La république populaire de Chine comme partenaire au développement de la république du Sénégal: Enjeux et perspectives( Télécharger le fichier original )par Moustapha Sokhn A DIOP ENA - BREVET ENA 2007 |
2.2.2. LES STANDARDSL'essor de l'activité de standardisation en Chine est un exemple intéressant de l'importance stratégique de développer des activités de R&D en Chine. Les standards sont le moyen le plus efficace de mettre en place des barrières non douanières pour protéger l'économie d'un pays des importations et ne pas avoir à payer de droits de licence. La Chine en est consciente comme le montre le développement de normes nationales comme le WAPI, l'EVD, l'IGRS ou le TD-SCDMA... Cependant, les standards sont un domaine sur lesquels la Chine semble avoir évolué résolument vers une plus grande intégration au monde. La Chine a choisi de jouer le jeu du commerce mondial et, comme les autres pays industrialisés, joue un rôle dans la définition des standards. Elle se place sur ce créneau comme l'égal des autres pays développés. Il est ainsi important pour un pays, que pour les entreprises étrangères d'être présent en Chine pour pouvoir suivre de l'intérieur les efforts de standardisation et influencer ces développements. Siemens, Ericsson et Alcatel ont ainsi noué des partenariats avec des entreprises chinoises pour développer le TD-SCDMA. La recherche développement est devenue incontournable dans l'évolution des technologies. La Chine semble avoir montré la voie au Sénégal. Les réalités de la mondialisation veulent que notre pays se hisse au niveau des pays industrialisés. Les idées que nous développons sont loin d'être utopistes, la Chine, le Japon, l'Inde etc. sont passés par ce stade. Il faudrait surtout beaucoup de volonté politique et d'abnégation populaire pour y arriver. Déjà, des efforts, sont entrain d'êtres faits, même s'ils sont, par ailleurs, timides. L'essentiel serait d'accroître les compétences en Recherche et Développement, mais surtout, orienter la recherche vers les secteurs clés tels que les nanotechnologies, l'énergie nucléaire (civile), la biotechnologie etc. qui s'avèrent des créneaux porteurs de développement. Les Universités existantes43(*) ainsi que les centres universitaires régionaux44(*) peuvent être les réceptacles des activités de recherche et développement.
CONCLUSIONAu terme de notre étude, nous avons tenté de circonscrire les enjeux de la coopération sino-sénégalaise sous différents angles. Cependant, le manque d'informations lié au caractère nouveau du thème45(*) a limité notre analyse. Les fondements du développement chinois en Afrique se conçoivent sous l'angle de la géo-économie et de la géopolitique. Il est essentiel de considérer que ce développement se présente sous la forme d'une cohérence politique tant interne qu'externe. L'expansion à l'international devant assurer la légitimité du pouvoir chinois tout comme le développement du pays requiert la mise en oeuvre d'une stratégie d'expansion opportuniste. La Chine s'appuie sur son rôle « tiers mondiste » hérité de Bandoeng (1954) et du contexte de la guerre froide (3ème voie) pour expliquer sa légitimité en Afrique. Elle bénéficie donc de soutiens de pays africains tout comme elle justifie son projet politique mondial par sa volonté pacifique de participer aux affaires de ce monde au sein d'une gouvernance équilibrée ; opposition à la « pax americana ». L'exemple chinois montre en fait qu'il n'y a pas de théorie politique où économique qui puisse résister à la mondialisation. Les Etats se réadaptent en fonction des exigences du monde, des réalités économiques et des projections de développement. Les orientations politiques du Sénégal, en l'occurrence : un régime libéral « social », n'ont rien de contradictoires à celles de la Chine : un régime de socialisme « capitaliste ». En réalité, nous y verrons même une certaine complémentarité dans la mesure où chacun ne s'inspire que de ce qui est positif chez l'autre. Le développement