du PNUD de 1994 sur
le Développement humain, Paris, Economica,
* 2 Ibid.
* 3 Le Canada a fait de la
sécurité humaine son champ de bataille et veut obtenir sur le
plan international un certain leadership comme le fait remarquer
Béatrice PASCUAL, Charles Philippe DAVID et HEINBECKER dans leurs
différents articles sur la sécurité humaine en
général et l'exemple du Canada. De ce fait, il a
inséré la sécurité humaine comme un des objectifs
principaux de sa politique publique.
* 4 Kevin BOYLE et Sigmund
SIMONSEN, « La sécurité humaine, les droits de l'homme
et le désarmement », Les droits de l'homme, la
sécurité humaine et le désarmement, Forum du
Désarmement n°3, UNIDIR, 2004, p.7
* 5 Ibid
* 6 Nicolas VALTICOS,
« La notion des droits de l'homme en droit international »,
Le droit international au service de la paix, de la justice et du
développement, Mélanges Michel VIRALLY, Paris, Pedone, 1991,
pp 483-491
* 7 Yves MADIOT, Droits de
l'homme, 2è éd. Masson 1991, P. 26
* 8 Conduit par Raoul Dandurand,
connu comme étant le précurseur de la sécurité
humaine au Canada. Sont de ce courant la majorité des auteurs et des
politiciens canadiens.
* 9 Voir Rapport 2003 du PNUE
sur le Développement durable.
* 10 Lloyd AXWORTHY,
« Le Canada et la sécurité humaine : un leadership
nécessaire », Déclarations et discours, Ottawa, MAECI,
déc. 1996, pp 1-2, cité par Béatrice PASCUAL et Charles
Philippe DAVID, « Précurseur de la sécurité
humaine, le sénateur Raoul DANDURAND (1861-1942),
www.dandurand.uqm.ca.
Consulté en mars 2005.
* 11 Théorie
développée par la Commission Internationale e l'Intervention
Humanitaire et de la Souveraineté des Etats, La responsabilité de
protéger, Décembre 2001
* 12 NGUYEN, DAILLIER et
PELLET, Droit international public, LGDJ, Paris, 2001, 7ème
éd. p. 950.
* 13 Jean François
RIOUX (dir), La sécurité humaine, une nouvelle conception des
relations internationales. Coll. Raoul Dandurand, l'Harmattan 2001, p. 8
* 14 Yves MADIOT,
« La protection internationale de la personne », La
personne humaine, sujet de droit, T24. PUF, 1994, p. 175
* 15 Gérard
COHEN-JONATHAN, « L'évolution du droit international des
droits de l'homme », Mélanges offerts à Hubert
Thierry, L'évolution du droit international, A. Pedone, Paris,
1998, pp. 107-127
* 16 Yves MADIOT, Droits
de l'Homme, 2e éd. Masson, 1991, p. 186
* 17 Ibid. p. 185
* 18 op. cit. p. 132
* 19 Jean Didier BOUKONGOU,
« Le droit international des droits de l'homme : mirage ou
protection juridique ? », Les Annales de la Faculté de
Sciences Juridiques et Politiques, Université de Dschang, T1, V1, 1997,
P.107
* 20 J.M BECET et Daniel
COLARD, les Droits de l'Homme, Economica, Paris, 1982, P.114
* 21 BOUKONGOU, article
précité, P.109
* 22 Yves MADIOT,
« La protection internationale de la personne »,
précité, p. 183
* 23 Ibid. p.
180
* 24 J. M. BECET et Daniel
COLARD, Les Droits de l'Homme, précité, p. 144
* 25 Yves MADIOT
« La protection internationale de la personne... »
op.cit, p.183
* 26 Taylor OWEN,
« Des difficultés et de l'intérêt de
définir la sécurité humaine », Les Droits de
l'Homme, la sécurité humaine et le désarmement. Forum
du désarmement 3, 2004 UNIDIR, P.17
* 27 Charles Pascal DAVID et
Jean François RIOUX, « Le concept de sécurité
humaine », La sécurité humaine, une nouvelle
conception des relations internationales. Coll. Raoul Dandurrand,
l'Harmattan 2001, pp. 19-30
* 28 Daniel COLARD,
« La doctrine de la `'sécurité humaine `' :
le point de vue d'un juriste », La sécurité
humaine, op. cit. p.48.
* 29 Jean Jacques ROCHE,
« Le réalisme face à la sécurité
humaine », op.cit, P. 58.
