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L'émergence d ela notion de sécurité humaine dans la protection internationale des droits de l'homme

( Télécharger le fichier original )
par Sabine Nicole Jiekak Mougoué
Université Catholique D'afrique Centrale, Yaoundé, Cameroun - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2005
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE CATHOLIQUE D'AFRIQUE CENTRALE

INSTITUT CATHOLIQUE DE YAOUNDE

FACULTE DES SCIENCES SOCIALES

ET DE GESTION

ASSOCIATION POUR LA PROMOTION DES DROITS DE L'HOMME EN AFRIQUE CENTRALE

L'EMERGENCE DE LA NOTION DE SECURITE HUMAINE DANS LA PROTECTION INTERNATIONALE DES DROITS DE L'HOMME

Mémoire présenté et soutenu publiquement en vue de l'obtention du diplôme de Master en droits de l'homme et action humanitaire

Par :

JIEKAK MOUGOUE

Sabine Nicole

Maîtrise en droit et carrières judiciaires

Sous la direction de : Et la supervision de :

Dr. Jean Claude TCHEUWA Pr. Jean Didier BOUKONGOU

Chargé de cours associé à Directeur du Master en Droits de l'Homme

l'UCAC et Action Humanitaire

Année académique 2004-2005

A ceux qui m'ont inculqués les valeurs de la vie et du travail,

mes parents Jiekak Paul et Siendeu Cécile, mon oncle Ndento Rigobert.

A Kelyan, qu'il puisse vivre dans un monde sans peur et à l'abri du besoin.

REMERCIEMENTS

Ce travail est le fruit de longues recherches. Il n'aurait pas pu être réalisé sans le concours de certaines personnes à qui j'aimerai exprimer ma gratitude.

Mes remerciements s'adressent tout particulièrement à mon Directeur de mémoire le Dr TCHEUWA Jean Claude qui m'a guidé dans la conception et la rédaction de ce travail, avec patience, simplicité et sympathie. Je lui exprime toute ma reconnaissance.

J'exprime ma profonde gratitude à tous les enseignants de l'APDHAC pour leur apport considérable dans ma formation.

Un merci particulier à monsieur KENFACK Jean pour ses commentaires, ses critiques et sa disponibilité.

Je tiens à remercier toute ma grande famille qui m'a soutenu moralement et financièrement. Je pense particulièrement à mes frères et mes soeurs, Sandrine et Olivier, Carine, Edmond, Steve, Madeleine, à mes tantes Mougoue Joséphine et Ngaleu Marie. Je n'oublie pas mes amies Sylvie, Ariane et Sorelle.

Je tiens également à remercier tous mes camarades de promotion, spécialement ceux avec qui ce thème à suscité beaucoup de débats. Je pense principalement à Ngartebaye Eugène, Sandrine Bakam et Blaise Zalagoye.

Je ne saurais finir sans remercier toute l'équipe de formation du Corps de la Paix américain au Cameroun pour leur soutien moral et pour tous leurs conseils. Spécialement Ibrahim Salle, Djanabo Talajo et Monique Ngo Ngi.

RESUME

Les nouvelles menaces auxquelles doit faire face le monde contemporain a conduit la communauté internationale à rechercher de nouvelles méthodes pour protéger la vie et la dignité humaine. C'est dans ces circonstances qu'est née la notion de sécurité humaine avec pour ambition de révolutionner la société du XXIe siècle. Elle place l'individu au coeur de toute action, dans le but de le libérer de la peur et de le prémunir contre le besoin, par le respect de ses droits fondamentaux et la mise sur pied de politiques de prévention pouvant éradiquer toutes les menaces contre l'individu. Cependant, l'objectif et les moyens de la notion ont tendance à se confondre à ceux mis en place par le droit international des droits de l'homme qui a dispositif juridique de protection de l'individu.

Cependant, la seule émergence de la notion de sécurité humaine attire l'attention sur les nouvelles manifestations des atteintes à l'individu, en s'attardant sur des questions qui ne sont pas toujours prises en compte par les droits de l'homme. Par conséquent, elle appelle à réexaminer les mécanismes et les instruments de protection de la personne dans un angle sécuritaire et aux actions préventives à cet effet.

MOTS ET EXPRESSIONS CLES

Sécurité humaine - Droits de l'homme - Protection des individus - Menaces - Souveraineté - Politique internationale - Communauté internationale - Prévention - Coopération - Humanité.

ABSTRACT

The new threats that the world today has to face have lead the international community to find new means to protect human life and dignity. The notion of human security launched under these circumstances with the ambition to bring huge changes into the 21st century society. It places the individual at the heart of all actions, in order to liberate him from fear and protect him against poverty through respect of his basic rights and the implementation of preventive policies liable to eradicate threats of all kinds to the individual. However, the objective and means of this notion tend to be similar to those put in place by the international law of human rights, which has the judicial obligation to protect the individual.

Nevertheless, the simple emergence of the notion of human security draws attention on new signs of threats to the individual, while dwelling on questions that are often left aside by human rights. It thus appeals to us to re-examine the mechanisms and instruments of human protection from the security and preventive actions perspective related to the issue.

KEYS WORDS

Human security - Human rights - Individual defence - Threats - Sovereignty - international affairs - International community - Prevention - Cooperation - Mankind

SIGLES ET ABREVIATIONS

B. M : Banque Mondiale

CADHP : Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

CICR : Convention Internationale de la Croix Rouge

CNU : Charte des Nations Unies

CPI : Cour Pénale Internationale

CSH : Commission sur la Sécurité Humaine

DIDH : Droit International des Droits de l'Homme

DUDH : Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

DIH : Droit International Humanitaire

FMI : Fonds Monétaire International

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement économique

OIT : Organisation Internationale du Travail

OMC : Organisation Mondiale du Commerce

ONG : Organisation Non Gouvernementale

ONU : Organisation des Nations Unies

PIDCP : Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques

PIDESC : Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

PNUE : Programme des Nations Unies pour l'Environnement

RSH : Réseau de la Sécurité Humaine

TPIR : Tribunal Pénal International pour le Rwanda

TPIY : Tribunal Pénal International pour l'ex Yougoslavie

SOMMAIRE

Introduction.....................................................................................

2

Première Partie : La faible densité juridique de la notion de sécurité humaine...

18

Chapitre I : l'Imprécision de la notion de sécurité humaine.............................

19

Section I : Naissance et évolution de la notion de sécurité humaine..................

21

Section II : Débats autour d'une notion ambiguë......................... 

34

Chapitre 2: La sécurité humaine : une notion difficilement opératoire.................

39

Section I : L'absence de consécration textuelle de la « sécurité humaine »...........

39

Section II : La « sécurité humaine », socle de la multiplication des interventions internationales..................................................................................

49

Deuxième Partie: la portée politique éventuelle de la sécurité humaine............

58

Chapitre 3 : La sécurité humaine comme guide des politiques des Etats ..............

60

Section I : L'intégration de la sécurité humaine dans l'agenda de la communauté internationale....................................................................................

61

Section II : La prise en compte indirecte de la sécurité humaine dans l'action des gouvernements..................................................................................

68

Chapitre 4 : De la nécessite de réaffirmer la notion de sécurité humaine...............

76

Section I : Les faiblesses de la notion de sécurité humaine...........................

76

Section II : Les perspectives ouvertes à la notion de sécurité humaine.................

82

Conclusion Générale.........................................................................

88

Introduction

La scène internationale est de plus en plus caractérisée par les échanges individuels et de moins en moins par les relations interétatiques. La lutte idéologique imposée par la guerre froide ainsi que la menace de l'emploi de l'arme nucléaire a laissé la place à des préoccupations plus élémentaires, mais non moins importantes. Les incertitudes liées aux maladies, à la faim, au chômage, à la criminalité, les conflagrations sociales, la répression politique, les catastrophes naturelles et le terrorisme font plus partie du quotidien des individus que les questions relatives aux armements. Ces dernières n'en sont toutefois pas exclues car, les conflits ethnico-religieux prolifèrent. La communauté internationale ne semble pas récuser la prolifération des armes en tant que tel. Mais elle recherche plus de mesures capables d'aider les pays pauvres à se développer tout en maintenant la croissance des pays riches. Or, tandis que les menaces énoncées par le PNUD1(*) semblent être maîtrisables dans ces pays riches, elles s'accroissent de jour en jour dans les pays pauvres, aidées en cela par l'instabilité politique qui y règne. La notion de sécurité humaine apparaît dès lors sur la scène internationale comme une préoccupation majeure à laquelle il faut répondre. Cette notion semble être un concept nouveau, qui émerge à peine et qui ne se retrouve pas encore réellement dans les instruments internationaux. Mis à part le PNUD2(*) et le Canada3(*) qui se prononcent comme étant les pionniers, le concept fait progressivement son entrée aussi bien sur la scène des relations internationales que dans le domaine des droits de l'homme. En effet, l'évolution des relations internationales, marquée par la mondialisation et la prolifération des échanges entre les peuples, a poussé la communauté internationale à jeter un regard nouveau sur les menaces qui pèsent sur les individus. La fin de la guerre froide a marqué une nette évolution dans le climat politique international et a permis d'attirer l'attention sur divers problèmes qui mettent en danger le genre humain, problèmes qui étaient asphyxiés sous les conflits armés. Un constat a été fait, ces conflits engendrent d'énormes coûts, aussi bien matériels qu'humains, dont les conséquences peuvent se prolonger à long terme. En outre, les facteurs comme la pollution, la déforestation, la pauvreté, la prolifération des endémies et des pandémies telles que le VIH/SIDA engendrent des conséquences semblables et même pires que celles d'une guerre. Ces fléaux dépassent les frontières étatiques et ont une incidence transnationale dont la portée n'est pas encore clairement définie : d'où la nécessité de redéfinir les objectifs de l'ONU à savoir la paix et la sécurité. La sécurité ne se définit plus seulement par opposition aux situations de conflits armés, mais par la recherche d'un certain bien être des individus à travers ce qu'ils ont de fondamental et de commun, leur dignité. En ceci, elle rejoint l'un des objectifs poursuivis par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948 qui dispose dans son préambule que : « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ». Devant l'émergence de cette notion dans le domaine de la protection des droits de l'homme, il se pose de prime abord la question de savoir quels sont les rapports entre la sécurité humaine et les droits de l'homme.

Beaucoup de débats sont nés depuis l'émergence de cette notion. Ses précurseurs insistent sur la nécessité de faire une précision : sécurité humaine et droits de l'homme ne signifient pas la même chose ; il ne s'agit pas de concepts qui se recoupent, mais d'idées différentes aux visées distinctes4(*). En outre, les droits de l'homme et la sécurité humaine peuvent être complémentaires, les premiers énoncent les droits auxquels peuvent prétendre tous les individus, la seconde repère les droits qui sont en péril dans une situation particulière5(*). Mais avant de pousser plus loin une quelconque analyse, il convient d'apporter quelques précisions terminologiques.

I- Définition des concepts

Le thème de notre recherche tourne autour de deux concepts qui méritent d'être clairement circonscrits : les droits de l'homme et la sécurité humaine.

1- Droits de l'homme

La notion de droits de l'homme est issue de la théorie du droit naturel énoncée par GROTUIS et se définit comme un ensemble de prérogatives que possède tout individu, inhérentes à sa nature et qu'on ne peut méconnaître sans porter atteinte à celles-ci. Plusieurs définitions ont été données à ce concept mais toutes sont unanimes sur les éléments qui la constituent. Selon Nicolas VALTICOS « la notion des droits de l'homme s'entend au-delà des droits des individus, à des droits dont l'homme peut et doit être le bénéficiaire, soit directement, soit à travers les communautés dont il fait partie »6(*). Et Yves MADIOT d'ajouter que les droits de l'homme sont des droits subjectifs qui traduisent, dans l'ordre juridique, les principes naturels de justice qui fondent la dignité de la personne humaine7(*).

Les droits de l'homme sont classiquement classés en trois catégories : D'abord, les droits de la première génération qui sont les droits civils et politiques et qui concernent les libertés que l'Etat doit assurer aux individus et aux citoyens. Ce sont ces droits qui constituent les droits fondamentaux et indérogeables, le « noyau intangible » ou « noyau dur » des droits de l'homme. Ils ont un caractère absolu qui consiste souvent en interdictions faites aux Etats et dont la mise en oeuvre doit être immédiate et intégrale. Ces droits peuvent donner directement lieu à un contrôle de type judiciaire. Ensuite, les droits de la deuxième génération, droits économiques et sociaux, se traduisent par des sortes de créances reconnues à des individus qui devraient bénéficier de certaines conditions de vie ou prestations comme travailleurs et membres de la société. La réalisation de ces droits est progressive et dépend très souvent du niveau de développement des pays considérés. Enfin, les droits de la troisième génération ou droits de solidarité comprennent le droit à un environnement sain, à la paix, au développement harmonieux des cultures mais surtout en faveur de l'humanité et plus spécifiquement au profit des générations futures, de l'homme de demain. Ces droits sont en grande partie prospectifs. Ce qui les rapproche e la sécurité humaine qui fait partie du droit prospectif.

On remarque donc que la notion de droits de l'homme est une notion évolutive. Ce qui lui confère une double signification selon Nicolas VALTICOS : D'une part, elle signifie que le contenu de plusieurs des droits qu'elle englobe évolue avec le temps et que la portée et même la signification de plusieurs de ces droits se modifient en conséquence. Elle peut aussi vouloir dire, d'autre part que la liste et le nombre de ces droits évoluent et que de nouveaux droits viennent souvent s'ajouter aux droits existants. La sécurité humaine peut-elle être considérée comme l'un de ces droits ?

2- Sécurité humaine

Le dictionnaire Robert définit la sécurité comme l'absence réelle de danger, de pauvreté et de toute appréhension. Sur le plan international, elle est définie comme la protection face aux agressions extérieures ou encore la protection des intérêts nationaux en politique étrangère ou enfin comme la protection globale contre un holocauste nucléaire. En y adjoignant l'adjectif humain, la sécurité humaine peut donc s'entendre comme l'absence réelle de danger, de la pauvreté et de toute appréhension de la part des êtres humains et de protection des individus contre les agressions et les intérêts extérieurs à leurs Etats. Mais cette définition ne révèle pas vraiment le contenu de cette notion. En fait, aucune définition de la sécurité humaine n'a encore réellement été donnée. De nombreuses initiatives ont été prises pour la définir, sans toutefois arriver à un consensus. Il en résulte deux courants de pensée susceptibles de regrouper la plupart des définitions données. Le premier8(*) donne un sens large au concept : la sécurité humaine englobe une longue liste de menaces potentielles à la sécurité des individus, les unes classiques -conflits armés- et les autres plus axées contre le développement comme les atteintes à la santé, à l'environnement, la pauvreté. C'est cette définition qui est retenue par le PNUD dans son Rapport 1994 sur le Développement Humain et par une grande partie de la doctrine. La sécurité humaine est donc une notion intégrante et s'applique aux individus en tant que particuliers et collectivités vivant dans un Etat et sur un territoire donné9(*). Elle se concentre entièrement sur l'individu et le protège des menaces, qu'elles s'accompagnent ou non de violence. Lloyd AXWORTHY définit la sécurité humaine comme le fait « d'être à l'abri des privations économiques, de jouir d'une qualité de vie acceptable et de se voir garantir l'exercice de ses droits humains fondamentaux »10(*).

Le second courant est plus restreint et rejoint en de nombreux points la définition de la sécurité classique. En effet, il définit la sécurité humaine comme axée sur les personnes, intégrant beaucoup plus de menaces que la sécurité classique, mais limitée aux plus violentes comme les mines terrestres, les armes légères et de petit calibre, la violence et les conflits intra étatiques. Si elle a l'avantage de donner des limites précises à la notion de sécurité humaine, cette définition se rapproche cependant de celle de la sécurité classique en intégrant uniquement l'idée de conflit armé et de menace pour la sécurité physique de la personne dans le cadre d'un Etat. C'est la raison pour laquelle nous ne retiendrons pas cette approche dans le cadre de notre étude, car elle pourra amener une confusion avec la sécurité classique. Or, cela ira à l'encontre des raisons qui expliquent le choix de ce thème.

Contexte de l'étude

Notre recherche intervient dans un contexte de changement perpétuel sur la scène internationale. En effet, après la chute du communisme qui a marqué un tournant décisif dans les relations internationales, la mondialisation vient renforcer les échanges internationaux, mais crée aussi du même coup une nouvelle forme de violence, le terrorisme. D'où la nécessité d'assurer une protection des Etats et des individus non plus à un niveau national, mais plutôt à un niveau international. Ainsi la coopération entre les Etats s'est renforcée pour assurer non seulement la sécurité des individus mais aussi la protection de leurs droits fondamentaux. La notion des droits de l'homme s'inscrit ainsi dans une perspective évolutive et son caractère universel est de plus en plus renforcé. De même, les mécanismes de protection de ces droits sont renforcés et l'Etat n'en est plus le seul garant. Cet état de fait remet en cause les attributs classiques de l'Etat.

En outre, il s'est développé une pratique qui tend à réduire la souveraineté des Etats : le droit d'ingérence humanitaire11(*). Cette doctrine, inspirée par Hugo GROTUIS reconnaît comme licite le recours à la force par un ou plusieurs Etats afin d'empêcher les mauvais traitements infligés à un Etat et/ou à ses ressortissants, dans l'hypothèse où ces traitements seraient si cruels et massifs que la conscience de la communauté internationale en serait heurtée. Toutefois, de fréquents abus ont entaché l'intervention humanitaire : trop souvent elle sert de prétexte pour occuper ou envahir les pays les plus faibles12(*).

II- MOTIVATIONS ET JUSTIFICATIONS.

La mise en place des mécanismes de protection des droits de l'homme est en cours aussi bien au niveau international que régional et national ; ce qui démontre l'actualité de la question. En outre, l'ère de la mondialisation renforce la focalisation sur les individus, ceux-ci ne se définissant plus seulement par rapport aux Etats.

En envisageant une étude sur l'émergence de la notion de sécurité humaine dans la protection des droits de l'homme, nous sommes portés à nous appesantir sur la recherche de la satisfaction d'un besoin non matériel essentiel à l'être humain. En effet, tous les individus recherchent la sécurité sous quelque forme qu'elle soit. Celle-ci est assurée par divers moyens, en passant de la sécurité au sein de l'unité familiale, du clan ou de la tribu et de la communauté ; ensuite au sein des Etats qui dans cette optique ont crée des armées pour protéger leur peuple et leurs citoyens ; enfin par le regroupement des Etats au sein d'organisations internationales qui cherchent à garantir la sécurité entre les Etats et cela à l'échelle mondiale, parfois même en dehors des Etats. Comme les droits de l'homme qui ont amorcé une évolution considérable du droit international depuis 1948, la sécurité humaine tendrait à devenir pour beaucoup le nouveau principe directeur des relations internationales. Et par ce fait, elle entraînera sans aucun doute des bouleversements dans le système de protection des droits de l'homme en cours.

III- INTÉRÊT DU SUJET

La sécurité humaine s'impose sur la scène internationale comme une donnée incontournable qui s'avère importante pour l'individu et pour la société internationale. Le thème de notre recherche présente un double intérêt, théorique et pratique.

Intérêt scientifique

La notion de sécurité humaine est une notion relativement nouvelle qui fait une apparition progressive dans le discours international sur la protection des individus. En effet, ses instruments découlent des concepts de valeur et de dignité humaine, concepts que reprend la sécurité humaine. Notre étude s'inscrit d'une part dans la dynamique des droits de l'homme qui est marquée par une évolution permanente ; en plus de l'évolution de la notion, elle cherche à clarifier les ambiguïtés éventuelles et à éviter les confusions qui peuvent se créer entre la notion de sécurité humaine et les droits de l'homme. D'autre part, nous aspirons à apporter notre modeste contribution sur la réflexion engagée au niveau international ; en effet, la nouveauté de la question lui confère un vaste domaine d'exploration, par rapport à son contenu et à l'impact qu'elle ne manquera pas d'avoir sur le droit positif.

Intérêt social

La question que l'on peut se poser à ce niveau est celle de savoir en quoi la sécurité humaine contribuera à influencer et à accélérer le processus de protection des droits de l'homme. La sécurité humaine s'attelle à la satisfaction des besoins primaires de l'individu énoncés dans la Déclaration de 1948. Or, la violation de ces droits fondamentaux a comme conséquence de constituer des menaces pour ces individus. La sécurité humaine, en se focalisant sur ces diverses menaces, impose de prendre des mesures pour les prévenir. Pour cela, il convient de susciter une grande mobilisation des acteurs internationaux et nationaux pour la recherche des mécanismes pouvant assurer la sécurité humaine. Or cela semble de prime abord pouvoir se faire à travers la protection des droits de l'homme. Ce qui est somme toute un préalable à la paix, au bien être des individus et à la préservation de la vie. La sécurité humaine, en s'insérant dans l'optique de la protection des droits de l'homme dénote le souci d'apporter un éclairage sur la question.

La prise en compte de la sécurité humaine dans les politiques nationales et internationales permettra à n'en point douter une amélioration des conditions de vie des individus et ainsi du capital humain pour le développement, notamment dans les pays les moins avancés. En effet, la sécurité humaine est susceptible d'éclairer les processus propres aux sociétés africaines qui sont assez sensibles à l'influence internationale.

IV- REVUE DE LA LITTÉRATURE.

Plus d'un demi siècle après la création et la mise en oeuvre progressive des instruments de protection internationale des Droits de l'Homme, on assiste chaque jour à des violations massives des droits qui y sont énoncés : massacres, tortures, atrocités en tout genre aussi bien par les Etats que par des individus et groupes d'individus. Ce qui nous amène avec plusieurs auteurs à nous poser cette question : la multitude d'organisations internationales et la kyrielle de conventions internationales ne servent-elles donc à rien ? Répondre par l'affirmative serait faire preuve d'un pessimisme qui ne traduit pas entièrement la réalité. En effet, les instruments de protection internationale des Droits de l'Homme sont effectifs, même si cette protection reste assez précaire. Cette précarité peut s'expliquer par l'intrusion progressive de l'individu dans un champ clos de la société internationale, classiquement dévolu aux Etats. Une telle intrusion prend une ampleur considérable, de sorte qu'il n'est plus seulement question de protéger les droits des individus, mais d'assurer la protection non matérielle de l'être humain, sa sécurité qui est « au coeur de l'expérience humaine »13(*).

La précarité de la protection internationale des Droits de l'Homme.

La protection internationale des Droits de l'Homme s'analyse en un ensemble de techniques de protection des Droits de l'Homme et de contrôle de la mise en oeuvre des règles adoptées à cet effet. Les auteurs s'accordent pour reconnaître la faiblesse de la protection juridique. Yves MADIOT fait une remarque qui s'avère pertinente d'entrée de jeu : les nombreux textes internationaux adoptés dans le domaine des droits de l'homme ont donné naissance à une « inflation conventionnelle »14(*) constituée de déclarations, conventions, pactes, chartes, résolutions et recommandations diverses qui ont donné naissance à des institutions variées : comités, commissions assorties de sous commissions, groupe de surveillance et juridictions internationales. En outre, les techniques diverses comme les pressions médiatiques sont mises en place avec l'appui des organisations non gouvernementales et des associations. Gérard COHEN-JONATHAN pense que cette institutionnalisation est encore insuffisante, du moins au niveau des mécanismes de contrôle internationaux15(*). En effet, selon lui, l'absence de sanction permettrait aux acteurs internationaux de mieux méconnaître tous ces instruments. Pour Yves MADIOT, ce foisonnement de textes et conventions s'avère fragile du fait que le droit international des droits de l'homme est « tributaire de la qualité des relations internationales et du degré d'avancement de l'Etat de droit dans les sociétés internes »16(*). En effet, les techniques et instruments de contrôle mis en place sont le fruit de conventions entre Etats : toutefois, les institutions internationales non juridictionnelles comme la Commission des droits de l'homme, organe à compétence générale (né du conseil économique et social) peuvent être saisies aussi bien par des pétitions, par un Etat que par des ONG. Il met en exergue le fait que la crédibilité de la Commission est proche de zéro et qu'elle est, à de trop nombreuses reprises, purement et simplement ridiculisée. Son bilan n'est pas brillant et « il ne serait sans doute pas nécessaire de l'inventer si elle n'existait pas »17(*).

Pour ce qui est des comités et des commissions, ils ont une compétence déterminée. Crées par certains textes relatifs aux droits de l'homme, ils sont chargés de contrôler l'application du texte qui les fonde. Cependant, les Etats, méfiants à l'égard de toute procédure qui pourrait entraver leur souveraineté, ont prévu de nombreux verrous de sécurité qui limitent sensiblement l'efficacité des comités. Yves MADIOT préconise la recherche par les comités et commissions d'une plus grande autonomie à l'égard des Etats pour qu'ils puissent constituer la première étape d'un système généralisé de protection des droits de l'homme. Ce système serait couronné par une Cour universelle des Droits de l'Homme18(*) . Il remarque en outre que ces institutions ont des compétences limitées et une faible efficacité qui donnent aux Etats bonne conscience car le risque d'une condamnation n'est pas très élevé. Jean Didier BOUKONGOU se range à cet avis en constatant qu'il est très difficile d'organiser au niveau international de véritables sanctions juridiques19(*). Il en va de même de Jean Marie BECET et Daniel COLARD pour qui les sanctions demeurent imparfaites car lorsqu'elles existent, elles sont mineures, partielles et d'une portée limitée20(*).