fulgurant de la Chine, se mesure surtout par son PIB qui s'est élevé à 1650 US dollars en 2006. Malgré une croissance de 9,5% pour l'année 2006, la Chine se maintient à la 6ème place mondiale en raison de la baisse du dollar auquel est arrimée sa propre monnaie. Néanmoins, Elle dépasse la France et la Grande-Bretagne en 2007. Ainsi, elle est : - -1ère mondiale en agriculture, la Chine produit environ 13,5% des fruits, 18% des céréales (maïs et blé), 49% des légumes en 2004. Elle possède 50% du cheptel porcin mondial ; - 4ème en industrie après les Etats-Unis, le Japon et l'Allemagne. La Chine a généré en 2003 environ 6,9% de la valeur ajoutée manufacturière mondiale (29% de celle des PVD) ; - 3ème dans l'automobile, sa position est plus affirmée dans les poids lourds avec 1,58 millions d'unités en 2003 et les bus (1,11 millions d'unités) ; - 1er dans les télévisions, les jouets, les chaussures et les appareils électroménagers ; - 3ème dans l'informatique : les producteurs chinois souvent associés aux taïwanais s'affirment dans un nombre croissant de segments (périphériques, circuits intégrés, etc.). Quant au Sénégal, il offre des opportunités d'affaires qui drainent peu d'investissements autres que commerciaux. Sa situation géographique intéressante lui donne un accès facile aux marchés extérieurs : (9 jours. de bateaux/USA, 5 heures de vol / l'UE). Le Sénégal exporte également des matières premières sans transformation (Phosphate v/s engrais, anacarde, poissons...). Néanmoins, le climat des affaires est à améliorer, étant caractérisé par une faiblesse des Investissements Directs Etrangers, malgré ses avantages comparatifs avec : AGOA et TSA (coût des facteurs industries textiles). Dans la sous-région, il fait office de stabilité politique et offre un cadre favorable aux opérateurs économiques (Tata, Sénégal Pêche et armements, ferrailleurs indiens...). Au niveau du Continent c'est une « vitrine démocratique » disposant d'un poids diplomatique important (NEPAD, UA, implications dans la résolution des crises...). Le Sénégal est ainsi une porte d'accès stratégique en Afrique, il est en même temps un centre névralgique entre l'Afrique, l'Europe et l'Amérique. Toutes ces raisons font que la Chine ne pouvait se passer de ce pays. L'accès aux ressources naturelles constitue un fondement de la coopération ; dans le but d'assurer le développement économique chinois. L'objectif étant d'assurer l'indépendance énergétique du pays face à l'Opep et aux Etats-Unis et aux fluctuations des marchés de ressources (minéraux, bois, métaux, et surtout hydrocarbure). A ce titre, l'Afrique fournit 28% des hydrocarbures (Angola, Soudan, Congo Brazaville). La configuration de « l'eldorado africain » est un phénomène récent qui permet à la Chine d'écouler des produits « made in china » à faible valeur ajoutée comme à haut potentiel technologique mais cette politique a ses limites (dumping) qui peut, à terme réduire le développement de fait des pays africains. Mais en matière d'affaires, il faut être vigilant. Car la Chine vise d'abord ses intérêts avant ceux des Africains. Ainsi, les pays comme le Sénégal doivent faire preuve de responsabilité et de clairvoyance pour ne pas être « mauvais gagnants ». Déjà, des produits chinois inondent les marchés sénégalais, créant ainsi une sorte de concurrence déloyale vis-à-vis des produits locaux. De plus, le pays de l'empire du milieu est critiqué parce qu'il ne ménagerait pas assez les ouvriers sénégalais que ses entreprises basées dans le pays emploient. L'Afrique présente également un intérêt pour la Chine dans le processus de réunification avec Taïwan et sans la concurrence de Taïwan, l'attrait pour l'Afrique en serait sans doute moins marqué (Jiang, 2006). La rupture des relations diplomatiques entre Taïwan et le Libéria en 2003 et le Sénégal en 2005 symbolise ce renversement de tendance qui place la non ingérence comme l'un des moteurs de la coopération sino-africaine. Les nouveaux axes de coopération