* 30 Kevin BOYLE et Sigmund
SIMONSEN, « la sécurité humaine, les droits de l'homme
et le désarmement » Les Droits de l'Homme, la
sécurité humaine et le désarmement. Forum du
désarmement 3, 2004 UNIDIR, P.5
* 31 Taylor OWEN,
« Des difficultés et de l'intérêt de
définir la sécurité humaine », Les Droits de
l'Homme, la sécurité humaine et le désarmement, Forum
du désarmement 3, 2004 UNIDIR, P.25
* 32 Rapport 2003 de la
Commission de sécurité humaine, La sécurité
humaine maintenant, op cit, P 6
* 33 Kevin BOYLE et Sigmund
SIMONSEN « La sécurité humaine, les droits de l'homme
et le désarmement » op.cit, p. 26
* 34 Ibid, p.7
* 35 Pour reprendre
l'expression de Jean Didier BOUKONGOU, son article « L'application de
la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples par les
autorités nationales en Afrique Centrale », L'application
nationale de la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples
Jean Francois Flauss et Elizabeth Lambert Abdelgawad (Dir.) Brulant 2004,
pp. 121-159
* 36 Madeleine GRAWITZ,
Méthodes de recherches en Sciences sociales, Dalloz,
11ème éd. 2001, pp442-446
* 37 Charles Philippe DAVID et
Jean François RIOUX, `'Le concept de sécurité humaine'',
La sécurité humaine, op.cit, p. 9.
* 38 On retrouve la notion dans
plusieurs discours de Kofi Annan. La première référence
à la sécurité humaine s'est faite dans le discours
prononcé lors de la 54ème réunion de
l'Assemblée Générale de l'ONU, en 2001.
* 39 Keith KRAUSE: « Une
approche critique de la sécurité humaine», La
sécurité humaine, nouvelle conception des relations
internationles, op cit. P. 77
* 40 Idées reprises par
Taylor OWEN, »Des difficultés à définir la
sécurité humaine », Les droits de l'homme, la
sécurité humaine et le désarmement, op cit, p. 18.
* 41 Kevin BOYLE et Sigmund
SIMONSEN, « La sécurité humaine, les droits e
l'homme et le désarmement », Les droits de l'homme, la
sécurité et le désarmement, op.cit, p.6.
* 42 Charles Philippe DAVID et
Jean François RIOUX, `'Le concept de sécurité humaine'',
La sécurité humaine, une nouvelle conception des relations
humaines, op cit, p. 20.
* 43 Ibid, p.22
* 44Rapport 1994 du PNUD sur
le Développement humain, p. 23.
* 45 Du droit de la guerre et
de la paix.
* 46 Du nom de son auteur,
Francis LIEBER, professeur de droit au Columbia Colledge à New york. Ce
code n'a pas valeur de traité; il était destiné à
l'origine aux seules forces armées nordistes des Etats Unis
engagées dans la guerre de sécession. Mais il énonce
très bien les règles visant la protection des populations ne
participant pas aux hostilités ainsi que des principes
réglementant le comportement des forces armées pendant un conflit
pour éviter de commettre un certain nombre d'exactions.
* 47 Daniel COLARD,
« La doctrine de la sécurité humaine, le point de vue
d'un juriste » , op.cit, p.39
* 48 Résolution de la
Commission des Droits de l'Homme de l»ONU: Droits de l'homme et
extrême pauvreté.
* 49 Communication n°
687/1996, constatations adoptées le 3 avril 2001, 71e session
du Comité des droits de l'homme.
* 50Document d'information sur
la sécurité économique,
www.ccsd.ca/francais/pubs/20030)
* 51
www.ilo.org/public/french/bureau.
* 52 Sommet alimentaire
mondial, Rome, 13-17 novembre 1996.
* 53 Lors de la 6ème
Conférence ministérielle du Réseau de la
Sécurité Humaine à Bamako au Mali.
* 54
www.sécurité-sanitaire.org
* 55 On peut voir à cet
effet le jugement rendu par l'organe de règlement des différents
de l'OMC le 12 juillet 1999, relatif à l'affaire du Boeuf aux
hormones. Cet organe reconnaît `'le droit des membres (de la
communauté européenne) à établir leur niveau
approprié de protection lequel peut être plus élevé
que celui qu'implique les normes, directives et recommandations internationales
existantes `'. §5
* 56 Simon DALBY, « Les
changements environnementaux et la sécurité des personnes:
repenser le contexte du développement durable»,
www.isuma.net, consulté le 30
août 2005
* 57 Voir principe 3 de la
Déclaration de Rio selon lequel «le droit au développement
durable doit être réalisé de façon à
satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement et
à l'environnement des générations présentes et
futures».