En ce qui concerne les institutions juridictionnelles, la Cour Internationale de Justice, organe judiciaire principal des Nations Unis se confine dans un carcan juridique restrictif en face des violations des droits de l'homme21(*) . Car seul les Etats peuvent la saisir et pas les individus. La création de la Cour Pénale Internationale pourra apporter des compensations aux limites avérées de la Cour Internationale de Justice. Au niveau régional, il existe deux systèmes juridictionnels permanents opérationnels de protection des droits de l'homme. La Cour interaméricaine des droits de l'homme, pour le continent américain, les différents comités européens et la Cour européenne des droits de l'homme, la Commission africaine des droits de l'homme et la cour africaine des droits de l'homme et des peuples. Yves MADIOT relève que ces juridictions internationales de protection des droits fondamentaux constituent le stade suprême de la grande institutionnalisation des droits de l'homme22(*). Cependant ces organes peuvent être amenés à connaître d'affaires à contenu politique qui fragilisent le système de protection car, les Etats acceptent mal de se soumettre à une juridiction (tel est le cas surtout avec les saisines individuelles).

La souveraineté des Etats, acteurs principaux des relations internationales et instigateurs de normes de protection internationale des droits de l'homme, se pose comme un obstacle à la protection internationale. Or, celle-ci suppose l'acceptation par les Etats d'une entité supérieure, supra étatique à laquelle doivent se soumettre les gouvernements. En effet, constituant pour les Etats et pour leur population une protection et une garantie de leur sécurité, la souveraineté étatique constitue bien souvent un obstacle à la protection des droits de l'homme. Yves MADIOT exhorte à admettre que les droits fondamentaux ne font pas partie des affaires intérieures des Etats ni de leur compétence exclusive23(*). En effet, l'écart entre la proclamation de ces droits par les Etats et la protection effective est frappant, et il est de plus en plus important d'aller dans le sens d'une évolution. Jean Marie BECET et Daniel COLARD soulignent que « le progrès consistera à limiter la souveraineté de l'Etat, faciliter aux individus l'accès à des organisations de protection »24(*). Etat qui ne sera possible qu'avec la juridictionnalisation de la protection des droits fondamentaux, facteur déterminant de discipline des souverainetés étatiques, de nature à créer une habitude progressive de soumission au droit. A défaut, il n'est pas possible de parler de régime de droit25(*).

2-Sécurité humaine et droits de l'homme

La souveraineté de l'Etat est au centre du débat sur la sécurité humaine. Le concept de sécurité humaine est un « concept ambigu »26(*) selon lequel la sécurité va bien au-delà de la sauvegarde de l'intégrité de l'Etat. En effet, elle opère un détachement entre la sécurité de l'individu et celle de l'Etat qui a pourtant la tâche de prendre soin de ses citoyens. La sécurité humaine concrétiserait une volonté internationale d'ingérence, en dépit ou à l'encontre de la souveraineté étatique, lorsque des populations sont en détresse, pour Charles Philippe DAVID et Jean François RIOUX27(*). Cette ingérence s'appuie sur les droits universels de la personne codifiés par la Déclaration de 1948 et sur les concepts fondamentaux du droit des gens de l'avis de Daniel COLARD. Selon lui, puisqu'elle crée deux conceptions de la souveraineté (celle de l'Etat et celle de l'individu), il faut assurer une double conciliation : « celle des droits de l'homme avec les droits de l'Etat et celle des droits de l'homme avec les droits entre les Etats, la seconde devant garantir la première ». Ce qui relève selon lui de l' « Ideal Politik »28(*) ou diplomatie humaniste et multilatérale, privilégiant les droits de la personne. La protection de l'humanité semble être cher à la sécurité humaine. Elle en est à la fois la garante et le bénéficiaire. Selon Jean Jacques ROCHE  l'homme devrait de plus en plus se tourner vers l'humanité pour assurer sa sécurité et non plus vers la traditionnelle protection étatique lorsqu'il est confronté à une menace moyenne à la dimension individuelle de sa sécurité.29(*)

Les différentes études menées sur les rapports entre la sécurité humaine et les droits de l'homme sont arrivées à une conclusion : la sécurité humaine et les droits de l'homme sont deux notions distinctes, mais complémentaires. Kevin BOYLE et Sigmund SIMONSEN l'ont résumé en ces termes : « ... même si elles sont proches, la politique de la sécurité humaine et celle des droits de l'homme n'ont pas encore été combinées. Si la littérature sur la sécurité humaine reconnaît l'importance des droits de l'homme, la théorie et la pratique des droits de l'homme n'ont pas encore vraiment admis la réciproque »30(*) En effet, et selon Taylor OWEN, si les droits de l'homme représentent généralement les conditions de vie auxquelles peuvent prétendre tout individu, la sécurité humaine concerne la survie même de ces individus. Cela s'explique par le fait que la notion de sécurité humaine implique une certaine gravité qui ne peut concerner que des désastres imminents. Ce qui implique aussi que certaines violations des droits de l'homme, spécifiquement données, constituent clairement une menace pour la sécurité humaine, tandis que d'autres ne peuvent pas être considérées comme telles, à l'exemple de l'interdiction de la liberté religieuse31(*).

Mais ces difficultés, apparemment opposées n'empêchent pas les deux notions d'être interactives et complémentaires : en effet, comme le relève la Commission pour la Sécurité Humaine, les droits de l'homme et la sécurité humaine sont [...], dans une relation de synergie. La sécurité humaine aide à repérer les droits qui sont en péril dans une situation particulière. Les droits de l'homme aident à répondre à la question de savoir comment la sécurité humaine doit être défendue. La notion des droits et obligations complète la reconnaissance de l'importance à la fois éthique et politique de la notion de sécurité humaine32(*). En outre, la sécurité humaine, centrée sur les individus et leurs communautés, met l'accent sur d'égales opportunités afin que les personnes puissent développer tout leur potentiel humain. Les droits de l'homme sont centraux à tout cela, en ceci qu'ils constituent le cadre qui doit être nécessairement appliqué à la construction et à la mise en oeuvre de la notion de la sécurité humaine. De plus en plus, la sécurité humaine et les droits de l'homme se renforcent mutuellement. Taylor OWEN relève que, dans tous les rapports et les liens que l'on peut chercher ou trouver entre les deux notions, ce qui est le plus important est la reconnaissance que la protection contre les violations des droits de l'homme est une des composantes de la protection de la sécurité humaine même si cette protection n'est pas une condition suffisante de la sécurité humaine33(*). Cette position est celle adoptée par la Commission pour la Sécurité Humaine dans son rapport de 2003. Selon ce rapport, l'intérêt du paradigme de sécurité humaine réside dans les concepts clés que sont la protection et l'habilitation, concepts qui sont semblables aux objectifs formulés en matière de droits de l'homme. Ce qui amène Kevin BOYLE à tirer la conclusion selon laquelle « l'heure semble donc venue d'inscrire dans les actions des droits de l'homme une analyse, un discours et des perspectives de sécurité humaine »34(*). En effet, les deux notions s'embrigadent car, toutes les fois que survient une violation des droits de l'homme, il s'ensuit une conséquence certaine sur la sécurité des individus, et vice versa.

Tous ces débats semblent éviter de toucher à la question fondamentale à savoir la nature juridique de la notion de sécurité humaine et de répondre par une définition positive et pratique. Ce que nous nous proposons de faire dans cette recherche.

Problématique

De ce qui précède, il s'avère que la sécurité humaine, nouvelle logique émergente du droit international présente un intérêt certain du point de vue de la protection internationale des droits de l'homme. Plusieurs questions mèneront notre étude : Quels sont les facteurs qui ont contribué à la genèse de la sécurité humaine ? La notion de sécurité humaine a-t-elle engendré une pratique suffisante pour avoir une incidence sur les droits de l'homme ? En effet, les mécanismes traditionnels érigés par la communauté internationale, en l'occurrence l'ONU et les Etats dans leurs rapports mutuels, sont-ils préparés à l'intrusion d'une notion comme la sécurité humaine ? Quels sont les dangers potentiels de l'émergence de cette notion ? Les promoteurs de la notion recherchent un impact sur les ordres juridiques international et national et une incidence sur les pôles de décisions politiques. Cependant, est-il possible de concevoir la notion de sécurité humaine comme un véritable droit individuel ayant une incidence sur le système international de protection des droits de l'homme et dont l'application est possible à tous les niveaux de décisions ?

V- HYPOTHÈSES

L'émergence de la sécurité humaine traduit la nécessité de réorienter le débat sur la protection de l'individu pris comme sujet de droit international.

Cependant, si cette notion semble pouvoir aider à consolider le système de protection internationale des droits de l'homme, c'est dû au fait que l'individu n'est plus considéré comme appartenant à une entité étatique et territoriale bien définie, mais plutôt comme faisant partie d'un tout dont la survie des uns et des autres dépend de chacun. Il n'en demeure pas moins que c'est une notion à faible densité juridique. En effet, ses contours baignent dans un flou textuel qui ne permet pas encore une quelconque codification. Il convient d'en déterminer avec la plus grande exactitude son contenu et ses limites pour pouvoir préciser son domaine et ainsi son utilisation dans le domaine des droits de l'homme.

En outre, la sécurité humaine est utilisée par les acteurs internationaux comme la plupart des instruments de droits de l'homme est utilisée par les gouvernants africains: une parure, un habit de gala que l'on sort pour faire valoir sa respectabilité et son appartenance à la communauté internationale35(*). La connotation politique de la notion est incertaine.

VI- CADRE MÉTHODOLOGIQUE

L'étude la sécurité humaine comme notion indépendante et son entrée dans le système de protection des droits de l'homme exige la détermination d'un ensemble de moyens et de procédés qui seront utilisés pour asseoir les théories développées et les agencer dans un contexte pratique de façon à faciliter leur utilisation.

Pour conduire notre étude, nous combinerons la méthode dialectique à la méthode systémique.

1- La méthode dialectique 

La sécurité humaine étant en pleine mouvance évolutive, cette méthode nous permettra d'analyser les étapes de son évolution et de celle des institutions qui la consacrent Elle semble être une méthode plus complète que les autres, car elle part de la constatation simple des contradictions qui nous entourent, et notamment qui entoure la sécurité humaine. Elle est d'abord une attitude vis-à-vis de l'objet : empirique et déductive, elle commande par là une certaine façon de recueillir des données concrètes. Elle représente aussi une tentative d'explication des faits et des phénomènes et est directement liée à la notion de totalité36(*).. En outre, c'est la méthode qui appelle l'analyse juridique Ce qui suppose une idée d'évolution dans laquelle se situe l'objet de notre recherche.

2 - La méthode systémique

Elle a pour but de construire un modèle ou un cadre théorique adapté à l'analyse d'un système social, culturel ou juridique. Elle met en relation les différents éléments qui le composent et qui sont susceptibles de l'influencer (rôle des institutions, normes valeurs) et nous permet de voir comment un système réagit devant les facteurs qui menacent son équilibre. Cette méthode est préconisée pour traiter des grandes organisations car elle apporte une synthèse là où existent de nombreuses interactions. Elle incite à une rigueur à la fois conceptuelle et logique qui nous semble primordiale pour l'étude d'un système international de protection des droits de l'homme. En effet, aussi bien les droits de l'homme que la sécurité humaine ne peuvent s'analyser concrètement que par une étude approfondie de tout l'arsenal institutionnel mis en place pour appliquer ces notions.

Nous utilisons principalement l'analyse du contenu documentaire qui est une technique de recherche qui décrit objectivement et de manière systématique le contenu des documents dans le but de les interpréter, de les vérifier ou tout simplement de les explorer. Les documents dont il est question ici s'entendent de texte écrits : documents officiels, livres, journaux, publications en ligne.

IX. JUSTIFICATION DU PLAN

La première partie de notre recherche, intitulée La faible densité juridique de la notion de sécurité humaine dans le système de protection internationale des droits de l'homme cherche à offrir une vision globale et claire de la notion en insistant sur le fait qu'elle nécessite une définition plus précise pour pouvoir être mise en oeuvre et le cas échéant bénéficier d'une protection effective.

La seconde partie, nommée La sécurité humaine, une notion à portée politique incertaine vise à déterminer et à évaluer les actions prises jusqu'à l'heure actuelle au niveaux des Etats pour aboutir au but ultime des différentes notions, à savoir le bien être de l'individu.

PREMIÈRE PARTIE: LA FAIBLE DENSITÉ JURIDIQUE DE LA NOTION DE SÉCURITÉ HUMAINE.

La sécurité des personnes a été assurée de diverses manières depuis les débuts de l'humanité. D'abord par le développement des organisations sociales et ethniques visant à combattre la violence par le violence. C'était là l'ère de la loi du talion. La quête de la sécurité pour soi et pour ses semblables se confond avec l'histoire des institutions politiques dont le rôle premier fut sans doute de mobiliser les ressources des groupes sociaux dans le but d'assurer leur défense. La famille, le clan et la tribu sont ainsi les premiers organes de sécurité. Puis, les royaumes et les empires ont bâti des armées pour se protéger de l'occupation d'autres royaumes. Les républiques modernes ont amorcé une guerre industrielle (commerciales, nucléaires, pharmaceutiques)en plus de celles qu'elles mènent avec leurs armées. De nos jours, les organisations internationales constituent le nouveau moyen d'assurer la sécurité37(*).

La sécurité humaine réoriente le discours sur la sécurité mondiale vers l'axe de la dignité humaine, de la reconnaissance des libertés publiques, des droits individuels inhérents à la condition d'être humain et vers les obligations des Etats et des organisations intergouvernementales pour que ces droits soient effectivement respectés. Les droits de l'homme sont historiquement constitués en référence à un droit naturel à la sécurité, et ses principes normatifs sont des obligations juridiques contraignantes admises par les Etats, en temps de paix comme en temps de conflits armés. Or, la sécurité humaine, du moins les principes qui la soutendent n'ont pas encore cette force juridique. Cela peut s'expliquer par deux raisons. La première résulte du flou qui persiste au niveau du contenu de la sécurité humaine ; elle englobe des éléments tellement divers et variés qu'il est quasi impossible de la mettre dans une catégorie juridique déterminée. En second, bien qu'elle soit incontournable dans le discours international, il n'existe ni mécanismes ni institutions qui la concrétisent.

Nous nous proposons d'analyser la notion de sécurité humaine dans ce qu'elle a d'imprécis sur le plan juridique dans un premier chapitre, et dans un second de nous attarder sur l'absence d'institutions internationales chargées de consacrer cette notion.

CHAPITRE I : L'IMPRÉCISION DE LA NOTION DE SÉCURITÉ HUMAINE

« La définition n'est autre que la fin du sujet qui se présente: si elle n'est pas bien fondée, tout ce qui sera bâti sur icelle ruinera peu après ».

Jean BODIN,

Six livres de la République

La notion de sécurité humaine suscite une profusion d'écrits qui la conduisent à évoluer sans cesse. Cette évolution n'est pas toujours salutaire pour son avenir. Le débat qui est née autour de la notion vient sans aucun doute de l'étendue de son contenu. Celui-ci n'est pas simplifié par les sept grandes menaces à la sécurité des individus énumérées par le PNUD dans son rapport de 1994 sur le Développement Humain :les menaces économique, alimentaire, sanitaire, environnementale, personnelle, politique et les menaces qui pèsent sur les communautés. Ces différentes menaces sont présentes en temps de paix comme en période de conflits armés et ne sont pas le seul apanage des pays les moins avancés ; même les pays développés en font les frais. Elles varient selon les régions, parce qu'une menace peut être accentuée dans une région et demeurée quasi inexistante dans une autre. Elles ont toutefois des conséquences transfrontières incommensurables. Une analyse de ces menaces révèle que la plupart peuvent bien être classées dans la catégorie des violations graves des droits de l'homme.

Du point de vue de ses promoteurs, la sécurité humaine en englobant toutes les menaces au genre humain se veut être une méthode préventive contre un certain nombre de dangers et de besoins. Elle semble être conçuée pour corriger les grands déséquilibres socio-économiques que la sécurité traditionnelle a refusé de prendre en charge jusque là. La généralisation faite par le PNUD dans sa définition dissimule les dangers liés à des groupes précis. La prise en considération de ces groupes requiert l'existence d'un modèle de société dans lequel une de ces menaces n'existe pas ; or, ce type de société ne peut être que le fruit de considérations utopistes et irréalisables. La volonté de pallier à l'échec de la politique internationale dans les sociétés où ces menaces font partie du quotidien a fait de la sécurité humaine le nouveau slogan scandé par tous, avec en tête de file le Secrétaire Général des Nations unies, Kofi ANNAN38(*).

Nous assistons donc à une expansion de la notion de sécurité humaine sur le plan international et même national dans une certaine mesure. Mais, qu'en est-il exactement de cette notion ? Quelle est sa nature juridique ? Le discours international est loin d'être uniforme sur la question. Envisagé cumulativement sous l'angle des relations internationales comme une nouvelle approche de la sécurité internationale et comme une nouvelle catégorie des droits de l'homme, la sécurité humaine a des fondements multiples (section I) qui lui donnent un contenu extensible (section II).

SECTION 1 : NAISSANCE ET EVOLUTION DE LA « SECURITE HUMAINE ».

Contrairement à la pratique juridique courante, la notion de sécurité humaine semble toute droite sortie du néant. Elle apparaît comme un contenant qui a été fabriqué sans trop savoir de prime abord à quoi il servira. N'ayant d'antécédent ni dans un texte international ni sous l'impulsion d'un Etat ou d'une ONG, la naissance de la notion peut s'expliquer par plusieurs raisons : En premier lieu, la sécurité humaine est apparue dans le contexte des relations internationales ; or, comme le remarque Keith KRAUSE, la plupart des contributions à la littérature sur les normes et idées dans les relations internationales n'accordent pas d'importance à la source d'une idée nouvelle, mais se concentrent sur l'impact que cette idée pourrait avoir39(*). Apparue d'abord dans un grand flou de discours philosophiques, les contours de la notion ont commencé à se dessiner avec l'édiction des principes réglementant les guerres et les différents problèmes auxquels devait faire face le monde (paragraphe I). Par la suite, ses concepteurs ont défini un contenu constitué d'autant de menaces que possible à la vie des individus ce qui a commencé à préciser la notion, (paragraphe II), même si elle reste encore en fin de compte dans la phase d'élaboration.

Paragraphe 1 - Les origines diverses de la sécurité humaine.

Des écrits des philosophes du XVIIIe siècle aux traités de guerre, les considérations pour la sécurité humaine semblent avoir de tout temps fait l'objet de diverses préoccupations, même si cela a été à des degrés variables. Par conséquent, on relève dans la notion une forte influence des courants philosophiques (A) qui se sont traduits dans les premiers traités relatifs à la protection des individus, à savoir les lois de la guerre (B). Les idées qui y sont développées ont été consolidées avec les crises sociales, politiques et économiques du début du 20e siècle (C).

A- Une notion à forte influence philosophique.

L'idée première de la notion de sécurité humaine remonterait au XVIIIe siècle, lorsque les penseurs orientent leurs idées sur la protection des individus. Les protagonistes de ce courant philosophique sont Montesquieu, Smith et Condorcet. Montesquieu préconisait de mettre l'accent sur la liberté et les droits subjectifs des personnes plutôt que sur la sécurité assurée par l'Etat. Adam Smith lui, envisageait la sécurité comme la protection des individus contre des attaques violentes et soudaines contre leurs personnes ou leurs biens ; c'est cette sécurité qui assurerait une société prospère et opulente. Pour Condorcet enfin, la sécurité des personnes devrait être le principe fondamental du contrat social. Toutefois, ces convictions libérales n'étaient pas partagées unanimement. C'est ainsi que certains penseurs comme Kant, Hobbes et Grotuis, tout en prenant en compte l'intérêt qu'il y a à préserver la sécurité individuelle, soutiennent que la primauté doit revenir à la sécurité étatique40(*). L'idée a fait son chemin à travers les siècles et on la retrouve sous la forme de sécurité collective exprimée, selon Kevin BOYLE et Sigmund SIMONSEN41(*), dans les Quatre libertés proclamées par Franklin Delano Roosvelt dans son discours sur l'Etat d'union de janvier 1941, à savoir les libertés d'expression et de culte, les libertés de vivre à l'abri du besoin et de la peur

Cantonnée au niveau de la pensée pendant un moment, cette notion refait surface avec plus d'acuité dans les écrits des auteurs qui contestent l'approche réaliste de l'Etat et du modèle westphalien. Dans les années 1960-1970, des auteurs comme John GALTUNG soutiennent que la paix n'est pas seulement l'absence de violence organisée mais aussi la quête d'une justice sociale et de facteurs de coopération et d'intégration entre groupes humains, susceptible d'effacer la violence structurelle qui émane des structures étatiques. En 1972, John BURTON explique que les conflits sont la résultante de la privation des besoins humains individuels et préconise une société fondée sur la paix, la justice et le bien être. A la même période, les libéraux américains représentés par Lester BROWN et Richard ULLMAN tentent de redéfinir la sécurité en fonction des menaces qui pèsent sur la qualité de la vie des habitants d'un Etat et non plus par rapport à la dimension militaire. A l'aube des années 1990, les constructivistes apportent une autre vision à la sécurité : ils pensent qu'il est nécessaire de reconstruire des normes ainsi que de changer les comportements au sein du système international ; ses acteurs doivent favoriser et institutionnaliser les interventions humanitaires en cas de besoins, défiant ainsi les notions d'intérêt, de puissance et de souveraineté42(*). Cette vision de la sécurité est renforcée avec l'émergence du concept de développement durable issu du Rapport de Bruntland de 1987 accueilli favorablement par la communauté internationale. Il dépasse le cadre environnemental et englobe les aspects écologiques, économiques, sociaux, culturels et politiques. C'est cet intérêt pour le développement durable qui sans doute conduit cette même communauté à se pencher sur la question de sécurité43(*) et du même coup sur le respect, la promotion et la protection des droits de l'homme. C'est finalement en 1994 que le concept de sécurité humaine trouve une consécration officielle dans le rapport du PNUD sur le « développement humain » qui le présente sous forme d'un impératif : « il nous faut passer de la sécurité nucléaire à la sécurité humaine »44(*); Ce rapport donne des indicateurs permettant de déterminer les contours et les éléments du concept.

B- La sécurité humaine dans les lois de la guerre.

D'un point de vue pratique, les idées qui soutendent la sécurité humaine se retrouvent au XVIIème siècle, dans le De jure belli ac Paci45(*) de Hugo De GROOT, juriste hollandais dit GROTIUS. Cet ouvrage est la première élaboration d'un traité visant à protéger les victimes des conflits. Selon GROTIUS, les personnes qui ne participent pas à un conflit ou qui en subissent des dommages méritent une protection de la part des belligérants. Un siècle plus tard (1762), Jean Jacques ROUSSEAU dans le fameux « Du contrat social » reprend GROTIUS et pose le principe fondamental qui sera celui des Conventions de Genève. Mais, c'est véritablement le 24 avril 1863 qu'intervient un ensemble de règles visant à limiter les exactions commises par les belligérants. En effet, avant cette date, la guerre était régie par des règles non écrites fondées sur la coutume. Ces règles sont pour la plupart issues de traités bilatéraux plus ou moins élaborés (des cartels) que les parties ratifiaient même après la bataille. Ils n'avaient pas véritablement force de loi. C'est la rédaction du Code dit de Lieber46(*) qui marque le premier essai de codification des lois et coutumes de guerre existantes à cette époque. Le texte est orienté vers la protection de la vie et de la dignité humaine. Ce sont les principes incorporés dans ces lois de la guerre qui sont repris et améliorés avec la fondation du CICR par Henri DUNANT en 1860 dans une tentative de défense et de protection de la dignité humaine en période de conflit armé. Une partie de la doctrine situe l'origine du concept à cette période47(*), en ce sens que cette instance a, de façon particulière, attiré l'attention sur la nécessité de préserver la sécurité des individus et des personnes, notamment en période des conflits armés.

C- Les considérations politiques et socio-économiques ayant favorisé l'expansion de la notion.

Le discours sur la sécurité humaine prend de l'ampleur au fur et à mesure que s'accroissent les tensions politiques comme le terrorisme, les conflits armés internes et les génocides. Sur un plan socio-économique, la chute des barrières économiques et sociales sous l'effet de la mondialisation impose la mise en oeuvre d'une politique intègrant toutes ces données.