avec le partenaire chinois semblent dessiner un avenir prometteur. Cela dit, il appartient aux pays africains de savoir bien gérer cette nouvelle forme de coopération, de sorte à en tirer le meilleur profit. Cette coopération du genre donnant-donnant et gagnant-gagnant, pourrait tracer de profonds sillons de développement pour les pays du Sud. Ainsi, dans le cadre de cette présente étude, nous avons vu que la coopération entre la Chine et le Sénégal pourrait être avantageuse pour le Sénégal, comme elle pourrait également être désastreuse au niveau de certains domaines. Tout dépend du contenu que ce pays va vouloir lui donner. Le Sénégal devrait donc faire preuve de tact, afin de trouver un juste milieu pour que ce nouvel élan de coopération soit réellement profitable aux deux parties. Les Occidentaux semblent mal apprécier ce rapprochement entre la Chine et le Sénégal du fait qu'ils perdent du terrain dans le pays. D'ailleurs, ils sont eux-mêmes résolus à accentuer leurs relations commerciales avec ce pays d'Asie. La Chine est en effet un vaste marché à cause notamment de son importante population. Lorsque les consommateurs sont aussi nombreux, les opportunités d'affaires sont généralement alléchantes. Si l'occident s'évertue à exploiter ce créneau, pourquoi pas notre pays ? Le Sénégal peut bien tirer profit de l'expertise chinoise déployée en Afrique. En terme de développement, le Sénégal gagnerait assurément à s'inspirer du modèle chinois. Ce pays, jadis sous-développé, a effectué une percée fulgurante en quelques décennies, laissant loin derrière, les Etats africains. Peut-être qu'enfin, l'heure du réveil a sonné. La Chine est assurément en train de leur indiquer la voie. De son côté, le Sénégal attend de la Chine non pas une invasion par des produits bon marché, mais surtout une coopération qui puisse lui permettre de renforcer ses infrastructures, de diversifier son tissu industriel et bénéficier d'un transfert de technologie. Afin d'optimiser la coopération entre les deux pays, nous proposons un certain nombre de recommandations que nous exposons comme suit : - il faudrait d'abord consolider l'intégration régionale comme cadre de la coopération, dans la mesure où la Chine réfléchit en termes d'ensemble régional africain et non par pays. Selon S.E.M. Cheikh Tidiane Gadio, Ministre sénégalais des Affaires Etrangères, les Africains gageraient à unir leur force, et harmoniser leur positions en matière de coopération avec les autres pays, ou continent. Pour cela, la mise en oeuvre des Etats-Unis d'Afrique est impératif ; - avoir une vision sous-régionale en fonction de la spécificité des questions de la coopération ; - impliquer la Chambre consulaire régionale de l'UEMOA et les organisations patronales et régionales. - s'appuyer sur la chambre consulaire sino-africaine ; - disposer d'une vision politique de ce que souhaite le Sénégal pour renforcer sa diplomatie économique ; - afficher des ambitions claires et se doter des moyens de leur réalisation ; - pour renforcer ses partenariats autour de la stratégie de croissance accélérée du Sénégal ; déterminer ce que le Sénégal peut tirer de la Chine : Quelle valeur ajoutée le Sénégal peut-il tiré a vis-à-vis de ce marché ? - renforcer un réel transfert de savoir-faire et de technologie (Agriculture, Call Center, Pisciculture...); - attirer des opérateurs économiques intéressés à investir dans des stratégies plus durables que le commerce de produits de consommation courante (Intégration des Chaînes de production) ; - promouvoir les échanges et les investissements à partir de forums, salons etc. ; - donner une place privilégiée au secteur privé dans la coopération ; - assurer un suivi des plans d'actions et une évaluation annuelle. * 43 Université Cheikh Anta DIOP et Universités Gaston Berger. * 44 CUR de Thies, Bambey et Ziguinchor. * 45 Le rétablissement des relations entre la Chine et le Sénégal n'a duré que 18 mois. |
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