* 58 Cf. § 140 de
l'arrêt Gabcikovo /Nagymaros du 25 septembre 1997.
* 59 Etats multiethniques et
protection des droits des minorités, Conférence mondiale sur le
racisme, Durban, Afrique du Sud, 1-7 août 2001,
www.un.org/french/WCAR/e-kit/minority.htm.
* 60Lloyd Axworthy ,Ministre
des Affaires étrangères, Ottawa, Canada, discours du 29 avril
1999 «La sécurité humaine : la sécurité des
individus dans un monde en mutation» ,
www.humansecurity.gc.ca/safety_changingworld-fr.asp
* 61 Barbara ARNEIL et Al,
«Le changement de paradigme dans la sécurité humaine.
Nouveaux regards sur la politique étrangère du Canada»,
Centre canadien pour le développement de la politique
étrangère, University of British Columbia, 18 juin 1999,
http://dsp-psd.pwgsc.gc.ca/Collection/E2-409-1999F.pdf. A titre de rappel,
Lorsque les lycéens de Soweto manifestèrent au mois de juin 1976
réclamant de meilleures conditions pour mener leurs études et
refusant la dernière mesure prise pour renforcer le "Bantu Education Act
", la police sud africaine répliqua en utilisant du gaz
lacrymogène et en tirant à balles réelles. Des dizaines de
lycéens sans défense furent tués ce jour, et des centaines
d'autres personnes lors des émeutes qui éclatèrent par la
suite à Soweto et dans le reste du pays pendant toute l'année
1976. Ces événements marquèrent un tournant dans la lutte
contre le régime raciste sud africain.
* 62 Codification
amorcée par la Déclaration de San José du 2 déc.
2001 de la Commission des droits de l'homme sur les les droits de l'homme en
tan,t que composante de la sécurité humaine, et la
Déclaration de Graz du 10 mai 2003 sur les principes d'éducation
aux droits de l'homme et à la sécurité humaine.
* 63 Kevin BOYLE et Sigmund
SIMONSON, « La sécurité humaine, les droits de l'homme
et le développement » précité, p. 6
* 64 Rapport de la Commission
sur la Sécurité Humaine, p.17
* 65 Taylor OWEN, «Des
difficultés à définir la sécurité
humaine» précité, p.25
* 66 Bertrand RAMCHARAN,
«Les droits de l'homme et la sécurité humaine'' Renforcer
le désarmement et la sécurité, Forum du
désarmement un, 2004, p.41
* 67 David PETRASEK, «Une
version allégée des droits de l'homme? Réflexions sur la
sécurité humaine», Forum du désarmement 3, Les droits
de l'homme, la sécurité humaine et le désarmement, 2004,
p.68.
* 68 Gilbert RIST, «Les
enjeux critiques de l'après-«développement»,
Repenser le développement et la coopération internationale,
Etats et savoirs universitaires, Firouzeh NAHAVANDI (éd), Kharthala,
2003, p.49
* 69 Ibid, p.51
* 70 Daniel COLARD, «La
doctrine de la sécurité humaine, le point de vue d'un
juris», op.cit, p.51
* 71 Contrairement à
l'avis de Jean Pierre QUENEUDEC qui reste dans la logique de l'indissociation
entre paix et sécurité initialement consacrée dans la CNU
( voir son article «Les nouvelles menaces contre la paix et la
sécurité internationales, l'ordre publique internationale»,
Les nouvelles menaces contre la paix et la sécurité
internationales, Société française pour le droit
international, A. Pedone, 2004, pp. 287-293
* 72 Pour reprendre
l'expression de MWAYILA TSHIYEMBE, in «Les principes déterminants
de la conflictualité», La prévention des conflits en
Afrique Centrale, prospective pour une culture de la paix, Khartala, 2001,
p. 288.
* 73 Charte des Nations Unies,
art. 1
* 74 Charte des Nations Unies,
préambule
* 75 Jean Marc LAVIELLE,
Relations internationales. La discipline, les approches, les facteurs,
les règles, la société internationale, les acteurs, les
évolutions historiques, les défis. Coll. Le droit en question,
dirigé par Emmanuel PUTMAN et Alain SER, p.159
* 76 Daniel COLARD
précité, p. 39.
* 77 Art. 10 de la DUDH, art.