- Sur le plan politique : Aux niveaux international, régional et national, la multiplication des crises et tensions a conditionné la recherche d'une autre forme de sécurité. C'est ainsi que la prolifération des conflits armés de toutes sortes et la montée en puissance du terrorisme rendent plus que nécessaire la recherche d'une nouvelle forme de sécurité. En premier, les menaces militaires qui étaient à l'origine de la création de la SDN, puis de l'ONU s'éloignent de plus en plus (mis à part quelques exceptions). On est en face des conflits armés internes, qui sont l'apanage de groupes à la conquête du pouvoir ou de groupes ethniques différents. Ces conflits se déroulent pour la plupart sur le continent africain et dans les pays du tiers monde, mais ont une forte incidence sur la communauté internationale toute entière. Face à cette nouvelle donne, il a semblé nécessaire, voir urgent de penser une nouvelle façon de conduire les relations internationales, pour appeler les gouvernements -gouvernants et gouvernés- des pays en cause à adopter des mesures permettant de réduire l'impact humain et transfrontalier de ces conflits. En effet, chaque conflit entraîne des pertes humaines subséquentes, mais peut aussi créer de nouveaux conflits dans les frontières et dans les Etats voisins. C'est donc dans un souci de prévention des conflits que s'analyse le recours à la « sécurité humaine ». En second, et malgré différentes méthodes pour prévenir les conflits, ils ne cessent de prospérer. Une nouvelle forme de conflit s'est amplifiée sur la scène internationale depuis le 11 septembre 2001 avec les attaques des tours jumelles de New York. Le terrorisme, qui se caractérise par des attaques armées à des endroits différents et pour des raisons les plus diverses, n'obéit à aucune logique. Il vulnérabilise aussi bien les populations que les Etats et les organisations internationales. En effet, les tentatives de lutte de front contre le phénomène n'ont engendré que d'autres violences et une insécurité grandissante. C'est dans l'objectif d'y trouver des solutions que l'on s'accroche au concept de sécurité humaine.

- Sur le plan socio-économique : Le contexte socio-économique actuel regorge de crises. La pauvreté touche environ un milliard de personnes et prend une envergure croissante. Hommes, femmes et enfants vivent dans des conditions déplorables dans lesquelles ils ne peuvent pas subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. Cette pauvreté sévit le plus dans les pays du tiers monde et entrave toute tentative de développement. Elle est renforcée par le phénomène de la mondialisation : faire de la terre un énorme village où les hommes, les services et les biens pourront circuler librement, simplement sous l'influence de la volonté, des désirs et des besoins des individus et sans le contrôle des Etats est l'ambitieux projet que recouvre ce terme. Si elle a de nombreux avantages, le phénomène s'accompagne de conséquences négatives qui pourront très rapidement faire oublier les aspects positifs : l'élargissement des écarts de rémunération entre les travailleurs de pays industrialisés, les délocalisations des entreprises vers les pays en voie de développement avec des pressions à la baisse sur la rémunération et l'emploi des travailleurs locaux, le non respect ou la mauvaise application des droits fondamentaux qui accroissent les exclusions sociales. Ces effets sont des menaces insidieuses à la sécurité des individus qui peuvent aisément se répandre par le biais de la mondialisation. A ce propos, la Commission des droits de l'homme de l'ONU conclut que « l'extrême pauvreté et l'exclusion sociale constituent une violation de la dignité humaine et par conséquent requièrent des actions urgentes, nationales et internationales pour y remédier48(*) ».

C'est donc dans cet environnement politique et socio- économique qui appelle des actions urgentes que naît la sécurité humaine comme tentative de réponse. Toutefois, comme réponse à des préoccupations claires, la sécurité humaine pose à son tour quelques problèmes du fait de son ambiguïté.

Paragraphe 2- L'intégration continue de nouveaux paradigmes dans la notion de sécurité humaine

La sécurité humaine vise la protection des individus contre des menaces violentes ou non. Elle est réalisée dans une situation ou un état caractérisé par l'absence d'atteintes aux droits fondamentaux des personnes. Elle apparaît ainsi comme un principe de l'idéal, plein de multiples préalables et signifiant plusieurs choses à la fois. En effet, elle couvre à l'heure actuelle plusieurs domaines, de la sécurité personnelle à la sécurité des communautés en passant par la recherche du bien être économique, et de la sécurité environnementale. En plus de cela il est à tout moment possible d'y insérer un élément nouveau (A) auquel on rattachera à coup sûr les caractéristiques attribuées à la notion (B).

A- Le contenu extensible de la sécurité humaine

La sécurité humaine est définie négativement par un ensemble de faits pouvant constituer des menaces pour elle. La recherche des solutions à ces menaces constituent la seconde composante de la sécurité, à savoir la prémunition contre le besoin (individuel) qui a de tout temps été écartée au profit de la libération de la peur (collective), première composante. Le rapport 1994 sur le Développement humain cite sept (7) éléments de la sécurité humaine : La sécurité personnelle, la sécurité économique, la sécurité alimentaire, la sécurité sanitaire, la sécurité environnementale, la sécurité politique et la sécurité de la communauté.

- La sécurité personnelle : Définie par le PNUD comme la sécurité de tout individu contre la violence physique, la sécurité personnelle est le premier aspect de la sécurité humaine. Les menaces à la sécurité personnelle couvrent un vaste domaine : violences étatique, conflits armés, violences urbaines, conjugales, sexuelles, mauvais traitements, les violences faites aux femmes et aux enfants, les accidents de circulation, les violences sur le lieu de travail, les violences contre soi même. Cette liste est loin d'être exhaustive. La sécurité personnelle signifie aussi que tout individu peut demander et obtenir auprès des organes juridictionnels et non juridictionnels des sanctions pour atteinte à son intégrité physique. Plusieurs affaires relatives à la sécurité personnelle ont fait l'objet de décisions des organes internationaux et régionaux de protection des droits de la personne. On peut citer à titre d'exemple l'affaire Rojas Garcia contre l'Etat de Colombie dans laquelle le Comité des droits de l'homme de l'ONU qualifie de contraire à la dignité humaine l'immixtion illégale et arbitraire, même en cas de perquisition par des autorités légale dans le domicile d'un individu sans respect des considération élémentaires de droits fondamentaux et de dignité humaine49(*).

- La sécurité économique : La sécurité économique confère un sentiment de bien être ; elle suppose la garantie d'un revenu minimum provenant soit d'un travail rémunéré, soit d'un système de protection financé par les pouvoirs publics. Elle correspond à un niveau de vie assuré et stable qui fournit aux individus et aux familles le niveau nécessaire de ressource pour pouvoir participer économiquement, politiquement, socialement, culturellement et avec dignité à la vie de leur communauté. Elle va au delà de la simple survie physique et comprend un niveau de ressource qui favorise l'insertion sociale de tous50(*). D'après l'OIT, la sécurité économique favoriserait la tolérance et serait bénéfique pour la croissance et la stabilité sociales51(*). Ses manifestations varient selon qu'on se trouve dans un pays riche ou dans un pays pauvre. Dans le premier, il est de plus en plus difficile de trouver un emploi, le taux de chômage des jeunes est revu à la hausse. Dans le second par contre, le taux de chômage est très élevé ; il dépasse les 10% de la population active et c'est l'une des causes profondes de la montée des tensions politiques et des violences ethniques dans plusieurs pays. Le secteur informel représente généralement la source d'emploi la plus élevée, même si les conditions de travail y sont précaires. En outre, l'insécurité des revenus, la question de l'emploi des handicapés, l'absence de système de sécurité sociale sont autant de maux qui la minent. Dans un langage plus pratique, la sécurité économique s'entend de la volonté générale d'éradication de la pauvreté. Or, à l'heure actuelle, seul ¼ de la population mondiale peut prétendre bénéficier d'une telle sécurité économique.

- La sécurité alimentaire : La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de subvenir à leurs besoins énergétique et leurs préférences alimentaires52(*). Elle implique l'aptitude des pays à assurer un approvisionnement suffisant en nourriture. La recherche de la sécurité alimentaire est complexe car elle dépend étroitement de la situation économique et géographique d'un pays, du niveau et de la stabilité des revenus. Elle dépend aussi de considérations politiques telles que la paix, l'existence et la sécurité des transports. L'insécurité alimentaire peut être à l'origine de conflit comme cela été le cas au Darfour. Dans les pays à l'abri de la pénurie et de la malnutrition, on recherche une couverture qualitative et quantitative des besoins élémentaires en aliments et eau. Depuis une vingtaine d'années, des crises alimentaires successives ont alarmé les consommateurs et incité les pouvoirs publics à mettre en oeuvre des dispositifs de contrôle de la sécurité alimentaire. Sur le plan international, la Commission sur la sécurité humaine a elle aussi pris des engagements, même s'ils n'ont pas force juridique contraignante et obligatoire. Dans une Déclaration sur la Sécurité Alimentaire53(*), les membres du Réseau de la Sécurité humaine ont reconnu la place primordiale qui doit être accordée à la question alimentaire. Car le droit à une alimentation suffisante est partie intégrante des droits humains dont il est indissociable dans le cadre du renforcement de la sécurité humaine. La sécurité alimentaire constitue donc un défi prioritaire pour la sécurité humaine.

- La sécurité sanitaire : Garantir l'accès de tous aux services de santé tel est le but de la sécurité sanitaire. Elle se définie comme un ensemble de procédures destinées à prévenir ou contrôler les risques susceptibles d'altérer la santé physique et psychique, individuelle ou collective54(*). Forgée dans les années 1990 après les crises successives qui ont affecté différents systèmes de santé publique, la sécurité sanitaire vise la réduction des conséquences dommageables pour la santé humaine liées à des risques divers. Les changements apportés aux méthodes de culture et d'élevage peuvent avoir des conséquences sur la santé des êtres humains comme l'illustre la propagation du VIH/SIDA, la maladie de la vache folle ou encore la grippe aviaire. La sécurité humaine appelle à la précaution en face des risques sanitaires de différents produits, de la prolifération des gaz radioactif due à l'exploitation et la transformation de certaines substances chimiques à la consommation d'aliment susceptible de nuire à la santé55(*). Il s'avère urgent, pour l'accès aux systèmes de santé, aux ressources dégagées par les Etats et la communauté internationale, d'étendre à la santé les principes de gestion publique, d'universalité, d'intégralité, de tranférabilité et d'accessibilité à tous.

- La sécurité de l'environnement : C'est un des aspects de la sécurité humaine et des droits de l'homme qui a connu une expansion des plus importantes dans les deux dernières décennies. Juste après la guerre froide, les questions environnementales ont été reliées à la sécurité. Le phénomène du changement climatique représente une profonde menace et est reconnu comme tel par la communauté internationale. On peut citer à titre d'exemple les dommages causés par les navires pétroliers comme l'Erika et le Prestige en Europe, par le Tsunami en Asie et l'ouragan katrina aux Etats Unis. Mais l'argument le plus convaincant a été, pour Simon DALBY, les risques évidents de la violence technologique envers toutes les victimes potentielles d'une guerre nucléaire. En outre, « les menaces futures pour la sécurité des pays nantis de l'hémisphère Nord viennent de la famine et de la chute des sociétés du Sud causées par la dégradation de l'environnement et entraînant à leur tour une migration massive des réfugiés environnementaux »56(*). La recherche d'une sécurité environnementale va de pair avec l'idée de développement durable qui se soucie des besoins relatifs en environnement des générations présentes et futures57(*). La CIJ a eu maintes fois à rappeler l'importance des questions environnementales pour les individus et pour les communautés. Dans son arrêt du 25 septembre 1997, affaire relative au projet Gabcikovo/Nagymaros (Hongrie/Slovaquie) « La Cour rappellera qu'elle a eu récemment l'occasion de souligner dans les termes suivants toute l'importance que le respect de l'environnement revêt à son avis, non seulement pour les Etats, mais aussi pour l'ensemble du genre humain... »58(*) . La sécurité environnementale pourrait s'assimiler par déduction au droit à un environnement sain.

- La sécurité de la communauté : La communauté sous son acception traditionnelle peut être victime ou perpétrer de graves pratiques oppressives. Cela s'avère le plus souvent pour les communautés ethniques et religieuses qui ont été victimes et auteurs d'atteintes graves et même d'extermination. Pour éviter la marginalisation, les minorités s'efforcent souvent plus vigoureusement de préserver et protéger leur identité. Le durcissement des forces antagonistes -assimilation d'un côté et préservation d'une identité minoritaire de l'autre- peut engendrer une intolérance accrue et dans le pire des cas, un conflit armé ethnique59(*). Lorsque les Etats sont dépourvus d'éléments de base nécessaires pour protéger le droit des minorités ou que les gouvernements encouragent activement l'intolérance ou l'exploitation des groupes minoritaires, une atmosphère lourde de conflit s'installe. Au cours des dix dernières années seulement, les conflits ethniques ont durement éprouvé une poignée de pays comme le Rwanda et le Burundi, l'ex-République de Yougoslavie, le Soudan et, plus récemment, l'Indonésie, le Timor oriental et les îles Fidji.

- La sécurité politique : La sécurité politique semble étroitement liée à l'expression des idées et des opinions, au respect des libertés et droits fondamentaux. Pour qu'il y ait sécurité politique, il faut que soient appliqués les principes de bonne gouvernance que l'on doit retrouver dans un Etat de droit. Si la majorité des Etats du monde se reconnaissent comme Etat démocratique, bon nombre d'entre eux tardent à appliquer et à respecter les principes d'un Etat de droit. Les arrestations arbitraires, les censures, et la répression politique sont encore monnaie courante dans plusieurs pays, en particulier les pays du tiers monde et notamment ceux de l'Afrique subsaharienne.

Au regard de toutes ses composantes, le contenu de la sécurité humaine paraît un peu surfait ainsi que les caractéristiques qui lui sont attribuées, ce qui lui vaut de sérieuses critiques.

B- Les caractéristiques attribuées à la « sécurité humaine ».

Le Rapport du PNUD de 1994 donne à la sécurité humaine quatre caractéristiques essentielles : axée sur les individus, elle se veut universelle, préventive, et ses composantes sont interdépendantes.

- La sécurité humaine est axée sur l'individu : L'objet de la sécurité humaine est entièrement et uniquement l'individu. Mais cela ne constitue pas une innovation car l'individu est au centre de toutes les actions des droits de l'homme. Cette position de l'individu s'explique par le fait que la mondialisation le place inconditionnellement au coeur des affaires mondiales et même nationales. Sa sécurité est devenue « un nouvel étalon de mesure de la sécurité mondiale et imprime une nouvelle impulsion à l'action internationale »60(*). Les futures guerres entre États et dans les Etats feront un nombre effarant de victimes parmi les civils ; les dégradations écologiques comme les menaces pour la santé et les dangers dus à l'ouverture des frontières ont des conséquences désastreuses sur la sécurité des individus en général et des plus vulnérables en particulier.

- L'universalité du désir de sécurité humaine : L'universalité de la sécurité humaine signifie, selon le Rapport du PNUD, que le désir de sécurité humaine est partagé par tous, dans les pays riches comme dans les pays pauvres car les menaces sont ressenties par tous, même si c'est à des niveaux variés selon les régions du monde. Cette caractéristique n'est point discutable si on se limite au niveau du psychique, du « désir » de sécurité. Mais si l'on l'analyse plus concrètement, on peut envisager une universalité dans son écriture, pas dans son contenu. En effet, elle couvre un domaine beaucoup trop large pour avoir le minimum d'unicité requise pour être universelle.

- Le caractère préventif de la notion : La sécurité humaine met l'accent davantage sur la nécessité de penser à des actions préventives : prévention des conflits et situations menaçant la sécurité et ressources à y consacrer. Cela est valable le plus souvent dans les situations de violence de masse. La sécurité humaine suppose donc un redoublement des efforts fournis pour la prévention des conflits dans le monde et ainsi éviter des souffrances humaines. Cette nouvelle approche de la sécurité exige d'aller à la source des conflits et des tensions et de prendre des mesures préventives comme par exemple la consolidation de la paix avant l'éclatement d'un conflit ou encore l'égale répartition des ressources alimentaires pour éviter les situations de famine. En effet, il existe des mécanismes d'alerte rapide aux conflits et situations de crise malgré que la sécurité humaine soit invoquée bien après leur éclatement. Cela peut s'expliquer par le fait qu'il est difficile aux Etats de mobiliser des ressources avant que n'apparaissent des pertes. On peut aussi relever que les ressources internationales, notamment celles de l'ONU ne sont pas mobilisées de façon proactive. La sécurité humaine comme stratégie préventive implique des dilemmes moraux et opérationnels ainsi que des questions de compromis à régler. Les populations, lorsqu'elles subissent une quelconque pression, font ce qu'elles ont à faire ou peuvent faire pour survivre et pour changer leurs conditions sociales. Il arrive souvent que leurs actions soient en contradiction avec les principes de sécurité humaine. « Si l'on prend par exemple les efforts déployés pour faire interdire la conscription d'enfants et les armes de petits calibres, aurions-nous appliqué le principe aux lycéens armés de Soweto ? »61(*).

- L'interdépendance de ses composantes : Les sept composantes de la sécurité humaine forment un tout et l'atteinte à une des composantes a une incidence énorme sur une autre ou sur tous les aspects. En outre, quelque soit l'endroit du monde où la sécurité des individus est compromise, les répercussions de cette violation risquent de s'étendre à tous les autres pays (ou du moins des pays frontaliers). Des bouleversements de quelque ordre que ce soit dans une partie du monde peuvent rapidement provoquer des crises dans une autre, entraînant des conséquences désastreuses pour la sécurité de tous et particulièrement des groupes les plus vulnérables que sont les femmes et les enfants. L'objectif de la sécurité humaine est de tirer la sonnette d'alarme sur l'impact transfrontière des menaces aux individus.

A y regarder de près, ces caractéristiques se rapprochent étroitement de celles des droits de l'homme. Malgré la polémique qui a été engendré sur sa généralité, il ne fait plus aucun doute que les droits de l'homme sont universels, absolus, imprescriptibles et indérogeables. Cette assimilation qui ne dit pas son nom crée la polémique autour de la notion de sécurité humaine.

SECTION II : DEBATS AUTOUR D'UNE NOTION DE SECURITE HUMAINE AMBIGUE.

La sécurité humaine semble bien admise comme concept nouveau et indépendant par la majorité de la doctrine et par ses usagers. Cependant, l'analyse de cette notion montre combien est grand le risque de la confondre aux droits de l'homme. Une partie de la doctrine pense que ce n'est point un risque, mais plus une réalité : la « sécurité humaine » ne serait plus ou moins qu'une version des droits de l'homme; d'autres par contre voient dans la notion un nouveau principe de coopération internationale qui viendrait ravir la vedette au « développement durable ». Face à ces deux thèses (paragraphe I) qui ne font que compliquer les données, il est nécessaire de penser une thèse médiane susceptible de faire avancer le débat, ce qui contribuerait à une codification62(*) de la « sécurité humaine » (paragraphe II).

Paragraphe I : Les thèses en présence

Nous examinerons successivement la thèse qui tente d'assimiler la sécurité humaine aux droits de l'homme (A) et celle qui considère la sécurité humaine comme le nouveau principe de coopération internationale (B).

A- Le risque d'assimilation de la notion de sécurité humaine aux droits de l'homme.

Les précurseurs de la notion de sécurité humaine se sont évertués à démontrer que la sécurité humaine est une notion indépendante, nouvelle, qui se distingue des autres notions existantes en droit international et dans les relations internationales, et notamment des droits de l'homme. Plusieurs tournures linguistiques ont été utilisées pour cela : droits de l'homme et sécurité humaine sont deux notions autonomes mais complémentaires, la sécurité humaine aiderait à repérer les droits de l'homme qui sont en péril dans une situation particulière et protègerait les vies humaines de façon à améliorer l'exercice des libertés et faciliter l'épanouissement humain63(*) ; la sécurité humaine est un concept protecteur des droits et libertés fondamentales qui sont l'essentiel de la vie humaine64(*). Pour qu'elle soit menacée, il faut qu'existe une situation de violation des droits de l'homme ayant atteint un seuil de gravité telle qu'elles doivent susciter le déclenchement d'une réaction internationale et si nécessaire militaire65(*). Toutes ces tentatives de distinction des deux notions contribuent plutôt à renforcer le flou qui existait déjà en la matière. De tout ce qui précède, il apparaît que le concept réitère les principes de droits de l'homme déjà admis ; la sécurité humaine n'est rien d'autre qu'une interprétation particulière des situations de violations des droits de l'homme et de moyens pour y faire face. La sécurité humaine apparaît comme une situation, un état de respect parfait des droits de l'homme : respect des droits civils, politiques, sociaux, économiques et culturels; « sans le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'objectif de paix durable est impossible et la sécurité humaine illusoire »66(*). Les droits de l'homme ont eu dès leur origine pour but ultime que les individus vivre dans la paix et la sécurité, de manière à exploiter au mieux leurs capacités et potentialités. L'universalité et la non discrimination qui les caractérisent ont permis d'aller vers des sociétés équitables où les individus peuvent vivre dans un minimum de sécurité. La preuve en est que dans les sociétés qui respectent un minimum des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il existe un minimum de sécurité humaine.

Cependant, si la réalisation des droits de l'homme aboutit à une situation de sécurité humaine, la logique inverse n'est pas vérifiée. Toutes les violations des droits de l'homme ne sont pas des menaces à la sécurité humaine ; l'interdiction de la liberté religieuse ou de la liberté de pensée, si elle constitue des atteintes sérieuses aux droits de l'homme, elle n'en est pour autant pas une menace à la sécurité humaine- du moins pas directement. Le concept englobe toute une série d'actions prises et menées sur un grand ensemble de problèmes mondiaux et n'a pas le caractère contraignant reconnu aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. Ce qui a amené à dire que la sécurité humaine est une version allégée des droits de l'homme qui peut être plus acceptable pour les gouvernements mais ferait l'impasse sur les libertés qui protègent précisément le droit de participation et le pouvoir d'action »67(*). En outre, les questions de désarmement et de développement durable chères à la sécurité humaine ne sont pas spécifiques aux droits de l'homme. Sont-ils plus proches de la coopération internationale ?

B- La sécurité humaine comme nouveau principe de coopération internationale.

La coopération internationale correspond à l'ensemble des mesures prises au titre de l'aide publique au développement tel que définies par l'OCDE. Elle comprend aussi bien les contributions financières aux organismes multilatéraux, aux gouvernements, aux banques internationales et régionales, aux ONG que les ressources consacrées à des projets et programmes bilatéraux ainsi qu'à l'aide humanitaire. Point focal d'une dynamique institutionnelle, sociale et économique au service du développement dans la décennie passée68(*), elle semble aujourd'hui se mettre au service de la sécurité humaine. En effet, le développement est en train de se transformer en mondialisation, mais avec la conservation des spécificités acquises durant les quarante dernières années, « avec simplement un déplacement de l'objet d'étude, mais une conservation de l'objectif final à savoir la construction d'une société plus juste et plus vivable »69(*). Cette transformation est due à l'effusion des attaques terroristes de toutes parts, des différentes menaces analysées plus haut et la globalisation des rapports économique, politique et juridique. Les acquis de la coopération internationale se trouvent ainsi bouleversés, devant apporter des solutions aux problèmes globaux de l'humanité, et cela suscite des interrogations sur l'impact et le rôle de la coopération internationale. Il devient nécessaire de recadrer la coopération internationale en mettant un accent particulier sur la cohérence des actions entreprises à l'échelle gouvernementale et au niveau international. Les actions de coopération dans le domaine de la santé, de l'éducation ou de l'environnement doivent aller de pair avec l'exigence de respect des droits de l'homme et de bonne gouvernance.

Les Etats mènent leurs politiques juridiques intérieure et extérieure en recherchant des consensus dans le but de se rapprocher le plus possible des normes et valeurs propres à la communauté internationale. Le droit international se transforme ainsi en un droit de coopération et de solidarité comme le dit Daniel COLARD70(*) dans lequel la sécurité humaine est un élément clé.

Le développement mis à part, un autre aspect de la coopération internationale dans lequel la « sécurité humaine » a un impact certain est la question de la paix. Cette dernière a jusqu'ici reposé sur le postulat selon lequel dans l'ordre interne d'un Etat, la paix publique va de pair avec le maintien de la tranquillité publique, elle même gage de la sécurité des biens et des personnes. Avec la notion de sécurité humaine, la sécurité internationale n'est plus définie comme un état de tranquillité, du moins de stabilité existant au sein d'un groupe d'Etats et résultant de l'absence de menaces militaires contre la paix ; il devient de plus en plus possible de dissocier sécurité et paix dans l'ordre international71(*). Dans un souci de préservation de la paix, la communauté internationale multiplie ses interlocuteurs : acteurs publiques, privés ou société civile doivent s'allier pour développer des actions et mesures intégrées de paix. Les Etats ne sont plus les seuls « faiseurs de paix »72(*) à l'intérieur de leurs frontières n'ayant de compte à rendre à personne.

Restreindre la sécurité humaine au domaine des droits de l'homme ou le jeter en pâture sur le devant de la scène internationale ne traduit pas exactement des réalités qu'elle recouvre. Il est nécessaire de repérer dans ces deux thèses les éléments susceptibles de mieux exprimer la notion.

Paragraphe II- Une tentative d'élaboration d'une thèse médiane.