16 du PIRDCP, art. 6 de la CADHP, art. 7 de la Convention américaine
relative aux Droits de l'Homme, art.5 Convention Européenne des droits
de l'homme.
* 78 Affaire SERAC,
communication 155/96, adoptée à la 30ème
session ordinaire, Banjul, octobre 2001.
* 79 Termes de Koffi ANAN,
lors du discours prononcé devant la 54e Assemblée
générale le 20 septembre 1999.
* 80 Yves MADIOT, Les
droits de l'homme, op.cit, pp. 234 et 235.
* 81 Bertrand RAMCHARAN
« Les droits de l'homme et la sécurité
humaine » précité, p.42
* 82 Rapport de la Commission
Internationale de l'Intervention Humanitaire et de la Souveraineté des
Etats, La responsabilité de protéger, Déc, 2001
* 83 Yves MADIOT, Droits de
l'homme p. 129.
* 84 Ibid. p.191.
* 85 Yves MADIOT, «La
protection internationale de la personne» précité, p.188.
* 86 Fatsah OUGUERGOUZ, La
Charte africaine des droits de l'homme et des peuples..., op. Cit, p.315.
* 87 Agnès DORMEVAL,
Procédures onusiennes de mise en oeuvre des droits de
l'homme...op.cit, pp.112 et 127.
* 88 Fatsah OUGUERGOUZ, La
Charte africaine des droits de l'homme et des peuples..., pp. 326-327
* 89 Josiane TEREINET, «Le
Conseil de sécurité et la sécurité humaine»,
La sécurité internationale, nouvelle conception..., op.cit, p.
168.
* 90 Position de l'arbitre Max
HUBER dans l'affaire de Palmes, CPA, 4 avril 1928.
* 91 NGUYEN, DAILLIER et
PELLET, Droit international public, p. 448.
* 92 Rapport de la Commission
Internationale de l'Intervention Humanitaire et de la Souveraineté des
Etats, op.cit
* 93 Ibid
* 94 ibid
* 95 Josiane TERCINET, «Le
Conseil de sécurité et la sécurité humaine»,
précité, p.179.
* 96 Fredéric RAMEL,
«Les institutions économiques internationales et la
sécurité humaine. Vers un nouveau régime de
sécurité?», La sécurité humaine, une nouvelle
conception..., p. 189
* 97Press release no
2005/424/S, 12 avril 2005, http//web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/NEWS.
* 98 Claude GARCIN,
« Aspects pénaux de la sécurité
humaine » la sécurité humaine, nouvelle
conception...op.cit, P.2245.
* 99 TPIY, jugement du 7 mai
1997, affaire Tadic, § 653.
* 100 TPIR, Affaire
Akayesu,jugement du 2 septembre 1998,§ 45.
* 101 Ibid, § 253
* 102 Claude GARCIN,
« Aspects pénaux de la sécurité
humaine », précité.
* 103 Lloyd AXWORTHY,
« La sécurité humaine : la sécurité
des individus dans un monde en mutation »
précité
* 104 TPIY, jugement du 7 mai
1997
* 105 Rapport de la commission
internationale de l'intervention et de la souveraineté des Etats,
§3.30.
* 106 Ibid
* 107 Philippe CHRESTIEN,
« L'influence des droits de l'homme sur l'évolution du droit
international contemporain », Revue trimestrielle droits de l'homme,
no 40, 1er octobre. 1999, p.736
* 108 Ibid. p. 738
* 109 Pierre de SENARCLENS,
La politique internationale, col. Compact, Armand Colin, 4e éd.
2002, p.27
* 110 Ibid
* 111 Jean Paul HERBERT,
«Sécurité humaine et nouvelle course aux armements», La
sécurité humaine, une nouvelle conception..., op. Cit, p.144
* 112 La réparation
insinue la détermination des coupables; or, l'impact transfrontiere de
certaines atteintes à la dignité humaine la rend difficile, voire
impossible.
* 113 Philippe GAUTIER,
L'apport du droit international à la question de responsabilité,
Quel avenir pour le droit de l'environnement ? cité par Nicolas de
SADELER, Les principes du pollueur-payeur, de prévention et de
précaution: essai sur la genèse et la portée juridique
de quelques principes du droit de l'environnement, Bruylant, Bruxelles, 1999,
p. 109, note 225.
* 114 Gérard
COHEN-JONATHAN, «Les évolutions du droit international des droits
de l'homme», article précité, pp. 122 et 123.