Des deux thèses évoquées ci-dessus il apparaît que la sécurité humaine est une nouvelle forme de réalisation de certains droits de l'homme sans toutefois leur reconnaître le caractère de droit pour faciliter leur insertion dans les politiques des Etats et de la communauté internationale. En effet, comme droits, ils ont un caractère contraignant et commandent l'action des Etats ; en outre, leur non respect ou leur violation engagerait des responsabilités individuelles et collectives. Or, axer l'approche de la sécurité humaine sur les droits de l'homme contribuerait à leur faire perdre la rigueur qui leur a été durement acquise. Elle présente toutefois l'intérêt d'initier des actions au niveau mondial qui participent à la protection des droits de l'homme. La sécurité humaine peut être pensée comme un principe de coopération internationale qui permet la réalisation des droits de l'homme, même dans les domaines qui posent le plus souvent des problèmes. Elle n'engage pas non plus de responsabilité individuelle, mais elle implique une obligation morale à la simple conscience des gouvernements. Mais puisqu'elle peut faire l'objet de catégorisation et même de classification (entre les différentes menaces, de la plus grave à la moins grave), elle peut attirer l'attention de la communauté internationale sur une violation des droits de l'homme pendant une période donnée et sur un territoire précis. En effet, les priorités en matière de droits de l'homme et de sécurité ne sont pas les mêmes dans les différentes régions du monde ; c'est comme le beau temps de l'agriculteur qui aspire à la pluie n'est pas le même que celui du vacancier qui aspire au soleil. Il faut remarquer que le désarmement, la paix et le développement sont des autres grandes questions de la sécurité humaine qui n'ont en définitive que pour but la création d'un cadre propice à l'expression des droits de l'homme et de la dignité humaine. La sécurité humaine permettrait donc d'analyser le problème sous des angles différents, de manière à satisfaire toutes les parties en cause. Si les droits de l'homme ne sont pas protéger sur leurs fronts normaux, la notion ouvre une autre brèche de protection.

CHAPITRE 2: LA SÉCURITÉ HUMAINE : UNE NOTION DIFFICILEMENT OPERATOIRE.

La profusion d'écrits ayant entraîné des controverses sur la notion de sécurité humaine est loin d'être bénéfique à son application. Les difficultés d'application sont d'autant plus grandes que la notion ne fait l'objet d'aucune consécration textuelle propre, elle semble relever du prospectif. Cependant, il est possible d'interpréter les Conventions existantes et de rattacher la « sécurité humaine » à des sources juridiques formelles (section I). La sécurité humaine est donc saisie par le droit. Les efforts d'objectivation de la notion n'ont pas encore abouti aux résultats escomptés en terme de précision. D'où les difficultés à dégager concrètement les droits qu'elle véhicule, pour en assurer la protection par les organes appropriés. C'est la raison pour laquelle on assiste aujourd'hui à un certain désordre caractérisé par une multiplication maladroite des interventions de la part des institutions onusiennes et interétatiques (section II) sous le couvert de l'objectif général de protection de l'humanité.  

SECTION I- L'ABSENCE DE CONSECRATION TEXTUELLE DE LA « SECURITE HUMAINE ».

Le terme « sécurité humaine » ne figure dans aucun texte juridique international. A l'heure actuelle, on ne lui reconnaît que des sources matérielles traduisant des idéologies dominantes dans les relations internationales et de la mise en place de structures comme la Commission des Nations Unies sur la Sécurité Humaine (CSH) ou le Réseau pour la sécurité humaine (RSH). Elle n'a pas encore de sources formelles qui lui permettraient d'être intégrée entièrement dans le droit positif. Cependant, une exploration doublée d'une interprétation adéquate des textes existant dans le domaine des relations internationales et des droits de l'homme (paragraphe 1) permet de trouver des éléments d'une force juridique susceptible d'être attachée à la sécurité humaine (paragraphe 2).

Paragraphe 1 - La tentative d'encadrement juridique de la « sécurité humaine ».

Lorsqu'on considère la notion de sécurité humaine à travers ses éléments constitutifs, il est possible de la rattacher à des sources juridiques formelles. D'abord, en tant qu'aspect de la sécurité nationale et internationale, elle est définie par les instruments de l'ONU (A). Ensuite, appréhendés sous l'angle des droits de l'homme, ses sept composantes bénéficient de la protection des instruments et mécanismes du DIDH (B). Enfin, « la sécurité humaine » a un aspect humaniste et se rapproche plus ou moins de l'idée de protection des individus en période de guerre, développée par les normes du droit international humanitaire (C).

Par les instruments des Nations Unies relatifs à la paix et à la sécurité internationale.

La sécurité des individus a toujours été la principale préoccupation de la communauté internationale. D'abord avec la SDN, maintenant avec l'ONU. En effet, la paix mondiale s'articule de plus en plus autour des questions de sécurité mondiale qui se veut toute entière centrée sur la sécurité et la paix des Etats aussi bien que des individus. La communauté internationale a pris conscience de cet aspect dans la Charte des Nations Unies. Lorsque l'idée de créer une organisation internationale sur les cendres de la SDN naît, ses fondateurs, Wilson ChurChill et Franco D. Roosevelt se rencontrent pour rédiger une Charte qui proclame l'attachement au droit des peuples à se gouverner eux-mêmes et à un système étendu de sécurité générale. La sécurité est l'objet de la première résolution de la CNU. Dans son préambule, la Charte dispose en effet que : « Nous, les peuples des Nations Unies, résolus à unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationale... ». C'est aussi l'un de ses buts premiers : « maintenir la paix et la sécurité internationale et à cette fin, prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et réaliser par des moyens spécifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou des situations de caractère international susceptibles de mener à une rupture de la paix »73(*). Il est assez évident dans cet article que la sécurité, étroitement liée à la paix est appréhendée sous un aspect militaire : sécurité des individus contre toute menace militaire sur le territoire étatique et sécurité collective, celle de l'ensemble des Etats à travers le système onusien de maintien de la paix. Cependant, cette définition approche la sécurité de façon restrictive. Si la CNU concerne d'abord les relations entre Etats, on y trouve de nombreux éléments sur la sécurité des peuples et des hommes. Les Etats se déclarent résolus « à préserver les générations futures du fléau de la guerre... à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité des droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations grandes et petites ... ; à favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande ». Et à ces fins « à pratiquer la tolérance, à vivre en paix l'un avec l'autre dans un esprit de bon voisinage... et à recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et social de tous les peuples »74(*). Au sens large donc, la sécurité internationale est conçue en termes économique, social, politique, écologique, démographique et énergétique. « Autrement dit, la sécurité des personnes, des peuples et des Etats est synonyme de moyens pacifiques, mais aussi justes, démocratiques et durables mis en oeuvre à tous les niveaux géographiques, en particulier au niveau internationale »75(*). A ce niveau la sécurité humaine semble être synonyme de paix internationale. Les termes « sécurité » et « paix » sont employés de manière indistincte dans la Charte. La sécurité humaine apparaît à ce niveau comme un synonyme de sécurité collective.

A- Par le Droit International des Droits de l'Homme.

Le droit international des droits de l'homme, né sous les auspices de l'ONU a pour ambition d'effacer la distinction traditionnelle entre l'ordre juridique interne et l'ordre juridique international. Plusieurs textes sont affectés à cet effet dont les plus importants sont la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1945 et les Pactes de 1966, l'un sur les droits civils et politiques, l'autre sur les droits économiques, sociaux et culturels. L'art 10 de la DUDH pose le principe de la sécurité individuelle : «  toute personne a droit à la liberté et à la sûreté de sa personne ». Si cet article énonce un seul aspect de la sécurité humaine, elle est complétée tout au long de la Déclaration par plusieurs autres articles. On peut noter l'article 28 qui dispose que ; « toute personne a droit à ce que règne sur le plan social et sur le plan international un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet ». Daniel COLARD établit une liaison fort intéressante entre le « plan social » et le « plan international » et le fait que ce texte soit présenté comme l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations76(*). Il convient de noter aussi que si la Déclaration n'est pas en elle même juridiquement contraignante, ses principes sont communément admis par les Etats comme principes fondamentaux de droit coutumier ou principes généraux de droit international. Pour éviter toute polémique sur sa force juridique, ses principes ont été réaffirmés dans les Pactes de 1966 qui convertissent en normes juridiques obligatoires pour les Etats les principes énoncés par la Déclaration de 1948. Tous ces droits de l'homme s'articulent autour des droits à la vie, à la sûreté personnelle et physique, à l'alimentation, à l'éducation, à la santé, à l'accès à la justice...etc. qui sont tous des éléments de la sécurité humaine. Une lecture superficielle mènera à une confusion de ces deux notions. La sécurité personnelle est synonyme de sûreté des individus telle que définie dans le DIDH77(*). Les textes relatifs aux droits de l'homme ont bien prévu cette situation. En effet, selon l'art. 25 de la DUDH, « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé et son alimentation... » et l'art. 11al.1 du PIRDESC, les « Etats parties à ce Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisante, y compris une nourriture adéquate et s'engagent eux-mêmes à prendre toutes dispositions nécessaires pour rendre effective la réalisation de ce droit. ». La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples reprend en substance ces dispositions dans son article 16. Les droits politiques qui assurent la sécurité politique sont énoncés dans les articles 19 à 21 de la DUDH, les art. 19, 21 et 22 du PDCP et les art.10, 11 et 13 de la CADHP. Ces articles reconnaissent à tout individu la liberté d'expression et d'opinion, la liberté de réunion et d'association et le droit de participer à la gestion et à la direction des affaires publiques de l'Etat. Un droit des communautés n'est pas expressément mentionné dans la DUDH ou le PIDSEC, mais dans des conventions différentes. On peut citer par exemple la Convention sur l'élimination de toute forme de discrimination raciale ou la Convention sur les populations autochtones. Seule la CADHP a expressément incorporé ces droits dans son texte dans les art. 20 à 24 qui reconnaissent aux « peuples » le droit à l'existence, à la disposition de leurs richesses, au développement économique, à la paix et à la sécurité et le droit à un environnement sain. Droit que la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a consolidé dans l'affaire Social and Economic Rights Action Center for Economic and Social Rigths contre le Nigéria78(*). En l'espèce, le Nigéria a autorisé l'exploitation du pétrole par des compagnies pétrolières internationales, exploitation qui a été faite au mépris des droits fondamentaux des autochtones, le peuple Ogoni, et des considérations environnementales. La Commission a renforcé les droits reconnus aux communautés et aux peuples comme droits de plusieurs hommes constituant les citoyens d'un pays.

La sécurité humaine est envisagée ici dans un sens individuel, chaque individu étant titulaire de ces droits de manière indivisible et sans considération spécifique.

B- Par les normes du Droit International Humanitaire.

Fondé par Henri DUNANT en 1860, ce droit s'est développé au 20ème siècle avec l'humanisation du jus ad bello avant et après les deux grandes conflagrations mondiales. Le DIH s'applique en période de conflit armé interétatique ou se déroulant dans les frontières d'un Etat. Il vise la protection des individus parties ou non au conflit. La fondation du CICR, les Conventions de la Haye de 1899 et 1907, les quatre conventions de Genève de 1949 et les deux protocoles additionnels de 1977 qui le constituent sont un ensemble de règles internationales d'origine conventionnelle ou coutumière qui sont principalement destinées à régler les problèmes humanitaires découlant directement des conflits armés, internationaux ou non. Ses normes protègent les individus, les communautés et les biens de ces derniers. Le droit international humanitaire est cependant limité aux Etats belligérants ou groupes impliqués dans un conflit interne donc à des acteurs étatiques et à des groupes organisés. Il a été élaboré pour normer le comportement des Etats ; ces derniers étant, en tant que titulaires de la souveraineté et des droits qui en découlent, seuls titulaires du droit d'exercer légitimement la force, dans le but de protéger les individus vivant sur leurs territoires.

Le DIH a pour but la protection des personnes qui ne participent pas au conflit (civils) ou ne participent plus au conflit. Il impose plus d'obligations et de ce fait, engage la responsabilité pénale individuelle en cas de violation des Conventions de Genève et du Protocole additionnel I. Malgré les grandes différences dans la formulation, l'essence de certaines règles du DIH et de la sécurité humaine sont identiques. Ils visent tous les deux à protéger la vie humaine des menaces contre sa personne et contre les biens nécessaires à sa survie. Par ailleurs, plusieurs des principes qui soutendent la sécurité humaine couvre des aspects qui ne relèvent pas du DIH. De même, le DIH traite d'aspects qui ne relèvent pas du domaine d'application de la sécurité humaine comme le statut des combattants et des prisonniers de guerre, la conduite des hostilités et la protection des emblèmes. En outre, compte tenu de l'évolution actuelle du DIH dans son application - réglemente toujours le comportement des Etats, mais donne de plus en plus la priorité aux individus qui se trouvent malgré eux au coeur de leurs factions- il se retourne vers ses objectifs premiers, la protection des individus. Et en cela, il se confond à la sécurité humaine des individus en période de conflit armé. La notion est appréhendée ici sous un angle collectif, dans un souci de protection de l'humanité et d'allègement des souffrances.

Paragraphe 2- La Protection par détour de la  sécurité humaine.

Le rattachement de la « sécurité humaine » à des sources formelles de droit a pour conséquence immédiate le déclenchement des mécanismes de protection. Cette protection ne peut malheureusement pas être totale car certains éléments comme le développement et le désarmement ne sont pas des droits et ne peuvent être protégés. Suivant la logique adoptée supra, la sécurité humaine peut être protégée au titre de sécurité internationale et nationale (A) d'une part et au titre des droits de l'homme (B) d'autre part.

A- La protection de la sécurité humaine comme sécurité classique.

Le concept de sécurité est à l'origine de la théorie de l'État puisque sa première mission est de protéger les membres de la collectivité qui en retour lui prêtent allégeance. Il se met ainsi au service de la collectivité qui lui donne le pouvoir d'assurer certaines fonctions. Ces fonctions sont reconnues dans la CNU au paragraphe 7, art.2 : l'Etat souverain est habilité en droit international à exercer une compétence exclusive et totale à l'intérieur des frontières de son territoire. Les autres Etats ont l'obligation correspondante de ne pas intervenir dans les affaires intérieures de l'Etat. Ce pouvoir, la souveraineté qui lui est donnée est aujourd'hui en cours de redéfinition due au fait de la primauté que prend l'individu sur l'Etat par les phénomènes de mondialisation et de coopération internationale. Les individus reprennent petit à petit les pouvoirs qu'ils ont octroyés à l'Etat. Il en résulte une sorte de conflit entre l'Etat et l'individu qu'il est pourtant censé protéger. La souveraineté de l'Etat s'oppose à la « souveraineté de l'individu »79(*), la nécessité d'assurer la conciliation entre ces deux souverainetés dans les relations de l'individu avec l'Etat et de l'Etat avec les autres Etats. La consécration de la suprématie de la souveraineté des individus a donné naissance à l'ingérence pour causes humanitaires. La consécration de la souveraineté de l'individu tel que le veut la sécurité humaine peut avoir des conséquences négatives sur ceux mêmes que le principe veut protéger. Avant d'ôter sa souveraineté aux Etats, il faudrait clairement définir qui exercera ses fonctions. En l'état actuel des choses, la question n'a pas encore de réponse claire, car si l'ONU tente de jouer ces fonctions elle a toutefois recours aux Etats en ce qui concerne les modalités pratiques. Il semble approprier pour une meilleure protection d'associer sécurité humaine et sécurité nationale.

La sécurité nationale est en effet la première acception du terme de sécurité sur le plan international. Cependant, les conflits sont de moins en moins étatiques et de plus en plus internes aux Etats-nations. En outre, l'abolition des distances et l'interdépendance chez les populations ont permis la fusion progressive de la sécurité nationale avec la sécurité internationale : Il n'est plus possible de concevoir la sécurité internationale lorsque les sécurités nationales et la paix civile sont incertaines. En outre, comme le relève judicieusement Yves MADIOT, l'équation selon laquelle la réduction de l'Etat serait égale à plus de liberté et plus de développement humain est non vérifiée et dangereuse, car elle marque une régression qui aboutira à la suppression des services publics pourtant déterminant pour la mise en oeuvre des droits de l'homme80(*).

La sécurité est de plus en plus pensée dans son environnement social et culturel, la paix est de plus en plus fonction du développement, de la sécurité des ressources, de la protection de l'environnement et des droits de l'homme. Bertrand RAMCHARAN résume ainsi le nouveau paradigme des sécurités : « La sécurité individuelle doit être la base de la sécurité nationale et une sécurité nationale fondée sur la sécurité individuelle doit être la base de la sécurité internationale. La sécurité nationale et la sécurité internationale sont impossibles sans la sécurité individuelle qui passe par le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales »81(*).

Cependant, avec les évènements du 11 septembre 2001, la logique de la sécurité nationale a fait un retour en force sur le plan international. Les considérations pour la sécurité militaire et la défense des territoires ont été accrues, sans doute avec vigueur en raison du caractère imprévisible des attaques terroristes. La sécurité nationale est maintenant utilisée pour justifier les invasions et les ingérences dans les affaires des pays plus faibles. Cet état de fait plonge le monde dans un lourd climat d'insécurité. Dans ce contexte, « l'appel de la sécurité humaine doit être plus fort que jamais »82(*), car les menaces s'aggravent et la tentation est grande de reléguer l'individu au second plan comme avant 1948.

B- La protection au titre des droits de l'homme

Elle s'effectue au niveau de nombreuses institutions internationales et régionales. Nous nous attarderons spécialement sur la protection au niveau africain.

Sur le plan international, les organes non juridictionnels de protection des droits de l'homme sont les commissions et les comités. Le Conseil économique et social des Nations Unies a crée une Commission des droits de l'homme, qui est saisie par des pétitions, les Etats et les ONG qui lui signalent les violations des droits de l'homme. Les Etats doivent lui présenter des rapports sur l'état des droits de l'homme aux niveaux nationaux, selon un cycle triennal. Cette procédure est prisée par les Etats parce qu'elle n'est pas contraignante ; par conséquent, son efficacité est presque nulle83(*). Les Comités quant à eux examine les rapports transmis par les Etats sur la situation de leur législation au regard des textes auxquels ils ont adhéré. Ils examinent aussi les communications d'un Etat contre un autre Etat, ainsi que celles des particuliers ou groupe de particuliers. Mais pour ces dernières, il faut que l'Etat concerné ait préalablement accepté la compétence du comité sous la forme d'adhésion à un protocole ou d'une déclaration spéciale84(*). Si les individus ne peuvent pas saisir directement les comités ou les commissions (dans certains cas), tous les cas qui y sont débattus concernent leur protection. La commission des droits de l'homme de l'ONU a compétence générale en ce qui concerne les droits de l'homme, tandis que celle des comités est déterminée par les textes qui les créent. Plusieurs critiques sont faites à leurs égards, relative à leur compétence limitée, leur faible intensité, le fait qu'ils donnent « bonne conscience » aux Etats et que leur coût politique soit moindre85(*). En outre, le caractère programmatoire de certains droits comme le droit à la santé et le droit aux conditions de vie satisfaisantes ne donne pas la possibilité de contrôler vraiment leur mise en oeuvre86(*). Toutefois, quelques limites entravent l'efficacité de ces institutions. Elles sont relatives au cadre même de l'action de l'ONU, au caractère politique des organes et des autorités de décisions auxquels il faut ajouter le manque de cohérence dans son action87(*).

Dans le cadre régional africain, la Charte laisse le choix aux Etats entre une procédure de négociation et le recours devant la Commission et la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples. La procédure de négociation est relative à la communication -négociation selon laquelle si un Etat partie a de bonnes raisons de croire qu'un autre membre de l'Union africaine commet des violations des droits de l'homme, il peut lui exiger des explications ou déclarations écrites contenant les indications adéquates susceptibles de résoudre le problème. Cette procédure, malgré le fait qu'elle laisse la surveillance des droits de l'homme aux Etats n'a pas pu séduire les Etats africains. Les commentateurs de la Charte n'y accordent que quelques pâles et brèves observations, incitant même à une insignifiance de la norme88(*). Le recours devant la Commission et la Cour (bien que celle-ci ne soit pas encore effective) institué dans la deuxième partie de la Charte semble avoir plus de succès. Dans sa mission de prévention, sa principale fonction est d'examiner les communications introduites par les individus, les ONG et les Etats parties à la Charte alléguant des violations des droits de l'homme par ces Etats. Sa saisine est soumise à plusieurs conditions dont les plus importantes sont la condition préalable d'épuisement de voies de recours internes et lorsqu'il existe une situation de violences graves et massives des droits de l'homme. La Commission tente de mener à bien sa mission, même si son efficacité peut être relativisée devant les situations d'atteintes graves aux droits de l'homme et du fait de son caractère non contraignant. C'est pour cela qu'il a été crée une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples qui est un apport important au mécanisme régional existant et au DIDH en général. Ses décisions ont force contraignante, autorité de la chose jugée et sont définitives. En outre, elle décide des réparations contrairement à la Commission qui attire simplement l'attention des chefs d'Etats sur les situations de violations constatées. Ces différents mécanismes de protection de droits de l'homme ne sont pas fixés dans la pratique sociale du continent africain et doivent faire l'objet d'une consolidation.

Par conséquent, les éléments de la sécurité humaine qui peuvent en faire parti bénéficient a priori de la protection qui leur est accordée par les institutions non juridictionnelles, les institutions juridictionnelles, les ONG et différents groupes de pression et même des individus.

SECTION II- LA « SECURITE HUMAINE », TITRE POUR LA MULTIPLICATION DES INTERVENTIONS INTERNATIONALES.

La sécurité des personnes, sous quelque angle qu'elle se présente, oblige la mise en place à l'échelle internationale de mesures de responsabilité du fait des atteintes qui lui sont portées. La mise en cause des responsabilités se fait auprès d'institutions spécifiques. Cependant, le fait que la sécurité humaine couvre plusieurs domaines différents suppose que plusieurs institutions lui sont affectées. C'est ainsi que le Conseil de sécurité des Nations Unies (paragraphe 1), les institutions financières mondiales (paragraphe 2) ainsi que les juridictions pénales internationales (paragraphe 3) interviennent concomitamment dans le but de protéger l'humanité et d'en assurer sa survie.

Paragraphe 1 : Les interventions des institutions politiques et financières internationales.

Les institutions internationales dont il s'agit ici sont le Conseil de sécurité de l'ONU et les institutions financières mondiales. Tandis que le premier agit de manière directe et légitime dans le souci d'assurer la sécurité des individus dans un cadre qui dépasse maintenant de loin sa compétence originelle (A), les secondes s'y prennent avec plus de subtilité (B).

A- La position du conseil de sécurité de l'ONU

L'art. 24 de la CNU confère au Conseil de sécurité la responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité internationale, initialement entendues au sens militaire et dans un cadre interétatique. Au delà de cette approche qui est certes toujours d'actualité, la réalité est un peu plus complexe. Puisqu'il est admis depuis longtemps que les menaces à la sécurité humaine ne sont plus du seul ordre militaire, mais de tout ce qui porte atteinte à la vie humaine et à l'humanité, le Conseil de sécurité tend à s'intéresser « à ceux là mêmes qui conduisent les opérations et à ceux qui en sont les bénéficiaires, les individus »89(*). Cette nouvelle préoccupation pour la sécurité humaine a servi d'alibi pour l'adoption de nombreuses résolutions ayant pour objet des questions humanitaires et légitimant des interventions militaires à des fins humanitaires.

Cependant, ces interventions s'effectuent au mépris de la souveraineté étatique. Or la souveraineté, compétence de la compétence selon JELLINEK, synonyme d'indépendance dans les relations entre Etats90(*) a pour corollaire la liberté d'action des Etats exprimée par la non intervention. Mais ce principe est remis en cause par l'exclusion des droits de l'homme du domaine réservé des Etats. Leur protection et leur promotion sont une obligation commune internationale. La reconnaissance de l'impératif de protéger la personne humaine a donné lieu à la consécration d'un droit d'ingérence humanitaire en vertu duquel les Etats -et les organisations d'Etats- seraient fondées à apporter une aide d'urgence aux populations se trouvant en détresse91(*). Quand des individus souffrent gravement du fait de l'Etat ou de l'incapacité de celui-ci à leur assurer une certaine protection, la « responsabilité internationale de protéger prend le pas sur le principe de non intervention »92(*). Le Conseil de sécurité a appliqué ce principe à plusieurs cas, et toutes les fois, l'intervention humanitaire a suscité des controverses du fait de sa présence ou de son absence93(*). On peut, à titre d'illustration, citer les cas du Rwanda, du Kosovo, de la Bosnie et de la Somalie, et plus récemment de la Côte d'Ivoire. Au Rwanda, l'ONU avait connaissance de la préparation du génocide de 1994, mais le Conseil de Sécurité a refusé de prendre des mesures propres à l'empêcher sur la base de la non ingérence dans les affaires internes du pays ; le génocide a eu lieu, entraînant une catastrophe humanitaire au Rwanda et la déstabilisation de toute la région des Grands Lacs. Certains peuples africains en ont conclu que la non intervention de l'ONU manifestait de l'infériorité de certaines vies humaines sur d'autres94(*). Lorsque survient la crise en ex-Yougoslavie une année plus tard, l'ONU prend des mesures concrètes en créant des zones de sécurité en Srebrenica pour abriter des réfugiés ; malheureusement, des milliers de ces réfugiés sont massacrés. Cet état de fait permet de mesurer les répercussions possibles de la politique d'intervention à des fins humanitaires et ainsi de légitimer certaines réticences à son sujet. En 1999, tirant une leçon des erreurs du Conseil de sécurité, la communauté internationale tente de rectifier le tir face à la crise du Kosovo, et l'OTAN décide d'une intervention. Son intervention est vivement critiquée. Ainsi, des questions comme la légitimité de l'intervention militaire dans un Etat souverain, la détermination de la gravité des violences commises, la juste cause de l'intervention sont soulevées. Il en va de même de l'impact de cette intervention sur l'ordre juridique international. La grande question qui est posée est de savoir si l'OTAN n'était pas intervenu, le Kosovo aurait-il fait face à une guerre civile sanglante et sans fin ou pire encore à un génocide comme au Rwanda et en Bosnie ? Quoi qu'il en soit, une intervention afin de sauver des vies humaines doit être bien préparée et focalisée sur son objectif. Le retrait précoce des opérations de paix en Somalie dû à une mauvaise planification et à une forte dépendance de l'intervention à la force militaire a eu des conséquences désastreuses sur les individus qui en subissent encore les effets aujourd'hui, après plus de 10 ans.

Cet ensemble de prises de positions du Conseil de sécurité traduit deux choses : primo, il s'opère un véritable changement culturel sur la scène internationale, même si le Conseil ne manque pas de rappeler à tout moment sa responsabilité première en matière de maintien de la paix. Secundo, son action tend à donner un contenu de plus en plus concret à la notion de sécurité humaine, même si l'expression en elle même n'est pas employée. Josiane TERCINET appelle cependant à la mesure et à la prudence à ce propos, car « ne sont visés que les aspects de sécurité humaine liés aux opérations de paix, autrement dit ce que l'on pourrait appeler la sécurité humaine de base »95(*). Les interventions sont censées réparer les dégâts politiques et économiques des situations de crises et de tensions. L'action des institutions financières mondiales reflète le soucis de la communauté internationale d'éviter que ne se produisent des crises politiques ayant pour causes des problèmes économique ou ayant des incidences économiques graves.

B- Les interventions des institutions économiques mondiales pour une sécurité des individus.

La Banque Mondiale, le FMI, l'OCDE, l'OMC intègrent de plus en plus les considérations de sécurité humaine dans leur arsenal normatif et dans leurs actions sans toutefois employer le terme sécurité humaine, mais plutôt celui de « conséquences sociales des politiques économiques » ou de « développement humain »96(*). La lutte contre la pauvreté, les inégalités sociales et le VIH/SIDA, la mise sur pied des actions en vue du développement durable et la participation de la société civile font partie intégrante du discours des institutions de Bretton Woods. Elles font désormais valoir que la lutte efficace contre la pauvreté ne se résume pas simplement à encourager la croissance économique, mais également à aborder la question des inégalités politiques et sociales qui maintiennent les pauvres dans la pauvreté. Dans son Rapport 2005 relatif à l'Objectif de développement pour le millénaire, la Banque Mondiale incite les pays riches à viser plus haut et faire mieux du point de vue de leurs programmes politiques et mesures de gouvernance en ce qui concerne l'aide, les échanges commerciaux et l'allègement de la dette des pays en voie de développement. Entre la lutte contre la pauvreté, la bonne gouvernance et le développement, elle a fait de la santé son domaine prioritaire pour l'année 200597(*).

On peut également voir dans les accords sur les Aspects de la propriété intellectuelle touchant au commerce (ADPIC) et la Déclaration de Doha issus de l'OMC des considérations de sécurité humaine, notamment dans le domaine de la santé publique et de l'accès aux médicaments essentiels. L'OMC fait sienne les préoccupations des pays les moins avancés concernant l'accès aux soins de santé et aux médicaments et prend des mesures pour permettre à leurs populations de ne pas succomber aux pandémies comme le VIH/SIDA ou le paludisme à cause de la règlementation commerciale internationale.

Toutes ces interventions ont une origine et une forte incidence politique qui malheureusement ne contribuent pas à responsabiliser la société internationale sur les questions de sécurité humaine. Pour arriver à cette fin, il faut compter sur les interventions des juridictions répressives.

Paragraphe 2 : L'action des juridictions pénales internationales dans une perspective de protection de l'humanité.

Lorsqu'on évoque la sécurité humaine on n'y voit de prime abord pas de relation avec le droit pénal ; mais la violation massive des droits de l'homme et du DIH installe un climat d'insécurité. Des foyers de conflits ont contribué à faire sauter les barrières de la souveraineté et des immunités pour faire répondre les responsables des crimes odieux. Cet état implique une sécurité juridique, corollaire de la sécurité humaine qui doit permettre de sanctionner les coupables et d'indemniser les victimes dans le respect de certains principes fondamentaux98(*). Des tentatives ont été amorcées avec les tribunaux pénaux spéciaux, mais une véritable protection de la sécurité humaine s'exercera par la Cour Pénale Internationale (CPI) même si elle a circonscrit son domaine aux menaces les plus graves (A). Cette protection s'analyse autour des sanctions des responsables des situations d'insécurité humaine et la prévention des exactions possibles par les gouvernements et les belligérants (B).

A - La prévention et la sanction des crimes contre l'humanité les plus graves

Les violations contre la dignité humaine du fait des conflits armés internes ou internationaux sont sanctionnées par les juridictions pénales internationales. Les atrocités commises pendant les deux grandes conflagrations mondiales ainsi que lors des génocides rwandais et yougoslave ont justifié le titre de compétence attribué à des juridictions, qu'elles soient préexistantes aux faits ou créées spécialement à cet effet. De fait, pour le TPIY les crimes contre l'humanité relèvent de la catégorie de ceux qui attirent l'attention de la communauté internationale : « La raison pour laquelle les crimes contre l'humanité scandalisent tellement la conscience de l'humanité et justifient l'intervention de la communauté internationale tient à ce que les actes résultent d'une tentative délibérée de cibler une population civile »99(*). Ces juridictions précisent le contenu des différents crimes dans un sens qui est favorable aux victimes. C'est ainsi que dans l'affaire Akayesu, le TPIR a condamné l'accusé pour viol entendu comme crime contre l'humanité. Le jugement énonce que : « les violences sexuelles faisaient partie intégrante du processus de destruction particulièrement dirigé contre les femmes tutsies et ayant contribué de manière spécifique à un anéantissement du groupe tutsi considéré comme tel »100(*).

Lorsqu'une juridiction a vocation d'assurer le respect du droit international humanitaire, elle a le devoir de respecter elle-même les principes fondamentaux de la matière pénale101(*). La CPI a un caractère permanent, contrairement aux TPIS. Elle couvre un large éventail des crimes contre l'humanité et de crimes de guerre reconnus, dont certains sont décrit de manière plus détaillée dans son statut, notamment la catégorie des violences sexuelles constitutives de crime contre l'humanité. Elle incrimine de nouveaux faits, par exemple le recrutement d'enfants soldats. L'action de la CPI est cependant limitée aux crimes les plus graves contre l'humanité. Claude GARCIN à ce propos note qu'il ne convient pas « d'asphyxier la CPI avec une compétence trop large... il fallait se concentrer sur les infractions les plus graves »102(*). Le traité de Rome a ainsi distingué quatre crimes : le crime de génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et le crime d'agression. Ces différents crimes portent une atteinte directe à la sécurité des individus. Un exemple illustratif de la compétence pénale en matière de sécurité humaine est l'action du conseil de sécurité qui défère la situation du Darfour à la CPI le 31 mars 2005 par la résolution 1593.

B- La sanction des responsables de l'insécurité de l'humanité

La menace d'adoption ou d'application effective de sanctions juridiques internationales est devenue ces dernières années un nouvel élément important de la panoplie des outils de prévention internationale et de sécurité des individus. Les tribunaux pénaux spéciaux chargés de connaître des crimes contre l'humanité commis au cours de conflits précis- ceux de l'ex-Yougoslavie, du Rwanda et, plus récemment, de la Sierra Léone amènera les éventuels auteurs de crimes contre l'humanité commis à réfléchir davantage aux risques de sanctions internationales qu'ils courent. La CPI quant à elle, établit un mécanisme qui permet de juger des responsables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. En effet, les juridictions pénales internationales sont compétentes à la base pour connaître des crimes commis par des personnes physiques. Elles soulèvent la responsabilité individuelle des personnes physiques ayant participé à des crimes contre l'humanité, à des infractions graves aux Conventions de Genève, à un génocide. La CPI renforce cet aspect car elle a compétence pour mettre en cause la responsabilité des gouvernants et des chefs d'Etats. Ces deux mesures constituent des applications importantes de la sécurité humaine103(*). Ce processus avait déjà été entamé par les TPIS qui ont jugés des responsables publics ayant participé aux exactions. Tel a été la cas du TPIY dans l'affaire Dusko Tadic104(*) dans laquelle le TPIY a reconnu coupable Dusko Tadic, qui a été président du parti démocrate serbe, secrétaire de la communauté locale et représentant de l'assemblée municipale de Priejor de persécution, traitement inhumains et cruels, viol, homicide, atteinte à l'intégrité physique et mentale dans des camps serbes pendant le conflit en ex-Yougoslavie en 1992. Le TPIR a rendu une décision semblable contre l'ancien premier ministre rwandais Jean Kabanda qui a été condamné à vie le 4 septembre 1998. Le TPIR estime avoir établi un précédent en matière de justice internationale en envoyant un message fort aux dirigeants politiques : ils peuvent désormais être appelés à répondre de leurs actes devant une juridiction internationale. La création de la Cour Pénale Internationale est dans ce sens une initiative positive en tant que moyen d'éviter l'instauration de « deux poids, deux mesures » et de « justice des vainqueurs », accusations dont font régulièrement l'objet des tribunaux spéciaux mentionnés plus haut105(*). En tout état de cause, le droit international coutumier reconnaît la compétence universelle en matière de génocide et de crime contre l'humanité, et plusieurs pays ont promulgué des lois conférents à leurs tribunaux la compétence de juger ces affaires. Certes, dans le passé, on parlait plus souvent de ces textes pour déplorer leur violation que pour rendre hommage à ceux qui respectaient leurs dispositions, mais le jugement et la condamnation par un tribunal belge, en 2001, de religieuses rwandaises accusées de complicité dans le génocide rwandais montre bien que la compétence universelle instaurée par les instruments commence à être prise au sérieux. La décision de la Chambre des Lords britannique dans l'affaire de l'extradition du général Pinochet en 1998/1999 a constitué un autre évènement juridique important qui a largement contribué à vider de sa substance la notion d'immunité souveraine des anciens chefs de gouvernement accusés d'avoir commis des crimes contre l'humanité pendant qu'ils étaient au pouvoir106(*). Pour une action plus efficace dans le domaine de la sécurité humaine, la CPI devrait dépasser l'étroite corrélation qui existe entre le système juridique et le système politique. En effet, l'extrême lenteur dont ont fait preuve les tribunaux pénaux spéciaux est symptomatique des liens forts entre le juridique et le politique tant sur le plan international qu'au niveau interne des Etats concernés.

Avec l'action des tribunaux pénaux spéciaux et celle de la CPI, l'impunité ne sera plus la règle, même s'il reste encore des initiatives à améliorer. Le TPIS fonctionnent sans le consentement des Etats tandis que la CPI est créé par traité et s'inscrit dans le cadre de consensualisme même s'il est tempéré par l'institution d'une procédure de coopération assez contraignante pour les Etats. Qu'à cela ne tiennent, la création d'une CPI prouve qu'il sera de plus en plus difficile pour un Etat de protéger les auteurs de crimes contre l'humanité et de génocide. « L'humanité dispose désormais d'un organe qui représente et garantit ses intérêts »107(*). Les Etats semblent s'être mis d'accord pour que la souveraineté n'empêche plus la poursuite des responsables des crimes les plus odieux.

Les juridictions pénales internationales aideront donc à réparer les ravages de l'impunité des coupables et à rehausser la stabilité internationale et la sécurité humaine. « L'homme et l'humanité sont indissociables, l'homme appartient à l'humanité et l'humanité subsume l'homme »108(*). L'un et l'autre forcent ainsi les portes du droit international et les rapports entre gouvernants et gouvernés entrent désormais dans sa compétence

DEUXIEME PARTIE: LA PORTEE POLITIQUE EVENTUELLE DE LA SECURITE HUMAINE.

« Mettre les personnes au centre de toutes nos préoccupations, voilà qui doit désormais guider notre mode de pensée et notre façon d'agir, c'est l'essence même de la sécurité humaine ». Kofi ANNAN, SG des Nations Unies.

La naissance de la notion de sécurité humaine montre l'aspiration à un droit global qui fait peu à peu jour. Ce droit global impliquera la transformation des droits spécifiques -liés à un Etat donné- et des règles de conduites dans les relations entre les Etats qui pourrait aboutir à leur disparition au profit d'un Etat universel. Cependant, avant d'en arriver là, il est nécessaire que les Etats mettent effectivement en application ces principes de sécurité humaine, de façon harmonisée et cohérente pour arriver partout à un résultat plus ou moins semblable. Ils disposent pour cela d'un cadre politique, plus approprié à mener leurs actions. En effet, les politiques internationales sont les moyens par lesquelles les Etats érigent des actions à mener dans leurs relations avec les autres Etats ou avec des groupes d'Etats (les organisations internationales ou interétatiques). C'est dans ce cadre que se joue une partie de la vie des individus et des communautés. Au début du XXème siècle, le sociologue allemand Max WEBER définissait la politique essentiellement par rapport à l'Etat qui était l'unique détenteur de la force légitime. Si l'Etat garde encore aujourd'hui cette autonomie politique, l'évolution des rapports individuels par le biais de la mondialisation amenuise cette autonomie dans les domaines économique et social. Pour défendre certains intérêts propres aux Etats et pour faire face aux menaces à caractère transnational qui instaurent un climat d'insécurité, il doit développer des réseaux et des stratégies de coopération internationale. C'est là que la « sécurité humaine » intervient, car l'entrée de nouveaux paradigmes confère un caractère extrêmement mouvant et évolutif à la notion ; les menaces d'aujourd'hui ne seront pas forcément celles de demain. C'est ainsi qu'elle commence à inspirer les actions politiques de la communauté internationale (chapitre un), en premier celles de l'ONU, même si elle trouve difficilement un écho dans les systèmes politiques africains. Malgré tout le tambourinage fait autour de la notion, elle reste encore entravée par un épais brouillard qu'il faudrait dissiper (chapitre deux)pour lui assurer une entière effectivité.

CHAPITRE 3 : LA SECURITE HUMAINE COMME GUIDE DES POLITIQUES DES ETATS.

Les relations internationales reposent principalement sur les intérêts des Etats, qui peuvent être divergents, voire conflictuels les uns des autres. Cette diversité des projets étatiques entraîne souvent des tensions internationales, même si elles ne tournent plus au conflit comme c'était le cas dans la première cinquantaine du XXème siècle. La recherche de l'accroissement de la sécurité nationale et la poursuite d'intérêts économiques étatiques particuliers peut aboutir à l'insécurité frontalière109(*) et la naissance de menaces. C'est un cercle vicieux qui est défini comme « dilemme de la sécurité »110(*) et qui conduit à la course aux armements, qui lui même constitue un véritable fléau, surtout dans les sous régions africaines où la mobilisation des armes a crée l'effet contraire. Car si les armes ne suffisent pas seules à créer la violence, il n'en reste pas moins que les poudrières explosent plus souvent que les bibliothèques »111(*). C'est la raison pour laquelle il est mis en place des politiques internationales à caractère préventif à des fins de sécurité humaine (section I). En effet, la sécurité humaine prône des valeurs comme le respect des droits de l'homme, la tolérance, la démocratie. Or, ces valeurs se retrouvent bien dans les politiques internes des gouvernements qui ont le souci de libérer leurs citoyens de la peur et de les prémunir contre le besoin. C'est l'un des objectifs des politiques publiques des gouvernements (même si comme nous l'avons vu un peu plus haut, la sécurité humaine n'y est pas mentionnée expressément) , les citoyens étant les principaux bénéficiaires de toutes formes de sécurité(section II).

SECTION I : L'INTEGRATION DE LA SECURITE HUMAINE DANS L'AGENDA DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE.

Le caractère irréversible et insidieux de certaines atteintes à la personne humaine combiné aux polémiques nées des interventions d'humanité ont stimulé la communauté internationale avec en tête de file l'ONU à prendre des mesures propres à les éviter, plutôt que d'essayer de réparer112(*). Les actions préventives semblent être les plus appropriées au développement d'une sécurité humaine (paragraphe I). Si les Etats occidentaux semblent avoir, même tacitement admis ce principe, il n'en va pas de même pour les pays du tiers monde, et spécifiquement l'Afrique où l'insécurité qui règne rend plus que nécessaire la prise de dispositions sécuritaires curatives (paragraphe II).

Paragraphe 1 : La mise en place de politiques internationales à caractère préventif

Les différentes mesures prises pour faire face aux difficultés que rencontre l'humanité ont été pendant longtemps des mesures curatives : A cet égard, le déploiement de la communauté internationale se manifestait par des résolutions et de commissions dont le but était rechercher des solutions appropriées. Avec la prise de conscience des conséquences irréversibles des dommages causés à l'environnement du fait de l'homme, plusieurs principes ont fait irruption dans l'ordre juridique internationale, de façon à inspirer actuellement l'action de la communauté internationale. Nombre de ces principes ont progressivement intégré le domaine des principes généraux du droit international. Tel est le cas du principe de prévention appliquée à la sécurité humaine (A). Cependant, cette logique de sécurité humaine préventive a du mal à percer sur le continent africain dont les nombreux problèmes sociaux et conflits armés internes obligent à rechercher en priorité la sécurité classique et collective qui est essentiellement défensive (B).

A- Une nouvelle application du principe de prévention

Le principe de prévention est inspiré par les politiques de protection de l'environnement venues avec la vague des écologistes des années quatre-vingt et devenu depuis les années quatre-vingt dix un des principes généraux de droit international. La prévention se rapporte à l'action de devancer ; elle consiste à anticiper, à prendre des mesures pour éviter objectivement un risque ou au moins à en réduire les dommages alors que celui-ci ou ceux-ci sont connus. La sécurité humaine ne dépend pas de l'apparition d'une situation conflictuelle, mais du pressentiment de la menace de conflit ; elle peut dépendre aussi, lorsqu'il est déjà apparu, de la possibilité d'extension. Son objectif est de diminuer au maximum des risques auxquels sont exposés les individus et ainsi de réduire leur vulnérabilité, dans un souci de protection. Comme il a déjà été mentionné, la réalisation des menaces à la sécurité humaine produit des effets insidieux et diffus. Ces effets peuvent eux-mêmes être des causes d'apparition d'autres menaces nécessitant la mobilisation de ressources énormes et dont les responsabilités ne peuvent pas directement être imputées. « La prévention devient une priorité et cela n'est pas dénué de conséquences sur la question de responsabilité car en donnant plus de consistance au principe de diligence, l'accroissement des obligations de nature préventive permet une mise en cause plus aisée de la responsabilité »113(*). Elle rejoint en ce sens l'application du principe qui est faite en matière de droits de l'homme et dont Gérard COHEN JONATHAN soutient que « en matière de droits de l'homme, la prévention est naturellement fondamentale... » et que l'amélioration d'une action préventive repose sur une solidarité plus étroite des Etats114(*). Cela est valable pour la sécurité humaine qui peut servir de base globale pour une prévention sur plusieurs fronts, car elle présume que les menaces à la sécurité ont souvent des causes multiples et sont assez complexes et connus suivant la maxime « les mêmes causes produisent les mêmes effets » : en matière de menaces à la sécurité humaine, qu'elles soient relatives à l'environnement, aux communautés ou à l'alimentation, lorsqu'un fait s'est déjà produit, il est certain que s'il se produit encore dans un milieu différent, il produira sans doute les mêmes effets, la relation de risque à effet étant connu. Or, la prévention s'appuie sur des certitudes115(*). Le principe est opérationnel lorsque les menaces ne se sont pas encore réalisées ou qu'il est encore possible d'enrayer son extension. Des mesures préventives concrètes peuvent être prises, comme l'établissement d'une liste de contrôle pour assurer l'intégration des résolutions thématiques dans les résolutions par pays, renforcer la collaboration et maintenir un échange des informations116(*). Une autre possibilité est l'intervention du Conseil de sécurité pour arrêter les massacres dus aux guerres civiles qui empêche leur renouvellement dans l'avenir. Les mesures préventives des politiques internationales peuvent juguler les impacts spécifiques d'une activité (par exemple, le trafic d'armes légères dans une région) ou appréhender toutes les incidences d'une activité sur la sécurité des individus (la privatisation de la santé) car ces menaces peuvent se combiner et interagir de manière complexe durant une longue période, constituant ainsi des véritables poudrières prête à éclater au moindre faux geste117(*).

Le caractère préventif de la sécurité humaine pose cependant un léger problème. Il est difficile de déterminer le champ d'application ratione materiae et ratione tempori et ratione loci de la mesure préventive, les menaces évoluant différemment dans le temps et dans l'espace. Cette difficulté peut être contournée pour le moment par la possibilité d'hiérarchiser les menaces mais elle en sera véritablement surmonter que lorsqu'un régime juridique propre à la notion sera déterminée.

B- Les limites du principe au niveau régional africain.

Si la « sécurité humaine » est bien admise sur le plan international comme principe de coopération, elle semble ne pas encore avoir entièrement franchi les frontières de beaucoup de pays sur le continent africain. Les conflits intra étatiques s'y développent à une vitesse remarquable et aucun pays n'a l'assurance d'être à l'abri vu l'impact transfrontaliers de tous les problèmes internationaux. Il y a de fortes chances à cette allure pour que la sécurité humaine, au moment éventuelle de sa consécration ne soit qu'une autre notion importée de l'occident. Le bon sens recommande de prendre à temps des mesures pour prévenir toutes les menaces imminentes ou pressenties à la sécurité des individus. Toutefois, sur le continent africain, les menaces détectées se réalisent dans la majorité des cas, en dépit du déclenchement de tous les codes d'alerte. La communauté internationale et la communauté régionale doivent à chaque fois reconstruire sur les décombres d'un conflit social ou d'un fléau pour permettre aux individus de rebâtir leurs vies. La notion de sécurité humaine est encore appréhendée sous un sens curatif comme un autre moyen pour faire face aux conséquences des conflits et aux problèmes sociaux. Cet état des choses peut s'expliquer de différentes manières. D'abord, l'héritage de la colonisation a mis le continent dans une position d'assisté qui persiste avec la nouvelle logique de l'aide au développement. Ensuite, la prolifération des conflits sur le continent oblige encore à penser la sécurité dans le sens militaire du terme. Cette situation est due aux politiques menées par les gouvernants qui sont loin de respecter les principes de démocratie et de bonne gouvernance, ainsi qu'à la facilité de circulation des armes légères sur le continent. Ces dernières facilitent les nombreuses violences internes et la régionalisation des conflits. L'Afrique, sur la question de renforcer la protection des droits de l'homme et d'améliorer le bien être de leurs populations se trouve marginalisé. Cette situation engendre, selon Charles ZORBIBE118(*), la formation de spirales dramatiques du sous développement, la présence massive des pays africains dans le groupe des pays les « moins avancés », l'effondrement de la production alimentaire et des systèmes de santé, la multiplication du nombre de réfugiés chassés par les guerres civiles, bref, une véritable catastrophe sur le plan de la sécurité humaine. Les règles de la coopération nécessaire pour le développement de la sécurité et de la paix sont faussées sur le continent. Les relations diplomatiques se déploient au sein de nombreuses « sous régions africaines », Afrique du Nord, Afrique de l'Ouest, Afrique du Centre, Afrique de l'Est et encouragent le développement de jeux politiques égalitaires et fractionnés. Cette situation peut être la cause de la multiplication des initiatives sous régionales à mi-chemin des alliances classiques et de la sécurité collective. Sous un autre angle, on peut remarquer que ce qui constitue les activités des Etats sur le plan international n'est pas le reflet de la pratique normale sur le plan national, ainsi que le fonctionnement des institutions qu'ils ont crées et qu'ils contrôlent. En effet, ils s'engagent rapidement à signer les conventions et autres textes internationaux qui ne sont pas entièrement insérés dans l'ordre juridique interne. Enfin, toutes les menaces à la sécurité humaine sont présentes sur le continent de manière cumulative. Les atteintes à la sécurité personnelle, la montée croissante de la criminalité dans les villes sont monnaie courante sur un continent qui vit une situation économique difficile ; la pauvreté y a ses racines profondément ancrées et la nécessité de survivre entraîne un désintéressement pour les questions telles que la protection de l'environnement. Les gouvernements se déchargent au profit du secteur privé d'un nombre de leurs obligations, comme celle d'assurer l'accès aux services de santé ou de la répartition équitable des ressources nationales comme les produits agricoles pour assurer un minimum alimentaire pour tous. Cette situation n'est que trop renforcée par la croissance démographique et le flux migratoire d'une population à la recherche du rêve urbain.