* 115 Nicolas SADELEER,
Les principes du pollueur-payeur, de prévention et de
précaution, op.cit, p.115
* 116
www.un.org/french/pubs/chronique2004
* 117 John COCKELL,
«Prévention des conflits et coopération
multilatérale»,
www.humansecurity.info/PDF/Cockell.
* 118 Charles ZORBIBE,
L'avenir de la sécurité internationale, presses de
sciences politiques, 2003, pp. 76- 90.
* 119 Selon un terme de la
politique étrangère canadienne sur la sécurité
humaine.
www.humansecurity.org.
* 120 Cela est très
important car, le Canada a déjà pensé à une
approche africaine de la sécurité humaine qu'il essaye de mettre
sur pied; Or, l'échec d'un bon nombre de politiques internationales
comme de politiques internes résulte du fait qu'elles sont
imposées à l'Afrique de l'extérieur et qu'elles ne
correspondent pas toujours aux besoins réels ou prioritaires en la
matière.
* 121 Jean Pierre COLIN,
«La morphologie juridique des relations internationales», 2000,
www.univ-reims.fr/Labos/CERI/la_morphologie_du_droit.htm,
consulté en mai 2005.
* 122 Pierre de SENARCLES,
La politique internationale, op.cit, p.234
* 123 Rapport de Commission
sur la sécurité humaine,
www.humansecurity-chs.org/finalreport/
* 124 Pierre MULLER et Yves
SUREL, L'analyse des politiques publiques, éd. Clefs, politique,
Montchrestien, 2000, p. 13.
* 125 Armatya SEN,
«
* 126 Bertrand RAMCHARAN,
« Les droits de l'homme et la sécurité
humaine », précité, p. 43
* 127 Paul HEINBECKER,
«La sécurité humaine, enjeux inéluctables»,
article précité, p.11
* 128 Terme selon lequel les
politiques canadiennes de sécurité et de défense sont
articulées autour de menaces qui, même si leurs sources sont
éloignées risquent de compromettre la stabilité du
régime international ou, à un moment donné de menacer le
territoire national. La défense avancée est une sorte de
réponse à la mondialisation et au problème des
réfugiés.
* 129 Paul HEINBECKER,
précité, p. 13
* 130 Rapport 1994 du PNUD sur
le développement humain p. 25.
* 131 Lloyd AXWORTHY,
« La sécurité humaine: la sécurité des
individus dans un monde en mutation » précité
* 132 Ibid.
* 133 Bertrand RAMCHARAN,
op.cit, p.44.
* 134 Alain TOURRAINE,
Qu'est-ce que la démocratie? Fayard, 1996, p. 61
* 135 Jean DAUDELIN,
«Entre la peur et les bonnes intentions: sécurité humaine et
Aide au développement au Canada», la sécurité
humaine, nouvelle conception des relations internationales, p. 310.
* 136 Jean Pierre GAUDIN,
Pourquoi la gouvernance, Paris, Presses de la FNSP, coll. La
Bibliothèque du Citoyen, 2002, p. 37
* 137 Myriam GERVAIS,
«Sécurité humaine, approche centrée sur les
problèmes structurels», programme Genre et sécurité
humaine, no 3, mai 2002, www.gesh-ghsi.mcgill.ca/pub-f/Gervais.dp.pdf
* 138 Georges
NZONGOLA-NTALAJA, «Les dimensions politiques de la situation de l'Afrique
dans le système mondial», in Alternatives Sud, vol. VIII (2002) no
3, cité par Georges NZONGOLA-NTALAJA, «Gouvernance et
Développement», PNUD, 23 mars 2003. www.undp.org
* 139 Raphaël CANET,
« Qu'est-ce que la gouvernance ? », conférence
de la Chaire en mondialisation, Citoyenneté et démocratie, 16
mars 2004, www.chaire-mcd.ca
* 140 Georges
NZONGOLA-NTALAJA, «Les dimensions de la politique»
précité.
La sécurité humaine au sens large est
sacrifiée au profit des visées capitalistes de l'idéologie
libérale qui privilégie la propriété
privée.
* 141 Daniel COLARD,
« La doctrine de la sécurité humaine »p.
55.
* 142 Jean DAUDELIN, article
précité, reprenant Art WRIGHT, Human development, note 12, p.
307
* 143 Daniel COLARD, «La
doctrine de la «sécurité humaine»...p.41
* 144 Ibid.
* 145 Charles-Philippe DAVID
et Jean François RIOUX, « Le concept de sécurité
humaine», article précité,p.21
* 146 Ibid.
* 147 Ibid.