Ces conditions sont de nature à freiner l'insertion des considérations de sécurité humaine sur le continent africain ; toutefois elles peuvent produire l'effet contraire ; elles peuvent susciter la réflexion sur la recherche des solutions dans une « approche communautaire de sécurité humaine »119(*). Pour cela, il faudrait que des propositions émanent des africains eux-mêmes et ne soient plus des politiques importées de l'occident120(*). En outre, il est primordial qu'elles intègrent tous ceux qui sont, dans une mesure ou une autre, capables d'apporter une aide efficace et effective.

Paragraphe 2 : L'élargissement des acteurs internationaux pour la sécurité humaine.

Il n'est plus de domaine interdit à la notion de sécurité humaine tant la globalisation des approches est inévitable par le développement des rapports humains transnationaux, de l'activité économique, environnementale relevant de plus en plus de normes internationales. Cette globalisation porte atteinte aux souverainetés et fait apparaître un panel nouveau, allant des recommandations des organisations intergouvernementales à celle des organismes spécialisés dont la portée est de plus en plus normative. Par conséquent, le débat sur les acteurs du droit international est de nouveau ouvert (A). Ces derniers doivent, pour chacun des domaines concernés par la sécurité humaine, constituer des alliances (B).

A- Une redéfinition des acteurs de droit international

L'objet référent de la sécurité humaine étant l'être humain et non plus l'Etat, il est nécessaire d'ouvrir les portes de la politique internationale à quiconque pourra garantir ou assurer à l'individu la protection contre les menaces qui l'obstruent. La sécurité humaine ne peut être possible qu'avec la prise en compte de tous les partenaires de la société internationale menant des actions en matière de sauvegarde de la dignité humaine. C'est ainsi que les organisations intergouvernementales, les ONG, les entreprises privées, les groupes de pressions, les médias et les associations ont une importance croissante. L'individu lui même est désormais titulaire de droits directs à l'échelle internationale dans maintes procédures et il « est appelé à la barre : sa seule présence fait basculer l'antique décor des relations entre les Etats »121(*). En effet, étant le seul destinataire véritable des normes juridiques et des politiques, il peut maintenant en devenir le créateur, ce qui est assez inattendu. C'est ainsi que les ONG et les associations se sont vues reconnaître une existence officielle dans la politique internationale et ont contribué au renouvellement du droit dans des domaine majeurs ; Ce sont elles qui attirent l'attention de la communauté internationale sur un certain nombre de menaces à la sécurité humaine qu'il s'agisse des violations des droits de l'homme, des impacts négatifs de la recherche scientifique dans un domaine précis, des dégradations de l'environnement par un Etat, des ingérences injustifiées, etc.... Le Canada va plus loin et propose la participation des représentants élus aux niveaux internes et locaux dans la recherche de la sécurité humaine au niveau international.

B- Les exigences de coopération entre les acteurs de la sécurité humaine.

Pour assurer leur sécurité nationale, les Etats ont établi entre eux des mécanismes de coopération fonctionnelle en vue d'harmoniser leurs politiques monétaire, financière, commerciale et militaire. La recherche de la sécurité humaine les pousse de plus en plus à instaurer des mécanismes de coopération politique qui appellent impérativement à établir des relations avec les autres acteurs périphériques. Sous l'angle de la sécurité humaine, aucun Etat ne peut développer seul des stratégies de défense et de sécurité et ne peut ni conserver son indépendance122(*), ni se prémunir seul contre les menaces connus ou diffuses. Cette coopération doit être multilatérale et être la source de possibilités d'actions diverses. Les acteurs publics, privés et la société civile doivent se constituer en alliance pour développer des approches et des activités intégrées ; ces alliances, qui peuvent se constituer avec la promotion de la bonne gouvernance, pourraient établir une nouvelle légitimité horizontale au delà des frontières et viendraient utilement compléter les structures verticales traditionnelles et accompagner le renforcement d'une opinion publique internationale123(*).

La coopération entre ces acteurs implique une mobilisation des ressources financière, matérielle et humaine. A ce propos, la Commission sur la sécurité humaine propose la redistribution des moyens existant sur le plan international vers les priorités de la sécurité humaine d'une part, et d'identifier de nouvelles sources de financement pour donner une réponse plausible aux menaces affectant les groupes les plus démunis d'autre part. Les institutions comme le NEPAD au niveau africain pourraient jouer un rôle très important en insérant directement dans leur plan d'action des priorités impliquées par l'intégration de la sécurité humaine.

La sécurité humaine introduit des éléments nouveaux dans l'ensemble des échanges entre les sociétés nationales et les individus, éléments qui sont de nature politique et commande des effets, des actions politiques et humanitaires de la part des Etats. Cela est tangiblement mesurable dans les politiques publiques de ces gouvernements.

SECTION II- LA PRISE EN COMPTE INDIRECTE DE LA SECURITE HUMAINE DANS L'ACTION DES GOUVERNEMENTS

Les Etats, comme les ensembles qu'ils forment sont perçus aujourd'hui à travers leurs actions, positives ou négatives. Ces actions sont de plus en plus dirigées par des logiques économique, sociale et politique dépassant le cadre de la nation. Elles s'expriment en termes de processus par lesquels sont élaborés et mis en place des programmes d'action publique, c'est-à-dire des dispositifs politiques et administratifs coordonnés autour d'objectifs explicites124(*). Un retour aux menaces qui pèsent sur la sécurité humaine montre qu'elles peuvent faire l'objet d'actions des gouvernements seulement par le truchement de leur insertion dans les politiques publiques (paragraphe I). L'efficacité de ces actions dépend du degré d'assimilation des valeurs démocratiques par les gouvernements en question (paragraphe II).

Paragraphe 1- La sécurité humaine dans les politiques publiques des gouvernements.

Le caractère préventif de la sécurité humaine incite les gouvernements à prendre des mesures de protection dans leurs politiques publiques. Les politiques publiques, construits sociaux et construits de recherche, sont concrètement des programmes d'action gouvernementale dans un secteur de la société (santé, sécurité, alimentation...) ou dans un espace géographique (ville, région, pays tout entier...). Mais pour que la sécurité humaine fasse l'objet d'une politique publique, il faut qu'elle soit inscrite dans l'agenda politique, qui comprend l'ensemble des problèmes perçus comme appelant un débat public, voir l'intervention des autorités publiques légitimes. Le bien être des individus, par la satisfaction de leurs besoins primaires et le sentiment de sécurité est sans aucun doute une question primordiale de cet agenda. Mais, pour être inscrit sur l'agenda du décideur, un problème doit :

- être perçu par des élites et/ou des citoyens comme une situation existante s'écartant de celle qu'elle devrait ou pourrait être

- subir une procédure d'étiquetage qui le qualifie comme relevant de la sphère de compétence des autorités publiques

- donner lieu à l'intervention des décideurs politiques sous formes de mesures législative, financière, humaine et matérielle ou de non décision.

Le terme sécurité humaine même s'il ne ressort pas toujours dans les discours politiques des gouvernements leur est néanmoins sous-jacent. En effet, ce sont les différentes menaces à la sécurité humaine qui font l'objet d'actions concrètes, visibles et évaluables. Cet état de fait s'opère à travers la facilitation de l'accès aux services sociaux de base (A), qui participe à la construction et au renforcement du développement (B).

A- La facilitation de l'accès aux services sociaux de base.

Comment les Etats peuvent-ils atteindre un état de sécurité pour leurs citoyens dans des conditions sociales déplorables et avec des ressources limitées ? Comment doivent-ils procéder pour que les actions menées soient efficaces ? Comment peuvent-ils procéder pour arriver à une répartition égalitaire des ressources pour améliorer le bien-être des catégories les plus démunies et des exclus sociaux ? L'amélioration du système judiciaire, le renforcement des droits des femmes et des enfants, la protection des populations marginalisées l'élaboration des systèmes de santé publique conformément aux principes de droits de l'homme confèrent aux populations une sécurité à la fois sociale et politique qui est faite pour aboutir à la sécurité humaine. Armatya Sen125(*) est convaincu qu'il faut mettre à la disposition des individus des moyens spéciaux (éducation de base, soins médicaux primaires, ressources économiques comme la terre) pouvant leur permettre de renforcer leurs capacités d'améliorer leurs vies. Les gouvernants devraient réfléchir aux politiques et aux modes de gouvernement qui peuvent favoriser le respect des droits et des libertés précises dans les principales conventions sur les droits de l'homme ; C'est ce qui les amènera, pour Bertrand RAMCHARAN à définir les stratégies pour protéger la personne humaine126(*).

Le premier aspect qui permet une mise en oeuvre des politiques publiques dans un objectif de sécurité humaine est la détermination d'objectifs prioritaires; en effet, il convient de déterminer les populations menacées, en fonction de la gravité des menaces. Ce sont ces populations qui doivent prioritairement bénéficier des programmes envisagés. Toutes les politiques publiques s'insérant dans un processus de lutte contre la pauvreté ou de développement ainsi que celles relatives à l'assainissement des finances et la répartition équitable des ressources contribueront à l'instauration d'un climat de sécurité. Car, c'est l'argent qui est le nerf de la guerre, dans les différents conflits contemporains. Ces politiques peuvent avoir des objectifs larges ou spécifiques. Les premiers touchent une grande partie de la population et il s'agit de promouvoir le développement des infrastructures pouvant offrir un minimum de sécurité économique et sociale, avec la création d'emplois; ces infrastructures permettront d'offrir les services sociaux de base : santé, éducation des populations dans les zones les plus enclavés, circulation des vivres dans toutes les régions d'un Etat et même dans les Etats voisins, fourniture d'eau potable, etc. Pour ce qui est des objectifs spécifiques, il s'agit d'assister les personnes qui pour des raisons quelconques se trouvent dans des situations précaires : par exemple, les réfugiés, les handicapés, les personnes atteintes du VIH/SIDA... Ces politiques doivent tenir compte du caractère multidimensionnel de la  « sécurité humaine » et doivent être cohérentes. Les gouvernements prennent ainsi des mesures concrètes qui doivent mobiliser des ressources qui confèrent aux acteurs la capacité d'agir. Nous pouvons prendre comme exemple le Plan Sectoriel de lutte contre le VIH/SIDA qui participe aussi bien à la politique de santé publique, à la politique de lutte contre la pauvreté et à celle de développement au Cameroun. C'est une politique à caractère essentiellement préventive faisant partie d'un grand ensemble de la politique internationale d'éradication du fléau.

On peut prendre aussi l'exemple du Canada qui a entièrement intégré la sécurité humaine dans toutes ses actions politiques. Cette promotion de la sécurité humaine est due au fait que la notion incarne des valeurs qui depuis longtemps sont chères au peuple canadien : la tolérance, la démocratie et le respect des droits de l'homme, selon le sous ministre canadien adjoint aux politiques globales et à la sécurité au ministère des affaires étrangères et du commerce international, Paul HEINBECKER127(*). La sécurité y est axée sur la « défense avancée »128(*) et la sécurité collective sur le plan interne. Dans la politique extérieur du pays la sécurité humaine est omniprésente (le pays poursuit des activités visant d'un côté à prévenir les conflits armés et, en cas d'échec, intervenir afin de faire cesser la souffrance humaine, et de l'autre, à offrir une riposte efficace aux menaces posées à la sécurité des personnes, qu'il s'agisse de mines terrestres en Afrique ou du terrorisme en Amérique du Nord129(*)).

B- L'institutionnalisation d'un développement basé sur des objectifs de sécurité humaine

Le concept de développement a subi une évolution remarquable en très peu de temps. D'abord strictement économique, il s'est fait durable dans les années 1980 après le Rapport Bruntland et enfin humain dans les années 1990 après Armatya SEN. Avec l'avènement de la notion de sécurité humaine, le terrorisme et la persistance de la pauvreté dans le Sud, il semble que le monde ait amorcé une nouvelle ère dans laquelle le développement tend de plus en plus à se faire sécuritaire.

La promotion et la protection accrue de la personne font aujourd'hui partie des objectifs communément reconnus au développement ; c'est une condition sine qua none pour qu'un pays puisse vraiment accéder à un certain niveau de développement. C'est par le respect des droits de l'homme que la sécurité des personnes est garantie : les droits de l'homme constitue ainsi une condition et un objectif de développement. Le Rapport 1994 du PNUD institue la sécurité humaine comme un concept qui renforce le développement : puisque le concept de sécurité humaine implique que tous les individus ont les moyens de se prendre eux-mêmes en charge, ils doivent pouvoir satisfaire leurs besoins essentiels et gagner leur vie ; ce n'est qu'ainsi qu'ils accèderont à la liberté et qu'ils pourront contribuer à leur développement et à celui de leurs communauté, pays et du monde. La sécurité est un élément essentiel du développement participatif 130(*), ils convergent vers le même objectif131(*) et sont interdépendants : « la sécurité humaine crée un contexte propice au développement humain et la progression du développement humain peut considérablement la faire progresser »132(*). Les objectifs de développement peuvent être retardés par la violence ou les risques de violence. Dans un tel contexte, il devient essentiel d'accroître la sécurité des personnes ; de même, en s'attaquant aux causes profondes des conflits, en renforçant les structures de la gestion des affaires publiques, les initiatives de développement complètent l'action entreprise par les gouvernements. De ce fait, il existe une étroite corrélation entre développement durable et humain et les enjeux de sécurité. La sécurité humaine au sens large inclut la paix durable et la prospérité. Le PNUD soutient que les stratégies internationales et nationales de développement doivent s'appuyer sur les principes de droits de l'homme. C'est dire qu'elles doivent constamment être imprégnées dans leur conception et leur mise en oeuvre par les normes internationales des droits de l'homme.

L'idée d'un développement fondé sur la sécurité humaine rejoint celle d'un développement fondé sur les droits de l'homme lancée par le programme de réforme du secrétaire général de l'ONU qui appelait à la prééminence des droits de l'homme dans les activités de fond de l'organisation. Une approche fondée sur ces deux aspects de la dignité humaine a pour but de résoudre les questions de la discrimination, l'impuissance et les faiblesses des systèmes de responsabilités qui sont à la base des problèmes sociaux tout en appliquant des standards ainsi que des valeurs des droits de l'homme133(*). En effet, là où règne l'oppression, la corruption, la discrimination, la faiblesse des systèmes de responsabilité comme c'est le cas dans la majorité des pays les moins avancés, le développement est impossible. Le développement est la conséquence de la démocratie134(*) et non sa cause. Mais cette relation entre la sécurité et le développement renvoie, selon Jean DAUDELIN, à la situation des pays pauvres et elle n'engage les pays riches que du point de vue de leur responsabilité morale ; mais elle devient aussi une conséquence du développement durable, car le sous-développement du Sud et toutes les menaces qui y sont logées représentent une menace pour la sécurité de l'humanité entière et dès lors des habitants du Nord135(*).

Paragraphe 2- Les exigences de bonne gouvernance, une condition de sécurité humaine.

L'objectif de la sécurité humaine est de libérer les individus de la peur et de les prémunir contre le besoin. Or, ces éléments ont des causes multiples allant de l'instabilité économique à l'insécurité en passant par le non accès aux services sociaux de base. Cette situation résulte de la mauvaise gestion des affaires étatiques autant que de la pauvreté, de la « mal gouvernance ». La bonne gouvernance est sur plusieurs aspects une condition de sécurité en général et de sécurité humaine en particulier. La gouvernance suppose l'instauration de nouveaux modes d'élaboration des politiques publiques, centrés sur la négociation entre les différents acteurs économiques, sociaux et politiques en se fondant sur le principe de la « relativisation de la puissance publique à différents niveaux, local, national, international »136(*). Elle est définie par le PNUD comme l'autorité politique, économique ou administrative pour gérer les affaires d'une communauté. Elle renvoie à l'idée de gestion, de partenariat, de pluralité d'acteurs et de pouvoirs multi centrés. Cette idée de coopération des différents acteurs de la société renforce le dépassement de la conception stato-centré de la toute puissance de l'Etat et concourt à la mise en place de réseaux d'acteurs divers dialoguant et interagissant.

Si la sécurité humaine peut être considérée comme la somme de tous les droits formulés par le droit international au bénéfice des populations de tous les Etats ayant souscrit aux textes législatifs à la protection de l'être humain et de son environnement, le garant de la sécurité humaine et son application relève, en premier lieu du système politique dont s'est dotée chaque société. En ce sens la sécurité humaine a une finalité politique137(*). Cependant, la gouvernance va-t-elle véritablement aboutir à la sécurité humaine ? Cette question a tout son sens si on confronte la gouvernance à la réalité sociale contemporaine. En effet, les guerres civiles qui s'étalent en Afrique, les crises alimentaires ou sanitaire, les victimes de catastrophes naturelles qui se heurtent à l'inexistence de services sociaux même dans les pays les plus riches prouvent que la sécurité est plus une question de gestion que d'abondance. La gouvernance est donc un aspect important de la sécurité humaine et son objectif majeur est l'institutionnalisation de l'approche de développement basée sur les droits des individus. La démocratie étant un processus d'expansion de l'espace politique et des droits fondamentaux permettant aux masses populaires de prendre part à la prise de décision. Pour ce faire, il faut un changement de paradigme sur la nature de l'Etat, qui doit être perçu comme un ensemble d'institutions oeuvrant dans l'intérêt général. Cette vision est indispensable dans la lutte contre la corruption et l'arbitraire138(*).

La gouvernance devient ainsi le symbole de la démocratie participative qui permet l'organisation de débats publics initiant une « délibération rationnelle à laquelle chaque citoyen serait convié par delà le mandat représentatif donné aux élus »139(*). La démocratie est à la fois un impératif moral (l'aspiration permanente des êtres humains pour la liberté et pour un ordre social et politique meilleur, plus humain et moins égalitaire) et un processus social d'élargissement des droits fondamentaux. C'est une pratique politique ou un mode de gouvernance basé sur les principes politiques universels de représentation, de légitimité, de respect des lois, de participation et d'alternance. Par ce mode de gouvernance, tous les individus doivent prendre part aux décisions et aux interventions dont ils sont censés être les bénéficiaires. Elle commande à la fois des mécanismes participatifs et d'autogestion, et promeut la sécurité humaine et le renforcement d'un Etat de droit, car « l'idéologie libérale tend à privilégier la protection de la propriété privée au détriment de la sécurité humaine au sens large »140(*). Toutefois, le succès de la gouvernance démocratique et participative dépend de la volonté des gouvernants de mettre la sécurité humaine au centre de leurs politiques et de leurs préoccupations et surtout reconnaître son importance et ses incidences dans les rapports avec les autres Etats. C'est ainsi qu'il est reconnu qu'en Afrique, l'absence de démocratie est une des causes majeures des conflits, de la persistance du sous-développement, de la recrudescence de la criminalité, de l'institutionnalisation de la corruption, de l'arbitraire et de la violation flagrante des droits de l'homme, sont les causes majeures de l'insécurité, de l'effondrement de l'Etat et de ses moyens d'actions. Certains de ces phénomènes comme la corruption et la criminalité sont présents dans les sociétés du Nord et sont le résultat de l'alliance entre démocratie et transformation économique mal préparée.

On peut donc remarquer que démocratie, développement et droits de l'homme sont des corollaires de la sécurité humaine. C'est ce que Boutros Boutros GHALI a appelé les « 3D » dans les trois Agendas célèbres à l'occasion du 50ème anniversaire de la fondation de l'ONU, et qui ont été approfondis par son successeur Kofi ANNAN. Ces concepts « sont au centre de la notion de sécurité humaine qui se confond avec la protection sous toutes ces formes de l'éminente dignité de la personne »141(*).

CHAPITRE 4 : DE LA NECESSITE DE REAFFIRMER LA NOTION DE SECURITE HUMAINE

L'incorporation de la notion de sécurité humaine dans les politiques publiques contribue à rendre les individus moins vulnérables et à prévenir les situations qui les rendent vulnérables. Ainsi, la sécurité humaine renforce un certain nombre de politiques de protection des individus. Cependant, du fait de son imprécision et de son trop vaste domaine d'application, il y a des risques qu'elle constitue plus une entrave qu'un véritable moyen de protection. En effet, on peut se poser la question de savoir si elle est assez précise pour que l'on puisse en déduire des effets juridiques. Contenu dans des instruments qui ne sont pas nécessairement comparables, sa normativité est susceptible de varier : portée politique plus ou moins douteuse dans un cas et principe d'interprétation et d'orientation d'un certain nombre de règles de droit établies dans l'autre, la « sécurité humaine » a de nombreuses facettes qui sont quelques fois positives, mais constituent plus des faiblesses entravant son efficacité (section I). Toutefois, des applications faites dans certains pays, notamment le Canada, montrent qu'une reformulation ou une clarification de la notion lui ouvrira sans aucun doute un avenir plus prometteur, spécialement dans la protection des droits de l'homme (section II).

SECTION I : LES FAIBLESSES DE LA NOTION DE SECURITE HUMAINE

La première insuffisance que l'on rencontre face à la notion de sécurité humaine est d'ordre conceptuelle : elle englobe trop de choses et le risque est grand qu'elle ne veuille rien dire à la fin (paragraphe I). La seconde tient du fait qu'elle n'est consacrée pour elle-même par aucun texte à caractère juridique sur le plan international (paragraphe II).

Paragraphe 1 : Les limites conceptuelles de la sécurité humaine.

La sécurité humaine est conçue comme une liberté négative (freedom for) mais aussi comme une liberté positive (freedom to, freedom for)142(*). Notion « extrêmement large »143(*), concept fourre-tout dans lequel tout ou à peu près peut rentrer144(*), projet ambitieux145(*), les critiques de la notion de sécurité humaine ne manquent pas. Ses précurseurs font de lui une notion « salvatrice », mais sans lui donner exactement les armes nécessaires pour accomplir sa tâche. L'utilisation du terme sécurité humaine pour rallier les appuis politiques et justifier le bien fondé des interventions à l'échelle internationale par différents acteurs a été faite sans s'assurer d'un véritable consensus quant au sens spécifique à lui donner. Quelle que soit la situation, « l'urgence d'agir ou l'action concertée doit se transposer au plan de la réflexion conceptuelle »146(*). La sécurité humaine change le système de références conceptuelles de la sécurité d'un sens exclusivement orienté vers la sécurité des territoires à un sens plus vaste de la sécurité des individus. Et même lorsque cette réflexion conceptuelle est menée, force est de constater que la sécurité humaine n'acquiert de signification ou de substance qu'appréhendée en termes de menaces ou de dangers susceptibles de compromettre la survie et la sécurité des individus et des collectivités ; elle est plus « définie par son absence plutôt que par sa présence et s'avère davantage pour ceux qui s'y réfèrent un concept intuitif »147(*).

Les raisons qui justifient la naissance de la notion sont certes pertinentes, à savoir influencer les politiques des Etats pour une reconceptualisation des liens entre développement et sécurité148(*), avec en toile de fond l'idée que la sécurité est un corollaire du développement. Cependant, à force d'étendre le champ d'application de la notion, elle est devenue un concept creux dont l'impact politique est faible et la portée juridique insuffisante. Or, la sécurité humaine ne peut acquérir un minimum de valeur juridique que si l'on s'accorde à lui donner un contenu si léger soit-il et un domaine d'application si réduit soit-il pour que son insertion dans « l'univers » juridique soit assurée. Or, « si chaque chose entraînant une dégradation du bien être humain est qualifiée de menace à la sécurité, ce terme perd toute son utilité analytique et devient un synonyme au sens large de mauvais »149(*). Elle ne peut ainsi ni être véritablement appliquée dans les rapports sociaux ni dicter un code de conduite aux Etats ou aux individus. De ce fait, aucune sanction ne découlerait de l'atteinte à la sécurité humaine ou du non respect de ses principes directeurs. Un point important est aussi le fait que les Etats et même la communauté internationale n'a pas encore intégré de manière formelle les pratiques impliquées par la notion de la sécurité humaine dans ses us. En effet, bien que reprise sur la scène internationale, sa diffusion est restreinte et elle n'a pas véritablement influencé les pratiques en cours, hormis celle du Canada.

Une autre limite de la notion tient à la difficulté de la démarquer des notions et pratique du droit international comme les droits de l'homme, la sécurité collective, l'ingérence humanitaire et même le développement durable150(*). Cette difficulté découle de l'imprécision des menaces à la sécurité humaine et des questions liées à leur localisation. En effet, c'est une chose de clamer que les individus sont exposés à des menaces beaucoup plus importantes et plus graves que celles prises en charge par les systèmes actuels de sécurité -et de droits de l'homme-, c'en est une autre d'identifier, de mesurer et d'évaluer les fléaux potentiels. Pour ces trois aspects, il convient de trouver une méthode adaptée. Or, avec une définition au sens large, toutes les menaces qui pourraient nuire aux individus devraient être prises en considération. Ce critère ne permet pas une évaluation globale151(*). Il est donc impossible, pour des raisons pratiques, de couvrir toutes les menaces à la sécurité humaine. Taylor OWEN propose une évaluation basée sur le principe fondamental de la sécurité humaine, à savoir l'insécurité152(*) . La liste des menaces potentielles est longue, mais si on l'analyse sous l'angle des fléaux présents dans une région précise ou dans un pays déterminé, elles tendent à être plus précises. Ainsi, faire de la validité régionale le critère permettant de retenir ou non les menaces signifie qu'aucune menace grave ne sera exclue153(*). En outre, il est nettement mieux d'utiliser les données locales plutôt que nationales ou internationales car, il existe des différences considérables entre pays et à l'intérieur d'un même pays. Les menaces à la sécurité humaine doivent donc être retenues en raison de leur gravité et de leur pertinence régionale plutôt que sur la base d'une liste préétablie ou des données disponibles au niveau mondial154(*) pour respecter l'esprit original de la notion. Pour établir si une question donnée mérite d'être énoncée en terme de sécurité humaine, il convient de déterminer dans quelle mesure la sécurité des individus est en danger155(*).

Pour que la sécurité humaine puisse véritablement servir à une protection plus efficace des droits de l'homme, ou des individus dans leur ensemble, il apparaît indispensable d'en affirmer la portée. Or, la sécurité humaine n'est pas assez précise pour qu'on puisse en tirer les effets juridiques. Pour se faire, il faudrait que ses nouvelles idées confèrent ou privent de pouvoir les différents acteurs politiques. Et cela n'est réellement possible que si la notion est insérée ou prise comme référence dans des instruments juridiques.

Paragraphe 2 : Les insuffisances textuelles de la sécurité humaine.

A force de vouloir tout embrasser, la notion de sécurité humaine risque d'être semblable aux slogans vides de contenu que la communauté internationale, par le biais des organes des Nations Unies a pour habitude d'initier avec d'autant plus de facilité qu'ils ressortissent de recommandations de politique générale et qu'ils n'engagent juridiquement personne156(*), une sorte « d'habit de gala que l'on sort pour montrer son appartenance au beau monde »157(*).

La perpétuité d'une idée est garantie lorsque ses promoteurs l'embrigadent dans des normes qui, à défaut d'être insérées dans un texte fondamental, ont une valeur juridique certaine. Le bilan normatif de la sécurité humaine reflète le manque de consensus sur la définition même de la notion. Aucun texte international ne l'institue formellement. Quelques organismes internationaux y font référence158(*) mais il n'est octroyé aucun statut à la notion. La sécurité humaine ne fait malheureusement l'objet de textes ayant une valeur obligatoire et contraignante pour ses usagers. Elle est ballottée dans des déclarations d'intentions comme par exemple le G8 qui dans une réunion du 10 juin 1999, fait part de sa détermination à lutter contre les menaces multiples à la sécurité des personnes ; le symposium du millenium organisé par l'ONU en septembre 2000 a inscrit ses préoccupations de développement dans le cadre de la sécurité humaine. Ces différents forums ont contribué à ce que nous pouvons appelé une tentative de codification de la notion de sécurité humaine. La mise en place par quelques pays d'un Réseau de la Sécurité Humaine159(*) qui a pour but d'exhorter le dialogue direct des ministres avec le monde académique a fait une tentative d'énoncer des principes liés à la sécurité humaine, mais ne leur donne aucune autonomie à la notion. De la sorte, le RSH lie la notion aux droits de l'homme dans une Déclaration de Graz sur les Principes de l'Education aux droits de l'homme et à la Sécurité humaine160(*) lors de sa cinquième réunion ministérielle du 8 au 10 mai 2003 à Graz. Elle suit ainsi de près les principes énoncés dans la Déclaration de San José du 2 décembre 2001 de la Commission des droits de l'homme sur les droits de l'homme en tant que composante de la sécurité humaine. Celle-ci réaffirme l'inclusion du DIH comme composante de la sécurité humaine, mais comme la première, elles n'ont qu'une valeur morale. En outre, le nombre réduit de pays engagés dans le RSH constitue une autre faiblesse. Il convient donc de se pencher sérieusement sur la validité juridique de nouvelles normes consacrant la sécurité humaine ou la liant clairement aux droits de l'homme. En plus, la notion n'est pas entérinée par la jurisprudence. A titre de rappel, une notion peut être établie par les juges sans avoir fait l'objet de reconnaissance textuelle formelle et être intégrée dans le droit positif. Tel a été le cas pour la notion de développement durable.

La difficile recherche des formules équilibrées et consensuelles dans un domaine politique où se manifestent des intérêts nationaux divergents illustre parfaitement que nous sommes en face d'une notion émergente. La sécurité humaine apparaît comme une carrefour dans lequel se rattache un ensemble d'instruments juridiques dans la mesure où ils ont pour objet la protection de l'individu. Ce carrefour doit maintenant se transformer en un corpus juridique. Sinon, « elle entre dans cette catégorie de concepts nouveaux, seulement formulés et non opératoires...dans l'espoir qu'ils finiront peut être par produire des effets réformateurs souhaités dans l'ordre juridique international »161(*).

Lloyd AXWORTHY propose de renforcer les normes juridiques existantes et de créer la capacité de les faire respecter d'une part, et de créer de nouvelles normes pour les nouveaux problèmes comme la prolifération des armes légères, du VIH/SIDA, permettre l'applicabilité des normes juridiques aux acteurs non étatiques et aux situations de violence ne pouvant être qualifiées de conflit armé. Car, « si les Etats n'ont pas la capacité de faire respecter les normes actuelles ni celle de protéger les droits déjà reconnus, il est inutile de définir de nouvelles normes et de nouveaux droits »162(*) . Changer les textes juridiques ou créer de nouvelles normes ne sert en conséquence à rien surtout si ceux existants ne sont pas appliqués ou respectés faute de volonté politique.

SECTION II : LES PERSPECTIVES OUVERTES À LA NOTION DE SÉCURITÉ HUMAINE.

La notion émergente de sécurité humaine peut constituer sur un plan politique un réel atout pour la promotion et la protection des droits de l'homme en général et dans les pays les moins avancés en particulier.

Paragraphe 1- Sécurité humaine, atout non négligeable pour la protection internationale des droits de l'homme.

La sécurité humaine traduit une conception révélatrice de la protection internationale des droits de l'homme (A). Comme les menaces ont changé, les mesures de protection sont appelées à évoluer elles aussi. Mais cela ne se fera pas sans accrochage (B).

A- Une conception révélatrice de l'état de la protection des droits de l'homme.

La sécurité humaine apparaît comme le reflet de la situation de la protection des droits de l'homme. Elle exige la défense de l'individu contre toutes les menaces réelles ou potentielles à sa sécurité, lesquelles menaces ne sont autres que les atteintes aux droits politiques, sociaux, économiques et culturels. Son champ d'action se confond alors avec l'ensemble des mesures que l'on pourrait « théoriquement prendre pour assurer l'émancipation et le développement de la personne »163(*). L'émergence de la notion dans les sphères internationales peut s'analyser comme une réaction d'anticipation face à l'échec ou la faiblesse des mesures internationales et régionales de protection des droits de l'homme.

Quoi qu'il en soit, elle est appelée à renforcer les mécanismes et institutions de protection des droits de l'homme tels que prévus dans les organismes internationaux. Elle interpelle une pluralité d'acteurs à se concentrer systématiquement sur la sécurité des personnes et fait ainsi ressortir la nécessité d'accorder une attention accrue aux grandes questions auxquelles la communauté internationale ne s'intéresse pas encore suffisamment164(*). C'est d'abord tous les Etats qui sont les redevables de la sécurité humaine - comme des droits de l'homme- mais ce sont également les autres individus et toutes les entités publiques et privées, qui sont des détenteurs d'un pouvoir de droit ou de fait susceptible de porter atteinte à un droit ou à la sécurité de l'homme. En effet, chacun de ces acteurs peut être appelé à accomplir des objectifs de sécurité humaine sans préjudicier à sa mission première, même les institutions à caractère économique et financier. Le concept doit à cet effet être relié à une pratique pour donner une impulsion à de nouvelles initiatives, et permettre de développer de nouveaux modes de fonctionnement ou conférer le pouvoir à de nouveaux acteurs ou de nouvelles coalitions165(*). « La pérennité d'une idée se confirme lorsque des acteurs principaux vont plus loin que l'emploi du concept pour formuler de nouveaux intérêts et quand cette idée est transcendée dans l'identité même de ces acteurs »166(*).

Elle permet de tirer la sonnette d'alarme a priori sur les manquements aux droits de l'homme, renforce les mesures de protection de ces droits et instaure un climat favorable à l'épanouissement de l'individu. La sécurité humaine est sur la voie de la reconnaissance d'une valeur universelle pour les hommes du monde entier nonobstant leur origine, race et situation sociale, -au même titre que les droits de l'homme- car elle est basée sur le postulat de l'universalité des droits de la personne167(*). Dans la Déclaration de San José du 2 décembre 2001 sur les droits de l'homme en tant que composante essentielle de la sécurité humaine, les membres du RSH énoncent que « les droits de l'homme constituent un cadre normatif et un point de référence conceptuelle qui doivent nécessairement être appliqués à la construction et à la mise en oeuvre de la notion de sécurité humaine ». La notion de sécurité humaine permet d'identifier des indicateurs dynamiques pouvant servir aux décisionnaires chargés d'évaluer la probabilité d'évènements futurs pour ne pas être réduit à réagir aux situations de manière statique168(*). Elle s'inscrit dans l'évolution des droits de l'homme, mais il est nécessaire de l'appréhender avec prudence.

Les conséquences envisageables

L'une des conséquences possible de la sécurité humaine est la reforme des institutions internationales chargés de la protection des droits de l'homme. On l'a vu plus haut avec les interventions d'humanité du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le secrétaire général de l'ONU a dans cette optique proposé à l'Assemblée générale en mars 2005 une proposition de réforme de l'organisation avec la sécurité humaine comme principe fondamental de la réforme. Projet particulièrement ambitieux, son objectif étant de transformer l'organisation internationale pour améliorer son fonctionnement, renforcer sa légitimité et l'adapter au contexte international actuel. Le point le plus important étant la proposition d'élargissement du Conseil de sécurité par l'intégration de pays ayant joué un rôle international majeur comme l'Allemagne, le Japon et la Brésil. Il a proposé ensuite la réforme de la Commission des droits de l'homme et l'adoption d'une définition internationale du terrorisme « pour restaurer la confiance des opinions publiques envers l'organisation internationale »169(*). Cette réforme a suscité des débats immenses et inextricables pour aboutir à ce que beaucoup d'observateurs craignaient : les jeux de puissance ont paralysé le projet ambitieux de Kofi Annan.

L'autre conséquence est le renforcement du pouvoir des Etats. La sécurité humaine veut protéger les individus tout en maintenant la suprématie politique de l'Etat. La plupart des initiatives ou des solutions politiques suggérées exigent le lien de renforcement du rôle et des ressources de l'Etat170(*). En outre, il faut admettre « qu'en ce moment, la principale méthode pour assurer la sécurité des populations dans le cas des violations et des pénuries graves semble encore être de renforcer l'état de droit plutôt que de l'affaiblir au profit d'organisations politiques utopiques mal définies »171(*) . Ce qui peut attiser les désirs hégémonistes de certains Etats car, sous le prétexte de soutenir ses citoyens, l'Etat peut se servir de la sécurité humaine comme argument au service de ses intérêts nationaux et même utiliser la force pour les atteindre. C'est la raison pour laquelle le discours et la pratique de la sécurité humaine seront jugés selon sa capacité à initier une pratique politique réellement critique, conférant un pouvoir aux individus qui sont les sujets de la sécurité, leur permettant de limiter et de canaliser l'action des Etats.

Ils pourront ainsi contrôler eux-mêmes leur sécurité.

Paragraphe 2- Sécurité humaine, réel espoir pour la protection régionale africaine des droits de l'homme

Le continent africain souffre de lourdes atteintes aux droits individuels sur un fond d'effondrement économique. Les mécanismes régionaux se superposent aux mécanismes mondiaux de protection des droits de l'homme, de maintien de la paix et de la sécurité sans beaucoup de succès. Les conflits armés traînent derrière eux un cortège de fléaux comme la question des réfugiés, la famine, les maladies qu'une fois installées persistent et résistent à toute forme de solutions. Les séquelles du génocide rwandais sont encore présents dix ans après, le conflit fratricide dans la région des grands lacs, le conflit casamançais qui dure depuis plus de deux décennies et qui n'est pas près d'arriver à son terme, le conflit au Darfour et la récente crise ivoirienne dont le début est connu mais la fin ne peut être présupposée. Ce contexte est favorisé par des régimes autoritaires dans lesquelles les obstacles institutionnels, organisationnels et politiques empêchent la mise en oeuvre effective des instruments des droits de l'homme et des droits de l'homme. Ils permettent aussi le maintien de l'impunité au sommet des Etats et encourage la création de foyers de conflits par la « manipulation des leviers sensibles comme support électoral tels l'ethnie, la région, la religion, la nationalité »172(*).

La sécurité humaine est accueillie par les intellectuels africains comme une notion salvatrice un « concept prophétique » qui signifierait l'épanouissement total de l'homme dans toue sa plénitude par la préservation de son intégrité physique, morale, intellectuelle dans un environnement stable et économique viable » 173(*). Cet enthousiasme pour la sécurité humaine, qui traduit une vision idéaliste de la nation et des politiques qu'elle peut générer doit être relativisé. En effet, il est absolument nécessaire d'approfondir le débat régional africain sur ce que signifie la sécurité et l'insécurité humaine et sur les priorités à établir, le cas échéant, pour intégrer cette dernière dans les cadres régionaux conçus pour maintenir la paix, l'ordre et la sécurité physique174(*). Ce débat permettrait de sacrifier par ordre de gravité les menaces à la sécurité humaine sur le continent et appellerait les différents acteurs à collaborer dans la recherche des solutions possibles. Alioune TINE, président de l'Union Africaine donne une esquisse de ce qui constitue sur le contient les menaces les plus redoutables : la question de la paix, de la stabilité, de la sécurité des personnes et des biens, mais aussi la garantie de la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels des individus175(*). Vaste programme. De ce fait, l'instauration de la sécurité humaine en Afrique suppose avant tout la mise en oeuvre de mécanismes de la prévention des conflits sur la bonne gouvernance politique, économique et culturelle, sur le respect strict et continu des droits humaines et la mise en oeuvre des engagements solennels des chefs d'Etat relatifs aux droits de l'homme en particulier. Ces mécanismes ne seront d'une quelconques efficacité que si tous les acteurs de la société sont associés à leur élaboration. Dans cette optique, l'Union Africaine et le NEPAD doivent jouer un rôle capital car, comme le relève pertinemment Denis THIBAUT « l'un des principes fondamentaux du NEPAD est que la paix, la sécurité, la démocratie, la bonne gestion des affaires publiques, les droits humains et une saine gestion de l'économie sont des conditions préalables à un développement durable en Afrique (...) il sera donc de l'intérêt des pays de faire un effort dans la direction indiquées par le NEPAD, entre autres sur le terrain des droits humains, s'ils ne veulent pas être laissés pour comptes176(*). Ces ambitions ne se réaliseront certes pas en période expresse, mais il y a des raisons objectives d'espérer. Après l'identification des nombreux et difficiles facteurs qui supposent la stabilité et la paix sur le continent, par le biais de menaces à la sécurité humaine, il faudra renforcer et créer le cas échéant des stratégies et mécanismes de prévention et de gestion des conflits. On peut arguer contre cette proposition que la sécurité humaine ne serait plus ou moins qu'un nouveau mécanisme se surajoutant aux mécanismes mondiaux et régionaux existants dont l'efficacité semble bien faible. Mais, il faut garder en esprit que la situation serait probablement pire si tout le frêle mécanisme en place n'existait pas.

CONCLUSION GENERALE

En quelques années, la notion de sécurité humaine a généré une foule d'interpellations et a engendré toutes sortes de spéculations quant à l'impact possible qu'elle pourrait avoir sur la scène internationale et les droits fondamentaux. Au début de notre recherche, nous nous sommes penchés sur les droits de l'homme. Il était question de déterminer si la notion de sécurité humaine, individuelle ou collective aurait une incidence sur le système international de protection des droits de l'homme et serait applicable à tous les pôles de décision. Nous sommes partis du postulant selon lequel l'émergence de la notion est un indicateur de l'évolution des droits de l'homme et qu'il est nécessaire de réorienter le débat sur la protection internationale de l'individu : les menaces ayant changé, il faut que les systèmes de protection évoluent177(*). La sécurité humaine offre un angle de réorientation certain, mais qu'il faut analyser avec prudence.

Son atout majeur tiendrait au fait qu'elle attire l'attention et appelle aux actions concrètes sur plusieurs situations dans lesquelles la sécurité de l'individu est menacée. Dans ces situations, il est nécessaire de renforcer les mécanismes de protection existants ou d'en créer de nouveaux pour faire face aux nouvelles menaces. La quintessence de la sécurité humaine confie cette responsabilité à un panel varié d'acteurs de la société internationale et nationale en insistant sur la collaboration et la coopération qui doivent exister entre entités étatiques et acteurs non étatiques. C'est ainsi que les institutions financières et économiques par exemple se voient imposer des objectifs de protection sociale des individus.

Cependant, la notion de sécurité humaine est pleine d'ambiguïtés dues à l'absence de définition claire et précise. De la sécurité personnelle et politique à la sécurité des communautés, elle englobe les aspects économiques, alimentaires, sanitaires et environnementaux, tout en laissant ouverte la voie à toute nouvelle donnée susceptible d'entravée la sécurité des individus. Elle confronte l'individu à l'Etat en consacrant la primauté du premier. En outre, elle permet aux instances supra nationales d'intervenir dans les affaires internes des Etats tout en renforçant les pouvoirs de ces derniers par la consolidation de l'Etat de droit et la responsabilité qui lui est confiée de mettre sur pied des politiques publiques sécuritaires. Toutefois, la notion de sécurité humaine ne peut être invoquée pleinement que dans les sphères du politique, n'ayant aucune base juridique propre. C'est de loin sa plus grande faiblesse. Son application est donc laissée à la discrétion des gouvernements qui peuvent y tirer des idées utiles mais n'ont pas d'obligations positives envers ceux qui sont sensés être les principaux bénéficiaires : les individus. Bien qu'elle guide effectivement les politiques des pays comme le Canada, la Suisse ou la Norvège, la notion a du mal à forcer les portes nationales aussi bien dans certains pays riches que dans les pays pauvres. Les premiers voient une tentative d'appropriation par les « pauvres » des riches du Nord dans son objectif d'instaurer un système d'égalité . Les seconds quant à eux n'y voient qu'une tentative pour leur ôter leur « indépendance » et leurs « pouvoirs politiques » chèrement acquis.

On pourrait donc trouver dans la notion de sécurité humaine des idées utiles à la protection et à l'amélioration des conditions de vie de l'individu, mais de là à y voir un nouveau mécanisme révolutionnaire de protection des droits de l'homme, il y a une marge. Toutefois, on est loin de la redéfinition radicale de la sécurité ainsi que du renversement de la primauté de l'Etat voulus par le PNUD dans son rapport 1994.

Ce travail sur l'émergence de la notion de sécurité humaine dans la protection internationale des droits de l'homme n'a pas la prétention d'avoir épuisé tous les aspects de la question. Notamment la relation entre la sécurité humaine, les conflits armés et les questions relatives au désarmement. Toutefois, quelques précisions terminologiques permettront de mieux appréhender la notion dans la dynamique de l'évolution des droits de l'homme dans le droit international.

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III- RAPPORTS

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Rapport du PNUE sur le Développement durable, 2003

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Rapport de la Commission internationale de l'intervention humanitaire et de la souveraineté des Etats : l'obligation de protéger, Déc. 2004

IV- TEXTES

Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948.

Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966.

Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966.

Charte des Nations Unies du 25 juin 1945.

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Déclaration de Graz sur les principes d'éducation aux droits de l'homme et à la sécurité humaine, 10 mai 2003.

Déclaration de San José du 2 décembre 2001 de la Commission des droits de l'homme sur les droits de l'homme en tant que composante de la sécurité humaine

V- JURISPRUDENCE

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Commission Africaine des droits de l'homme et des peuples, affaire Social and Economic Rights Action Center for Economic and Social Rigths contre le Nigéria (SERAC), communication 155/96, adoptée à la 30ème session ordinaire, Banjul, octobre 2001

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http://www.un.org/

www.humansecurity.gc.ca/

www.humansecuritynetwork.org

www.oecd.org/

www.uqm.ca

Table des matières

Dédicace.......................................................................................

i

Remerciements...............................................................................

ii

Résumé.......................................................................................

iii

Abstract.......................................................................................

iv

Sigles et abréviations........................................................................

v

Sommaire

1

Introduction.................................................................................

2

I- Définition des concepts....................................................................

4

II- Motivations et justifications.............................................................

6

III- Intérêt du sujet...........................................................................

7

IV- Contexte de l'étude.....................................................................

8

V- Revue de la littérature. ..................................................................

9

VI- Problématique.........................................................................

15

VII- Hypothèses..............................................................................

16

VIII- Cadre méthodologique...............................................................

17

IX- Justification du plan..................................................................

18

Première Partie : La faible densité juridique de la notion de sécurité humaine

19

Chapitre I : L'imprécision de la notion de sécurité humaine.....................

21

Section I : Naissance et évolution de la « sécurité humaine ». ........................

22

Paragraphe 1 : Les origines diverses de la sécurité humaine...........................

23

A. Une notion à forte influence philosophique. ...................................

23

B. La sécurité humaine dans les lois de la guerre.................................

25

C. Les considérations politiques et socio-économiques ayant favorise l'expansion de la notion..........................................................

26

Paragraphe 2 : L'intégration continue de nouveaux paradigmes dans la notion de sécurité humaine..........................................................................

28

A. Le contenu extensible de la sécurité humaine.....................

28

B. Les caractéristiques attribuées a la « sécurité humaine ». ...............

33

Section II : Débats autour d'une notion de sécurité humaine ambiguë...............

36

Paragraphe 1 : Les thèses en présence....................................................

36

A. Le risque d'assimilation de la notion de sécurité humaine aux droits de l'homme...........................................................................

37

B. La sécurité humaine comme nouveau principe de coopération internationale.........................................................................

38

Paragraphe 2 : Une tentative d'élaboration d'une thèse médiane......................

40

Chapitre 2 : La sécurité humaine, une notion difficilement opératoire.........

42

Section I : L'absence de consécration textuelle de la « sécurité humaine ».........

42

Paragraphe 1 : La tentative d'encadrement juridique de la « sécurité humaine »...

43

A. Par les instruments des Nations Unies relatifs à la paix et à la sécurité internationale. .....................................................................

43

B. Par le droit international des droits de l'homme...............................

45

C. Par les normes du droit international humanitaire.............................

47

Paragraphe 2 : La protection par détour de la  sécurité humaine......................

48

A. La protection de la sécurité humaine comme sécurité internationale et nationale............................................................................

48

B. La protection au titre des Droits de l'Homme................................

50

Section II : La « sécurité humaine », socle de la multiplication des interventions internationales.................................................................................

52

Paragraphe 1 : les interventions des institutions politiques et financières internationales.................................................................................

53

A. La position du Conseil de Sécurité de l'ONU...................................

53

B. Les interventions des institutions économiques mondiales pour une sécurité des individus. .........................................................

56

Paragraphe 2 : L'action des juridictions pénales internationales dans une perspective de protection de l'humanité...................................................

57

A. La prévention et la sanction des crimes contre l'humanité les plus graves..

57

B. La sanction des responsables de l'insécurité de l'humanité..................

59

Deuxième Partie : La portée politique éventuelle de la sécurité humaine

62

Chapitre 3 : La sécurité humaine comme guide des politiques des Etats ......

64

Section I : L'intégration de la sécurité humaine dans l'agenda de la communauté internationale.................................................................................

65

Paragraphe 1 : La mise en place de politiques internationales à caractère préventif

65

A. Une nouvelle application du principe de prévention........................

66

B. La persistance de l'aspect curatif de la notion au niveau régional africain

68

Paragraphe 2 : L'élargissement des acteurs internationaux pour la sécurité humaine.................................................................................................................

70

A. Une redéfinition des acteurs de droit international.............................

70

B. Les exigences de coopération entre les acteurs de la sécurité humaine...

71

Section II : La prise en compte indirecte de la sécurité humaine dans l'action des gouvernements..............................................................................

72

Paragraphe 1 : La sécurité humaine dans les politiques publiques des gouvernements................................................................................

73

A. La facilitation de l'accès aux services sociaux de base........................

74

B. L'institutionnalisation d'un développement basé sur des objectifs de sécurité humaine..................................................................

76

Paragraphe 2 : Les exigences de bonne gouvernance, une condition de sécurité humaine.......................................................................................

78

Chapitre 4 : De la nécessite de réaffirmer la notion de sécurité humaine...

81

Section I : les faiblesses de la notion de sécurité humaine.............................

81

Paragraphe 1 : les limites conceptuelles de la sécurité humaine......................

82

Paragraphe 2 : les insuffisances textuelles de la sécurité humaine.....................

84

Section II : les perspectives ouvertes à la notion de sécurité humaine...............

87

Paragraphe 1 : Sécurité humaine, atout non négligeable pour la protection internationale des Droits de l'Homme. ...................................................

87

A. Une conception révélatrice de l'état de la protection des droits de l'homme............................................................................

87

B. Les conséquences envisageables.............................................

89

Paragraphe 2 : Sécurité humaine, réel espoir pour la protection régionale africaine des droits de l'homme........................................................................