* 148 De 1970 à 1980,
des rapports ont été publiés lors des conférences
des Nations Unies sur le thème des relations entre le désarmement
et le développement. L'idée étant que le Nord devrait
procéder à son désarmement et consacrer les ressources
dégagées par la réduction de l'achat et de la fabrication
d'armes au développement des pays du tiers monde. C'est ce débat
que rouvre le rapport du PNUD de 1994 en liant la sécurité au
développement.
* 149 Daniel DEUDNEY,
«The Case Against Linking Environmental Degradation an d National
security» Millennium 19, 1998, p. 464, cité par Keith KRAUSE,
«Une approche critique de la sécurité humaine», op.
Cit, p. 76.
* 150 Voir Rapport 1994 du
PNUD sur le Développement humain.
* 151 Taylor OWEN,
« Des difficultés et de l'intérêt de
définir la sécurité humaine »,
précité, p. 23
* 152 Ibid.
* 153 Ibid.
* 154 Ibid, p. 25
* 155 Lloyd AXWORTHY
précité.
* 156 Pour reprendre ainsi la
formule de Gilles FIEVET à propos de la notion de
«développement durable» dans son article
«Réflexion sur le concept de développement durable :
prétention économique, principes stratégiques et
protection des droits fondamentaux'', Revue belge de droit international, 2001,
éd. Bruylant, Bruxelles, p. 135
* 157 Pour reprendre ainsi
l'expression de Jean Didier BOUKONGOU parlant de l'effectivité des
droits de l'homme en Afrique et l'application de la Charte africaine. Selon
lui, les gouvernants africains s'empressent de ratifier les conventions
internationales juste pour montrer leur appartenance à la
communauté internationale, sans aucune intention de les appliquer
concrètement. On peut lire cette critique dans «L'application de la
Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples par les autorités
nationales en Afrique Centrale», in L'application nationale de la CADHP,
Jean-François Flauss et Elizabeth Lambert Abdelgawad (Dir), Brulant,
2004, pp. 123-159.
* 158 Le PAM a une commission
de la sécurité humaine et de la sécurité
alimentaire et l'OMS a un département de santé et de
sécurité humaine.
* 159 Le RSH est compose de 12
membres, ministres des affaires étrangères des pays suivant:
Autriche, Canada, Chili, Grèce, Irlande, Jordanie, Mali, Pays Bas,
Norvège, Slovénie, Suisse, Thaïlande et Afrique du Sud (en
tant qu'observateur).
* 160 Disponible sur
www.humansecuritynetwork.org
* 161 Gilles FIEVET,
Réflexion sur le concept de développement durable :
prétentions économiques, principes stratégiques et
protection des droits fondamentaux », Revue Belge de Droit
International, 2004 p. 141
* 162 Lloyd AXWORTHY,
op.cit.
* 163 Jean François
RIOUX, La sécurité humaine, une nouvelle conception des
relations internationales, op. cit., p. 355
* 164 Lloyd AXWORTHY
précité.
* 165 Keith KRAUSE, «Une
approche critique de la sécurité humaine»
précité, p. 84
* 166 Idem, p. 90
* 167 Jean François
RIOUX, p. 359.
* 168 Nicole BALL, Rapport
d'un colloque organisé par le Programme des d'études
stratégiques et de sécurité internationale de l'institut
des hautes études internationales de l'université de
Genève, mars 2001,
www.humansecuritynetwork.org.
* 169 Julien TOUREILLE, `'La
sécurité humaine au coeur de la réforme de l'ONU'',
www.uqm.ca
* 170 Idem, p. 97
* 171 Jean François
RIOUX, op. cit., p. 357.
* 172 Alioune TINE,
Préface de l'Afrique de l'Ouest face au défi de la
sécurité humaine Dakar éd RADDHO 2005 P.7)
* 173 Mamadou SECK,
« plus de 30 guerres en 34 ans » l'Afrique de l'Ouest face
au défi de la sécurité humaine. Op. cit, P. 73
* 174 Karim HUSEIN, Donata
GNISCI, Julia WANJIRU, «Sécurité et sécurité
humaine, présentation des concepts et des initiatives. Quelles
conséquences pour l'Afrique de l'Ouest?
www.oecd.org/dataoecd/60/40/34616949.pdf
* 175 Alioune TINE, Op. Cit P.
7
* 176 Denis THIBAULT,
« NEPAD et droits humains » l'Afrique de l'Ouest... P.34
* 177 Taylor OWEN, op. cit.,
p.
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