90

Conclusion Générale.......................................................................

93

Bibliographie.................................................................................

95

Table des Matières.........................................................................

102

* 1 Rapport du PNUD de 1994 sur le Développement humain, Paris, Economica,

* 2 Ibid.

* 3 Le Canada a fait de la sécurité humaine son champ de bataille et veut obtenir sur le plan international un certain leadership comme le fait remarquer Béatrice PASCUAL, Charles Philippe DAVID et HEINBECKER dans leurs différents articles sur la sécurité humaine en général et l'exemple du Canada. De ce fait, il a inséré la sécurité humaine comme un des objectifs principaux de sa politique publique.

* 4 Kevin BOYLE et Sigmund SIMONSEN, « La sécurité humaine, les droits de l'homme et le désarmement », Les droits de l'homme, la sécurité humaine et le désarmement, Forum du Désarmement n°3, UNIDIR, 2004, p.7

* 5 Ibid

* 6 Nicolas VALTICOS, « La notion des droits de l'homme en droit international », Le droit international au service de la paix, de la justice et du développement, Mélanges Michel VIRALLY, Paris, Pedone, 1991, pp 483-491

* 7 Yves MADIOT, Droits de l'homme, 2è éd. Masson 1991, P. 26

* 8 Conduit par Raoul Dandurand, connu comme étant le précurseur de la sécurité humaine au Canada. Sont de ce courant la majorité des auteurs et des politiciens canadiens.

* 9 Voir Rapport 2003 du PNUE sur le Développement durable.

* 10 Lloyd AXWORTHY, « Le Canada et la sécurité humaine : un leadership nécessaire », Déclarations et discours, Ottawa, MAECI, déc. 1996, pp 1-2, cité par Béatrice PASCUAL et Charles Philippe DAVID, « Précurseur de la sécurité humaine, le sénateur Raoul DANDURAND (1861-1942), www.dandurand.uqm.ca. Consulté en mars 2005.

* 11 Théorie développée par la Commission Internationale e l'Intervention Humanitaire et de la Souveraineté des Etats, La responsabilité de protéger, Décembre 2001

* 12 NGUYEN, DAILLIER et PELLET, Droit international public, LGDJ, Paris, 2001, 7ème éd. p. 950.

* 13 Jean François RIOUX (dir), La sécurité humaine, une nouvelle conception des relations internationales. Coll. Raoul Dandurand, l'Harmattan 2001, p. 8

* 14 Yves MADIOT, « La protection internationale de la personne », La personne humaine, sujet de droit, T24. PUF, 1994, p. 175

* 15 Gérard COHEN-JONATHAN, « L'évolution du droit international des droits de l'homme », Mélanges offerts à Hubert Thierry, L'évolution du droit international, A. Pedone, Paris, 1998, pp. 107-127

* 16 Yves MADIOT, Droits de l'Homme, 2e éd. Masson, 1991, p. 186

* 17 Ibid. p. 185

* 18 op. cit. p. 132

* 19 Jean Didier BOUKONGOU, « Le droit international des droits de l'homme : mirage ou protection juridique ? », Les Annales de la Faculté de Sciences Juridiques et Politiques, Université de Dschang, T1, V1, 1997, P.107

* 20 J.M BECET et Daniel COLARD, les Droits de l'Homme, Economica, Paris, 1982, P.114

* 21 BOUKONGOU, article précité, P.109

* 22 Yves MADIOT, « La protection internationale de la personne », précité, p. 183

* 23 Ibid. p. 180

* 24 J. M. BECET et Daniel COLARD, Les Droits de l'Homme, précité, p. 144

* 25 Yves MADIOT « La protection internationale de la personne... »  op.cit, p.183

* 26 Taylor OWEN, « Des difficultés et de l'intérêt de définir la sécurité humaine », Les Droits de l'Homme, la sécurité humaine et le désarmement. Forum du désarmement 3, 2004 UNIDIR, P.17

* 27 Charles Pascal DAVID et Jean François RIOUX, « Le concept de sécurité humaine », La sécurité humaine, une nouvelle conception des relations internationales. Coll. Raoul Dandurrand, l'Harmattan 2001, pp. 19-30

* 28 Daniel COLARD, « La doctrine de la `'sécurité humaine `' : le point de vue d'un juriste », La sécurité humaine, op. cit. p.48.

* 29 Jean Jacques ROCHE, « Le réalisme face à la sécurité humaine », op.cit, P. 58.

* 30 Kevin BOYLE et Sigmund SIMONSEN, « la sécurité humaine, les droits de l'homme et le désarmement » Les Droits de l'Homme, la sécurité humaine et le désarmement. Forum du désarmement 3, 2004 UNIDIR, P.5

* 31 Taylor OWEN, « Des difficultés et de l'intérêt de définir la sécurité humaine », Les Droits de l'Homme, la sécurité humaine et le désarmement, Forum du désarmement 3, 2004 UNIDIR, P.25

* 32 Rapport 2003 de la Commission de sécurité humaine, La sécurité humaine maintenant, op cit, P 6

* 33 Kevin BOYLE et Sigmund SIMONSEN « La sécurité humaine, les droits de l'homme et le désarmement » op.cit, p. 26

* 34 Ibid, p.7

* 35 Pour reprendre l'expression de Jean Didier BOUKONGOU, son article « L'application de la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples par les autorités nationales en Afrique Centrale », L'application nationale de la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples Jean Francois Flauss et Elizabeth Lambert Abdelgawad (Dir.) Brulant 2004, pp. 121-159

* 36 Madeleine GRAWITZ, Méthodes de recherches en Sciences sociales, Dalloz, 11ème éd. 2001, pp442-446

* 37 Charles Philippe DAVID et Jean François RIOUX, `'Le concept de sécurité humaine'', La sécurité humaine, op.cit, p. 9.

* 38 On retrouve la notion dans plusieurs discours de Kofi Annan. La première référence à la sécurité humaine s'est faite dans le discours prononcé lors de la 54ème réunion de l'Assemblée Générale de l'ONU, en 2001.

* 39 Keith KRAUSE: « Une approche critique de la sécurité humaine», La sécurité humaine, nouvelle conception des relations internationles, op cit. P. 77

* 40 Idées reprises par Taylor OWEN, »Des difficultés à définir la sécurité humaine », Les droits de l'homme, la sécurité humaine et le désarmement, op cit, p. 18.

* 41 Kevin BOYLE et Sigmund SIMONSEN, « La sécurité humaine, les droits e l'homme et le désarmement », Les droits de l'homme, la sécurité et le désarmement, op.cit, p.6.

* 42 Charles Philippe DAVID et Jean François RIOUX, `'Le concept de sécurité humaine'', La sécurité humaine, une nouvelle conception des relations humaines, op cit, p. 20.

* 43 Ibid, p.22

* 44Rapport 1994 du PNUD sur le Développement humain, p. 23.

* 45 Du droit de la guerre et de la paix.

* 46 Du nom de son auteur, Francis LIEBER, professeur de droit au Columbia Colledge à New york. Ce code n'a pas valeur de traité; il était destiné à l'origine aux seules forces armées nordistes des Etats Unis engagées dans la guerre de sécession. Mais il énonce très bien les règles visant la protection des populations ne participant pas aux hostilités ainsi que des principes réglementant le comportement des forces armées pendant un conflit pour éviter de commettre un certain nombre d'exactions.

* 47 Daniel COLARD, « La doctrine de la sécurité humaine, le point de vue d'un juriste » , op.cit, p.39

* 48 Résolution de la Commission des Droits de l'Homme de l»ONU: Droits de l'homme et extrême pauvreté.

* 49 Communication n° 687/1996, constatations adoptées le 3 avril 2001, 71e session du Comité des droits de l'homme.

* 50Document d'information sur la sécurité économique, www.ccsd.ca/francais/pubs/20030)

* 51 www.ilo.org/public/french/bureau.

* 52 Sommet alimentaire mondial, Rome, 13-17 novembre 1996.

* 53 Lors de la 6ème Conférence ministérielle du Réseau de la Sécurité Humaine à Bamako au Mali.

* 54 www.sécurité-sanitaire.org

* 55 On peut voir à cet effet le jugement rendu par l'organe de règlement des différents de l'OMC le 12 juillet 1999, relatif à l'affaire du Boeuf aux hormones. Cet organe reconnaît `'le droit des membres (de la communauté européenne) à établir leur niveau approprié de protection lequel peut être plus élevé que celui qu'implique les normes, directives et recommandations internationales existantes `'. §5

* 56 Simon DALBY, « Les changements environnementaux et la sécurité des personnes: repenser le contexte du développement durable», www.isuma.net, consulté le 30 août 2005

* 57 Voir principe 3 de la Déclaration de Rio selon lequel «le droit au développement durable doit être réalisé de façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement et à l'environnement des générations présentes et futures».

* 58 Cf. § 140 de l'arrêt Gabcikovo /Nagymaros du 25 septembre 1997.

* 59 Etats multiethniques et protection des droits des minorités, Conférence mondiale sur le racisme, Durban, Afrique du Sud, 1-7 août 2001, www.un.org/french/WCAR/e-kit/minority.htm.

* 60Lloyd Axworthy ,Ministre des Affaires étrangères, Ottawa, Canada, discours du 29 avril 1999 «La sécurité humaine : la sécurité des individus dans un monde en mutation» , www.humansecurity.gc.ca/safety_changingworld-fr.asp

* 61 Barbara ARNEIL et Al, «Le changement de paradigme dans la sécurité humaine. Nouveaux regards sur la politique étrangère du Canada», Centre canadien pour le développement de la politique étrangère, University of British Columbia, 18 juin 1999, http://dsp-psd.pwgsc.gc.ca/Collection/E2-409-1999F.pdf. A titre de rappel, Lorsque les lycéens de Soweto manifestèrent au mois de juin 1976 réclamant de meilleures conditions pour mener leurs études et refusant la dernière mesure prise pour renforcer le "Bantu Education Act ", la police sud africaine répliqua en utilisant du gaz lacrymogène et en tirant à balles réelles. Des dizaines de lycéens sans défense furent tués ce jour, et des centaines d'autres personnes lors des émeutes qui éclatèrent par la suite à Soweto et dans le reste du pays pendant toute l'année 1976. Ces événements marquèrent un tournant dans la lutte contre le régime raciste sud africain.

* 62 Codification amorcée par la Déclaration de San José du 2 déc. 2001 de la Commission des droits de l'homme sur les les droits de l'homme en tan,t que composante de la sécurité humaine, et la Déclaration de Graz du 10 mai 2003 sur les principes d'éducation aux droits de l'homme et à la sécurité humaine.

* 63 Kevin BOYLE et Sigmund SIMONSON, « La sécurité humaine, les droits de l'homme et le développement » précité, p. 6

* 64 Rapport de la Commission sur la Sécurité Humaine, p.17

* 65 Taylor OWEN, «Des difficultés à définir la sécurité humaine» précité, p.25

* 66 Bertrand RAMCHARAN, «Les droits de l'homme et la sécurité humaine'' Renforcer le désarmement et la sécurité, Forum du désarmement un, 2004, p.41

* 67 David PETRASEK, «Une version allégée des droits de l'homme? Réflexions sur la sécurité humaine», Forum du désarmement 3, Les droits de l'homme, la sécurité humaine et le désarmement, 2004, p.68.

* 68 Gilbert RIST, «Les enjeux critiques de l'après-«développement», Repenser le développement et la coopération internationale, Etats et savoirs universitaires, Firouzeh NAHAVANDI (éd), Kharthala, 2003, p.49

* 69 Ibid, p.51

* 70 Daniel COLARD, «La doctrine de la sécurité humaine, le point de vue d'un juris», op.cit, p.51

* 71 Contrairement à l'avis de Jean Pierre QUENEUDEC qui reste dans la logique de l'indissociation entre paix et sécurité initialement consacrée dans la CNU ( voir son article «Les nouvelles menaces contre la paix et la sécurité internationales, l'ordre publique internationale», Les nouvelles menaces contre la paix et la sécurité internationales, Société française pour le droit international, A. Pedone, 2004, pp. 287-293

* 72 Pour reprendre l'expression de MWAYILA TSHIYEMBE, in «Les principes déterminants de la conflictualité», La prévention des conflits en Afrique Centrale, prospective pour une culture de la paix, Khartala, 2001, p. 288.

* 73 Charte des Nations Unies, art. 1

* 74 Charte des Nations Unies, préambule

* 75 Jean Marc LAVIELLE, Relations internationales. La discipline, les approches, les facteurs, les règles, la société internationale, les acteurs, les évolutions historiques, les défis. Coll. Le droit en question, dirigé par Emmanuel PUTMAN et Alain SER, p.159

* 76 Daniel COLARD précité, p. 39.

* 77 Art. 10 de la DUDH, art. 16 du PIRDCP, art. 6 de la CADHP, art. 7 de la Convention américaine relative aux Droits de l'Homme, art.5 Convention Européenne des droits de l'homme.

* 78 Affaire SERAC, communication 155/96, adoptée à la 30ème session ordinaire, Banjul, octobre 2001.

* 79 Termes de Koffi ANAN, lors du discours prononcé devant la 54e Assemblée générale le 20 septembre 1999.

* 80 Yves MADIOT, Les droits de l'homme, op.cit, pp. 234 et 235.

* 81 Bertrand RAMCHARAN « Les droits de l'homme et la sécurité humaine » précité, p.42

* 82 Rapport de la Commission Internationale de l'Intervention Humanitaire et de la Souveraineté des Etats, La responsabilité de protéger, Déc, 2001

* 83 Yves MADIOT, Droits de l'homme p. 129.

* 84 Ibid. p.191.

* 85 Yves MADIOT, «La protection internationale de la personne» précité, p.188.

* 86 Fatsah OUGUERGOUZ, La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples..., op. Cit, p.315.

* 87 Agnès DORMEVAL, Procédures onusiennes de mise en oeuvre des droits de l'homme...op.cit, pp.112 et 127.

* 88 Fatsah OUGUERGOUZ, La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples..., pp. 326-327

* 89 Josiane TEREINET, «Le Conseil de sécurité et la sécurité humaine», La sécurité internationale, nouvelle conception..., op.cit, p. 168.

* 90 Position de l'arbitre Max HUBER dans l'affaire de Palmes, CPA, 4 avril 1928.

* 91 NGUYEN, DAILLIER et PELLET, Droit international public, p. 448.

* 92 Rapport de la Commission Internationale de l'Intervention Humanitaire et de la Souveraineté des Etats, op.cit

* 93 Ibid

* 94 ibid

* 95 Josiane TERCINET, «Le Conseil de sécurité et la sécurité humaine», précité, p.179.

* 96 Fredéric RAMEL, «Les institutions économiques internationales et la sécurité humaine. Vers un nouveau régime de sécurité?», La sécurité humaine, une nouvelle conception..., p. 189

* 97Press release no 2005/424/S, 12 avril 2005, http//web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/NEWS.

* 98 Claude GARCIN, « Aspects pénaux de la sécurité humaine » la sécurité humaine, nouvelle conception...op.cit, P.2245.

* 99 TPIY, jugement du 7 mai 1997, affaire Tadic, § 653.

* 100 TPIR, Affaire Akayesu,jugement du 2 septembre 1998,§ 45.

* 101 Ibid, § 253

* 102 Claude GARCIN, « Aspects pénaux de la sécurité humaine », précité.

* 103 Lloyd AXWORTHY, « La sécurité humaine : la sécurité des individus dans un monde en mutation »  précité

* 104 TPIY, jugement du 7 mai 1997

* 105 Rapport de la commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des Etats, §3.30.

* 106 Ibid

* 107 Philippe CHRESTIEN, « L'influence des droits de l'homme sur l'évolution du droit international contemporain », Revue trimestrielle droits de l'homme, no 40, 1er octobre. 1999, p.736

* 108 Ibid. p. 738

* 109 Pierre de SENARCLENS, La politique internationale, col. Compact, Armand Colin, 4e éd. 2002, p.27

* 110 Ibid

* 111 Jean Paul HERBERT, «Sécurité humaine et nouvelle course aux armements», La sécurité humaine, une nouvelle conception..., op. Cit, p.144

* 112 La réparation insinue la détermination des coupables; or, l'impact transfrontiere de certaines atteintes à la dignité humaine la rend difficile, voire impossible.

* 113 Philippe GAUTIER, L'apport du droit international à la question de responsabilité, Quel avenir pour le droit de l'environnement ? cité par Nicolas de SADELER, Les principes du pollueur-payeur, de prévention et de précaution: essai sur la genèse et la portée juridique de quelques principes du droit de l'environnement, Bruylant, Bruxelles, 1999, p. 109, note 225.

* 114 Gérard COHEN-JONATHAN, «Les évolutions du droit international des droits de l'homme», article précité, pp. 122 et 123.

* 115 Nicolas SADELEER, Les principes du pollueur-payeur, de prévention et de précaution, op.cit, p.115

* 116 www.un.org/french/pubs/chronique2004

* 117 John COCKELL, «Prévention des conflits et coopération multilatérale», www.humansecurity.info/PDF/Cockell.

* 118 Charles ZORBIBE, L'avenir de la sécurité internationale, presses de sciences politiques, 2003, pp. 76- 90.

* 119 Selon un terme de la politique étrangère canadienne sur la sécurité humaine. www.humansecurity.org.

* 120 Cela est très important car, le Canada a déjà pensé à une approche africaine de la sécurité humaine qu'il essaye de mettre sur pied; Or, l'échec d'un bon nombre de politiques internationales comme de politiques internes résulte du fait qu'elles sont imposées à l'Afrique de l'extérieur et qu'elles ne correspondent pas toujours aux besoins réels ou prioritaires en la matière.

* 121 Jean Pierre COLIN, «La morphologie juridique des relations internationales», 2000, www.univ-reims.fr/Labos/CERI/la_morphologie_du_droit.htm, consulté en mai 2005.

* 122 Pierre de SENARCLES, La politique internationale, op.cit, p.234

* 123 Rapport de Commission sur la sécurité humaine, www.humansecurity-chs.org/finalreport/

* 124 Pierre MULLER et Yves SUREL, L'analyse des politiques publiques, éd. Clefs, politique, Montchrestien, 2000, p. 13.

* 125 Armatya SEN, « 

* 126 Bertrand RAMCHARAN, « Les droits de l'homme et la sécurité humaine », précité, p. 43

* 127 Paul HEINBECKER, «La sécurité humaine, enjeux inéluctables», article précité, p.11

* 128 Terme selon lequel les politiques canadiennes de sécurité et de défense sont articulées autour de menaces qui, même si leurs sources sont éloignées risquent de compromettre la stabilité du régime international ou, à un moment donné de menacer le territoire national. La défense avancée est une sorte de réponse à la mondialisation et au problème des réfugiés.

* 129 Paul HEINBECKER, précité, p. 13

* 130 Rapport 1994 du PNUD sur le développement humain p. 25.

* 131 Lloyd AXWORTHY, « La sécurité humaine: la sécurité des individus dans un monde en mutation » précité

* 132 Ibid.

* 133 Bertrand RAMCHARAN, op.cit, p.44.

* 134 Alain TOURRAINE, Qu'est-ce que la démocratie? Fayard, 1996, p. 61

* 135 Jean DAUDELIN, «Entre la peur et les bonnes intentions: sécurité humaine et Aide au développement au Canada», la sécurité humaine, nouvelle conception des relations internationales, p. 310.

* 136 Jean Pierre GAUDIN, Pourquoi la gouvernance, Paris, Presses de la FNSP, coll. La Bibliothèque du Citoyen, 2002, p. 37

* 137 Myriam GERVAIS, «Sécurité humaine, approche centrée sur les problèmes structurels», programme Genre et sécurité humaine, no 3, mai 2002, www.gesh-ghsi.mcgill.ca/pub-f/Gervais.dp.pdf

* 138 Georges NZONGOLA-NTALAJA, «Les dimensions politiques de la situation de l'Afrique dans le système mondial», in Alternatives Sud, vol. VIII (2002) no 3, cité par Georges NZONGOLA-NTALAJA, «Gouvernance et Développement», PNUD, 23 mars 2003. www.undp.org

* 139 Raphaël CANET, « Qu'est-ce que la gouvernance ? », conférence de la Chaire en mondialisation, Citoyenneté et démocratie, 16 mars 2004, www.chaire-mcd.ca

* 140 Georges NZONGOLA-NTALAJA, «Les dimensions de la politique» précité.

La sécurité humaine au sens large est sacrifiée au profit des visées capitalistes de l'idéologie libérale qui privilégie la propriété privée.

* 141 Daniel COLARD, « La doctrine de la sécurité humaine »p. 55.

* 142 Jean DAUDELIN, article précité, reprenant Art WRIGHT, Human development, note 12, p. 307

* 143 Daniel COLARD, «La doctrine de la «sécurité humaine»...p.41

* 144 Ibid.

* 145 Charles-Philippe DAVID et Jean François RIOUX, « Le concept de sécurité humaine», article précité,p.21

* 146 Ibid.

* 147 Ibid.

* 148 De 1970 à 1980, des rapports ont été publiés lors des conférences des Nations Unies sur le thème des relations entre le désarmement et le développement. L'idée étant que le Nord devrait procéder à son désarmement et consacrer les ressources dégagées par la réduction de l'achat et de la fabrication d'armes au développement des pays du tiers monde. C'est ce débat que rouvre le rapport du PNUD de 1994 en liant la sécurité au développement.

* 149 Daniel DEUDNEY, «The Case Against Linking Environmental Degradation an d National security» Millennium 19, 1998, p. 464, cité par Keith KRAUSE, «Une approche critique de la sécurité humaine», op. Cit, p. 76.

* 150 Voir Rapport 1994 du PNUD sur le Développement humain.

* 151 Taylor OWEN, « Des difficultés et de l'intérêt de définir la sécurité humaine », précité, p. 23

* 152 Ibid.

* 153 Ibid.

* 154 Ibid, p. 25

* 155 Lloyd AXWORTHY précité.

* 156 Pour reprendre ainsi la formule de Gilles FIEVET à propos de la notion de «développement durable» dans son article «Réflexion sur le concept de développement durable : prétention économique, principes stratégiques et protection des droits fondamentaux'', Revue belge de droit international, 2001, éd. Bruylant, Bruxelles, p. 135

* 157 Pour reprendre ainsi l'expression de Jean Didier BOUKONGOU parlant de l'effectivité des droits de l'homme en Afrique et l'application de la Charte africaine. Selon lui, les gouvernants africains s'empressent de ratifier les conventions internationales juste pour montrer leur appartenance à la communauté internationale, sans aucune intention de les appliquer concrètement. On peut lire cette critique dans «L'application de la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples par les autorités nationales en Afrique Centrale», in L'application nationale de la CADHP, Jean-François Flauss et Elizabeth Lambert Abdelgawad (Dir), Brulant, 2004, pp. 123-159.

* 158 Le PAM a une commission de la sécurité humaine et de la sécurité alimentaire et l'OMS a un département de santé et de sécurité humaine.

* 159 Le RSH est compose de 12 membres, ministres des affaires étrangères des pays suivant: Autriche, Canada, Chili, Grèce, Irlande, Jordanie, Mali, Pays Bas, Norvège, Slovénie, Suisse, Thaïlande et Afrique du Sud (en tant qu'observateur).

* 160 Disponible sur www.humansecuritynetwork.org

* 161 Gilles FIEVET, Réflexion sur le concept de développement durable : prétentions économiques, principes stratégiques et protection des droits fondamentaux », Revue Belge de Droit International, 2004 p. 141

* 162 Lloyd AXWORTHY, op.cit.

* 163 Jean François RIOUX, La sécurité humaine, une nouvelle conception des relations internationales, op. cit., p. 355

* 164 Lloyd AXWORTHY précité.

* 165 Keith KRAUSE, «Une approche critique de la sécurité humaine» précité, p. 84

* 166 Idem, p. 90

* 167 Jean François RIOUX, p. 359.

* 168 Nicole BALL, Rapport d'un colloque organisé par le Programme des d'études stratégiques et de sécurité internationale de l'institut des hautes études internationales de l'université de Genève, mars 2001, www.humansecuritynetwork.org.

* 169 Julien TOUREILLE, `'La sécurité humaine au coeur de la réforme de l'ONU'', www.uqm.ca

* 170 Idem, p. 97

* 171 Jean François RIOUX, op. cit., p. 357.

* 172 Alioune TINE, Préface de l'Afrique de l'Ouest face au défi de la sécurité humaine Dakar éd RADDHO 2005 P.7)

* 173 Mamadou SECK, « plus de 30 guerres en 34 ans » l'Afrique de l'Ouest face au défi de la sécurité humaine. Op. cit, P. 73

* 174 Karim HUSEIN, Donata GNISCI, Julia WANJIRU, «Sécurité et sécurité humaine, présentation des concepts et des initiatives. Quelles conséquences pour l'Afrique de l'Ouest? www.oecd.org/dataoecd/60/40/34616949.pdf

* 175 Alioune TINE, Op. Cit P. 7

* 176 Denis THIBAULT, « NEPAD et droits humains » l'Afrique de l'Ouest... P.34

* 177 Taylor OWEN, op. cit., p.






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